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Le produit
from Zut Strasbourg n°48
by Zut Magazine
La Table—Le produit Gaillard et aussi rond que le monde gustatif qu’il est susceptible d’offrir, le chou – qui plus est, le chou à choucroute – n’apparaît pas naturellement comme un légume festif. Il est néanmoins le plus représentatif de la région. Fermenté, il constitue l’un des emblèmes alsaciens et incarne parfaitement l’éloge de la lenteur.
Par Cécile Becker / Réalisation Myriam Commot-Delon / Photo : Alexis Delon / Preview
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Le chou à choucroute
On l’a pensé très fort : cette phrase, « Savez-vous planter les choux à la mode de chez nous » a dû être écrite par une personne bien de chez nous. Vérification faite : niet… Cachez la vérité que les êtres candides tout juste sortis du chou ne sauraient voir… Cette comptine nous provient du Moyen Âge et est en fait une chanson paillarde évoquant l’acte sexuel qui mène à la petite graine. On aurait pu s’en douter. Heureusement que chez nous, les gamins sont livrés par cigogne… Emblème de la région et particulièrement de Krautergersheim, capitale de la choucroute, d’où provient 25% de sa production française (pas étonnant qu’il faille fermer les fenêtres de l’auto en passant à proximité…), le chou à choucroute est un cabus Quintal d’Alsace parfois appelé « chou de Strasbourg ». Jusqu’à 7 à 10 kg de bonheur par tête. D’autres variétés peuvent être utilisées mais c’est la plus communément employée pour sa facilité et rapidité de culture. Là encore, notre potentiel chauvinisme fait chou blanc puisque ce sont les Chinois qui ont été les premiers à découvrir « l’astuce » de la fermentation. Pour faire une bonne choucroute, il faut d’abord laisser le chou fermenter. Comme souvent en gastronomie, les grandes découvertes et les meilleures recettes sont issues de hasards ou d’erreurs : au IIIe siècle avant J.-C., les ouvriers qui construisent la Grande Muraille affrontent un hiver particulièrement rude. Contraints de se mettre à l’abri rapidement, ils laissent la nourriture sous la neige et paf, ça a fait de la choucroute crue. La suite ? Les envahisseurs, évidemment, ramènent la recette en Allemagne qui, dès le XVIe siècle, maîtrise la fermentation au sel. Et surprise : ce sont d’abord les bateliers allemands voguant sur le Rhin qui se bâfrent de choucroute. Elle était donc plus volontiers accompagnée de poissons d’eau douce, péchés dans le fleuve. Toujours est-il que la choucroute semble être la coqueluche des marins. Entre 1768 et 1771, l’explorateur James Cook décide de nourrir son équipage deux à trois fois par semaine avec de la choucroute pour éviter le scorbut (le chou contient de la vitamine C à gogo). On constatera plus tard que pas un seul homme de Cook n’est mort, confirmant les nombreux écrits, publiés depuis l’Antiquité, louant les vertus thérapeutiques du chou. Pour les Grecs, c’est même un fabuleux médicament : Hippocrate considère que c’est un remède antidysentérique, par exemple. Une légende semble coller fort aux basques du chou, partagée entre les Égyptiens, les Grecs et les Romains : celui-ci serait un remède contre les douleurs de la goutte, les ulcères, les problèmes de vue et l’ivresse. Il suffirait même de grignoter une feuille de chou pour éviter de sombrer dans des mirages alcooliques (on ne vous garantit rien…). Pratique pour les fêtes de fin d’année. Nicandre de Colophon, poète et médecin semble-t-il bien porté sur le jaja, écrit : « Avec le vin et les paroles magiques, aucun remède n’inspire plus confiance que le chou. » Le chou, c’est un peu le prince du potager médiéval (la patate lui vole la première place) avant de tomber en désuétude à partir du XVIIIe siècle. Encore plus d’anecdotes ? L’empereur romain Dioclétien (244-312) règne à partir de 284, on le connaît pour avoir persécuté les Chrétiens en 303, considérant que le christianisme est une offense au divin empereur… Deux ans plus tard, il en a soupé des conflits testostéronés, prend sa retraite pour notamment s’occuper de son potager, inspiré par Caton l’Ancien qui adore le chou et considère que les Romains ont grâce à lui pu se passer de médecin pendant 600 ans. Alors, quand un messager arrive pour le supplier de revenir sauver l’empire des griffes de l’anarchie, Dioclétien le conduit dans son potager et lui dit : « Regarde-donc comme mes choux sont bien pommés. » Le messager repart bredouille. Côté cuisine, le chou est aujourd’hui la star des accompagnements de viandes grasses, de salades autant estivales qu’hivernales (la salade de chou japonaise est l’une de nos préférées) et de soupes riches. Avant de le cuisiner ou de le fermenter, il convient de le frotter avec du sel, de le laisser reposer, de bien l’essorer et de le presser. Dernier conseil : acheter ou offrir l’incontournable Le chou blanc – dix façons de le préparer aux Éditions de l’Épure…