8e art magazine - n°29

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8 e art magazine • janvier-fÊvrier 2014


8e art est une publication bimestrielle des Editions Bagatelle 19, avenue de Delphes 13006 Marseille 09 81 80 63 79 Numéro ISSN : 2267-4837 Dépôt légal : Janvier 2014 Directeur général : Nicolas Martin n.martin@8e-art-magazine.fr Directeur de la publication : Frédéric Guerini f.guerini@8e-art-magazine.fr Rédactrice en chef : Emmanuelle Gall e.gall@8e-art-magazine.fr Direction artistique : Jonathan Azeroual j.azeroual@8e-art-magazine.fr Logistique, diffusion et partenariats : Romuald Protin r.protin@8e-art-magazine.fr 04 91 41 63 79

MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE Retrouvez toutes nos actus sur :

WWW.8E-ART-MAGAZINE.FR

# 29

Jan.-Fév. 2014

Webmaster éditorial : Bianca Meria b.meria@8e-art-magazine.fr Ont collaboré à ce numéro : Michel Abax, Marco Jeanson, Eva Journeaux, Fred Kahn, Olivier Levallois, Joanna Selvides et Maryline Lybrecht. Service commercial : 09 81 80 63 79 Impression : ZAC St Martin - 23, rue Benjamin Franklin 84120 PERTUIS Tél. 04 90 68 65 56 La reproduction même partielle des articles et illustrations sans autorisation est interdite. 8e art décline toute responsabilité pour les documents et articles remis par les annonceurs. Dépôt légal à parution.

En couverture. Neptune au musée départemental Arles antique ©Rémi Benali – Cg13

2014, L’ANNÉE DE LA PARITÉ DANS LA CULTURE ? Par

Emmanuelle Gall, Rédactrice en chef

84%

des théâtres sont dirigés par des hommes, 85 % des textes que nous entendons sur nos scènes sont écrits par des hommes, 78% des spectacles que nous voyons sont créés par des hommes… Des chiffres extraits des nombreux bilans publiés par l’équipe de Marseille-Provence 2013 ? Non, même s’ils ne sont probablement pas très éloignés d’une réalité qui n’a pas été observée sous cet angle. Ces statistiques édifiantes ont été publiées en 2006 et réactualisées en 2009, dans des rapports élaborés par Reine Prat à la demande de la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles. Depuis, dans plusieurs régions françaises, se sont créés des collectifs et associations H /F pour l’égalité hommes-femmes dans les arts et la culture, qui se sont fédérés lors du festival d’Avignon en 2011. Formé depuis mai 2013 et réunissant des artistes comme des acteurs culturels locaux, le collectif PACA a officialisé son lancement le 14 janvier dernier au WaaW. Son objectif : collecter des données locales et organiser des actions susceptibles de faire évoluer la situation. Nous ne manquerons pas de les relayer.


SOMMAIRE

MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE

#29

Jan.-Fév. 2014 06

LA PHOTO

Fin de partie 08

ACTUS

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DOSSIER

LA PASSION

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ARCHÉO LOGIQUE

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Luc Long, héraut de l’archéologie sous-marine

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Épaves, les nouvelles stars des musées

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Quand la mémoire remonte à la surface

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Narbonne et Nîmes dans la course

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Canons antiques

42 PORTFOLIO

Bio-graphies anatomiques

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L’ÉVÉNEMENT

Joël Pommerat, le monde sur un plateau

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Vestiges de l’autre rive

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300 millions d’années en Méditerranée

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SCÈNES

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MUSIQUES

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EXPOS

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ENFANTS


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LA PHOTO

© Benjamin Béchet

FIN DE PARTIE Le 31 décembre dernier, à Istres puis à Marseille, le Groupe F a conclu l’année capitale comme il l’avait débuté à Arles, le 13 janvier : en mettant le feu ! Ce soir-là, plus de 150 000 spectateurs se sont massés sur le Vieux-Port, pour saluer, une dernière fois, les « hommes-lumières ». Après avoir enflammé les eaux du territoire – la Méditerranée à Cassis et au Château d’If, le Rhône à Arles et à Port-Saint-Louis, les canaux de Martigues ou les fontaines d’Aix-en-Provence –, les Révélateurs sont devenus les mascottes de Marseille-Provence 2013 et leur saga restera comme l’un des événements les plus spectaculaires de la programmation. Pour revoir le Groupe F, il faudra attendre son désormais traditionnel show au Pont du Gard, début juin, à moins de s’envoler pour Dubaï ou Taiwan, où il est attendu en février. 6

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EN BREF

DR

ACTUS

UN MANUEL POUR UNE BABEL MÉDITERRANÉENNE Tintin au Congo s’étonnait déjà du « nos ancêtres les Gaulois »... Dans le cadre du « Partage des midis », l’un des thèmes de programmation ayant axé l’aventure 2013 sur les deux rives de la Méditerranée, les collectivités ont souhaité mettre en chantier un ouvrage rassemblant nos histoires communes, avec le concours d’historiens exerçant dans différents pays. Dans notre monde globalisé, que les logiques nationales ne suffisent plus à expliquer, il s’agit de repenser les histoires de chacun, mais aussi de changer le regard que l’on pose sur son voisin. Ainsi, depuis 2008, quinze historiens ont travaillé à l’édition d’un manuel qui se veut un outil pédagogique, un prototype didactique pour les générations futures. Une introduction précise la démarche scientifique et philosophique, en se situant par rapport à d’autres ouvrages comparables, dans une réflexivité pertinente et humble. Le manuel se présente dans l’ordre chronologique et se veut exhaustif, de la Préhistoire à nos jours. Signe des temps, la période la plus contemporaine est envisagée sous des angles planétaires : Guerre froide, Israël/Palestine, migrations et écologie. Une synthèse, un peu trop synthétique, introduit chaque chapitre, qui envisage la période et le territoire dans une mise en tension des notions, propre à la didactique de l’histoire, et ne se contente pas de faits. Suivent trois à cinq documents d’archives, à l’image de ce qu’on retrouve habituellement dans les ouvrages du même genre. Des 8

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focus, encore trop courts, abordent des questions plus pointues : les Tanzimat dans l’Empire ottoman au XIXe siècle, la conquête du Soudan par le Maroc au XVIe siècle… : autant de pans d’une histoire méconnue dans l’Hexagone. Si l’on regrette le peu d’iconographie au fil de l’ouvrage, l’atlas chorématique, schématisant les interactions entre les faits et les acteurs, est du plus grand intérêt. Accessible à tous, ce manuel ne satisfera sans doute pas les plus experts et documentés, mais, dans son ambition de partage et de construction d’une histoire commune, poursuit la construction idéale d’une Babel méditerranéenne. J.S.

Méditerranée, Une histoire à partager, Ouvrage collectif sous la direction de Mostafa Hassani-Idrissi, 538 pages, Bayard éditions, 2013. Prix public 29 €.


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EN BREF

© Yves Ronzier

ACTUS

Des tramways habillés et décorés, on en a déjà vu circuler. Mais le Citadis Compact d’Alstom, qui sera sur rail début mars à Aubagne pour plusieurs mois d’essai avant une mise en service effective début septembre, raconte une autre histoire. « C’est pour nous une première mondiale », se félicite Emmanuel Bois, en charge du développement commercial collectivités locales chez l’industriel des transports. Car, au-delà des innovations techniques de ce nouveau tramway, son design est surtout le fruit d’une démarche culturelle et participative voulue par l’Agglomération du pays d’Aubagne. Il ne s’agissait pas seulement de rendre le tramway agréable à l’œil : « Il était inscrit au cahiers des charges que ce devait être un vecteur d’accès à la culture pour tous », préciset-il. Alstom a donc proposé Hervé di Rosa, « artiste du Sud, pluridisciplinaire, accessible à tous, chantre de l’art populaire ». Il a fallu également que l’artiste réponde à « une dimension pédagogique forte », en travaillant avec les écoles. Car il a été demandé aux petits Aubagnais à qui, dans la foulée, on a fait découvrir l’artiste et son travail, de participer à un concours pour que les Renés fétiches de di Rosa deviennent les Renés aubagnais qui se serreront sur les flancs des rames de tramway. L’objectif : faire en sorte que les futurs usagers puissent se dire : « c’est mon tramway ». L’artiste a également dû se frotter aux équipes d’ingénieurs d’Alstom, mais ça c’est, semble-t-il, très bien passé. M.-L.L. 10

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© Anagraphis

À AUBAGNE, UN TRAMWAY NOMMÉ DI ROSA


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EN BREF

DR

ACTUS

EN ROUTE VERS LE FUTUR VIDEODROME Au cours Julien, la petite boutique de la rue Vian étonne depuis longtemps nos soirées pantoufles & DVD. Inventeur génial et gérant du Videodrome, Emmanuel Vigne a fait du lieu un incontournable de la vie du cinéma d’art et d’essai, et du cinéma expérimental, à Marseille et bien au-delà. Aujourd’hui, deux de ses anciens employés, Darjeeling et Julien, ont repris le projet – et le fonds DVDthèque, riche de plus de 5000 films, mais ont voulu voir encore plus grand. En associant trois autres comparses à l’aventure, ils ont poussé les murs du projet… jusqu’au Videodrome 2. Sur 160 m2 encore en travaux, ce nouveau « club des cinq », qui ne manque pas de professionnalisme en la matière, veut ouvrir au printemps prochain un espace dedié à sa passion pour la pépite filmographique. Pour ce faire, en sus de l’espace DVDthèque à louer et à acheter, d’une minilibrairie spécialisée, une salle de projection de 50 places – avec fauteuils – leur permettra de présenter à tout un chacun quatre projections par semaine et en soirée, et une projection hebdomadaire pour les toutpetits, le tout à prix libre. De fait, le lieu deviendra un partenaire idéal pour 12

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nombre de structures de la région, mais pas que : l’Ina pour un cycle d’archives, le FIDMarseille, Fotokino, Shellac, les Instants vidéo, Psylo… et même un cycle « musique et vidéo ». Et, parce qu’en amateur de cinéma, on veut en savoir plus, les réalisateurs seront invités à présenter leur film. On pourra même prolonger les rencontres à l’espace-bar, ce qui n’est pas pour nous déplaire ! J.S. Videodrome, (jusqu’au printemps) 8, rue Vian, Marseille, 6e. Videodrome 2 (à partir de mai 2014) 49, cours Julien, Marseille, 6e. 04 84 26 76 42 www.videodrome.fr


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© Musée d’hist. - Ville de Marseille

Les vieilles pierres sont à la mode. Crise économique et identitaire oblige, la France n’a jamais autant aimé l’histoire, son histoire. Une valeur sûre, quand « tout fout le camp », et rentable ! César a attiré les foules, au Musée bleu comme au Louvre. Dans le sillage de ce succès, Arles a décidé de construire une extension pour abriter le chaland Arles-Rhône 3 et Marseille a inauguré son nouveau musée d’histoire avec, pour pièce maîtresse, une flottille de six vaisseaux antiques. Fortes de leur patrimoine antique, les villes de la région rivalisent de projets pour valoriser des vestiges longtemps confinés dans les vitrines de vétustes musées archéologiques. Une bonne partie de ces vestiges vient des profondeurs – du Rhône ou de la Méditerranée – et met à l’honneur l’archéologie sous-marine. Entre science et chasse au trésor, cette discipline bénéficie largement des progrès technologiques. L’homme a non seulement développé ses techniques et moyens de fouilles sous-marines, mais il peut également filmer les archéologues au travail et dévoiler leurs découvertes au public, en temps réel ou presque. Dossier réalisé par Michel Abax,

Emmanuelle Gall, Eva Journeaux et Fred Kahn.

Le nouveau musée d’histoire de Marseille, lors de son ouverture en septembre 2013. 14

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DOSSIER

LA PASSION

ARCHÉO LOGIQUE

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DOSSIER

LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

LUC LONG, DE

HÉRAUT

L’ARCHÉOLOGIE

La découverte du buste de César dans le Rhône en 2007, c’est lui ! Celle du chaland Arles-Rhône 3, le trésor national d’Arles, c’est encore lui ! Luc Long ne se contente pas de fouiller, il trouve. Sa décontraction et sa simplicité renouvellent l’image poussiéreuse de l’archéologue et agacent certains de ses confrères. À soixante ans, le conservateur en chef du patrimoine et scaphandrier, qui a étudié près de deux cents épaves dans la région, n’a pas dit son dernier mot. Propos recueillis par Emmanuelle Gall

SOUS-MARINE

Vous êtes l’un des rares archéologues français connus du grand public, vos participations à des émissions télévisées et des documentaires ont contribué à créer un engouement pour l’archéologie chez les Français. Cette médiatisation répond-elle à votre goût pour la transmission ou est-elle le prix à payer pour obtenir les moyens nécessaires à de nouvelles campagnes de fouilles ? C’est plutôt le contraire ! J’ai moins d’argent aujourd’hui pour poursuivre mes recherches. Mes subventions ont été siphonnées et je dois faire appel à des fonds privés. D’un côté, « l’effet César » a permis l’agrandissement du musée d’Arles et l’attribution au DRASSM d’un nouveau bateau, L’André Malraux, mais de l’autre, j’ai souffert des jalousies et des intrigues qu’il a suscitées dans un milieu très élitiste. Si je réponds aux journalistes, c’est pour vulgariser la recherche et parce que j’aime parler d’un métier-passion, considérant comme un devoir de faire connaître au plus grand nombre toutes ces découvertes. Il y a vingt-cinq ans, quand nous avons commencé à fouiller le Rhône, ça n’intéressait personne… Doit-on les nombreuses et exceptionnelles découvertes archéologiques récentes aux seuls progrès de la science et de la technologie ? Nos plus belles découvertes ont été réalisées avec assez peu de moyens, lors de plongées « à l’ancienne » en combinaison humide. De plus, dans le Rhône, il y a tant d’anomalies et d’objets parasites que les pénétrateurs à sédiment, détec-

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© 2asm

Une nouvelle découverte dans le Rhône : le portrait d’un notable arlésien en calcaire local. 8e art magazine • janvier-février 2014

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LUC LONG

© Olivier Roller

LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

Pages du carnet de fouilles de Luc Long (2009), entre art et science.

« LE RHÔNE EST VÉRITABLEMENT LA MÉMOIRE LIQUIDE D’ARLES : IL PERMET DE RECONSIDÉRER SON IMAGE DANS L’ANTIQUITÉ. » teurs et discriminateurs ne fonctionnent pas bien. C’est l’importante crue de 2003 qui a changé la donne, en abrasant le fond du lit. Cela faisait des années que l’on fouillait cette zone et on était sur le point d’arrêter, lassés de remonter toujours les mêmes amphores… Cela dit, en ce qui concerne les épaves profondes en mer, gisant par exemple à 700 mètres de fond, les méthodes de capture d’information 3D par photogrammétrie à partir de robots ont entraîné de réelles avancées. De même que la restitution 3D au laser a notamment permis de comparer le buste de César avec d’autres, en les fusionnant. Et, un jour, on pourra sûrement lire le sous-sol sans avoir à le fouiller. Sur quel chantier travaillez-vous actuellement et que cherchez-vous ? En ce moment, nous naviguons entre Fos et la Camargue, à la recherche des avant-ports d’Arles et du temple d’Artémis dont le géographe antique Strabon précise qu’il a été édifié par les Grecs dans la région. Depuis la découverte d’un fragment de statue de la déesse dans le Rhône, je pense que l’on peut retrouver les traces de ce temple à une dizaine de mètres sous la mer. Je suppose qu’il se trouve près des Saintes-Maries-de-la-Mer, à l’embouchure d’un ancien bras du Rhône, asséché au XVIe siècle. Nous poursuivons également les fouilles, à Arles, dans la zone du buste de César. Nous y avons mis à jour un riche ensemble statuaire dont, récemment, une tête de Bacchus et les blocs d’un mausolée. Nous cherchons à comprendre la nature de ce gisement et sa relation avec le four à chaux découvert sur la berge par les archéologues terrestres. S’agissait-il de calciner ces œuvres pour éradiquer toute survivance du paganisme ? Enfin, nous avons retrouvé des conduites en plomb sous-fluviales, 18

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destinées à drainer l’eau d’une rive à l’autre du Rhône. Leur taille et leurs inscriptions permettent de penser non seulement qu’Arles était véritablement une grande « ville d’eau », avec un débit comparable à celui de Rome, mais aussi que Trinquetaille était un quartier bien plus important et monumental qu’on ne l’imaginait. Le poète Ausone écrivait que la ville était double et il semble que les Romains aient affiché, sur les deux rives, la vitrine de leur puissance. Le Rhône est véritablement la mémoire liquide de la ville : il permet de reconsidérer son image dans l’Antiquité. Que pensez-vous de la multiplication des musées archéologiques dans les villes de la région ? J’en suis évidemment plutôt heureux, la culture devient une richesse. Pourvu que l’on prévoie des musées extensibles, avec d’énormes réserves, car on ne connaît qu’un petit pourcentage de ce que renferment le sous-sol et le fond de la mer, et il reste beaucoup à faire. Je pense qu’à Narbonne, on trouvera également de nombreuses épaves et un port englouti. Villes « césariennes » par excellence, Narbonne et Arles étaient deux grandes villes fluviomaritimes stratégiques, la première sur la route de l’Atlantique, la seconde sur celle du Rhin. Elles ont vu passer tous les produits de l’Empire romain.

L’association 2asm, créée par Luc Long, documente la poursuite de ses recherches. http://2asm-rhone-cesart.blogspot.fr


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DOSSIER

LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

ÉPAVES,

LES

NOUVELLES

STARSMUSÉES DES

Arles et Marseille ont profité de la capitale européenne pour valoriser leur patrimoine antique et notamment plusieurs épaves. Celles-ci ont retrouvé une seconde jeunesse grâce au laboratoire grenoblois ARC-Nucléart qui accomplit un travail extraordinaire, à la croisée de la chimie, la physique, la haute technologie et l’artisanat d’art. Texte : Fred Kahn • Photos : Rémi Benali

L’

impressionnant chaland gallo-romain mesure plus de trente mètres. Baptisé Arles-Rhône 3 par les archéologues, il trône au milieu de la salle, assumant pleinement son rôle de joyau du musée départemental Arles Antique. On est immédiatement frappé par l’état de conservation de l’épave qui a pourtant passé plus de vingt siècles sous l’eau. Les bois semblent à peine abîmés, le mât est d’origine. Arles-Rhône 3 est présenté avec sa cargaison (blocs de calcaire) et son mobilier de bord (céramiques et outils). Le musée n’a pas lésiné sur les moyens et est allé jusqu’à construire une extension pour accueillir ce trésor national. Autant le dire d’emblée, sans la perspective de Marseille-Provence 2013, il n’est pas certain que le navire, découvert en 2008 dans les eaux du Rhône, aurait eu ainsi droit à une seconde vie. Car restaurer un tel objet représente une entreprise à la fois très complexe et très onéreuse (coût global : 9 M€). Arles n’est pas la seule ville à mettre ainsi en valeur ses racines antiques. La promesse des millions de visiteurs générés par la Capitale européenne de la culture a également été un catalyseur pour un autre ambitieux projet patrimonial. Désormais, Marseille possède un musée d’histoire digne de la plus ancienne ville de France. Et, vocation maritime oblige, ce musée flambant neuf compte parmi ses pièces maîtresses une flottille de six vaisseaux antiques grecs et romains. Là encore, un sacré lifting était nécessaire avant d’offrir cette collection exceptionnelle au regard des visiteurs. Tous ces chantiers de restauration, exigeant haute technicité et pluridisciplinarité,

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ont été réalisés par le laboratoire ARC-Nucléart, en collaboration avec CIC Orio, une entreprise spécialisée dans la chaudronnerie et la maintenance industrielle. La remontée du temps « Un véritable défi technologique relevé entre juillet 2011 et fin août 2013, c’est-à-dire dans des délais excessivement courts ». Francis Bertrand, le directeur de ARC-Nucléart, ne cache ni sa fierté, ni son enthousiasme. « Pratiquement toutes les semaines, il fallait inventer quelque chose. Ce fut une aventure humaine, technique et scientifique extraordinaire ». Ainsi, le chaland gallo-romain, désormais solidement amarré au musée Arles Antique, était resté échoué pendant plus de vingt siècles au fond du Rhône. Pour sortir l’épave de l’eau, il a fallu la découper en morceaux, puis un berceau a été subtilement placé sous chaque tronçon, avant d’être remonté par une plateforme percée en son centre d’une « piscine ». Les vingt tonnes de bois, complètement imbibées d’eau, ont ensuite été acheminées vers les locaux grenoblois d’Arc-Nucléart. « La première opération consiste à plonger le bois dans un bain de résine pour consolider les fibres, explique Francis Bertrand. Cette première opération dure entre huit et douze mois. Il reste alors 60 % d’eau à l’intérieur du bois. Pour éviter l’effondrement cellulaire au moment du séchage de cette eau résiduelle, nous utilisons une technique de lyophilisation par congélation, en faisant le vide à l’intérieur de l’enceinte. La glace maintient la forme de l’objet et se sublime en vapeur d’eau sans passer par une


© CG13

Opération de relevage du chaland Arles-Rhône 3, en 2011. 8e art magazine • janvier-février 2014

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LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

ARC-NUCLEART

Préparation de la proue et du mât d’Arles-Rhône 3, avant l’étape de lyophilisation.

phase liquide. Ce procédé permet de conserver la forme de l’épave tout en assurant une consolidation suffisante pour une exposition ». La manipulation s’est avérée d’autant plus délicate que les deux mille clous qui assuraient la cohésion et la solidité du navire ont été enlevés un par un. « Avec l’équipe du musée nous avons fait ce choix, car le souffre associé au fer peut générer de l’acide sulfurique qui est très néfaste pour le vieillissement du bois ». Mais alors, comment faire tenir ensemble les différentes parties ? ARC-Nucléart et CIC Orio ont fabriqué un support sur mesure, épousant parfaitement la forme du navire. « Pour être les plus fidèles possible, explique encore Francis Bertrand, nous nous sommes appuyés sur les relevés en 3D réalisés lors de la levée du chaland par les archéologues ». Des épaves comme neuves Chaque pièce est donc minutieusement réassemblée pour s’approcher au plus près de la forme initiale du vestige. Et 22

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ARC-Nucléart apporte parfois une contribution essentielle à la reconstitution de ce puzzle grandeur nature. Ainsi, en travaillant sur un navire de commerce grec de la fin du VIe siècle avant J.-C., pour le musée d’histoire de Marseille, les restaurateurs ont fait une importante découverte. « En nettoyant les planches, notre équipe a constaté que la reconstitution proposée par les archéologues n’était pas la bonne. Nous étions si proches du bois que nous avons pu modifier la compréhension du bateau ». Il faut dire que le laboratoire suit, depuis plusieurs années, la restauration et la mise sur support des embarcations antiques de la cité phocéenne. Certaines épaves, par manque de moyens financiers, dormaient dans les réserves depuis leur découverte en 1992, lors des fouilles de la place Jules Verne. Il aura donc fallu attendre MP 2013 pour entreprendre une restauration qui s’est révélée d’autant plus délicate que la conservation n’avait pas été optimale. Tous ces chalands, navires de pêche et de commerce, dont les plus anciens datent de la fondation de Massalia, sont en-


© CG13

Remontage du chaland après son arrivée au musée départemental Arles antique.

© CG13

« UN VÉRITABLE DÉFI TECHNOLOGIQUE RELEVÉ ENTRE JUILLET 2011 ET FIN AOÛT 2013, C’EST-À-DIRE DANS DES DÉLAIS EXCESSIVEMENT COURTS »

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ARC-NUCLEART

© CG13

LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

Dernières retouches avant l’ouverture.

IL EST DÉSORMAIS BEAUCOUP PLUS FACILE D’IMAGINER COMMENT VIVAIENT LES HOMMES À L’ÉPOQUE ROMAINE.

fin arrivés à bon port dans les salles du musée. Mais, selon Francis Bertrand, l’opération fut parfois particulièrement complexe : « Nous avons construit un support spécialement adapté pour maintenir ensemble les planches très dégradées et des “filets” en métal ont été substitués aux fragments trop abimés. Nous avons pu ainsi recréer, avec le plus grand réalisme possible, la forme des navires ». Autre résurrection : la magnifique « épave de la Bourse ». Cette pièce, considérée comme le plus important vestige maritime visible dans le monde, était déjà connue du public du musée d’Histoire de Marseille, mais elle n’avait encore jamais bénéficié d’une telle mise en valeur. La scénographie du nouveau musée est tellement plus aérée et lumineuse ! Et le navire a, lui aussi, bénéficié d’un décrassage complet. Pas évident de passer l’aspirateur dans une épave qui mesure 23 mètres de long et 8 mètres de large ! « Le bois est beaucoup trop fragile pour que l’on puisse marcher dessus, précise le directeur d’ARCNucléart. Nous avons donc utilisé un portique qui nous a permis d’enjamber l’embarcation et ainsi, avec une petite nacelle, nous avons pu soigneusement la nettoyer ». L’habillage d’une aussi vieille dame demande également une grande délicatesse : « Nous avons substitué à l’ancien coffrage de 24

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chantier un support beaucoup plus léger et esthétique qui valorise davantage le navire ». Ces épaves nous embarquent pour un fascinant voyage dans le temps. Et parce qu’elles s’offrent au regard dans leur fonction d’usage, il est désormais beaucoup plus facile d’imaginer comment vivaient les hommes à cette époque-là.

MUSÉE DÉPARTEMENTAL ARLES ANTIQUE,

avenue 1ere division France libre, Arles. 04 13 31 51 03. 5-8 €. MUSÉE D’HISTOIRE DE MARSEILLE,

2, rue Henri Barbusse, Marseille, 1er. 04 91 55 36 00. 3-5 €.

WWW.

arles-antique.cg13.fr marseille.fr


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DOSSIER

© Pointe sud productions

LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

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René Heuzay et ses collaborateurs sur l’épave du Chaouen.


LA

QUAND

MÉMOIRE

REMONTE

Le 15 février, France 3 diffusera, pour la première fois, L’Histoire engloutie sous la mer, coréalisée par la journaliste Valérie Simonet et le cadreur sous-marin René Heuzey. Un documentaire qui nous transporte à plus de cinquante mètres sous la mer et dévoile des pans importants de l’histoire marseillaise enfouis dans les profondeurs. On y découvre des images et des témoignages inédits des grands vaisseaux fantômes, jusque-là connus des seuls plongeurs confirmés. Rencontre avec la réalisatrice Valérie Simonet et extraits du documentaire. Propos recueillis par Michel Abax

À LA

SURFACE

Comment a germé ce projet de documentaire très ambitieux ? Ce projet est né d’une rencontre lors de mon précédent documentaire sur les calanques, Calanques, une histoire empoisonnée, tourné au printemps 2012. Je réalisais alors un état des lieux de la pollution de ce qui allait devenir le dixième parc national français. J’avais demandé à René Heuzey, un cadreur sous-marin très connu, de plonger pour moi dans le grand émissaire de Cortiou, soit le débouché dans les calanques de la station d’épuration de Marseille et des environs. Je voulais voir dans quel état étaient les fonds à cet endroit puisque, jusqu’en 1987, les égouts débouchaient directement à cet endroit, sans traitement, et ce depuis un siècle. Je n’ai pas été déçue : de ce paysage lunaire, René a ramené des images très oniriques. Je me suis dit : ce type est un génie de l’image sous-marine ! D’où l’envie de travailler ensemble et le thème des épaves a émergé très naturellement. À quelles difficultés avez-vous été confrontée ? Une fois qu’on a dit « épaves », il restait à trouver une histoire à raconter. Parce que cette seule évocation, même si elle allume des étoiles dans les yeux de beaucoup de gens, ne fait pas un film. J’ai alors imaginé raconter l’histoire du port de Marseille, sur vingt-six siècles, en faisant « parler » ces épaves. La difficulté a été ensuite principalement d’ordre budgétaire, car un film comme celui-là représente un budget important : il faut des tournages sous-marins qui, par nature, coûtent plus cher, des tournages terrestres et des archives. France 3 Provence-Alpes nous a emboîté le pas et Pointe sud productions, 8e art magazine • janvier-février 2014

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LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

L’HISTOIRE ENGLOUTIE SOUS LA MER

© V. Simonet

René Heuzay et Valérie Simonet durant le tournage dans le port de quarantaine du XVIIIe siècle, Frioul.

« RACONTER L’HISTOIRE DU PORT DE MARSEILLE, SUR VINGT-SIX SIÈCLES, EN FAISANT “PARLER” CES ÉPAVES. » la société qui a coproduit le film, a lancé un crowdfunding, un appel à la générosité des fans du projet. Cette campagne a été épuisante, mais très amusante à mener, et le résultat a été au rendez-vous avec 125 donateurs qui se sont complètement approprié le film ! Comment s’est déroulé le travail sur les archives et les témoignages ? Ce fut une enquête absolument passionnante. Je pense une des plus prenantes de toute ma carrière de journaliste. Je me suis retrouvée, entre autres moments mémorables, en train de fouiller dans un local poussiéreux au bout du monde, sur la digue du large, pour remettre la main sur le livre de bord du phare Planier de 1970. Et le plus beau c’est que je l’ai retrouvé ! J’ai aussi passé des heures à lire les journaux de 1903 sur microfilms aux Archives départementales, pour suivre au jour le jour la chronique du naufrage dramatique du Liban. J’ai eu la chair de poule en me plongeant dans l’écriture baignée de larmes de mes confrères de l’époque. J’ai aussi retrouvé des descendants des acteurs de la catastrophe. Sans compter tous les archéologues amateurs passionnés qu’il m’a été donné de rencontrer. Bref, il y aurait un film sur le film à écrire... Quelles sensations avez-vous ressenties en découvrant vousmême ces vaisseaux fantômes ? L’idée que nous avions avec Valérie Montmartin, la coproduc28

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trice du film, c’était que les images sous-marines devaient représenter un « climax » dans la narration. C’est-à-dire qu’après avoir raconté l’histoire de ces navires, de leurs passagers, de ce qui leur était arrivé, on devait avoir un choc émotionnel en les découvrant, gisant sous l’eau. Comme René Heuzey a eu beaucoup de mal à tourner sous l’eau cet été, à cause des mauvaises conditions de visibilité, je n’ai souvent découvert les images qu’au moment où je les montais dans le film. Et là, j’avoue que ça marchait. Cette tension qu’on avait voulu créer autour des navires, en racontant ou en faisant raconter leur histoire, trouvait son accomplissement dans le dévoilement de ces silhouettes fantomatiques, reposant à tout jamais dans la vase. Pour résumer, j’ai souvent eu des frissons quand j’ai visionné les images sous-marines.

L’HISTOIRE ENGLOUTIE SOUS LA MER (52’),

Pointe sud productions, Ligne de Mire production, France Télévisions, février 2013. Première diffusion le 15 février sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur à 15h20.


© Pointe sud porductions © Luc Vanrell

(Haut) Phare du Planier. (Bas) Épave d’un Messerschmitt abattu par les américains aux abords du Planier. 8e art magazine • janvier-février 2014

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L’HISTOIRE ENGLOUTIE SOUS LA MER

© Pointe sud porductions

© Pointe sud porductions

LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

Vues de l’épave du Chaouen. 30

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DOSSIER

LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

NARBONNE ET NÎMES DANS LA COURSE

En 2016, Narbonne inaugurera le MuRéNa (musée régional de la Narbonne antique) conçu par Norman Forster et, l’année suivante, le musée archéologique de Nîmes fera place au Musée de la romanité, dessiné par Élisabeth et Christian Portzamparc. Deux équipements culturels dernière génération qui ambitionnent de jouer dans la cour des grands. Texte : Emmanuelle Gall

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es municipalités le savent bien : pour attirer – et à Marseille de combler son retard. Mais Nîmes n’a pas dit retenir – les touristes, rien ne vaut l’addition d’un son dernier mot : elle compte bien inaugurer son Musée de équipement culturel performant au patrimoine la romanité au premier semestre 2017, un an après celui de existant. Et, en la matière, elles rivalisent de proNarbonne, également dans la course. Fondée par les Rojets. Entre Nîmes, la cité gauloise qui demanda la protection mains en 118 avant Jésus-Christ, devenue la capitale de la des Romains, Arles, la colonie créée par Jules César et MarGaule narbonnaise sous Auguste, son port était considéré seille la grecque, qui a eu le malheur de lui préférer Pomcomme le deuxième de l’empire, après celui d’Ostie. Un pée, la concurrence remonte pedigree suffisant pour que à l’Antiquité. À bord de la Région Languedoc-Rousvaisseaux construits par les sillon décide d’y construire GRÂCE À SES MONUMENTS chantiers arlésiens, l’armée un musée destiné à « revaloromaine a anéanti la flotte riser ce passé tout en renforEXCEPTIONNELS, NÎMES marseillaise. Le prix à payer, çant l’identité régionale ». ESPÈRE BIEN ÊTRE CLASSÉE aujourd’hui encore, pour la PROCHAINEMENT AU PATRIMOINE cité phocéenne : un patri« Un geste architectumoine romain dérisoire au ral fort »… MONDIAL DE L’UNESCO. regard des deux autres. Avec Un rien galvaudée, l’expressa Maison Carrée, le temple sion revient souvent dans la antique le mieux conservé bouche des élus pour qualidu monde, sa tour Magne, ses arènes…, Nîmes peut se tarfier les musées et institutions culturelles construits par les guer de posséder quelques-uns des plus beaux monuments stars de l’architecture internationale. À Marseille en 2013, antiques français et espère bien être classée prochainement et bientôt à Narbonne et Nîmes, les lauréats des concours au patrimoine mondial de l’UNESCO. En revanche, côté sont souvent choisis parmi les fameux prix Pritzker, équimusées, Arles fait figure de pionnière, grâce à sa « cité muvalent du Nobel en architecture. Anticipant « l’effet Muséale », construite par Henri Ciriani en 1995, récemment CEM », Nîmes a vu les choses en grand. En 2012, Élizabeth agrandie pour accueillir le chaland romain Arles-Rhône et Christian de Portzamparc ont remporté le concours 3. En septembre dernier, l’inauguration du nouveau muinternational, devant Richard Meier, auteur du musée de sée d’histoire, le plus grand du genre en Europe, a permis l’Ara Pacis à Rome, et l’incontournable Rudy Ricciotti. Le

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© Agence Élisabeth et Christian Portzamparc © Norman Forster & Partners © Rémi Benali

Les projets nîmois et narbonnais : le Musée de la romanité (en haut) et le MuRéNa (en bas). 8e art magazine • janvier-février 2014

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LES NOUVEAUX MUSÉES

© Agence Élisabeth et Christian Portzamparc

LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

Le sanctuaire de la Source à Nîmes, reconstitution virtuelle en réalité augmentée.

couple, qui collectionne les prix et les réalisations dans le monde entier, a su séduire en proposant « une architecture presque fluide et diaphane qui semble en lévitation sur le site et le jardin archéologique ». Face aux massives arènes, la façade du bâtiment jouera la transparence en reproduisant le drapé d’une toge romaine au moyen d’une mosaïque de carreaux de verre. Le musée se prolongera le long de la rue de la République, dont il conservera les anciennes façades rénovées, et donnera sur un jardin archéologique valorisant les vestiges de l’enceinte conservés sur le site. « Conçu comme une cinquième façade », le toit végétalisé sera équipé d’une table d’orientation géante signalant les principaux monuments nîmois. Sur le papier, la silhouette du Musée de la romanité n’est pas sans évoquer le Carré d’art voisin, construit en 1993 par une autre star, Lord Norman Forster. Ironie du sort, il est également l’auteur du futur MuRéNa, implanté à l’entrée est de Narbonne, en bordure du canal de la Robine. Figure 34

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de proue de « l’architecture high-tech », rendu célèbre par le viaduc de Milhau, le Britannique vient de participer au réaménagement du Vieux-Port à Marseille en y installant une spectaculaire ombrière. À Narbonne, Norman Forster a opté pour « une architecture classique et romaine à la fois », inspirée de Pompéi. Articulé autour d’un mur de grès de 108 mètres de long (et 7 de haut), souvenir de l’enceinte antique, le bâtiment de plain-pied sera élaboré sur le principe dit de poteau-poutre, permettant de dégager de grandes surfaces modulables. Contrairement à son homologue nîmois, il se veut sobre et économe sur le plan esthétique, mais aussi économique. Et, en effet, la Région s’apprête à débourser 44 millions d’euros pour MuRéNa, tandis que le budget prévisionnel du Musée de la romanité est estimé à près de 60 millions d’euros. Une addition d’autant plus salée que, pour l’heure, la municipalité nîmoise ne peut compter que sur 15 millions de subventions de la Région et de l’Agglomération.


© Norman Forster & Partners

La galerie lapidaire à Narbonne.

… et une muséographie high-tech Plus cher, le musée nîmois est aussi plus grand : 10 000 m2, contre 9 000 m2 pour le MuRéNa. Et il abritera 10 000 pièces de plus, soit 25 000 inscriptions, monnaies, lampes, sculptures, mosaïques et autres chapiteaux de la collection nîmoise. Parmi eux, la reconstitution du sanctuaire de la Source (à l’origine de la fondation de Nîmes) aura droit à un atrium dédié, et la Mosaïque de Penthée, découverte en 2007 lors des fouilles préalables à la construction du Parking Jean Jaurès, retrouvera sa fonction initiale dans une domus (maison) virtuelle. À Nîmes comme à Narbonne et dans la grande majorité des nouveaux équipements culturels, l’heure est à « la réalité augmentée », c’est-à-dire à l’usage des nouvelles technologies pour replacer les vestiges dans leur contexte spatio-temporel. La muséographie contemporaine se veut innovante, interactive et ludique : écrans tactiles, projections 3D et éclairages sophistiqués remplacent désormais les poussiéreuses vitrines d’antan. Le visiteur déambule dans des espaces démesurés, à la scénographie aérée et volontiers spectaculaire. À Nîmes, il traversera le temps, du VIIe siècle avant Jésus-Christ au Moyen-Âge, tandis qu’à Narbonne, il suivra un parcours thématique focalisé sur le forum, l’habitation et le port antique récemment mis à jour. Dans les deux cas, il poursuivra certainement sa course à la boutique, au bar ou au restaurant. Là aussi, la « ville avec un accent », comme elle aime à se qualifier, a mis le paquet, en prévoyant un restaurant panoramique avec vue sur les arènes et la tour Magne. Une façon d’attirer un public plus large que les seuls passionnés d’archéologie dans un quartier à l’abandon depuis vingt ans. Ici, comme à Marseille en 2013, culture et histoire riment avec rénovation urbaine et espoir de développement économique.

À NÎMES COMME À NARBONNE, L’HEURE EST À L’USAGE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES POUR REPLACER LES VESTIGES DANS LEUR CONTEXTE SPATIO-TEMPOREL.

GALERIE DE PRÉFIGURATION DU MUSÉE DE LA ROMANITÉ

15, boulevard Amiral Courbet, Nîmes. Les 10 et 11 mai, 21h30. Square Narvik, 04 66 76 74 80. Entrée libre.

WWW.

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DOSSIER

LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

© Musée royal de Mariemont / Photo Michel Lechien

CANONS

ANTIQUES En écho à l’exposition-phare Visages, Picasso, Magritte, Warhol, qui se déroule à la Vieille Charité, le musée d’Archéologie méditerranéenne interroge sa propre collection de portraits. © Musées de Marseille / Photo David Giancatarina

Texte : Eva Journeaux

Venus anadyomène, IIe -Ier s. av. J.-C., marbre, provenance inconnue (à gauche). Idole cycladique, marbre, 2800-2300 av. J.-C. Cyclades (à droite).

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uel est le point commun entre une idole cycladique du IIIe millénaire avant Jésus-Christ et une Vénus romaine du IIe siècle ? Taillées dans le même précieux marbre, elles ont sans nul doute incarné, chacune, un idéal de beauté. Stylisé, quasi abstrait pour l’une, réaliste et classique pour la seconde. L’exposition Visages… au commencement choisit de porter un regard sociologique et esthétique sur des images habituellement regardées d’un point de vue archéologique. À travers une quarantaine d’œuvres classées thématiquement, le visiteur est invité à remonter les millénaires, depuis la statuaire égyptienne jusqu’aux marbres grecs de l’époque classique, représentations des visages et des corps dont le canon, fixé vers 440 avant Jésus-Christ avec Le Doryphore

de Polyclète, guidera les artistes jusqu’à nos jours. Une intéressante entrée en matière pour appréhender un modèle que les artistes à venir, et en l’occurrence exposés deux étages plus bas, n’auront de cesse d’interroger.

VISAGES… AU COMMENCEMENT

Du 21 février au 22 juin. Musée d’Archéologie méditerranéenne, 2, rue de la Charité. Marseille, 2e. 04 91 14 58 59.3-5 €.

WWW.

marseille.fr 8e art magazine • janvier-février 2014

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DOSSIER

LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

VESTIGES DE

L’AUTRE

RIVE

Musée de société dédié au bassin méditerranée, le MuCEM dévoilera en mars prochain un pan méconnu de l’archéologie antique. Fruit d’une convention culturelle entre la France et le Maroc, l’exposition Splendeurs de Volubilis présente des œuvres pour la plupart inédites en France, représentatives du rayonnement culturel de Rome. Texte : Eva Journeaux

P

our l’historienne et archéologue Myriame Morelnaires romains, saura maintenir la paix. L’auguste pari est Deledalle, commissaire de l’exposition, « cette gagné : la province devient riche et prospère. « Le couple fait culture presque unique est spécifique à la période appel aux grands artistes de l’Empire, s’entoure de richesses et de la Pax Romana ». Le climat de paix qui règne à fait construire partout nombre de bâtiments grâce au savoirl’intérieur de l’Empire romain entre le IIe siècle avant notre faire d’artisans venus de tout le bassin méditerranéen », raère et le IIe siècle après Jésus-Christ est propice à la diffusion conte Myriame Morel-Deledalle. De cet âge d’or, très symbodu mode de vie romain, au sein des villes qui se construisent lique du triomphe de la civilisation romaine, les vestiges de partout sur le modèle de la capitale. L’exposition consacrée Volubilis, cité riche du commerce de son huile d’olive, nous à Volubilis éclaire partisont miraculeusement parvenus culièrement cette globalidans un bon état de conservasation du modèle à travers tion. LE CŒUR DE L’EXPOSITION l’espace de la Mare NosDans une première section, trum. l’exposition retrace la spécifiEST CONSTITUÉ DE DIXÀ l’époque, le pays est cité de la région de MaurétanieHUIT GRANDS BRONZES DE une province africaine Tingitane, replacée à l’échelle VOLUBILIS CONSERVÉS AU baptisée Maurétanie-Tinde l’Empire. Puis, on découvre gitane. La romanisation les modèles stylistiques qui ont MUSÉE DE RABAT de la région s’accentue cours dans l’empire : de l’éphèbe lorsque Juba Ier, le roi nu(stéréotype de la beauté selon le mide de Maurétanie, est canon grec), utilisé dans les dévaincu sur ses terres par les troupes de Jules César. Triomcors privés de la maison aristocratique, aux portraits réalistes phant, ce dernier ramène à Rome le fils du roi, en guise de personnages politiques, destinés à la place publique, le de trophée, pour lui donner une éducation toute romaine, forum. Puis, le modèle du grotesque, avec un hyperréalisme destinée à en faire un parfait citoyen de l’Empire. Juba II va typique de l’école d’Alexandrie, et enfin le décor domestique. y rencontrer Cléopâtre Séléné, fille de Cléopâtre, elle aussi Le cœur de l’exposition est constitué de la fameuse série de en captivité à Rome après avoir été arrachée à Alexandrie. dix-huit grands bronzes de Volubilis conservés au musée de Comme dans les meilleurs péplums, ils sont mariés et deRabat ainsi que d’autres bronzes empruntés au Louvre ou à viennent de parfaits représentants de la culture et de l’arisla BNF, mis en regard des bronzes marocains. La dernière tocratie romaine. L’empereur Auguste envoie alors le couple partie de l’exposition se concentre sur la technique des bronpour gouverner la nouvelle province de Maurétanie : il peut ziers et la fonderie telles que pratiquées à l’époque antique, confier sans crainte l’administration des populations locales et mises en relation avec les techniques et les innovations à un chef « indigène » qui, plus habilement que des fonctionactuelles en matière de bronze.

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© Direction du patrimoine culturel, Ministère de la culture du Royaume du Maroc

Bronzes de Volubilis représentant Juba II et un chien attaquant.

SPLENDEURS DE VOLUBILIS - BRONZES ANTIQUES DU MAROC ET DE MÉDITERRANÉE

Du 12 mars au 25 août. MuCEM, 1, esplanade du J4, Marseille, 2e. 04 84 35 13 13. 3-5 €.

WWW.

mucem.org 8e art magazine • janvier-février 2014

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DOSSIER

LA PASSION ARCHÉOLOGIQUE

300

MILLIONS

D’ANNÉESMÉDITERRANÉE EN

En quatre films, le nouveau parcours d’exposition de la Villa Méditerranée, baptisé Échelles des temps, retrace l’histoire humaine et géologique de la région. Texte : Olivier Levallois • Images : Studio Gobi

S

avez-vous que la Méditerranée s’est trouvée asséchée durant 100 000 ans ? Et savez-vous que ce laps de temps, aussi long qu’il nous paraisse n’est, au regard des 300 millions d’années de formation géologique du bassin méditerranéen, qu’un bref instant ? Constamment plongé dans l’actualité la plus contemporaine, l’être humain a tendance à restreindre de plus en 40

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plus son temps de référence. Pourtant l’histoire est constituée de ces enchâssements de temporalités, celle de l’histoire humaine et celle de la géologie. C’est à l’expérience de cette relativité du temps historique, humain et géologique que nous invite, depuis décembre dernier, la nouvelle exposition permanente de la Villa Méditerranée. Dans un espace réduit et en quarante-cinq minutes, le


LE PARCOURS, ORGANISÉ ENTRE TEMPS DES HOMMES ET TEMPS DE LA TERRE PROPOSE QUATRE FOCALISATIONS SUR L’HISTOIRE DE LA MÉDITERRANÉE.

parcours, organisé entre temps des hommes et temps de la terre propose quatre focalisations sur l’histoire de la Méditerranée. Sont ainsi projetés quatre films de genres différents, réalisés par Daniel Cling et commentés par l’historien et guide virtuel Jean-Luc Arnaud. La dislocation de l’Empire ottoman, qui s’est étalée sur plus d’un siècle, est résumée en quinze minutes d’archives. Même format pour le compte rendu de 2500 ans de relations de pouvoir en Méditerranée. Puis, un document cartographique de cinq minutes explicite les 300 millions d’années de la formation géologique. Enfin, un superbe récit d’animation de cinq minutes donne à voir le récit de la crise messinienne, quand, il y a 5.6 millions d’années, le détroit de Gibraltar s’est refermé et que la Méditerranée s’est transformée en désert. Pédagogique, ce parcours – très court – tient désormais lieu d’introduction à l’exposition permanente Plus loin que l’horizon.

Images de “Ainsi la mer”, une animation du studio Gobi réalisée par Daniel Cling.

VILLA MÉDITERRANÉE,

Esplanade du J4, Marseille, 2e. 04 95 09 42 52. Entrée libre.

WWW.

villa-mediterranee.org 8e art magazine • janvier-février 2014

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PORTFOLIO

BIO-GRAPHIES ANATOMIQUES Texte : Olivier Levallois

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hotographe et plasticien, Laurent Millet interroge le statut des images dans notre représentation du monde. Crée en 2011, L’herbier est une série inspirée d’anciennes planches de botanique, mêlant d’imaginatifs organes végétaux peints, à des photographies du propre corps écorché de l’artiste, suivant le modèle des planches d’anatomie. Ici, se mêlent dans un univers hybride, science et imaginaire, botanique et anatomie, peinture et photographie. Les racines et les veines, les organes et les bulbes, les branches et les nerfs se confondent, dans des autoportraits à la fois familiers et perturbants. Cette série questionne nos références visuelles communes et notre obsession de classification du vivant. Comment retranscrire dans une image instantanée, la complexité mouvante de la vie ? L’exercice d’autoportrait témoigne de la difficulté de représenter toute identité provisoire, en raison de l’antagonisme entre la profondeur du sujet et la surface du médium. Comment montrer la singularité d’un être, sa profondeur, à travers une surface (celle du corps et celle du support photographique) ?

Le 7 février. 19h00, lecture performée “ça pousse” : du neuro-psychiatre Yves Sarfati et du comédien Cyril Anrep, autour de l’Herbier de Laurent Millet.

L’HERBIER

Jusqu’au 21 février. Vol de nuits, 6, rue Sainte-Marie, Marseille, 5e. 04 91 47 94 58. Entrée libre.

WWW.

voldenuits.com 42

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56 Scènes

62 66 Musiques Expos

70 Enfants

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L’ÉVÈNEMENT

JOËL POMMERAT, LE MONDE SUR UN PLATEAU Les Marchands et Au Monde, les deux pièces présentées par le théâtre de La Criée en association avec Le Merlan, constituent des œuvres charnières dans le parcours de ce créateur hors norme.

T

outes les grandes scènes de France et d’Europe Pommerat. Pourtant, le véritable succès public viendra, s’arrachent désormais les spectacles de Joël Pomavec Les Marchands, pièce créée en janvier 2006 au Théâtre merat. Mais l’engouement pour cet auteur et metNational de Strasbourg, puis reprise, la même année, au teur en scène – il préfère le terme d’« écrivain de Festival d’Avignon. L’ancrage dans la réalité sociale et écoplateau » – est relativement récent. Et, si au fil du temps, son nomique se fait alors encore plus marqué. Nous sommes propos est devenu plus « aimable » (entendez moins abstrait), cette fois-ci face à des ouvriers et des chômeurs. Et, du coup, il n’en continue pas moins d’explorer, sans aucune concesl’œuvre bascule ouvertement dans la tragédie. Mais, plus besion, les zones les plus obscures de l’animal humain. Quand, soin d’histoires extraordinaires pour fabriquer du mythe. À en 2004, il crée Au Monde, Pommerat a déjà à son actif une partir de situations terriblement banales, Pommerat renoudizaine de spectacles, sans velle la mécanique du registre compter une incursion dans tragique. La fatalité conteml’univers du cinéma, mais son poraine ? L’argent tout puisÀ PARTIR DE SITUATIONS écriture très elliptique, qui sant. Les nouveaux dieux ? offre peu de prise à l’identifiLes médias qui trônent dans TERRIBLEMENT BANALES, POMMERAT cation, ne séduit encore qu’un notre salon. Quant au moRENOUVELLE LA MÉCANIQUE cercle relativement restreint teur de cet engrenage meurde connaisseurs. Au Monde trier, il réside dans la valeur la DU REGISTRE TRAGIQUE. se révèle être beaucoup plus plus sacrée pour nos sociétés accessible au grand public. contemporaines : le travail L’œuvre met en jeu, non pas dévorateur qui exige toujours des « figures », mais de véritables personnages, et ils sont plus de sacrifices. D’un côté les nantis, de l’autre les oppriportés par des acteurs dont l’engagement physique ne peut més : Au Monde et Les Marchands fonctionnent en écho. Les que fasciner. La pièce, en lointain écho aux Trois Sœurs de positions sont bien sûr irréconciliables. Mais riches oisifs et Tchekhov, décrit une famille puissante, enrichie dans l’inpauvres sans emplois partagent le même désœuvrement, la dustrie de l’armement. Une famille comme un microcosme même vacance existentielle. Rarement le vide aura créé une de la société, avec ses mensonges, ses projections fantasmamatière aussi dense et génératrice de sens. F.K. tiques. L’enjeu dramaturgique, qui se déploie dans un espace scénographique à la fois visuel et sonore, un entremêlement d’ombres et de lumières, de sons et de silence, apparaît alors d’une limpidité foudroyante. La tension va crescendo à meLes Marchands, du 13 au 15 février, 20h, le 16, 15h. sure que se creuse le décalage entre les idéaux affichés et la Au Monde, du 18 au 21 février, 20h, le 19, 19h. crudité des faits. Théâtre de la Criée, DANS L’INDÉTERMINATION DU SENS Au Monde marque donc un tournant dans la carrière de

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30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. 10-18 €. www.theatre-lacriee.com


© Elisabeth Carecchio

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SCÈNES

Ne dit-on pas que le réel dépasse souvent la fiction ? Pour créer des histoires captivantes, inutile d’inventer des contrées lointaines, des héros merveilleux et des aventures incroyables. La mémoire de nos voisins recèle une infinité de tragédies, de drames, de comédies et les artistes savent puiser dans ce matériau quotidien pour produire des récits terriblement émouvants… Enquête sur un grand chantier d’Agnès Régolo est de cette veine-là. Le sujet de cette épopée théâtrale ? L’histoire du chantier naval de Fos. La fable commence dans les années 60, elle concerne la construction de l’une des plus grandes zones industrialo-portuaires d’Europe et elle implique des milliers de « personnages ». Mais, par la grâce du théâtre, deux acteurs suffisent pour convoquer les multiples acteurs, ouvriers, ingénieurs, syndicalistes, décideurs politiques, architectes… de ce projet pharaonique. La dramaturgie a été construite à partir d’un ouvrage, Fos, les métamorphoses, écrit par l’historienne Hélène

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Vésian. Cette dernière a collecté, in situ, de multiples témoignages sur les tenants et aboutissants d’une opération qui a profondément transformé le territoire et les hommes. Agnès Régolo a su donner une dimension universelle à cette aventure humaine et, sans la trahir, en faire une œuvre de fiction. Enquête sur un grand chantier marie la puissance d’évocation du spectacle vivant à la précision d’un travail d’historien. Le résultat répond « à un désir de théâtre à la fois documentaire et spectaculaire, ludique et réflexif, à la hauteur d’un réel dont il s’est nourri et qu’il questionne ». F.K. Le 24 janvier, 20h, le 25, 19h et le 26, 15h. Théâtre Joliette-Minoterie, 2, place Henri Verneuil, Marseille, 2e. 04 91 90 07 94. 3-20€. www.theatrejoliette.fr

© Compagnie Du Jour au lendemain

ENQUÊTE SUR UN GRAND CHANTIER


© Konstantin Lipatov

© Raoul Collectif

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FESTIVAL PARALLÈLE Les jeunes artistes n’ont jamais été au centre des politiques culturelles. Et la crise économique n’a fait qu’amplifier ce phénomène qui freine le renouvellement de la création contemporaine. Dans un paysage de plus en plus asséché, le festival Parallèle fait figure d’exception précieuse. L’association Komm’n’act, à l’initiative de l’événement, ne se contente pas de diffuser des spectacles de jeunes artistes. Malgré des moyens notoirement insuffisants, cet opérateur s’engage sur un travail d’accompagnement beaucoup plus profond et à l’échelle internationale. Le festival Parallèle représente donc le temps fort de

ce processus, un moment de rencontres, aussi innovant que festif, entre artistes et publics. La programmation (théâtre, danse, performance, écriture…) va essaimer pendant quatre jours dans des lieux partenaires. Certaines propositions sont déjà inscrites dans les réseaux nationaux et internationaux. On pense notamment à Maud Le Pladec, désormais identifiée comme une chorégraphe majeure ou au solo de la performeuse et danseuse Eleanor Bauer qui, de New York à Bruxelles, a su fasciner de nombreux spectateurs. La valeur n’a jamais attendu le nombre des années. F.K.

Du 29 janvier au 1er février. Théâtres du Merlan, Joliette-Minoterie, Friche la Belle de Mai et Klap. 04 91 55 68 06. 0-25€. www.komm-n-act.com

RAOUL COLLECTIF Partout où ils passent, le bouche à oreille fonctionne à plein régime. Raoul Collectif a enflammé le festival d’Avignon 2012 et, auparavant, cette bande de jeunes comédiens déjantés avait remporté le prix du jury au théâtre de l’Odéon et celui du public du festival Impatience. Les ATP (Amis du Théâtre Populaire) et le Théâtre Antoine Vitez nous donnent l’occasion de découvrir leur Signal du promeneur : un spectacle qui s’annonce autant drôle que porteur de sens, un cri de liberté à généreusement partager. F.K. Les 4 et 5 février, 20h30. Théâtre Antoine Vitez, 29, avenue Robert Schuman, Aix-enProvence. 04 13 55 35 76. 4-16 €. www.theatre-vitez.com

© Alain Monot

ADISHATZ/ADIEU Première mise en scène de Jonathan Capdevielle, Adishatz/Adieu a été créé il y a quatre ans. Seul en scène, le comédien délivre l’autofiction de sa mue adolescente quand, jeune homme solitaire et vulnérable vivant à Tarbes, il se rêvait en artiste. Les chansons de variétés qu’il interprète a capella servent de bande-son au récit de cette quête intime. De virées en boites minables jusqu’à une loge de spectacle, nous sommes ballotés entre allégresse et désespoir, vie réelle et vie

rêvée. Le jeune homme quitte peu à peu les oripeaux de l’adolescence et enfile la robe en strass et la coiffure peroxydée d’une starlette de province. Un travestissement, comme une victoire sur les forces morbides de la banalité et du déterminisme. O.L. Le 28 janvier, 20h30. Théâtre des Salins, 19, quai Paul Doumer, Martigues. 04 42 49 02 01. 10-15 €. www. theatre-des-salins.fr

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SCÈNES

© Laurent Pallier

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FABRICE EBOUÉ

Trois ans se sont passés depuis le premier one-man-show de Fabrice Eboué. Cet humoriste révélé par le Jamel Comedy club confirme ici son talent et l’acuité de son regard sur notre société. Ce qui stimule sa verve, ce sont les sujets les plus sensibles : la pédophilie, les religions, le racisme ordinaire, la peine de mort… Et s’il vise, comme d’autres, la provocation, il le fait en sollicitant toujours notre esprit critique. Il part ainsi des clichés, non pour les renforcer, mais pour les déplier et nous inviter à nous confronter à nos contradictions. Entre stand-up à l’américaine et esprit sarcastique, ce Lenny Bruce à la française est l’un des plus doués de sa génération. O.L.

KUBILAI KHAN INVESTIGATIONS Une scène de théâtre est tellement vaste qu’elle peut contenir toutes les pensées et tous les actes du monde. Frank Micheletti, directeur artistique du Kubilai Khan investigations, ne cesse de pratiquer ce travail de compression. Habituellement, en adepte de l’indiscipline, il entremêle dans le même espace scénique les mots, les sons, la vidéo et les différents langages du corps (la danse et le cirque). Son dernier spectacle, Tiger Tiger Burning bright, est beaucoup plus épuré. Sur un plateau presque nu et accompagné par une musique organique, cinq danseurs se confrontent à

Le 20 février, 20h. Le Silo, 35, quai du Lazaret, Marseille, 2e. 04 91 19 30 80. 32 €. www.silo-marseille.fr

l’absolue immanence du monde. Vivre avec son temps exige de s’inscrire dans une course effrénée. Mais comment suivre le mouvement de cette accélération permanente sans se désintégrer ou devenir fou ? La fluidité du geste, la stimulation simultanée de tous nos affects, la recomposition constante des fragments d’instants épars permettent à cet univers de tenir ensemble. Le suspens est souvent à son comble, car le « collectif » n’hésite pas à flirter avec les limites. En acceptant le jeu de l’instabilité permanente, ce spectacle danse sur le fil de l’équilibre parfait. F.K. © Canal+

Le 11 février, 20h30. Théâtre des Salins, 19, quai Paul Doumer, Martigues. 04 42 49 02 00. 8-15 €. www.theatre-des-salins.fr

UN AUTRE NOM POUR ÇA

© Ida Jokobs

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Dans une chronologie inversée, le metteur en scène Mladen Materic remonte les destins de ses personnages en une succession de tableaux. Égrenant les souvenirs, des petits gestes anecdotiques aux grands tournants fondamentaux, il donne à observer ces instants où les vies bifurquent et se transforment. Un talon d’escarpin cassé, une main effleurant une épaule, un regard manqué, une coiffure qu’on dénoue… Comme toujours avec le théâtre Tatoo, bien plus que les mots, toujours rares, ce sont les corps qui disent l’indicible des sentiments

joyeux ou douloureux tressant nos vies, et induisent les destinées. Dans un décor trivial et quotidien, la troupe multidisciplinaire (trapèze, magie, théâtre, musique…) fait de la chorégraphie des personnages l’expression d’une condition humaine à la fois singulière et universelle. O.L.

Les 13 et 14 février, 19h30 et 20h30. Bois de l’Aune, 1 bis, place Victor Schœlcher, Aix-en-Provence.04 42 93 85 40. Entrée libre sur réservation. www.agglo-paysdaix.fr


© Xavier Lambours

L’ORAL ET HARDY

Un homme politique en costume-cravate, monte sur scène pour délivrer une allocution dans la plus belle langue de bois qui soit. Mais son discours se trouve bien vite perturbé par d’incontrôlables jaillissements d’inconscient. Cette langue qui possède son orateur plus qu’il ne la possède fuit littéralement de ses phrases. De circonvolutions hasardeuses en erreurs de syntaxe, d’approximations linguistiques en métaphores improbables, la prestation de l’élu, frayant sans cesse avec le lapsus, devient vite irrésistible de drôlerie. Roland Barthes définissait la langue poétique comme un écart par rapport à la prose. C’est cet écart ludique et jubilatoire entre les discours officiels, techniques et normatifs (du politique ou du management) et la poésie accidentelle, jaillissant soudain de la parole, que le comédien et metteur en scène Jacques Bonnafé a su trouver dans l’écriture de Jean-Pierre Verheggen. Les mots de l’auteur belge sont ici servis par une véritable performance d’acteur dans une mise en scène précise, redonnant tout son sens au non-sens. Un hommage à la fertilité incantatoire de la parole, distinguée par deux Molières (du meilleur acteur et de la compagnie) en 2008 et 2009. O.L. Les 20 et 21 février, 20h, le 22, 19h, le 23, 15h. Théâtre Joliette-Minoterie, Place de la Méditerranée, Marseille, 2e. 04 91 90 07 94. 3-20 €. www.theatrejoliette.fr

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SCÈNES

© DR

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BESTIAIRE D’AMOUR La comédienne Isabella Rossellini nous convie à une conférence sur la sexualité… des animaux. Déguisée en ver de terre, en escargot, en hamster, en araignée ou en mante religieuse, elle présente, commente et joue quelques-uns des comportements de reproduction du règne animal. Basé sur des réalités scientifiques, présenté avec malice et humour, ce kamasutra plein d’étrangetés rend hommage à la diversité, et remet en question les stéréotypes. En creux, la nature humaine s’en trouve, bien sûr, interrogée. Qu’en est-il de l’instinct maternel ? De la domination masculine ? Du coup de foudre ? De la fidélité ? C’est à partir de ses séries de films Green Porno, Seduce me, puis Mammas, que la comédienne a crée (avec Jean-Claude Carrière, pour le texte français, et Muriel Mayette, pour la mise en scène) ce monologue aussi drôle que licencieux. La féminité jusqu’au bout des mandibules. O.L.

LA TRILOGIE DE FRANCK

cette mère et ce fils. Dans Le soir (2013), on assiste au retour du père, ignorant ces bouleversements. À l’échelle de cette famille, on interroge ainsi les notions d’apprentissage et de révolution. Quand un individu redéfinit ses désirs et donc sa place dans sa communauté, il bouleverse l’ordre établi, ici, le mythe parental. En trois heures quarante, les comédiens Nicole Choukroun et Stephan Pastor donnent à voir les ramifications intimes de nos élans d’émancipation. O.L.

© Mario Del Curto

En 1996, le dramaturge François Cervantes retourne en classe de 4e, avec le désir de « retraverser un pays d’enfance ». Il en tire matière à une trilogie racontant trois temps de l’histoire d’une trinité familiale en crise. Dans La Table du fond (2006), une mère recherche son fils, Franck, absent de la maison depuis trois jours. Elle découvre alors, par ses professeurs, qu’il vit au collège où il est heureux. Puis vient, avec Silence (2009), l’échange difficile entre

Du 19 au 21 février, 20 h 30. Théâtre du Gymnase, 4, rue du Théâtre français, Marseille, 1er. 04 91 24 35 24. 8-34 €. www.lestheatres.net

Du 7 au 23 février, 19h, les 7, 9, 23, 15 h. Petit Plateau, Friche la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 95. 10-12€. www.lafriche.org

SHAKE IT OUT

© CUbe

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Christian Ubl écrit, avec et pour le corps, des récits poétiques inspirés par son histoire personnelle. Au terme d’une résidence de création au Pavillon noir, le chorégraphe présente son dernier opus : Shake it out. Il interroge la notion d’identité européenne à partir de sa propre expérience d’Autrichien « adopté » par la France. Cinq danseurs, un compositeur et un batteur vont mettre en perspective cet

enracinement aux multiples ramifications. Le corps sera tour à tour glorieux, propagande, symbole, mais aussi en ruine, en révolte... F.K. Les 20 et 21 février, 20h30. Pavillon noir, 530, avenue Mozart, Aix-en-Provence. 04 42 93 48 00. 8-20 €. www.preljocaj.org


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MUSIQUES

REEVOX, DES RÊVES DE MUSIQUE Pour la troisième édition de Revox, le gmem – et surtout son homo faber et développeur, Charles Bascou – a concentré sa recherche sur les dispositifs tactiles. Entre analogique et numérique, le projet Touch Screen – Modulation, imaginé par Erikm et Thomas Lehn, nous fait découvrir une nouvelle lutherie, tandis que Natacha Muslera imagine un pupitre qui donnera la partition, en provoquant des influx ressentis au toucher, à un chœur constitué de malvoyants (Choeur Tac-Til). Reevox ouvre aussi ses champs de vision à la jeune création et aux musiques actuelles : une soirée sera dédiée aux jeunes talents des classes d’électroacoustique du CNRR de Marseille, tous déjà très actifs aussi sur des scènes plus parallèles (Bertrand Wolff, Clara de Asis et Laura Vazquez, Laure Latronche…). En clôture de l’événement, une soirée au Cabaret Aléatoire fera se croiser musiciens – et publics amateurs, donc – de musiques actuelles et de musique contemporaine : Alva Noto et Justus Köhncke, Franck Vigroux et Reinhold Friedl. Ouverture aux autres encore, la transmission guide les actions du gmem, avec les

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Concerts commentés de Patrick Portella, qui veulent sensibiliser tous les publics au métier de compositeur. Incontournable également, la réunion du compositeur Murcof et de la pianiste Vanessa Wagner, interprète fétiche des œuvres de Pascal Dusapin, promet une rencontre entre musique électronique et musique classique de haute voltige. J.S. Du 11 au 15 février. KLAP, gmem, Seconde Nature, Friche Belle de mai, Marseille et Aix-en-Provence. 04 96 20 60 10. 0-16 €. www.gmem.org

© Karel Sust

SORTIR


© Yann Orhan

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© Denis Rouvre

YODELICE

IBRAHIM MAALOUF L’homme est un carrefour à lui tout seul. Entre l’Occident et l’Orient, entre le classique et le jazz, entre le ton et le demi-ton… Que celui qui n’a jamais été ému jusqu’aux larmes par l’ahurissante tension qui sourd du quart de ton, tel du sirop d’un érable, se colle enfin l’oreille à l’embouchure de la trompette d’Ibrahim Maalouf. Ce petit génie du piston est le seul trompettiste au monde à jouer la musique arabe avec une trom-

pette à quarts de ton, ou trompette microtonale, un instrument de délicieuses tortures inventé par son père, Nassim Maalouf. Après de nombreuses collaborations tous azimuts (Grand Corps Malade, Vincent Delerm, Sting…), Ibrahim trouve enfin le temps de venir nous dévoiler pour un soir son nouvel album, Illusions, sorti en novembre dernier. M.J.

Le 23 janvier, 20h30. Théâtre La Colonne, Rue Marcel Paul, Miramas. 08 10 00 68 26. 9-20 €. www.scenesetcines.fr

Il est loin, musicalement en tout cas, le Maxim Nucci qui a commencé sa carrière musicale comme arrangeur des L5 ou compositeur de Jenifer… Ce musicien hyper doué s’est crée, il y a maintenant cinq ans et trois albums, un nouveau personnage, Yodelice, parti faire – pour notre bonheur – une pop américanophile à tendance folk du côté de la Cité des Anges. Il revient aujourd’hui avec Square Eyes, sorti en octobre, un poil plus rock et d’inspiration seventies. Un album à écouter cheveux au vent, au volant de son combi VW, direction l’été sans fin. M.J.

Le 31 janvier, 20h30. Le Moulin, 47, boulevard Perrin, Marseille, 13e. 04 91 06 33 94. 25 €. www.lemoulin.org

DR

CATS ON TREES Voici un duo de félins arboricoles sortis de l’écurie Tôt ou Tard (où sévissent, entre autres, Matthieu Bogaert, Piers Faccini, Thomas Fersen et Vincent Delerm). Cats on Trees, c’est Nina Goern à la voix et au piano, et Yohan Hennequin à la rythmique, un duo garçon-fille comme aime bien en produire la pop rock française (the Dø, Lilly Wood And The Prick, Cocoon). Fondé en 2007, le groupe originaire de Toulouse vient de

sortir son premier album éponyme en octobre. Ils sont frais, beaux et jeunes, et nous font ronronner de plaisir. La BO d’un hiver bien au chaud sous la couette ! M.J. Le 25 janvier, 20h30. Le Poste à Galène, 103, rue Ferrari, Marseille, 5e. 04 91 47 57 99. 15,95 €. www.leposteagalene.com

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MUSIQUES

© Stephan Zimmerli

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MOTORAMA Le succès de groupes tels que The xx ou M83 confirme depuis quelque temps l’attention (nostalgique ?) portée à cette tendance du retour des années 80. Mais qui aurait pu imaginer que les plus parfaits héritiers du rock indépendant britannique des eighties seraient russes ? Le « phénomène Motorama », originaire de Rostov, entrainé par son leader, Vladislav Parshin, et soutenu par le label bordelais Talitre, sillonne ainsi avec talent les chemins mélancoliques de la cold wave anglaise allant de Joy Division à Pulp. Les sonorités des guitares, les mélodies entêtantes, la batterie en retrait, la voix grave baignée dans un spleen élégant d’après-midi pluvieux… Ce n’est plus un hommage, mais une résurrection. O.L.

A QUEEN OF HEART Une chanteuse, un pianiste, de lourds rideaux de velours rouges, une ambiance de music-hall au faste fané. Et, au centre, la voix mélancolique et envoutante de la Franco-américaine Rosemary Strandley, la chanteuse du groupe Moriarty, livrant un hommage intime et glamour à ses consœurs Marlene Dietrich, Marylin Monroe, Billie Holiday, Nina Simone, Rita Hayworth, Peggy Lee, Nancy Sinatra… Mise en

Le 21 février, 21h. Le Poste à Galène, 103, rue Ferrari, Marseille, 5e. 04 91 47 57 99. 12 €. www.leposteagalene.com

scène par Juliette Deschamps, la fille de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff, capable d’orchestrer un concert de M comme un opéra baroque, A Queen Of Heart fait entendre la solitude et la blessure qui nourrissent le chant de ces reines de la scène, aux vies souvent déchirées par le malheur et le mal-être.

O.L.

DR

Les 3 et 4 février, 20h et 21h. Théâtre de La Criée, 30, quai Rive neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. 16-18 €. www.theatre-lacriee.com

TEMENIK ELECTRIC C’est un groupe de cinq grands garçons qui, un pied de chaque côté de la Méditerranée, font de l’« arabian rock » : un mélange de son pop rock électro et de sonorités orientales, une sorte de Led Zeppelin qui aurait avalé un youyou ou un Tinariwen qui aurait mangé l’harmonica de Dylan. « Quand j’étais enfant, confie Mehdi Haddjeri, le leader du groupe, on me disait : “Ne fais pas de Temenik”. En arabe, ça veut dire : “N’en fais pas trop, ne fais pas de chichis”. » Aujourd’hui, il a

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pris sa revanche et il a même électrifié son « temenik ». Rien n’arrête ces cinq garçons dans le mistral : arômes blues, samples de Oum Kalsoum, transes gnaouas, guitares distordues… Un son monstre enfanté par Marseille ! M.J. Le 21 février, 21h. L’Escale, 170, chemin Saint-Michel, Aubagne. 04 42 18 17 17. 8-10€. www.mjcaubagne.fr


DR

PATRICE

Treize années et huit albums se sont écoulés depuis les premières apparitions remarquées du chanteur dans le paysage musical mondial. Si ce fan de Bob Marley, né à Cologne d’une mère allemande et d’un père sierra-léonais, s’est parfois un peu perdu sur la route de sa quête musicale, il semble avoir retrouvé aujourd’hui la fibre de ses débuts. Métissant son reggae, de raga, de hip-hop, de pop, de ska, de dub, de soul, mais aussi de musique traditionnelle africaine, son album, The Rising Of The son, évoque son ainé Tricky revenant d’un séjour en Jamaïque. Ce concert offre l’occasion de (re)découvrir le sorcier dans ce qu’il sait faire le mieux : envoûter une salle. O.L. Le 21 février, 20h30. Le Silo, 35, quai du Lazaret, Marseille, 2e. 04 91 19 30 80. 29,70 €. www.silo-marseille.fr

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EXPOS © Musée de Grenoble

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PORTRAITS DE FACES

Organisée conjointement par la Réunion des Musées Nationaux et la Vieille Charité, l’exposition Visages, Picasso, Magritte, Warhol… s’annonce comme l’événement culturel à Marseille, en ce début 2014. À l’honneur : le visage, représenté par 80 artistes des XXe et XXIe siècles, dans plus de 150 œuvres provenant de musées français et européens. Ces peintures, sculptures, photographies et extraits de films ont pour thème transversal la représentation de la figure humaine dans l’art moderne et contemporain. Comment s’exprime l’étrangeté du visage ? Comment s’articule son rapport à l’altérité, tout autant

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que la relation à sa propre image et au regard de l’autre ? Sont ici exposés, comme autant de réponses artistiques possibles aux interrogations contemporaines, les figures torturées de Francis Bacon, les traversées du miroir de René Magritte, l’inquiétude d’Antonin Artaud, le rêve, la force du désir et les mystères de l’inconscient de Max Ernst, l’inexorable marche vers leur destin des personnages d’Alberto Giacometti, les visages immobiles de Beat Streuli, les portraits inexpressifs et absents d’Alex Katz, les troublants autoportraits de Nan Goldin, la délicate touche de Bernard Plossu… Le parcours est organisé

en trois séquences : le macrocosme des visages mêlés dans la foule, les visages pris dans l’intimité et le microcosme de l’univers mental. Dans ces infinies variations, la figure humaine reste un sujet éternel de l’art. Une exposition pleine de promesses, qui laisse espérer que l’élan culturel de MP 2013 ne s’essoufflera pas… M.A. Du 21 février au 22 juin. Centre de la Vieille Charité, 2, rue de la Charité. Marseille, 2e. 04 91 14 58 80. 8-10 €. www.marseille.fr


© MalicK Sidibé

© konotekst Groupe

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MALICK SIDIBÉ

ORACULAR / VERNACULAR Comme son titre le laisse présager, l’exposition est ambitieuse et pointue : « Oracular/Vernacular s’interroge sur la définition même du contemporain. Le postmodernisme est-il toujours le paradigme qui prévaut à sa conception ? » Telle est la question posée par les deux commissaires, Charlotte Cosson et Emmanuelle Luciani, dans leur note d’intention, avant de préciser que cette exposition n’est que la première étape d’un work in progress et sera suivie d’un workshop, puis de la création d’une plateforme de discussion. La vingtaine de jeunes artistes internatio-

naux réunis au MAMO ont répondu à l’épineuse question en produisant, presque tous, une pièce spécifique, à la fois ancrée dans le contexte actuel (vernacular) et tournée vers le futur (oracular). Le Kiosque postmoderne du collectif Ikonotekst Groupe est sans doute la plus efficace : après avoir étudié l’art en vogue depuis vingt ans, ces artistes ont constitué une liste de ses syntagmes, ensuite figurés par des saynètes miniatures. Une attaque en règle contre la collusion entre l’art postmoderne et le néolibéralisme ! E.G.

© Julien Goniche

Jusqu’au 16 février. MAMO, 280, boulevard Michelet, Marseille, 8e. 01 42 46 00 09. 5 €. www.mamo.fr

À l‘origine photographe de bals, de soirées et de cérémonies, le Malien Malick Sidibé réalise des portraits espiègles qui lui apportent une notoriété nationale, puis internationale, à partir des années 90. En 2006, il est invité en Bretagne, pour une résidence à Lanvollon Plouha. Durant trois semaines, il ouvre dans l’ancienne perception un studio photo provisoire, sur le modèle du Studio Malick des années 60 à Bamako : deux projecteurs, un tissu pour décor de fond, des tapis au sol et un Rollei, son appareil fétiche. Boulanger, baigneur, banquier, factrice, enfant, vacanciers…, en groupe ou seuls, près de trois cents portraits sont réalisés là, empreints de cette même malice qui a fait la renommée du photographe. Trente-six d’entre eux sont présentés pour la première fois à Marseille. O.L. Du 6 février au 1er mars. Rétine Argentique, 85, rue d’Italie, Marseille, 6 e . 04 91 42 98 15. Entrée libre. www.retineargentique.com

FATALITY À voir le rythme des expositions programmée en 2014, l’hyperactivité et la détermination de la galerie Où ne sont pas près de faiblir ! Si on connaît l’affection particulière de Julien Goniche pour la surexposition partielle des images, on sait encore peu de choses du point de vue formel sur l’œuvre qui sera présentée à l’issue de sa résidence. Frottée au fantastique, qui fabrique à partir de la banalité et du déjà vu quelque chose d’étrange, c’est bien la subjectivité du regard de chacun sur ces séries de photographies qui sera au centre de l’exposition, préparée en complicité avec l’artiste confirmé Fouad Bouchoucha. J.S. Jusqu’au 8 février. OÙ lieu d’exposition pour l’art actuel, 58, rue Jean de Bernardy, Marseille, 1er. 06 98 89 03 26. Entrée libre. www.ou-marseille.com

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EXPOS © Atelier hypermédia ESAAix

© MuCEM

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L’ANTIATLAS DES FRONTIÈRES

PRÉSENTÉE VIVANTE

L’éclatant succès du MuCEM fait de l’ombre à ses propres réserves de la Belle de Mai. Pourtant, le Centre de conservation et de ressources, conçu par l’architecte marseillaise Corinne Vezzoni dans l’esprit des sculptures de Chilida, ne manque pas d’élégance. Présentée vivante inaugure une série de cartes blanches invitant des personnalités à explorer les collections du musée avec leur regard et leur sensibilité d’écrivain, d’artiste, de scientifique… Le trio constitué par Jean Blaise, créateur de nombreux festivals,

l’écrivaine Joy Sorman et la commissaire d’exposition Patricia Buck, s’est intéressé au cas de la femme crocodile, attraction foraine très populaire au XXe siècle. Associant la lecture de l’autobiographie imaginaire écrite par Joy Sorman à la mise en scène des reliques de la femme crocodile et d’autres objets puisés dans les collections « arts du spectacle » du musée, l’exposition propose une plongée intimiste et émouvante dans les univers du cirque, du zoo et le foire. E.G.

Jusqu’au 24 mars. CCR, 1, rue Clovis Hugues, Marseille, 3e. 04 84 35 14 00. Entrée libre.www.mucem.org

Après le musée des Tapisseries à Aix, c’est au tour des locaux de La Compagnie à Marseille d’accueillir L’AntiAtlas des frontières. Initié en 2011, ce projet ambitieux associant artistes et chercheurs scientifiques entend proposer « une approche inédite des mutations et du vécu des frontières terrestres, maritimes, aériennes et virtuelles ». Cette deuxième exposition se présente comme un centre de documentation multimédia, où se côtoient photos et films, mais aussi un jeu vidéo, une carte interactive, un espace immersif en 3D… réalisés par des anthropologues et/ou des artistes. Plusieurs projections sont programmées d’ici la fin de l’exposition et un intéressant site Internet est dédié au projet. E.G. Jusqu’au 1er mars. La Compagnie, 19, rue Francis de Pressencé, Marseille, 1er. 04 91 90 04 26. Entrée libre. www.la-compagnie.org

TABULA RASA

© MuCEM

« Cette ville est le chancre de l’Europe. L’Europe ne peut vivre tant que Marseille ne sera pas épurée », déclarait le général SS Karl Oberg. En février 1943, après une série de rafles, le quartier du Panier situé entre la rue Caisserie et le Vieux-Port était bombardé. Soixante-dix ans après, l’écrivain Dominique Cier et la plasticienne Cristina Lucas ont travaillé avec les Marseillais. Après un appel à témoins, ils ont produit une installation mêlant images et textes, témoignages des anciens et des plus jeunes, présentée dans le forum du MuCEM. Le projet est accompagné d’une programmation associant une balade, une projection et une lecture. E.G.

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Jusqu’au 17 février. MuCEM, 1, esplanade du J4, Marseille, 2e. 04 84 35 13 13. Entrée libre. www.mucem.org

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© Marine Lanier

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DR

LA PHOTOGRAPHIE_MAISON BLANCHE # 3

L’EMBELLIE

Autour de cette thématique qui lui tient à cœur, Martine Robin a commandé des œuvres à quatre artistes installés à Marseille. Camille Lorin présente une série de photos montrant des individus réunis sur une embarcation, dans un paysage indéterminé. Même mystère sur l’écran voisin, où le visage d’un homme, ballotté par les flots, est filmé en gros plan. Est-il un naufragé, un clandestin, un voyageur ? Silencieuses, les images de Camille Lorin renvoient le spectateur à ses propres projections. Koki Watanabe, John Deneuve et Claire Dantzer ne sont

m rée libre. 5 rue Marius s.

ts de la ville. au long de s les œuvres e supérieure en avril, au géomètres. s à la gloire ormes blocs es à travers n scène un ansformation w.culture-13.fr/galerie-d-art-d-aix-en-provence nts, cours contribué Mirabeau, Aix-en-Provence. 04 13 31 50 70. Entrée libre. aux avrilfemmes au 9 juin. Galerie d’art du Conseil général des Bouches-du-Rhône, 013, tout en nscient, mais qui, pourtant, se transmet d’artiste en artiste. r l’approche « état esprit » vis-à-vis de la sculpture. Un héritage peut-être changement ance isir enserait pleine l’épicentre. Ce parcours rend compte d’une continuité, navenue ainsi lesHugo, contours artistique dont le sud de Victor Arles.d’une Entréegéographie libre. www.mp2013.fr lesuit chantier, Midi demars devenir foyer pourHalle, la sculpture. L’exposition hotographes. Du 28 au 5un mai. Grande Parc des Ateliers SNCF,De main en alerie d’art ut ce qui estdu Conseil général déroule le fil historique qui a permis teurs du XXe siècle (Germaine Richier, André Masson, César…), R Pierre Puget à Richard Baquié, en passant par les incontournables

E MAIN EN MAIN

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pas plus explicites. Les pièces du premier interrogent l’après-Fukushima et ses conséquences multiples. Le vaisseau spatial de John Deneuve, bricolé à partir d’objets hétéroclites renvoyant à l’enfance, s’apprête à quitter le monde réel. Minimaliste, constituée de néons et de prismes de verre remplis d’eau, l’installation de Claire Dantzer métamorphose l’espace de la galerie et projette des arcsen-ciel. Entre fantaisie et gravité, l’embellie annoncée a lieu, toute en nuances et en sensibilité. E.G.

Jusqu’au 8 mars. Galerie du Château de Servières, 19, boulevard Boisson, Marseille, 4e.04 91 85 42 78. Entrée libre. www.chateaudeservieres.org

Dernier volet de la troisième édition du festival de photographie organisé par la Mairie des 9e et 10e arrondissements en partenariat avec les Beaux-Arts de Marseille (ESADMM) et l’association Les Assos, l’exposition présente les cinq lauréats du concours 2013. Marie Sommer, qui a reçu le premier prix, a promené son appareil photo sur la colline de Teufelberg, construite sur les décombres d’un camp de vacances nazi. Intitulée La Vie dangereuse, d’après l’œuvre de Blaise Cendrars, la série de Marine Lanier invente les visions d’un soldat de la Grande Guerre confronté à des souvenirs traumatiques. La saga familiale de Lisa Sudhibhasilp, la tentative d’Anke Schüttler de cartographier son environnement et le portrait de Beyrouth, fusionnant virtuel et réel, réalisé par Randa Mirza, sont les autres facettes d’un ensemble plutôt sombre. E.G. Jusqu’au 8 février. Galerie MAD 30 bis, boulevard Chave, Marseille, 5e. 09 80 74 82 80. Entrée libre. www.esadmm.fr

© Jean-Michel Othoniel

TRÉSORS DE BEISSON Dans le cadre des Quartiers créatifs initiés par MP 2013, la cité Beisson, située dans les quartiers nord d’Aix, a accueilli en résidence deux artistes renommés : Jean-Michel Othoniel et Marc Couturier. Le musée Granet présente aujourd’hui le fruit de leurs séjours à la rencontre des lieux et de la population. Le premier a conçu une sculpture monumentale, La Rose des vents, rappel des moulins jadis en activité sur le territoire. Le second, a photographié, dans la cité et aux alentours, des « tableaux » ou œuvres involontaires, inscrites dans le paysage par le hasard et qui lui rappellent, par exemple, les Sainte-Victoire de Cézanne. D’autres « trésors », collectés ou créés par les habitants de Beisson, complètent l’accrochage. E.G. Jusqu’au 16 février. Musée Granet,Place Saint-Jean de Malte, Aix-en-Provence. 04 42 52 88 32. 4-5 €. www.museegranet-aixenprovence.fr

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ENFANTS

© Equivog Theatre

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© Andromede

SOURIEZ !!!

DANS LES ÉTOILES Avec ce ciel azur que nettoie si souvent le mistral, la Provence est un lieu privilégié pour scruter les étoiles. L’observatoire de Marseille est ainsi né en 1702 dans le Panier, avant d’être transféré en 1860 sur le plateau Longchamp pour accueillir notamment le grand télescope de Foucault. Cet observatoire, qui n’est plus utilisé pour des observations professionnelles, est devenu un lieu d’accueil remarquable, sous la houlette de l’association Andromède, au point d’être un site pilote au niveau international pour la création de contenu. Le

site aux trois coupoles propose notamment une expo de 200 m2 sur le thème « Couleurs du ciel, couleurs d’étoiles », l’observation du soleil à travers le grand télescope de Foucault ou encore une projection d’images et de vidéos dans la salle hémisphérique. Lionel Ruiz, l’un des responsables, prévient : « ce planétarium n’est pas le plus grand, mais il commence à être connu ». D’où un précieux conseil : pour participer aux après-midis sous les étoiles, il est impératif de se présenter au moins trente minutes avant la séance. M.-L.L.

Tous les mercredis, 14h30 (plus de 7 ans) et 16h (5-8 ans). Planétarium de Marseille, 2, place Leverrier, Marseille, 4e. 04 13 55 21 55. 6 € . www.andromede.id.st

DON QUICHOTTE

© Anamorphose

« Fuir l’illustration des folies de don Quichotte pour plonger dans la source de ses délires », tel est le chemin qu’a voulu suivre le groupe bordelais Anamorphose autour du texte de Cervantès, « gros de surprises, pour tous les esprits ». Laurent Rogero en a fait son défi, avec ses cinq compères. Lui-même harnaché d’un fatras d’objets, il fait surgir d’autres objets voués au rebut, autant de personnages, de sons, de chœurs comme nés de notre imagination. Avec cet ordinaire, il donne

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Émile est un clown triste, un vrai, un pur. Il a, pour seuls compagnons, ses « big bags » qu’il transporte partout, et dans lesquels il peut même entrer. À l’intérieur, tout un bric-à-brac qu’il accumule et où il trouve toujours de quoi passer de l’autre côté, celui du monde imaginaire, quand le réel devient trop pesant. Ces objets de peu, chers à l’enfance, sacs plastiques, cartons et canettes, deviennent des jeux magiques, sonores ou poétiques, qui lui font par exemple oublier le temps d’un instant, son irrésistible faim. Tout se passe en musique. Le verbe est absent. Seul le regard que l’on porte sur l’autre, avec toutes ses différences, est sollicité, toutes générations confondues, dès trois ans. M.-L.L.

Les 5, 8, 12 et 15 février , 14h30 et 16h. Théâtre des Chartreux, 105, avenue des Chartreux, Marseille, 4e. 04 91 50 18 90. 6 €. www.theatredeschartreux.fr

vie à l’extraordinaire, humour et inventivité en prime. Dans ce décor de vide-greniers, les plus jeunes comme les moins jeunes, se souviendront qu’hier encore, ils fouillaient aussi dans les placards interdits pour s’inventer un autre monde. M.-L.L. Le 7 février, 20h30. Théâtre Le Sémaphore, Rue de Turenne, Port-de-Bouc. 04 42 06 39 09. 4-12 € www.theatre-semaphore-portdebouc.com


© Bruno Belleudy

SORTIR

MATIÈRES PREMIÈRES Grâce au port de Marseille, depuis le Moyen Âge, la Provence a vu transiter toutes les matières premières, ou presque, du monde : tabac, pétrole, corail, épices, sucre, coton… En lien avec les activités de transformation, ses rivages ont ainsi été le point d’arrivée de nombreuses vagues de migrations ouvrières. L’exposition Marseille/Provence, rivages des produits du monde et des ouvriers d’ailleurs propose, à travers un état des lieux du patrimoine postindustriel, de mettre à la portée de tous, cette histoire oubliée, la compréhension des espaces et des paysages, de montrer la fécondité de cette relation d’ouverture sur la Méditerranée. Proposée dans le cadre de MP 2013, cette exposition des Archives départementales est encore visible sur le site d’Aix-enProvence. M.-L.L.

PIERRE ET LE LOUP… ET LE JAZZ En 1936, Prokofiev écrivait le texte et la musique de Pierre et le Loup avec une simple idée en tête : à travers ce conte mis en musique pour orchestre symphonique, faire découvrir au plus grand nombre certains instruments, mis en exergue lors d’intermèdes musicaux où les différents protagonistes sont personnifiés par ces instruments. Le jeune et bouillonnant Amazing Keystone BigBand renouvelle brillamment le genre à la « sauce jazz », celle des grandes formations de l’ère du swing. Complices

Jusqu’au 1er mars. Archives départementales, 25, allée de Philadelphie, Aix-en-Provence. 04 13 31 57 00. Entrée gratuite. www.archives13.fr

depuis le Conservatoire, le pianiste Fred Nardin, le saxophoniste Jon Boutellier et le tromboniste Bastien Ballaz assurent la direction et les arrangements de ce projet, commandé en 2012 par le prestigieux festival Jazz à Vienne. Ils sont dix-huit à piaffer derrière les pupitres et à s’élancer autour de morceaux accessibles et dynamiques de Count Basie, Duke Ellington ou Thad Jones. Avec une bonne dose d’humour pour liant, grands et petits découvrent ensemble l’histoire du jazz, l’improvisation et les instruments. M.-L.L.

© AD13

POILU SHOW

Impossible. Les Archives départementales ne passeront pas à côté du centenaire de la Grande Guerre, histoire de se souvenir et de comprendre notre société actuelle. Différentes manifestations sont donc au menu : une exposition itinérante (du 12 au 26 février dans le hall) et le spectacle Poilu Show, plus particulièrement destiné aux ados. Il met en scène un poilu poussiéreux et mort quatrevingt-seize ans plus tôt, qui fait irruption dans le cours d’un professeur extravagant. Ils vont passer l’heure de cours à se chamailler pour donner leur version de 14-18. Issue d’un texte de l’historien

© AD13

Le 19 février, 19h00. Grand Théâtre de Provence, 380, avenue Max Juvenal, Aix-en-Provence. 04 42 91 69 70. 20 € . www.lestheatres.net

Jean-Yves Le Naour, spécialiste de la Première Guerre mondiale, écrivain et auteur de BD, cette création de la compagnie La Naïve mêle fiction, documents d’archives, sons et images. M.-L.L.

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PUBLI-REPORTAGE

Michel Bonzi

LE GRAND SOIR Designer de haute couture, Michel Bonzi a un merveilleux métier : offrir du rêve sur mesure. Avec une grande exigence de qualité, il réalise des robes pour des moments d’exception, mariages ou soirées. Texte : Fabienne Berthet

C

onfortable et cosy, avec ses meubles anciens, miroirs et sofas, l’enseigne de Michel Bonzi a tout d’une demeure. Choisir ce designer de haute couture c’est opter pour le rêve, la qualité, et le sur-mesure comme en témoignent, les quelques mannequins présentant ses dernières oeuvres. L’homme de l’art, passé par divers métiers avant de se passionner, il y a presque 20 ans, pour la haute couture est une exception. Discret et élégant, il conçoit des robes de mariées et du soir selon un protocole exigeant. « Tout commence par un entretien, il me faut connaître la personne, son univers, son environnement. On ne réalise pas la même robe pour un mariage champêtre ou en intérieur. Il importe au cours de la conversation de définir les goûts et les désirs de chacune et, en fonction de sa morphologie, de s’arrêter sur un modèle, des matières et des couleurs. Certaines se rêvent en princesses, d’autres en femmes fatales, c’est à moi de les orienter. Il n’est pas rare que certaines refusent, dans un premier temps, la robe de mariée traditionnelle puis finissent par y revenir de peur de passer à côté d’un rêve de petite fille. » Michel Bonzi a des trésors bien cachés : une centaine de robe, dont seulement une petite minorité est exposée dans sa boutique. Ici, pas de penderies ni de cintres, on travaille au cas par cas. Pour la recherche des plus beaux tissus, mousse-

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lines de satin de soie, guipures frappées, dentelles incrustées, Michel Bonzi sollicite souvent les meilleurs artisans, sélectionnés pour leur talent dans le monde entier. Pour exemple, cette robe pimpante de fée clochette avec son jupon corolle et ses fleurs de dentelle cousues pièce par pièce sur un haut en tulle illusion « quasiment moulée sur le corps pour un résultat impeccable » comme le précise le couturier. Rechercher des matières, des couleurs, un effet de la ligne et du tombé, n’excluent pas le bien être. « On reste dans l’harmonie. Une femme doit se sentir belle, se voir comme telle et être à l’aise pour pouvoir évoluer dans sa tenue et presque l’oublier. C’est essentiel le jour d’un mariage par exemple. » À ses débuts, Michel Bonzi a lancé une première ligne « Persiste et signe », d’abord rue Beauvau puis, depuis 2010, boulevard Notre Dame. « Il faut compter entre un mois et un mois et demi entre les premiers essayages et la sortie de la robe de l’atelier » estime Michel Bonzi. Goûter au plaisir d’un vêtement sur-mesure, c’est apprécier une ligne qui va épouser parfaitement le corps. Cela représente une liberté absolue, un luxe qui reste néanmoins très abordable pour un travail de haute couture. Le secret du couturier : « Je suis à l’écoute de mes clientes, je réalise des robes qui leur ressemblent. » Elles viennent de loin, de France et d’Europe, pour bénéficier de son talent et ce sont ses meilleurs ambassadrices.


« JE SUIS À L’ÉCOUTE DE MES CLIENTES, JE RÉALISE DES ROBES QUI LEUR RESSEMBLENT. »

BOUTIQUE MICHEL BONZI 3 Boulevard Notre Dame • 13006 Marseille 04 91 33 85 08 www.michelbonzi.com 8e art magazine • janvier-février 2014

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LES

ADRESSES MARSEILLAISES

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RESTAURANT

L’ENTRECÔTE DU HUITIÈME

Après vingt ans passés sur le port, L’Entrecôte du huitieme vous accueille tous les jours, à l exception du dimanche soir, pour déguster sa pièce de bœuf et sa fameuse sauce accompagnée de frites maison. Infos & Réservation 04 91 25 07 06

386 Avenue du Prado 13008 Marseille

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BISTROT NEW-YORKAIS

LA TABLE DU 8ÈME

Nouvelle adresse en vogue à Marseille : Thierry Zerdoun et Gilles, avec leur chaleureuse équipe, vous accueillent du lundi au samedi, midi et soir, dans un lieu moderne façon bistrot autour d’une carte composée exclusivement de produits frais. On y dégustera viandes et pizzas au feu de bois, que ce soit sous le patio ou dans une ambiance new-yorkaise en salle. Infos & Réservation 04 91 82 68 38 • www.latabledu8eme.com

16, Av. de Mazargues • 13008 Marseille • latableduhuitieme@orange.fr • zerdoun.thierry@wanadoo.fr

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RESTAURANT

L’INSOLITE

Un lieu, une exception à découvrir absolument ! Niché au fond d’une allée à 50 m de la préfecture, une terrasse sur les toits les pieds dans la pelouse vous attend pour déguster nos pizzas au feu de bois, une cuisine gourmande et colorée. • Le mercredi, soirée voyance ou karaoké. • Le jeudi, soirée illusionniste ou soirée humour. • Le vendredi soirée concerts en live. • Possibilité de privatiser le lieu.

5 rue d’Italie 13006 Marseille Infos & Réservation 04 91 43 91 51 - Facebook : resto.linsolite

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RESTAURANT

IL TOPOLINO

Il Topolino est un de ces restaurants marseillais qu’on aime garder comme un secret. Parce qu’il ose rester authentique, fidèle à des valeurs gastronomiques ancrés dans la latinité marseillaise, tout en surfant sur tout ce qui fait un air du temps. Il est animé par son patron David qui aime l’échange, qui aime recevoir, et qui a su faire de son restaurant un rendez-vous amical, où l’on croise autant que dans le coeur de Marseille celles et ceux qui «font» la ville. Infos & Réservation 04 91 75 93 97

59 Chemin Argile, 13010 Marseille

RESTAURANT

ALBERT CAFÉ

PASSEZ À TABLE DANS UN JARDIN À BOMPARD... Au déjeuner comme au dîner, venez profiter du calme du jardin du Newhotel Bompard où oeuvres d’art et végétation méditerranéenne vous dépayseront. Dans une ambiance cosy l’hiver ou aux beaux jours sur la terrasse du jardin, le restaurant Albert Café vous accueille dans une ambiance détendue autour d’une cuisine de saison. Parking privé gratuit - Ouvert tous les jours - déjeuner et dîner Infos & Réservation 04 91 99 22 22

2 rue des Flots Bleus • 13007 Marseille • info@albertcafe.com • www.albertcafe.com

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RESTAURANT

UN JARDIN EN VILLE

Ce jardin là nous propose une version classique de la cuisine de brasserie avec quelques bonnes surprises comme la bruschetta de légumes du jardin ou le tartare de thon à la japonaise. Le soir, les lumières tamisées donnent au lieu le cachet particulier des adresses intimes et cosy où l’on aime se retrouver entre amis. A découvrir à tout moment de l’année... Du lundi au samedi de 11h50 à 14h45 et de 19 à 23 h Infos & Réservation 04 91 76 68 16

22, Av. de Mazargues • 13008 Marseille

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RESTAURANT • BAR • RÉCEPTION

LE COMPTOIR MARSEILLAIS

Installé sur la Corniche avec vue sur la mer de la terrasse ou de la salle. Enrichit du savoir-faire du chef de renom, Bruno Cordesse, le restaurant vous propose une cuisine bourgeoise, des vins à choisir dans une magnifique cave en verre. Le week-end, coquillages et brunchs viennent compléter notre carte. Un nouvel espace pour vos apéritifs ou digestifs, sur une terrasse bâchée, chauffée avec des tables hautes et des amuses bouches maison. Pour un long ou court instant, pour les grands et les petits budgets. Le Comptoir Marseillais, Un lieu, une Atmosphère !!! Infos & Réservation 04 91 32 92 54 • www.lecomptoirmarseillais.com

5, Promenade Georges Pompidou • 13008 Marseille

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HÔTEL & RESTAURANT

CHÂTEAU DE LA PIOLINE

Cessez de cherchez un lieu différent...Venez !

Aujourd’hui, la mémoire du passé subsiste dans cette élégante demeure, au sein de l’hôtellerie de luxe et traditionnelle de la ville d’Aix en Provence. Hôtel 4*, Restaurants, bar et évènementiel 260 rue Guillaume Du Vair 13546 Aix en Provence • 04 42 52 27 27 contact@chateaudelapioline.com • www.chateaudelapioline.com

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