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La chronique Sonia Verguet

La Table La chronique Le repas le plus important de l’année arrive. Paradoxalement, pas forcément celui que l’on préfère. Alors pour bien l’appréhender, votre nouveau mantra : « J’accepte les régimes, mais pas les manies » (La Règle du jeu, Jean Renoir, 1939). Petites astuces pour casser les codes et redéfinir le chic les pieds dans le plat. Photos + texte Sonia Verguet

Le faste à notre sauce !

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Ce qui m’a toujours fascinée, ce sont les éléments si radicalement différents que l’on associe suivant son âge, sa culture et sa classe sociale aux repas de fête. Un parfait exemple d’objet culinaire lié à Noël et qui m’a toujours intriguée : l’Apéricube. Ma casquette de designer ne peut m’empêcher d’observer, les yeux ébahis, ce succès des années soixante, encore intact aujourd’hui. 5 g pour 1 cm de… mystère qui double pourtant chaque année sa production pour décembre. Tentative d’analyse de son succès : dévoiler soi-même sa nourriture augmenterait le facteur plaisir de la chose (comme la papillote de chocolat). À moins que ce ne soit les petits papiers colorés et brillants qui finissent par recouvrir la table, faisant d’une pierre deux coups la déco ? J’émets un doute quant aux saveurs spécialement imaginées pour l’occasion : truffe, homard, chèvre-miel… même coco et yuzu si vous avez la chance (ou la malchance) d’être au Japon. Quand je vous explique que le plaisir d’être à table n’est pas qu’affaire de goûts ou de gros sous, en voilà bien la preuve. Mais si vous n’êtes pas team cube fromager industriel, que vous fêtez (ou pas) Noël entre amis ou en famille, voici le bon combo pour pimenter les choses avec trois fois rien, zéro langue de bois pour zéro mal de ventre. (Tout ça marche aussi si vous êtes en solo. Si, si... l’alcool aidant, vous finirez par vous parler à vous-même.)

En mettre plein la vue

Dans Le Géant de Zéralda, Tomi Ungerer avait chaussé de jolis souliers rouges à talons les pattes de la dinde servie au banquet préparé en l’honneur des ogres. Une manière de l’humaniser ou de la rendre élégante ? En tout cas, une idée fantastique à dupliquer ! Elle ne vous coûtera qu’un petit tour chez Emmaüs pour trouver LA paire de shoes qui siéra le mieux à votre chaperon ou dindon, bio et local bien sûr. Même trop sèche, votre volaille ainsi parée aura fière allure et vous placera illico, au rang d’hôte le plus cool de la Terre. On en connait un rayon en Alsace pour épater la galerie : plats en trompe-l’œil en forme d’hure de sanglier, soupière-pintade plus vraie que nature, assiette-œufs durs, choux ou encore asperges… Ne dit-on pas que l’on mange avant tout avec les yeux ? La vaisselle du xviiie siècle visait à créer l’envie avec ce qui était rare ou symbole de pouvoir (eh non le sanglier n’est pas l’animal le plus commode à chasser, avoir sa tête à table, même en faïence, ça envoie du lourd) : merci la manufacture Paul Hannong.

Si vous êtes mauvais cuisinier, cette technique du plat tape-à-l’œil est donc faite pour vous. Courez inlassablement, et ce dès aujourd’hui jusqu’à Noël, chaque mercredi et chaque samedi parmi les brocanteurs du quartier de la Nouvelle Douane, à l’affût de la soupière la plus épatante. Mettez n’importe quoi dedans, vos invités ne vous parleront que du contenant, et le réclameront même l’année prochaine.

1– Retrouvez en ligne les 13 conférences issues du Banquet cérémoniel.

Entre archéologie et ethnologie, organisées les 6 et 7 mai 2021 par l’Université de Strasbourg et l’INRAP

Grand Est. unistra.fr

2– Vincent Robert,

Le temps des banquets.

Politique et symbolique d’une génération (1818-1848), Publications de la Sorbonne, 2010

3– Jean-Marc Albert,

Aux tables du pouvoir :

Des banquets grecs à l’Élysée, éditions Armand

Calin, 2009

Zéro langue de bois

Grâce aux travaux d’ethnologues1, on a découvert que la coutume du banquet est partagée dans le monde entier, selon des intentions radicalement variées. Par exemple, certains festins distinguent les plats proposés aux riches et aux pauvres, pourtant réunis à la même table. Une drôle de coutume à reproduire chez vous avec un twist : servir les pommes dauphines discount à vos convives fortunés et privilégier le bon petit plat traiteur pour les moins chanceux en affaires (ou en héritage). Une manière de mettre les choses à plat. À l’inverse, le banquet gabonais annule quant à lui les différences : on y propose uniquement ce qui sera mangé par tous (excluant ainsi la viande non consommée par certains ou l’alcool par d’autres). Moins de choix sur la table certes, mais la volonté de ne stigmatiser personne et ouf ! quel repos en charge mentale et en cuisine pour un menu enfin unique... On dit, vive le Gabon ! Plus sérieusement, le banquet se tient aussi pour défendre des sujets forts. Entre 1846 et 1847, pas moins de 70 eurent lieu2 en format géant afin de contourner l’interdiction de réunions politiques imposée par le gouvernement monarchique de l’époque : 6 000 personnes à Villeurbanne, 3 000 à Paris, 7 000 à Marseille... Ces fêtes de la pensée, des mobilisations douces, feront en partie naître la révolution de 1848 et forceront le roi Louis-Philippe à abdiquer. Alors, quel combat à table cette année ?

Pimenter les choses

S’inspirer des tablées du passé lointain pour bousculer les habitudes est une bonne manière de pimper l’ennui à venir. Exit table et chaises, faites allonger vos convives tels des empereurs grecs sur des piles de coussins, plaids et autre couettes3. Certainement pas ! Risque de taches assuré, me dîtes-vous? Quel rabat-joie. Jouez-là donc Marie-Antoinette, un peu à côté de la plaque, et servez à vos convives de la brioche à gogo. Un repas sous forme de petit déjeuner sans fin, fait de moelleux pour éviter les débordements (enfin… on sait comment ça s’est terminé pour elle). Toujours pas convaincu ? Adoptez alors le contemporain klug du Père Noël est une ordure. La référence à ce film fera passer crème vos mauvais talents de pâtissier et vous serez sacré roi de la bûche à tous les coups. Le beurk et l’humour : la valeur sûre de cette fin d’année.

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