8e art magazine n°35

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8e art magazine • automne 2015


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8e art est une publication trimestrielle de ZAC St Martin - 23, rue Benjamin Franklin 84120 PERTUIS Tél. 04 90 68 65 56 Numéro ISSN : 2267-4837 Dépôt légal : Juin 2015

MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE

# 35

Retrouvez nous sur :

WWW.8E-ART-MAGAZINE.FR

Automne 2015

Directeur de la publication : Nicolas Martin n.martin@8e-art-magazine.fr Rédactrice en chef : Emmanuelle Gall e.gall@8e-art-magazine.fr Direction artistique : Jonathan Azeroual j.azeroual@8e-art-magazine.fr Ont collaboré à ce numéro : Julie Bordenave, Cédric Coppola, Fred Kahn et Olivier Levallois. Service commercial : 06 09 01 66 00 Conception et réalisation : Média Print La reproduction même partielle des articles et illustrations sans autorisation est interdite. 8e art décline toute responsabilité pour les documents et articles remis par les annonceurs. Dépôt légal à parution.

LES VOIX DE L’ART Par Emmanuelle Gall, rédactrice en chef

L

e corps d’un enfant mort sur une plage turque, des embarcations de fortune en déroute, des milliers de réfugiés en détresse… En cette rentrée 2015, la Méditerranée est plus que jamais le théâtre de tragédies. Quand les médias font leur une des catastrophes et cèdent parfois à la surenchère, quand les discours politiques se révèlent incapables d’y apporter des solutions, ou pire, les instrumentalisent, le monde artistique et culturel fait entendre d’autres voix. Depuis plus de vingt ans, les Rencontres d’Averroès délivrent des clés pour appréhender la complexité de cette région et font, cette année, une large place à l’actualité. Les très utiles festivals Dansem et Les Rencontres à l’échelle invitent des artistes des deux rives de la Méditerranée et programment, par exemple, des spectacles dont les comédiens sont des sans-papiers ou des réfugiées syriennes. La mise en scène par Édith Amsellem d’Yvonne, princesse de Bourgogne aborde de manière plus symbolique la question du bouc émissaire… Loin de se contenter de nous divertir, les artistes prouvent, une fois encore, leur capacité à regarder le monde en face. En donnant la parole aux sans-voix, en créant des métaphores sensées et sensibles, ils nous invitent à poser un regard plus humain– et critique – sur les événements.

En couverture.

L’artiste inclassable Phia Ménard dans P.P.P., solo programmé à la Criée les 26 et 27 janvier 2016 (lire p. 50). © Jean-Luc Beaujault 8e art magazine • automne 2015


SOMMAIRE

MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE

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#35

Automne 2015

D OS S IE R / TH É ÂTRE

LES COULISSES

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LA PHOTO

The Redball Project

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ACTUS

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LA RENCONTRE / Emmanuel Laurentin

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Édith Amsellem, dans la cour des grands

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Prélude du Conte d’hiver au Pôle Nord

L’Arlésienne retrouvée

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Macha Makeïeff, Molière et les femmes

L’ENDROIT / Aux tableaux !

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L’IMMS joint la technique à l’artistique

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Les Bernardines 2.0

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L’OEUVRE / Fresque romaine

Cas d’école

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L’ARTISTE / Gilles Barbier

Le joueur, à domicile

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Des Rencontres d’utilité publique

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L’OBJET / L’espigas

60

La Gare Franche à la croisée des créations

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LE FESTIVAL / Dansem

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PORTFOLIO

74

L’ÉVÉNEMENT

76

SCÈNES

80

MUSIQUES

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EXPOS

88

ENFANTS

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36 Au commencement était L’Étang des Aulnes 40

Des « usages présents du passé »

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DE LA RENTRÉE

Marseillaise et philosophe

La Méditerranée en mouvement

Traversée, d’enfance en adolescence

LA LIBRAIRIE / H.M.O.

Au-delà des expos

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LE RESTAURANT / Sard’in

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LA BALADE / Chez Max Sauze

Le "bouchon" marseillais

Un jardin de poète

Expo fada au Corbu


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© Joël Assuied

LA PHOTO

HEUREUX QUI COMME SISYPHE… À MARSEILLE Elle est partie le 19 septembre du MuCEM, elle est passée par le palais Longchamp, le Panier, le cours Julien… avant de finir sa course, quelques jours plus tard, dans les quartiers nord. Mue par Kurt Perschke, la RedBall était la star de Travellings 2015, la deuxième édition du « rendez-vous européen de Lieux Publics à Marseille ». Depuis 2001, l’artiste new-yorkais et son ballon en vinyle rouge (d’environ 5 mètres de diamètre), suffisamment souple pour se glisser – presque – partout, ont fait le tour du monde, pour la plus grande joie des photographes et amateurs de selfies. Pensé par son auteur comme « un moyen de jouer avec la ville » et un « catalyseur de rencontre », The Redball Project est ouvert à toutes les interprétations. Souvenir du Prisonnier ? Nez de clown aussi drôle qu’effrayant ? Ou encore, pour citer Camus, invitation à « imaginer Sisyphe heureux »… www.redballproject.com www.lieuxpublics.com

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art contemporain

© Gabriel Buret

ACTUS

LA MULTIPLICATION DES PRIX

© Jean-Christophe Lett

Deux nouveaux prix ont été décernés à la Friche la Belle de Mai, les 28 et 30 août derniers, pendant le traditionnel week-end de rentrée de l’art contemporain. Le premier, baptisé Prix des Ateliers de la Ville de Marseille, a été remis lors du vernissage de l’exposition éponyme, réunissant les onze jeunes artistes qui ont bénéficié en 2015 d’une résidence dans l’un des ateliers de la ville et du programme d’accompagnement proposé par les associations Astérides et Triangle France. Thomas Teurlai, le lauréat, a gagné une bourse de 5000 € et une exposition dans un musée marseillais. Le jury a choisi de distinguer son Bullroarer : une version contemporaine et décalée (réalisée au moyen d’un moteur, d’une basket, de corde et de bois) du rhombe, le plus ancien des instruments à vent. À 27 ans, le jeune artiste n’est pas un débutant en la matière. Déjà primé en France en 2011 et 2014, il concourt actuellement pour le prestigieux Prix de la fondation Ricard. Deux jours plus tard, c’était au tour du salon Art-O-Rama d’inaugurer le Prix Roger Pailhas, du nom du plus célèbre des galeristes marseillais, disparu en 2005, réputé en son temps pour l’audace de ses stands dans les foires internationales. Récompensant le « meilleur projet curatorial » par le remboursement de ses frais de participation au salon, il a été décerné à la galerie parisienne 22,48 m2, qui présentait une série d’œuvres récentes de Cécile Beau autour des différents temps géologiques. L’accrochage particulièrement épuré et sobre, fondé sur la cohérence de pièces minérales, a su séduire le jury. www.ateliersvilledemarseille.fr www.art-o-rama.fr

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ACTUS

anniversaires

© Ulrike Ottinger

FILMS FEMMES MÉDITERRANÉE

© Zel Design

Les Rencontres du « cinéma du Sud au féminin » fêtent leur dixième anniversaire, avec une édition particulièrement riche. Du 6 au 18 octobre à Marseille, mais aussi le 14 à Martigues et le 25 à La Ciotat, le festival présente 42 films (fictions et documentaires, inédits ou avant-premières) dans une dizaine de lieux. Neuf d’entre eux seront projetés au MuCEM les 11 et 18 octobre, dans le cadre d’un hommage à Delphine Seyrig, l’actrice, réalisatrice et féministe engagée, disparue en 1990. Deux réalisatrices, Chantal Akerman et Ulrike Ottinger, viendront évoquer son parcours et les films qu’elles ont réalisés ensemble. Les Rencontres Films Femmes Méditerranée, ce sont également des tables rondes ou des débats (Alacazar, Villa Méditerranée) et des masterclass avec la Géorgienne Salom Alexi et la Turque Emine Emel Balci. Enfin, lors d’une nuit du court-métrage, 13 films réalisés par des femmes du Bassin méditerranéen concourront pour les Prix du public et du Jury. Du 6 au 18 octobre Renseignements : 04 91 31 87 80

www.films-femmes-med.org

PORTES OUVERTES CONSOLAT En 2006, les galeries du quartier décidaient de se fédérer en organisant un vernissage commun. Pour sa dixième édition, le POC se déroule pendant trois jours et propose pas moins de 150 événements dans 66 lieux (galeries, boutiques, ateliers et même appartements) des Hauts Canebière. Pour l’occasion, le cours Joseph Thierry accueille le « village » du festival et la place Labadie se transforme en atelier géant, avec des stands dédiés à la sérigraphie, au tricot, la fabrication de sucettes… Deux jeunes plasticiens marseillais, Mademoiselle Maurice et Cédric Ponti ont été invités à s’emparer de l’espace urbain. La première sèmera ses origamis multicolores autour de la fontaine des Danaïdes et le second proposera une performance de peinture explosive (le 9 octobre à 18 h 30). Du 9 au 11 octobre Renseignements : 04 91 95 80 88

www.festivalpoc.fr 10

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ACTUS

inaugurations

UN INSTITUT POUR LES MUSIQUES DU MONDE À ne pas confondre avec l’IMMS (lire page 52), L’Institut International des Musiques du Monde (IIMM) devrait officiellement ouvrir ses portes, à Aubagne, en septembre 2016. Son objectif : offrir de véritables formations dans le domaine – si peu enseigné en France – des musiques du monde. Accueilli cette année par le conservatoire municipal, il propose entre les mois d’octobre et juillet prochains 16 master-classes (ouverts aux professionnels et amateurs) dans des domaines aussi variés que les polyphonies bulgares ou des Alpes du Sud, les chants traditionnels de l’Aurès, de Tunisie, de Corse ou de Grèce, les musiques indienne, chinoise ou flamenca... Une manière pour l’équipe dirigée par Margaret Dechenaux de « voir où se situe la demande et de déterminer les futurs cursus d’enseignement ». Dans le cadre de leurs interventions, les artistes invités donneront également des concerts publics. Le premier est prévu le 21 octobre à L’Espace des Libertés. www.iimm.fr

© Caractère spécial

DR

Milena Jeliazkova & Milena Roudeva

PLAYGROUND Vous avez aimé le skate-parc de la Friche, vous allez adorer le Playground ! Soucieuse de s’ouvrir toujours davantage sur le quartier de la Belle de Mai et de favoriser la mixité sociale, la Friche inaugurera son Playground le 31 octobre, dans le cadre de la cinquième édition de Village Hip-hop. Concrètement, ce nouvel espace de 700 m2 s’inscrit dans le prolongement du skate-parc existant et propose de nouveaux modules de « pratiques sportives urbaines ». Confié à Caractère spécial, la nouvelle agence de Mathieu Poitevin, architecte pilier de la Friche, il comporte un mur d’escalade (d’une hauteur de 3 mètres), un terrain de street ball 12

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de 200 m2 (équipé de buts et de paniers de baskets), une piste d’athlétisme de 30 mètres (avec 3 couloirs et un chronomètre automatique), un plateau de danse (64 m2) et une aire de glisse & bowl de skate. En accès libre et gratuit ou encadré, selon les horaires, il profitera aussi bien aux jeunes du quartier qu’aux établissements scolaires. Du 6 au 18 octobre Renseignements : 04 91 31 87 80

www.films-femmes-med.org


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© France Inter - Christophe Abramowitz

LA RENCONTRE

EMMANUEL LAURENTIN, DES « USAGES PRÉSENTS DU PASSÉ » Propos recueillis par Olivier Levallois

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Emmanuel Laurentin

H

istorien et journaliste, Emmanuel Laurentin, anime et produit La Fabrique de l’histoire sur France Culture depuis 1999. Il est aussi, depuis deux éditions, le maître d’œuvre des Rencontres d’Averroès. À l’heure où l’actualité récente redonne à la Méditerranée un caractère tragique, l’homme reste convaincu de la nécessité de confronter les points de vue et de décoder les événements présents à l’aune de l’histoire. Comment avez-vous succédé à Thierry Fabre à la direction des Rencontres d’Averroès ? La chaine pour laquelle je travaille depuis 1986 était partenaire des Rencontres depuis le départ, avec Espace Culture à Marseille. On m’a choisi pour animer des tables rondes. Je participais déjà à une partie de l’élaboration, notamment sur les thèmes plus historiques. Et, sans doute parce qu’on s’entendait bien avec Thierry, quand il a choisi de partir en 2014, il m’a proposé de lui succéder. Vous vivez à Paris et êtes spécialiste du Moyen Âge. Quels sont vos liens avec la Méditerranée ? Le premier est affectif. À 18 ans, je suis parti en Grèce. Ce fut un moment essentiel pour moi de vivre dans ce pays que j’aime tant aujourd’hui. Je retrouve d’ailleurs des échos de cette expérience à Marseille. Et puis, j’ai une formation de culture classique, grecque et latine. Toutes les questions nées dans cet ensemble de civilisations qu’est le bassin méditerranéen ont participé de ma formation initiale. S’ajoute à cela ma passion pour l’historien Fernand Braudel et son ouvrage La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II.

LA RENCONTRE

Depuis votre arrivée à la direction de la manifestation, vous situez-vous dans une dynamique de continuité ou de rupture avec son identité passée ? L’année dernière, avec « D’autres Méditerranées ? », on a souhaité faire un pas de côté pour évoquer d’autres espaces géographiques, comme la Caraïbe ou la mer de Chine méridionale. Cette année, on revient aux fondamentaux. Tout d’abord parce que cela aurait été incompréhensible que l’on ne prenne pas appui sur tout ce qui s’est passé récemment en Méditerranée. Mais aussi parce que c’est un anniversaire important. Le processus de Barcelone posant les bases d’une coopération euro-méditerranéenne a été lancé il y a exactement vingt ans. Avec un titre tel que « Méditerranée, un rêve brisé ? », la tonalité de cette édition paraît résolument pessimiste… Les Rencontres d’Averroès sont nées dans ce climat d’optimisme et d’ouverture du processus de Barcelone. En même temps, il y avait les accords d’Oslo et la promesse d’une résolution de la question israélo-palestinienne. Aujourd’hui, elle est toujours bien là et, entre-temps, il y a eu les conséquences de la guerre en Bosnie, les révolutions arabes... La part d’optimisme qui nous reste aujourd’hui, c’est la volonté d’améliorer les choses. Cette édition est l’occasion de faire le bilan de ces vingt ans de relations entre l’Europe et le monde méditerranéen. Les Rencontres d’Averroès s’intéressent avant tout à la Méditerranée contemporaine. Selon vous, quelle est la place de l’histoire dans ce présent ? Quand Daech rappelle que les frontières des pays du Moyen-Orient son issues des accords SykesPicot de 1916, ils font de l’histoire. Il faut prendre en compte que les acteurs de la Méditerranée font de l’histoire parce qu’ils pensent tout d’abord 8e art magazine • automne 2015

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Emmanuel Laurentin

© Espaceculture Marseille

LA RENCONTRE

« CETTE ÉDITION EST L’OCCASION DE FAIRE LE BILAN DE VINGT ANS DE RELATIONS ENTRE L’EUROPE ET LE MONDE MÉDITERRANÉEN. » qu’ils font l’histoire. Ils veulent changer le cours des choses et s’appuient pour cela sur un état de fait historique qu’ils veulent contrebalancer. Ils réfléchissent à ce qu’ils veulent restaurer ou effacer du passé. Il n’y a donc pas de coupure entre le passé et le présent. Ce qui m’intéresse, ce sont les usages présents du passé. C’est pour interroger cette corrélation qu’il y aura cette année une table ronde sur les frontières héritées et le califat. Quelles sont les nouveautés de cette édition ? Il y en a trois principales. Pendant « l’after », ceux qui ont assisté aux Rencontres vont pouvoir reposer des questions aux intervenants restés le dimanche matin, dans un contexte moins contraignant que celui de la salle. Cela laisse aussi aux gens un temps de réflexion. L’autre nouveauté, c’est le retour à La Criée : un lieu plus chaleureux, au centre de Marseille. Et la troisième, c’est l’ouverture avec le « live magazine » La Revue vivante des histoires vraies. Des journalistes montent sur scène et viennent raconter des histoires 16

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courtes de six minutes, légères ou graves, qu’ils ont vécues en travaillant en Méditerranée. Il y aura des dessinateurs qui raconteront en dessinant, des photographes qui viendront parler du contexte de leurs photos. Comme si on feuilletait une revue, avec un sommaire et des rubriques. Ça ne sera ni filmé ni enregistré. Il faut donc y aller pour le voir.

LES RENCONTRES D’AVERROÈS : « MÉDITERRANÉE, UN RÊVE BRISÉ ? »

Du 12 au 15 novembre. Théâtre de La Criée, 30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 96 11 04 61. Entrée libre ou payante selon événements.

WWW.

rencontresaverroes.net


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L'OEUVRE

fresque romaine

L’ARLÉSIENNE RETROUVÉE

© Remi.Bénali Inrap - Musée départemental Arles antique

Exhumé en juin dernier sur le site de la Verrerie à Arles, ce fragment de fresque est une découverte exceptionnelle et l’une des futures pièces maîtresses du musée départemental Arles antique. Texte : Emmanuelle Gall

Q

ui est cette gracieuse musicienne, remarquablement conservée ? Une comparse du dieu Bacchus, comme semblent l’indiquer les motifs des fragments retrouvés à ses côtés ? Pour en savoir plus, les archéologues vont devoir remonter l’extraordinaire puzzle prélevé lors de la dernière campagne de fouilles menée à Trinquetaille sur le site de la Verrerie. Étudié depuis les années 80, ce site doit son nom à la manufacture de verre qui l’occupait au XVIIIe siècle. L’intérêt des premières découvertes réalisées dans cette zone, occupée à l’époque gallo-romaine par un quartier résidentiel, a motivé la programmation d’une série de fouilles, aux résultats chaque fois providentiels. La dernière en date, débutée en 2014, porte sur une riche domus (maison) dont sont issues les mosaïques de l’Aiôn et de la Méduse, exposées depuis 1992 au musée bleu. Après avoir mis à jour des éléments du décor mural d’une chambre, rattachée au « deuxième style pompéien » (Ier siècle avant J.-C.), les archéologues ont fait une découverte encore plus extraordinaire dans la pièce voisine, identifiée comme une pièce d’apparat étant donnée la richesse de son décor. Relevant du même style que le précédent, ce dernier s’en distingue néanmoins par la figuration de personnages de taille quasi humaine sur un fond vermillon, parmi lesquels une femme jouant d’une sorte de harpe. Ce type d’œuvre, à l’exécution parfaite, réalisé par les artisans les plus qualifiés sans doute venus de Rome, est totalement inédit en France. En Italie, il n’en existe que quelques spécimens, notamment dans la villa de P. Fannius Synistor à Boscoreale et la villa des Mystères à Pompéi. Autant dire que le propriétaire de cette maison arlésienne ne pouvait être qu’un très riche notable et que le quartier de Trinquetaille a largement bénéficié de l’essor économique connu par la ville grâce à sa fidélité à César. Aujourd’hui rangés dans plusieurs centaines de caisses 18

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Joueuse d'instrument à cordes, Arles, maison romaine de la Verrerie, Ier siècle avant J.-C.

référencées, à l’atelier de conservation et de restauration du musée, les fragments vont être lavés et stockés à l’abri de la lumière avant d’être étudiés. Combien de temps le public devra-t-il attendre avant de pouvoir admirer les fresques ? Il est difficile de répondre, mais, à moins qu’une exposition temporaire ne soit programmée en cours d’étude, La Musicienne a peu de chance d’être visible avant une dizaine d’années. En effet, après la reconstitution du puzzle par les archéologues, viendra celui de la restauration et du remontage. En attendant, rien n’empêche d’aller voir (ou revoir) les mosaïques et les autres très nombreux chefs-d’œuvre déjà exposés au musée.

MUSÉE DÉPARTEMENTAL ARLES ANTIQUE

Presqu’île du cirque romain, Arles. 04 13 31 51 03. 5-8 €.

WWW.

arles-antique.cg13.fr


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L'ENDROIT

Aux tableaux !

CAS D’ÉCOLE

Fermée en 2012, l’ancienne école Saint Thomas d’Aquin s’est muée en éphémère lieu d’exposition. Une quarantaine d’artistes ont investi les classes, les cours et les préaux, créant un parcours dans et sur l’école. Texte : Olivier Levallois • Photos : Élodie Gaillard

A

vis aux distraits et/ou retardataires : il ne reste que quelques jours pour visiter ce qui s’impose incontestablement comme l’exposition de l’année à Marseille ! Initié par Karine Terlizzi et Charlotte Pelouse (de l’association Juxtapoz) qui ont confié la direction artistique à Alexandre d’Alessio (du collectif 9e concept), le projet remonte à deux ans. « C’est à la suite de l’exposition d’une centaine de street-artistes dans la Tour Paris 13, appelée à être détruite à la fin de l’année 2013, que l’on s’est dit que ce serait intéressant de créer un lieu d’exposition éphémère à Marseille », raconte Karine Terlizzi. À l’époque, elle n’imaginait cependant pas investir cette honorable institution dominicaine de 4500 m2, construite au XVIIIe siècle, dont la bastide est désormais classée monument historique. Chacun des artistes invités en résidence entre février et mai derniers, pour quelques jours ou plusieurs semaines, a reçu pour seule directive de donner une représentation personnelle de l’école dans un espace attribué (mur, cage d’escalier, 20

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salle, préau…). S’accordant à nos propres parcours d’enfant, le cheminement reste fidèle à la chronologie scolaire, de la maternelle au lycée. Dans les premières salles, on peut ainsi voir la fresque enjouée, colorée et en aplat de GoddoG, ou l’installation L’heure de la sieste de l’illustratrice Olivia de Bona, adepte de l’ambiance douce-amère des contes de fées, où des enfants-oiseaux sont endormis dans la pénombre. Les œuvres se font ainsi plus funèbres ou provocantes à mesure que l’on progresse, telle la salle des Suzzies, skateuses et artistes locales qui mettent en scène des religieux peu orthodoxes, ou torturées telles les angoissantes créatures fantastiques de Matthieu Dagorn, qui occupe la cage d’escalier avec son Conseil de discipline. Le cadre scolaire, fécond en souvenirs, a visiblement autant inspiré les artistes qu’il éveille en nous de sentiments contradictoires. Expression de fantasmes (la sexualité, la rébellion) ou de dénonciation (la discipline, l’ennui), apologie de la liberté créative ou hommage mélancolique à


À gauche : Jean

Faucheur réalise, à la bombe, une fresque inspirée des Noces de Cana de Véronèse. À droite : Clément Laurentin dans sa Salle de classe déstandardisée.

l’enfance…, la variété des approches et des techniques employées (collage, pochoir, gravure, photographie, installation, crayons, bombes, pinceaux…) participe de la diversité des émotions ressenties. La dynamique de l’ensemble offre une synergie permanente entre nostalgie et transgression. Enfin, rares sont les expositions aussi vivantes. On s’y rend en famille, entre amis de tous âges, on prend des photos, les enfants courent d’une pièce à l’autre, explorant ce labyrinthe scolaire, les cours de récréation sont investies par leurs jeux et leurs cris, les parents plongés dans les œuvres ne les réprimandent pas. Et c’est peut-être là la plus grande réussite de ce projet hors-norme. Avec un agenda de manifestations diverses et nombreuses depuis son ouverture (concert, théâtre, danse, performance…), plus qu’une simple exposition, l’équipe organisatrice a su créer un lieu de vie accessible (un billet d’entrée – permanente – à 2 €), où l’on ressent cette envie de venir flâner, lire, manger un morceau (buvette et restauration de qualité sur place). Une école pour faire l’école buissonnière.

PLUS QU’UNE SIMPLE EXPOSITION, L’ÉQUIPE ORGANISATRICE A SU CRÉER UN LIEU DE VIE ACCESSIBLE, OÙ L’ON RESSENT CETTE ENVIE DE VENIR FLÂNER, LIRE, MANGER UN MORCEAU.

AUX TABLEAUX !

Jusqu’au 10 octobre. 23, rue Dieudé, Marseille, 6e. 04 13 20 77 10. 2 €

WWW.

aux-tableaux.com 8e art magazine • automne 2015

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Gilles Barbier

L'ARTISTE

Je suis resté à Marseille par commodité.

LE JOUEUR, À DOMICILE

À cinquante ans, Gilles Barbier est la preuve vivante que l’on peut à la fois vivre à Marseille et jouer en première division – sur le terrain de l’art contemporain. Texte : Emmanuelle Gall • Photos : Aurélien Mole et Jean-Christophe Lett

S

’il avoue prendre souvent le TGV, l’artiste est fidèle à la ville où il s’est installé, après avoir grandi au Vanuatu, pour étudier aux Beaux-arts de Luminy : « Je suis resté à Marseille par commodité. En sortant de l’école, j’y ai tout de suite trouvé un job et un atelier pour 150 francs par mois… » Au début des fastes années 90, il a emménagé à la Friche et a largement contribué au dynamisme de la scène artistique locale, en participant à la fondation d’Astérides. Aujourd’hui installé dans l’un des nouveaux espaces créés en 2012 dans les Magasins, « plus vastes et pratiques », il s’est désengagé de l’association et voit d’un œil plutôt positif « la professionnalisation » de la Friche. Alors que ses œuvres, exposées dans le monde entier, sont entrées dans les plus grandes collections, il présente à la Tour et au Panorama, sa première exposition marseillaise depuis 2001 : un parcours thématique dans vingt-cinq années de création.

ÉCHO SYSTÈME

Jusqu’au 3 janvier 2016. Friche la belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 95. 2-3 €.

WWW.

The Blender, 2010, acrylique et Posca® sur calque polyester, 215 x 215 cm. Courtesy Galerie GP & N Vallois, Paris.

ÉCHO SYSTÈME « Plus que d’une rétrospective, je préfère parler d’introspective ». Pour Gaël Charbau, le commissaire de l’exposition, la partie n’a pas été facile. Comment rendre compte d’une œuvre aussi complexe, multipliant les médiums et les références, reposant sur le principe du « Jeu de la vie », un objet mathématique théorisé par le Britannique John Horton Conway dans les années 70 ? Renonçant à toute logique ou chronologie, l’exposition privilégie, à travers plus de 140 œuvres, des séries emblématiques de cette production. Où l’on retrouve quelques-uns des principaux « énoncés » ou « règles du jeu » élaborés par l’artiste depuis 1992 et leur traduction plastique, en dessin ou peinture, au moyen de clones ou objets en résine plus vrais que nature. Qu’il s’agisse d’« habiter la peinture », de « travailler le dimanche » en recopiant le dictionnaire, de se « planquer dans l’atelier », de lancer le Dice man (l’homme-dé) ou de jouer au Cheker (une variante du jeu de dames), Gilles Barbier prend les mots à la lettre et invente des histoires où l’absurde le dispute au tragique.

lafriche.org 8e art magazine • automne 2015

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Espigas

© Espigas shoes

L'OBJET

MARSEILLAISE ET PHILOSOPHE

L’été prochain, vous n’aurez plus à choisir entre la tong brésilienne ou l’espadrille basque. Vous chausserez l’Espigas marseillaise : 200 grammes de liberté au pied, pour s’esbaudir sur des semelles de vent. Texte : Julie Bordenave

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ne chaussure tout terrain, à la fois mixte et cosy, qui permette de crapahuter dans les calanques comme sur le bitume de La Plaine ? C’est en écumant le continent américain en camping-car avec sa petite tribu familiale que Bérengère Perret a eu l’illumination : l’alpagrata, cette espadrille arrivée en Argentine avec les immigrants basques à la fin du XIXe siècle, trouvera chaussure à son pied à Marseille ! Elle est graphique, seyante et confortable. Son design emprunte tant à l’espadrille (dessus en toile, doublure en coton, semelle de gomme) qu’aux rythmiques de notre enfance, qu’on enfilait avant les cours de gym. Avec son élastique sur le cou-de-pied, elle s’enfile facilement et tient bien aux pattes. Elle peut même se muer en chausson d’intérieur, en alternative aux chaussettes, pantoufles ou babouches. Enfin messieurs, elle résout le casse-tête insondable du choix de la chaussure estivale, en vous évitant l’affront de l’infamante chaussette qui dégouline le long du tibia, voire en vous faisant passer pour un gaucho, ce cow-boy argentin qui veille fièrement sur ses troupeaux dans la pampa. Lancées à l’été 2014, les Espigas sont désormais disponibles en deux modèles : l’originelle Pampa (du 30 au 45), disponible en 18 coloris ; la Tango (du 36 au 45), lacée sur le dessus 24

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et renforcée à la point et au talon, disponible en 9 coloris. Son nom ? Il est emprunté au provençal espigaou, « l’épi qui pique et amène à voir les choses différemment… » Car Bérengère s’amuse à élever le débat, en faisant imprimer une « philosophrase » sur chaque semelle intérieure en cuir : « Traverse la rivière avant d’insulter le crocodile », « Si loin que vous alliez, il faut commencer par un pas »… Les fashionistas ne s’y sont pas trompées, et le modèle est désormais en vente dans plusieurs concept stores locaux, tels que l’Ornithorynque ou le Jardin Montgrand. Dessinée en France, l’Espigas est fabriquée en Argentine et en Asie. Mais sa filière est équitable : sur chaque paire achetée en ligne, la marque marseillaise reverse 2 euros à l’ONG italienne Mato Grosso. Et réfléchit à une collection capsule 100% made in France, ainsi qu’à un recyclage de ses produits dans des points dédiés.

Prix de vente conseillé : 35-45 € selon modèles

WWW.

espigas.fr


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Dansem

LA MÉDITERRANÉE EN MOUVEMENT

Depuis dix-huit ans, le festival Dansem sert à la fois de tremplin et de fenêtre aux chorégraphes méditerranéens. Aujourd’hui, cet espace de création et de diff usion s'avère de plus en plus essentiel. Texte : Fred Kahn

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n réponse aux discours qui n'insistent que sur les menaces « d'invasion », Dansem s’attache à témoigner de la force créatrice qui circule entre les deux rives. Le public est invité à s’enrichir au contact d'artistes profondément engagés dans leur pays et dans leur époque. Cristiano Carpanini, directeur de l’association L’Officina atelier marseillais de production et fondateur du festival, a patiemment bâti les fondations d'un événement qui, cette année encore, mêle artistes reconnus internationalement (Marlene Freitas, Cristina Rizzo) et démarches émergentes (Alma Söderberg, Radouan Mriziga, Youness Khoukhou). Cette édition 2015 est tout aussi généreusement ouverte à la pluralité des esthétiques et les propositions intimistes (Maurizio Saiu, Marc Vincent) vont côtoyer des formes plus spectaculaires (Ambra Senatore, Georges Appaix). Les spectacles travailleront à l'endroit (et à l'envers) de nos identités diffractées, et ce, sans occulter les sujets qui dérangent. Ainsi l'Israélien Arkadi Zaides confrontera son corps à des images filmées par des Palestiniens dans les territoires occupés. Quant aux autres propositions, il sera question de formes très performatives, d'une réappropriation du Boléro 26

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de Ravel, d'un imaginaire qui se déploie à partir de la pensée de la mort, de l'altérité et de la différence, de gestes nés « dans l'écart », de malice, de fantaisie, de plaisir et, bien sûr, d'amour... La soirée d'ouverture sera même l'occasion d'une incursion franche dans les univers des musiques électroniques (en partenariat avec Le Laboratoire des possibles et le Cabaret aléatoire). Dansem n'oublie pas non plus d'articuler la réflexion à la pratique. Sous la houlette du think tank Aleppo, des rencontres questionneront le devenir de l'humanité à partir du prisme artistique.

DANSEM

Du 20 novembre au 16 décembre. Divers lieux, à Marseille, Aix-en-Provence, Arles. 04 91 55 68 06. 7-15 €.

WWW.

dansem.org

© Andrea Macchia

LE FESTIVAL


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H.M.O.

AU-DELÀ DES EXPOS

La Librairie du Musée, la dernière création du trio formé par Histoire de l’œil, Maupetit et L’Odeur du temps, s’installe au centre Bourse et voyage au gré des expositions marseillaises.

L

Texte : Cédric Coppola

a genèse du projet remonte à l’aube de l’année capitale, quand les librairies Histoire de l’œil, Maupetit et L’Odeur du temps se sont associées pour monter une nouvelle structure, H.M.O., totalement indépendante, implantée depuis dans l’ancienne Salle des machines de la Friche la Belle de Mai. Forte de ce succès, l'entreprise a décidé de répondre à un appel d’offres de la Ville de Marseille qui souhaitait mettre davantage en lumière ses musées. Sachant que le panier national moyen, pour une boutique installée dans un musée, avoisine les 2 euros par visiteur payant et que le Musée d’histoire de Marseille a attiré en 2013 quelques 80 000 personnes, le chiffre d’affaires peut être conséquent. Aujourd’hui, H.M.O. ouvre donc des librairies temporaires pendant les expositions au musée Cantini et à la Vieille Charité (mais aussi, en 2016, au palais Longchamp), pour proposer aux visiteurs des ouvrages et des objets dérivés. Le cas du Musée d’histoire de Marseille est particulier : la librairie est permanente, ouverte six jours sur sept, et par sa situation, au Centre Bourse, s’adresse autant aux touristes qu’aux habitants du quartier. Nadia Champesme, directrice de L’Histoire de l’œil, précise : « Le fond est fortement attaché à la cité phocéenne, mais nous brassons large. On y 28

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trouve des livres pour la jeunesse, des ouvrages théoriques, pointus, des bandes dessinées et des bouquins à destination du grand public. Étant un lieu de passage, dans une galerie marchande, nous ne nous privons pas d’avoir aussi, parmi nos 2000 à 2500 références, des nouveautés et notamment celles de la rentrée littéraire. C’est nécessaire pour satisfaire nos habitués. » L’objectif est également de proposer un « lieu vivant », grâce à des rencontres imaginées avec l’équipe muséale. « C’est devenu indispensable pour exister, surtout par rapport à la vente en ligne qui permet d’avoir, le lendemain, le produit dans sa boite aux lettres. Notre atout, c’est le conseil et le rapport humain », précise Nadia Champesme, qui veille avec ses associés à ce que chaque librairie soit « en parfaite cohérence » avec l’espace culturel qui l’accueille.

LA LIBRAIRIE DU MUSÉE

Centre Bourse, 2, rue Henri Barbusse, Marseille, 1er. 04 91 90 23 94. Du mardi au dimanche, 10h-18h.

WWW.

lalibrairiedumusee.com

© Studio Petroff

LA LIBRAIRIE


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LE RESTAURANT

Sard’In

LE « BOUCHON » MARSEILLAIS Marseille possède, depuis cet été, le premier bar à sardines du monde. Aux commandes : Antony Germani, un jeune chef de retour dans sa ville natale. Texte : Emmanuelle Gall • Photos : Sard'In

L’ASSIETTE Maltraitée lors des sardinades et boudée par la pêche locale, la sardine n’est pas si souvent au menu des bonnes tables marseillaises. Peut-être parce qu’elle exige un vrai travail. Les assiettes de Sard’In rendent un vibrant hommage à ce poisson dont les qualités nutritionnelles sont largement reconnues. Nul besoin, cela dit, d’être monomaniaque pour se régaler ici. Car, si la sardine est évidemment servie dans tous ses états (fraîche ou à l’huile, en version fish and chips, sandwich, salade, beignet ou burger…), elle est en bonne compagnie : thon, anchois, maquereaux, chipirons, coques et couteaux sont également à la – courte, mais séduisante et abordable – carte. Les fromages et les desserts sont à l’avenant. LE CHEF Antony Germani a grandi aux Aygalades avant de partir, comme les meilleurs de ses collègues, faire ses armes ailleurs – et notamment à l’Atelier Robuchon où il a appris à travailler la sardine. À trente-deux ans, il a décidé de profiter du vent nouveau qui souffle sur la ville depuis 2013 pour ouvrir, avec sa compagne Christelle et son frère Sébastien, ce bar inédit à deux pas du Vieux-Port. Son ambition : « ap30

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porter quelque chose de neuf et différent », grâce au restaurant, mais aussi à sa cave. Car, en matière de vin comme de sardine, il existe des millésimes, des produits « de garde » et Antony Germani est un spécialiste.

LE CADRE À l’écart des attrapes-touristes du Vieux-Port, mais pas pour autant privés de la vue, Sard’In et sa terrasse sont à la fois simples et accueillants. La cuisine ouverte, les conserves venues de l’Atlantique ou de la Méditerranée en guise de décoration et le sourire de la « patronne » donnent envie de ne pas se contenter de la vente à emporter et de rester plus que pour un simple apéro.

SARD'IN

32, rue Coutellerie, Marseille, 2e. 04 91 91 70 77 Ouvert du mardi au samedi, 9h-22h. Plats 3-15 €.

WWW.

facebook.com/sardinmarseille


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UN JARDIN DE POÈTE

Installé à Éguilles depuis cinquante ans, Max Sauze a cultivé son jardin avec art et amour. Labellisé « jardin remarquable » en 2005, ce grand œuvre est un hymne à la vie et à la création. Texte : Emmanuelle Gall • Photos : Max Sauze

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ax Sauze accueille lui-même les visiteurs. À 82 ans, il n’a plus la force de guider leur déambulation et préfère leur laisser carte blanche. Heureuse initiative qui laisse le temps et le loisir de découvrir, dans l’ordre de son choix, la maison-galerie de l’artiste et son extraordinaire jardin de près de 1000 m2 : un labyrinthe d’œuvres et de végétaux, insoupçonnable depuis la rue. Près de cinquante ans après sa naissance, cet espace abrite une bonne centaine de sculptures, disséminées dans les allées, les bassins et « bascine », les arbres… Ici, l’art est partout et se mêle parfois si étroitement à la végétation qu’il faut une vigilance de chaque instant pour ne rien perdre du spectacle. Les matériaux utilisés par Max Sauze ont des provenances très diverses : capsules et bouchons, pièces de monnaie (des francs), livres, morceaux de plastiques... côtoient des coquilles, des pommes de pin ou des cailloux. Le papier dans tous ses états (feuilles, boules, journaux pliés ou roulés, « livres fermés »…) règne en maître et retrouve presque son état naturel au fil du temps et au gré des intempéries. Une des formes fétiches de l’artiste, baptisée Feuilleté d’écritures, obtenue 32

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par l’empilement de centaines de feuilles sur un socle, évoque celle des arbres. À de rares exceptions près (un Angélus de Millet et quelques silhouettes en fer forgé), l’univers de Max Sauze est abstrait. Et son rapport à la nature relève moins de l’imitation que du mimétisme. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme… », la philosophie de l’artiste repose sur des principes tels que l’accumulation, la prolifération, la déclinaison ou la variation. Verticales ou plus rarement horizontales, les sculptures dialoguent avec leur environnement : ici, une souche peinte en bleu outremer, là une Tige de Saint-Yorre puis un « tronc » de paillasson répondant à celui du palmier voisin… La relation du jardinier à sa création est aussi intime que poétique : « Au fil des années, le jardin lentement s’est métamorphosé. Il a été planté, arrosé, soigné. Parfois c’est la nature qui a choisi ses espèces. Elle s’est installée. Et puis des accidents sont arrivés, des disparitions ; un mur qui s’écroule, des arbres qui meurent... De nouveaux habitants ont pris racine, mi-choses, mi-sculptures. Ils s’intercalent entre les branches, se cherchent une place, s’inventent de nouveaux feuillages, se fabriquent des fruits. Ils créent un


Le Jardin d’Éguilles

LA BALADE

ICI, L’ART EST PARTOUT ET SE MÊLE PARFOIS SI ÉTROITEMENT À LA VÉGÉTATION QU’IL FAUT UNE VIGILANCE DE CHAQUE INSTANT POUR NE RIEN PERDRE DU SPECTACLE.

© Andrew Pattman

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OÙ MANGER ?

univers à eux, intime, poétique, un peu sauvage, redessinent leur décor, se racontent des histoires. » Max Sauze préfère raconter qu’expliquer son œuvre. Il parle aussi volontiers de son parcours et de son enfance en Algérie dans les années trente, passée dans l’atelier de son père, ingénieur des Arts et Métiers, à souder tout ce qui lui passait entre les mains. Il a ensuite fait les Beaux-arts à Alger, puis y a ouvert une boutique, dans laquelle sa femme vendait les œuvres qu’il fabriquait – du jamais vu à l’époque. Après son arrivée en France, en 1963, il s’est installé ici, à Éguilles, et a gagné sa vie comme designer sans jamais renoncer à créer pour son plaisir. Autour de lui, dans les moindres recoins de sa maison, des sculptures et assemblages de toutes dimensions témoignent de la puissance de son imaginaire.

À une vingtaine de kilomètres d’Éguilles, entre vignes et forêts, le domaine du Château La Coste reste une adresse plutôt confidentielle grâce à sa situation. Que l’on soit venu pour l’art ou le vin, la visite du parc de sculptures ou de la cave, il faut impérativement passer par le « Café ». Un terme bien modeste pour qualifier l’édifice de béton et verre conçu par le japonais Tadao Ando ainsi que ses terrasses donnant, au choix, sur un mobile de Calder, l’Infini selon Hiroshi Sugimoto ou encore une araignée de Louise Bourgeois. On y boit les vins biodynamiques du domaine, fabriqués dans un chai d’aluminium, aussi esthétique que performant, signé Jean Nouvel. Depuis neuf ans, l’œnologue Matthieu Cosse s’emploie à renouveler et tirer vers le haut ce Coteaux-d’Aix qui compte une dizaine de références. À l’heure du déjeuner, le café propose une formule à base de produits frais et de saison, issus notamment du potager biologique dessiné par le paysagiste Louis Benech. Au choix : un plat du jour, un tartare de bœuf, une assiette de pâtes au foie gras ou poêlées… Et, toute la journée, un buffet de gourmandises est à la disposition des visiteurs.

LE JARDIN D’ÉGUILLES

Le Café de Tadao Ando 2750, route de la Cride, Le Puy-Sainte-Réparade. 04 42 61 92 92 Plats : 12-24 €, verre de vin : 5,5-7,5 € Ouvert tous les jours, de 10h à 19h.13, rue des Porcelets, Arles.

105, rue Paul Magalon, Éguilles. Visite sur rendez-vous. 06 03 77 67 40. 4 €.

WWW.

max-sauze.com

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DOSSIER

LES COULISSES

DE LA RENTRÉE Dossier réalisé par

© Raphael Arnaud

Julie Bordenave, Cédric Copolla, Emmanuelle Gall et Olivier Levallois.

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La salle du théâtre des Bernardines fait désormais partie de la famille des "trois théâtres", dirigée par Dominique Bluzet.

De même que, chaque dernier week-end d’août, Art-O-Rama annonce la rentrée de l’art contemporain, à l’arrivée de l’automne, le très singulier festival Actoral donne le coup d’envoi de la saison théâtrale. Une saison qui s’annonce, cette année, particulièrement riche. Du côté des institutions d’abord : les Salins fêtent leur vingtième anniversaire, la Criée inaugure son nouveau hall et les « trois théâtres » sont désormais « quatre ». De son côté, la Friche inaugure l’IMMS, une école qui forme – ensemble – les futurs comédiens et techniciens. Si, parmi les structures associatives, certaines traversent une période difficile, d’autres, tels Les Bancs publics ou La Gare Franche, maintiennent le cap contre vents et marées…

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DOSSIER

LES COULISSES DE LA RENTRÉE

AU COMMENCEMENT ÉTAIT L'ETANG DES AULNES...

«

Méconnu du grand public, l’Étang des Aulnes réserve une surprise de taille. Entre Arles et Salon-de-Provence, en plein cœur de la Plaine de la Crau, ce verdoyant lieu de résidence, géré par le Conseil départemental, accueille une foule de projets artistiques en cours de création. Propos recueillis par Julie Bordenave

Vous croyez être enfermé dans une salle de répétition et, en une seconde, celle-ci se transforme en immensité… L’isolement qu’on y ressent est exceptionnel, bénéfique, revigorant », déclare le metteur en scène Jean-Claude Berutti. Pour Christine Raille, de la compagnie Emouvance, « c'est un outil de travail génial : le plateau, les techniciens, leur disponibilité… ». Éva Doumbia, qui dirige la compagnie La Part du pauvre, est également enthousiaste : « Le cadre est magnifique, permet l'isolement des compagnies qui n'ont plus qu'une chose à faire : créer »… Que les artistes ne tarissent pas d’éloges sur leurs conditions d’accueil à l’Étang des Aulnes n’a rien d’étonnant : dans ce domaine datant du XIIe siècle, ancienne propriété des Templiers, tout n’est que verdure, calme, volupté. Plantés dans l’herbe vert vif, les mas provençaux s’érigent autour du majestueux étang éponyme avec, pour seule compagnie, lauriers roses, moutons, oiseaux migrateurs et inoffensives couleuvres. En 2008, le Conseil départemental a installé ici un lieu de résidence pour les artistes, qui y trouvent un espace-temps propice à la création. Plus d’une centaine de compagnies, d’ici (Agence de Voyages Imaginaires, Cie Tandaim, Rara Woulib, Mathilde Monfreux, Cie Vol Plané...) ou d’ailleurs (Cie 111, Cie La Baraka, La Coma...) y ont depuis trouvé refuge. Retour sur les modalités de fonctionnement du dispositif avec Marion Morel, chargée de mission théâtre, danse, cirque et arts de la rue au Conseil départemental, et responsable de ce dispositif de résidences.

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Quel est l’historique de ce lieu singulier ? Le domaine des Aulnes est un site naturel protégé, représentatif de la biodiversité de la Plaine de la Crau. Il a été acquis en 1988 par le Département, pour le préserver. Des incursions ont alors eu lieu dans le domaine culturel, souvent l’été, avec l’accueil de spectacles de danse ou de musique. Peu à peu, au regard du manque d’espaces de répétition relayé par les acteurs locaux, l’idée est venue d’en faire un lieu de résidence. Avec plusieurs corps de bâtiments, l’espace s’y prêtait. Des travaux de rénovation ont eu lieu dans l’ancienne grange, devenue un lieu de travail au plateau ; un bâtiment a été transformé pour pouvoir héberger une petite trentaine de personnes, un autre a été converti en espace de restauration. L’espace résidence a été inauguré fin 2008. Quelles compagnies sont accueillies ici ? Tout type de compagnie professionnelle de spectacles vivants : théâtre, danse, cirque, musique... L’idée est d’exploiter la résidence avec ses caractéristiques, en salle et en extérieur. C’est toutefois plus contraignant pour les arts de la rue, car le lieu est régi par son environnement : il faut que le projet soit compatible avec le rythme de la nature ! Seule contrainte : le dossier de candidature doit être accompagné par une structure culturelle du département. Des productions nationales peuvent s’implanter sur le territoire de manière éphémère, et être ainsi en lien avec leur partenaire local : ce fut le cas de Serge Teyssot-Gay pour le


DR

L'un des mas du Centre départemental de création en résidence des Aulnes.

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projet Interzone Extended soutenu par les Salins en 2012, ou encore d’Aurélien Bory, programmé par le GTP en 2013. Les projets accueillis recouvrent une grande diversité géographique, esthétique, mais aussi d’échelle de production. Vous ne faites pas de coproduction de spectacles ? Non, nous n’avons pas d’enveloppe financière pour ces opérations. C’est pourquoi la nature et la qualité du partenariat avec la structure locale font partie des points examinés par le jury. Au moins deux dates du spectacle doivent être jouées dans le département au cours de son exploitation. Il faut aussi que le montage de la production soit viable. De son côté, le Département met à disposition la salle en état de marche, l’hébergement, et prend en charge la restauration de l’équipe pendant toute la résidence. Les artistes sont ainsi déchargés des contraintes du quotidien ; contrairement à une résidence dans un théâtre, qui continue de vivre pendant ce temps, ici le lieu entier leur est dédié. Ils ont les clés, et peuvent travailler la nuit s’ils le veulent ! Du coup, ils avancent très vite. L’isolement est aussi propice à l’émulation, et soude les équipes. Quelle est la durée des résidences ? Le plus souvent de dix à quinze jours. De très longues résidences ont lieu de temps en temps, mais il ne faut pas que ce soit préjudiciable à d’autres demandes. Nous faisons en sorte que le lieu bénéficie aux projets qui en ont le plus besoin, qu’ils 38

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en soient à leur début ou au stade de finalisation. Les compagnies ne sont pas reçues ici comme dans un théâtre : il n’y a pas de regard extérieur artistique, pas d’équipe permanente, à part une personne sur place qui s’occupe de l’accueil et de l’intendance. Comment s’opère la sélection des dossiers ? Un jury composé de professionnels du spectacle vivant se réunit chaque semestre. Ses préconisations sont ensuite validées par un vote des élus. Le jury est renouvelé en partie régulièrement ; il mélange des professionnels de toutes origines géographiques, pour varier les regards. Lorsque ces professionnels sont euxmêmes à la tête d’un lieu de résidence, nous échangeons sur les enjeux et l’évolution de telles structures. La Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon est ainsi représentée depuis plusieurs sessions. Nous misons sur la complémentarité avec les acteurs du territoire : nous avons été en discussion avec la Régie culturelle régionale quand elle a ouvert son nouvel espace de résidence, L’Atelier, axé sur la finalisation des spectacles ; des structures voisines telles que le théâtre d’Arles, ou celui des Salins à Martigues, qui n’ont pas (ou peu) d’espaces de répétition, ont été associées à la réflexion qui a présidé à la création du lieu. Quelles sont les périodes d’ouverture au public ? Durant l’été, le lieu change de configuration : nous ouvrons l’espace plateau, pour y installer un gradin en semi-ouver-


© Ghislain Bertrand

La compagnie Ilotopie, en résidence à l'Étang des Aulnes en 2010, pour Les Oxymores d'Eau.

ture. Des concerts de nos partenaires y sont accueillis, telles des étapes du Festival de piano de la Roque d’Anthéron ou du Festival d’Aix. Nous montons aussi des programmations, comme la journée « À vous de jouer », destinée à la mise en valeur de pratiques amateurs innovantes. Pendant l’année, des ouvertures ponctuelles au public ont lieu sur des fins de résidence, si l’artiste le désire. Dans le cadre de notre démarche « 13 en partage », nous ouvrons des propositions artistiques aux publics avec lesquels le Conseil départemental est en lien très proche, du fait de ses compétences : bénéficiaires d’aides sociales, collégiens, personnes âgées, personnes handicapées... Nous travaillons notamment avec des structures sociales implantées à Saint-Martin-de-Crau ou Arles. L’Étang des Aulnes est un endroit de travail de l’invisible : nous réfléchissons à la manière de l’ouvrir sur l’extérieur, pour mettre en partage ce temps privilégié de répétition, et comprendre ce qui s’y joue. C’est aussi un dispositif financé par une collectivité, cela nous semble normal de l’ouvrir de temps en temps au public.

« Nous faisons en sorte que le lieu bénéficie aux projets qui en ont le plus besoin, qu’ils en soient à leur début ou au stade de finalisation. »

Domaine départemental de l'Étang des Aulnes, Saint-Martin-de-Crau www.cg13.fr www.culture-13.fr 8e art magazine • automne 2015

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DOSSIER

LES COULISSES DE LA RENTRÉE

ÉDITH AMSELLEM, DANS LA COUR DES GRANDS Après avoir monté, en 2012, Les Liaisons dangereuses sur terrain multisports, Édith Amsellem se lance dans l’adaptation pour château-toboggan d’Yvonne, princesse de Bourgogne, une pièce écrite par Witold Gombrovicz en 1938. Accompagnée par le théâtre du Merlan, qui l’accueille au sein de sa « Ruche » de jeunes artistes, la metteure en scène créera la pièce le 2 octobre au théâtre de Châtillon, et reviendra la présenter à Marseille, au printemps. Propos recueillis par Emmanuelle Gall

Après les terrains multisports, vous investissez les « châteaux-toboggans de cours d’écoles maternelles ou aires de jeu ». D’où vient ce désir de quitter les planches ? Je n’ai pas eu envie de quitter les planches, mais plutôt de créer en dehors des lieux dédiés au théâtre, afi n d’utiliser la symbolique des espaces publics comme support pour interpréter des textes et en donner ma lecture. Dans Les Liaisons dangereuses, les terrains multisports m’ont donné la possibilité d’aborder la question de l’égalité hommesfemmes. Cette fois, les châteaux-toboggans de cours d’école maternelle me permettent de faire transpirer sur le texte de Gombrovicz la symbolique exutoire, défoulatoire, de ces espaces en lien avec la cruauté à l’état brut et l’égoïsme infantile. C’est cet état de rapport au bien et au mal pas encore acquis qui m’intéresse. Face à un terrain de sport comme à un château-toboggan, chaque spectateur a, en fonction de son histoire, une foule d’images mentales. Je veux convoquer ces images et ces souvenirs en amenant le public dans ces lieux spécifiques. J’ai confiance en leur puissance. Le monde de l’enfance vous paraît-il si cruel que la cour 40

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de récréation vous semble la meilleure métaphore de la barbarie humaine ? En ce qui concerne mon enfance, oui. Par rapport à ma vie de mère et à mes observations, je réponds également oui. Par ailleurs, j’ai vu Récréation, un fi lm de Claire Simon qui reconstitue, dans la cour, tous les rapports humains. Cela me renvoie une image de l’humanité que je trouve juste. On y retrouve les rapports dominant-dominé, bourreau-victime…, et la loi du plus fort règne. Avec Yvonne, princesse de Bourgogne, vous dites vouloir aborder la question du bouc émissaire… C’est une fable cruelle. Yvonne, une jeune fi lle du peuple, débarque à la cour comme un cheveu sur la soupe. Tous les codes et les conventions lui échappent et elle ne sait comment se comporter. En tout cas, elle ne parle pas. Gombrovicz ne lui fait prononcer qu’un seul mot, « oui », dans toute la pièce. Est-ce une posture politique ? Je le crois. Ce personnage qui fait tache, qui ne joue pas le jeu, va devenir le bouc émissaire de la famille royale. Elle a tous les signes victimaires possibles pour être désignée puis sacrifiée par la communauté. J’ai lu Le Bouc émissaire


© Francis Ruggirello

« Les châteaux-toboggans de cours d’école maternelle me permettent de faire transpirer sur le texte de Gombrovicz la symbolique exutoire, défoulatoire, de ces espaces…»

Edith Amsellem, ici en visite à la Biennale de Venise, a fait le choix de « créer en dehors des lieux dédiés au théâtres ».

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© Edith Amsellem

Frédéric Schulz-Richard, dans le rôle du prince, déterminé à épouser Yvonne.

du philosophe René Girard et l’histoire d’Yvonne m’est apparue comme un cas d’école de sa théorie. Mettre à mort une victime a toujours fait du bien à l’humanité, lui permettant de se purger, d’exorciser sa violence. Yvonne est un catalyseur de la violence, comme la soupape d’une Cocotte-Minute. En observant la folie et le comportement ubuesque de la famille royale, on ne peut s’empêcher de penser aux comportements des prétendus « grands de ce monde » et pas seulement des dictateurs… Il s’agit bien sûr de l’obscénité et de l’impunité de la classe dominante. Qui peut se permettre d’être obscène, de tuer impunément, sinon la classe dominante ? Je pense, par exemple, à l’affaire DSK ou aux scandales auxquels sont mêlés Nicolas Sarkozy, le couple Balkany… Écrite en 1938, la pièce continue à résonner avec le monde actuel. Certaines expressions sont datées, notamment à cause de la traduction (du polonais), mais le fond reste intemporel. Le personnage d’Yvonne sera joué, à chaque représentation, par une comédienne différente qui n’aura jamais répété avec la troupe et se verra « jetée en pâture » à ses partenaires. Ce parti-pris ne risque-t-il pas de mettre le spectacle en danger ? J’avais envie de traiter d’une manière particulière ce personnage qui arrive de nulle part, qui ne possède pas les codes et 42

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qui n’a pas de texte. En outre, d’après les didascalies, elle est apathique, impavide, ne joue pas. Ce qu’elle vit m’a rappelé un cauchemar récurrent – celui de tous les comédiens : être sur scène et ne souvenir de rien. Le trou. Yvonne arrive dans un monde où tout lui est étranger et où elle ne sait pas ce qu’on attend d’elle. Je vais essayer de trouver la vérité de ce personnage en jouant sur la réalité de cette situation : engager une actrice différente à chaque représentation et la projeter dans une mise en scène écrite qu’elle ne connaît pas. Ce qui m’excite justement dans cette prise de risque, c’est que le spectacle m’échappe et que, même si le cadre est délimité, si tous les autres personnages sont formés à accueillir cette performance, quand le spectacle va commencer, personne ne saura ce qui va se passer. C’est précisément l’endroit du théâtre, mais à son paroxysme.

Yvonne, princesse de Bourgogne Du 18 au 20 mai. Théâtre Massalia, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 91 99 02 50 www.theatremassalia.com Les 21 et 22 mai. Le Merlan, Avenue Raimu, Marseille, 14e. 04 91 11 19 20 www.merlan.org


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DOSSIER

LES COULISSES DE LA RENTRÉE

PRÉLUDE DU CONTE D’HIVER AU PÔLE NORD À l’occasion de l’année Shakespeare, Philippe Car a eu envie de remonter Le Conte d’hiver. Le capitaine de l’Agence de Voyages Imaginaires en avait donné une première version, en 2002, avec la compagnie Cartoun Sardines. Visite au Pôle Nord : QG, laboratoire et lieux de répétition de la compagnie. Propos recueillis par Olivier Levallois • Photos : Elian Bacchini

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n cet été caniculaire, assister à une répétition du Conte d’Hiver au Pôle Nord frôle l’ironie. À première vue, l’ancienne usine derrière la gare de l’Estaque, où étaient fabriqués il y a cinquante ans les sousmarins du commandant Cousteau, semble désaffectée. Mais l’enseigne en forme de boussole géante qui surplombe le bâtiment et une petite caravane bariolée, vestige de la scénographie d’El Cid (2013), confirment que l’Agence de Voyages Imaginaires a bien pris possession des lieux. Laurence Bournet, assistante à la mise en scène, joue les guides dans le ventre de cet étrange bâtiment industriel, jusqu’à la salle de travail : vaste plateau dénudé et haut de plafond. La répétition du Conte d’hiver vient de commencer. Leontes (Philippe Car), roi de Sicile, soupçonne sa femme Hermione (Susanna Martini) d’aguicher son ami d’enfance Polixène (Vincent Trouble), roi de Bohême. Au milieu du plateau nu se trouve l’un des rares éléments du décor : un trône étrange, doré et trapu avec des bras en guise d’accoudoirs, dans lequel est assis Léontes. Philippe Car prête sa silhouette longiligne au monarque de Sicile, petite moustache fine et regard paranoïaque, manteau militaire mauve ceint d’une épée et couronne royale sur la tête. On

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est en Bohème. Ce que vient confirmer une entraînante fanfare des pays de l’Est, pénétrant en farandole dans la salle. L’esprit festif des musiciens contraste avec l’air sinistre du roi. Le décor change à vue. On retrouve l’identité de la compagnie : une scénographie entre conte et bande dessinée, le goût pour la tragi-comédie, la musique jouée comme une bande-son de film, la volonté d’offrir un divertissement populaire au sens shakespearien du terme, justement. « Nous travaillons sur le principe de la transformation magique du décor et des objets. Ça renvoie à l’enfance, où une cape devient un tapis volant pour traverser la mer », commente Laurence Bournet. Tandis que les musiciens disparaissent en coulisse, Léontès fait part de ses soupçons à son conseiller Camillo (Francisco Cabello). Commence alors, pour le metteur en scène Philippe Car, un travail de précision : « La reine a des cheveux violets, les couronnes sont immenses, les costumes comme le décor ne sont pas réalistes… Du coup, pour réussir à entraîner les gens dans ce monde imaginaire, il faut être particulièrement vrai et juste. » À Léontes qui accuse Camillo de complicité avec la reine, celui-ci rétorque : « Non mon seigneur, je le jure ! » Le passage est repris autant de


« C’est un gars qui devient fou parce qu’il est jaloux et qui profite de son statut de roi pour tyranniser… »

Philippe Car, dans le rôle de Léontes, le roi de Sicile.

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La reine Hermione, incarnée par Susanna Martin, transformée en statue.

fois que nécessaire par Philippe Car : « Non, non, non. Là c’est trop léger… Il voit le roi dans cet état, ça lui fait peur. » Nouvelle tentative. « Il a plus de caractère que ça. C’est le conseiller du roi… Il faut affirmer davantage. Reprenons un peu en avant pour voir la progression. » Quand le comédien se montre trop virulent, il lui répond : « Tu ne peux quand même pas l’engueuler, c’est le roi. » Le metteur en scène devient un diapason et le comédien l’instrument cherchant à harmoniser sa note. « Comme dans beaucoup de pièces de Shakespeare, les personnages sont très complexes. Il faut arriver à exprimer cette complexité, que l’on comprenne bien chaque étape de la progression de leurs émotions ». Philipe Car révèle le thème qui l’a interpellé dans cette pièce tardive de l’auteur élisabéthain : « C’est un gars qui devient fou parce qu’il est jaloux et qui profite de son statut de roi pour tyranniser. C’est une pièce sur la tyrannie, sur le pouvoir et sur la folie. » À l’Agence de Voyages imaginaires, point de metteur en scène despote. Il y a peu de « je » dans la direction de cet homme insatiablement passionné par l’autre ; plus souvent le « nous » du spectateur (« Montre-nous ton visage. Nous on a besoin de te voir. ») et le « on » de la troupe (« On va le trouver, on y est presque »). L’homme de tête privilégie l’échange, l’encouragement et la confiance. Et si 46

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parfois il devient directif, c’est toujours de manière posée et respectueuse. « Excusez-moi, on doit encore travailler ça. Je vous dirais quand on sera prêt », prend-il la peine de dire aux comédiens qui attendent. « Il construit sur la confiance. Du coup, l’acteur peut s’épanouir petit à petit. On travaille beaucoup, mais on avance », confirme Valérie Bournet comédienne et co-directrice artistique. Entre des mains aussi exigeantes que bienveillantes, ce Conte d’Hiver promet de nous plonger dans un livre d’images où le divertissement et la poésie favorisent un questionnement aux résonances profondes et universelles.

Le Conte d'hiver Du 17 au 21 novembre. Théâtre du Jeu de Paume, 21, rue de l’Opéra, Aix-en-Provence. 04 42 99 12 00. 9-35 €. www.lestheatres.net/fr Le 27 novembre. Le Sémaphore, Rue de Turenne, Port-de-Bouc. 04 42 06 39 09. 4-12 €. www.theatre-semaphore-portdebouc.com


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DOSSIER

LES COULISSES DE LA RENTRÉE

MACHA MAKEÏEFF, MOLIÈRE ET LES FEMMES À la tête de la Criée depuis 2011, Macha Makeïeff mène une véritable politique de « grands travaux ». Avec un hall flambant neuf, le théâtre est prêt pour accueillir la cinquantaine de spectacles programmés cette saison. Parmi eux, une nouvelle création de Macha Makeïeff, Trissotin ou Les Femmes savantes, deux Molières et de nombreuses propositions féminines... Propos recueillis par Emmanuelle Gall

La rentrée à La Criée, cette année, c’est d’abord un nouveau hall. Que cela va-t-il changer, selon vous, pour le public ? Le hall correspond à une nouvelle étape, évidente, inscrite depuis longtemps dans le projet d’ouvrir le théâtre sur la ville et le quai. Il est important qu’on puisse venir à La Criée, dès midi, et y voir des choses. Le hall est un troisième lieu artistique à part entière. Au-delà du plaisir de se trouver dans un cadre agréable, le public va pouvoir y découvrir une foule de propositions qui n’auraient pu trouver leur place autrement : des expositions, comme celle d’Othoniel prochainement, mais aussi de la musique, des performances, des rencontres… Votre dernière création, Trissotin ou Les Femmes savantes, sera présentée à La Criée en décembre. Marseille et son contexte y jouent-ils un rôle important, comme dans Ali Baba en 2013 ? Si Trissotin est évidemment une création pensée pour La Criée et une ville méditerranéenne comme Marseille, où il est important de parler de la condition d’être femme, mes motivations ne sont plus les mêmes que pendant Mar48

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seille-Provence 2013. Cette fois, il s’agit surtout pour moi de rendre compte du choc d’un texte et d’un poète qui m’a précédé, qui fait écho à ma vie et mon histoire. Vingt ans après avoir monté Les Précieuses ridicules, votre approche du théâtre de Molière est-elle différente ? Ce sont deux pièces très différentes, avec des mécaniques et des ambitions incomparables. Les Précieuses ridicules relèvent de la comédie sociale : à travers les bourgeois « singeant » les aristocrates, Molière peut dire des horreurs sur l’aristocratie. Le sujet principal est celui de la place de chacun dans la société, même si la pièce annonce, par ailleurs, déjà la couleur des Femmes savantes. Là, on est face à un sujet important et double : la volonté – légitime – d’émancipation des femmes et toutes les impasses qui les attendent. À l’époque de Molière, cela passait par le désir d’embrasser le savoir, tout le savoir. Avec le risque de se perdre dans l’excès. Dans le même temps, face à cet illimité du désir (comme du plaisir) féminin, les hommes ont toujours eu la même réaction : le désarroi. Il y a beaucoup de détresse, de douleur, dans Les Femmes savantes, de part et d’autres. C’est aussi une pièce sur la toute puissance


© J-B Millot

« La continuité et la fidélité dans les relations avec les artistes sont très importantes à mes yeux... »

« Femmes, bêtes et voyous » sont les trois thèmes de la nouvelle saison de la Criée dirigée par Macha Makeïeff.

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© LoLL Willems

Marie-Armelle Deguy incarne Philaminte dans cette version très seventies des Femmes savantes.

Deux autres pièces de Molière seront présentées à La Criée en 2016 : Le Misanthrope ou l’atrabiliaire amoureux, en février, et L’Avare, en mai. Pourquoi ce choix ? Trois Molières, ce n’est pas énorme. Une scène nationale n’at-elle pas pour vocation de transmettre les grands textes ? Et, il est justement intéressant de pouvoir découvrir des regards complètement différents sur le théâtre de Molière : celui d’Alexis Moatti et Pierre Laneyrie sur Le Misanthrope, et celui de Ludovic Lagarde sur L’Avare. Ces pièces ont par ailleurs été écrites à des moments différents de la vie du dramaturge : le Molière des Femmes savantes est un homme blessé et amer, de l’âge de Chrysale. Nos perceptions se complètent très bien.

Deux artistes, Phia Ménard et Eva Doumbia, que l’on a déjà vues à La Criée, se voient même proposer ce que vous appelez des « Invasions ! », c’est-à-dire, des « temps forts », pendant lesquels tout le théâtre vit à leur rythme. Pouvezvous nous parler de ces compagnonnages ? La continuité et la fidélité dans les relations avec les artistes sont très importantes à mes yeux. Phia Ménard est une artiste majeure, dont les spectacles dégagent une force poétique si incroyable qu’on a voulu lui ouvrir les portes du théâtre. Ce qu’elle dit sur le corps, la fragilité de l’identité, son travail sur les éléments fondamentaux (le froid, l’eau, l’air…) sont à la fois très profonds et accessibles à tous. Quant à Eva Doumbia, j’ai voulu accompagner sa compagnie car j’aime son humeur et son sujet – à trois entrées : la femme, la femme noire et la littérature des femmes noires. Un sujet qu’elle traite de l’intérieur et qu’il faut faire entendre ici.

Vous avez résumé la nouvelle saison théâtrale de La Criée par le slogan « Femmes, bêtes et voyous ». Il est vrai que femmes y occupent une place importante… Si on fait le compte, c’est impressionnant ! Hanna Schygulla, Sophie Pérez, deux pianistes, l’immense comédienne Angélica Lidell, les metteures en scène Sybille Wilson, Eva Doumbia, Irina Brook…, la philosophe Elisabeth de Fontenay, sans oublier des comédiennes fantastiques…

Trissotin ou Les Femmes savantes Du 16 décembre au 17 janvier 2016. Théâtre de la Criée, 30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. 9-24 €. www.theatre-lacriee.com

maternelle – Philaminte « tient » chacune de ses filles dans une main – et une comédie sociale, dans la mesure où il est question du « beau langage ».

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LES COULISSES DE LA RENTRÉE

L’IMMS JOINT LA TECHNIQUE À L’ARTISTIQUE Inauguré le 3 septembre à la Friche la Belle de Mai, l’Institut Méditerranéen des Métiers du Spectacle est issu de la rencontre de l’ERAC (École Régionale d’Acteurs de Cannes) et l’ISTS (Institut Supérieur des Techniques du spectacle) d’Avignon. Le projet consiste à faire cohabiter les comédiens en devenir, pendant leur dernière année de formation, avec des techniciens inscrits en CFA. D’une superficie totale de 2509 m², le bâtiment est doté, entre autres, de trois salles de répétitions et peut accueillir 110 spectateurs lors des représentations. Selon Alain Arnaudet, directeur de la Friche, et Didier Abadie, son homologue de l’ERAC, il s’agit d’un outil moderne, dont l’ambition est de renouveler le principe de la formation. Propos recueillis par Cédric Coppola

La création de l’IMMS s’inscrit-elle dans une volonté de la part de la Friche d’être présente sur tous les maillons de la chaîne artistique, de la formation à la diff usion ? Alain Arnaudet : La Friche est un projet qui se multiplie et se déplie. Il y a certes, en France, d’autres lieux industriels réhabilités en milieu culturel, mais notre développement est unique, par sa superficie de 100 000 m2 et sa diversité : plateaux de théâtre, salles de répétitions, d’expositions, de concerts… 70 structures y sont implantées, nous avons un espace public avec un skate-parc et bientôt des terrains de sport, des jardins, une crèche… Désormais, nous sommes un lieu de vie, où se croisent des gens de toutes les générations. Dans cette logique, nous souhaitons développer le secteur « habitation », avec à l’avenir des logements sociaux ou à destination des étudiants. Nous espérons aussi, d’ici dix ans, implanter une école primaire, publique, pour les habitants du quartier. Nous sommes donc en train de créer un ovni territorial, où la formation a tout à fait sa place. À ma connaissance, l’IMMS est la seule école en France qui rassemble, sous le même toit, des élèves comédiens et des apprentis techniciens en CFA. Ils seront constamment en 52

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relation avec l’ensemble des activités du site et auront l’occasion de s’exprimer. Le départ de Catherine Marnas, qui avait vocation à faire le lien entre l’IMMS et les Plateaux, a-t-il perturbé vos plans ? A. A. : Catherine Marnas est quelqu’un d’important, mais ce projet des Plateaux, je l’ai porté avec elle. Il se trouve qu’elle a eu l’opportunité d’aller diriger le Théâtre National de Bordeaux, ce que je respecte. Mais, à partir de cette décision, il est certain qu’il a fallu revoir notre dispositif et travailler différemment. Nous avons alors porté le projet « Art de la scène » qui va entrer en résonance avec l’IMMS. Il s’agit d’une plateforme de coproduction avec une direction artistique collégiale qui permet d’accompagner un certain nombre d’initiatives. Il est en effet nécessaire d’accompagner la création tout en luttant contre le « vieillissement » des compagnies que l’on observe actuellement. Didier Abadie : Les centres dramatiques nationaux ont le défaut, depuis environ cinq ans, de ne programmer que trop rarement les premiers projets des compagnies. Ils attendent


© Agnès Mellon

« L’IMMS est la seule école en France qui rassemble, sous le même toit, des élèves comédiens et des apprentis techniciens en CFA. »

L’Institut Méditerranéen des Métiers du Spectacle, le jour de son inauguration, le 3 septembre dernier.

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qu’elles soient à maturité et il n’y a plus de prise de risques. Notre envie est donc de permettre à ces projets de voir le jour. En plus d’accorder une grande place à l’émergence, on peut ainsi facilement déceler comment ces artistes se confrontent à la réalité d’un « marché » qui voit débarquer chaque année environ 2000 intermittents… dont seulement le quart arrive à tenir plus de cinq ans ! N’y a-t-il cependant pas le risque de se refermer sur soi même, et que les élèves formés dans cette nouvelle école soient prioritaires par rapport à ceux qui arriveront par d’autres voies ? A. A. : Nous avons plusieurs plateaux, de différentes capacités pour répondre à tous types de besoin. La Friche est un lieu totalement ouvert, nous travaillons par exemple régulièrement avec l’école Antoine Vitez d’Aix en Provence. L’ERAC, dont nous accueillons les élèves de 3e année est de renommée nationale. La mission de l’IMMS est de professionnaliser et non pas simplement d’accompagner des étudiants jusqu’à un diplôme avant qu’ils ne soient livrés à eux-mêmes. Pour cela, nous faisons une passerelle. Un de leurs spectacles sera, à la fin du cursus, re-produit, amélioré et proposé en tournée sur des scènes importantes de la région. D. A. : Il faut aussi rappeler que la 3e année de l’ERAC est à la Friche depuis 1997, suite à la décision gouvernementale d’échelonner sur trois ans la formation du métier de comédien. La Ville de Cannes ne pouvait pas financer l’année supplémentaire et nous a « encouragé » à trouver un autre endroit. Philippe Foulquier, qui dirigeait la Friche avant Alain Arnaudet, nous avait immédiatement accueillis, ce qui a permis à des metteurs en scène de Marseille, comme Hubert Colas d’intervenir plus facilement. Se confronter au public, à la scène et aux autres disciplines artistiques est idéal dans ce pôle. 54

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Didier Abadie, le directeur de l'École Régionale d'Acteurs de Cannes.

Le fait d’être associé au CFA, lié à l’ISTS d’Avignon, va-t-il changer le projet pédagogique ? D. A. : Totalement. Depuis un an, on rajeunit même nos intervenants, beaucoup d’entre eux ont à peine trente ans, mais sont en résidence dans des lieux prestigieux comme le théâtre de la Colline. Ils commencent à former des équipes et seront sous les feux des projecteurs dans cinq ans, soit quand mes élèves arriveront, eux aussi, à maturité. Il est donc intéressant de travailler avec des jeunes techniciens, qui peuvent nous apporter beaucoup de choses, y compris sur les nouvelles technologies. Le rapport à l’image et au son s’en trouve modifié. Il faudra veiller à constamment mélanger les groupes, que ces techniciens touchent à l’artistique et que les comédiens manipulent la régie, la lumière… Cette collaboration est indispensable, car il ne faut pas oublier que ce sont deux corps de métiers à la base très différents, qui sont amenés à travailler ensemble. Le faire à la source décuple les possibilités. L’IMMS est un formidable outil, mais de toutes ces caractéristiques, laquelle selon vous ressort le plus ? D. A. : Sa mixité et sa faculté d’être un endroit où ça bouge, où ça remue... Il n’y a qu’à regarder la salle de spectacle où la régie ressemble au dernier rang du public. Elle est à la vue de tous. Il n’y a plus de barrière, c’est très vivant !

IMMS, Friche Belle de Mai 41, rue Jobin, Marseille, 3e. www.lafriche.org www.cfa-spectacle.com www.erac-cannes.fr

DR

© Pauline Daniel

Alain Arnaudet, le directeur de la Friche.


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LES BERNARDINES 2.0 Passé des mains du couple Fourneau-Guerre à celles de Dominique Bluzet, qui étend ainsi son « empire », le théâtre des Bernardines s’inscrit dans un projet de territoire destiné à créer, autour de la Canebière, « un petit Quartier Latin » dédié à la culture. Texte : Cédric Coppola

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nnoncée de longue date, la reprise des Bernardines par Dominique Bluzet, déjà à la tête des « trois théâtres » (Gymnase à Marseille, Jeu de Paume et GTP à Aix), est effective depuis cet été. Le directeur-producteur entend donner à cette ancienne chapelle du boulevard Garibaldi une place à la mesure de la singularité : « C’est une vraie valeur ajoutée, une salle qui a ouvert à peu près dans les mêmes temps que le Gymnase, au milieu des années 80. Ils ont eu des existences parallèles, parfois communes… L’un est considéré comme le théâtre patrimonial de la ville de Marseille et l’autre comme un lieu de création, d’avant garde. Il me semble important de maintenir à la fois cet ADN, mais aussi que ces deux pôles dépassent l’histoire pour s’inscrire dans la modernité. Cette aventure doit être innovante ». Il tient, en tout cas, à conserver le caractère « intime » de ce lieu « où les artistes s’adressent de manière moins spectaculaire aux gens ». Deux gros chantiers ont été mis en place, à commencer par celui du plateau, et ce bien qu’aucune subvention supplémentaire par rapport à celle qui était allouée à l’ancienne équipe n’ait été accordée à l’occasion de cette

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reprise. L’effectif du théâtre est passé de 12 à 2 personnes (suite à des départs volontaires), qui seront grandement épaulées par l’actuelle équipe du Gymnase. L’argent « économisé » sur ce budget sera reversé pour les propositions artistiques. La stratégie de Dominique Bluzet est très claire : « Huit jeunes metteurs en scène, dont sept femmes, sont accueillis en résidence dans nos différents théâtres sur une période de trois à cinq ans. Il ne s’agit donc pas de dire : jeune création, petit budget, petite forme, petite salle. Non au contraire, mon rôle est de les aider à réaliser leurs rêves, d’écouter leurs désirs. Je leur demande donc de réfléchir en fonction des spécificités de nos différents outils. J’ai bien l’intention que des stars viennent aussi aux Bernardines. Ce sera la garantie que leur présence se fait sur un critère artistique et pas de rentabilité ». Cette saison, 17 spectacles sont programmés au théâtre. En plus des festivals Actoral d’Hubert Colas et Parallèle de Lou Colombani, coproduits par le groupe, Sergi Lopez, Olivier Dubois, la troupe du Ballet National de Marseille… se relaieront sur les planches des Bernardines, avec une interruption prévue entre mi-octobre et début février. C’est la période


© Caroline Doutre

Dominique Bluzet dans la salle du théâtre des Bernardines.

pendant laquelle se situera une partie du second chantier, celle de la réhabilitation : « Ces travaux sont échelonnés, pour éviter de fermer pendant une trop longue période. À l’extérieur, nous avons déjà enlevé la tente et repeint le portail… Cet automne pendant la coupure, nous allons travailler sur le confort des artistes, en refaisant les loges et les sanitaires. Ces prochaines années, il s’agira de travailler sur la salle, mais là, il s’agit de travaux beaucoup plus conséquents, qui nécessiteront l’aide de collectivités, ce qui est évidemment plus complexe et long à mettre en place ». À suivre, donc.

« J’ai bien l’intention que des stars viennent aussi aux Bernardines. Ce sera la garantie que leur présence se fait sur un critère artistique… »

Théâtre des Bernardines 17, boulevard Garibaldi, Marseille, 1er. 08 2013 2013 www.lestheatres.net 8e art magazine • automne 2015

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DES RENCONTRES D’UTILITÉ PUBLIQUE Désormais basés à la Friche, Les Bancs publics préparent la dixième édition des Rencontres à l’échelle : un festival pluridisciplinaire qui donne la parole aux artistes de la rive sud de la Méditerranée et résonne plus que jamais avec l’actualité. Texte : Emmanuelle Gall

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ertains spectateurs regretteront peut-être l’atmosphère si particulière de l’ancienne salle de boxe de la Belle de Mai qui abritait, ces dix dernières années, Les Bancs publics. En juin dernier, Julie Kretzschmar, la directrice artistique de ce « lieu d’expérimentations culturelles », et son équipe se sont installées dans les Magasins de la Friche. Un déménagement qui fait suite à « une décision positive et construite » et qui va sans nul doute impacter le fonctionnement des Bancs publics. « Le projet initial va se redessiner, mais dans le temps et au fil de l’expérience, confie Julie Kretzschmar. Il va falloir réussir à créer un lieu partagé, à accueillir le public autrement qu’en gérant un outil dont on a la maîtrise ». Elle n’a pas l’intention en tout cas de renoncer à la proximité avec les artistes qu’elle accueille en résidence et accompagne, au plus près, dans leur trajectoire, ni de se contenter du confort de la Friche : « Nous tenons à conserver notre mobilité. » À première vue, la dixième édition des Rencontres à l’échelle, qui débutera le 4 novembre prochain, s’inscrit dans la continuité des précédentes. Répartie entre les différentes scènes de la Friche, Montévidéo, la Criée et le

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MuCEM, elle reste ouverte à tous les champs de la création contemporaine et à l’international, accueillant des artistes venus d’Afrique, du Liban, de Syrie, de France et de Russie. Plutôt que de profiter de cet anniversaire pour dresser un bilan, Julie Kretzschmar a préféré changer de temporalité. « Si la majorité des événements est programmée en novembre, comme dans le passé, nous allons déborder jusqu’à la fin du mois de février, avec une exposition de photographies et un focus sur la création syrienne ». Cette année, les préoccupations politiques et esthétiques qui animent les Rencontres depuis leur création, notamment autour des questions migratoires et identitaires, trouvent un écho particulier dans l’actualité. Parmi la douzaine d’œuvres présentées dans le cadre de cette édition, la plupart viennent ouvrir des perspectives et enrichir des débats trop souvent superficiels. « Dans la situation actuelle et face aux discours les plus odieux, je crois à la force des histoires, des récits », résume Julie Kretzschmar. Pour son premier solo baptisé Sa Prière, la danseuse Malika Djardy fait dialoguer sa pratique avec celle de sa mère, convertie à l’Islam : « Il s’agit d’un récit très intime évoquant, sans angélisme, la porosité de ces deux mondes, leur possible


© Christophe Lourgli

La danseuse Malika Djardy dans son solo intitulé Sa Prière.

cohabitation ». De même, en témoignant sur scène de leur propre parcours de migrant et, désormais, de sans-papier, les huit « comédiens » de 81, avenue Victor Hugo démentent les préjugés : « Ils sont des Ulysses, qui ont beaucoup à nous apprendre, et sont inscrits depuis longtemps dans la société française. Comment pouvons-nous admettre qu’ils soient maintenus dans une telle fragilité ? » Julie Kretzschmar espère bien pouvoir montrer également Antigone of Syria, créée par Omar Abu Saada avec des femmes syriennes réfugiées dans les camps de Sabra et Chatila, qui mêle la tragédie classique et la réalité contemporaine. Pour l’heure, elle se débat pour obtenir les documents nécessaires à la venue de la troupe en France…

« Dans la situation actuelle et face aux discours les plus odieux, je crois à la force des histoires, des récits. »

Les Rencontres à l'échelle Du 4 au 27 novembre. Montévidéo, MuCEM, La Criée, Friche la belle de Mai. Renseignements : 04 91 64 60 00 www.lesrencontresalechelle.com 8e art magazine • automne 2015

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LA GARE FRANCHE, À LA CROISÉE DES CRÉATIONS Entre Plan d’Aou et Saint-Antoine, la Gare Franche continue d’écrire son histoire avec ses voisins de quartier. La compagnie Cosmos Kolej mise en sommeil, le lieu se réinvente avec Alexis Moati, « artiste à l’a(e)ncre » pendant trois ans. Texte : Julie Bordenave

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epuis la disparition de son capitaine Wladislaw Znorko en 2013, la Gare Franche s’est trouvé un nouveau compagnon de barre. Alexis Moati, le metteur en scène de la compagnie Vol Plané, inaugure depuis l’an dernier la formule dite de « l’artiste à l’a(e)ncre ». Associé à la direction du lieu pour une durée de trois ans, il en décide, aux côtés de l’équipe en place, des orientations artistiques. Autour de ses 45 parcelles de jardin partagé, la « maison d’artistes, théâtre et curiosités » met toujours l’accent sur la convivialité, lors notamment de ses « bOns moments » fédérateurs : présentation d’étapes de travail en cours, autour d’une soupe maison. De nouvelles fidélités artistiques se tissent, avec la compagnie languedocienne Moebius, par exemple, qui travaille sur la transmission ou encore avec la comédienne Chloé Martinon, qui éprouve ici son clown Désirée, épris d’amour et de tango. « Une mythologie se noue entre le quartier et ce personnage, qu’on va faire évoluer au cours des saisons », commente Catherine Verrier, coordinatrice de la Gare Franche. Nouveautés : les rencontres inter-compagnies, des laboratoires permettant aux artistes de se réunir pour échanger et chercher, sans forcément produire. « Ce sont des temps difficile-

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ment finançables, qui pourtant irriguent toute la création », constate Alexis Moati. La Gare Franche souhaite aussi multiplier les temps de programmation, en partenariat avec des structures voisines, tel le théâtre du Merlan (accueil du collectif La Palmera en novembre), mais aussi en achetant directement des spectacles. Dès janvier 2016, la compagnie belge Walpurgis jouera ici son adaptation de l’opéra Fidelio, avant de transfigurer la Gare à l’hiver 2018, en y installant durant un mois entier son Café Bohème, dans un décor inspiré de l’univers de Puccini. « Les habitants seront invités à s’approprier ce lieu de convivialité. On pense à faire des cultures d’endives... Il s’agit toujours de solliciter les compétences qui nous entourent », s’enthousiasme Catherine Verrier. Au quotidien, les actions culturelles se poursuivent sur le territoire, à l’image du théâtre des Bastides, un concept initié en 2009 par l’artiste Marie Lelardoux : « Chaque année pendant une semaine, un groupe d’élèves de l’école primaire des Bastides est venu ici avec sa maîtresse, pour suivre la classe le matin et prendre des cours de théâtre l’après-midi. Nous réfléchissons désormais à la suite du projet, avec le collège Elsa Triolet », détaille Catherine Verrier. De son côté, Alexis Moati a créé le Groupe des 15, une aventure au long cours avec


© Vincent Beaume

Le « bOn moment » du clown Désirée en mai 2015 à la Gare Franche.

« Il est intéressant de revenir dans un lieu de création situé dans les quartiers nord, car je pense que l’avenir de cette ville passe par là. » un groupe d’adolescents issus des quartiers nord : « Je voulais leur faire traverser les étapes de la vie d’une compagnie, les emmener au spectacle et en voyage... Une pédagogie active ! Nous venons d’obtenir l’appellation de Classe libre du conservatoire de Marseille. » Constitué l’an dernier, le groupe compte désormais 26 membres, âgés de 14 à 22 ans. Chaque trimestre, ces jeunes apprentis comédiens présenteront une petite forme à la Gare Franche, et un spectacle va être écrit pour la Biennale des écritures du réel. Ensuite, direction la Belgique aux côtés de la compagnie Walpurgis, puis Baltimore. « C’est aussi un groupe ressource pour la Compagnie Vol Plané, on les questionne sur des problématiques qui nous habitent. Après six ans de tournée qui m’ont tenu loin de Marseille, il est intéressant de revenir dans un lieu de création situé dans les quartiers nord, car je pense que l’avenir de cette ville passe par là », conclut Alexis Moati.

PROCHAINS RENDEZ-VOUS À LA GARE FRANCHE : Les 4 et 6 novembre : Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime Hector qui est mort..., collectif La Palmera (réservations auprès du Merlan). Les 13 et 14 novembre : bOn moment autour de Tadeusz Kantor Le 27 novembre : bOn moment avec Philippe Fenwick, du collectif Z.O.U., autour de Transsibérien je suis Le 18 décembre : bOn moment avec la compagnie Vol Plané, autour du Misanthrope ou l’atrabilaire amoureux

La Gare Franche 7, chemin des Tuileries, Marseille 15e, 04 91 65 17 77 www.lagarefranche.org 8e art magazine • automne 2015

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PORTFOLIO

TRAVERSÉE, D’ENFANCE EN ADOLESCENCE Texte : Emmanuelle Gall

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omment traduire en images la transition, si mystérieuse et parfois presque invisible, que représente le passage de l’enfance à l’adolescence ? Trois femmes photographes se sont confrontées, avec leur sensibilité d’artiste et parfois de mère, à cette périlleuse entreprise. Réunies à la Bibliothèque départementale le temps d’une exposition, elles proposent trois regards singuliers et complémentaires. Photographe de presse, membre de l’agence VU’, Claudine Doury a également photographié sa fille Sasha entre 2007 et 2008. Après s’être intéressée aux rites de passage dans le monde, elle choisi de capter « non plus les signes extérieurs » de l’adolescence, mais « son intériorité et ses silences » : « J’ai eu envie de raconter, sous forme d’un conte photographique, la fin de l’enfance de Sasha, retrouvant à travers elle les traces de ma propre adolescence. » Une poésie empreinte de tristesse voire de deuil émane de ces portraits. Pour l’Arlésienne Mireille Loup, l’adolescence relève d’un « temps suspendu » et d’un rapport au monde quasi fantastique. Des visages flous ou des regards perdus, le recours au procédé de l’anaglyphe (permettant une lecture de l’image en trois dimensions avec le port de lunettes)… tout concourt à renforcer l’étrangeté de ces êtres en devenir. Les adolescents photographiés par Stéphanie Tétu semblent, pour leur part, profiter encore de l’insouciance et de la vitalité de l’enfance, tout en abordant le monde des grands. Parallèlement à l’exposition, la Bibliothèque départementale programme une série de rencontres, projections, spectacles et ateliers (gratuits sur réservation) autour des thématiques de l’adolescence et des monstres.

Jusqu’au 23 janvier 2016. Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône, 20, rue Mirès, Marseille, 3e. 04 13 31 82 00. Entrée libre.

WWW.

www.biblio13.fr

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Claudine Doury, Série Sasha, « Shasha », 2007.


Claudine Doury, Série Sasha, « La natte », 2008.



Mireille Loup, Série Les Autres, « Te suivre toujours », 2010-2011.


Mireille Loup, Série Les Autres, « L’étranger », 2010-2011.



Mireille Loup, Série 53.77 Anaglyphes, « 53.77 #12 », 2012.


StĂŠphanie TĂŠtu, sans titre .


StĂŠphanie TĂŠtu, sans titre .


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AGENDA CULTUREL

ÉVÉNEMENT

SCÈNES

MUSIQUES

EXPOS

ENFANTS

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SORTIR

L’ÉVÈNEMENT

EXPO FADA AU CORBU Le collectif des Pas perdus, qui a fait de la « co-création » avec des « occasionnels de l’art » l’un des piliers de sa démarche artistique, rend un hommage festif au Corbusier en compagnie des habitants de la Cité radieuse. Texte : Emmanuelle Gall • Photos : Caroline Terrier

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près le succès du MasToc, leur « quartier créatif » à Arles en 2013, leurs résidences à Fonscolombe ou Font-Vert, on pouvait croire les Pas perdus définitivement abonnés aux projets dans les quartiers dits « sensibles ». L’opération Week-end fada et Grand ensemble à la Cité radieuse prouve le contraire. Cette fois, les Pas perdus débarquent au très vénérable Corbu, invités par l’association des habitants. Geneviève Bonino, sa présidente, avait envie de célébrer le cinquantenaire de la mort de l’architecte d’une manière originale : « Nous ne voulions pas être simplement spectateurs de l’événement, mais bel et bien acteurs, et nous souhaitions communiquer notre plaisir à vivre ici – depuis parfois très longtemps ». Quand elle a découvert les Pas perdus et leur conception participative de l’art, le déclic a été immédiat : « Emballée par leur poétique déjantée, j’ai pensé : voilà des gens qui vont savoir nous faire bouger ! ». C’est ainsi que Guy-André Lagesse a commencé à rencontrer les habitants de la Cité radieuse en janvier dernier. Au fil des

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discussions, le principe de la manifestation s’est dessiné : une exposition dans les « rues intérieures » de l’immeuble, détournant l’usage des boîtes à provisions installées devant les portes de chaque « cellule », boîtes à l’origine destinées à recevoir les commandes passées aux commerçants de l’immeuble. « Aujourd’hui, à leur tour, les habitants ont décidé d’approvisionner ces boîtes de leurs remerciements au Corbusier. Remerciements pour la lumière, l’espace, la vue, le volume, le bois, la hauteur, les couleurs et tout ce qui constitue leur vie dans ce village vertical », résume Guy-André Lagesse. Les habitants se sont donc, pour l’occasion, lancés dans la création d’une « œuvre-off rande », en collaboration avec un artiste du collectif ou bien un de leurs invités. En effet, face à l’ampleur du projet, Guy-André Lagesse et ses acolytes, Jérôme Rigault et Nicolas Barthélemy, ont fait appel à des amis artistes : Claude Caillol, Marie Ducaté, Jean Laube et Raphaëlle Paupert-Borne. Ainsi, une soixantaine de sculptures, tableaux, installations, vidéos, photos… ont


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À gauche : Une rue intérieure de la Cité Radieuse. À droite : Nicolas Barthélemy, Jérôme Rigaut et Guy-André Lagesse en repérage.

été réalisés puis installés sur ou autour des boîtes à provision, les 10 et 11 octobre. Guidés par les habitants et munis d’un plan, les visiteurs ont pu découvrir la Cité radieuse sous un jour inédit, avec de l’art à tous les étages. Sur le toit, le MAMO accueille une exposition des trois artistes des Pas perdus et de leurs quatre invités, qui prolonge l’événement comme l’hommage à l’architecte. Grand Ensemble est l’occasion pour chacun de se confronter à l’espace et à la lumière de l’ancien gymnase. Entre la série de volumes colorés de Marie Ducaté, se déployant comme des variations musicales, les grandes toiles géométriques de Claude Caillol, les sculptures « horizontales » de Jean Laube, les panneaux photographiques « tropicaux » des Pas perdus… et les dessins de Raphaëlle Paupert-Borne, se tisse une complicité réjouissante. Ici encore, le collectif réussit à créer une forme d’esthétique et de convivialité qui n’a rien de formel mais repose sur une certaine idée de l’art – ouverte et généreuse.

GUIDÉS PAR LES HABITANTS ET MUNIS D’UN PLAN, LES VISITEURS ONT PU DÉCOUVRIR LA CITÉ RADIEUSE SOUS UN JOUR INÉDIT, AVEC DE L’ART À TOUS LES ÉTAGES.

Grand Ensemble Jusqu’au 25 octobre. MAMO, Cité Radieuse Le Corbusier, 280, boulevard Michelet, Marseille, 8e. www.lespasperdus.com

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SCÈNES

SCHNELL, SCHNELLER

Depuis une vingtaine d’années, Franck Dimech met en jeu des « langues » (Bernard-Marie Koltès, Hervé Guibert, Heiner Müller, Paul Claudel…). Il les donne en pâture à des comédiens et avec « ça », ils tentent de fabriquer quelque chose qui pourrait ressembler à une collectivité. C’est toujours radical et souvent bouleversant. Pourtant, le prochain spectacle de Franck Dimech sera créé dans des conditions de précarité absolue. Car, en ces temps de crise, les politiques culturelles, ô combien frileuses, réservent prioritairement l’argent public aux entreprises qui divertissent ou édifient le bon peuple. Lui, au contraire, s’acharne, à appuyer là où ça fait le plus mal. Mais, quoi qu’il lui en coûte, le metteur en scène (et le dramaturge, Frédéric Forest, qui l’accompagne dans cette « aventure ») ira jusqu’au terme de son nouveau projet qui consiste à tenter « de transmettre le pire absolument » : l’expérience des camps de concentration nazis. Pourquoi vouloir à tout prix faire spectacle avec un matériau puisé dans la littérature d’artistes (Primo Lévi, Robert Antelme, Charlotte Delbo…) revenus de l’enfer ? Pourquoi creuser ainsi des endroits aussi dérangeants ? Une seule raison : l’urgence et la nécessité de faire résonner, ici et maintenant, l’écho assourdissant de cette tragédie absolue. Plus jamais ça ? Alors même, qu’en France comme ailleurs, la pensée fasciste est de plus en plus conquérante et triomphante. Impuissants, indifférents ou complices, nous laissons cette gangrène grignoter insidieusement les principes de civilisation les plus élémentaires. Jusqu’où ? Franck Dimech ne propose aucun remède. D’ailleurs, peut-être sommes-nous incurables. Il n’a rien d’autre à nous offrir que quelques armes « poétiques » afin de négocier au mieux avec l’inadmissible. F.K. Les 3, 6 et 7 novembre, 20h30, les 4 et 5, 19h. Théâtre de Lenche, 4, place de Lenche, Marseille, 2e. 04 91 91 52 22. 2-16 €. www.theatredelenche.info

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© Karin Hofer

© Victor Tonelli-Artcomart

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WHEN I DIE… En 1970, sortait un disque réunissant des inédits de Liszt, Chopin, Schubert, Debussy et d’autres compositeurs morts. Il avait été enregistré par Rosemary Brown, femme de ménage et médium anglaise de 54 ans, qui disait recevoir des dictées musicales de l’audelà. Douze ans après sa mort, Thom Luz, musicien et metteur en scène zurichois féru de personnalités farfelues disparues, en tire un spectacle théâtral et musical. Avec quelques meubles, une télévision, une porte, trois musiciens et deux comédiens, When I die tente de reconstituer l’étrange espace-temps dans lequel la musicienne spirite a vécu. Loin de verser dans le spectaculaire, le metteur en scène laisse les situations les plus étranges se déployer lentement, entre burlesque et mélancolie. À voir et écouter (avec surtitrage en français), en clôture du festival Actoral. O.L.

LE CROCODILE TROMPEUR / DIDON ET ÉNÉE Dans l’opéra de Purcell, le « crocodile trompeur » de l’histoire, c’est Énée, abandonnant Didon et provoquant ainsi son suicide. Dans la version mise en scène par Samuel Achache et Jeanne Candel, c’est également le spectacle lui-même, inclassable et difficilement qualifiable à force d’invention et de liberté. Ça commence comme une pseudo-conférence scientifique sur fond de bâche de chantier, ça tourne à la dissection du corps de la reine de Carthage et ça déconstruit le

mythe jusqu’à la scène finale, retrouvant le fil de l’opéra. On rit autant qu’on pleure avec la soprano Anne-Emmanuelle Davy et ses compagnons musiciens et/ ou comédiens. Le récit de cet impossible amour évoque tantôt Shakespeare, tantôt les Monty Python, et la partition de Purcell donne lieu à des improvisations jazz débridées. Le spectacle fait l’unanimité depuis sa création en 2013 et a remporté le Molière du meilleur spectacle musical en 2014. E.G.

Les 9 et 10 octobre, 21h. Théâtre du Gymnase 4, rue du théâtre français, Marseille. 04 91 24 35 24. 10-20 €. www.lestheatres.net

Le 14 octobre, 19h et le 15, 20h. Théâtre de la Criée, 30, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 70 54. 9-24 €. www.theatre-lacriee.com

© Luca del Pia

GO DOWN, MOSES « Sidérant », « déroutant »… Comme tous les spectacles de Roméo Castellucci, Go down, Moses a divisé à l’extrême lors de sa première, il y a tout juste un an, au théâtre Vidy de Lausanne. Sa venue à Martigues, qui coïncide avec le vingtième anniversaire du théâtre des Salins, est un événement qui réjouit d’avance les inconditionnels du maître italien, si rare dans la région. Impossible à résumer et encore moins à réduire à l’histoire du prophète Moïse qui l’a inspiré,

l’œuvre aborde les thématiques de l’exil, de l’interdiction des images, du Buisson ardent, du Veau d’or… en délivrant des tableaux ou images définis par leur auteur comme « audelà de la logique », destinés à résonner au plus profond de chacun. E.G. Les 15 et 16 octobre, 20h30. Théâtre des Salins, 19, quai Paul Doumer, Martigues. 04 42 49 02 00. 8-18€. www.les-salins.net

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SCÈNES

© Cie Philippe Genty

BIENHEUREUX […]

ZIGMUND FOLIES

rêves. Les récits se construisent donc par glissement, métamorphose, d’un geste à un autre, d’une forme à une autre, d’un sens à un autre. Entrer dans l’univers et les images saisissantes de cet homme inclassable, (clown, performeur, marionnettiste, mime, magicien), c’est se laisser entraîner dans des paysages en perpétuel mouvement, dont la poésie subjugue et inquiète tout à la fois. Plus qu’un spectacle, c’est une plongée réjouissante dans l’architecture trouble de l’inconscient.

Les 15 et 16 octobre, 20h30. Théâtre du Merlan, Avenue Raimu, Marseille 14e. 04 91 11 19 20. 3-15 €. www.merlan.org

O.L. © Jérome Vila

C’est l’histoire d’un conteur dont la main gauche, soudain autonome, fouille à l’intérieur des poches de son propriétaire. À la poursuite de sa fuyante main, le conteur rencontre, en chemin, Félix Nial de la police secrète, puis la main droite du ministre de l’Intérieur. Créé en 1990 par Philippe Genty, ce spectacle qu’il a repris régulièrement depuis a des airs de manifeste par rapport à ses créations suivantes (Désir, Parade, Voyageur immobile, Ligne de fuite). Son champ d’investigation : l’inconscient. Son horizon esthétique : la texture et la logique des

Deux personnages sur scène. Dans un décor plutôt inhospitalier, ils entament un périple ressemblant fort à un exercice de survie. Un peu Buster Keaton, un peu Charlot, ils sont constamment en déséquilibre, au bord de la rupture, de la chute. Mais ces hommes élastiques opposent à la violence de leur environnement toute leur souplesse et leur sens de la légèreté. Voyageurs sans bagages, Boris Gibé et Florent Hamon traversent ainsi les frontières. Celles du cirque, de la danse et du cinéma. Celles qui séparent la fiction, le rêve et le réel. Par un double mouvement de résistance à l'adversité et d'acquiescement aux puissances vitales, ils créent ainsi un « lieu » terriblement accueillant. F.K.

Du 3 au 7 novembre, 21 h. Théâtre Toursky, 16, promenade Léo Ferré, Marseille, 3e. 04 91 02 58 35. 3-14 €. www.toursky.org

LE CONCEPT DE LA POUSSIÈRE…

© Moira Ricci

Yvonne Rainer est l'une des plus importantes figures de la danse contemporaine américaine. Et l'une des plus radicales. Dès les années 60, ses prises de position esthétiques ont profondément bouleversé les codes de la représentation chorégraphique. À l'invitation de Marseille Objectif Danse, l'artiste vient présenter à la Friche sa dernière création au titre très énigmatique : The Concept of Dust, or How do you look when there’s nothing left to move ? Comme à son habitude, elle juxtapose la danse, la musique et les mots.

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Par son refus de tout artifice, elle cherche à atteindre le cœur des choses. Ici, les interprètes mettent en œuvre une série de variations, dans une quête du geste le plus juste et le plus lucide possible, pour répondre à l'inéluctable : le déclin et la mort. F.K. Le 28 octobre, 20h. Friche la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille 3e. 04 95 04 96 42. 3-12 €. www.lafriche.org


© Koen Broos

LA CERISAIE

© Didier D Daarwin

Après vingt-cinq ans passés sur les planches, les membres de la compagnie tg STAN sont restés fidèles à leurs principes. Ils ont toujours refusé l'illusion théâtrale pour mieux exacerber le plaisir du jeu d'acteur. Une jubilation hautement communicative. Les comédiens n'hésitent pas à dialoguer, questionner, critiquer leurs personnages. Ils mettent ainsi en spectacle le processus de création même. En 2015, ils reviennent à Tchekhov l'un de leurs auteurs fétiches, en affrontant cette fois sa dernière et plus énigmatique pièce, une œuvre qui a laissé une marque indélébile sur l’histoire du théâtre : La Cerisaie. Neuf acteurs, dont quatre jeunes fraîchement diplômés, s’attaquent à ce monument qui exerce depuis plus d’un siècle un attrait quasiment fatal sur les artistes de la scène. Le collectif prend un malin plaisir à mettre à nu le drame qui se dissimule derrière la comédie. À moins que ce soit le contraire. F.K. Le 6 novembre, 20h30, le 7, 19h30, et le 8, 15h. Salle du Bois de L'Aune, 1, place Victor Schoelcher, Aix-en-Provence. 08 20 13 20 13. Entrée libre (sur réservation). www.lestheatres.net

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MUSIQUES

© Jean de Peña

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LES AMAZONES FONT LA FIESTA Après vingt-trois éditions, forcément, l’expérience est là… Mais l’envie de se renouveler reste intacte du côté de la Fiesta des Suds et de son directeur artistique Bernard Aubert : « Plus que jamais, après le terrible attentat de janvier, notre ambition est d’appeler à la communion et à la cohésion. Nous veillons à ne pas être un festival de plus, et pour cela, il convient de proposer de l’inédit. Le fait que la Fiesta ait lieu à Marseille doit être porteur de sens. À travers sa mixité, qui est sa richesse, il faut dégager une identité unique ». Fort du succès, en 2013, du concert choral Africa Express, porté par le leader de Blur, Damon Albarn, il a eu envie renouveler l’expérience. Cette année, le micro sera donc donné aux Amazones, les trois chanteuses maliennes Oumo Sangaré, Mariam Doumbia et Mamani Keïta : des « guerrières de la musique » animées par un esprit de partage. Elles seront accompagnées par certaines

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de leurs compatriotes et des invités masculins tels que le reggaeman ivoirien Tiken Jah Fakoly, Mouss & Hakim du groupe Zebda, et même Jean-Louis Aubert. « La réunion de ces artistes est un véritable pari et il est certain qu’on ne peut pas prévoir, malgré leurs qualités, le résultat final… Dans tous les cas, il s’agit de délivrer un message fort sur la condition, le combat de la femme africaine. Dénoncer l’asservissement et les violences dont elles sont victimes fait partie des priorités de ce trio de dames », explique la tête pensante de cette Fiesta 2015 qui, lors de trois soirées – dont une nuit complète –, brassera les genres, comme en témoignent les venues d’Alpha Blondy, The Do et Aaron, pour ne citer qu’eux. C.C. Du 14 au 17 octobre. Dock des Suds, 12, rue Urbain V, Marseille 2e. 04 91 99 00 00. 27 €. www.dock-des-suds.org


© Preste

© Hélène Bozzi

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HEYMOONSHAKER

ZOUFRIS MARACAS Les cinq trublions de Zoufris Maracas sont apparus en 2012, avec leur premier album : Prison dorée. C’était au temps des indignés. Leur critique festive et humoristique de la société avait trouvé un écho immédiat auprès du public. À l’heure de la tournée de leur second album, Chienne de vie (sorti en mars dernier), c’est la question de l’immigration qui occupe l’actualité. En trois ans, le monde a peu changé. Leur position altermondialiste non plus. Antidotes à la docilité, à la morosité et à la pensée unique, délivrant leurs humeurs sur des rythmes mexicains, manouches, congolais, bré-

siliens ou caribéens, ils continuent de railler la consommation (« L’argent ») ou les médias (« Les écrans »). Mais surtout en bons anarchistes qu’ils sont, ils interpellent chacun sur leur propre responsabilité (« Bande de moules », « Le choix et l’avantage »). L’esprit de Brassens n’est jamais très loin et parfois très proche (« Didier », « Les femmes simulent »). Bonne nouvelle donc, les Zoufris (du nom des ouvriers algériens immigrés en France) prolongent leur mission de salubrité publique : réveiller les consciences en jouant des maracas. O.L.

Le 10 octobre, 21h. L’Usine, Route de Fos, Istres. 04 42 56 02 21. 17 €. www.scenesetcines.fr

Parti en 2008 sillonner la NouvelleZélande avec un van et sa guitare, l’Anglais Andrew Balcon rencontre son compatriote le beatboxer David Crowe. Leur union artistique donne cet ovni musical envoûtant : le duo de beatbox blues Heymonnshaker. Au menu, la fusion de deux musiques nées dans la rue : le blues âpre, porté par la guitare électro-acoustique et la voix rocailleuse du premier avec l’efficacité de la rythmique hip-hop de son acolyte. L’ensemble conserve cette ardeur rare, propre à certains musiciens rencontrés par hasard au détour d’un trottoir qui, malgré vous, s’emparent de vos oreilles sans daigner vous les rendre. On leur laisse avec bonheur. O.L. Le 8 octobre, 21h. Le Poste à Galène, 103, rue Ferrari, Marseille, 5e. 04 91 47 57 99. 10 €. www.leposteagalene.com

DR

SAUL WILLIAMS Slameur issu de la scène hip-hop alternative new-yorkaise, Saul Williams est aussi connu pour avoir été l’interprète du rôle principal du film Slam (1998). Intellectuel (licence en philosophie et master en arts dramatiques), ses textes poétiques et engagés sont portés depuis vingt ans par un univers musical bien plus expérimental et sophistiqué que le rap mainstream habituel. « Les rappeurs sont les gens les plus conservateurs que je connaisse », a-t-il déclaré un jour. Il est aussi un performeur, qui a

collaboré avec des artistes tels que The Fugees, Nas, De La Soul ou le poète beat Allen Ginsberg et son véritable espace d’expression reste la scène : « Il y a des choses faites pour être écrites, d’autres pour être chantées, d’autres fredonnées ou criées ». O.L. Le 20 octobre, 21h. Le Poste à Galène, 103, rue Ferrari, Marseille, 5e. 04 91 47 57 99. 20 €. www.leposteagalene.com

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MUSIQUES DR

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ALDEBERT Longtemps catalogué « nouvelle scène française » avec ses chansons à texte, Aldebert s’est, depuis deux albums, spécialisé dans des productions et concerts à destination des (grands) enfants. Jamais infantilisants, ses Enfantillages brillent par la faculté d’aborder des thèmes sérieux avec des mots simples, des musiques entraînantes et un soupçon de poésie. La naissance des sentiments (« Les Amoureux »), la vieillesse (« Plus tard quand tu seras grand »), les petits tracas du quotidien (« La Vie d’écolier »), l’acceptation de l’autre et l’invitation au voyage (« La Maison Monde ») sont au cœur des propos de cet artiste préoccupé par le temps qui passe, l’éphémère, et une volonté de transmettre des valeurs, sans se montrer didactique. C.C.

De « I don’t want a lover » à « Start a family », entre cette volonté d’indépendance et la vie de famille, Texas 25, double album sorti en début d’année, revisite un quart de siècle de hits assurés par le groupe écossais, qui doit son nom au film culte, Paris-Texas, de Wim Wenders. L’envie de Sharleen Spiteri et de ses acolytes n’est pas de donner dans la nouveauté, mais de revisiter leurs standards à la sauce soul, style originel du groupe qui s’est plu, durant sa carrière, à brasser rock, blues et pop fédé-

ratrice. Un choix qui laisse présager des instants plus intimistes… À l’écoute en tout cas, « Black eyed boy », « Say What you want » ou « Summer Son » sonnent bien et témoignent que le son du combo, à défaut de coller à la mode actuelle, a plutôt bien vieilli et saura ravir les nostalgiques… Ils se rappelleront alors d’un temps où Texas et les Cranberries, deux groupes où les femmes s’imposaient en lead vocal, scrutaient le haut des charts. Quand on y pense, ce n’est plus si fréquent… C.C.

© Nicolas Ilinski

TEXAS

Le 11 décembre, 19h. Théâtre des Salins, 29, quai Paul Doumer, Martigues. 04 42 49 02 00. 18-20 €. www.les-salins.net

Le 23 novembre, 20 h. Le Silo, 3 5, quai du Lazaret, Marseille, 2e. 04 91 90 00 00. 44-66 €. www.silo-marseille.fr

CARAVAN PALACE

© Florent Drillon

Capable de revisiter aussi bien la musique traditionnelle que le jazz manouche, avant de les dynamiter, Caravan Palace avait fait le buzz en 2008, avant de se montrer plus discret et de revenir semer la Panic en 2011… sans toutefois retrouver la gloire passée. Mission que tente de relever leur troisième opus, <I°_°I>, sorte de tête robotique, qui a de quoi redonner le sourire à tous les amateurs de musique électro, extrêmement riche, aux multiples influ-

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ences. Le tout porté par les vocalises faussement enfantines de Zoé Colotis. Le résultat est atypique, à la fois rétro et cyberpunk, à la croisée des époques, presque anachronique, mais toujours propre à enflammer le dancefloor. C.C. Le 14 novembre, 20h. Espace Julien, 39, cours Julien, Marseille, 6e. 04 91 24 34 10. 29 €. www. espace-julien.com


© FPT LR

MELODY GARDOT

© Didier D Daarwin

Symbole de la « crooneuse » moderne, femme sexy à la voix chaude et endiablée, la New-Yorkaise Melody Gardot s’impose comme une diva incontournable. La meilleure preuve, elle l’a donnée en juillet dernier au festival Jazz des Cinq Continents. Un modèle de maîtrise, d’alternance de compositions originales et de reprises. Il faut dire que l’interprète de Baby I’m a fool ne néglige aucun détail et cultive son look comme son mystère. Sa canne, ses lunettes noires et son bandana lui donnent un air spécial et sa complicité avec le public est évidente… Féline dans l’attitude, extrêmement bavarde entre deux prouesses vocales, la demoiselle sait aussi décontenancer ou provoquer l’assistance avant de mettre tout le monde d’accord avec une balade. Car sa voix envoûte, tel un poison, rendu violent par ses compères musiciens qui savent l’accompagner à coup de riffs de guitare ou sur un ton plus glamour, aux accents blues. À découvrir, à déguster et à garder dans ses souvenirs. C.C.

Le 7 décembre, 20h30. Théâtre de la Colonne, Avenue Marcel Paul, Miramas. 04 90 50 66 21. 27-30 €. www.scenesetcines.fr

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EXPOS © François Kollar - Roger Viollet

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© Mario Giacomelli - Simone Giacomelli

OSER LA PHOTO

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Joli titre et fort à propos, car c’est bien d’audace dont ont fait preuve, en 1965, Lucien Clergue et Jean-Maurice Rouquette, en constituant le premier département de photographie dans un musée des beaux-arts français. À l’époque, le photographe arlésien a su convaincre le conservateur du musée Réattu de créer une collection et de la montrer. Après avoir, faute de moyens, sollicité des dons auprès de 44 photographes internationaux, il sont parvenus, en un an, à réunir 330 clichés et à organiser une première exposition d’envergure réunissant, entre autres maîtres, Doisneau et Cartier-Bresson. On connaît la suite : l’histoire d’amour entre la ville d’Arles et la photographie ne s’est jamais démentie et les Rencontres, issues de cette aventure, sont venues, chaque année, enrichir une collection aujourd’hui estimée à 5000 pièces. L’exposition débute sur un hommage à Lucien Clergue et sa volonté de hisser la photographie au rang des beaux-arts, en la confrontant notamment à la peinture. Elle se poursuit avec un aperçu des premiers clichés collectés, faisant la part belle aux écoles américaines (Ansel Adams, Richard Avedon, Edwars Weston…) et françaises (Lucien Hervé, Izis…). La dernière partie d’Oser la photo s’attache aux développements plus récents de l’art photographique, plus particulièrement aux courants dits « expérimentaux » ou « plasticiens », et s’achève sur une installation d’Olivier Roller : une pellicule géante déployée sous la voûte de la chapelle. E.G. Jusqu’au 3 janvier 2016. Musée Réattu, 10, rue du Grand Prieuré, Arles. 04 90 49 37 58. 6-8 €. www.museereattu.arles.fr


Courtesy galerie Gourvennec Ogor

© Marc Bauer

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CINÉRAMA

VINCENT GANIVET On a déjà vu ses arches de parpaings ou de briques dans la cour de la fondation Lambert à Avignon, au Palais de Tokyo ou dans le jardin des Tuileries. À Marseille, dans l’espace plus réduit de la galerie Gourvennec Ogor, Vincent Ganivet a choisi de travailler avec des cubes de polystyrène qui rappellent les caisses à poissons des pêcheurs. Fragile et banal, ce matériau est transcendé par l’aspect monumental de l’œuvre et ses multiples connotations. Souvenir des cathédrales, la structure autoportante, reposant sur de simples cales, n’est pas à l’abri de

l’effondrement. De même l’étonnant monochrome rouge, baptisé 70 secondes de détresse, qui lui fait face. Réalisé au moyen d’un fumigène, il semble un précipité de pigment qu’un souffle suffirait à effacer… Comme si la beauté était d’autant plus saisissante qu’elle est menacée et/ou accidentelle. La série des Martyrs le confirme : ces images hypnotiques ont été obtenues en imprimant, telles des gravures, les plateaux (appelés justement « martyrs ») qui ont servi à la découpe des matériaux que Vincent Ganivet utilise pour ses œuvres. E.G.

Jusqu’au 17 octobre. Galerie Gourvennec Ogor, 7, rue Duverger, Marseille, 2e. 09 81 45 23 80. Entrée libre. www. galeriego.com

L’exposition s’ouvre sur un portrait de Mathieu Amalric, complété par une transcription manuscrite de propos de l’acteur : « il faut être aiguisé au moment de la prise ». Troublante, cette déclaration d’amour faite par Marc Bauer au médium cinéma ; vertigineuse, la mise en abyme qui en résulte, quand les salles de projection, croquées au crayon noir sur des toiles démesurées, côtoient de modestes portraits ou scènes cultes restituées de mémoire. L’artiste s’appuie sur les réminiscences collectives, qu’elles soient fictionnelles (Métropolis, Le Cuirassé Potemkine...) ou réelles (clichés de la 2e guerre mondiale) pour déclencher un souvenir chez le visiteur. Pièce maîtresse de l’exposition : une grande toile canevas détournant La Mélancolie de Dürer façon expressionnisme allemand. J.B. Jusqu’au 31 octobre. FRAC PACA, 20, boulevard de Dunkerque, Marseille, 2e. 04 91 91 27 55. 2,50-5 €. www.fracpaca.org

© getham&myles

GETHAN&MYLES Partout il où passe, ce couple de Britanniques installés à Marseille depuis 2011, sème de la beauté et de la poésie. Ils savent s’inscrire avec respect et pertinence dans des contextes aussi divers que la cité de la Bricarde ou le parc du château d’Avignon. Invités à travailler au domaine de Saint-Ser, au printemps dernier, dans le cadre des résidences d’artistes orchestrées par l’association aixoise voyons voir, ils ont créé Under the wave : « une suite d'œuvres en réponse à la beauté crue du site et à l'histoire (géologique et humaine) qui marque ce vignoble au pied de la Sainte Victoire ». Au fil d’une balade le long des vignes ou des champs d’oliviers, le marcheur est invité à contempler les sculptures et les éléments dans un même élan. Sublime ! E.G. Jusqu’au 1er novembre. Domaine de Saint-Ser, Avenue Cézanne, Puyloubier. 04 42 66 30 81. Entrée libre. www.voyonsvoir.org

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EXPOS

© Risaku Suzuki. Courtesy of Christophe Guye Gallery

© Perrine Clement

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REGARDS CROISÉS Cette année, le salon Phot’Aix invite le Japon et présente son exposition phare, Regards croisés, à la Cité du Livre. Parrainée par Risaku Suzuki, qui a notamment publié un livre sur l’atelier de Cézanne et photographié la sainteVictoire, elle fait dialoguer les images de cinq photographes japonais avec celles de cinq Français. Ces confrontations, orchestrées par la commissaire Sophie Cavaliero, reposent sur des motivations et motifs très divers. Tantôt techniques ou formels, c’est le cas de Niki Mitadori et Julie Poncet

jouant avec des tissus imprimés, de Ken Kitano et Tibo Streicher qui manipulent et superposent les images, mais aussi de Yuji Hamada et Olivier Monge, travaillant sur les paysages montagneux. Tantôt plus poétiques ou sensibles, comme pour les séries, presque opposées, de Kazuyoshi Usui et Myriam Richard ou encore celles de Naruki Oshima et Dorothy Shoes. Enfin, ne l’oublions pas, Phot’Aix, c’est aussi une exposition d’Éric Dessert à La Non-Maison et sept parcours thématiques dans la ville. E.G.

Jusqu’au 31 décembre. Galerie Zola, Cité du livre, 8-10, rue des Allumettes, Aix-en-Provence. 04 42 91 98 88. Entrée libre. www.fontaine-obscure.com

ZHUO QI ET PERRINE CLÉMENT Fidèle à son activité bouillonnante, la galerie OÙ accueille deux expositions successives en cet automne. Le sculpteur chinois Zhuo Qi revendique un travail « poétif », inspiré des malentendus interculturels et des décalages subliminaux qui peuvent en résulter (vernissage le 10 novembre). Entre performance et arts plastiques, Perrine Clément, quant à elle, poursuit ses recherches autour de la matérialité visuelle et orale du langage (vernissage le 3 décembre). J.B. Du 5 novembre au 18 décembre. OÙ lieu d’exposition pour l’art actuel, 58, rue Jean de Bernardy, Marseille, 1er. 06 98 89 03 26. Entrée libre. www.ou-marseille.com

NINA CHILDRESS

© Nina Childress

Première exposition à Marseille pour Nina Childress, dans le petit écrin verdoyant de l’American Gallery, qui œuvre à faire vibrer la communauté franco-américaine de Marseille. Quatre tableaux et une vidéo inédite se côtoient dans la galerie réaménagée par l’artiste, pour une relecture ambigüe des codes de la pop culture sur des couleurs électrisantes très eighties, souvenir de ses années punk. Finissage de l’expo le 15 novembre (à 14h), pour savourer la quiétude du jardin sur les hauteurs d’Endoume, et sa vue imprenable sur les îles du Frioul. J.B.

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Jusqu’au 15 novembre. American Gallery, 54, rue des Flots-Bleus, Marseille 7e. 06 27 28 28 60. Entrée libre (sur rdv). www.marseilleexpos.com

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© Courtesy Kamel Mennour – Alfredo Jaar

ALFREDO JAAR Elle a fait parler d’elle, cette exposition, avec ses 150 tonnes de verre brisé jonchant le sol de quatre travées du MAC ! Autour de cette installation iconoclaste (à parcourir en chaussures fermées), 77 œuvres illustrent les thématiques de la résistance et de l’émancipation. En écho à ses propres créations, réalisées pour la plupart en réaction à la dictature, l’artiste chilien a pioché dans un corpus emblématique des années 60 à 80 : Debord, Buren, Ono, Klein, Breton, Duchamp, Gramsci, Godard... Regard distancié, narquois ou mélancolique porté sur une fièvre émancipatrice, jugée à l’aune d’un capitalisme triomphant ? C’est en tout cas une phrase de Cohn-Bendit qui a inspiré à Alfredo Jaar l’une des pièces phares de l’exposition (et le titre de l’exposition) : l’enseigne de néon Nous l’avons tant aimée, la révolution, créée expressément pour le MAC. Une autre de ses œuvres en lettres lumineuses, récemment acquise par le FRAC PACA, est actuellement exposée dans le hall de la bibliothèque de l’Alcazar : Culture = Capital. J.B. Jusqu’au 10 janvier 2016. [MAC], 69, avenue d'Haïfa, Marseille, 8e. 04 91 25 01 07. 5-8 €. www.marseille.fr

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ENFANTS

© Laurence Janner

© Antonella Cesti Perez

SORTIR

LULU POPOP

LES DIEUX FONT DES HISTOIRES Voici une heureuse initiative, à l’heure où l’enseignement des langues anciennes au collège est en voie de disparition. Pendant la deuxième semaine des vacances de la Toussaint, le MuCEM organise un « festival mythologique » autour de l’exposition, pas très accessible, Migrations divines. Outre la présence de médiateurs proposant des jeux dans les salles du musée et des visites guidées, plusieurs spectacles sont prévus. Ça commence avec une version de L’Odyssée en théâtre d’ombres (noires et colorées), par la troupe Lilliput, qui

raconte le voyage d’Ulysse en s’inspirant de l’iconographie de la Grèce antique (du 24 au 26 octobre). Suivent des contes, proposés par La Baleine qui dit « Vagues » : Le Héros d’Héra (ou les douze travaux d’Hercule) dit par Malika Halbaoui (le 28), les Mythologies de l’ancienne Égypte racontées par Julien Labouche (le 29) et Les dieux grecs par Jeannie Lefebvre (Le 30). En guise de conclusion, sera projeté le 1er novembre, Jason et les Argonautes de Don Chaffey (1963). À voir pour ses mythiques effets spéciaux. E.G.

Du 24 octobre au 1er novembre. MuCEM, 7, promenade Robert Laffont, Marseille, 2e. 04 84 35 13 13. 4-8€. www.mucem.org

Les parents dont l’enfance a été bercée par la fantasque Fifi Brindacier vont adorer – au moins autant que leurs enfants – cette Lulu Poppop, incarnée par l’intense Anne Naudon et mise en scène par Laurence Janner. Insolente, anarchiste et féministe, la fillette traverse des aventures aussi initiatiques que drolatiques, dans un décor à la croisée du Pop art et de l’esthétique psychédélique. Le partipris de faire évoluer l’héroïne entre sixties et seventies, à l’époque du formica et des couleurs flashy, avec une bande-son rock and roll et un dispositif vidéo affolant (signés Nicolas Martin), fonctionne parfaitement et explique le succès continu de la pièce, depuis sa création en 2006. E.G. Du 14 au 23 octobre. Badaboum théâtre, 16, quai de Rive Neuve, Marseille, 7e. 04 91 54 40 71. 28 €. www.badaboum-theatre.com www.istres.fr

STAGES DE GLADIATURE

© acta-archeo

Antiquité toujours, avec une invitation adressée plus particulièrement aux amateurs du festival Arelate, qui transforme la ville en théâtre romain, chaque année en août. Les associations Arelate, journées romaines et Ars Athletica (spécialisée en « arts martiaux historiques ») organisent des stages à destination des gladiateurs débutants ou confirmés, de sexe féminin ou masculin, âgés de plus de 13 ans. La proposition est très sérieuse, car il s’agit d’apprendre les techniques de combats antiques redécou-

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vertes par les équipes d'archéoreconstituteurs de la société ACTA (structure de recherche et de développement spécialisée dans la gladiature). À l'issue de la formation, les stagiaires obtiennent le label « Arelate », leur permettant de participer au festival 2016. E.G. Les 17 octobre, 14 novembre et 12 décembre. Arènes, 1, rond-point des Arènes, Arles. 04 90 49 47 11. Séance d’essai : 25 €. www.festival-arelate.com


© J-M Lobbe

SORTIR

OPÉRA POUR SÈCHE-CHEVEUX

On connaissait le jonglage lumineux, mathématique, cubiste... Blizzard Concept invente le jonglage au sèchecheveux, usant du souffle chaud pour maintenir les balles en l’air. Repérés au Festival mondial du cirque de demain, Antoine Terrieux et Julien Mandier se revendiquent de la « magie nouvelle », cette magie qui dépoussière les codes de la discipline. Quand les balles se figent dans l’air sous l’effet du souffle chaud, c’est le sens même de la prouesse qui est remis en cause ! Le tout dans de grands éclats de rire. J.B.

Après un coup d’essai auréolé de succès l’an dernier, La Criée s’associe à nouveau au théâtre Massalia pour ce temps fort dédié aux enfants. Ambition : sensibiliser les plus jeunes au plaisir du théâtre, avec des spectacles inventifs et de haute qualité. Cette année, six propositions s’articulent autour d’une ligne artistique privilégiant le visuel et le théâtre d’objets, mais aussi la question de l’altérité. Ombul (dès 1 an), spectacle construit en crèche, confronte l’esthétique de Calder et Miro avec la gestuelle

des bébés ; Bouh !, interprété par deux comédiens-marionnettistes, suit le parcours d’un enfant autiste ; la fable Oh Boy ! aborde la question de l’homoparentalité. À signaler également : Lento et sa multitude de ballons blancs gonflés à l’hélium, baigné d’une délicate esthétique finlandaise et saupoudré d’un zeste de magie, ainsi que Motte : théâtre d’argile qui a fait sensation au théâtre de marionnettes de CharlevilleMézières. J.B.

© Benoit Dochy

EN RIBAMBELLE

Le 28 octobre, 15h. Théâtre des Salins, 19 Quai Paul Doumer, Martigues. 04 42 49 02 01. 8-12€. www.les-salins.net

Du 24 octobre au 7 novembre, Théâtre de La Criée et Théâtre Massalia, 30, quai de Rive Neuve et 41, rue Jobin, Marseille. 04 96 17 80 00 et 04 95 70 95. 5-8 € www.theatre-lacriee.com / www.theatremassalia.com

© Thomas Faverjon

COCKPIT CUISINE Quand Marc Dabo hérite d’un certain Marcel Blondeau, il va découvrir une maison fantasque, et se lancer dans des « voyages domestiques » : locomotives à vapeur et photos sépia sont animées en direct par les comédiens de la Bande Passante, pour des saynètes filmées et retransmises en direct via les multiples écrans qui jalonnent le plateau. Il y a du Méliès comme du Jules Verne dans l’appétit de découvrir le monde du haut

de son salon. Une jolie manière de rendre hommage à la mémoire des aïeux, et au pouvoir de l’imaginaire pour transfigurer la réalité. J.B. Le 22 novembre, 15h, le 23 novembre, 10h et 14h30. Théâtre Massalia, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 70. 6-8 €. www.theatremassalia.com

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LES

ADRESSES MARSEILLAISES

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RESTAURANT

ESPLAÏ DU GRAND BAR DES GOUDES

Ce restaurant propose des produits de la mer issus d'une pêche locale. Poissons grillés, bourride et bouillabaisse sont les spécialités de la maison. Une ambiance marseillaise où il fait bon vivre !

29 rue Désirée-Pellaprat 13008 Marseille Infos & Réservation 04 91 73 43 69

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BRASSERIE - RESTAURANT

OM CAFÉ

Située face au vieux port, la brasserie du port "OM café " vous accueille pour déguster une cuisine fraîche et raffinée. Si les spécialités méditerranéennes sont à l'honneur le chef vous propose également chaque jour des suggestions différentes. Restauration de 11h à 15h et de 19h à 22h30. Ouvert 7/7 de 7h à minuit. Infos & Réservation : 04 91 33 80 33 •25 quai des Belges - 13001 Marseille

brasserieomcafe@gmail.com • www.labrasserie-omcafe.fr

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CHAMBRE D'HÔTES

LA CASA ORTEGA

Une chambre d'hôtes pas comme les autres, qui cultive le goût du détail et le sens de l'hospitalité. Idéalement située dans une petite rue face à la gare Saint-Charles de Marseille, cette confortable guest house propose un hébergement qui allie les services d'un hôtel au charme authentique d'une maison d'hôtes à l'ambiance internationale. Accueil attentif et déco stylée, découvrez cinq chambres d’hôtes lumineuses au mobilier XXe chiné au fil du temps. Le petit déjeuner vous fera re découvrir l’ odeur du pain grillé, le délice d’ un yaourt maison et la saveur d’un bon café. Infos & Réservation : 09 54 32 74 37

46, rue des petites Maries • 13001 Marseille • www.casa-ortega.fr

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BRASSERIE - RESTAURANT - GLACIER

NEW CAFÉ DE PARIS

Bénéficiant d'un emplacement idéal sur la jolie place Castellane, Le Café de Paris est une brasserie comme on les aime. Ici pas de chichis : des plats simples, un vaste choix et un service rapide. Une bonne cuisine s’appuyant sur les traditions culinaires provençales : tapas , hamburger maison, pavé de rumsteck ou tartare de saumon.

14, Place Castellane • 13006 Marseille 04 91 37 44 92

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RESTAURANT

LE BOUCHON PROVENÇAL

Installé sur la place aux huiles, notre chef vous proposera une cuisine aux saveurs du sud uniquement à base de produits frais et de qualité. Venez profiter de notre terrasse ombragée, notre équipe saura vous faire passer un agréable moment. Tous les soirs de nouvelles suggestions en plus de notre carte comme le « pavé de turbot rôti, sauce vanille gingembre » ou encore « émincés de seiches en persillade ». Ouvert tous les jours sauf le dimanche. Maître restaurateur : Lajoinie Mathieu. Infos & Réservation : 04 91 33 44 92 • 6 place aux huiles - 13001 Marseille instagram : @bouchon.provencal • www .lebouchonprovencal.com

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RESTAURANT

LA VILLA

L’établissement chic et reconnu logé rue Jean Mermoz s’affirme comme le lieu de rendez vous pour les habitués du quartier. Restaurant au charme atypique, lieu de quiétude, une vaste terrasse jardin, ombragée l’été et chauffée aux jours frisquets. Sa cuisine off re un large choix avec une mention spéciale pour les poissons grillés au feu de bois. Une touche originale pour la présence d’un kiosque à coquillages de l’automne au printemps ainsi qu’une sushi women japonaise à demeure. Une large carte des desserts permet de terminer ce moment agréable par une touche sucrée. Infos & Réservation 04 91 71 21 11

113 Rue Jean Mermoz • 13008 Marseille

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BRASSERIE - RESTAURANT

LE DAVID

La situation de la célèbre brasserie Le David, à deux pas de la plage, est idéale. Dans l'assiette, le chef vous propose, pour commencer : terrine de foie gras, chutney de fruits exotiques et pain d'épice... Puis côté plat : suprême de poulet fermier au coulis d'écrevisses ou encore un plateau de coquillages. Mais Le David, ce n'est pas qu'un restaurant, vous pourrez également venir dans cette brasserie à toute heure de la journée pour vous déguster un cocktail, vue sur mer.

99 Promenade Georges Pompidou • 13008 Marseille 04 91 79 99 63

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