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Les métiers

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La recette

La recette

Le Style—Les métiers Il y a des luxes pérennes, d’autres plus éphémères. Resteront dans nos mémoires ceux qui auront su éveiller nos sens. D’où ces trois métiers, passeurs de savoir-faire et de patrimoine, cristallisant un goût commun pour

la lenteur et la matière première. Par Myriam Commot-Delon Photos Alexis Delon / Preview

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Humer, toucher, contempler

10, rue du Renard-Prêchant ronsard-fleuriste.com

Ronsard

Et si la fleur était le nouveau Carpe diem?

Ronsard, c’est l’idée d’un bouquet essentiel. La nature y a le premier rôle : c’est la matière première. Adepte d’un esthétisme agreste et champêtre, ce ravissant fleuriste blotti depuis septembre au rez-de-chaussée de l’immeuble écologique Greenobyl de G-Studio ne fait qu’un avec son bardage de bois ourlé de graminées. Ce jour-là, dans ses deux vitrines tableaux, un chrysanthème piqueté dans un petit vase trapu, quelques délicates compositions séchées sous cloche. Une accumulation d’orchidées Vanda suspendues racines à l’air laissent deviner une grande alcôve à l’enduit de terre crue débordant d’herbes de pampa, de branchages autochtones et de vases à l’efflorescence pigmentée. Un contraste entre épure et abondance, teintes désaturées et sursaturées, signent d’emblée un geste radical et une approche singulière. Derrière cette signature verte, quatre mains fraîchement reconverties : celles de l’artiste Jeanne Osswald-Gouzi, formée à L’école des Fleuristes de Paris, et de Fanny Herrmann, ex-responsable marketing, spécialisée aujourd’hui en décoration végétale événementielle après l’obtention d’un CAP fleuriste. Débordantes d’énergie et d’éclats de rire complices, elles ont voulu leur Ronsard comme elles : empreint de contemporanéité, de good vibes et de réflexions écologiques… excepté lors de la période hivernale où elles ne peuvent faire sans injecter quelques bottes de fleurs importées pour combler leur créativité et leur comptable. Leurs végétaux glanés (ce sont deux super-cueilleuses) ont du panache, avec leurs mille nuances de beiges. Des plantes herbacées vivaces et invasives, comme la renouée du Japon, ensauvagent avec extravagance leurs compositions de fleurs françaises ou issues de circuits courts. Parce qu’ici, la question écologique et émotionnelle est affaire de contrastes, artistiquement nourrie des trois obsessions de Jeanne la plasticienne: brutalisme, étrangeté et poésie.

Le temps long, un acte de résistance?

« En ces périodes de bouleversement écologique, il faut plus que jamais mobiliser nos émotions positives envers la terre, la nature. Donner à la lenteur ses lettres de noblesse en prenant par exemple le temps de glaner des végétaux lors de promenades, surtout dans un monde où l’immédiateté prend trop d’importance. C’est cette nouvelle perception au monde, cette nouvelle ère, le Symbiocène, qui nous tient à cœur.»

27, rue de la Krutenau serena-galini.com

Maison Serena Galini

Et si le parfum de terroir était le dernier geste locavore ?

Un lieu de débauche olfactive, aussi engagé que romantique. Avec son ambiance d’apothicaire vintage, son bar à parfums aux formules 100 % naturelles (le seul en France à ce jour) et ses ateliers olfactifs, la maison de parfums Serena Galini éveille les sens. Cette boutique insolite au charme XIXe et à l’atmosphère unique a été imaginée par Nina et David, fratrie trentenaire à l’allure aussi rock que longiligne. Tombés dans les senteurs dès leur plus jeune âge, les deux globe-trotters, après un parcours professionnel dans la communication et le commerce, ont rejoint en 2018 leur mère Isabelle Prin Du Lys pour créer Serena Galini et ses jus naturels haut de gamme. Deux ans plus tard, ils lançaient Lupanar, une ligne de parfums d’intérieur et de bougies éco-responsables au nom malicieusement provocateur. Conçues comme des romans olfactifs, la collection «Autrefois mon Quartier » rend hommage à l’histoire de notre cité et à ses territoires sensoriels. Fiers de leurs racines et amoureux de littérature et de poésie, leur cheminement créatif a débuté par une plongée au cœur des archives de la ville: «Avec Nina, nous avons commencé par y passer deux mois, raconte David, à photographier et à faire traduire par nos amis des documents du début du siècle relatifs aux différents quartiers de Strasbourg, pour la plupart édités en allemand ou en alsacien, avant de nous attaquer aux fragrances. » En parfumerie, où tout est question de proportions et d’accords, l’imaginaire a une part de magie. La collection «Autrefois mon Quartier » retranscrit leur vision romancée du quartier Gare au début du siècle, de l’Orangerie, de la Cathédrale, des Contades, de la Petite France et de la Krutenau où se niche leur boutique. Dernière commande particulière (de la ville de Strasbourg) : l’odeur des Bains Municipaux, des accords chauds aux envolées rafraîchissantes diffusés sur place depuis sa réouverture.

Le temps long, un acte de résistance ?

David : « Avant de me consacrer à notre maison de parfums d’auteurs, je travaillais pour le diable. Il y a bien sûr les aléas de l’entreprenariat mais je ne reviendrais pour rien au monde aux métiers de la grande distribution. Je ne voulais plus de ça, Nina qui travaillait dans le milieu de la mode non plus. On ne peut pas avoir le mot productivité tout le temps à la bouche ; acquérir des connaissances, lire, se cultiver, prend du temps. Sans cette « matière », nous ne pouvons créer. »

4, rue du Fossé des Tailleurs revenge-hom.com

Revenge Hom

Et si la mode ce n’était pas tout changer sans cesse ?

« J’aime les choses usées », dit si joliment Jane Birkin. Quoi de plus réconfortant en effet qu’un pull trop porté, trop préféré ? Mais pour les user, les choses, encore faut-il qu’elles soient de bonne qualité. Aujourd’hui, un vestiaire sensé, qu’il soit féminin ou masculin, se doit d’être moins consumériste et se bâtir de « pièces » intemporelles qui rassurent et réchauffent les souvenirs. Chez Revenge Hom, Valérie Pombart cultive saison après saison cet art du beau vêtement et du bel accessoire qui perdure. De sillons en patrimoines, elle construit depuis 13 ans un vestiaire exigeant, en s’appuyant sur des savoirs uniques et souvent centenaires. Du RoyaumeUni, elle choisit les bretelles historiques Albert Thurston ou la maille de John Smedley, plus ancienne société de tricotage au monde. D’Écosse, les écharpes d’exception de la Maison Begg & Co (depuis 1866), qui ne nécessitent pas moins de 25 étapes de fabrication, dont un brossage unique avec des fleurs de cardères séchées pour donner à la laine cet aspect ondulé et duveteux qui fait leur spécificité. Les textiles sont également choisis pour leurs spécificités : en été, elle privilégie une fibre écologique comme le lin, en hiver le Geelong, le nec plus ultra du lambswool issu de la première tonte des moutons. Des choix viscéralement liés au respect de la matière et de tous les métiers qui transmettent des valeurs humanistes. Cela inclut de prendre le temps de visiter, dans le Maine-et-Loire, l’usine historique Aiglon avant de leur commander leurs iconiques ceintures tressées, de collaborer avec des ateliers de maroquinerie italiens pour composer ses propres associations de cuir et finitions ou de se rendre religieusement deux fois par an au Pitti Uomo, la grand-messe de la mode masculine à Florence, où «le mal fait n’a pas sa place ». Valérie y retrouve ses deux labels transalpins préférés: Transit, le plus contemporain, syncrétisme parfait de complexité et de simplicité, et Tagliatore, une affaire de famille depuis trois générations, qui cultive ce chic masculin nonchalant inimitable qu’on appelle en Italie la Sprezzatura.

Le temps long, un acte de résistance?

« Sélectionner des manufactures ancestrales, c’est combattre la fast fashion. Mon sourcing demande beaucoup de temps et d’engagement, de même qu’initier une clientèle en lui transmettant leurs secrets de fabrication et leur histoire. Il n’y aurait pas de pérennité des savoir-faire sans cela. »

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