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Le portrait

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Le test

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La Table—Le portrait Aux portes de Hautepierre, Sarah Kanj, une jeune entrepreneuse franco-libanaise, a décidé de faire rayonner les saveurs du Moyen-Orient. Il y a tout juste un an, elle a lancé sa micro-entreprise, Levanthym, qui élabore un zaatar issu d’une

recette de grand-mère. Par Tatiana Geiselmann / Photos Klara Beck

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Le goût authentique du Levant

Produits disponibles à la pâtisserie Sébastien, à La Nouvelle Douane, chez Marmelade, Coffee’s Cool et sur le site Internet. Chalet sur le marché de Noël place Broglie et au Pop Up de créateurs 13, rue de la Mésange Quand on arrive devant les locaux de Levanthym, au début, on est un peu perplexe. Face à nous, un long bâtiment rectangulaire en métal gris, anguleux et fermement ancré dans du béton : la pépinière d’entreprises de Hautepierre. Derrière nous, l’hôpital. Tout autour, un vacarme de voitures et des odeurs de pot d’échappement. Cependant, une fois passée la porte du hangar numéro 8, on oublie vite cette sinistre grisaille. Déjà, il y a cette odeur qui nous enveloppe, une odeur à la fois chaude et citronnée. Ensuite, il y a le calme qui règne dans cette vaste pièce de 70 m2, largement tapissée de bois. Et puis, nos yeux sont happés par ces dizaines de bocaux en verre qui trônent sur les étagères. Des pots d’épices confectionnés par Sarah Kanj, la jeune entrepreneuse à la tête de Levanthym.

Une recette de famille

Sarah est Franco-Libanaise, elle a 36 ans et il y a moins d’un an, elle a décidé de quitter son boulot d’ingénieure en télécoms pour se lancer dans la fabrication du zaatar. « Le zaatar, c’est comme le sel au Liban, nous explique la jeune femme. C’est un assemblage d’épices caractéristique des pays du Levant, que l’on met dans presque tous les plats. » Une épice qu’elle, elle mettait toujours dans sa valise quand elle partait voyager. « Quand je quittais un Airbnb, je laissais un petit sachet de zaatar dans l’appartement pour remercier mes hôtes, se rappelle la trentenaire. Celui préparé par ma grand-mère. » Car le zaatar est une histoire de famille. Au Liban, mais aussi en Jordanie, en Palestine, en Syrie et en Israël, chacun a sa recette, jalousement gardée et choyée.

Quelques ingrédients se retrouvent tout de même dans toutes les préparations. Déjà, le zaatar lui-même, qui a donné son nom au mélange : une herbe sauvage, origanum syriacum, à mi-chemin entre thym et origan. Ensuite, il y a le sumac, un condiment couleur grenat, au goût légèrement piquant et citronné, que l’on obtient à partir des baies séchées du rhus coriara, un arbuste sauvage de la famille du pistachier. Enfin, dernier élément incontournable : les graines de sésame dorées, qui apportent un léger croquant.

Une histoire de femmes

Lorsque Sarah revient s’installer en France – après des années à parcourir le monde – impossible pour elle de trouver du zaatar à la hauteur de celui de sa grand-mère. « J’ai essayé tout ce que je trouvais dans le commerce, toutes les marques, mais aucune ne me rappelait mon pays. » Elle regarde alors les étiquettes : « Dans certains mélanges, il y avait du cumin, parfois de l’origan ou de la menthe, et dans certains pots, il n’y avait même pas de thym sauvage… » Pour elle, c’est le déclic et le début de l’aventure Levanthym : « Je voulais que les Français puissent découvrir ce qu’est réellement le goût de notre cuisine et de notre culture. »

Pour élaborer sa recette, Sarah fait bien sûr appel à sa grand-mère. En plus de l’origanum et du sumac, cette dernière ajoute un soupçon d’huile d’olive et du sel. Le sésame, lui, est torréfié pour exalter ses saveurs. « Ensuite, il a fallu trouver de bons fournisseurs », indique l’entrepreneuse. Là encore, c’est sa grand-mère qui lui livre ses meilleures adresses : de petites productrices libanaises, uniquement des femmes, qui font pousser quelques parcelles de sumac et qui récoltent le thym sauvage.

Un savoir-faire traditionnel

La Strasbourgeoise fait livrer sa précieuse matière première en Alsace et se lance dans la préparation. « Tout se fait à la main. Je reçois le thym sauvage en branche et je l’effeuille. » Pareil pour le sumac, dont les fleurs arrivent entières et dont il faut extraire les graines. « Ça garantit une fraîcheur absolue des produits. » Une fois le thym effeuillé, il est réduit en poudre. « J’ai récupéré les tamis en bois qu’utilisait ma grand-mère au Liban et je fais deux passages, pour avoir du thym de différentes tailles. » Puis tout est mis dans un gros saladier, avec une pincée de sel et un trait d’huile d’olive. Vient enfin la mise en bocaux (des bocaux d’Alsace !) et l’étiquetage.

Lorsque Sarah a débuté, en janvier dernier, elle était seule, chez elle, dans sa cuisine. Elle produisait cinq à six bocaux par semaine, maximum. Mais très vite, l’authenticité de son zaatar a eu du succès. Certains restaurateurs sont venus la voir, comme le restaurant étoilé Le Crocodile ou le Bistrot Paulus à la Krutenau. Aujourd’hui, sa petite entreprise compte trois salariés, dont elle-même. Pour faire face aux quantités, elle a investi dans du matériel : une machine à torréfier le café pour griller le sésame, un ancien pétrin de boulanger pour faire le mélange final. Les tamis, eux, sont toujours les mêmes, ceux de sa grand-mère, accrochés au mur du labo. Il a juste fallu en récupérer trois de plus, car désormais, ce sont quelques 150 bocaux qui sortent toutes les semaines du hangar de Hautepierre.

levanthym.fr

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