16 minute read
Actus La culture en bref
from Zut Strasbourg n°52
by Zut Magazine
La culture en bref.
Par Emmanuel Dosda, Pierre Jean Singer, et Aurélie Vautrin
Advertisement
Photo Agathe Poupeney
Ne pas forcément tout dézinguer !
L’Espace 110, le CCN – Ballet de l’Opéra national du Rhin et La Filature présentent une cinquième Quinzaine de la Danse. Entretien avec Bruno Bouché, directeur du Ballet qui n’hésite pas à enfiler le Perfecto.
Par Emmanuel Dosda
Le ballet est un genre plutôt conservateur. Comment casser les codes ?
Mon projet est complexe car je m’inscris dans une tradition. Difficile de remuer les choses après 400 ans d’histoire, mais sans totalement tout dézinguer ! Je conseille toujours à mon équipe de s’ouvrir au monde pour être le plus en phase possible avec notre époque. L’univers créatif de chaque interprète – son vécu, sa personnalité… – permet de faire de grands pas en avant. William Forsythe dit que le langage n’est pas daté, mais que la manière de l’utiliser est primordiale, en utilisant un vocabulaire s’enrichissant avec le temps. Il faut retourner à la genèse de cette discipline pour retrouver ce qui l’anima : les pulsions de vie, de passion, d’énergie et de sensualité. Pour briser le classicisme, il faut se servir au mieux de son instrument, son corps, avant qu’il ne commence à vous lâcher, à partir de 35 ans. Les carrières sont courtes…
Durant la Quinzaine, un hommage est rendu à Catherine Diverrès, chorégraphe qui a décidé de quitter la danse…
Elle clôt un parcours trop méconnu selon moi car c’est la Pina Bausch française ! Nous proposons une sorte de best of permettant de découvrir l’essentiel de son approche très théâtrale, très écrite de la danse mais où l’émotion est intense. Évoquons aussi la présence d’une autre femme chorégraphe dans la programmation, Marie Cambois, dont j’apprécie particulièrement l’épure esthétique.
Citons enfin la version signée Martin Chaix de Giselle, production de l’Opéra national du Rhin, avec le Ballet.
C’est un Giselle féministe, redéployant ce classique romantique du xixe siècle à l’heure de #MeToo, avec des nymphes fortes, des Willis en Perfecto. Ce spectacle va nous bousculer, sans pour autant nous coller au mur !
Sur quoi dansez-vous sous votre douche ?
Sur La Femme ou Feu! Chatterton, un concerto ou de l’electro… Mes goûts sont éclectiques.
12 → 31 janvier
Quinzaine de la Danse à L’Espace 110 (Illzach), à La Filature et au Théâtre de La Sinne (Mulhouse), à La Passerelle (Rixheim), au Centre Chorégraphique National de BourgogneFranche-Comté (Belfort) et à l’Opéra national du Rhin (Strasbourg)
14 janvier → 5 février
Giselle, nouvelle production de l’Opéra national du Rhin, avec le Ballet du Rhin et l’Orchestre symphonique de Mulhouse, au Théâtre municipal de Colmar, au Théâtre de La Sinne de Mulhouse et à l’Opéra national du Rhin (Strasbourg)
operanationaldurhin.eu
Théâtre La tristesse de l’éléphant de Thomas Ress
D’après la BD de Nicolas Antona et Nina Jacqmin
20 + 21 janvier
La Comédie de Colmar comedie-colmar.com
25 → 27 janvier
Théâtre Actuel et Public de Strasbourg taps.strasbourg.eu
À l’origine, il y a une bande dessinée. Ou plutôt l’émotion de Thomas Ress, metteur en scène et directeur de l’Espace 110 d’Illzach, à la lecture de cette bande dessinée – l’éponyme Tristesse de l’éléphant signée Nicolas Antona et Nina Jacqmin, publiée en 2016 chez Les Enfants Rouges. Un récit universel d’une infinie tendresse sur le temps qui passe, sur l’amour, la différence, la souffrance, la complexité des sentiments, la vie, la mort et inversement… L’histoire désenchantée d’un orphelin rejeté de tous, qui finit par trouver le sens de son existence en croisant le chemin de la jolie dompteuse d’éléphants d’un cirque itinérant. Mais la vie est joueuse et la route pas toujours facile à suivre… Si la bande dessinée originelle est à la fois sensible et singulière, Thomas Ress et la Compagnie des Rives de l’Ill font le pari de lui offrir une nouvelle dimension en la transposant sur les planches : mêler théâtre et marionnettes, jeu d’acteurs et poupées articulées, pour donner vie à un univers où se mêlent douceurs et douleurs, le tout magnifié par une esthétique soignée directement inspirée du talent de la dessinatrice Nina Jacqmin. Un spectacle à deux voix et quatre mains, de ceux qui visent en plein cœur toutes les générations confondues. (A.V.)
Fin de partie
Après trente ans de bons et loyaux services, Philippe Schlienger quitte le navire du Momix, petit festival entre communes devenu référence du spectacle jeune public à l’échelle internationale.
Rencontre. Par Aurélie Vautrin
Quel regard portez-vous sur ces trente années ?
Je retiens surtout le fait que l’appellation « spectacle jeune public » s’est considérablement modifiée dans la société. À l’époque, la dimension la plus naturelle du spectacle vivant en direction de la jeunesse, c’était le théâtre, loin d’être valorisé dans les établissements officiels. Alors qu’aujourd’hui, tous les CDN proposent une programmation jeune public ! Dans un sens, Momix a été un précurseur, même si on a pris des chemins de traverse.
Au vu de la conjoncture actuelle, comment s’est montée l’édition 2022 ?
On a dû faire preuve d’un peu de réalisme afin de pouvoir maintenir l’esprit du festival dans un contexte contraint. Cela s’est traduit par une programmation légèrement réduite mais en gardant une vingtaine de lieux partenaires. C’est l’essence même de Momix : présenter des projets ambitieux pour les théâtres, et des spectacles adaptés aux communes plus modestes.
Qu’en est-il de la suite ?
L’empreinte de Momix dans le territoire est forte, et les institutions qui le soutiennent sont convaincues de l’intérêt de garder un tel événement sur le territoire. On peut donc espérer un bel avenir pour le festival, même s’il faudra sûrement repenser la structure. En période de manque de moyens, la solution, c’est de collaborer encore plus.
26 janvier → 5 février
Momix Festival momix.org
Théâtre Les Grandes Espérances Compagnie Mamaille
D’après le roman de Charles Dickens
Quand la Compagnie Mamaille, originaire de Verdun, s’attaque à un monument de la littérature british, cela donne un spectacle haut en couleurs, quelque part entre le théâtre de l’absurde et le spectacle de clowns, le théâtre de tréteau et le plateau de cinéma… Avec en prime une chouette touche de poésie et une sacrée dose d’humour dans la forme, et un questionnement résolument engagé sur notre humanité dans le fond. Car ici, trois acteurs-artisans décident d’adapter à la scène Les Grandes Espérances de Charles Dickens (à partir de 9 ans), à grand renfort de masques en carton et autres accessoires en bouts de tissu. On assiste donc à la création d’un spectacle dans le spectacle, ce qui au final fait briller l’ensemble par son côté décalé et son ingéniosité : ainsi, comme dans la tradition de la commedia dell’arte, les rôles sont interchangeables, et les comédiens interprètent chaque personnage à tour de rôle, en fonction de la situation et des accessoires à disposition. Un joyeux bazar follement imaginatif et un hommage singulièrement intelligent à l’univers de Dickens, à découvrir au cœur du PréO dans le cadre de Momix en Balade. (A.V.)
27 janvier
Le PréO Centrartistique le-preo.fr A voir aussi 13 avril 2023 Saison culturelle à Langres 11-12 mai 2023 Maison d’Elsa à Jarny
Théâtre Un sentiment de vie d’Émilie Charriot
D’après le livre de Claudine Galea
17 → 27 janvier
Théâtre national de Strasbourg tns.fr
Après avoir adapté Virginie Despentes ou encore Annie Ernaux, Émilie Charriot s’attaque aujourd’hui au Sentiment de vie de Claudine Galea, récit hors norme publié en 2021 aux Éditions Espace 34. Hors norme car au-delà des formes : s’il interroge la manière d’éprouver et de préserver ce fameux « sentiment d’être en vie » malgré le deuil et la mort, le texte luimême s’offre une liberté pure, sans contraintes de genre, de langue, d’écriture. Un « objet » inclassable où souvenirs, pensées, fantasmes, citations se mêlent et s’entremêlent ; le passé, le présent, la littérature, le possible de l’écriture, sans respiration. La petite histoire qui raconte la grande. Une mise à nu totale qu’Émilie Charriot porte aujourd’hui sur scène dans un exercice singulier à l’esthétique taillée au scalpel, en dirigeant la comédienne Valérie Dréville au cœur d’un face-à-face tendu avec le spectateur. « Ce qui m’intéresse ici, c’est de voir Valérie dire ces mots-là, explique la metteuse en scène. Voir comment ce texte-là passe par cette actrice-là. Pour que ça ait lieu, j’ai besoin de tout vider autour. Je fais le pari que l’humain suffit et que dans ce “rien”, il y a tout, tout ce qui est essentiel : un être humain avec qui il va y avoir un échange. C’est palpable justement parce qu’il y a cette nudité autour, ce vide. C’est une évidence pour moi, le plateau nu, ce n’est pas intellectuel mais organique. » En résulte une pièce résolument atypique, foncièrement curieuse et viscéralement magnétique. (A.V.)
Visas, visages
Le focus Espaces d’exil du Maillon zoome sur un thème plus que jamais d’actualité. Questions à Barbara Engelhardt, directrice d’un théâtre qui s’engage.
Par Emmanuel Dosda
Le monde semble craquer de partout depuis ces dernières années. La société dans laquelle nous avons, malgré tout, la chance d’évoluer devrait-elle davantage faire preuve « d’hospitalité » envers ceux qui en ont le plus besoin ? Le monde culturel a-t-il un devoir
d’exemplarité ? Je parlerais plutôt d’un objectif largement partagé : que la culture rende possible l’expérience d’une société ouverte et plurielle. C’est à cet endroit que le théâtre peut exceller. En ce qui concerne le Maillon, l’hospitalité est un mot clé dans la façon dont nous concevons notre rapport aux publics et aux artistes, quelles que soient leurs origines sociales et culturelles. Se montrer attentif à un monde où les disparités et les fractures sont évidentes, c’est ce que nous pratiquons à plusieurs niveaux : à travers une programmation internationale, des réflexions thématiques menées sous différents formats, un partage de ressources et une attention particulière portée aux artistes issus de pays en crise : l’Ukraine, la Moldavie, le Brésil, l’Iran, l’Afghanistan…
Via Espaces d’exil, vous illustrerez des possibilités d’aide aux personnes en danger dans leur région en donnant la parole aux artistes afghans accueillis l’été dernier avec sept autres structures culturelles strasbour-
geoises… Le « focus » est un format thématique récurrent au Maillon, qui nous permet cette fois-ci d’aborder la question de l’exil par plusieurs approches : des spectacles, des conférences ou encore des projections. À côté de cela, c’est pour nous le moment d’une collaboration artistique avec un groupe d’artistes afghanes et afghans que huit structures culturelles ont accompagnés depuis leur arrivée en France en août 2021. Il s’agit de leur donner une visibilité en tant qu’artistes – jusqu’ici, nous nous étions avant tout préoccupés de les soutenir dans les démarches administratives et l’apprentissage du français. Il m’a semblé important de leur proposer l’occasion de s’exprimer artistiquement, une étape essentielle pour construire leur vie en exil tout en renouant avec des pratiques artistiques de leur culture d’origine. Je suis en train de discuter des projets des uns et des autres et espère pouvoir, avec le plus de partenaires possible, les réaliser d’ici fin janvier, sous forme d’étapes de travail, performances, expositions, etc.
Le Maillon présentera deux spectacles de metteurs en scène iraniens. Dans En transitd’Amir Reza Koohestani, d’après le roman (presque) éponyme d’Anna Seghers, l’exilé fait l’expérience d’un entre-deux : la vie suspendue entre deux espaces et deux temporalités, comme dans un sas d’attente. Dans Les Forteresses, Gurshad Shaheman fait aussi dialoguer passé et présent à travers les récits
de ses proches en exil… Se retrouver « horssol » en tant qu’exilé, se sentir en suspens entre deux temps, perdre un espace avant de se réfugier dans un autre, être démuni de droits le temps d’une prise de décision administrative… peuvent créer un moment de flottement. Tout ça devient palpable dans les deux spectacles. En transit met en scène la rencontre entre une fiction – celle du roman de 1942 – et une réalité récemment vécue par Koohestani, pour interroger l’impuissance de l’exilé face au pouvoir de l’administration. Shaheman, lui, fait brillamment s’entrelacer les récits de sa mère et de ses tantes, dont les vies tissent des fils qui lient l’histoire de l’Iran et celle de l’Europe. Dans les deux cas, il y a une dimension biographique, ce qui donne une tendresse particulière aux spectacles. Dans les deux cas, ce télescopage des espaces et des temps raconte aussi le fait que l’histoire de l’exil ne s’arrête pas et soulèvera toujours la question de l’hospitalité dans nos sociétés.
Focus Espaces d’exil au Maillon
(spectacles, projection, conférence, présentation d’étapes de travail)
25 janvier → 4 février
maillon.eu
Quelques dates : — En transit d’Amir Reza
Koohestani (coproduction) → 25 + 26 + 27 janvier — Conférence sur l’hospitalité avec Michel Agier → 26 janvier — Les Forteresses de Gurshad Shaheman → 2 + 3 + 4 février
Photo Alexandre Schlub
Accélérateur régional
La directrice de l’association Accélérateur de particules, Sophie Kauffenstein, nous parle de ce qui se passe à Strasbourg dans le cadre de la fameuse Regionale.
Par Aurélie Vautrin Photo Christophe Urbain
Qu’est-ce que la Regionale en deux mots ?
Un grand événement transfrontalier piloté par Bâle depuis vingt-trois ans, qui regroupe aujourd’hui une vingtaine d’institutions suisses, allemandes et françaises. La règle du jeu étant de proposer, dans chaque espace, des artistes des trois nationalités, qu’ils soient confirmés ou émergents. Pas de thème imposé, mais une large sélection de productions en tout genre, le tout encadré par un commissariat propre à chaque lieu.
Que peut-on voir à Strasbourg ?
Sitting in front of the mirror, une double expo à découvrir à GarageCOOP et à La Chaufferie. Nous avons invité une jeune commissaire lyonnaise, Émilie d’Ornano, qui a sélectionné seize artistes parmi les 700 candidatures du pot commun de la Regionale. Des sculptures, des installations, des vidéos, toutes autour de l’estime et de l’image de soi, avec une scénographie très travaillée basée sur des matériaux jouant sur les ombres, les reflets.
Chaque expo de Regionale est indépendante ?
Oui, chaque lieu conserve une grande liberté, ce qui permet une vraie mise en valeur de la scène artistique du territoire. On peut choisir de ne voir qu’une seule expo, même si c’est beaucoup plus enrichissant de passer d’un lieu à l’autre : tout a été pensé avec des horaires harmonisés, un bus tour, des vernissages en cascade. Regionale est un événement très festif.
9 décembre → 15 janvier
Exposition Sitting in front of the mirror, GarageCOOP et La Chaufferie
Les autres expos de la Regionale côté France
— Transmergence #04 Art e-s-t métier FRAC Alsace, Sélestat → 15 mars 2023 Le FRAC fait dialoguer l’art et l’artisanat comme langage universel de transmission, interrogeant les frontières établies par la société occidentale entre ces entités aux similarités indéniables. L’expo est centrée sur des travaux artistiques qui utilisent des techniques artisanales répétitives : crochet, tricot, couture, broderie, dessin, peinture… Des questionnements d’autant plus intéressants que les traditions textiles et les arts appliqués partagent une longue histoire dans la région transfrontalière.
— Dans le doute, un pas de côté Im zweifel Zickzack à FABRIKculture, Hégenheim → 8 janvier 2023 Orchestrée par la nouvelle équipe de FABRIKculture, l’expo met en avant l’échec en tant que performance, appuyant l’idée que créer, c’est aussi parfois échouer. D’ailleurs, combien de revers a-t-il fallu traverser pour aboutir à cette même exposition ? Combien de tentatives avant d’aboutir à l’œuvre proprement dite ? Les dix-sept artistes réunis ici défont le jeu du processus de création pour assumer les failles et les erreurs de parcours, montrant ainsi la création artistique comme un acte d’espoir.
— Stephen Dock, Our day will come + Constriction La Filature, Mulhouse → 8 janvier 2023 — Ferme les yeux et respire La Kunsthalle, marché de Noël de Mulhouse → 27 décembre À Mulhouse, deux expositions très différentes : à La Filature, le travail de Stephen Dock, photographe français autodidacte, témoin des traces laissées par les conflits en Irlande du Nord, comme celles trouvées dans une ancienne maison d’arrêt à l’abandon… Tandis qu’à La Kunsthalle, autre ambiance : trois expos successives dans un chalet éphémère installé sur le marché de Noël, qui invitent le public à fermer les yeux, respirer, et se détacher quelques instants d’un monde matériel lourd d’inquiétudes.
→ 8 janvier
La Regionale regionale.org
Galerie virtuelle
Zone créative expose en ligne les œuvres des étudiant·e·s finalistes des sept concours de création organisés par le réseau des Crous. Une vitrine au carrefour des disciplines artistiques initiée par le Crous de Strasbourg.
Par Pierre Jean Singer
Le Crous – Centre régional des œuvres universitaires et scolaires – de Strasbourg a créé sa plateforme de diffusion numérique lors du confinement de 2020. Une adresse en ligne où découvrir les créations étudiantes choisies par les jurys du concours annuel du Crous, dans sept catégories : musique, danse, nouvelles littéraires, BD, photo et court métrage. Cette « vitrine vivante » en ligne propose un accès très intuitif aux œuvres diffusées. Par des images cliquables, l’internaute accède aux contenus référencés, des vidéos des chorégraphies aux textes des nouvelles.
Pour participer au concours de création, les étudiants d’Alsace doivent présenter des œuvres originales, répondant à des règles spécifiques et, pour certaines catégories, correspondant à une thématique. Pour l’année 2023, le thème choisi est : « Métamorphose ». Les primés pourront voir leurs œuvres affichées sur la plateforme mais aussi tenter leur chance lors de la finale nationale du concours.
zonecreative.fr
Femme au bord de la crise de nerfs
L’Opéra national du Rhin nous invite à écouter La Voix humaine de la soprano Patricia Petibon dans une tragédie en un acte d’après un texte de Jean Cocteau. Entretien sur un air de Poulenc.
Par Emmanuel Dosda
Les artistes lyriques évoquent souvent une émotion particulière procurée par le chant… C’est une forme d’exploration de soi. Il y a une vérité absolue lorsqu’on est au centre de la scène. C’est un acte de transcendance, d’évaporation de l’être. Je chante depuis toute petite : je ne traverse pas d’océans ou ne gravis pas de montagnes, mais j’explore sans cesse la matière de ma voix.
Une matière qu’il faut modeler pour ouvrir le champ/chant des possibles ?
Exactement, on peut la manipuler en agissant sur notre souffle. Il est nécessaire, et pas uniquement pour les chanteurs, d’apprendre à le maîtriser. Nous vivons actuellement dans une société qui ne sait pas respirer ! Nous devons nous calmer, sortir de la tourmente, alors qu’au contraire le tempo ne cesse de s’emballer.
Vous travaillez en ce moment sur la nouvelle production de l’Opéra national du Rhin : La Voix humaine, sur une musique de Francis Poulenc interprétée par l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et avec une mise en scène de Katie Mitchell. Comment envisagez-vous ce seule en scène ?
J’ai eu l’occasion, récemment, de découvrir ce rôle de personnage frôlant la folie auprès d’Olivier Py et son projet La Voix humaine - Point d’orgue. Il n’y a pas de formule pour jouer cette femme blessée par la rupture car cette œuvre
Photo : Bernard Martinez
est labyrinthique, c’est un univers à géométrie variable. Avec Katie Mitchell et sa vision moderne et novatrice, nous souhaitons nous éloigner de « l’hystérie féminine » décrite dans le texte de Cocteau de 1930. Heureusement, la condition et la vision des femmes n’est plus la même aujourd’hui…
L’atmosphère strasbourgeoise est-elle propice à l’accueil de la mélancolie et les tourments qui habitent cet opéra ?
Totalement ! C’est une ville magnifique, riche en théâtres et musées, où les gens font preuve d’une grande curiosité. Le contexte actuel est compliqué, mais plus que jamais l’âme a besoin d’une culture qui permet de ne pas uniformiser la pensée ! À L’Opéra de Strasbourg et à La Filature de Mulhouse operanationaldurhin.eu
18 février → 14 mars
Rencontre à la librairie Kléber librairie-kleber.com