8e art magazine n°38

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8e art magazine • été 2016


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8e art est une publication trimestrielle de ZAC St Martin - 23, rue Benjamin Franklin 84120 PERTUIS Tél. 04 90 68 65 56 Numéro ISSN : 2267-4837 Dépôt légal : Janvier 2016 Directeur de la publication : Nicolas Martin n.martin@8e-art-magazine.fr Rédactrice en chef : Emmanuelle Gall e.gall@8e-art-magazine.fr Direction artistique : Jonathan Azeroual j.azeroual@8e-art-magazine.fr Ont collaboré à ce numéro : Julie Bordenave, Cédric Coppola, Valentine Donsimoni, Fred Kahn, Olivier Levallois et Sophie Passage. Service commercial : 06 09 01 66 00 Conception et réalisation : Média Print La reproduction même partielle des articles et illustrations sans autorisation est interdite. 8e art décline toute responsabilité pour les documents et articles remis par les annonceurs. Dépôt légal à parution.

En couverture.

Marie Ducaté, Sans titre, 2016, calque aquarellé et plié, pour l’exposition exposition Sur la tête de ma mère, L’autoportrait, Marseille.

MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE Retrouvez nous sur :

WWW.8E-ART-MAGAZINE.FR

# 38 Été 2016

NOUS N’IRONS PLUS AU CHÂTEAU D’AVIGNON ? Par Emmanuelle Gall, rédactrice en chef

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epuis plus de dix ans, c’était devenu une sorte de pèlerinage sur la route des Saintes-Maries pour les amateurs d’art. Les expositions accrochées par Agnès Barruol et son équipe dans le parc, le château et ses dépendances offraient, chaque été, la promesse de voyages extraordinaires : Si loin, si proche ; Se souvenir de la mer ; Égarements ; Le Domaine des murmures… (pour ne citer que les dernières). Fabuleux terrain de jeu pour les artistes en raison de la diversité et l’originalité de ses espaces, des cuisines au lavoir, en passant par le château d’eau ou la chaufferie, le château d’Avignon, c’était aussi un témoignage passionnant de l’esprit scientifique de la fin du XIXe siècle. Pendant ou en dehors des expositions estivales, la visite de cette bastide, transformée par Louis Noilly-Prat en pavillon de chasse à la pointe du progrès, était passionnante. L’idée d’installer des pièces contemporaines dans cet environnement historique avait en outre le mérite d’offrir une approche ludique et démocratique de l’art actuel. Aujourd’hui, le site Internet du château a perdu la mémoire de ces riches heures et se contente, après une brève description du domaine, de préciser que « Classé monument historique depuis 2003, le domaine départemental du château d'Avignon n’est pas ouvert au public ». Que faut-il comprendre ? Si l’on en croit le site Fréquence Sud, dans une interview datée de fin mai, Martine Vassal, la présidente du Conseil départementale, ne se prononce pas vraiment : « Nous avons lancé un appel à projet, mais rien n'est décidé encore. Nous n'avons pas encore pris de décision définitive pour le château d'Avignon ». Tout reste encore possible ?

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SOMMAIRE

MARSEILLE-PROVENCE ART&CULTURE FREEMAGAZINE

#38 Été 2016

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DOSSIER SPÉCIAL EXPOSITIONS

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LA RENCONTRE

Francesca Poloniato, Une saison à la barre du Merlan

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Félix Ziem, peintre voyageur

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Van Gogh, la Provence e(s)t le Japon

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Camoin, et la lumière fut

46

Picasso, artiste populaire

50

Hans Hartung, peintre « engagé »

Atelier Tchikebe, Fabrique d’art

52

Victor Vasarely, le dernier moderne

L’ARTISTE

54

Marie Ducaté, la peinture sur soi(e)

60

Françoise Pétrovitch, le retour à la peinture

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PORTFOLIO

74

L’ÉVÉNEMENT

LE RESTAURANT

76

SCÈNES

Épicerie L’Idéal, La Boqueria de Noailles

80

MUSIQUES

84

EXPOS

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ENFANTS

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ACTUS

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L’OEUVRE / Prédication de Marie-

L’autre Bonne Mère

Madeleine, Cultissime

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Clara Le Picard, Sainte colère L’OBJET

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LA REVUE

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LE FILM

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L’ENDROIT

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LE S A RTISTE S DE L' É T É

Turner, la couleur – et l’aquarelle

LA PHOTO

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PE I NTURE !

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20

V IVE LA

Maillot de bain, Dessous chics Images-Valises et cahier de vacances

Madame est sortie

Les 30 saisons du Massilia

LA BALADE

Ga Bu Zo Miam à Sète

Cinq continents, des voyages et un hommage


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LA RENCONTRE

FRANCESCA POLONIATO, UNE SAISON À LA BARRE DU MERLAN

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© Jacques Maugein

Propos recueillis par Emmanuelle Gall


Francesca Poloniato

N

ommée à la tête de la Scène nationale du Merlan en janvier 2015, Francesca Poloniato a choisi d’intituler son projet « Au fil de l’autre » et de lui donner pour devise « présence, ouverture, partage ». Alors que le rideau vient de se refermer sur sa première saison de programmation, cette ancienne éducatrice spécialisée, passée par le Ballet de Lorraine et les 2 Scènes de Besançon, revient sur cette expérience et son rôle : celui d’un « capitaine », « passeur d’art ». Installé au cœur des quartiers nord, le Merlan cumule les difficultés, pour ne pas dire les handicaps. Quelles étaient vos motivations lorsque vous avez postulé à sa direction ? C’est justement parce que le Merlan est implanté dans ces quartiers que j’ai eu envie de venir. En découvrant cet appel d’offres, il m’est apparu évident que j’avais ma place ici. Et ce, en raison de mon parcours d’éducatrice, de ma double culture (française et italienne), du milieu ouvrier dont je viens, de mon expérience de la difficulté à vivre dans un pays dont on ne parle pas la langue… J’ai écrit un projet qui me correspondait totalement et correspondait aussi totalement à ce territoire. Je ne me positionne pas comme un acteur social, mais, venant au théâtre tous les jours, je ne peux pas faire abstraction du contexte et des personnes qui vivent autour. Si j’ai pu avoir accès à la culture, ce n’est pas par mon milieu familial, mais grâce à l’école, et parce que les acteurs culturels travaillent avec l’Éducation nationale. Cela veut dire que, moi aussi, je peux désormais offrir des rêves, de la poésie et des voyages à toute personne qui entre dans le théâtre. À mes yeux, le handicap le plus important du Merlan, c’est que le lieu n’est beau que de l’intérieur. L’extérieur est laid, il n’y a

LA RENCONTRE

pas de parvis ni de parking clairement identifié. Quand on fait ses courses à Carrefour, on ne sait même pas qu’il y a un théâtre à côté. En même temps, le défi me plaît. Je puise mon énergie dans le fait que je crois à la rencontre. L’idée de rencontre me parle beaucoup plus que les formules – à la mode – de « diversité » ou « mélange des publics ». Un an et demi après avoir quitté Besançon pour Marseille, pouvez-vous revenir sur vos premières impressions en débarquant au Merlan ? Se sont-elles confirmées avec le temps ? Le mot « débarquer » me convient : j’ai écrit dans mon éditorial que je me sentais le « capitaine » d’un bateau. En arrivant, j’ai trouvé un bateau fragile, avec une équipe fragile, et une immense attente de la part de cette équipe, des associations du quartier, des compagnies locales. Mais cela me plaisait de répondre à ces attentes. L’accueil de l’équipe a été très chaleureux, les compagnies étaient ravies de me parler de leur projet. J’en ai rencontré plus de cinquante. Quant aux associations, je les ai découvertes deux jours après mon arrivée, à l’occasion d’un spectacle programmé par la direction précédente. Les propos ont été extrêmement agressifs, les gens présents avaient envie de savoir qui était la nouvelle directrice du Merlan. Ils ont vu et m’ont dit qu’ils étaient heureux de ce qu’ils avaient vu. Aujourd’hui, nous travaillons beaucoup ensemble et ils amènent de nombreux habitants du quartier au théâtre. C’est un grand bonheur ! L’une des particularités de votre projet repose sur une conception collective de la création. Vous avez décidé de faire appel à ceux que vous appelez la « bande », les « voisins » et les « complices »… J’ai appelé mon projet « Au fil de l’autre » parce que je crois que la rencontre avec une œuvre passe essentiellement par l’artiste qui l’a créée. Sur ce territoire, compte tenu du contexte et de ma conception de la direction, je me suis entourée de nombreux artistes, pour m’accompagner et accompagner le projet. La « bande » qui compte 8e art magazine • été 2016

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© Slimane Brahimi

« JE PUISE MON ÉNERGIE DANS LE FAIT QUE JE CROIS À LA RENCONTRE. CELA ME PARLE BEAUCOUP PLUS QUE LES FORMULES – À LA MODE – DE « DIVERSITÉ » OU « MÉLANGE DES PUBLICS ».

Les danseurs Justine Berthillot et Frédéric Vernier dans Noos, à découvrir lors de la soirée d’ouverture du Merlan, le 23 septembre.

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Francesca Poloniato

sept artistes, c’est une référence à la « bande » de profs qui m’ont amenée à l’art quand j’étais au collège et un clin d’œil aux bandes de quartiers. Il s’agit d’Antonella Amirante, Pauline Bureau, François Cervantès, Frédéric Nevchehirlian, Nathalie Pernette, Céline Schnepf et Mickaël Phelippeau. Quand je leur ai parlé de mon projet, ils ont accepté de m’accompagner, se sont engagés à être présents et à partager leurs projets avec l’équipe. Les voisins, ce sont tous ceux qui nous entourent : la bibliothèque, les centres sociaux, les crèches, les écoles, collèges et lycées, les maisons de retraite… Et puis, il y a ceux que j’appelle les complices. Avec Michel Kelemenis, chorégraphe et directeur de KLAP, nous travaillons en étroite collaboration autour de la danse. De même Dominique Bluzet, le directeur des Théâtres, et moi avons décidé de programmer ensemble, tous les premiers jours de décembre, une pièce chorégraphique du répertoire. Avec Alexis Moatti, metteur en scène associé à la Gare franche, nous travaillons notamment sur la question de la rencontre. Enfin, je tisse des liens privilégiés avec Guy Carrara et Raquel Rache de Andrade du Pôle national des arts du cirque. Vous avez également construit une « Ruche ». Quel en est le principe ? La complicité avec ces derniers, ainsi qu’avec Michel Kelemenis et Alexis Moatti est d’autant plus grande qu’ils sont les parrains de trois jeunes compagnies au sein de la Ruche. Nous les accompagnons en leur offrant une logistique et une visibilité. Au départ, je pensais que le dispositif devait durer un an. Je me suis vite rendu compte qu’il fallait l’allonger à trois ans pour qu’il soit efficace. Je suis heureuse et fière de ces trois jeunes artistes. La première création du chorégraphe Arthur Perole aura lieu à Chaillot, Yvonne, princesse de Bourgogne d’Édith Amsellem part à Chalon dans la rue et Fanny Soriano participe à Midi Pyrénées fait son cirque pendant le festival d’Avignon.

LA RENCONTRE

Sans déflorer la saison prochaine, qui sera inaugurée le 23 septembre, pouvez-vous nous donner quelques lignes directrices de votre programmation ? La saison sera marquée par des figures de femmes et des parcours, des voyages. Aussi bien avec Mohamed El Khatib, qui nous fait traverser la vie d’une femme de ménage, Corinne Dadat, qu’avec Llámame Lola, une chorégraphie de Mickaël Phelippeau consacrée à la danseuse Lola Rubio. Nous invitons également Cristiana Morganti, une des danseuses fétiches de Pina Bausch, qui viendra partager vingt de sa vie avec la chorégraphe. Les enfants voyageront en compagnie d’une « petite Poucette ». Avec du Piment dans les yeux, Antonella Amirante nous parlera de l’exil de Mohamed, un jeune garçon venu du Burkina Faso. La traversée sera aussi musicale avec Frédéric Nevchehirlian, dont le projet du moment, Shooting stars, croise les journaux intimes de Marilyn Monroe et Kurt Cobain…

Le Merlan, scène nationale de Marseille, Avenue Raimu, Marseille, 14e. 04 91 11 19 30

WWW.

merlan.org 8e art magazine • été 2016

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© Galerie Saint Laurent - s2c

LA PHOTO

L’AUTRE BONNE MÈRE Baptisée La Madre secular par INTI, son créateur, elle veille sur la foule qui se presse chaque jour au marché aux puces des Arnavaux mais aussi, semble-t-il, sur les automobilistes qui empruntent la passerelle de l’autoroute A 55. Elle est apparue en mai dernier, à l’occasion du lancement de la 3e édition du Marseille Street Art Show, le désormais traditionnel festival proposé par la galerie Saint-Laurent et son curateur Stéphane Calmels. Cette année, une douzaine d’artistes ont investi les murs des puces et de la galerie, avec des œuvres allant de la fresque à la toile, du « calligraffiti » au pochoir. INTI, artiste chilien inspiré par la culture andine, qui a fait ses armes à Valparaiso, est l’une des stars du festival, avec le virtuose Dale Grimshaw ou le Brésilien Suriani. Exposition jusqu’au 30 août.

Galerie Saint-Laurent, hall des antiquaires, 130, chemin de la Madrague-ville, Marseille, 15e. 04 91 47 45 70. Entrée libre. www.galeriesaintlaurent.com 10

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MDAA

© Rémi Bénali Inrap-Musée départemental Arles antique

ACTUS

© J.Boislève-Inrap-MDAA

FOUILLE TOUJOURS ! Désormais auréolé d’une troisième étoile dans le Guide vert, le musée départemental Arles antique a rouvert au public le site archéologique de la Verrerie, situé dans le quartier de Trinquetaille. Depuis le mois de mars, en effet, une quatrième campagne de fouilles a démarré dans la domus (maison) du Ier siècle av. J.-C., découverte en 2014 et qui a notamment révélé l’exceptionnelle fresque dite de la Joueuse d’instrument à cordes (cf. 8e art, n° 35, page 18). Cette année, les archéologues rejoints par le toichographologue (spécialiste des peintures) de l’Inrap, Julien Boislève, se concentrent sur un autre espace de la maison : une cour entourée d’une galerie à portiques. Ils pensent y découvrir de nouveaux décors muraux, mais aussi des éléments de plafonds peints et de sols. Dans le même temps, le service restauration du musée procède – in situ – à des consolidations, la dépose des enduits peints et poursuit la restauration de la mosaïque polychrome découverte en 2013. Rendez-vous est donné aux amateurs tous les mercredis, à 10 h (jusqu’au 27 juillet), dans le jardin de la Verrerie (devant la mairie annexe de Trinquetaille). La visite commence avec une exposition en plein air, qui revient sur le contexte historique de la domus, et se poursuit sur le chantier, en compagnie des archéologues. Gratuites et sans réservation (dans la limite des places disponibles), les visites programmées peuvent néanmoins être annulées en cas d’intempéries. Depuis le mois de juin, un « kiosque info » installé au sein du musée bleu complète le dispositif, en proposant des films et des activités pour les enfants. www.arles-antique.cg13 www.facebook.com/museedeparlesantique 12

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ACTUS

Médias

LIVINGMARSEILLE Coloré et au goût du jour, se déclinant sur la toile, les réseaux sociaux et même en version papier, livingmarseille est le dernier outil de communication lancé par la ville de Marseille. Arborant fièrement sa devise clignotante « Tout voir tout partager », centré sur la culture et le sport, le site Internet recense, au quotidien, les « concerts », « expos », « festivals », « spectacles », « sports et loisirs » et « grands événements » (de L’Année France-Corée à la Foire de Marseille). S’y ajoutent, en page d’accueil, dans la rubrique « À la une » des entrées intéressantes (elles aussi clignotantes) telles que « Que faire ce week-end ? », « Sortir gratuit », « Le jeune public », « Fastoche cinoche ! » ou « Webzine ». Avec des articles aussi divers que « Le top 10(0) des hauts lieux de la drague marseillaise » et « Le(s) dessous des collections », consacrés aux coulisses des musées de la ville, ce dernier ratisse large ! www.living.marseille.fr

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COURRIER INTERNATIONAL Chaque année ou presque, en période estivale, Courrier international sort un « cahier spécial Provence » (disponible en kiosque jusqu’au 21 juillet, et ensuite sur Internet), réunissant des articles de la presse étrangère consacrés à la région. Après une édition 2014 à l’ambiance plutôt camarguaise (n° 1235), un focus sur les parfums et les saveurs en 2015 (n° 1288), le cru 2016 (n° 1340) voyage à Cotignac, sur l’île du Levant, aux Saintes-Maries et à Saint-Rémy de Provence. Huit pages écrites à Londres, New York, Rome ou Cologne, dont on retiendra surtout un reportage sur le pèlerinage annuel des SaintesMaries du 24 mai, intitulé « Sale temps pour les Gitans ». Interviewés par Massimiliano Salvo de L’Espresso, des pèlerins venus d’horizons très divers font tous le même constat : « Les communautés sont de plus en plus victimes de discriminations dans une Europe séduite par les idées d’extrême droite ». www.boutique.courrierinternational.com

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Mucem

© Lisa Ricciotti - Architectes : Rudy Ricciotti et Roland Carta

ACTUS

UN MUSÉE QUI RAPPORTE Trois ans après son ouverture, Le Mucem a communiqué les résultats de la première étude réalisée sur son image et son impact économique, coproduite avec la CCI Marseille Provence et Bouches-du-Rhône Tourisme. Avec 1,5 million de visiteurs en 2015 (dont 539 000 entrées payantes), le Mucem dépasse largement son objectif initial (350 000). Désormais connu par un quart des Français, il contribue à la venue à Marseille de la moitié des touristes et participe à l’amélioration de son image. Sur le plan économique, l’étude estime à 130 millions d’euros les retombées directes (11 M) et indirectes (118,4 M) sur le département, ainsi qu’à 814, le nombre des emplois générés par le Mucem. Des chiffres qui satisfont aussi bien Jean-François Chougnet, son directeur, que Jacques Pfister, le président de la CCI, ravi que Marseille ait enfin trouvé son « Guggenheim » !

Cet été, au vu de sa programmation, l’expression « cité muséale » revendiquée par le Mucem prend tout son sens. Outre Picasso, un génie sans piédestal et Parade (lire page 46 et 88), on peut y voir une première exposition dédiée à la mode : 13'015 Aouadi. Le styliste Yacine Aouadi, né en 1980 dans les quartiers nord, a dédié à sa ville natale sa première collection de haute couture (automne-hiver 2015-2016). Huit des treize silhouettes qui la composent sont exposées au fort Saint-Jean, entourées des vidéos. Les autres sont installées au Château Borély, en compagnie de créations de Dior, Alaia, Chanel… sélectionnées dans les archives du musée. Mode, mais aussi musique, cinéma, littérature, danse et… jardinage : tandis que les autres institutions prennent de vacances ou réduisent leur offre, le Mucem propose ainsi, le 30 juillet (à 9 h 30), dans le jardin des Migrations, la quatrième et dernière « master class jardinage » de la saison, dédiée au potager. À noter également, le 26 août, la soirée de lancement de Marseille Résonnance, baptisée « Mistral », qui donnera le coup d’envoi de la rentrée. www.mucem.org

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© Gregory Harris

MODE ET JARDINS


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L'OEUVRE

Prédication de Marie-Madeleine

Prédication de Marie-Madeleine, attribuée à Ronzen. Huile sur bois, 70 x 84 cm, début du XVIe siècle. Collection Musée de Cluny, dépôt au musée d’Histoire de Marseille.

CULTISSIME

Première représentation historique de Marseille, la Prédication de Marie-Madeleine que l’on peut admirer au musée d’histoire de Marseille nous révèle aussi l’un des cultes oubliés de la cité méridionale.

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Texte : Olivier Levallois

ette huile sur panneau de bois de 1513, d'abord attribuée au roi René d'Anjou, comte de Provence, puis à Antoine Ronzen, offre la plus ancienne représentation de Marseille. On y reconnait l’entrée du port avec, sur la rive sud, Marie-Madeleine, au sommet d’un petit escalier, prêchant devant un groupe. À l'arrière-plan, on distingue l’abbaye Saint-Victor, la colline de La Garde, et l'anse du Pharo. Sur la rive nord, apparaissent l'église Saint-Laurent, la butte des Moulins et le fort Saint-Jean. Au premier plan, une barque : celle sur laquelle, selon la légende, Marie-Madeleine serait arrivée, sans voile ni rame, de Palestine en Camargue. Au-delà de son caractère documentaire, cette œuvre rappelle que l’ancienne pécheresse, fidèle au Christ et premier témoin de sa résurrection, a été durant plusieurs siècles l'objet d'une très grande dévotion dans la cité phocéenne. Du XIe au XVIIIe siècle, s’élevait sur le carrefour, aujourd'hui appelé des Treize-Coins, un oratoire érigé sur le lieu même où la tradition enseignait que la sainte avait prêché. Le lien de cette chapelle avec la Prédication peinte est essentiel. À l’intérieur de l’oratoire, un bas-relief figurait déjà la sainte, prêchant devant un groupe de Marseillais. Mais plus encore, l’origine reconnue du tableau, ce sont les strophes 14 et 15 de La Cantinella de la Santa Maria Magdalena. Ce chant joyeux et populaire écrit au XIe siècle, évoquant la vie de la sainte, était entonné par une foule autour

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de l’oratoire le 22 juillet, jour anniversaire de sa mort, mais aussi – signe de son prestige – pour clôturer les cérémonies des dimanches de Pâques. Composé en langue populaire romane, il occupa dans la liturgie marseillaise, une place de prédilection, qu’il conserva durant six siècles, avant d’être interdit par un pouvoir religieux cherchant à restaurer une plus grande austérité du culte. Bien des mystères entourent la figure de Marie-Madeleine, son identité, sa relation au Christ, ainsi que sa venue en Provence. Mythe ou réalité historique ? La question a longtemps occupé les théologiens dans leur recherche de l’origine de l’évangélisation de la région. On peut aujourd’hui admirer ce tableau dans le plus récent et le plus interactif des musées marseillais. Il y figure dans une double version : l’œuvre originale et son pendant multimédia, révélant les secrets de son style, de sa composition et de ses symboles.

MUSÉE D’HISTOIRE DE MARSEILLE.

Centre Bourse, 2, rue Henri Barbusse, Marseille, 1er. 04 91 55 36 00. 3-5 €.

WWW.

musee-histoire-marseille-voie-historique.fr


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Atelier TCHIKEBE

© Erika Negrel

L'ENDROIT

FABRIQUE D'ART

Créé en 2009 par deux frères, Julien et Olivier Ludwig-Legardez, l’atelier Tchikebe s’est rapidement fait un nom dans le domaine de la sérigraphie d’art et ne cesse d’innover.

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Texte : Emmanuelle Gall

epuis la rétrospective que lui a consacrée, l’année dernière, le Centre Pompidou de Metz, Tania Mouraud semble jouir enfin d’une reconnaissance à la mesure de son travail. Reconnaissance tardive, mais légitime pour cette artiste née en 1942, dont l’œuvre a le mérite – et, sans doute, aux yeux du marché comme des institutions, le défaut – d’être engagée, sans concession et protéiforme. Quand Julien et Olivier Ludwig-Legardez lui ont proposé une carte blanche, elle n’a pas hésité. Les six œuvres nées de leur collaboration, exposées jusqu’au 12 août dans le show room de l’atelier Tchikebe, confirment le goût de l’artiste pour les aventures esthétiques autant que le talent des artisans. Dans ces pièces uniques ou multiples, aux formats divers, on retrouve les typographies allongées ou explosées, presque illisibles, qui sont devenues l’une des marques de fabrique de Tania Mouraud. « Le titre de cette œuvre, CTJLFDM, correspond aux initiales des mots d’un vers du poète roumain Benjamin Fondane : “Crier toujours jusqu’à la fin du monde”. Il s’agit d’une sérigraphie sur verre acrylique, le terme scien-

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tifique pour désigner le plexiglas... » Les explications d’Erika Negrel permettent d’apprécier pleinement le fond, comme la forme des pièces : une forme qui, chaque fois, expérimente et repousse les limites de la technique sérigraphique. Après une carrière qui l’a menée du réseau Marseille expos à la direction de l’association aixoise Voyons voir, en passant par les Ateliers d’EuroMéditerranée pendant Marseille-Provence 2013, Erika Negrel a rejoint l’atelier Tchikebe en février dernier. Son arrivée, comme l’exposition de Tania Mouraud, correspond à une nouvelle étape dans le développement de l’atelier fondé par les frères Ludwig-Legardez. Depuis leur installation à Marseille en 2009, « dans une cave », ils ont constamment évolué. Passés de 20 m2 à plus de 400, ils se sont structurés en coopérative en 2012, un statut davantage en accord avec leurs valeurs, ont ajouté des machines et des cordes (l’encadrement par exemple) à leur arc. En emménageant, en 2013, dans un local partagé avec l’Atelier Ni, « une structure d’accompagnement à la production exécutive d’œuvres d’art et de créations en volume », ils ont concrétisé


© Tania Mouraud

© Tania Mouraud

L'atelier Tchikebe, côté laboratoire et côté galerie, avec les oeuvres de Tania Mouraud.

DÉVELOPPER À MARSEILLE « UN PÔLE PROFESSIONNEL DE PRODUCTION DÉDIÉ À L’ART CONTEMPORAIN ». DANS UNE VILLE BOUDÉE PAR LE MARCHÉ DE L’ART – MAIS PAS LES ARTISTES, L’IDÉE EST EXCELLENTE ! leur projet de développer à Marseille « un pôle professionnel de production dédié à l’art contemporain ». Dans une ville boudée par le marché de l’art – mais pas les artistes, l’idée est excellente et le défi passionne Erika Negrel, attachée à trouver de nouveaux modèles économiques pour l’art. « Notre positionnement est original. Grâce à notre double activité et notre maîtrise des coûts de production, nous pouvons élargir

la prospection et prendre davantage de risques », précise-telle. Avec son arrivée, les perspectives se multiplient. Par exemple, la collection des Quality prints, des sérigraphies d’artistes éditées à cent exemplaires (numérotés et signés) et vendues 100 euros, s’enrichit de plusieurs nouvelles collaborations, qui seront montrées pendant Art-o-rama. « À l’occasion de son dixième anniversaire, le salon inaugure une section consacrée à l’édition et nous a invités. Nous allons présenter deux pièces de Tania Mouraud et une nouvelle série de Quality prints. »

ATELIER TCHIKEBE

34, boulevard National, Marseille, 1er. 09 84 12 52 18. Entrée libre (sur rendez-vous).

WWW.

tchikebe.com 8e art magazine • été 2016

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Clara Le Picard

L'ARTISTE

La légitimité n’est pas celle qu’on nous donne, mais celle qu’on se donne à soi-même.

SAINTE COLÈRE

Texte : Olivier Levallois • Photo : Sabrina Hakimm

on visage doux, ses gestes mesurés, sa voix posée de comédienne ne laissent rien soupçonner de cet aveu sur la source de son inspiration : « À l’origine de mes projets, il y a toujours une colère. » Une colère qui, d’une œuvre à une autre, pointe nos comportements de consommation. Consommation d’objets manufacturés à bas pris pour L’endroit de l’objet (2008), consommation de denrées nuisibles pour notre santé avec Dreaming of Martines Schmurpfs (2011), consommation et endettement pour All Bovarys (2015), et aujourd’hui, avec De l’imagination, version librement inspirée du conte La Barbe bleue, réification et consommation de l’autre par la domination. Diplômée des Arts décoratifs et créatrice pluridisciplinaire (musique, chant, écriture, comédie, scénographie, peinture…) dans un pays qui préfère les artistes spécialisés, elle revendique ce déploiement : « Ça me paraitrait étrange de m’interdire quelque chose. La légitimité n’est pas celle qu’on nous donne, mais celle qu’on se donne à soi-même. » Intervenant lors d’ateliers dans les prisons, les lycées ou les hôpitaux, elle défend aussi un imaginaire ancré dans les réalités sociales collectives qu’elle observe et traduit dans son théâtre à la frontière de la fiction et du réel. La création comme une parade, pour ne pas laisser le dernier mot à la réalité, lui opposer un démenti, une objection : « Ce qu’il y a de formidable au théâtre c’est qu’on a la possibilité de présenter une autre vision du monde, avec l’ordre que l’on veut. Et je trouve ça très réconfortant. »

Du 19 au 23 juillet, 11h et 15h. Chapelle des Pénitents blancs, Place de la Principale, Avignon. 04 90 14 14 14. 14-19 €.

© Clara Le Picard

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DE L’IMAGINATION Clara Le Picard a reçu un colis anonyme et cacheté qu’elle ne peut ouvrir qu'en présence d'une danseuse, d'un pianiste et d'un public. C’est ainsi que commence ce spectacle pour enfant : comme un jeu de piste, installant d’emblée un mystère et une attente donc. Dans cette libre adaptation de La Barbe bleue, la metteure en scène explore la part sombre et aliénante de l’imagination et la complexe relation de dépendance de l’oppresseur et de sa victime. Un sujet bien de notre temps, pour petits et grands.

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Maillot de bain © Liza-b - Agence La Major

L'OBJET

DESSOUS CHICS Depuis 2014, la créatrice marseillaise Alix de Moussac propose une ligne de lingerie combinant minimalisme chic et confort. En cette saison, place aux maillots de bain. Texte : Julie Bordenave

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e face, il a l’air sage et atemporel d’un maillot de bain une-pièce, discrètement froncé sous la poitrine, laissant la nageuse libre de ses mouvements. C’est de dos qu’il révèle tout son charme : un savant laçage croisé révèle la peau sans impudeur, mettant en valeur la chute de reins avec élégance. En polyamide élasthanne, entièrement doublé, il comporte aussi des mousses amovibles, pour mettre en valeur toutes les morphologies (du 85 A au 95 C). Déclinable en rose corail et bleu navy, il s’appelle Eulalia – du grec « qui parle bien » – et nul doute qu’il fera jaser sur son passage, dans le sable ou sur les flots. Il côtoie, dans la collection été 2016, les modèles Elsa, Susanna ou Eugénie, mono ou bikinis se jouant des lignes de fuite, à nouer autour du cou ou à porter en bustier, rehaussés de filets dorés ou de liserés scintillants. Délicatement ingénus, les dessous chics de la marque La Nouvelle ont conquis les lolitas depuis longtemps. Irrésistible raffinement dans ces brassières, bandeaux, shortys, brésiliens, nuisettes ou bodys seconde peau, où la maille ajourée le dispute aux matières nobles, dans d’élégants coloris nude (parme, sable, champagne, bois de rose, lilas, neige, anis…). Ils sont pensés par la jeune créatrice marseillaise Alix de Moussac, qui revendique la mélancolie et la candeur des sixties, et affirme puiser son inspiration chez Marianne Faithfull, Françoise Sagan, Jane Birkin. Après avoir fait ses classes chez Vogue, Swaroski et Paco Rabanne, elle créé sa première marque de lingerie en 2006, puis fonde La Nouvelle en 2014, avec Aurélie Grandemenge. Ses collections sont désormais en vente à Paris, Bordeaux Lyon ou encore Avignon. Mais c’est seulement à Marseille qu’on visite son showroom !

Prix de vente : 135-150 € Showroom La Nouvelle 40 bis, rue Saint-Jacques, Marseille 6e, 04 13 63 01 38

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lingerielanouvelle.com 24

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LA REVUE

Madame

MADAME EST SORTIE !

Fabriquée à Aix-en-Provence par les éditions Le Berbolgru, la revue indépendante et occasionnelle Madame sort un sixième numéro conséquent, mêlant « textes électriques et images chatoyantes ». Texte : Emmanuelle Gall

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lle a pris du poids, Madame, depuis sa dernière apparition, début 2014. Elle a quasiment doublé de volume, pris des couleurs et allongé son carnet de bal ! 38 écrivains, dessinateurs, graphistes et photographes ont répondu présents à son invitation. Parmi eux, des noms connus, d’autres moins : Brecht Evens, la star des dernières Rencontres du 9e art (cf. 8e art, n° 37) signe la couverture avec une aquarelle inédite, le mythique Robert Crumb livre des textes extraits de son « Dream Diary », le journal de ses rêves, Laurent Lolmède revient à la bande dessinée avec « Storyville », l’histoire du quartier chaud de La NouvelleOrléans, Lila Neutre et Martes Bathori jouent au « pingpong dessin/photo » autour du voguing (un mouvement underground imitant les poses des mannequins dans le magazine Vogue)… Madame ne fait ni dans le mainstream, ni dans le politiquement correct. Présentée par ses créateurs comme une « revue graphique et littéraire qui comble le vide éditorial – abyssal – entre la NRF et Pomme d’Api », elle revendique « une certaine décadence début de siècle, désinvolte et véhémente », tout en se voulant en prise directe avec le réel et le mode actuel. Tristan Séré de Rivières, son cofondateur, dit s’inspirer davantage des Paris Match des années soixante ou des lectures de son enfance (Spirou, Pilote…) que des revues du moment, « à l’exception peut-être de Lapin, éditée par L’Association ». Il est l’homme-orchestre de Madame : rédacteur en chef et directeur artistique (en collaboration avec Audrey Bartolo), défricheur de talents, mais aussi auteur de deux nouvelles et un poème dans ce numéro. Quand il a créé les éditions Le Berbolgru en 2004, sur les bancs de la fac, avec ses collègues Colville Petipont et

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François Moll, c’était déjà dans le but d’éditer leurs propres œuvres et de bien s’entourer. En douze ans, la petite maison d’édition a enchaîné les projets, mais n’a pas encore fait fortune : les derniers numéros de Madame ont pu être imprimés grâce à des campagnes de financement participatif et l’équipe est bénévole. Il en faudrait plus pour décourager Tristan Séré de Rivières, certes ouvert à toutes les propositions, mais conscient de la liberté que lui offre cette forme d’amateurisme. Dans une autre vie, il est l’un des très professionnels organisateurs des Rencontres du 9e art.

MADAME, n°6, 2016, 204 pages.

En vente sur le site et dans plusieurs librairies locales : 15 € Liste des points de vente : www.leberbolgru.canalblog.com


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Massilia Sound System

LE FILM

LES 30 SAISONS DU MASSILIA

À l’occasion de la tournée anniversaire du Massilia Sound System, le cinéaste Christian Philibert a suivi le groupe pour réaliser un « documentaire musical ». Trois questions à l’auteur des 4 saisons d’Espigoule et d’Afrik'aïoli. Propos recueillis par Olivier Levallois

Quelle est votre propre histoire avec Le Massilia ? J’ai découvert le Massilia Sound System dans les années quatre-vingt-dix, alors que je me posais la question de partir à Paris pour devenir cinéaste. Voir à cette époque apparaître Le Massilia, ou Jo Corbeau et aussi les films de Guédiguian, m’a incité à penser que je pouvais m’exprimer depuis ce territoire. Rester ici, c’était déjà une façon de proposer un cinéma différent. Si on fait comme les autres, on fait les mêmes films que les autres. Comment est née l’idée de réaliser un documentaire sur le groupe et pourquoi si tardivement finalement ? Il existait déjà dans nos démarches une volonté commune de créer du lien, de défendre une culture, un territoire, de renouveler un folklore. J’ai rencontré Gari Greu en 2009 et on s’est demandé comment on pouvait collaborer. Par une musique de film ? En réalisant un clip ? On n’a finalement pas trouvé l’idée. Et puis en 2014, ils entament une tournée d’un an pour les trente ans du groupe. Soudain ça a été pour moi une évidence. Tout s’est mis en place rapidement et on a commencé à les suivre à l’automne 2014 et l’été 2015. À ce moment quelles étaient vos intentions ? Et comment en êtes-vous arrivé à la forme finale ? Au départ, comme toujours, j’ai cherché à réaliser un film populaire, accessible à un large public. Je voulais faire un pur documentaire avec le ton de mes films de fiction, mais pas un film de tournée ou historique, ni réservé aux seuls fans du groupe. Je savais que c’était délicat, car on joue avec leur image, leur musique. Et, en tournant, j’ai découvert de vrais personnages et je me suis rendu compte que je devais être centré sur eux. Je ne voulais pas de voix off

RESTER ICI, C’ÉTAIT DÉJÀ UNE FAÇON DE PROPOSER UN CINÉMA DIFFÉRENT. SI ON FAIT COMME LES AUTRES, ON FAIT LES MÊMES FILMS QUE LES AUTRES.

ou d’interview de personnalités extérieures, mais les voix des Massilia. Le principe général d’agencer interviews, documents d’archives et scènes de concerts vient de mon travail documentaire. Et puis, les détails, on les trouve au montage. J’aime cette écriture du montage qui permet de réinventer totalement un film. Au final, je ne soupçonnais pas que j’allais me retrouver face à un film de cette puissance. Ça vient de la musique des Massilia, de la puissance de leur son. Je le constate à chaque projection et le public aussi. C’est une véritable expérience de cinéma.

Sortie nationale prévue en octobre Liste des avant-premières prévues cet été : espigoule.brokatof.com 8e art magazine • été 2016

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LE RESTAURANT

Épicerie L’Idéal

LA BOQUERIA DE NOAILLES Amoureuse de Noailles, du beau et de la simplicité, Julia Sammut a ouvert une épicerie qui lui ressemble et où il fait bon déjeuner. Texte : Emmanuelle Gall • Photos : Epicerie L'Idéal

LE CADRE Ouverte en avril dernier, l’épicerie L’Idéal semble paradoxalement faire partie des meubles de Noailles. Avec ses voisins historiques, L’Empereur, Sauveur ou le Père Blaize, le lieu partage un goût certain pour l’authenticité. Dans cette ancienne pizzeria toute en longueur, se succèdent les fruits et légumes, les étagères de pâtes et bocaux, l’appétissant rayon charcuterie-fromagerie puis les frigos dédiés aux glaces et produits laitiers. De grandes tables ont été disposées en terrasse, à l’entrée et au fond de la boutique, pour déguster sur place les produits (cuisinés ou pas) que d’autres choisissent d’emporter. L’ASSIETTE Daté du jour, le menu commence parfois par « L’assiette du bonheur : fromages et charcuteries choisies au gré du vent ». Sur la petite dizaine de plats (à déguster sur place ou à emporter), on trouve aussi, selon l’humeur, une « Pastilla de volaille miel et amandes », du « Chou moutardé saumon d’Écosse fumé au bois d’abricotier » (par la désormais célèbre Maison Matthieu) ou encore des « Haricots verts croquants, caviar de bœuf et oignons rouges grillé ». Caviar de bœuf ? Il s’agit d’un bœuf confit préparé par le roi du pastrami, Michel Kalifa, installé rue des Ecouffes à Paris. En bouche, c’est sublime – et sublimé par un verre de « Château de Grand Pré, AOC Fleurie, léger pour un déjeuner sans exagérer ». À chaque produit correspond un pedigree ou une signature (maison Bordier pour les laitages, Chapon pour le cacao, Soffiotti & fils pour les confitures…) et parfois, sur la carte, un commentaire senti, signé Julia Sammutt. 30

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LE CHEF « J’ai rien inventé, j’ai juste fait une épicerie ! » Cofondatrice du Fooding et journaliste gastronomique jusqu’en 2014, Julia Sammut a gardé de son ancienne vie une sacrée verve et un carnet d’adresses en or, dans lequel elle tout naturellement puisé sa liste de fournisseurs. « L’écriture a toujours été ma passion, pas le journalisme. Peut-être parce que j’ai grandi dans une cuisine, je ne voyais pas les choses comme mes confrères… », dit-elle pour expliquer ce changement de cap. Fille de Reine Sammut, étoilée au Michelin, sœur ainée de Nadia, chimiste reconvertie dans la cuisine sans gluten, Julia a aussi affiché le portrait de sa grand-mère derrière la caisse. Son autre famille, c’est son équipe : Aurélien Baron aux fourneaux, « mon étoile filante », Charlotte Moussa et Théo : « On se fait rêver mutuellement, on est tous pour quelque chose dans cette expérience ! »

ÉPICERIE L’IDÉAL

11, rue d’Aubagne, Marseille, 1er. 09 80 39 99 41 Ouvert du mardi au samedi, de 9h30 à 19h Service : 12h-15h30 Plats : 7,5-14 €, verre devin : 4-6,5.

WWW.

facebook.com/epicerielideal


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© Pierre Schwartz

© Pierre Schwartz

GA BU ZO MIAM À SÈTE

Jusqu’au 6 novembre, le Miam de Sète rend hommage aux Shadoks. L’occasion de se balader dans la ville aux charmes aussi multiples que ses canaux, sous la houlette des volatiles bêtes et méchants. Texte : Julie Bordenave

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ui ne connait pas les Shadoks ? Ils nous ont légué parmi les maximes les plus absurdes, émaillant un quotidien pétri de mauvaise foi : « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » ; « pour qu’il y ait le moins de mécontents possible, il faut toujours taper sur les mêmes… » Jaune vif et girons, haut sur pattes (au point que leurs œufs se brisent en tombant au sol lors de la ponte), les Shadoks sont des oiseaux bêtes et méchants qui passent leur vie à pomper, sous le regard moqueur de leurs alter ego vertueux, les doux et sensés Gibis. Le Musée International des Arts Modestes (MIAM) de Sète a la délicate idée de leur rendre hommage, douze ans après la disparition de leur géniteur, l’éminent Jacques Rouxel, ses descendants acceptant pour la première fois d’ouvrir leurs archives personnelles. Excellente idée d’ouvrir sur le contexte d’époque, avec les célèbres affiches de l’Atelier Populaire des Beaux-Arts (La Voix de son maître, ORTF en lutte…) Car, forts de leur instinct de contradiction, les Shadoks choisissent le 29 avril 1968 pour

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apparaître sur l’ORTF ! Après avoir disparu sous les pavés d’un mois de mai bien secoué, ils nicheront ensuite à l’antenne jusqu’en 1973 (avant de réapparaître en 2000), pour y singer l’asservissement par le travail, le contrôle des loisirs, les dérives de la consommation… Le parcours proposé est didactique, telle cette présentation de l’Animographe, « machine à créer le mouvement » inventée par Jean Dejoux pour simplifier le processus de création animée. Il est aussi très émouvant : on y découvre les premiers essais aquarelles annotés par Rouxel, de magnifiques celluloïds mis en valeur sous cadres lumineux, un story-board entier d’épisode… et même une étonnante planche sur la Libido, « bestiole accorte d’un naturel insouciant et primesautier », réduite par les « rabat-joie et pisse-vinaigre à des fins d’efficacité et de progrès de l’espèce » ! Une telle liberté de ton n’a bien sûr pas laissé la France gaullienne insensible : sur une table vitrée s’étalent les lettres de téléspectateurs, cartes postales jaunies aux arabesques fulminantes, vilipendant « une émission pour retardés mentaux, réalisée


MIAM

LA BALADE

FORTS DE LEUR INSTINCT DE CONTRADICTION, LES SHADOKS CHOISISSENT LE 29 AVRIL 1968 POUR APPARAÎTRE SUR L’ORTF !

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par des fumistes », ou à l’inverse réclamant « le goulp pour les anti Shadoks » ! En écho à la marotte du MIAM — l’objectothérapie, et sa collection permanente d’objets quotidiens –, l’expo propose aussi des collections hétéroclites (passoires, œufs, chapeaux melon…). On y glanera également des œuvres collatérales d’artistes classiques (Alfred Jarry, Glen Baxter, Miro) et contemporains. Une réjouissante visite, qui s’achève par une pichenette : dans le patio du MIAM s’épanouit le Jardin permanent des plantes invasives. Une chienlit qui n’aurait sans doute pas laissé de Gaulle de marbre.

SHADOKS ! GA BU ZO MIAM

Jusqu’au 6 novembre. Musée International des Arts Modestes, 23, quai Maréchal de Lattre de Tassigny, Sète. 04 99 04 76 44. 2,5-5,5 €.

WWW.

www.miam.org

© Frédéric Langel

De gauche à droite : Aquarelles originales de Jacques Rouxel pour la série ; Le sculpteur David Nash expose des « échelles shadoks », qui ont ceci de particulier qu’il en existe pour descendre… - et d’autres pour monter.

OÙ MANGER ?

Il y a les incontournables : la dégustation de tielles aux Halles, d’huîtres à l’Annexe (rue André Portès), de glaces bio à l’Épicerie fine (rue Gambetta). Moins connu, le « quartier bas » mérite aussi le détour. La populaire rue de Tunis est animée par l’irrévérencieuse compagnie de théâtre de rue Cacahuète, qui cumule les initiatives (brocante vinyles, soupe participative, bibliothèque dans un frigo…) autour de ses lieux de fabrique, le Lieu Noir et le Petit Lieu. À deux pas, La Mer à boire, installée depuis mai dernier dans un charmant hangar retapé aux poutres apparentes, propose boissons (2,50 €) et tapas (planche avec produits du marché à 10 €) dans son irrésistible mobilier chiné, assorti de concerts certains soirs de la semaine. Et d’un extérieur au calme, où l’on pourra bientôt jouer à la pétanque ! La Mer à boire

39, rue Pierre Sémard, Sète 06 12 63 81 07 www.lameraboiresete.tumblr.com 8e art magazine • été 2016

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© C.Duranti

Plage de Calais à marée basse, « poissards » ramassant des appâts,

dans la dernière salle de l'exposition Turner et la couleur à l'hôtel de Caumont. 34

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DOSSIER SPÉCIAL EXPOSITIONS

VIVE LA

PE I NTURE ! L E S A R T I S T E S D E L' É T É

Souvent prophétisée, la « mort de la peinture » n’est pas pour demain et encore moins, si l’on en croit l’actualité culturelle, pour cet été ! Il est vrai qu’à l’heure où les institutions publiques sont soumises, comme les entreprises privées, à une obligation de résultats et de fréquentation, les noms de Picasso, Van Gogh ou Turner offrent des garanties. Ce n’est pas une raison pour bouder son plaisir de voir et revoir leurs toiles ! De même qu’il serait dommage de rater la belle rétrospective consacrée à Camoin au musée Granet ou bien la double – et originale – exposition Hans Hartung, peintre et légionnaire, organisée par le musée de la Légion étrangère et le centre d’art des Pénitents noirs à Aubagne. La peinture contemporaine est également à l’affiche, grâce deux femmes : Françoise Pétrovitch et Marie Ducaté, amoureuse de la couleur et de Marseille. Dossier réalisé par Emmanuelle Gall, Olivier Levallois et Sophie Passage.

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DOSSIER

V IVE LA

PE I NTURE !

TURNER, LA COULEUR – ET L’AQUARELLE Un an après son inauguration avec Canaletto, l’Hôtel de Caumont accueille l’un de ses admirateurs, William Turner (1775-1857). Fruit d’une collaboration avec le Turner Contemporary, une institution anglaise consacrée à l’artiste et sa postérité, l’exposition Turner et la couleur fait la part belle à ses aquarelles. Par Emmanuelle Gall

T

urner à Aix ! La nouvelle s’est vite répandue et l’Hôtel de Caumont a été pris d’assaut dès l’ouverture de l’exposition, recevant 10 000 visites en quelques jours. Il est vrai que le maître britannique, quasi absent dans les collections des musées français, n’a que rarement l’occasion de traverser la Manche – et encore moins l’Hexagone. Il a eu droit à une rétrospective historique au Grand Palais en 1983, y est retourné en 2010, à l’occasion de Turner et ses peintres, a partagé l’affiche avec le Lorrain à Nancy en 2002, mais n’est pas revenu dans la région depuis ses voyages de 1828 et 1838. Les séries d’aquarelles réalisées lors de ses étapes à Marseille, Aix-en-Provence ou Sisteron, sur le chemin de l’Italie, constituent l’un des points d’orgue de l’exposition conçue par Ian Warrell, historien de l’art et auteur de plusieurs ouvrages consacré à Turner. Si elle ne présente pas ses toiles les plus célèbres, Turner et la couleur rassemble néanmoins plus de 120 œuvres, empruntées à une vingtaine de musées (telles les prestigieuses Tate Gallery et Royal Academy de Londres) ou collections privées, et notamment plusieurs ensembles d’aquarelles inédits en France ou jamais réunis. « Il me faut voir le sud de la France, qui m’a presque assommé, la chaleur était si intense, surtout à Nîmes et à Avignon, et jusqu’à ce que je plonge dans la mer à Marseille, je me suis senti si faible que seul le changement de paysage me permettait de continuer à avancer ». Turner découvre la région en août 1828, à l’occasion d’un voyage à Rome. Il est alors âgé de cinquante-trois ans et largement reconnu. Il s’y ar-

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EN 1838, À MARSEILLE, À ANTIBES ET SUR LA CÔTE LIGURE, TURNER VOIT ROUGE OU, PLUS EXACTEMENT, VERMILLON ! rête de nouveau, dix ans plus tard, sur le chemin du retour cette fois. La chaleur – ou son souvenir – est-elle à l’origine de l’embrasement de sa palette ? En 1838, à Marseille, à Antibes et sur la côte ligure, Turner voit rouge ! Ou, plus exactement, vermillon : une couleur inédite dans l’œuvre de celui que ses détracteurs disaient atteint de la « fièvre jaune ». Privilégiant la lumière du couchant, il associe l’outremer des rochers et de l’eau au rouge des constructions : fort Saint-Jean, ruines, remparts... Les petites aquarelles méditerranéennes du Britannique, plus familier des ciels et plages du Nord, sont saisissantes. Selon Ian Warrell, « elles conservent la puissance des couleurs vibrantes et une fraîcheur d’observation, comme si elles avaient été peintes hier. Ces œuvres démontrent l’indépendance radicale de la façon qu’avait Turner de voir le monde ». Qu’il peigne, en effet, la Méditerranée ou le Mont-blanc, les ciels de Margate qu’il juge « les plus beaux du monde » ou d’Italie, des scènes érotiques (présentées sur un écran vidéo) ou la tête d’un paon, Turner fait preuve d’une audace constante. Le parcours, à la fois chronologique et thématique, imaginé par Ian Warell s’attache à le démontrer.


© William Turner - Tate, London, 2015

William Turner, La Côte méditerranéenne au soleil couchant, vers 1838, aquarelle et gouache sur papier gris, Tate. Accepté par la nation dans le cadre du legs Turner, 1856.

William Turner, Les Tours vermillon : étude à Antibes, vers 1838, aquarelle et gouache

© William Turner - Tate, London, 2015

sur papier gris, Tate. Accepté par la nation dans le cadre du legs Turner, 1856.

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V IVE LA

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William Turner, Paysage avec eau : Tivoli, vers 1840-1845, huile sur toile, Tate. Accepté par la nation dans le cadre du legs Turner, 1856.

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Anatomie d’un génie Fils d’un barbier de Covent Garden, qui l’encourage en accrochant ses œuvres dans sa boutique, Turner est un autodidacte précoce. À quinze ans, il expose déjà – avec succès – des aquarelles d’architecture. « Ses premiers tableaux furent des aquarelles (…) utilisant des techniques qui obligèrent le public à examiner tant ses méthodes que les sujets peints. Au cours de ces premières années, il a mis à l’épreuve les possibilités qu’offrait cette technique et a transposé ses expérimentations dans son travail à l’huile », explique Ian Warrell.

INSTINCTIF, SAVANT, TECHNICIEN, COMMERÇANT... TURNER EST TOUT CELA À LA FOIS. Durant sa période d’apprentissage, Turner étudie et copie les maîtres (Poussin, Lorrain, Titien, Canaletto…) dans les musées, ce qui ne l’empêche pas de défendre et pratiquer la peinture en plein air, rendue possible par l’invention des premiers tubes de peinture. Armé d’un carnet, il voyage également en Grande-Bretagne puis en Europe, dès que la fin des guerres napoléoniennes le lui permet, en quête de nouvelles lumières. Admis très jeune à la Royal Academy de Londres, comme étudiant puis comme enseignant, il se passionne pour les théories des couleurs, celles du physicien Newton, du poète Goethe ou de l’entomologiste Harris. Il introduit dans sa palette les nouveaux pigments mis sur le marché (bleu de cobalt, jaune de chrome…) et montre une prédilection pour les couleurs primaires, comme en témoignent les palettes exposées. Dans le même temps, il s’attache aussi à reproduire (et faire reproduire) ses toiles, sous la forme d’estampes en noir et blanc, pour les diffuser plus largement. Instinctif, savant, technicien, commerçant... Turner est tout cela à la fois. Au fil des salles, le « génie » du peintre s’explique par son incroyable curiosité, une force de travail exceptionnelle – il a produit 20 000 aquarelles – et un goût constant pour la recherche, au risque de déconcerter le public. Dans la dernière partie de l’exposition, on suit les traces de Turner sur le chemin de l’abstraction, avec une vue de Venise inachevée, quasi monochrome, ou Paysage avec eau : Tivoli. Ces dernières, de même que la célèbre Plage de Calais à marée basse viennent rappeler la dette des impressionnistes et de la peinture moderne envers sa peinture.

Turner et la couleur Jusqu’au 18 septembre. Hôtel de Caumont, 3, rue Joseph Cabassol, Aix-en-Provence. 04 42 20 70 01. 9,50-12 €. www.caumont-centredart.com

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PE I NTURE !

FÉLIX ZIEM, PEINTRE VOYAGEUR Le nouvel accrochage du musée Ziem de Martigues met l’accent sur les nombreux voyages du peintre : de sa Bourgogne natale au Midi, de Martigues à Venise puis à Constantinople. Porte de l’Orient, longtemps rêvée avant d’être recréée au bord de l’étang de Berre. Par Sophie Passage

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é un demi-siècle après Turner, Félix Ziem doit beaucoup au maître anglais dont il collectionnait les gravures. Une influence que Théophile Gauthier résumait, en 1851, par cette formule célèbre : « Mettez un Turner et un Bonington ensemble et vous aurez pour résultat un Ziem ». En parcourant la dernière exposition du musée Ziem dans la foulée de Turner et la couleur à l’hôtel de Caumont, on mesure mieux les affinités entre les deux peintres. Précoces, formés à l’école de l’architecture, ils ont très tôt pris en main leur carrière et ont su séduire leurs contemporains. Amoureux de l’aquarelle et de Venise, admirateurs du Lorrain et de Canaletto, ils n’ont eu de cesse de voyager en quête de lumières et de paysages. On est en outre particulièrement sensible aujourd’hui à leurs études ou œuvres inachevées, que l’on perçoit comme annonciatrices de l’impressionnisme et de l’art abstrait… Pour autant la fortune critique des deux artistes est incomparable. Le musée Ziem de Martigues, seul musée français dédié au peintre, œuvre à la reconnaissance et la redécouverte de cet artiste difficilement classable. Peintre académique ? Orientaliste ? Préimpressionniste ? Ouvert en 1908, trois ans avant la mort de Ziem, enrichi au fil des ans grâce aux donations de sa veuve, puis en

1991, par le legs Lil Ziem (sa petite-fille par adoption), le musée Ziem propose chaque été une plongée dans l’univers du peintre. Félix Ziem, de Martigues à Istanbul, la dernière exposition, revient sur les voyages – réels et imaginaires – du peintre, en particulier dans les trois villes d’eau et de lumière que sont Martigues, Venise et Constantinople. Né à Beaune en 1821, Félix Ziem quitte la Bourgogne pour

« ZIEM ÉLABORE SA PEINTURE AUTOUR DU VOYAGE, CHAQUE DESTINATION EST UN RÉSERVOIR D’ŒUVRES… »

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Marseille à l’âge de dix-sept ans. Martigues qu’il découvre dans la foulée, avant Venise (en 1842), lui révèle sa vocation de peintre. Dès lors, ces deux villes occuperont une place privilégiée dans son cœur et sa palette. Grand voyageur, il attend néanmoins 1856 (et la fin de la guerre de Crimée) pour découvrir l’Orient. Il débarque le 18 juillet à Constantinople : « M’y voici donc et mes aspirations ne me trompaient point, car c’est ici la chaleur, l’harmonie colorée et enveloppée sur les formes les plus variées, les plus pittoresques, celles qui réjouissent l’œil, l’amusent, le principe des beaux jours de Venise. Tout y est ennobli


© Musée Ziem, Martigues

Félix Ziem, Venise, place Saint-Marc et Campanile, 1880-1890. Huile sur bois, 82 x 68 cm, musée Ziem, Martigues.

par la couleur et la forme… » Quelques années plus tard, il ira jusqu’à faire construire dans le jardin de son atelier martégal des maquettes de mosquées destinées à lui permettre de peindre, à domicile, des vues du Bosphore. Selon l’historienne de l’art Nathalie Bertrand, « Ziem élabore sa peinture autour du voyage, chaque destination est un réservoir d’œuvres (…) L’atelier du voyage, Ziem le réalise à Martigues avec la construction des mosquées qui imitent celles qu’il a vues sur le Bosphore. Il transforme ainsi sa demeure en motif et quand il ne va pas en Orient, fait ainsi venir l’Orient à lui. » Les toiles et sublimes po-

chades exposées aujourd’hui au musée Ziem invitent le spectateur à emboîter le pas de Félix Ziem dans ses trois villes d’adoption, mais aussi dans leur « re-création ».

Félix Ziem, de Martigues à Istanbul Jusqu’au 18 septembre. Musée Ziem, 9, boulevard du 14 juillet, Martigues. 04 42 41 39 60. Entrée libre. www.ville-martigues.fr

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VAN GOGH, LA PROVENCE E(S)T LE JAPON Troisième rétrospective consacrée à Van Gogh par la fondation arlésienne éponyme, Van Gogh en Provence : la tradition modernisée s’attache à suivre, en 31 toiles, l’extraordinaire évolution de son art durant les sept dernières années de sa vie. Par Emmanuelle Gall

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TOUT EN RESTANT FIDÈLE À SES MAÎTRES ET À DES SUJETS TRADITIONNELS, VAN GOGH SE MÉTAMORPHOSE AU CONTACT DES ESTAMPES JAPONAISES ET DE LA LUMIÈRE PROVENÇALE.

an Gogh en Provence : la tradition modernisée. Avec un titre pareil, la fondation arlésienne a toutes les chances de pulvériser ses records de fréquentation cet été ! La promesse est de taille quand on sait à quel point le séjour de Van Gogh à Arles, puis à SaintRémy de Provence, a été prolifique et décisif. En route pour le Midi, sur les conseils de Toulouse-Lautrec, Van Gogh projette d’abord de voyager sur les traces de Monticelli à Marseille. Il s’arrête à Arles le 20 février 1888 et découvre la ville sous une épaisse couche de neige. « Ici, les arbres dans la neige avec les cimes blanches et un ciel aussi lumineux que la glace étaient comme ces paysages d'hiver qu'ont faits les Japonais », écrit-il à son frère Théo. Émerveillé par la région, convaincu d’y avoir trouvé « son Japon », il s’y installe et arpente la nature environnante équipé de son chevalet. Au fil des saisons et de ses excursions, à l’abbaye de Montmajour ou aux Saintes-Maries pour voir la Méditerranée, son enthousiasme devient tel qu’il rêve de fonder une colonie d’artistes : « l’Atelier du Midi ». On connaît la suite : Gauguin vient le rejoindre et lui ouvre de nouveaux horizons plastiques. Mais, rapidement, les hommes se disputent et le projet avorte. Abandonné par Gauguin, rejeté par ses voisins qui signent une pétition pour demander son

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internement, Van Gogh est admis en mai 1889, dans le pavillon des hommes de Saint-Paul de Mausole, l’asile de Saint-Rémy de Provence. Il y passera un an, avant de rejoindre sa dernière demeure, à Auvers-sur-Oise. Cette période que l’on qualifie généralement de « provençale » ou « arlésienne », douloureuse sur le plan psychique, est aussi la plus fertile de sa carrière. Les historiens de l’art estiment que, durant ces 444 jours, il a produit plus de 300 tableaux et environ 200 dessins. Sur les 31 toiles exposées cet été à Arles, prêtées par les musées Van Gogh à Amsterdam et Kröller-Müller à Otterlo, 13 seulement ont été peintes dans la région. Les autres sont nées à Nuenen, Paris, où Auvers-sur-Oise. On est certes loin du compte et il ne faut pas s’attendre à voir la célèbre Nuit étoilée ni une version de la chambre du peintre ou encore La Maison jaune. En revanche, le choix d’un accrochage thématique, axé autour des trois grands


© Kröller-Müller Museum

Vincent van Gogh, Saules têtards au soleil couchant, 1888. Huile sur toile sur carton, 31,6 x 34,3 cm, Kröller-Müller Museum, Otterlo.

genres picturaux chers à Van Gogh – le portrait, la nature morte et le paysage –, a le mérite de mettre en valeur la révolution qui se produit dans la palette et la touche du peintre à partir de 1888. Ivre de lumière et de soleil, il atteint ce qu’il nommera ensuite la « haute note jaune », privilégiant les couleurs pures. Sjraar van Heugtenn, le commissaire de l’exposition, a procédé par juxtapositions, confrontant des portraits ou autoportraits de périodes différentes, depuis la sombre période hollandaise jusqu’à la quasi-abstraction des dernières toiles. Il entend montrer comment Van Gogh, tout en restant fidèle à ses maîtres (Rembrandt, Delacroix, Millet…) et à des sujets traditionnels, se métamorphose au contact des impressionnistes parisiens puis en découvrant les estampes japonaises et la lumière provençale. Car, comme le rappelle Sjraar van Heugtenn, « Van Gogh est venu en Provence à la recherche du Japon et de l'atmosphère japonaise ».

Van Gogh en Provence : la tradition modernisée Jusqu’au 11 septembre. Fondation Vincent Van Gogh, 35 ter, rue du docteur Fanton, Arles. 04 90 93 08 08. 4-9 €. www.fondation-vincentvangogh-arles.org

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CAMOIN, ET LA LUMIÈRE FUT Admirateur et ami de Cézanne, compagnon de route de Matisse et de Marquet, Charles Camoin a produit tout au long de sa vie une œuvre sensuelle, colorée et lumineuse, en marge des mouvements et des académismes. Le musée Granet lui rend un bel hommage. Par Olivier Levallois

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ébutée à Marseille en 1879 et achevée quatre-vingt six ans plus tard à Paris, la longue vie artistique de Charles Camoin n’aura eu de cesse de dresser des passerelles, entre la modernité du Nord et la sensualité du Sud, mais aussi entre les époques : Cézanne, Renoir, Delacroix, les impressionnistes en héritage et la génération de ses amis fauves. Au musée Granet, l’accrochage des 90 peintures et 40 dessins, aquarelles et pastels de l’artiste, conçu par l’historienne d’art Claudine Grammont et le conserva-

Point de grandes allégories ou de prétentions solennelles chez Camoin. À l’instar de son maitre Cézanne, il peint sur le motif de nombreux paysages, naturels ou urbains (Le Collet rouge, campagne d’Aix ; Le Pont de Langlois à Arles), des portraits de ses amis peintres (Albert Marquet ; Émilie à son chevalet ; Albert Cézanne, portrait de paysan), ou des autoportraits, des nus (Nus aux bottines noires ; La Fille endormie), et des scènes de la vie quotidienne, dans des lieux publics (Saint-Tropez, la place des Lices ; Le Moulin Rouge aux fiacres) ou domestiques (Portrait de ma mère dans son salon ; Sur la terrasse à Valflor). La magie qui émane de ses œuvres tient dans son traitement de la couleur, hérité de ses amis fauves, et surtout de la sensualité de sa lumière. Cette même lumière dont sa sensibilité s’est nourrie, tout au long de sa vie en Provence et sur les bords de la Méditerranée : « J’ai besoin du soleil, de la sensation irisée que procure le soleil. » La modestie et le traitement même de ses sujets révèlent sa nature, humble, simple, généreuse, son goût pour le bonheur ordinaire, et son talent à le représenter. Au fil de la visite, on ressent la vertueuse pertinence de ce fil biographique. Portrait en mouvement, l’exposition offre aussi une réflexion passionnante sur ce qui fonde, nourrit et fait évoluer une sensibilité artistique. Comment Camoin est-il devenu Camoin ? La biographie n’est pas ici un simple repère chronologique, elle révèle les évènements ayant favorisé son parcours de

« J’AI BESOIN DU SOLEIL, DE LA SENSATION IRISÉE QUE PROCURE LE SOLEIL. » teur en chef Bruno Ely, est chronologique. Il évoque, en sept périodes, les étapes fondamentales du parcours de Camoin : sa formation dans l’atelier de Gustave Moreau aux Beauxarts de Paris, quand à dix-huit ans, il se lie avec Henri Matisse, Henri Manguin et Albert Marquet ; sa rencontre et son amitié avec Cézanne à l’occasion de son service militaire à Aix-en-Provence ; les premières expositions dans les salons parisiens et la naissance du fauvisme ; les premiers succès ; sa liaison avec la peintre Émilie Charmy ; son séjour à Tanger avec Matisse sur les pas de Delacroix ; son mariage avec Charlotte Prost et son bonheur auprès d’elle et de la Méditerranée. 44

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Charles Camoin, Port de Marseille, 1904. Huile sur toile, 65,5 × 81,5 cm, Le Havre, MuMa (Musée d’Art moderne André Malraux).

Charles Camoin, Autoportrait en militaire, 1901. Huile sur carton, 36 x 27,5 cm, musée Granet, Aix-en-Provence.

peintre : des rencontres inspirantes et des références aux maîtres, des amitiés de jeunesse, des amours et des ruptures, sentimentales ou artistiques. On trouve ainsi dans chacune des salles, en relation avec les œuvres de Camoin, des travaux de ses contemporains (Marquet, Matisse, Charmy, Manguin, Denis…), ou de maîtres tels que Cézanne. Une mise en perspective révélant les correspondances, les variations et les écarts dans les sujets comme dans les formes, permettant de mieux comprendre l’homme et l’œuvre. En janvier 1898, Charles a dix-neuf ans quand son maitre Gustave Moreau annote une de ses études au crayon (Le Flutiste) d’un conseil laconique : « Soyez plus grave. » Heureusement pour nous, il n’y parvint jamais.

Camoin dans sa lumière Jusqu’au 2 octobre. Musée Granet, Place Saint-Jean de Malte, Aix-en-Provence. 04 42 52 88 32. 5-7 €. www.museegranet-aixenprovence.fr

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PICASSO, ARTISTE POPULAIRE

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Avec l’exposition Un génie sans piédestal, le Mucem réussit un coup de maître : « s’offrir » Picasso – et la garantie d’un succès public – tout en osant une approche originale de son œuvre et en renforçant son identité de « musée de société », issu du monde des arts et traditions populaires.

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Par Emmanuelle Gall

ean-François Chougnet, le directeur du Mucem, s’est-il souvenu du succès de l’exposition Picasso céramiste et la Méditerranée, programmée à Aubagne pendant qu’il dirigeait Marseille-Provence 2013 ? Il a commandé à ses deux commissaires, les conservateurs Joséphine Matamoros et Bruno Gaudichon, une exposition de la même veine, mais nettement plus ambitieuse, puisqu’elle analyse la relation de l’artiste avec l’ensemble des arts et traditions populaires. Une manière également, de faire renouer le Mucem avec ses origines et son ancêtre, le MNATP, fondé par Georges Henri Rivière en 1937. En confrontant des œuvres de Picasso à des objets issus des premières collections constituées par l’ethnologue, l’exposition Un Génie sans piédestal (selon une formule de Michel Leiris) rend hommage à ces arts dits populaires, encore trop souvent dédaignés et que le Mucem lui-même semblait avoir un peu oublié. Elle propose, dans le même temps, une relecture pertinente de l’œuvre de cet artiste « touche-àtout ». Comme l’affirment Joséphine Matamoros et Bruno Gaudichon, « cette capacité à rebondir sur tout ; de faire, de tout, les pièces d’un puzzle plein de surprises, c’est le génie de Picasso ». La preuve en 270 pièces, venues du musée Picasso de Paris, de collections publiques et privées internationales, réparties dans les quatre sections d’un parcours qui s’ouvre sur les thématiques chères à l’artiste espagnol et se poursuit avec ses techniques de prédilection. Génie précoce, plongé dès l’enfance dans l’histoire de l’art et l’apprentissage académique du métier par un père peintre,

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« CETTE CAPACITÉ À REBONDIR SUR TOUT ; DE FAIRE, DE TOUT, LES PIÈCES D’UN PUZZLE PLEIN DE SURPRISES, C’EST LE GÉNIE DE PICASSO ». Pablo Picasso est aussi l’enfant d’une Espagne traditionnelle, marquée par la religion catholique et la corrida, où les femmes portent des mantilles et les hommes (catalans) des baratines. Les premières salles de l’exposition reviennent sur cette Espagne du XIXe siècle, ses objets quotidiens et son influence sur les premières œuvres du peintre, tel un émouvant ex-voto peint en 1899 (emprunté au musée Picasso de Barcelone), mais aussi sur des pièces ultérieures. La grande salle en forme d’arène consacrée à la tauromachie, l’une des plus importantes de l’exposition, a le double mérite de montrer la permanence des taureaux et toréadors dans l’œuvre de Picasso et de donner à voir des toiles méconnues. De même, le cirque, emblématique de la période rose de Picasso (1904-1906), lui inspirera également en 1929 un Acrobate bleu d’un tout autre genre. Fidèle à cette enfance espagnole, d’autant plus « perdue » que Picasso refusera de retourner dans son pays natal sous le règne de Franco, il ne cessera jamais de s’y référer jusqu’à la fin de sa vie, y compris dans ses célèbres colombes porteuses de paix d’aprèsguerre, réminiscences probables de la colombophilie de son père, dont une toile représentant un pigeonnier est exposée.


Pablo Picasso, Portrait de toréador, 3 octobre 1947. Plat rectangulaire en terre cuite blanche moulée. Décor gravé, modelé, piqueté et peint aux oxydes marron, jaune, vert et bleu sous couverte. 38 x 32 x 4 cm. Collection particulière. © Maurice Aeschimann © Succession Picasso 2016

Pablo Picasso, El Picador (le petit picador), Malaga, 1889. Huile sur panneau de bois. 24 x 19 cm. Collection particulière. © Maurice Aeschimann © Succession Picasso 2016

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Pablo Picasso, Tête de taureau, 1942. Bronze. 42 x 41 x 15 cm. Collection particulière. © Maurice Aeschimann © Succession Picasso 2016

Pablo Picasso, Le Banderillero, impression du quatrième état sur quatre -Baer, IV.a. de (IV.B.d), 26 août 1959. Linogravure en couleur. 53,5 x 66,3 cm. Frederick Mulder Ltd/ Frederick Mulder Ltd. © Succession Picasso 2016

PICASSO S’EMPARE DES TECHNIQUES ET DÉPASSE RAPIDEMENT SES MAÎTRES, AVEC LA LIBERTÉ QUI LE CARACTÉRISE. Des techniques et des hommes Les visiteurs de l’exposition Picasso céramiste et la Méditerranée retrouveront ensuite, avec bonheur, certaines pièces réalisées dans l’atelier de Jean et Suzanne Ramié à Vallauris. Ils découvriront que l’approche de la terre relève, chez Picasso, d’une démarche comparable à celle qui le pousse à expérimenter d’autres artisanats. Qu’il se lance dans la céramique, l’orfèvrerie, la linogravure, le textile ou le bois…, c’est toujours à la suite d’une rencontre avec un homme ou une femme de l’art, qui l’initie à ses techniques : François Hugo, Hidalgo Arnéra, Marie Cuttoli, Paco Durrio… Picasso s’en empare ensuite et dépasse rapidement ses maîtres, avec la liberté qui le caractérise. Cette liberté atteint son comble dans les sculptures dites d’assemblages, réalisées à partir des années quarante. Une selle et un guidon de bicyclette deviennent une tête de taureau, les petites voitures offertes à son fils le visage d’une guenon… Qu’il s’initie aux techniques artisanales ou recycle des objets, Picasso travaille à l’instinct, se met à l’écoute des possibilités du matériau. « Ce qui est intéressant, c’est qu’il ne part pas de 48

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l’œuvre à faire ; c’est l’objet trouvé qui en devient le stimulus. Il ne s’agit pas pour lui de faire du bricolage, mais de traduire le pouvoir évocateur de l’objet », expliquent Joséphine Matamoros et Bruno Gaudichon. C’est ça aussi le génie de Picasso ! Ou l’un des nombreux traits de génie d’un artiste qu’aucune exposition ne parvient à circonscrire entièrement et qui n’en finit pas de surprendre.

« Un génie sans piédestal » Picasso et les arts & traditions populaires Jusqu’au 29 août. Mucem, 1, esplanade du J4, Marseille, 2e. 04 84 35 13 13. 5-9,50 €. www.mucem.org


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HANS HARTUNG, PEINTRE « ENGAGÉ » À Aubagne, une exposition en forme de diptyque rend hommage au père de l’abstraction lyrique. Au musée de la Légion étrangère et dans l’ancienne chapelle des Pénitents noirs, Beau geste, Hans Hartung peintre et légionnaire propose une approche convaincante de l’œuvre de Hans Hartung. Par Emmanuelle Gall

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rès de cinquante ans séparent cette petite gouache sans titre de cette grande toile intitulée T1989 K26, mais aussi les deux portraits photographiques affichés en guise d’introduction, au musée de la Légion étrangère et au centre d’art des Pénitents noirs. Sur le premier, daté de 1940, Hans Hartung – rebaptisé Jean Gauthier – pose en uniforme de légionnaire, cigarette au bec, à Sidi-Bel-Abbès. Il a fière allure, tel Cary Cooper, dans Beau

préféré deux gros plans sur des périodes décisives dans la vie et l’œuvre de l’artiste. Le musée de la Légion étrangère présente ainsi une quarantaine d’œuvres réalisées entre 1939 et 1945, période pendant laquelle Hartung s’engage à deux reprises dans la légion, moins par désir que par nécessité. De nationalité allemande, il a fui le nazisme en 1935 pour se réfugier en France. À la veille de la guerre, après s’être fait confisquer son passeport, la Légion lui apparaît comme la seule issue. Durant son séjour en Algérie, dans des conditions médiocres, mais loin du front, l’artiste a la possibilité de créer : des petits formats, parfois sur du papier de récupération. C’est la période où il peint les Têtes qui rappellent le Picasso de Guernica (1937). Une exception dans l’œuvre déjà abstraite de l’artiste, comme le montrent les dessins de 1939, puis les encres des années 1941-1945. Selon Fabrice Hergott, « Les principes posés dès l’époque de la Légion ont guidé une grande partie de l’abstraction dite lyrique de l’après-guerre. » Le deuxième séjour de Hans Hartung à la Légion est très différent du premier : brancardier sur le front, il est gravement blessé à Belfort le 20 novembre 1944 et se fait amputer de la jambe droite. À quarante ans, la vie du peintre bascule. « En venant combattre en France en 1944, Hartung était convaincu qu’il allait mourir. Je crois que l’œuvre de cette époque portait déjà la dimension testamentaire qu’ont ses dernières toiles…,

« SON ART EST BOUT EN BOUT UN ART DE LA LIBÉRATION : LIBÉRATION PHYSIQUE, PSYCHOLOGIQUE ET MENTALE, LIBÉRATION DE LA COULEUR ET DU DESSIN. » Geste, tourné l’année précédente. La seconde photographie montre un vieil homme de dos, assis sur un fauteuil roulant, en train de pulvériser de la peinture sur une grande toile. Le premier a peint le visage inquiet et inquiétant, le second le jaillissement de couleur quasi épiphanique. Fabrice Hergott, directeur du musée d’Art moderne de la ville de Paris et commissaire de cette double exposition, a pris un parti original. À une traditionnelle monographie, il a 50

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Hans Hartung, T1989 - K26, 14 juillet 1989.

© Fondation Hartung Bergman

Acrylique/toile, 146 x 114 cm.

Hans Hartung, Sans titre, 1940. Gouache sur papier, 30 x 20,50 cm.

Beau geste, Hans Hartung peintre et légionnaire Jusqu’au 28 août. Musée de la Légion étrangère, Chemin de la Thuilière. Aubagne. 04 42 18 10 99. Entrée libre. www.hanshartung-aubagne.net Jusqu’au 28 août. Centre d’art les Pénitents noirs, les aires Saint-Michel, Aubagne. 04 42 18 17 26. Entrée libre. www.hanshartung-aubagne.net

© Fondation Hartung Bergman

explique Fabrice Hergott, son art est bout en bout un art de la libération : libération physique, psychologique et mentale, libération de la couleur et du dessin ». En témoignent magistralement les 17 acryliques peintes, à la veille de la mort du peintre, entre le 11 et le 16 juillet 1989. Accrochées dans le cadre immaculé du Centre d’art les Pénitents noirs, ces immenses toiles, travaillées au moyen d’une sulfateuse, se passent de commentaire et invitent à la contemplation : « Observer l’une de ses toiles, c’est se laisser aller aux sensations, se faire happer par le plaisir de la couleur et de la forme, une impression diffuse de grande énergie, mais aussi de contrôle de soi », conclut Fabrice Hergott.

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VICTOR VASARELY, LE DERNIER MODERNE Multiplicité, une triple exposition partagée entre Aix-en-Provence, Gordes et Avignon, célèbre un double anniversaire : les cent dix ans de la naissance de Victor Vasarely et les quarante ans sa fondation. L’occasion d’une (re)découverte. Par Emmanuelle Gall

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es images de Vasarely ont tellement fait partie du paysage urbain français depuis les années soixantedix, qu’on finit presque par ne plus les voir ou, pire, par associer l’artiste aux seuls logo Renault et/ou panneaux Decaux. Son immense succès, à partir des années soixante, l’a certes enrichi et lui a permis de créer son « musée didactique » à Gordes, puis son « centre architectonique » à Aix-en-Provence, mais il a aussi brouillé en partie son message et son projet : un « art social » ou « art pour tous », destiné à construire « la cité polychrome du bonheur ». De quel œil Vasarely verraitil, aujourd’hui, la fortune de son œuvre ? L’hommage que lui rendent aujourd’hui le musée Vouland, le château de Gordes et la fondation aixoise remet les pendules à l’heure et permet de réévaluer ses recherches dans les domaines de la peinture, des arts appliqués et de l’architecture. Père de l’Op art, Victor Vasarely n’a pas toujours été un peintre abstrait. L’exposition En mouvement, qui présente 150 de ses œuvres au milieu des collections permanentes du musée Vouland, où dominent les arts décoratifs des XVIIe et XVIIIe siècles, permet de suivre le parcours de l’artiste, depuis sa formation au Mühely de Budapest, en 1928-1929, jusqu’aux années quatre-vingt. Dans cette école d’avant-garde, version hongroise du Bauhaus, le jeune homme s’initie très tôt à une conception moderniste de l’art, refusant la hiérarchie entre les disciplines et cherchant à s’adresser au plus grand nombre. Devenu graphiste après son installation à Paris en 1930, il poursuit parallèlement des recherches picturales qui l’emmèneront vers une abstraction de plus en plus radicale, tantôt en noir et blanc, tantôt en couleur. La découverte de la région

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CONÇU COMME UN LABORATOIRE ET NON UN MUSÉE, LE « CENTRE ARCHITECTONIQUE » ÉTAIT DESTINÉ À ACCUEILLIR DES ARCHITECTES, PLASTICIENS ET CHERCHEURS POUR PENSER UNE VILLE MEILLEURE. n’est pas étrangère à l’évolution de sa peinture. « J’ai reçu un choc magistral dans ce midi étourdissant », déclarait-il en 1948. « Que cela soit à l’Abbaye de Sénanque ou dans la plus humble des demeures à Gordes, un petit fenestron carré, ouvert dans un grand mur, diffuse tant de lumière... Cette même ouverture, vue de l’extérieur, se métamorphose en un cube immatériel noir, insondable… » Cette année-là, Vasarely achète une bergerie à Gordes. Il y passera tous les étés jusqu’à la fin de sa vie et installera, en 1970, son musée didactique dans le château du village, après avoir financé sa restauration. Fermé en 1996, ce dernier renoue avec Vasarely en accueillant le deuxième volet de Mutiplicité : L’Alphabet plastique. Y sont présentées des œuvres nées de la combinaison de ce qu’il appelle les « unités plastiques » : des carrés dans lesquels s’inscrivent des formes géométriques et qui peuvent s’associer à l’infini, comme les


© Musée de Budapest

Victor Vasarely, Marsan-2, 1962, acrylique sur toile, 114 x 195 cm. Budapest, musée Vasarely.

éléments d’un langage universel. Les applications de ce langage ne se limitent pas au cadre de la toile. Dans la même période, Vasarely cherche à étendre son champ d’action à l’architecture et l’urbanisme. La fondation Vasarely, baptisée à l’origine « centre architectonique », est la concrétisation de ce rêve. Inauguré en 1976, sur un terrain vendu 1 franc symbolique par la ville d’Aix, le bâtiment a été entièrement pensé par Vasarely et construit à ses frais. Constitué de 16 hexagones juxtaposés, il présente lors de son ouverture, outre les 44 intégrations architectoniques, près de 800 études originales de Vasarely sur l’art et la cité. Conçu comme un laboratoire et non un musée, il était destiné à accueillir des architectes, plasticiens et chercheurs pour penser une ville meilleure. Aujourd’hui, alors que les restaurations de la fondation avancent à petit pas, le troisième volet de l’exposition, intitulé L’Art pour tous revient sur les grands projets de Vasarely. À l’étage, Irisations, une exposition organisée par Seconde Nature, structure à la pointe des arts numériques, vient compléter l’hommage rendu par Pierre Vasarely à son grand-père. Une manière de montrer que la fondation poursuit son rêve.

En mouvement Jusqu’au 2 octobre. Musée Vouland, 17, rue Victor Hugo, Avignon. 04 90 86 03 79. 3-9 €. www.vouland.com L’Alphabet plastique Jusqu’au 2 octobre. Château de Gordes, Rue du Château, Gordes. 04 90 72 98 64. 5-7 €. www.gordes-villages.com L’Art pour tous Jusqu’au 2 octobre. Fondation Vasarely, Jas de Bouffan, Aix-en-Provence. 04 42 20 01 09. 7-12 €. www.fondationvasarely.org

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MARIE DUCATÉ, LA PEINTURE SUR SOI(E) Exposées à la galerie art-cade et au salon L’autoportrait, les dernières œuvres de Marie Ducaté mêlent joyeusement les techniques et les genres. Peinture sur soie ou calque, peinture-sculpture ou peinture-vêtement, l’artiste se joue des modes et des étiquettes. Par Emmanuelle Gall

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e 30 juin dernier, à l’occasion du vernissage des dernières œuvres de Marie Ducaté, la galerie art-cade était le théâtre d’un défilé de mode étonnant. Sept jeunes filles, vêtues de voiles de soie chamarrés, aux inspirations marines et végétales, ont présenté au public le fruit de leur collaboration avec l’artiste. Robe-caftan pour Niyati, blouson-capuche et pantacourt pour Alyssa, caraco et jupe plissée pour Ornella… La vente aux enchères, le soir même, des vêtements ou accessoires peints par Marie Ducaté et cousus de leurs propres mains, va leur permettre de s’offrir un voyage à Paris, Milan ou une autre capitale de la mode. Ce beau projet, élaboré par Marie Ducaté, la créatrice My-Linh Mary qui a dessiné les vêtements et Alexandrine Bardissa, professeure d’arts appliqués au lycée Saint-Louis, aura permis à dix élèves de terminale de la section « Métiers de la mode et du vêtement » de découvrir dans le même temps l’art contemporain, la haute couture et le travail de la soie. La joie et la fierté, qui se lisaient sur leur visage le soir du défilé, laissent imaginer que cette aventure leur a apporté bien plus encore. Modeste et enthousiaste, Marie Ducaté se réjouit de cette « chaîne d’amitié », dans laquelle s’inscrivent également la chorégraphe Nathalie Touaty, Guy-André Lagesse, le créateur de la bande-son, la bottière Anne Svoboda, les coiffeurs de L’autoportrait… Mais l’histoire ne s’arrête pas là, car il est encore temps d’aller voir les deux expositions Marie Ducaté : Le Bien-aller à la galerie art-cade et Sur la tête de ma mère, à quelques centaines de mètres de là, dans le « salon d’art-galerie de coiffure » L’autoportrait.

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IL Y A DU TROMPE-L’ŒIL ET DE LA JUBILATION DANS CE JEU OÙ LA PEINTURE SUR SOIE FRÉQUENTE L’ABSTRACTION GÉOMÉTRIQUE ET LE BAROQUE LE MINIMALISME. « L’aquarelle puissance dix » La première présente une série de sculptures, composées de soies peintes et de volumes réalisés en papier calque, tantôt figuratifs (une chaise, une table, un porte-serviette…) tantôt géométriques. Des formes hybrides, jouant avec humour, des couleurs et des contrastes – entre le blanc et les tons acidulés, les drapés et les angles… Il y a du trompel’œil et de la jubilation dans ce jeu où la peinture sur soie fréquente l’abstraction géométrique et le baroque le minimalisme. Comme Picasso, Marie Ducaté ne méprise pas les techniques dites artisanales, elle s’en empare ! « La peinture sur soie, c’est de l’aquarelle puissance dix ! », déclare-telle. Même révélation de la couleur, mêmes difficultés aussi pour le peintre. Cette pratique de la peinture sans filet, frayant avec les accidents, n’est pas nouvelle dans l’œuvre de Marie Ducaté. La céramique, le verre, le textile… et leurs contraintes ne lui font pas peur, au contraire : « Tout ce que je fais, je le fais en tant que peintre. (…) Je suis définitivement amoureuse de la peinture ». Pour mieux cerner sa démarche artistique, il convient de rappeler aussi la devise qu’elle ap-


© Marie Ducaté

Marie Ducaté, Sans titre, 2016, soie peinte, pour l’exposition Le Bien-aller, galerie art-cade Marseille.

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© Marie Ducaté

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Marie Ducaté, Sans titre, 2016, calque aquarellé et plié, pour l’exposition exposition Sur la tête de ma mère, L’autoportrait, Marseille.

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plique depuis trente ans : « Pousser les frontières et casser les préjugés ». Un projet à la fois éthique et esthétique donc, à l’œuvre aussi bien dans sa collaboration avec les élèves du Lycée Saint-Louis que dans cette double exposition. N’en déplaise aux puristes, les dernières peintures de Marie Ducaté, sur soie ou calque, ont l’apparence d’étoles ou de couvre-chefs ! Elle expose en effet à L’autoportrait de drôles de sculptures « de calque peint, plié et froissé en relation avec la tête, le chapeau, le ruban, l’accessoire, le cheveu, en hommage à ma mère qui était toujours bien coiffée et portait d’adorables bibis ». Dans ce salon, ouvert depuis trois ans, Ève Renoult et Balthazar Daninos, respectivement coiffeuse et metteur en scène de théâtre d’objet, invitent régulièrement des artistes à « composer leur autoportrait » : « On choisit souvent des artistes au parcours atypique, ils ont carte blanche et nous nous adaptons à leur dispositif. » Avec cette

COMME PICASSO, MARIE DUCATÉ NE MÉPRISE PAS LES TECHNIQUES DITES ARTISANALES, ELLE S’EN EMPARE ! chevelure en calque multicolore installée dans la vitrine, ces chapeaux-sculptures en forme de bouquet de sucettes, toque ou couronne, Marie Ducaté livre un autoportrait sensible et féminin, féministe aussi. « Ma mère m’a appris le raffinement. Quand elle allait à des mariages, elle portait des chapeaux extraordinaires, jamais vulgaires. En fabriquant ces chapeaux insensés, je pensais aussi aux Anglaises qui assistent aux courses à Ascot, leur originalité… », dit-elle. Et de s’émerveiller de la capacité des femmes à « repousser depuis toujours les limites du convenable », à introduire de la fantaisie dans l’image que leur impose la société. Un art contemporain solidaire des pratiques artisanales et populaires, s’inscrivant avec humour et modestie dans un héritage féminin, quoi de plus subversif ?

Le Bien-aller Jusqu’au 30 juillet. Art-cade, 35 bis, rue de la Bibliothèque, Marseille, 1er. 04 91 47 87 92. Entrée libre. www.art-cade.org Sur la tête de ma mère Jusqu’au 30 septembre. L’autoportrait, 66, rue des Trois Frères Barthélémy, Marseille, 6e. 04 91 63 20 43. Entrée libre. www.facebook.com/LAUTOPORTRAIT-470353556357732

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FRANÇOISE PÉTROVITCH, LE RETOUR À LA PEINTURE Au FRAC, mais aussi au château de Tarascon et à l’Espace pour l’art d’Arles, Françoise Pétrovitch expose des travaux récents : une majorité de grands formats, qui placent la peinture au centre de ses préoccupations. Par Emmanuelle Gall

S'

RENOMMÉE JUSQU’ICI POUR SES DESSINS ET SES CÉRAMIQUES AUX FORMATS MODESTES, FRANÇOISE PÉTROVITCH VOIT APPAREMMENT LA PEINTURE EN GRAND.

absenter : le titre que Françoise Pétrovitch a choisi de donner à son exposition au FRAC résonne curieusement quand on sait que, depuis quelques années, la carrière de l’artiste connaît une ascension certaine. Régulièrement exposée, présente dans de grandes collections publiques et privées, elle est – à cinquante-deux ans – largement reconnue, comme le confirme d’ailleurs la triple exposition qui lui est aujourd’hui consacrée dans la région. Que signifie donc, pour l’artiste, « s’absenter » ? À l’entendre, c’est une référence à l’attitude de ses personnages, qui semblent « se retirer », autant qu’aux « réserves, manques et blancs » dans ses toiles et dessins. Elle reconnaît par ailleurs que cette exposition marque son retour à la peinture, mais il est difficile d’en savoir plus. Françoise Pétrovitch n’est pas loquace, ses œuvres non plus. Nancy Houston, en 2013, n’écrivait pas autre chose : « De ma vie, je crois, je n’ai jamais entendu un tel silence émaner de l’œuvre d’un peintre. Silence proprement sidéral… » Et l’on a envie d’ajouter aujourd’hui : d’autant plus sidéral – et sidérant – que les formats de ses œuvres se développent. Au FRAC, le visiteur est accueilli, à sa descente de l’es-

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calier, par quatre lavis d’encre sur papier de 2,5 mètres de long de la série Étendu (2015-2016). Sur chacun d’eux figure un oiseau en vol, comme suspendu, au-dessus d’un corps allongé, de jeune homme ou femme, peint avec précision et réalisme sur un fond quasi monochrome. Des gisants ? Des adolescents endormis ? En train de rêver ? L’un des oiseaux fait exception, couché aux côtés d’une fille. Mort lui aussi ? Si les séries baptisées Nocturne et Les Oublis reviennent à des formats plus classiques, les grands portraits à l’huile sans tire ou issus de la série Verdure, exposés au FRAC et au château de Tarascon, mesurent jusqu’à trois mètres de long ou de haut. Ils ne sont pas plus « parlants » : le cadrage adopté par l’artiste prive la plupart des modèles du haut de leur visage et/ou de leur regard. L’Espace pour l’art, de son côté, présente deux Îles (2015


© A. Mole

Françoise Pétrovitch, De la série Étendu, 2016. Lavis d’encre sur papier, 160 x 240 cm. Courtesy Semiose galerie, Paris.

et 2016) : deux grands lavis dont le format et la technique rappellent les pièces du FRAC (où se trouve d’ailleurs une troisième Île). Renommée jusqu’ici pour ses dessins et ses céramiques aux formats modestes, Françoise Pétrovitch voit apparemment la peinture en grand. Les enfants qui peuplaient son univers ont, eux aussi, grandi. L’inquiétante étrangeté présente dans ses dessins et plus particulièrement dans ses vidéos, jouant sur la possibilité – sans cesse démentie – d’une narration, fait place à la toutepuissance de la forme, du médium et de la technique. La peinture ou l’encre s’expose en tant que telle : substance se diluant au contact de l’eau, matière, par contraste avec le papier ou la toile vierge. En choisissant de peindre – en grand – des adolescents, êtres en mutation et en devenir, Françoise Pétrovitch n’évoque-t-elle pas sa propre évolution ou son intention de quitter le monde de l’enfance auquel elle a longtemps été associée ? Une manière aussi, peut-être, de « s’absenter ».

S’absenter Jusqu’au 30 octobre. FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, 20, boulevard de Dunkerque, Marseille, 2e. 04 91 91 27 55. 2,5-5 €. www.fracpaca.org Verdures Jusqu’au 30 octobre. Château de Tarascon Centre d’art René d’Anjou, Boulevard du roi René, Tarascon. 04 90 91 01 93. 3,5-7,5 €. www.chateau.tarascon.fr Iles Jusqu’au 6 août. Galerie Espace pour l’art, 5, rue Réattu, Arles. 04 90 97 23 95. Entrée libre. www.espacepour lart.com

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PORTFOLIO

Images-Valises

IMAGES-VALISES ET CAHIER DE VACANCES Texte : Emmanuelle Gall

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n connaissait les mots-valises, ces néologismes nés du télescopage de deux mots dans l’imaginaire fertile de Lewis Caroll. Fotokino invente les Images-Valises : un concept d’exposition itinérante, destiné aux écoles, médiathèques, centres sociaux et autres collectivités désireuses d’amener les enfants à l’art et la lecture. « Nous avons surtout pensé aux structures qui n’ont pas les moyens ou l’habitude de monter des expositions », précise Vincent Tuset-Anres, le fondateur et directeur de l’association. Depuis le mois de février dernier, les « valises » (financées par la DRAC) ont commencé à circuler dans la région, transportant leurs lots d’images, de livres illustrés et de « cahiers d’atelier ». Dans les premières, on trouve une sélection de 24 images au format A3 « figuratives ou abstraites, pétantes ou monochromes, imprimées selon divers modes d’impression... elles reflètent une diversité propre aux pratiques artistiques d’aujourd’hui ». Mais également « l’esprit Fotokino » : une curiosité et une sensibilité pour les jeunes illustrateurs et graphistes, que l’on retrouve dans les expositions du Studio. Trois autres valises contiennent une centaine de livres : pour faire plus ample connaissance avec les auteurs des images ou découvrir, par exemple, les éditions jeunesse du monde arabe. Enfin, les cahiers proposent des jeux et/ou des ateliers, l’autre grande spécialité de Fotokino. Avis aux amateurs !

Fotokino 33, allées Léon Gambetta, Marseille, 1er. 09 81 65 26 44. Entrée libre.

WWW.

fotokino.org

Blexbolex, Sans titre, tirage offset, 2009

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Prudence Dudan, Série « en voyage », impression offset, 2015


Kitty Crowther, I Think you are Wonderfull, risographie, 2013


Aline Ahond, Le manège, tirage offset, 2010


Atak, Sans titre, risographie, 2013


Hannah Waldron, série « Overground Zoo », risographie, 2014







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P.88 ENFANTS P.84 EXPOS P.80 MUSIQUES P.76 SCÈNES P.74 L'ÉVÉNEMENT

CU LTU RE L

© Moises Fernandez

AGENDA

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CINQ CONTINENTS, DES VOYAGES ET UN HOMMAGE Après avoir changé de nom en 2015, le festival Marseille Jazz des cinq continents poursuit sa mue, à l’occasion de cette 17e édition, après la disparition de son directeur artistique Bernard Souroque et l’arrivée de Stéphane Kochoyan, au printemps. Texte : Cédric Coppola

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près avoir officié pendant cinq ans à la tête d’un autre « poids lourd » de la discipline, le festival de Vienne, Stéphane Kochoyan a débarqué en mars à Marseille. « Il y a aura des changements c’est certain… Mais cela ne concerne pas la programmation de cette année. Bernard Souroque avait déjà implanté les grandes lignes de cette édition. Nous sommes donc dans une forme de continuité », souligne le coordinateur Hugues Kieffer, peu enclin à se projeter dans un futur proche ni à aborder, lorsqu’on lui pose la question, ce délicat passage de relais. Vu les circonstances, il s’agit pour l’équipe d’opérer une transition en douceur et de continuer à fidéliser son auditoire. Aujourd’hui, le MJ5C réunit quelque 30 000 mélomanes pendant sa quinzaine et trouve un équilibre (50/50) entre les subventions publiques et privées (mécénat et billetterie). Des statistiques à maintenir. En toute logique, une soirée agrémentée de surprises rendra hommage à Bernard Souroque, brillant créateur d’événements, qui était également en charge de la soirée inaugurale de Marseille-Provence 2013. Le parc Longchamp accueillera à cette occasion un habitué « et ami de Bernard Souroque, qui l’avait repéré à ses débuts » : un certain Ibrahim Maalouf. Le trompettiste libanais mettra à l’honneur les femmes dans un concert à forte teneur émotionnelle. Du jazz festif comme le seront sans aucun doute, les jours suivants, animés par les venues de têtes d’affiche telles St Germain, Seal et Jamie Cullum. Du jazz blues ou du jazz pop… Peu importe Le MJ5C, aime attirer un large public en lorgnant vers d’autres styles musicaux. Un choix qui, selon les cas, s’avère payant (Nils Rodgers en 2013) ou totalement inopportun (Charlie Winston en 2015 ou pire Joe Satriani l’année précédente). À double tranchant, donc.

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« NOUS ESSAYONS DE GREFFER À CHAQUE LIEU UNE PROGRAMMATION ADAPTÉE. LE THÉÂTRE ANTIQUE DE MALMOUSQUE A UNE CONFIGURATION INTIMISTE, PROPICE À DES SHOWS SUAVES ET AUX DÉCOUVERTES. » Mais avant d’envahir le Palais, le festival retournera, après son coup d’essai de l’an dernier, au théâtre Silvain et au Mucem. Il investira aussi, pour la première fois, à l’occasion de sa traditionnelle soirée d’ouverture gratuite, le toit-terrasse de la Friche la Belle de Mai. « Nous essayons de greffer à chaque lieu une programmation adaptée. Le théâtre antique de Malmousque a une configuration intimiste, propice à des shows suaves et aux découvertes. C’est ici que nous dévoilerons une création autour du jazz européen, menée par le contrebassiste suédois Lars Danielsson », précise Hugues Kieffer. Mêmes mots doux à l’égard du musée national : « un site merveilleux, propre à l’écoute et à la déambulation », et de la Friche : « symbole d’éclectisme culturel ». De quoi brasser du Nord au Sud, en n’oubliant pas de proposer des rendez-vous annexes : expositions, rencontres ou brunch. Classique, mais efficace. Marseille Jazz des cinq continents Du 20 au 29 juillet. Friche Belle de Mai, théâtre Silvain, Mucem et Palais Longchamp, Marseille. 04 95 09 32 57. 15-43 euros. www.marseillejazz.com


© Denis Rouvre

L'ÉVÉNEMENT 8e art magazine • été 2016

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© Laurencine Lot

SORTIR

SCÈNES

AVIGNON, LE IN DU OFF

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L’été dernier, la journaliste Fabienne Darge écrivait dans Le Monde, sans second degré : « Le “off” n’est plus depuis longtemps le lieu des vraies découvertes. (…) Aujourd’hui, quand un jeune talent apparaît en France, voire en Europe, il est immédiatement repéré par l’institution ». Autrement dit si tu n’es pas au “in”, c’est que tu as raté ta vie théâtrale ! Certes, avec ses 1092 compagnies, jouant 1416 spectacles cette année, contre 40 dans les années soixante-dix, le Off n’est plus ce qu’il était, ma bonne dame ! Mais, n’en déplaise aux gardiens du temple, trop occupés à jouer les physionomistes à l’entrée, parmi le foisonnement de propositions, on trouve nombre de spectacles formidables boudés par « l’institution ». Pour preuve, trois propositions d’œuvres aussi singulières que réussies dans trois genres différents. La Reine de beauté de Leenane est un thriller psychologique à l’humour noir autour d’une relation mère-fille délétère, mis en scène par Sophie Parel et écrit par Martin McDonagh, l’auteur-réalisateur, du film Bons baisers de Bruges. Ça n’arrive pas qu’aux autres de Benoît Moret et Nicolas Martinez, relate un faux fait-divers autour d’une visite immobilière qui dérape sérieusement, entraînant le spectateur dans des situations aussi déjantées et drôles

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que cauchemardesques. Enfin, dans une veine plus poétique, avec ses superbes décors stylisés sur le modèle du papier découpé, il faut voir La Femme oiseau d’Alain Batis, histoire d’amour, sur la fragilité et la corruption de l’âme humaine, inspirée du conte japonais La Femme Grue. O.L. La reine de Beauté de Leenane Jusqu’au 30 juillet, 21h15. Théâtre des Corps Saints, place des Corps Saints, Avignon. 04 90 16 07 50. 12-20 €. Ça n’arrive pas qu’aux autres Jusqu’au 30 juillet, 17h40. Théâtre des Béliers, 53, rue du Portail Magnanen, Avignon. 04 90 82 21 07. 15,5-22 €. La Femme oiseau Jusqu’au 30 juillet, 16h05. Le nouveau Ring, impasse Trial, Avignon. 06 58 21 34 36. 7-15 €. www.avignonleoff.com


© Moises Fernandez

© Laurent Philippe

SCÈNES

BENJAMIN MILLEPIED Châteauvallon a l'excellente idée d'invité Benjamin Millepied, l'une des plus grandes étoiles de la galaxie artistique. Ce prodige a notamment été directeur de la danse à l’Opéra National de Paris et il est intervenu, en tant que chorégraphe et conseiller, pour le film Black Swan (couronné par un Oscar), réalisé par Darren Aronofsky. Par ailleurs, il dirige, à Los Angeles, le L.A. Dance Project et, au sein de ce collectif, il multiplie les collaborations avec des artistes emblématiques. C'est à ce titre qu'il proposera un programme, tout en contraste, associant

sa dernière création (Hearts and Arrows) et deux œuvres de Justin Peck (Murder ballades) et de Sidi Larbi Cherkaoui (Harbor Me). Ce spectacle, comme un ample mouvement (d'une heure trente), embrasse la lumière et l'ombre. Avec, en prime, la promesse que les danseurs, tour à tour dans la retenue ou dans l'excès, tels des solistes intégrés à l'orchestre du monde, jouent à merveille leur partition. Le L.A. Dance Project réconcilie la virtuosité classique et l'urgence contemporaine. F.K.

Les 22 et 23 juillet, 22h, Châteauvallon, 795, chemin de Châteauvallon, Ollioules. 04 94 22 02 02. 8-27 €. www.chateauvallon.com

LES NUITS FLAMENCAS Cet art ne tolère pas la tiédeur et la demi-mesure. Alors, deux nuits durant, dans les arènes de Chateauvallon, en route pour la joie la plus débridée et les peines les plus terribles ! Les émotions extrêmes du flamenco prendront possession du corps de Joaquin Grilo, danseur soliste d'exception. Elles fourniront l'essence d'un voyage à mille à l'heure dans l'imagination débridée de José Maldonado (qui pour l'occasion sera entouré d'Antonio Canales et de Carmen Angulo). F.K. Les 29 et 30 juillet, 22h. Châteauvallon, 795, chemin de Châteauvallon, Ollioules. 04 94 22 02 02. 8-27 €. www.chateauvallon.com

© Koen Broos

BABEL 7.16 Voici l'un des temps forts du festival d'Avignon. Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet investissent la cour d'honneur du Palais des Papes avec un spectacle inspiré d'un des plus célèbres épisodes de la Bible. La ville et la tour de Babel symbolisent la dispersion de l'humanité et la difficile, sinon impossible, communication entre les êtres. Par la danse, les deux chorégraphes dressent des ponts au-dessus du chaos. Plus de vingt interprètes évoluent l'un pour l'autre dans un jeu tout en nuance, si loin des appartenances exclusives. « On peut mentir avec les mots, mais pas avec les gestes ». F.K. Du 20 au 23 juillet, 22h. Palais des Papes, Place du Palais, Avignon. 04 90 14 14 14. 10-38 €. www.festival-avignon.com

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SORTIR

SCÈNES

CINÉ PLEIN-AIR Depuis vingt-et-un étés, l’association Tilt nous invite à profiter du cinéma sous les étoiles de Marseille. L’esprit de la programmation n’a pas changé : à la fois exigeant et convivial, mêlant films du répertoire, d’auteur, grand public, et cinéma du monde. Cette année, presque autant de films que d’années avec 22 œuvres projetées dans une dizaine de lieux patrimoniaux et emblématiques de Marseille. Ainsi, place du refuge, on pourra philosopher sur la fin du monde avec le remarquable, Les Combattants de Thomas Cailley, perdre ses repères

spatiaux au Frioul avec Gravity d’Alfonso Cuaron, ou encore être fasciné par la folie des hommes, au fort Saint-Nicolas avec le classique et délirant Fitzcarraldo de Werner Herzog. La famille et les enfants ne sont pas en reste et pourront s’émerveiller devant le poétique Max et les Maximonstres de Spike Jonze, La Prophétie des grenouilles de JacquesRemy Girerd, ou les deux gros succès de l’animation de 2015 que sont La Grande aventure Lego de Phil Lord et Christopher Miller et Le Petit prince de Mark Osborne. O.L.

Décidément, le toit-terrasse de la Friche est accueillant ! Tous les dimanches soirs d’été, depuis cinq ans maintenant, il se transforme en cinéma de plein air. La nouveauté, cette année, vient de la programmation, concoctée par le Gyptis et son club de programmation, autour d’une thématique unique : « Parlons-nous la même langue ? » À l’affiche : Paprika du japonais Satoshi Kon, Wadja de la Saoudienne Haïffa Al Mansour, Mother du Coréen Bong Joon-Ho, Ridicule de Patrice Leconte ou encore Une Vie difficile de l’italien Dino Risi. Pas de blockbusters donc, mais une programmation exigeante, projetée dans un lieu magique. En plus, coussins et transats, bar et restauration sont prévus sur place. O.L. Jusqu’au 28 aout, nuit tombée. Friche la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 95. Entrée libre. www.lafriche.org

Jusqu’au 9 septembre. Divers lieux à Marseille. Renseignements : Association Tilt 04 91 91 07 99. Entrée libre. www.cinetilt.org

SÉANCES DE RATTRAPAGE Au mois d’août, les rares cinémas d’arts et essais de la ville prennent leurs congés estivaux. Le Mucem propose aux cinéphiles désœuvrés de se réconforter dans son auditorium pour ses séances de rattrapages. En tout, 15 séances, pour 15 longsmétrages, de 15 nationalités différentes, sortis en 2015 et 2016. Une programmation de films internationaux, en version originale, souvent inédits à Marseille, tels que l’angoissant thriller L’Étage du dessous de Radu Muntean, le surréaliste Dieu, ma mère et moi de Federico Veiroj, ou encore Midnight special de Jeff Nichols : une plongée dans le monde des sectes américaines. O.L. DR

Du 3 au 21 août, 15h et 18h. Mucem, auditorium Germaine Tillion, 1, esplanade du J4, Marseille, 2e. 04 84 35 13 13. 4-6 €. www.mucem.org

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DR

© Potemkine films

BELLE & TOILE


DR

SCÈNES

INSTANTS D’ÉTÉ

Le cinéma en extérieur s’épanouit aussi à Aix-en-Provence, le dimanche, dans divers parcs et jardins. Sans sacrifier la qualité, la programmation volontairement familiale et grand public propose des classiques et des films primés. Cet été, seront ainsi projetés, le 24 juillet, Avanti ! de Billy Wilder (jardin du Pavillon Vendôme), le 31 juillet, Le Hussard sur le toit de Jean-Paul Rappeneau, tourné à Aix en 1994 (Bastide du Jas de Bouffan), le 14 août, la comédie musicale romantique bollywoodienne Jusqu’à mon dernier souffle de Yash Chopra (Théâtre de Verdure). Le jeune public devrait aimer le superbe film d’animation Le Chant de la mer de Tomm Moore le 21 août (promenade de la Torse). Pour clôturer la saison, le 28 aout, retour au Pavillon Vendôme pour le cultissime The Big Lebowski des frères Coen. En partenariat avec le Festival Tous Courts, une soirée spéciale consacrée aux courts métrages est prévue le 7 août au parc Rambot. Chaises longues, plaids et paniers de pique-niques sont vivement conseillés ! O.L. Jusqu’au 28 aout, nuit tombante. Divers lieux, Aix. 04 42 91 99 19. Entrée libre. www.aixenprovence.fr

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MUSIQUES

© Laurent Sabathé

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LE FESTIVAL DE MARTIGUES Comme chaque année depuis vingt-huit ans à Martigues, musiques, chants et danses dits « du monde », vont trouver, durant une semaine, un espace d’expression unique et une relation de proximité rare avec le public et les habitants de la ville. Se produisant dans plusieurs lieux (la scène principale flottante construite sur le canal Saint-Sébastien, le village du festival dans les jardins de Ferrières, la place Mirabeau, la chapelle de l’Annonciade, l’amphithéâtre du Conservatoire Picasso…), près de cinq cents artistes de toute la planète se retrouvent au cœur de la « Venise provençale », invités chez les habitants. La programmation très riche et diversifiée réserve quelques temps forts avec le magnifique trompettiste Dale Blade, originaire du célèbre quartier de Treme à la NouvelleOrléans, qui sera accompagné de la chorale du Gospel Life Rejoice ; ou encore avec le flamenco sensuel du Ballet de Madrid – Enclave Español, mélange de tradition et de création contemporaine. La Provence et sa tradition sont

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représentées par la compagnie La Capouliero, fondatrice du festival en 1989 (tout un symbole), mais on pourra aussi se laissé envoûter, entre autres, par des spectacles venus d’Afrique du Sud (Ubuhle Be Afrika), de Biélorussie (Radost), de Thaïlande (Chanthaburi), ou, pour la première fois au festival, des Îles Fidji (Vou Dance Company). À notre époque paradoxale de replis communautaires et de village global, ce festival promeut l’idée sympathique d’une culture régionale comme patrimoine mondial. O.L.

Du 24 au 31 juillet. Divers lieux à Martigues, 04 42 49 48 48. 5-30 € www.festival-martigues.fr


© Thierry Cohen

MUSIQUES

DR

CONCERT POUR 8 PIANISTES

LAWRENCE FOSTER Directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Marseille depuis 2012, Lawrence Foster aime se distinguer par le caractère diversifié des œuvres qu’il fait voyager à l’international. Il a, par exemple, permis l’an dernier à l’ensemble phocéen de quitter pour la première fois l’Europe pour aller se produire en Chine. Dans cette optique, la venue du natif de Los Angeles au parc du château de Florans emmènera les festivaliers de la Russie romantique aux États-Unis du début du XXe siècle. Du Concerto pour piano et orchestre n° 1

en si bémol mineur opus 23 du maître Tchaïkovsky au dansant Un Américain à Paris, signé George Gershwin, immortalisé par les pas de Gene Kelly dans le film éponyme, le moment risque d’être marqué par la grâce. Entre ces deux œuvres majeures, la formation, accompagnée du petit pianiste prodige français David Kadouch, jouera un ballet : Rodéo d’Aaron Coplan. Artiste toujours inspiré lorsqu’il s’agissait de représenter, à travers ses notes, les étendues du grand Ouest. Dépaysement assuré. C.C.

Le 5 août, 21h. Parc du château de Florans, Avenue du Parc, La Roque d’Anthéron. 04 42 50 51 15. 26-55 €. www.festival-piano.com

Si le centre névralgique du festival international de piano de La Roque d’Antheron reste depuis trente-huit ans le parc du château de Florans, quelques soirées s’exportent dans d’autres lieux magiques de la région : Carrières de Rognes, Abbaye de Silvacane, Musée Granet… Ainsi, le théâtre Silvain accueille un « concert événement » pour lequel des œuvres de Mozart, Bach, Beethoven, Brahms, Malher et Ravel ont été arrangées pour 4 pianos et 8 pianistes : Claire Désert, Emmanuel Strosser, Marie-Josèphe Jude, Jean-François Heisser, Lidija et Sanja Bizjak, Hervé Billaut et David Bismuth. 16 mains de maîtres jouant, de concert, quelques chefs-d’œuvre du répertoire, sous les étoiles. O.L. Le 27 juillet, 21h. Théâtre Silvain, Chemin du pont de la fausse monnaie, Corniche J.F. Kennedy, Marseille, 7e. 04 42 50 51 15. 16 €-20 €. www.festival-piano.com

© Franck Loriou

ARMAN MÉLIÈS Il fait partie de ces artistes atypiques, à la fois contemporains et intemporels. Lui, c’est Arman Méliès. Connu pour avoir signé plusieurs compositions sur le magnifique Bleu pétrole du regretté Alain Bashung, l’homme au look branché, dont le pseudonyme fait référence au prestigieux George, hypnotise lors de ses créations personnelles. Capable de transformer les Amoureux solitaires ringards de Lio en mélodie hype, ou de flinguer au second degré toute la fine fleur de la nouvelle scène dans Son Plus bel incendie, son talent déroute. Univers singulier à découvrir en première partie de Louise Attaque, combo reformé sur l’initiative de Gaëtan Roussel. Dur d’imaginer plus alléchant programme de chansons françaises. C.C. Le 24 juillet, 21h. Les Escales du Cargo, Théâtre antique, boulevard des Lices, Arles. 04 90 49 55 99. 35-40 euros, www.escales-cargo.com

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MUSIQUES

LE ROOFTOP R2

Depuis trois ans, l’ouverture des Terrasses du Port a ajouté, avec le Rooftop, un nouvel espace de concerts estivaux à Marseille. Avec sa capacité d’accueil de 1500 personnes, ses quatre « barscontainers » et sa vue à 360° s’ouvrant, d’un côté, sur l’horizon maritime, avec au loin les îles du Frioul et le château d’If et, de l’autre, les anciens docks, le site est exceptionnel. La programmation résolument électronique, à destination des danseurs, avec pas moins de trois à quatre concerts par semaine, affiche

quelques rendez-vous prometteurs : une performance de Jeff Mills, musicien, vidéaste, VJ et pionnier historique de la musique techno de Détroit (ville de naissance du mouvement) ; une prestation du duo de DJs électro-dance autrichiens Klangkarussell (Tobias Rieser et Adrian Held), accumulant depuis leur création en 2011 succès critique et public ; ou un set du parisien Kavinsky, consacré star planétaire de l’électro typé eighties, depuis la sortie du film Drive dont il a signé l’hypnotique bande son. O.L.

OH MON BATEAU ! Concept de soirée sur mer initié à l’été 2009, Les apéros du bateau sont devenus un rendez-vous incontournable des fêtards estivaux. L’Ilienne embarque joyeusement, chaque dimanche à 19 heures, jusqu’à 250 passagers, pour des concerts ou des mixes de DJ en live, lors d’une virée en mer dont la destination est laissée au choix et à l’humeur du capitaine. Sur le pont, les passagers sont accueillis avec des cocktails et des tapas, et peuvent s’exprimer sur les deux dancefloors extérieurs, pendant que le soleil se couche sur la rade de Marseille. Au programme, cet été, parmi de nombreuses propositions : l’électro house de Paradis DJ Set, ou de Kazy Lambist (lauréat inrocks lab 2015), le rap énergique et ludique de Dizraeli & Downlow, ou encore les scratchs délirants du champion du monde 2015 de la discipline, DJ Skillz. Au vu du succès, réservation obligatoire pour monter à bord. O.L. Jusqu’au 28 août, 19h-22h30. Rdv angle quai du port/quai des Belges (devant la Samaritaine), Marseille 1er. 19,50 € www.borderliner.fr

Les 29 juillet, 10 et 17 août. R2, 9, quai du Lazaret, Marseille, 2e. 04 91 91 79 39. 17-27 €. www.airdemarseille.com

LE BEL ÉTÉ

© Caroline Dutrey

Pour sa 4e édition, le festival a repris ses quartiers sur le toit-terrasse de la Friche. Une programmation tous publics mêlant exposition, sets de DJ électro, concerts live, activités sportives, projections de films, danse. Treize programmateurs extérieurs (tels Africa Fête, le festival Les Suds d’Arles, le festival d’art lyrique d’Aix, Marsatac, le Ballet National de Marseille…) et une cinquantaine d’artistes d’ici (Papa Stomp, DJ Vas, Claude…) ou d’ailleurs (Mehmet Alsan, Moxie, Baba Stiltz …), vont se passer le relais, chaque samedi. Familial en première partie de soirée et plus festif en seconde, petits comme grands noctambules s’y retrouvent le temps d’un coucher de soleil – ou plus, si affinités musicales. O.L. Jusqu’au 27 août. Friche la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 95. Entrée libre. www.lafriche.org

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© Borderliner

© airdemarseille.com

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© Didier D Daarwin

© Magdalena Lawniczak

MUSIQUES

PETIT BISCUIT

Dans le désert du mois d’août, le Dock des Suds fait exception avec la 5e édition du Positiv festival, réunissant une quarantaine d’artistes sur quatre scènes pendant deux jours. Jeune prodige – il n’est pas encore majeur – de la scène électro française, le Rouennais Mehdi Benjelloun aka Petit Biscuit se plaît à envoûter les clubbers par des tempos lancinants. Doux trips entre Jungle et Oceans, qui aiment partir en live et s’envoler vers une Full Moon expérimentale. Le résultat ? Une bouffée d’air frais où les machines se mêlent aux instruments, le temps de morceaux influencés par les musiques du monde. De quoi, après avoir conquis la toile, enflammer la scène ! Sa prestation, couronnée d’applaudissements au dernier printemps de Bourges, en atteste. C.C. Le 14 août. Dock des Suds, 14, rue Urbain V, Marseille 2e. 04 91 99 00 00. 29 € www.positivfestival.com

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© Alfred Seiland

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EXPOS

LES RENCONTRES DU « GRAND ARLES »

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Fort d’un premier bilan positif, avec une fréquentation en hausse de 12 % en 2015, le nouveau directeur des Rencontres photographiques d’Arles, Sam Stourdzé, poursuit sa politique de développement de la manifestation. Huit nouveaux lieux sont ainsi associés à cette 47e édition, à Arles, mais aussi à Avignon, Nîmes et Marseille. Après le site des anciennes papeteries Étienne l’année dernière, les Rencontres investissent cet été une nouvelle friche industrielle dans le quartier de la gare, baptisée Ground Control, avec deux expositions collectives (Phenomena, réalités extra-terrestres et Tear my bra, dédiée à l’industrie florissante du cinéma nigérian, Nollywood) et un bar éphémère. L’ancien collège Mistral devient le siège de la deuxième édition du Cosmos-Arles Books (salon consacré aux nouvelles pratiques éditoriales) et le palais de Luppé, qui abritait la première fondation Van Gogh, accueille le programme Olympus. Plus étonnant : le Carré d’Art, la

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fondation Yvon Lambert et la Villa Méditerranée s’associent également à la manifestation. Le premier propose Dominique Lambert, une exposition de la photographe Stéphanie Solinas, également présente au cloître SaintTrophime avec une série de photographies réalisées dans l’ancienne halle Lustucru, construite à Arles à l’occasion de l’exposition coloniale de 1906. Yvon Lambert reçoit Andres Serrano, un de ses artistes fétiches, et ses travaux récents autour de la torture. Enfin, à Marseille, la Villa Méditerranée présente un projet du photographe autrichien Alfred Seiland, Imperium romanum : tour d’horizon des vestiges romains dans l’Europe du XXIe siècle. E.G. Jusqu’au 25 septembre. Divers lieux à Arles, Avignon, Nîmes et Marseille. 04 90 96 76 06. 4,5-18 € . www.rencontres-arles.com


© Olivier Amsellem - CMN

© Gabriel Orozco

EXPOS

LES POSSÉDÉS – CHAPÎTRE 2

LA RÈGLE ET L’INTUITION Après l’univers baroque et coloré de Christian Lacroix en 2013, l’abbaye de Montmajour accueille une proposition du très discret peintre marseillais Gérard Traquandi. « Organiser une exposition d’œuvres de nos contemporains à Montmajour, c’est chercher à entrer en résonance avec le sentiment que produit sur nous cet édifice : prendre conscience de la place que nous occupons tant dans l’espace que dans le temps, nous rendant à la fois humbles et responsables », explique-t-il. Pour « habiter » les lieux, il s’est entouré d’artistes qu’il qualifie

de « sobres » : Giovanni Anselmo, JeanPierre Bertrand, stanley brouwn, Helmut Federle, Hans Josephsohn et Bernd Lohaus. Il a également souhaité exposer des œuvres médiévales : un chapiteau sculpté, un Christ, une bible enluminée… « contemporains de l’abbaye au temps de son activité la plus intense ». Placée sous le signe de la rigueur et de l’exigence, l’exposition relève de l’expérience plus que du spectacle. Une invitation à la contemplation et au silence, loin des bruits de l’été. E.G.

Jusqu’au 18 septembre. Abbaye de Montmajour, Route de Fontvieille, Arles. 04 90 54 64 17. 6-7,5 €. www.abbaye-montmajour.fr

Deuxième volet d’un diptyque destiné à « révéler la place de première importance des collectionneurs de la région dans la vitalité de la création contemporaine française et internationale », l’exposition composée d’une centaine de pièces de 24 artistes contemporains occupe deux niveaux de la Tour et le Panorama de la Friche la Belle de Mai. Si l’absence de cartels et de logique apparente dans les différents accrochages (sinon le regroupement des œuvres par artiste au 4e étage) a de quoi laisser le visiteur perplexe et démuni, elle est compensée par la compétence et la bienveillance des médiateurs. Il ne faut surtout pas hésiter à les solliciter ou à s’inscrire à l’une des visites guidées organisées le week-end. S.P. Jusqu’au 31 juillet. Friche la Belle de Mai, 41, rue Jobin, Marseille, 3e. 04 95 04 95 95. 3-5 €. www.lafriche.org

Courtesy galerie Gourvenec Ogor

LE DESSOUS DES RÉCITS Les expositions estivales – toujours collectives – de la galerie Gourvenec Ogor sont souvent l’occasion de jolies surprises. Cette année, dans le cadre d’un échange avec la galerie Ambacher Contemporary de Munich, Sylvie Arlaud, Ernesto Cánovas, Tom Hackney, Armin Mühsam et Daniel Schüßler, cinq artistes aux pratiques très diverses se partagent les cimaises. De formats souvent modestes, les œuvres sélectionnées par Didier Gourvenec Ogor dans le fonds de son confrère invitent à ne pas se fier aux apparences et à traverser les miroirs – de l’histoire, des techniques et médiums, des images… Alors, on s’approche plus près et on écoute avec plaisir leurs histoires. S.P. Jusqu’au 31 juillet. Galerie Gourvenec Ogor, 7, rue Duverger, Marseille, 2e. 09 81 45 23 80. Entrée libre. www.galeriego.com

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EXPOS © André Morin

SORTIR

UN COIN DU MONDE

Chez les Incas, selon Anaïs Nin, on appelle « non-maison », ou nanankepichu, un jardin secret relié à une demeure par un passage souterrain. À Aix-enProvence, depuis 2007, il s’agit d’une maison de ville, transformée par Michèle Cohen en « micro centre d’art ». Loin de se réduire à une galerie, elle propose, en plus des expositions régulières, une École du Regard et une résidence de recherche. Cet été, la maîtresse des lieux invite une bonne trentaine d’artistes à « faire de cette maison où ils ont travaillé, une maison œuvre de la cave au grenier, tiroirs et placards y compris ! ». On y croise les fidèles Bernard Plossu, Sandra Ancelot, Patrick Sainton, mais aussi des amis de passage, plasticiens, écrivains, jeunes et moins jeunes, venus des quatre coins du monde. E.G.

À CIEL OUVERT

avoir fait visiter et découvrir ce toit-terrasse qu’il ne connaissait qu’en photo. » Impressionné, mais pas intimidé par l’architecture du Corbusier, Felice Varini a réalisé trois anamorphoses, réparties entre le toit-terrasse et l’intérieur du gymnase. Constituées de lignes et formes jaunes et/ou rouges, qui dialoguent avec le bleu du ciel et semblent se redessiner au gré des points de vue, elles font, selon les mots de leur créateur, « chanter l’architecture à la faveur de la peinture et vice versa. » S.P.

Jusqu’au 2 octobre. MAMO, Cité radieuse, 280, boulevard Michelet, Marseille, 8e. Chemin de la Thuilière et les aires Saint-Michel, Aubagne. 01 42 46 00 09. Entrée libre. www.mamo.fr

LEE UFAN © Lee Ufan - Jack Hems

Outre le centre d’art, réalisé par Tadao Ando, son exceptionnel parc de sculptures et d’architectures, le château La Coste a ouvert, l’été dernier, une galerie dans un ancien chai transformé par Jean-Michel Wilmotte. Après Sean Scully, le Coréen Lee Ufan l’investit cet été, dans le prolongement de l’œuvre qu’il a installé en 2014 dans le parc : House of Air. Peintre et sculpteur, l’artiste utilise le même matériau : la pierre, brute ou broyée et mélangée à l’acrylique avant d’être appliquée au moyen d’un large pinceau. Minimaliste, inscrite dans une réflexion philosophique et éthique sur le geste artistique, l’œuvre de Lee Ufan aspire à « diriger le regard des gens vers le vide et tourner leurs yeux vers le silence ». S.P. Jusqu’au 24 septembre. Château La Coste, 2750, route de la Cride, Le Puy Sainte-Réparade. 04 42 61 92 92. 5 €. www.chateau-la-coste.com

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© Bernard Plossu

À l’occasion de Marseille-Provence 2013, Felice Varini avait investi – et transfiguré – la vieille ville de Salon-de-Provence, avec un Double disque évidé par les toits. Cet été, il s’installe sur le toit de la Cité radieuse, à l’invitation d’Ora Ito. Après avoir confié les clés du MAMO à Xavier Veilhan, Daniel Buren puis Dan Graham, le designer a eu envie de travailler avec l’artiste franco-suisse, qu’il admire pour sa capacité à « pouvoir jouer, souligner et surligner aussi bien une architecture qu’une ville entière. L’espace est son support naturel, je suis très fier de lui

Jusqu’au 30 septembre. Non-Maison, 22, rue Pavillon, Aix-en-Provence. 07 61 67 32 86. Entrée libre. www.galerielanonmaison.com


© Jan Voss - Art absolument

EXPOS

© Didier D Daarwin

36/36 1936, le Front populaire, les congés payés… c’était il y a quatre-vingts ans. À l’heure de la « Loi travail », l’anniversaire mérite bien une célébration. Le principe de cette exposition itinérante est sympathique : inviter 36 artistes à réaliser une œuvre en relation avec 1936 sur une toile de tente reconditionnée. Parties de l’Assemblée nationale le 20 juin, les œuvres circuleront en France jusqu’au 10 septembre, jour de leur vente aux enchères à la Fête de l’Huma, pour permettre à des enfants de partir en vacances. Organisée par la Compagnie Internationale André Trigano et la revue Art absolument, dont le rédacteur en chef, Pas-

cal Amel, a sélectionné les artistes, l’expo 36/36 ne se réduit pas à ses bonnes intentions. Elle dresse un vaste panorama de la création contemporaine en France, faisant fi des chapelles et mêlant plusieurs générations de plasticiens : de la photographe marseillaise Marie Bovo au dessinateur Ernest Pignon-Ernest, du street artiste Jerk 45 aux peintres renommés Claude Viallat ou Jan Voss (cf. illustration). E.G. Du 26 août au 4 septembre. Chapelle des Pénitents bleus, Boulevard Anatole France, La Ciotat. 04 42 08 88 00. Entrée libre. www.36-36.artabsolument.com

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ENFANTS © F. Jonniaux CCIMP

SORTIR

LA NAISSANCE Créé en 2011 à Marseille et de retour dans la région après une longue tournée internationale, ce spectacle franco-taïwanais mêlant théâtre d’ombres, marionnettes et images rétroprojetées est le premier volet d’une trilogie baptisée Entre le repos et l’éveil. Autour de la question universelle « D’où venons-nous, qui sommes-nous, où allons-nous ? », la comédienne et dramaturge Jung-Shih Chou a créé un conte initiatique, à la croisée des mythologies asiatiques et occidentales. Qui a pondu l’œuf trouvé dans le ventre de la baleine ? En quête de ses parents, l’héroïne-marionnette embarque petits (à partir de 5 ans) et grands dans un voyage onirique, musical et poétique. E.G.

PARADE

Modestes voiliers de pêcheurs, massifs cargos porte-containers, trois-mâts du XVIIIe, galères du XVIIe, cuirassés militaires, paquebots transatlantiques, rafiots à vapeur… Tartane marseillaise en tête, une centaine de modèles réduits de bateaux – tous passés un jour par le port de Marseille – paradent sur une estrade-miroir d’une cinquantaine de mètres au Mucem. Quelques mythes : Le Normandie, La Marseillaise, La Calypso,

Le Surcouf… Tous racontent une histoire singulière, liée à leur modèle ou à l’origine de leur construction. Incitation à voyager dans le temps et dans l’enfance, le dispositif imaginé par l’artiste et scénographe marseillais Stéphan Muntaner, profitant d’un vaste espace de 800 m2, se joue des points de vue, des perspectives et des tailles de ces étranges objetsfétiches, témoins de notre technicité comme de nos rêves d’aventure. O.L.

© Georges Méliès - Collection cinémathèque française

Jusqu’au 24 octobre 2016. Mucem, 1, esplanade du J4, Marseille, 2e. 04 84 35 13 13. 5-9.50 €. www.mucem.org

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© Cie l'est et l'ouest

Jusqu’au 30 juillet, 14 h. Théâtre La condition des Soies, 13, rue de la Croix, Avignon. 04 32 74 16 49. 7-14 €. www.laconditiondessoies.com

GEORGES MÉLIES

Une bonne raison de se rendre cet été à la Cinémathèque Prosper Gnidzaz (du nom du généreux donateur d’une partie de sa collection) : la trentaine de photographies et de dessins prêtés par la Cinémathèque française présentant des tableaux du mythique Voyage dans la Lune de Georges Méliès. Chaque dessin préparatoire signé de l’artiste, montre que la créativité, la poésie, l’énergie et l’humour satirique sont déjà là. L’univers bricolé de Méliès s’accorde naturellement avec ce musée modeste, mais charmant qui nous invite à découvrir l'évolution technique du cinématographe, des premiers dispositifs d’images animées (kinétoscope, etc.) aux films numériques, et qui évoque ce lien fort de l’histoire de Martigues avec le septième art. O.L.

Jusqu’au 31 juillet. Cinémathèque Gnidzaz, 4, rue colonel Denfert, Martigues. 04 42 10 91 30. Entrée libre. www.cinemartigues.com


© Charles Fréger

© ADAGP, Paris 2016 - Gianfranco Iannuzzi - Erick Venturelli

ENFANTS

LES RENCONTRES EN FAMILLE

CHAGALL, SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ Comment faire aimer la peinture aux enfants ? Avec leur dispositif spectaculaire, les Carrières de Lumières ont le don de séduire toute la famille. Et le choix de Chagall, cette année, ne devrait pas démentir leur succès. Pour cette première monographie, on suit, en douze séquences, la progression de son cheminement artistique qui commence à Vitebsk, sa ville natale et le paradis de son enfance, qu’il a peint tout au long de sa vie. On poursuit cette biographie picturale avec une évocation des moments importants de sa vie (son amour

Bella, sa découverte de Paris, la guerre…), ses influences et inspirations (le monde du rêve, le fauvisme, le cubisme), ses multiples techniques (les vitraux, la mosaïque, la peinture, les collages, la gravure…), ses thèmes de prédilections (la poésie, la musique, la danse, la religion juive…). Une plongée au plus près du geste créateur de l’artiste. En bonus, cet été, neuf soirées proposent « L’intégrale des Carrières » : deux heures de projections consacrées aux saisons passées. O.L.

Jusqu’au 8 janvier. Carrières de Lumières, Route de Maillane, Les Baux-de-Provence. 04 90 54 47 37. 10-12 €. www.carrieres-lumieres.com

On connaît les stages photo des Rencontres d’Arles, moins la richesse de l'offre pédagogique associée à la manifestation. Les ateliers « jeune public » permettent aux parents de visiter tranquillement le parc des Ateliers pendant deux heures (14h30-16h30), tout en offrant à leurs enfants (de 6 à 12 ans) la possibilité de s’initier à la photo en compagnie d’un médiateur. À chaque jour de la semaine, sa thématique : le lundi, c’est prise de vue, le mardi, création visuelle, le mercredi, on réfléchit sur le sens des images… Le dimanche est consacré à l’exposition Yokainoshima de Charles Fréger, ses « spectres, monstres, ogres et farfadets » japonais. Après la visite, les enfants sont invités à mettre en scène puis à photographier leurs propres monstres. Réservation indispensable ! E. G. Jusqu’au 28 août. Atelier des Forges, Avenue Victor Hugo, Arles. 04 90 96 76 06. 13 €. www.rencontres-arles.com

© Acta Evreux

LES JEUX OLYMPIQUES D’ARELATE Chaque année, à la mi-août, Arles redevient Arelate la Romaine. Pour son dixième anniversaire, le festival éponyme a prévu notamment une cérémonie d’ouverture inédite, en l’honneur de l’empereur Hadrien, et une foule d’événements dans toute la ville. Le jardin Hortus du « musée bleu » propose des jeux olympiques, en partenariat avec la société de spectacles archéologiques Acta. Au programme : des ateliers d’initiation (au lancer du disque et du javelot, à la lutte…), des conférences très sérieuses, des démonstrations et reconstitutions, puis une journée de compétition ouverte à tous. Vae victis ! E.G. Du 19 au 24 août. Musée départemental Arles antique, Presqu’île du Cirque romain, Arles. 04 13 31 51 03. Entrée libre. www.arles-antique.cg13.fr 8e art magazine • été 2016

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LES

ADRESSES MARSEILLAISES

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CAFÉ - BRASSERIE

LE COLOMBIA

Après un un réaménagement complet , le Colombia vous accueille dans une ambiance cosi "bistrot ", que ce soit pour un café un déjeuner, une crêpe l'après midi ou un apéro endiablé, la nouvelle équipe se fera un plaisir de vous recevoir 7/7 ! Infos & Réservation : 04 91 22 55 74

572, rue paradis • 13008 Marseille

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BRASSERIE - RESTAURANT

OM CAFÉ

Située face au vieux port, la brasserie du port "OM café " vous accueille pour déguster une cuisine fraîche et raffinée. Si les spécialités méditerranéennes sont à l'honneur le chef vous propose également chaque jour des suggestions différentes. Restauration de 11h à 15h et de 19h à 22h30. Ouvert 7/7 de 7h à minuit. Infos & Réservation : 04 91 33 80 33 •25 quai des Belges - 13001 Marseille

brasserieomcafe@gmail.com • www.labrasserie-omcafe.fr

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BRASSERIE - RESTAURANT

LE DAVID

La situation de la célèbre brasserie Le David, à deux pas de la plage, est idéale. Dans l'assiette, le chef vous propose, pour commencer : terrine de foie gras, chutney de fruits exotiques et pain d'épice... Puis côté plat : suprême de poulet fermier au coulis d'écrevisses ou encore un plateau de coquillages. Mais Le David, ce n'est pas qu'un restaurant, vous pourrez également venir dans cette brasserie à toute heure de la journée pour vous déguster un cocktail, vue sur mer.

99 Promenade Georges Pompidou • 13008 Marseille 04 91 79 99 63

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RESTAURANT

LA MAISON DU CHÂTEAU

Pour les nostalgiques du Garde et de Tomé de la grande époque… Ne cherchez plus ! Courrez à la Maison du Château ! Au pied de la Sainte Victoire, une dépendance du Château de Châteauneuf le Rouge tient lieu de restaurant. Mobilier design et tomettes au sol, voilà une maison moderne chic et conviviale en pleine campagne aixoise. Un décor signé Anne-Karine Zapata… un petit paradis !

Montée de l'Église, 13790 Châteauneuf le Rouge Infos & Réservation 04 42 64 24 50 - www.lamaisonduchateau.fr

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RESTAURANT

ESPLAÏ DU GRAND BAR DES GOUDES

Ce restaurant propose des produits de la mer issus d'une pêche locale. Poissons grillés, bourride et bouillabaisse sont les spécialités de la maison. Une ambiance marseillaise où il fait bon vivre !

Infos & Réservation : 04 91 73 43 69 29 rue Désirée-Pellaprat - 13008 Marseille

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CHAMBRE D'HÔTES

LA CASA ORTEGA

Une chambre d'hôtes pas comme les autres, qui cultive le goût du détail et le sens de l'hospitalité. Idéalement située dans une petite rue face à la gare Saint-Charles de Marseille, cette confortable guest house propose un hébergement qui allie les services d'un hôtel au charme authentique d'une maison d'hôtes à l'ambiance internationale. Accueil attentif et déco stylée, découvrez cinq chambres d’hôtes lumineuses au mobilier XXe chiné au fil du temps. Le petit déjeuner vous fera re découvrir l’ odeur du pain grillé, le délice d’ un yaourt maison et la saveur d’un bon café. Infos & Réservation : 09 54 32 74 37

46, rue des petites Maries • 13001 Marseille • www.casa-ortega.fr

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BRASSERIE - RESTAURANT - GLACIER

NEW CAFÉ DE PARIS

Bénéficiant d'un emplacement idéal sur la jolie place Castellane, Le Café de Paris est une brasserie comme on les aime. Ici pas de chichis : des plats simples, un vaste choix et un service rapide. Une bonne cuisine s’appuyant sur les traditions culinaires provençales : tapas , hamburger maison, pavé de rumsteck ou tartare de saumon.

14, Place Castellane • 13006 Marseille 04 91 37 44 92

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