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Slow life
from Zut Strasbourg n°52
by Zut Magazine
Le Style Slow life De fil en aiguille, cette saison : une pièce vestimentaire culte, les glaïeuls, le genre de la nature morte et les fleurs responsables.
Texte et set design Myriam Commot-Delon Photos Alexis Delon / Preview
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Planter
le décor
Ici, pour raconter une histoire via l’immobilité des choses, le vêtement collector se fait vase dans un petit potager en hibernation. Les glaïeuls, eux, de production autochtone, ont été achetés un matin du mois de novembre à la Halle du Marché de Neudorf. Le manteau est une blouse en cuir noir issue d’une ancienne collection Replica de la Maison Martin Margiela : une version « seconde peau » de l’iconique « blouse blanche » d’atelier de haute couture, portée par le personnel de la maison dès 1989 et semblable aux sarraus que portaient les mannequins lors du final du premier défilé de la marque. De part et d’autre – et dans ses poches – jaillissent des gerbes de glaïeuls, avec leurs hampes florales incandescentes groupées unilatéralement en épi et leur allure fine, élancée, aux feuilles pointues dressées comme des épées.
C’est le moment où jamais de se rappeler que le petit nom latin du glaïeul est gladiolus, ce qui signifie « petit glaive » et d’évoquer que still-life, l’anglicisme de « nature morte », – né au xvie siècle en Italie – est devenu un genre artistique autonome lors de son essor flamand au xviie siècle. Le peintre y représentait des éléments inanimés (objets, fleurs, fruits, légumes, poissons, viandes, gibier), dans une composition où l’émerveillement pour la nature allait de pair avec une passion grandissante pour l’horticulture. Une période où les set designers (ou scénographes) et les stylistes photo n’existaient pas encore, l’artiste se chargeant de glaner les éléments et de les arranger lui-même.
Aujourd’hui, notre émoi végétal et notre passion pour le « déjà porté » sont furieusement réactivés par la crise écologique et nous font voir différemment. On like frénétiquement sur Instagram de folles scénographies ornementales et l’art du set design sous toutes ses formes, mais que glissons-nous dans nos vases ? D’où proviennent toutes ces belles efflorescences ? Prenez ces quelques glaïeuls : majestueux et dissidents, ils font partie des quelque 10% de fleurs locales qui fleurissent sur le marché horticole français, le reste provenant de l’export : la Hollande, le Kenya et l’Amérique du Sud, trois pays dominant la production florale. Des fleurs plus vraiment green et bondées de pesticides, transitant dans le monde entier, comme d’ailleurs une grande partie des fleurs produites en France qui s’acheminent vers la Hollande pour y être évaluées, avant de revenir à nous.
Alors pour se fleurir responsable et zapper autant que possible les fleurs importées et hors saison, on traque – uniquement – du mois de mars à novembre, les horticulteur·ices et fleuriculteur·ices locaux·ales, les bouquets de jardin sur les marchés ou les fleuristes sensibles à la question environnementale, revendiquant des bouquets slow life. Le temps des fleurs séchées, des branchages de baies et de graminées est revenu, celui des bouquets d’hellébores et d’hammélis n’est pas loin… jusqu’au retour ce printemps des cerisiers en fleurs et de nouvelles pépites vestimentaires patiemment chinées. Mais rien ne presse.