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édito
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AUTOMNE-HIVER 2014
Grand format
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Par Julie Bordenave & Michel Vino
enir compte des vents contraires, observer les fluctuations des marées, des leçons qui peuvent s’avérer utiles de nos jours. Intempéries hivernales ou pas, bonne nouvelle, le magazine que vous tenez entre vos mains poursuit l’aventure. Celle de vous tenir informés gratuitement en ce qui concerne l’architecture, le design et l’urbanisme de votre région ou de plus loin, avec la volonté, avant tout, de décrypter pour vous les prospectives et utopies dans ces domaines. Forts de nouvelles rubriques qui enrichissent notre sommaire, et de plumes alertes qui rejoignent notre équipe, nous avons arpenté des monuments locaux revisités, abordé dans la rue des artistes engagés dans l’urbain, et tenté de dénicher également une nouvelle tendance dans cette propension à emprunter à la nature ce qui se fait de mieux. Mais comme la vie, après tout, c’est également beaucoup de cinéma en général, nous sommes allés nous abriter aussi, en ces temps de frimas, dans les salles obscures pour un travelling sur le 7e art en grand format, à l’image de la taille XXL de votre free magazine Influences.
Rédacteurs en chef : Julie Bordenave - j.bordenave@8e-art-magazine.fr & Michel Vino - m.vino@8e-art-magazine.fr
Influences est une publication des Editions Bagatelle 1, rue Marengo 13006 Marseille Service commercial : 09 81 80 63 79 Directeur général : Nicolas Martin n.martin@8e-art-magazine.fr
Ont participé à ce numéro : Joël Assuied, Olivier Levallois, Laurent Petit et Olivier Pisella.
Directeur de la publication : Frédéric Guerini f.guerini@8e-art-magazine.fr
Conception graphique et direction artistique : Jonathan Azeroual - j.azeroual@8e-art-magazine.fr
Conception/Réalisation : ZAC St Martin - 23, rue Benjamin Franklin 84120 PERTUIS - Tél. 04 90 68 65 56 En couverture : Vue d’une terrasse privative de l’hôtel Intercontinental de Marseille
© Joël Assuied
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INFLUENCES 08 Vie, mort, résurrection 10 Voyage littéraire en gare du Sud 12 Du garage aux garage bands
14 L’Hôpital Caroline retrouve meilleure forme 16 Under the dome
18 Street style 20 Les villes sur le divan
21 L’avenir est-il encore possible ? 25 La ville “do it yourself”
28 Le collectif Etc s’invite à Marseille
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30 Tendance
40 Laisser tourner
32 Le biomimétisme refleurit
42 Cinémarseille
36 La canopée à son apogée 38 Into the wild
46 Le Gyptis renoue avec le ciné 48 La région comme décor 52 Pathé de Campagne
lire 54 A lire au coin du feu
portfolio
58 Palace avec vues
utopie
70 Architecture interstitielle militante
Patrimoine
72 Marseille en 300 édifices
73 Balade architecturale en bus 75 Cahier Immo
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INFLUENCE
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Renouer avec le passé
pour construire
L’AVENIR
© Joël Assuied
De gare en ex-garage, du Frioul jusqu’à Port-La-Galère, de maisons-bulles cultes en médiathèque multimédia, au son du rock, quelques monuments revisités et toujours à (re)découvrir. Suivez le guide.
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RECONVERSION EXPRESS
VOYAGE LITTÉRAIRE EN GARE DU SUD Laissée en friche pendant 22 ans, la gare du Sud, fleuron du patrimoine niçois, a retrouvé son lustre d’antan. Elle héberge désormais dans ses murs d’inspiration néoclassique restaurés à l’identique la médiathèque Raoul Mille. Texte : Julie Bordenave
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issa la Bella n’en finit pas de se moderniser. Depuis le retour du tramway au coeur de la ville, en 2007, la cité multiplie ses centres névralgiques. En retrait de l’avenue Jean Médecin, le quartier Libération est l’un d’eux : autour du marché de fruits, légumes et poissons, se déploie une indolente ambiance méditerranéenne, désormais animée par des manifestations temporaires sur le récent parvis piétonnier de 3 200 m2. La restauration de la gare du Sud a constitué la première phase de réhabilitation du quartier. Construite en 1892 par l’architecte Prosper Bobin, elle fut pendant un siècle le terminus des voyageurs de la ligne Nice-Digne (le fameux train des Pignes), avant de passer le relais, en 1991, à sa voisine, la très fonctionnelle gare des Chemins de fer de Provence. Laissé à l’abandon pendant plus de 20 ans, le monument a finalement retrouvé sa superbe, en devenant en janvier dernier la 14e médiathèque du réseau des bibliothèques municipales. « La gare du Sud n’est plus ce monument en péril, humilié, bafoué, squatté, que certains avaient fait le projet de détruire. Elle a retrouvé sa gloire passée et son rôle de transmission pour les femmes et les hommes de notre Comté de Nice et bien au-delà », soulignait le jour de son inauguration le député maire de Nice et président de la Métropole, Christian Estrosi, qui s’est battu pour la réhabilitation de l’ancienne gare. C’est sous la houlette des architectes André et Lionel Biancheri que l’ex-Bâtiment des voyageurs, classé en 2002 à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, a été restauré à l’identique. La façade laisse désormais éclater la polychromie caractéristique de l’architecture azuréenne : briques teintées de jaune, rose et rouge ; rosaces en faïence verte et jaune... Au-dessus des trois frontons néo classiques, réapparaît la frise de toiture, ornée de volutes, pommes de pin, et encadrée de deux mappemondes géantes. En pénétrant dans l’ancienne salle des pas perdus, le visiteur foule le sol carrelé de mosaïques siglées de l’inscription SF (Sud France, ancienne dénomination des Chemins de fer de Les fastes de la Riviera
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« La gare du Sud n’est plus ce monument en péril, humilié, bafoué, squatté, que certains avaient fait le projet de détruire.» Christian Estrosi
Provence jusqu’en 1925). Réparties sur quatre étages autour du majestueux hall, les salles accueillent aujourd’hui les lecteurs, déployant tout l’arsenal des nouvelles technologies : ordinateurs connectés et liseuses numériques, salles de consultation et de recherche, ludothèque... En sous-sol, 30 000 ouvrages sont stockés dans des locaux climatisés et déshumidifiés. A horizon 2016, le projet de réaménagement élaboré par l’agence parisienne Reichen & Robert Associés prévoit de remonter la grande verrière, qui abritait les quais à l’arrière de la gare. Provenant de l’un des pavillons de l’exposition universelle de Paris en 1899, la structure métallique a été démontée pour raisons de sécurité dans le courant des années 2000. Les éléments sont pour l’heure stockés dans les anciens abattoirs de la ville. Destinée à accueillir un marché couvert, cette halle devrait être dotée d’infrastructures périphériques : parking souterrain, multiplex, gymnase, logements, bureaux... Une élégante manière de redonner vie aux fastes passés de la Riviera, en l’intégrant dans un tissu urbain contemporain.
DR
© Métropole Nice Côte d’Azur
© Julie Bordenave
© Métropole Nice Côte d’Azur
© Métropole Nice Côte d’Azur
De haut en bas : • La gare du Sud a été construite en 1892 par l’architecte Prosper Bobin • Au 2e étage, une grande salle de consultation de 400 m² avec plusieurs milliers de livres, des DVD et des périodiques • Au 1er étage, la ludothèque propose un large choix de jeux de société, jeux de famille, jeux en bois.
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ROCK’N’ ROLL ATTITUDE
DU GARAGE AUX GARAGE BANDS Cours d’Estienne-d’Orves, à Marseille, la transformation d’un ancien parking automobile en établissement de l’enseigne Hard Rock Café, révèle un passé enfoui plus historique. Texte : Michel Vino
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a surprise était de taille. Lors du lancement, l’été dernier, du chantier de transformation de l’ancien parking GGM, cours d’Estienne-d’Orves, à Marseille, ce lieu sombre de 1600 m2, au sol encore graisseux, révélait, débarrassé de ses anciennes occupantes et de ce qui l’encombrait, 300 m2 de voûtes en pierre et de poutres en bois massif séculaires. Tout un pan de patrimoine oublié, à deux pas du Vieux-Port. Du XV au XVIIe siècles, lorsque ce quartier du centre-ville historique, à l’époque sillonné de canaux, était encore l’arsenal des galères créé sous Charles VIII et agrandi par Louis XIV, ce qui vient de devenir le nième établissement (180) à travers le monde (55 pays), et 3e de l’Hexagone, de l’enseigne américaine Hard Rock Café, et résonnera désormais aux riffs des guitares électriques, abrita en effet les boulangeries royales. Celles-ci étaient chargées de fournir le pain quotidien aux 18 000 habitants des Arcenaulx et aux quatre cents corps de métier qui y travaillaient. Alors le plus important de France, l’arsenal phocéen compta jusqu’à 40 galères en service avant de perdre peu à peu son activité et d’évoluer au fil du temps, ses canaux comblés, en la place à l’italienne du cours d’Estienne-d’Orves que l’on connaît aujourd’hui, un haut lieu touristique principalement occupé par des restaurants. Après les pains royaux, place donc au hamburger américain même si le nouvel établissement insiste aussi sur la variété et la qualité de sa cuisine « faite maison » et qui « puise également son inspiration dans la gastronomie locale ».
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Un mélange, à l’instar du nouvel aménagement. Celui-ci a été conçu pour laisser visible autant que possible l’aspect historique mais il y a aussi en même temps des références au port et à Marseille en général, ainsi qu’au rock, of course, ont expliqué ceux à qui la tâche a été confiée. « L’idée était de retrouver les volumes d’origine, de chercher à en restituer le caractère, tout en intégrant le concept de la marque, souligne Gérard Cerrito du cabinet d’architecte marseillais CDD. (…). Il fallait absolument tirer parti du côté un peu underground et presque brutal de ce lieu en le dédiant à l’esprit du rock, sans trop le maquiller tout en le rendant excitant, poursuit-il. (…) Eviter trop d’effets déco au profit d’aménagements plus authentiques ». Au menu de leur partition, on retrouve ainsi des matières nobles comme le bois, la pierre, le verre, mais aussi le béton et le métal brut. « Avec les designers anglais de Fuse et du Design studio d’Orlando, nous avons travaillé à en faire un lieu ouvert aux aspirations des nouvelles générations, avec un éclairage très étudié, extrêmement important dans un endroit sans lumière naturelle, avec un son qui soit autre chose que du bruit et des conditions de confort haut de gamme », a également confié l’architecte. Rendez-vous est donc fixé sur place pour apprécier tout ça. Métal brut, bois et pierre
Cours Estienne-d’Orves, le flambant neuf Hard Rock Café a remplacé un parking auto devenu bien incongru sur cette place piétonne et touristique...
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SATURDAY NIGHT FEVER
L’HÔPITAL CAROLINE RETROUVE MEILLEURE FORME Construit en pleine épidémie de fièvre jaune au XIXe siècle, l’hôpital Caroline mire la rade de Marseille depuis l’île de Ratonneau, au sein de l’archipel du Frioul. Une première partie de sa restauration vient de s’achever. Texte et photos : Joël Assuied
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est à Michel-Robert Penchaud que l’on doit l’hôpital Caroline de l’archipel du Frioul. L’architecte a élaboré de nombreux projets d’urbanisme pour Marseille, dont la place Castellane, le temple protestant de la rue Grignan, le cours Lieutaud ou encore l’arc de triomphe de la place d’Aix, dont il ne verra pas l’achèvement car il décèdera le 16 décembre 1833. Edifié entre 1823 et 1828, l’hôpital porte le prénom de la duchesse de Berry, Marie-Caroline de Bourbon-Sicile. Son architecture de style grec rend hommage aux racines de la cité phocéenne. D’une capacité d’accueil de 48 personnes et isolé à l’extrémité nord de l’île de Ratonneau, il a été construit pour mettre en quarantaine les voyageurs arrivant sur Marseille et soupçonnés d’avoir contracté la fièvre jaune. Malgré les moyens rudimentaires de l’époque (pas d’eau courante et d’électricité, navigation à voile et à rames…), MichelRobert Penchaud nourrit des idées innovantes pour ses réalisations. Persuadé que l’architecture doit être intimement liée à la nature environnante, il va concevoir cet hôpital en donnant une importance primordiale aux différents points de vue que l’on peut avoir à partir du bâtiment. Si le bas de l’édifice, qui servait à accueillir les malades, ressemble plus à une prison qu’à un hôpital (épaisse façade, petites ouvertures, grilles…), les murs s’affinent sur le haut. Au dernier étage, réservé au personnel soignant et administratif, les ouvertures sont larges et offrent des perspectives spectaculaires sur la mer, le château d’If et Marseille. Un réseau complexe de récupération des eaux de pluie et d’utilisation de l’eau de mer sera créé, permettant le remplissage de six citernes. Le creusement de ces galeries a également permis d’extraire les moellons utilisés pour la construction des murs.
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Le pavillon Roze Détruit par les bombardements aériens, rouvert au public en août 1944, lors de la libération de
Marseille, l’hôpital sera ensuite laissé à l’abandon. En 1978, la Ville de Marseille acquiert le monument, mais ce n’est qu’en 2007 qu’elle décide de le restaurer. Cette tâche est confiée à l’association Acta Vista, spécialisée dans l’insertion sociale. Celle-ci forme des personnes en difficulté et sans emploi à la restauration de monuments historiques (taille de la pierre, menuiserie, charpenterie…). En 1980, l’hôpital est inscrit à l’inventaire des monuments historiques. Le site est alors alimenté en eau courante. Il faudra attendre 1991 pour que l’électricité y soit installée. En mai dernier, une étape importante a été franchie avec l’achèvement de la restauration du hall central de l’édifice, le pavillon du Chevalier Roze, qui a pu ainsi être ouvert au public. Si l’ensemble accueille des visiteurs de temps à autre (Journées du patrimoine, festival MIMI en juillet...), il restera toutefois inaccessible encore quelques années, le temps qu’on lui trouve une utilisation future et que l’on termine sa restauration. Il faudrait, malgré tout, que la réflexion ne s’éternise pas, car le temps et les éléments naturels poursuivent leur inlassable dégradation.
Désormais, l’endroit accueille des visiteurs de temps en temps à l’occasion des Journées du patrimoine ou du festival MIMI durant l’été.
En mai dernier, une étape importante a été franchie avec l’achèvement de la restauration du hall central de l’édifice, le pavillon du Chevalier Roze, qui a pu ainsi être ouvert au public.
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ANTTI LOVAG, HABITOLOGUE (1920 – 2014)
UNDER THE DOME Architecte anticonformiste qui ignorait l’angle droit parce que celui-ci n’existe pas dans la nature, Antti Lovag est décédé en septembre dernier à l’âge de 94 ans à son domicile de Tourrettes-sur-Loup (Alpes-Maritimes), dans l’une des maisons-bulles expérimentales auxquelles il a consacré sa carrière et qui l’ont fait connaître. © Yves Gellie
Texte : Michel Vino
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hef de file des « Bullistes », mouvement apparu dans les années 60 autour de la conception de ces fameuses maisons-bulles qui ont aujourd’hui encore toujours leurs adeptes, Antti Lovag, maître d’oeuvre aux méthodes tout aussi singulières (il vivait notamment sur ses chantiers), préférait d’ailleurs se définir comme « habitologue ». La plus célèbre de ses créations demeure incontestablement le Palais Bulles, à Théoule-sur-Mer, racheté par le couturier Pierre Cardin dans les années 90. Tout en rondeur, constitué d’une multitude de sphères et de dômes en béton projeté constellés de hublots et de skydomes arrondis et reliés par des « tuyaux », ce véritable ovni architectural, littéralement incrusté dans son environnement, a fait l’objet de nombreux reportages et publications. C’est l’une des quatre principales maisons-bulles qu’il aura édifiées, la construction de chacune s’étant étalée sur plusieurs années. Tout comme ce fameux Palais Bulles auquel son propriétaire actuel a fait ajouter un théâtre, la deuxième œuvre de ce type, la Maison Bernard, qui lui avait été commandée par le même mécène, l’industriel Pierre Bernard, se trouve également à Théoule-sur-Mer, à Port-la-Galère. Sans doute la plus aboutie, elle vient d’être entièrement restaurée par l’architecte Odile Decq. Propriété de la Fondation du fonds Maison Bernard qui a pour objet la promotion et l’accessibilité au public de l’oeuvre d’Antti Lovag, après cinq ans de travaux, elle est désormais ouverte à la visite sur rendezvous. A ne pas manquer. Pour la première en date, celle de Tourrettes-sur-Loup, la Maison Gaudet, classée tout comme le Palais Bulles, celui qui était aussi ingénieur à la base avait même édifié un module prototype, à échelle légèrement réduite, où son auteur avait fini par installer son atelier et y vivre jusqu’à sa récente disparition. La Maison Bernard à découvrir
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Dans cette région d’adoption de la Côte d’Azur qu’il avait rejointe après avoir fait ses premières gammes auprès de Jean Prouvé et suivi ses études à l’école des Beaux-Arts de Paris, ce Hongrois d’origine, né d’un père russe et d’une mère finlandaise, a également signé plusieurs bâtiments publics : la « Maison des jeunes Picaud » à Cannes, le complexe astronomique du collège Valeri de Nice, le complexe ludique du collège de l’Estérel à Saint-Raphaël et des bureaux à l’observatoire astronomique de Caussols, qui méritent eux aussi le détour. Et si lui-même se réclamait, de son vivant, d’une architecture organique, certains n’hésitent pas à le considérer comme un visionnaire à l’heure de l’apparition des imprimantes 3D dans le monde bâtiment qui vont faciliter ce type de réalisation hors du commun. Avec ses formes en 3D échappant aux angles droits, il aura fait fi en tout cas de l’architecture du passé et peut-être préfiguré ainsi en effet l’évolution future de l’architecture. Architecte visionnaire
Mené par l’architecte Odile Decq, le travail de restauration de la Maison Bernard s’est principalement concentré sur l’usage de la couleur pour une relecture plus contemporaine et joyeuse de cette réalisation des années 70.
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Rhabiller
nos
RUES pour
l’hiver Paysagistes, plasticiens, architectes éphémères ou psychanalystes urbains : tour d’horizon des nouvelles expertises qui se mêlent joyeusement pour fabriquer de l’urbain. Avec panache toujours, sourire en coin parfois.
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© Charles Altorffer
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L LES VILLES SUR LE DIVAN Depuis bientôt dix ans, Laurent Petit psychanalyse les villes. A la tête de l’ANPU (Agence nationale de psychanalyse urbaine), il détecte les névroses enfouies dans le tissu urbain et préconise des traitements architecturaux radicaux. Texte : Julie Bordenave
e verbe, haut et précis, se manie chez Laurent Petit avec la dextérité de l’ancien matheux qui étaye ses démonstrations d’arguments imparables, à l’issue desquelles le sens finit toujours par l’emporter sur l’absurde. Un amour de la formule et des mises en situation décalées, un attrait prononcé pour la mystification : après s’être attaqué à des sujets aussi brûlants que procès de sorcières ou parcs d’attractions médicales au sein de compagnies de théâtre de rue, son talent d’orateur avisé se met tout naturellement au service de l’espace urbain. Névroses, refoulement, lapsus, fantasmes... Ce magma bouillonnant qui constitue les individus, l’artiste se fait fort de démontrer qu’il régit également les villes.
Depuis 2003, la psychanalyse urbaine a déjà couché sur le divan une vingtaine de cités (*), permettant d’éprouver une méthodologie imparable : de défrichage historique en « opérations divan » auprès des habitants, les recherches menées dans chaque ville permettent de détecter ses névroses. Entre vécu social, légendes urbaines et traumatismes enfouis – «crises, épidémies, voire descentes en 2e division » – , s’esquisse le PNSU de la ville, son Point névro stratégique urbain, constitué d’aberrations architecturales ou d’inhibitions larvées : Los Angélisation des Côtes d’Armor, beffrois phalliques se dressant dans le ciel béthunois, complexe de SaintPierre-des-Corps face à sa voisine Tours… Il s’agit ensuite de proposer des solutions thérapeutiques, par le biais de TRA ou de TRU (Traitements radicaux urbains ou architecturaux), élaborés avec l’architecte Charles Altorffer : THC (Transports hors du commun) pour succéder à la civilisation de l’automobile ; logements collectifs dans des phares ou des tankers pour lutter contre l’étalement urbain ; Zones d’occupation bucolique (ascenseurs spirituels ou cimetières festifs) pour réinjecter du lien social au cœur des villes... Restitués sous forme de conférences décalées, les travaux de l’ANPU mettent le pied dans le plat. Les dents grincent en Provence autour du projet de la métropole ? L’agence préconise « un spectacle cathartique : rejouer la grande peste de 1720 dans le contexte de 2013. Déclenchée par la grève des éboueurs, elle serait résolue par les Aubagnais qui initient les Marseillais au tri collectif ». Laurent Petit nous propose désormais une tribune (« Green Line », page suivante) dans chaque numéro d’Influences, destinée à éveiller les consciences avant qu’il ne soit trop tard. Traumatismes enfouis
Des démonstrations à l’issue desquelles le sens finit toujours par l’emporter sur l’absurde.
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GREEN LINE
L’AVENIR EST-IL ENCORE POSSIBLE ? Première tribune pour l’Agence nationale de psychanalyse urbaine (ANPU) dont le directeur nous dispensera à chaque numéro ses réflexions avisées sur les maux urbanistiques de notre planète.
Par Laurent Petit, directeur de l’ANPU (Agence nationale de psychanalyse urbaine).
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reen Line est une marque de vêtements bio recyclables, dont la particularité est qu’on peut en faire du compost une fois qu’ils sont usés jusqu’à la corde. Green Line est le nom donné à de nombreuses organisations nongouvernementales, qui s’efforcent de planter des arbres là où il y en a quasiment plus. Green Line est le nom d’une compagnie de bus londonienne où les voyageurs poussent eux-mêmes les autobus afin de réduire leur empreinte écologique. Green Line est un système d’alarme électronique alternatif basé sur le partage des richesses : il ne fonctionne que par intermittence, en s’efforçant d’encourager le cambrioleur à aller jusqu’au bout de sa démarche. Green Line est le nom d’une entreprise ukrainienne spécialisée dans le recyclage des déchets irrécupérables. Green Line est depuis peu le nom d’un institut monégasque chargé de désintoxiquer les enfants de l’usage du téléphone portable, en leur réapprenant à parler entre eux, à faire des phrases et à se regarder dans les yeux. On le voit, Green Line est une expression qui a été beaucoup galvaudée par le grand public, et elle le sera d’autant plus qu’elle devient officiellement, aujourd’hui, le titre d’une nouvelle chronique, à travers laquelle je m’efforcerai de faire le point sur des initiatives susceptibles de sauver le monde entier avant qu’il ne soit trop tard. Green Line est aussi depuis peu le surnom donné à l’une des quatre pistes de l’aéroport du Bourget, qui a été récemment peinte en vert pour accueillir les participants au COP21, le joli nom d’oiseau donné au 21e épisode d’une grande saga ayant pour thème la lutte contre le réchauffement de la planète. En novembre 2015, cette manifestation aura pour cadre le Salon d’exposition du Bourget; selon toute vraisemblance, la deuxième piste de l’aéroport sera peinte en noir, en hommage au nuage de fumée qui va nous recouvrir Piste noire et Pitchipoï
Il ne nous reste qu’une seule piste possible qui consisterait grosso modo à diviser son niveau de vie par trois ou quatre.
de la tête aux pieds si nous ne prenons pas garde à changer de comportement. La troisième piste devrait être peinte en rouge, en référence aux bains de sang qui risquent de se multiplier dans le monde entier, lors du combat sans merci pour les dernières ressources disponibles. L’idée de James Whynot, l’artiste newyorkais à l’origine du projet, consiste bien évidemment à vouloir montrer au monde entier, mais aussi aux congressistes dès leur arrivée, qu’il ne nous reste qu’une seule piste possible : la piste verte, celle de la sobriété environnementale, qui consisterait grosso-modo à diviser son niveau de vie par trois ou quatre en arrêtant la viande, la voiture, l’avion, le tourisme, les gadgets et pas forcément dans cet ordre là. Une autre originalité du projet provient du fait que les pistes noire et rouge se rejoignent sur un point baptisé Pitchipoï par Whynot, pour bien mettre en évidence la gravité de la situation. Pitchipoï est en effet un terme yiddish jadis utilisé par les prisonniers juifs quand ils se demandaient quelle pouvait bien être leur destination quand on les forçait à monter dans des wagons de sinistre mémoire. Comme ils ne le savaient pas, ils se disaient entre eux « On va à Pitchipoï ! », ce qui voulait dire « On va nulle part. » L’artiste new-yorkais aurait eu cette idée en constatant la proximité géographique du Bourget avec la ville de Drancy, où une partie du drame de la Shoah s’est jouée côté français.
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© Joseph Saidah
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© Brice Pelleschi
©Dagmar Dudinsky
De haut en bas et de gauche à droite, l’ANPU au travail : sur le terrain à Beyrouth ; étude de cas dans le nord de la France ; séance de brainstorming ; sur le terrain à Montpellier, dans le quartier Antigone.
©Charles Altorffer
Le projet imaginé par l’artiste James Whynot pour les pistes de l’aéroport du Bourget.
Il nous faut absolument transformer toutes nos peurs en réenchantement. C’est évidemment la transposition métaphorique du code couleur des pistes de ski à celui des pistes d’atterrissage qui a incité la direction de l’aéroport à retenir le projet de James Whynot ; mais ce qui se disait lors de la réunion de validation à laquelle j’ai eu la chance d’assister, c’est qu’à ce compte-là, la quatrième piste, la plus petite, mériterait d’être repeinte en bleu pour compléter le tableau. L’artiste n’était pas d’accord, il estimait que la piste bleue allait déséquilibrer la disposition trinitaire, et que la piste verte était la seule alternative possible à la fin du Monde. Quand Michaël Seaman, le directeur de l’aéroport, a pris la parole pour dire que - tout comme la piste noire et la piste rouge avaient de bonnes raisons de se croiser au Pitchipoï -, la piste verte et la piste bleue devraient se croiser à un endroit qu’il proposait de baptiser le Kairos, tout le monde l’a regardé avec des grands yeux. Personne n’avait jamais entendu parler du Kairos. Seaman a alors expliqué que chez les Grecs, le Kairos était le moment idoine, le moment où jamais, le moment où il fallait y aller ; que cet endroit était comme une issue salvatrice vers un autre monde, et que c’était sans doute le seul endroit qui allait nous permettre d’éviter le carnage qui s’annonçait. A son sens, les gens n’accepteront jamais de facto d’emprunter la piste verte, tant les sacrifices qu’elle implique sont lourds ; ils préféreront de loin s’entre-tuer, à moins qu’un basculement sans précédent, un électrochoc philosophique ou mystique d’une rare ampleur ne vienne brutalement modifier les consciences. C’est ce que porte en germe le principe du Kairos, en faisant coïncider une somme infinie de compétences intrinsèques sous-exploitées (symbolisée par la piste verte), et Piste bleue et Kairos
une ouverture au spirituel et au merveilleux (symbolisée par la piste bleue). Devant nos airs dubitatifs pour ne pas dire plus, Seaman nous tint à peu près ce langage : « Je vous sens perplexe, mais nous devons suggérer par ce projet la possibilité d’un miracle et, plus improbable encore, celle d’un miracle collectif. Comme je sais qu’il y a un psychanalyste urbain parmi nous - et comme je le soupçonne fort d’être un Lacanien -, j’aurais envie de conclure cette réunion en disant : il faut absolument qu’on transforme toutes nos peurs en réenchantement, et si ces grandes peurs étaient au nombre de six, c’est comme si nous allions demander au Monde de transformer ses six trouilles en Kairos. » Et c’est ainsi que le projet fut acté.
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© Alexis Leclercq
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LA VILLE “DO IT YOURSELF” Tandis que la ville ne cesse de muter, ses concepteurs s’ouvrent à des procédés alternatifs pour fabriquer l’urbain. Les corps de métier se mêlent et de nouvelles pratiques inaugurent un processus ludique, expérimental et collaboratif. Texte : Julie Bordenave
ombreux sont les collectifs qui gomment les frontières disciplinaires, pour mettre en commun leurs compétences au service de la fabrique de la ville. La frontière se fait de plus en plus ténue entre les différentes pratiques : cartographies, paysagisme, urbanisme, expertise sensible, architecture éphémère... Dynamiques et ludiques souvent, émancipateurs parfois, ces nouveaux procédés tentent toujours davantage d’inclure l’habitant et l’usager des lieux. A Marseille, le Cabanon vertical s’est constitué en 2002 autour du festival L’art des lieux. Revendiquant le mélange des arts visuels et des arts appliqués, il se compose à ses débuts d’architectes, de scénographes et de plasticiens. Ses contextes d’intervention sont variés : travaux de graphisme et de signalétique pour l’Hôpital Nord de Marseille, interventions dans une chapelle à Beauvais, mais aussi micro architecture destinée à des usages réels ou fictifs (cabanes sur des façades d’immeubles, éléments de mobilier urbain hybrides...). Son credo ? Imaginer des espaces de
vie innovants. La conception des objets passe par l’observation d’un contexte et la confrontation des points de vue. Depuis 2013, le collectif a entamé une collaboration avec la ville de Salon-deProvence. Ses réalisations, à base de bois et de béton, prennent place dans le quartier des Canourgues : terrain de sport, barbecue, four à pizza, dans l’équipement sportif de l’Archipel ; lieu de convivialité sous forme d’élégant kiosque brut, place du Conseil de l’Europe ; aménagement sur le parvis de l’école... La commande émanait du dispositif Nouveaux commanditaires de la Fondation de France : « Il s’agit de surprendre dans la manière dont on répond à un cahier des charges. Donner envie à la ville de mettre en place des moyens prospectifs pour aménager le territoire de manière créative, qui puisse glisser vers l’action culturelle et sociale », détaille Olivier Bedu, à la tête du collectif. A la suite de cette expérience, la Ville de Marseille sollicite le Aménagements transitoires
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© Simon Aroud
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« Il faut avant tout redéfinir ce qu’est un espace public. L’aspect temporaire nous permet de tester. »
Cabanon vertical pour intervenir dans les quartiers Malpassé et Saint-Mauront. « Nous imaginons des aménagements transitoires qui fassent cohabiter des besoins intergénérationnels : agriculture urbaine, jardins potagers, repas de quartier pour les familles ; rampes de skate, agrès de mise en forme hors les murs pour les ados...», poursuit Olivier Bedu. La plus value de ces aménagements réversibles ? Une manière d’expérimenter in situ, et de modifier ou faire évoluer les structures le cas échéant, au regard de l’expertise apportée par les habitants eux-mêmes. « Sur de tels sites, il ne s’agit pas de poser des arbres, des bancs et des poubelles ; il faut avant tout redéfinir ce qu’est un espace public. L’aspect temporaire nous permet de tester. Quand ça fonctionne, comme à Salon, les désirs des collectivités évoluent et permettent d’envisager des solutions pérennes. » Chez Bellastock, on s’attelle depuis 2006 à la mise sur pied de villes éphémères. L’association, montée par des étudiants en architecture, organise chaque année en mai un festival pour le moins singulier : « L’événement consiste à créer une ville éphémère sur une thématique constructible chaque année différente : palettes en 2009, sacs de sable en 2010, structures gonflables en 2011... Les participants – jusqu’à 1 000 Villes éphémères
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© Cabanon Vertical
par édition – se réunissent par équipes et construisent leur habitat, durant 3 à 5 jours sur un site dédié », explique Paul Chantereau, membre du collectif. Ayant pris place à ses débuts sur des terrains privés (Berry, Morvan...), le festival investit depuis 2010 des zones industrielles en Ile-de- France. Ces villes éphémères permettent de tester in situ des solutions d’avenir : « l’association s’articule autour de la notion d’habiter, qui concerne à notre sens l’usage le plus profond de l’architecture. » Fort de son succès, le concept s’est exporté à l’étranger (Danemark, Espagne, Mexique, Chili, Turquie, Canada...). L’été dernier, il a connu son acmé avec l’incroyable aventure Waterworld : « un projet international de recherche expérimentale sur le rapport entre l’architecture et l’eau, qui a donné lieu à deux festivals : en mai dernier à Achères dans les Yvelines, 800 participants (étudiants et jeunes professionnels des métiers de la création) ont construit une ville éphémère amphibie faite de tasseaux et de cubis Marine Floor. Fin septembre à Wuhan, en Chine, 100 étudiants français et 400 étudiants chinois, réunis par équipes mixtes, ont construit une ville flottante en bambous et bonbonnes d’eau », détaille Cynthia Gurdon, membre de l’association. A l’été 2013, un autre type d’interventions est testée par Bellastock dans le quartier des Pins de Vitrolles (*), en proie à un projet de rénovation urbaine . « Dans les marges et les interstices de ce gros projet Anru, nous avons cherché à tisser du lien sous forme d’acupuncture, en créant des petits équipements comme autant de micro polarités au sein du quartier. Nous avons travaillé avec les acteurs locaux pour identifier enjeux, lieux et usages, et proposer des programmes qui aient du sens pour les habitants », raconte Paul Chantereau. Un belote playground, une bibliothèque ouverte, Acupuncture urbaine
© Cabanon Vertical
Les Geckos, aménagements transitoires pensés par le Cabanon vertical pour le quartier Saint-Mauront, dans le 3e arrondissement de Marseille. Commanditaire : Fondation de France, Ville de Marseille, Région Paca, Fondation Logirem.
un espace potager barbecue... « Ces équipements sont relativement petits, reconnaît-il, mais marquants à l’échelle d’un quartier. Nous revenons à l’échelle de la main, du détail... C’est un aspect trop souvent négligé dans les projets urbains. » La démarche se double d’une intention pédagogique : « La plupart des participants sont étudiants. Ils sont créateurs et constructeurs, mais deviennent aussi médiateurs... Nous les incitons à discuter avec les gens du quartier et à les inviter à participer aux opérations. C’est une énorme force de frappe d’avoir 150 personnes sur un chantier ! », conclut Paul Chantereau. Depuis deux ans, Bellastock occupe une parcelle de l’île SaintDenis, en région parisienne, pour y tester des prototypes de mobilier urbain réalisé à partir de déchets industriels issus des friches voisines. Objectif : créer des aménagements qui seront utilisés dans les espaces publics du futur éco-quartier afin de favoriser le processus de réemploi in situ dans les processus de mutation urbaine. Un véritable laboratoire de recherche action au long cours, financé par l’Asem et l’Ademe. Quand le Do it yourself devient force de proposition ! (*) En juillet 2013, la municipalité de Vitrolles conviait quatre collectifs (Collectif Etc, Exyzt, Bellastock et Les Saprophytes) à imaginer des solutions urbanistiques pour transfigurer le fantomatique centre urbain de la ville, dans le cadre de l’événement Made in Vitrolles.
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LE COLLECTIF ETC S’INVITE À MARSEILLE Après des années d’itinérance, le collectif Etc prend ses quartiers en ville de Marseille. Premier coup d’éclat : l’expérience Belsunce Tropical menée en novembre dernier. Une bulle d’architecture éphémère et participative, agissant comme du poil à gratter dans la rénovation urbaine à venir. Texte : Julie Bordenave • Photos : Collectif ETC
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omposé d’une dizaine d’architectes, graphistes et urbanistes, le collectif Etc s’est constitué à Strasbourg en 2009 : « Nous travaillons sur le lien qui peut exister entre espace public en tant qu’objet construit, et dynamique sociale de l’espace politique. Cela passe par le biais de constructions de lieux publics à caractère évolutif », détaille Florent Chiappero, membre du collectif. Attachés à leur nomadisme - « on est d’un peu partout, basés nulle part » - leurs cadres d’intervention sont multiples : parfois liés à des événements ou des commandes (rénovation urbaine, politique de la ville...), parfois insérés dans l’infra ordinaire de la ville pour des actions à la hussarde et destinés à poser une empreinte et activer de manière temporaire des délaissés urbains : « Nous travaillons sur le temps de chantiers ouverts d’une à cinq semaines. Nous trouvons ces moments intéressants pour discuter, rencontrer et créer des dynamiques autour de lieux. Chacun est invité à passer en journée pour y bricoler, participer à la construction d’un site fictif ; le soir, une programmation culturelle permet d’autres temps d’échanges. » Ce fut le cas en novembre dernier en plein centre ville de Marseille lors de l’expérience Belsunce Tropical : associé au Bureau de l’envers, le collectif a investi la place LouiseMichel, au croisement des rues Longue-des-Capucins, PetitesMaries et Lafare. Avant le début des travaux qui y seront menés prochainement par la Société d’équipement et d’aménagement de l’aire marseillaise (Soleam), les deux structures ont décidé
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de transfigurer momentanément l’espace : Bellastock, avec la construction d’un mobilier urbain éphémère ; le Bureau de l’envers, par le biais de cartographies sensibles et récoltes de propos d’habitants. Les réalisations d’Etc sont toutefois parfois durables : à Vitrolles, durant l’été 2013, le collectif avait travaillé sur la thématique des flux à proximité de la gare routière : « un point nodal assez particulier de rencontres et de croisement - départs en bus vers toute la région, marché, parking avec petits commerces – mais aussi d’attente, avec la sortie du collège et du lycée alentour... » L’objet apte à transcrire cette dualité entre mobilité et inertie était alors tout trouvé : un manège, pour « inciter les gens à se poser, s’installer sur cette place. » On ne parle pas ici de pompon ni de voiture de pompier, mais d’un élégant kiosque de bois soutenu par des poteaux en acier, qui offre sur son plancher tournant un véritable salon incitant à la convivialité, avec des meubles de bois construits sur place pendant dix jours. Livré fin juin 2013, le manège est toujours en place : « La durée de vie des objets dépend du matériau utilisé. Il est important de conserver une trace sur place, après l’effervescence du chantier ouvert », explique encore Florent Chiappero. Le collectif auquel il appartient fait partie de ces activistes pour lesquels la démarche compte autant que le résultat : « l’objet et l’intérêt de ces expérimentations urbaines n’est pas seulement dans le résultat, mais surtout dans le processus qui le génère et dans le nouvel environnement et les nouveaux comportements qu’il engendre. » Désormais installé à la Joliette, Etc compte bien s’insinuer dans d’autres interstices urbains et s’intéresser de très près aux mutations urbaines en cours à Marseille...
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INFLUENCE
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nature S’inspirer
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© Vincent Callebaut Architectures
Depuis toujours, les architectes se tournent aussi vers ce qui les entoure pour inventer de nouveaux et nouvelles tours, mais pas que. Tour d’horizon.
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© X-TU
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LE BIOMIMÉTISME REFLEURIT La recette n’est pas nouvelle, mais les défis environnementaux ont remis au goût du jour le modèle naturel, notamment en architecture où se dessine ainsi une nouvelle tendance. Texte : Michel Vino
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l’heure du développement durable et de l’architecture soutenable, nos modèles urbains actuels, énergivores, sont remis en cause. Tandis que la nature produit, elle, sans utiliser d’énergies fossiles, certains appellent à renouer avec l’observation du monde végétal ou animal et à tirer des leçons de leur fonctionnement. Non pas se contenter d’en reproduire les formes, mais s’inspirer de leur organisation, des écosystèmes naturels où les notions de pollution et de déchet n’existent pas, où l’énergie disponible est optimisée et où les difficultés rencontrées sont résolues de façon ingénieuse. « La symbiose et la rationalité au sein du monde animal et végétal nous invitent à réfléchir sur les modes de vie et de production humains, notamment au regard des limites et problèmes environnementaux », explique ainsi une ville de région parisienne, Vélizy-Villacoublay, qui organise depuis deux ans maintenant un événement annuel inédit autour du biomimétisme. Cette année, ce rendez-vous explorait le thème Ville biomimétique, ville de demain. « Nous souhaitons poser les bases de la ville de demain, une ville qui s’inspire des grandes lois du vivant et ainsi tirer des leçons des écosystèmes matures pour repen-
ser notre espace urbain dans une logique d’interdépendance », soulignait le maire de cette commune qui mène une réflexion globale sur le devenir urbain et entend amorcer un tournant biomimétique. Pour y parvenir, elle a mis en place un groupe de travail ad hoc, et pour son colloque, elle avait convié des spécialistes du genre. Une nouvelle génération d’architectes, mais parfois aussi de plus expérimentés, cherchent en effet à repenser les manières de construire pour une architecture différente plus liée à la nature et à l’homme. Invités à Vélizy, Anouk Legendre de l’agence X-TU et Vincent Callebaut sont quelques-uns de ces architectes prometteurs dont les travaux vont dans ce sens. Installé à Paris, le cabinet X-TU étudie depuis plusieurs années l’incorporation de micro-algues en façade de bâtiment pour fournir de l’énergie. Le système qu’il a mis au point avec le concours d’un laboratoire du CNRS permet de cultiver des algues sur des façades de bâtiments pour à la fois dépolluer, consommer moins d’énergie et produire des ingrédients naturels pour la cosmétique, la santé ou enDes façades nourries aux algues
© Christophe Gulizzi - Architecte
core l’alimentation : « la symbiose vertueuse de l’algoculture et du bâtiment pour une ville plus durable », explique Anouk Legendre, dont l’agence travaille sur les photobioréacteurs en cherchant à les intégrer dans l’architecture. Disposé en façade, le système qu’elle propose – une série de tubes en verre placés entre deux parois vitrées et fonctionnant à l’eau de mer –, forme un milieu de culture pour des algues microscopiques à croissance rapide, qui peuvent être ainsi récoltées et transformées en biocarburant. X-TU a appliqué ce principe de façon plus approfondie sur la façade d’une tour en projet à la Défense. Dans ce projet, la surface des bioréacteurs ceinture les quarante étages de la tour. Selon les calculs, la quantité de CO2 transformé correspond à 1 700 hectares de forêt en croissance : l’équivalent, sur un an, de la consommation énergétique des futures onze tours basse consommation en projet à la Défense. Les architectes ont déposé un brevet pour ce système baptisé Biofaçades SymBIO2. Après trois années de mise au point, un prototype de deux étages a été mis en service. Si les essais sont concluants, les algues grimperont peut-être bientôt aux façades…
La symbiose et la rationalité au sein du monde animal et végétal nous invitent à réfléchir.
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© Vincent Callebaut Architectures
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Dans le genre, Vincent Callebaut, architecte belge lui aussi installé à Paris, peut être considéré comme un des plus remarquables. Ses projets qu’il préfère lui-même qualifier d’architecture symbiotique ou encore d’ « archibiotique », associent le vivant et les nouvelles technologies pour une architecture en symbiose avec son environnement s’ intégrant de façon plus harmonieuse dans la nature. Une architecture « organique » qui s’inspire de trois concepts clés : le biomorphisme, la bionique et le biomimétisme. Explications : « Le biomorphisme, c’est s’inspirer des formes biologiques. La bionique, c’est s’inspirer des fonctions développées par les organismes biologiques. Le biomimétisme, qui recouvre à la fois le biomorphisme et la bionique, est une méthode d’innovation qui s’inspire en plus des écosystèmes naturels pour proposer des modèles de développement plus écologiques, plus en accord avec notre biosphère, distingue Olivier Allard, l’expert français du biomimétisme. Ainsi, les villes et les bâtiments très futuristes que Vincent Callebaut imagine sont-ils toujours des constructions intelligentes visant à l’autosuffisance énergétique, au recyclage des déchets et à l’autosuffisance agricole et alimentaire ». Ces leçons tirées de la nature et appliquées à l’architecture ne sont en fait pas très nouvelles.
Les 3 bios de Vincent Callebaut
Antoni Gaudi déjà, le célèbre architecte catalan à qui Barcelone doit tant, puisait à cette source. Le fameux parc Guell qu’il lui a légué en est un parfait exemple : des colonnes penchées des allées inspirées des arbres, aux deux maisons champignons de l’entrée du parc, en passant par la célèbre fontaine en forme de salamandre. Autre exemple plus contemporain, au Zimbabwe, l’architecte Mike Pearce du cabinet britannique Arup a construit dans les années 90 un bâtiment sans climatisation, mais ventilé et
Tous les goûts sont dans la nature
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refroidi de façon passive car inspiré des termitières. Celui-ci comprend en effet de nombreuses cheminées, comme les tunnels des termites. L’orientation de ses ouvertures est également cruciale pour une économie d’énergie de 90 % par rapport à un immeuble normal de même taille. Encore plus près de nous dans le temps, citons « l’œuf de dinosaure » (ou « tatou géant ») - une coque en verre haute de 5 étages et recouverte, comme par des écailles, de 7 000 volets protecteurs en acier perforé-, dressé par Renzo Piano au milieu d’un jardin et derrière la façade d’un ancien théâtre sculptée par Auguste Rodin, pour le nouveau siège de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé ouvert en septembre dernier à Paris. Voire encore, près de la capitale, à Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, la future « ruche », sertie d’une coque en bois et abritant le grand auditorium de la cité musicale qui doit voir le jour d’ici deux ans sur l’île Seguin, un équipement culturel signé des architectes du Centre Pompidou de Metz, le Japonais Shigeru Ban et Jean de Gastines. Une influence que l’on verrait bien aussi se nicher par exemple, encore plus près de nous, dans le projet lauréat de l’architecte marseillais Christophe Gulizzi pour de nouvelles halles Laissac à Montpellier, à cause de la résille très largement ajourée et aux allures de feuille d’arbre géante qui protège l’ouvrage dans sa proposition (voir illustration en page précédente, à dr.). Interrogé à ce propos, son auteur, qui ne s’inscrit dans aucun courant et le revendique, évoque juste pour sa part, étonné, « une allégorie de la treille et de la vigne vierge ». Bon, du moment que cela reste dans le végétal...
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©Patrick Berger et Jacques Anziutti architectes
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LA CANOPÉE À SON APOGÉE Porte de Paris, le Forum des Halles est en pleine transformation. Point d’orgue du projet, une « toiture » inspirée de la nature. Textes : Michel Vino
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remière porte d’entrée de Paris avec 750 000 passagers par jour, le Forum des Halles, qui n’était plus adapté à ce rôle majeur plus de 30 ans après son ouverture, a eu besoin d’être restructuré et modernisé. Le vaste chantier entrepris à la fin des années 2000, destiné à lui redonner une image plus conforme à ses nouvelles ambitions, tout en améliorant le fonctionnement de ce monument d’urbanisme souterrain et en le rendant plus agréable, va bon train. Relevant à la fois de l’aménagement urbain, de la création architecturale et de la rénovation en profondeur, ce projet d’ampleur réorganise l’espace public en surface, avec en particulier un nouveau jardin plus convivial grand comme le Palais Royal, mais aussi reconstruit la partie émergée des Halles, et en recompose les immenses espaces enfouis comprenant la gare souterraine la plus fréquentée d’Europe et le plus grand centre commercial de la capitale. Point d’orgue de cette cure de jouvence pharaonique, d’un coût total estimé à plus de 900 millions d’euros et relevant, du fait de sa complexité, de trois maîtrises d’ouvrage ? Un nouvel édifice inspiré de la nature et dessiné par l’architecte Patrick Berger : la Canopée, dont la réalisation lui a été confiée, ainsi qu’à Jacques Anziutti.
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Telle une immense feuille de verre aux formes courbes ondoyant à la partie supérieure des forêts, cet ouvrage spectaculaire aussi étendu que la place des Vosges, partie émergée et visible d’une restructuration urbaine en majeure partie souterraine, reliera en effet bientôt « la ville du dessus à la ville du dessous ». Sa réalisation, commencée en 2012, et son aménagement intérieur devraient être achevés pour la fin de cette année (la fin des travaux pour le pôle transport est prévue, elle, en 2016). Cette toiture spectaculaire de 2,3 hectares, composée de 15 ventelles translucides (elles-mêmes constituées de feuilles de verre et d’une portée allant jusqu’à 96 m), dispositif maintenu par 7 000 tonnes d’acier, laissera ainsi pénétrer la lumière au cœur de l’ex-Ventre de Paris, qui deviendra comme un immense patio couvert. Par ailleurs, elle prolongera le jardin par gradins successifs, et le reliera au Forum et au pôle de transport. Enfin, la Canopée assurera une ventilation naturelle et telle une vraie, captera même l’énergie solaire grâce à des cellules photovoltaïques situées au-dessus des bâtiments qu’elle abritera. Chapeau ! Grande comme la place des Vosges !
©Patrick Berger et Jacques Anziutti architectes
©Patrick Berger et Jacques Anziutti architectes
©SemPariSeine Franck Badaire photographe
Ouvrage spectaculaire aussi étendu que la place des Vosges, partie émergée et visible d’une restructuration urbaine en majeure partie souterraine.
L’ex-ventre de Paris fonctionnera comme un immense patio couvert et accueillera des équipements publics.
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INTO THE WILD Ce que la nature donne à voir est la résultante d’innombrables réponses trouvées au fil des millénaires pour durer face aux contraintes exercées par l’environnement. Appliquer (ou tout au moins s’inspirer de) ces trouvailles naturelles au design de nos objets du quotidien relève de ce qu’on appelle le biomimétisme. Bien sûr, on peut essayer de reproduire une fonction, une forme, ou les deux à la fois. Les exemples donnés ici s’attachent davantage à la forme, pour des créations tour à tour poétiques, ludiques ou intrigantes. Textes : Olivier Pisella
TABLE AQUATIQUE L’architecte irako-britannique Zaha Hadid, auteur de la tour CMA-CGM à Marseille qui ornait la couverture de notre précédent numéro, œuvre également avec talent dans le design d’intérieur. Cette table de salon en verre appelée « Liquid Glacial Table » s’inspire de l’eau à la fois sous sa forme liquide et solide. Le plateau présente des ondulations mimant un tourbillon s’engouffrant dans des pieds qui, pour leur part, évoquent volontiers des stalactites, laissant imaginer qu’une flaque d’eau glacée va se créer lentement à leur base. Spectaculaire. www.zaha-hadid.com Photos : Jacopo Spilimbergo
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MODULES ONIRIQUES
© Ronan et Erwan Bouroullec
LE DÉLASSEMENT À TOUTE ALLURE Absurde, peut-être ; original, assurément. Ce banc en forme de lévrier, animal connu pour son profil élancé et ses capacités de course, donne l’impression d’une chronophotographie du chien compétiteur en translation latérale, ou d’une extrusion pop et kitsch rembourrée à la mousse de polyuréthane. C’est d’ailleurs, à peu de choses près, ce qu’il est. Créé par le groupement de designers « Radi » (pour « Recherche autoproduction design industriel »), le « Whippet Bench » existe aussi en version résine colorée. www.radidesigners.com
© Galante / Lancman
© RADI Designers
© Paul Tahon
© Ronan et Erwan Bouroullec
Les frères Bourroulec, Ronan et Erwan, puisent fréquemment dans la nature pour leurs créations. Ainsi en est-il des rideaux modulables « Algues » réalisés pour le fabricant suisse Vitra : les modules s’additionnent selon votre envie pour créer des voiles aux formes organiques, canopées domestiques, décorations à la souplesse aquatique. Le même duo de designers breton propose d’empiler des petits nuages pour créer des cloisons / étagères qui, suivant leur disposition, peuvent aussi prendre l’allure de rayons d’une ruche (bien que les cellules ne soient pas hexagonales, mais parfaitement rondes). Réalisés en polyéthylène blanc, les « Clouds Modules » sont distribués par la firme italienne Cappellini. www.bouroullec.com
RÊVES DE FAKIR Le créateur de mode Maurizio Galante, associé au designer et consultant Tal Lancman, a créé ce « Canapé cactus », contre-intuitivement très confortable. Agrégation de coussins aux motifs piquants sur structure bois et métal, ce sofa sans foi ni loi saura soulager vos fessiers endoloris. « Hérisson des profondeurs », l’oursin se mue ici en source de lumière fascinante avec ce lustre élégant aux épines hypnotiques et urticantes. « Sea Urchin Suspended Lamp » est composé d’acier inoxydable, de cristal et de perles de verre. www.maurizio-galante.com
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tourner LAISSER
© Sébastien Veronese
De bobines de films en réalisateurs, notre région fait son cinéma à grands coups de salles obscures mythiques et d’horizons et décors inégalables. Travelling.
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Le cinéma de Paca
CINÉMARSEILLE © Caroline Dutrey
Des premiers théâtres et music-hall originels, aux salles de quartiers de l’après-guerre, jusqu’aux associations indépendantes ou aux vastes multiplexes d’aujourd’hui, les cinémas et leurs architectures racontent une histoire de la ville construite sur les avancées technologiques, les fluctuations économiques et sur la relation des citoyens aux loisirs. Avec sa dizaine de cinémas encore en activité aujourd’hui sur la centaine qu’elle a connue en un siècle, Marseille témoigne de cette histoire complexe. Focus sur cinq salles emblématiques. Textes : Olivier Levallois
LE GYPTIS 136 RUE LOUBON, 13003 MARSEILLE
DR
• 365 fauteuils • Projection numérique • 1 écran 9,50m x 5,40m
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Rénové et ouvert le 1er octobre dernier, le Gyptis a retrouvé sa fonction initiale de salle de cinéma, après avoir longtemps été un théâtre. Établissement historique, sa première transformation architecturale (1930-1932) fut aussi la première commande d’Eugène Chinié qui deviendra rapidement l’architecte incontournable des cinémas de Marseille et de Provence. Il s’agit alors de rénover et d’adapter la salle de mille places aux exigences du cinéma parlant. Outre l’innovation technologique, c’est l’époque de l’affirmation d’une architecture cinématographique propre qui cherche à se libérer de sa référence au théâtre. Aujourd’hui ressuscité, il affronte des enjeux nouveaux, notamment l’ambition d’exister en tant que cinéma de quartier moderne à côté des multiplex des zones périurbaines et des zones commerciales. En faisant appel à JR, un photographe plasticien contemporain pour habiller sa façade, le lieu affirme aussi cette nouvelle référence esthétique de l’architecture des salles de cinéma, recherchant l’expression d’une identité à travers le regard d’artistes issus de l’art contemporain.
© Massimilliano Fuksas
L’EUROPACORP CINÉMA EUROMED CENTER, ARENC, 13002 MARSEILLE
© Europacorp cinéma
• 14 salles pour 3400 places • Projection numérique • Plus grand écran 18 x 7 m
© Alhambra
En 2008, l’annonce de la création d’un multiplexe à Marseille par la société de Luc Besson est lancée. Signés par l’architecte italien Massimilliano Fuksas, les plans du futur cinéma révélaient une coque aux formes courbées inspirée par les emblématiques dauphins chers au producteur-réalisateur. Après quelques difficultés d’autorisations et de financement laissant penser que le cinéma allait rejoindre celui du MK2 de la Canebière au cimetière des projets avortés, l’obtention du permis de construction en juin dernier a révélé que la procédure était bel et bien relancée. Dernière génération de multiplexe, doté de 14 salles pour 3400 spectateurs, le cinéma s’érigera finalement du côté d’Arenc, dans l’Euromed center, un complexe de bureaux et de commerces face au Silo. Faute d’illustrations et d’images officielles, on peut se tourner vers le premier EuropaCorp Cinéma inauguré à Aéroville (Roissy), le 16 octobre 2013 : suppression de la barrière des caisses à l’entrée ; salle de spectacles gratuits (concerts, sports…) ; diversité de l’offre avec des salles lounge, des salles prestige, des fauteuils premium ; projections avec bar privatif ; système de réservation de fauteuils numérotés ; espace de jeux interactifs… Contrairement aux multiplexes des années 2000, dont la préoccupation principale était de gérer le flux d’entrées et de sorties des spectateurs, l’idée est désormais de les inciter à rester… et à consommer. Ceux qui ne sont pas restés en revanche, ce sont les emblématiques dauphins qui ont depuis disparu du concept architectural.
L’ALHAMBRA 2 RUE DU CINÉMA, 13016 MARSEILLE
• 232 fauteuils • Projection numérique et 35mm • 1 écran 12 x 7 m Seul cinéma situé dans les quartiers nord, implanté au cœur d’un des anciens villages de Marseille (quartier de Saint-Henri), l’Alhambra est aussi aujourd’hui l’unique cinéma de la ville estampillé art et essai. Avec sa façade caractéristique des cinémas des années 30 (1928), son hall ouvert sur un comptoir à l’ancienne, ses affiches placardées de manière traditionnelle, il reste l’ultime représentant historique de cette philosophie des cinémas de quartier développée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Doté d’une seule salle et d’un seul écran, l’établissement est cependant pourvu des dernières technologies numériques en matière de projection et de sonorisation. Sa situation au cœur du quartier et son hall accueillant au rez-de-chaussée en font un lieu de vie et d’échange culturel unique, aux antipodes du concept des multiplexes.
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LE POLYGONE ÉTOILÉ
1 RUE MASSABO, 13002 MARSEILLE
• 1 salle pour 76 places • Projection numérique, 8mm, 16 mm, 35 mm
© Diego Ravier
© Joël Assuied
Fêtant tout juste ses dix ans cette année, le Polygone étoilé est un ovni dans le panorama des salles marseillaises. Cinéma indépendant situé au cœur de la cité Massabo, près de la Joliette, géré par un collectif de réalisateurs locaux (Film Flamme), c’est à la fois un lieu associatif, un espace d’échanges et de débat, un atelier de création et une salle de projection cinématographique. Basée sur les créations de la région et d’ailleurs, sa programmation présente des films inédits, non commerciaux, voire marginaux. C’est l’un des seuls cinémas de Marseille où il reste possible de voir tout au long de l’année des courts-métrages indépendants. En marge des projections s’y déroulent aussi bien des conférences, des débats, des présentations de livres, des ateliers… Le cinéma inscrit son rayonnement dans son quartier et dans la ville, en entretenant des relations avec les réseaux artistiques et culturels marseillais, et en collaborant à de nombreux projets audiovisuels.
LE CINÉMA DU MUCEM 7 PROMENADE ROBERT LAFFONT, 13002 MARSEILLE
• 300 fauteuils • Projection numérique Parmi les nombreux apports culturels du Mucem à la ville de Marseille, on trouve un cinéma. L’idée de la présence d’un cinéma dans un lieu d’exposition n’est pas inédite (le centre Pompidou de Beaubourg a depuis de longues années le sien). Alternant projections dans l’auditorium Germaine Tillion au sous-sol du musée, et séances en plein air au fort Saint-Jean en période estivale, le projet se situe en marge des modes d’exploitation commerciale habituels. Moins contraint par les résultats financiers que d’autres, ce cinéma inscrit sa relation à la ville et à ses habitants sous des modalités nouvelles, notamment à travers des partenariats avec des festivals marseillais ou régionaux (FID, Rencontres internationales des cinémas arabes, ou encore le festival Horizontes del Sud.) C’est à notre curiosité pour des œuvres aux formes et aux contenus originaux que le cinéma du Mucem s’adresse. On peut ainsi y (re)découvrir des films de fiction, documentaires, courts-métrages et cinéconcerts lors de la dizaine de séances hebdomadaires. Pensé en relation avec les expositions temporaires et la Méditerranée, sa programmation s’ouvre à des productions audiovisuelles à la lisière du cinéma et de l’art contemporain. Une diversité qui n’est pas négligeable dans une ville ne comptant qu’un seul cinéma d’art et essai.
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LE GYPTIS RENOUE AVEC LE CINÉ Nouvelle antenne de la Friche Belle de Mai, à Marseille, le Gyptis a retrouvé en octobre dernier sa vocation de cinéma de quartier, à deux pas de la place Caffo rénovée. Texte : Julie Bordenave • Photos : Caroline Dutrey
A
l’image de son voisin ciotaden l’Eden Théâtre (le plus vieux cinéma du monde rénové en 2013), le Gyptis a été aussi consacré aux films muets à ses débuts. Les séances étaient alors présentées par son fondateur Louis Rampal, accompagné de sa soeur Marie-Louise au piano. Géré ensuite par le distributeur de film Guy Maia, le cinéma est restauré à partir de 1960 par Julien Giovanelli. La Région rachète la salle en 1975 pour la transformer en théâtre au milieu des années 80 et en confier les clés au couple de metteurs en scène Andonis Vouyoucas et Françoise Chatôt. Suivent alors deux décennies dédiées au théâtre. En 2013, la direction de l’établissement est confiée à la Friche, qui achève sa remarquable mue à l’occasion de l’année capitale européenne de la culture. L’établissement voit là une occasion d’étendre son ancrage dans le quartier, en pensant le Gyptis à la fois comme un complément à sa programmation dédiée aux spectacles vivants et aux arts plastiques, et comme la première pierre du balbutiant Pôle des arts de la scène (*).
Renouer avec ses racines culturelles populaires en livrant une programmation pointue et familiale.
L’objectif de ce Gyptis nouvelle génération ? Renouer avec ses racines culturelles populaires en livrant une programmation pointue et familiale, confiée à l’association Shellac. Le bâtiment, quant à lui, a subi un lifting durant trois mois l’été dernier pour le faire coller à sa nouvelle destinée. Si l’enseigne grenat, avec son lettrage très eighties, est toujours présente, elle est désormais encadrée d’une mosaïque de visages d’habitants en noir et blanc, conviés à se faire tirer le portrait en septembre dernier dans un camion photo itinérant : un projet du street artiste JR (déjà repéré sur la corniche Kennedy et dans le quartier de la Belle de Mai à l’occasion de MP2013), qui offre là un nouveau volet de son oeuvre participative Inside Out. A l’intérieur, les conditions de confort sont optimales : déclinés en camaïeu de bleu, les nouveaux fauteuils cosy ménagent de la place pour les jambes, et prévoient même quelques accoudoirs relevables pour des séances collé/serré en amoureux, et de petites banquettes pour les familles. Doté d’un écran escamotable de 9 mètres et d’une acoustique refaite, la salle peut désormais accueillir jusqu’à 370 personnes. Un havre pour les cinéphiles en goguette, et une nouvelle avancée dans la réhabilitation du quartier de la Belle de Mai. Prochain épisode : le devenir de la très convoitée caserne du Muy... JR en façade
(*) Le Pôle des arts de la scène se veut un nouvel outil de coproduction, en préfiguration jusqu’à 2015.
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UNE PROGRAMMATION POPULAIRE Résidente de la Friche depuis 2009, Shellac est une association de distribution, d’édition et de production de films, versée dans le cinéma de genre. Pour le Gyptis, ses directeurs Thomas Ordonneau et Juliette Grimont revendiquent une programmation populaire et exigeante, affranchie de l’actualité nationale des sorties. Ici, les projections – films d’auteur, courts métrages, avantpremières, dessins animés... - s’articulent autour d’une thématique hebdomadaire, en lien avec les questions sociétales et la complicité des acteurs locaux. Attendus jusqu’en décembre : la voiture au cinéma, en partenariat avec Café Pixel ; les pirates, en partenariat avec les Rencontres d’Averroès ; la fête foraine, en lien avec l’événement Made in Friche fin décembre... Des sujets éclectiques qui visent à apprivoiser le public du quartier, tout comme la politique tarifaire attractive à saluer : 5,5 € la semaine, 2,50 € le week-end.
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Le cinéma de Paca
LA RÉGION COMME DÉCOR Bien avant l’invention du cinéma, des écrivains, peintres et photographes sont venus nombreux poser le cadre de leurs récits ou de leurs images sous la lumière et dans les paysages provençaux.
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© Michel Brussol, commission du film du Var
Texte : Olivier Levallois
epuis la fin du XIXe siècle et jusqu’à nos jours, le septième art n’a fait que confirmer la photogénie particulière et l’attraction que cette terre, à la frontière méridionale de l’Europe, exerce sur les regards et les imaginaires depuis plusieurs siècles. La relation entre notre région et le cinéma débute, dès sa naissance en 1895, avec les premiers films et les premières projections des frères Lumières à La Ciotat. En 1933, Marcel Pagnol rêve de bâtir à Marseille un « Hollywood à la française ». Et le festival de Cannes, qui deviendra rapidement le plus médiatisé des festivals de cinéma au monde, est crée en 1946. Ce sont des centaines de films qui ont été tournés en Provence et à Marseille en plus d’un siècle, dont quelques chefs-d’œuvre (Le cercle rouge, la trilogie de Pagnol, Pierrot le fou, French Connection, L’armée des ombres, Un prophète…). Aujourd’hui, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur reste la première de l’Hexagone en nombre de tournages internationaux et la seconde pour les tournages nationaux (14 %) après l’Île-de-France (19 %). Des milliers d’emplois et une cinquantaine de sociétés dépendent ainsi directement de cette industrie culturelle. Conscient de l’attractivité du territoire, le conseil régional a mis en place une politique de soutien à la filière unique en province, no-
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tamment par la création de bureaux du cinéma (à Marseille, La Ciotat, Cannes…). Outre la qualité de sa lumière tout au long de l’année, cette étonnante attractivité qui ne se dément pas peut être attribuée à trois éléments de ce territoire : une histoire riche avec un patrimoine architectural important (vestiges antiques, villages médiévaux, somptueuses villas art déco, châteaux de la Renaissance, quartiers d’avant-guerre…), des paysages aussi divers que majestueux (Méditerranée, salins de la Camargue, collines de l’intérieur des terres, calanques et petits ports de pêche de la côte, hautes falaises, grandes plages et cités balnéaires de la Côte d’Azur…), ainsi qu’une histoire politique et sociale complexe et sans cesse en mouvement (histoire antique de la Méditerranée, grand banditisme, immigration…). Avec ces nombreuses caractéristiques, sa diversité géologique, sa culture du bien-être (tradition culinaire) et la richesse de son histoire, ce territoire est probablement l’un des plus cinématographiques d’Europe. Preuve en est, sur les 20 000 décors proposés sur le site de Film France (site de la commission nationale du film), près de 1700 se situent en région ProvenceAlpes-Côte d’Azur (à égalité avec l’Île-de-France). En compaDes paysages imparables
raison, sur ce même site seulement, 500 décors sont proposés en Bretagne. Outre les efforts de communication mis en place par la Région elle-même pour vanter aux producteurs nationaux et internationaux les qualités cinématographiques du territoire (notamment lors des festivals professionnels), nombre de villes (Marseille Aix-En-Provence, Digne…) et de départements de Paca ont mis en place des stratégies de développement cinématographique, avec le double objectif d´attirer les tournages et de créer des filières industrielles de film. Un département comme les Alpes-de-Haute-Provence ont ainsi accueilli une quarantaine de tournages depuis les années 30, et développent une politique de communication et d’incitation spécifique, par le biais de la commissions du Film des Alpes du Sud. Sur ce marché, une concurrence entre les villes, avec un positionnement plus « agressif », s’est ainsi développé depuis le début des années 90, profitant des difficultés de plus en plus importantes des tournages réalisés à Paris (augmentation des coûts, difficultés de réservation, de gestion des tournages…), qui demeure cependant toujours la première ville en France pour les tournages de films. Une filière juteuse
Des stratégies de développement, avec le double objectif d’attirer les tournages et de créer des filières industrielles de films.
Mais le levier le plus efficace pour faire venir les tournages dans une région reste toutefois encore les aides publiques. Dans son bilan 2012, qui croise pour la première fois les statistiques des tournages avec celles des subventions locales, Film France a révélé l’efficacité des aides financières attribuées aux productions cinématographiques françaises par les collectivités. Le top cinq en nombre de jours de tournages (depuis plusieurs années, l’Ile-de-France, Provence-AlpesCôte d’Azur, Rhône-Alpes, Aquitaine et Nord-Pas-de-Calais) correspond aux régions qui ont le plus développé les aides
Un levier financier décisif
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© Shellac
Le cinéma de Paca
Sur 4 600 jours de tournages, 2 049 sont financés par des subventions publiques. économiques dans ce secteur. Sur 4 600 jours de tournages, 2 049 sont financés par des subventions publiques. « Les collectivités territoriales jouent un rôle central d’implantation des tournages en France », soulignent les auteurs du bilan. Les stratégies de séduction de la région passent par la création d’outils de communication (plaquette, site, CD rom, carnets de repérage…) vantant les lieux de tournages régionaux suivant un catalogue de possibilités à destination des régisseurs dans leur choix de décors. Les villes et les lieux de tournages y sont listés et présentés selon une esthétique cinématographique. Des approches différentes sont mises en places suivant l’identité de la ville. Quand Aix-en-Provence va valoriser sa dimension culturelle et majestueuse, son patrimoine historique et architectural, Marseille avancera sa diversité sociale et l’envers moins glamour de son identité, les «dessous» de la ville, ces espaces qu’habituellement elle ne montre pas : les friches, les égouts, les «ferrailleries», les «locaux et garages», les arrière-cours du port... Deux villes qui se sont toujours confrontées, Aix l’aristocrate et Marseille la populaire, avec des identités valorisant des histoires, des esthétiques, et donc, des imaginaires cinématographiques différents. Stratégies de séduction
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LES RETOMBÉES EN CHIFFRES La commission nationale du film a été créée au début des années 90, dans le but de promouvoir la France comme lieu de tournage et de fournir des renseignements sur les autorisations administratives et les réglementations techniques. Elle coordonne le réseau des commissions de film locales. Au nombre de seize à ce jour, le sud – et notamment la région Provence-Alpes-Côte d´Azur – est fortement représenté, tandis que certaines régions sont pour l´instant tout simplement absentes. De fait, les retombées économiques (directes ou indirectes, emplois intermittents créés pendant le tournage, hôtellerie, restauration, etc.) induites par le séjour des équipes de tournage et des comédiens dans une ville ou dans une région sont souvent importantes. Sans compter les retombées culturelles en termes d´image et de notoriété, développant à court terme le tourisme et déclenchant de nouveaux tournages. Pour comprendre l´importance économique de l´accueil des tournages, notons qu´en 2012, près de 400 films et téléfilms ont été tournés en France. Sur un budget moyen de films estimé à 5 millions d’euros, le retour en termes de retombées locales est de l´ordre de 1 à 3 millions d’euros.
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PATHÉ DE CAMPAGNE
Après avoir racheté une partie du toit terrasse de la Cité Radieuse pour y installer son MaMo, l’enfant du pays Ora Ïto continue de modifier le paysage de nos équipements culturels. Texte : Julie Bordenave • Photos : Sébastien Veronese
Aller voir un film, c’est aussi s’évader dans une autre dimension », constate Ora Ïto, féru de 7e art. C’est donc un véritable navire amiral que le designer a imaginé pour le nouveau cinéma Pathé de Plan de Campagne, sur le même modèle que sa première commande remarquée pour le Pathé Beaugrenelle, dans le géant centre commercial aux vitres panoramiques donnant sur la Seine : un établissement d’un nouveau genre inauguré en novembre 2013, immédiatement qualifié de « flagship » par les aficionados. Pour celui de Plan de Campagne, ouvert il y a 16 ans, il s’agissait d’optimiser l’espace pour davantage de confort : agrandissement (surface totale de 10 000 m2, hall de 2 000 m2), modernisation (rénovation des 16 salles, 3 612 places en tout), et configuration aérée et lumineuse. Filant la métaphore du voyage, le design pensé par Ora Ïto s’inspire de l’univers des aéroports, décliné en camaïeu de jaune (inspiré du coq jaune, emblème historique de Pathé), blanc, gris et bois, aux formes arrondies rappelant tant la science-fiction seventies à la Star Trek, que les courbures chaudes des constructions d’Oscar Niemeyer. Une nostalgie rétro futuriste conjuguée au pragmatisme des nouvelles technologies : il s’agit aussi de laisser la place à l’autonomie du spectateur, en lui offrant la possibilité de flâner dans les aires d’attente et de détente, d’acheter des confiseries sur les îlots dédiés, et de réserver ses places - voire de choisir son fauteuil, 45 minutes avant la séance - en flashant directement l’affiche du film choisi via son smartphone.
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La salle Pathé + va un cran plus loin encore dans la modernité : 400 larges fauteuils en simili cuir, dotés de doubles accoudoirs ; autour de l’écran de 17 m sur 7,51 m, la technologie Dolby Atmos offre 66 enceintes et 42 amplis répartis dans la salle, pour multiplier les effets de spatialisation du son. Après Plan de Campagne en début d’année, c’est Le Mans qui a emboîté le pas (livraison du Pathé Quinconces). Une dizaine de multiplexes sont ainsi prévus dans toute la France. Cette collaboration inédite entre un designer et une chaîne de cinéma préfigure « une véritable saga cosmique révolutionnant le cinéma d’aujourd’hui pour proposer celui de demain », s’emballe la communication enfiévrée d’Ora Ïto. Sachons raison garder, en saluant une élégante manière de réchauffer et singulariser un peu les grands multiplexes anonymes, a fortiori dans cet insensé no man’s land dédié au consumérisme qu’est Plan de Campagne. Une saga cosmique?
Ora Ïto a cherché à optimiser l’espace pour davantage de confort : agrandissement (surface totale de 10 000 m2, hall de 2 000 m2), modernisation (rénovation des 16 salles, 3 612 places en tout), et configuration aérée et lumineuse.
« Une véritable saga cosmique révolutionnant le cinéma d’aujourd’hui pour proposer celui de demain. »
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A LIRE AU COIN DU FEU Chroniques d’ouvrages récemment sortis, en rapport avec nos thématiques. Artistes dans la ville, analyse urbanistique, essais de sociologie : l’actualité est foisonnante en cette saison automne-hiver ! Textes : Julie Bordenave
LE FESTIN #91 automne 2014, 128 p., 15 € Depuis 1989, la maison d’édition Le Festin est spécialisée dans le patrimoine et les arts plastiques en Aquitaine. Saisonniers, les numéros de sa cossue revue s’articulent autour d’une thématique. A l’automne 2014, plein phare sur l’Art Déco, sous la coordination de l’historien de l’art Dominique Dussol. Entre le casino de Biarritz, les stations thermales et les riches demeures du Cap Ferret, cette région n’est en effet pas avare en monuments remarquables. Richement illustré, un abécédaire décline les entrées, comme un art de vivre balnéaire – mobilier, confort moderne, piscines, hôtels, jardins, réclames, élégance... - pour une délicieuse plongée dans la civilisation des loisirs émergente des Années folles. Le numéro peut se lire en miroir avec le roman graphique paru chez le même éditeur (Au vrai chic bordelais, de Jean-Pierre Héret). A noter : un hors-série du Festin vient également de sortir sur Bordeaux Métropole, étudiant les avancées en cours dans la CUB (Maison Lemoine de Rem Koolhaas à Floirac, Cité des civilisations du vin, nouveau stade de Bordeaux....). En vente en kiosque, en librairie et sur le site www.lefestin.net
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LE LANGAGE HYPERMODERNE DE L’ARCHITECTURE Nicolas Bruno Jacquet, Editions Parenthèses, 256 p., 34 € Basées à Marseille, les prolifiques éditions Parenthèses multiplient les publications pointues sur l’architecture. Dans ce nouvel opus, le jeune historien de l’art Nicolas Bruno Jacquet s’attelle à une définition de l’architecture hypermoderne, en passant par une remise en cause du postmodernisme de Charles Jencks et une réhabilitation du modernisme (notamment la sacro-sainte Charte d’Athènes portée entre autres par Le Corbusier). Pour faire le lien avec les enjeux de l’architecture contemporaine (construire sans pilier, interférer de manière volontariste avec le site pour créer de l’émotion...), il jalonne son étude de repères connus (Zaha Hadid, Rem Koolhaas, Franck Ghery...). Nourri de la pensée de l’historien Claude Loupiac, l’auteur a tiré les enseignements fondamentaux de l’analyse historique : relativiser le présent au regard du passé, en considérant ce dernier comme une expérience enrichissante, et non comme un nécessaire fardeau dont il faudrait s’émanciper pour progresser.
ARCHITECTURE UTOPIQUE, IMAGINAIRE OU VISIONNAIRE ? Emmanuel Ventura, Favre éditions, 160 p., 34 € « La rencontre d’une architecture et d’un paysage étonnés de se retrouver ensemble », telle est la définition de l’architecture utopique selon Emmanuel Ventura, cofondateur de l’agence M+V à Lausanne, qui a modelé ce livre comme un voyage onirique à travers 100 projets, réalistes ou farfelus. La frontière se floute parfois entre fiction et réalité. Pour la plupart virtuelles, parfois même échappées d’une BD de Schuiten, les projections se confrontent aux constructions déjà bâties : la Perdreira de Gaudi à Barcelone, le sanatorium de Vasilevsky en Ukraine, la halle aux allures de ruche, pensé par Mayer-Hermann pour le marché de Séville, ou encore le prototype Desert Cloud de Stevens, au Koweit. Parfois fantasques, les croquis prospectifs dévoilent même... un hangar végétalisé pour zeppelin, pensé pour la Chine par le bureau Open Architecture ! En posant quelques enjeux dans l’introduction (croissance démographique galopante, dualité ville / nature...), l’ouvrage donne quelques clés d’études sur le devenir de ces projets et sur les velléités qui poussent l’homme à toujours défier les contraintes, pour des réalisations qui virent parfois au cauchemar (Capsule Tower de Kurokawa, Japon, 1972).
CONVERSATIONS IMAGINAIRES (OU PAS) AVEC RUDY RICCIOTTI Florence Farrow, éditions Un Autre Reg’Art, 64 p., 10 € La perplexité nous tenaille, quand on saisit le concept de cette curieuse publication : Florence Farrow, artiste plasticienne, ne s’est quasiment jamais entretenue avec Rudy Ricciotti. Elle a concocté un manuscrit pendant trois mois, nourrie d’échanges épistolaires intermittents avec l’architecte, qui en a finalement réécrit la majeure partie. L’auteure est littéralement subjuguée par son sujet d’études, et sa fascination peut lasser sur le long terme. On prendra alors cet exercice de style comme une échappée poétique, glanant quelques infos au passage, et souriant en coin à certaines envolées fleuries du plus cabotin des architectes.
A VITROLLES de Kristine Thiemann, éditions Wildproject, 96 p., 18 €. A l’occasion du projet culturel Vitrolles-Echangeur, mené par la ville dans le cadre de Marseille-Provence 2013, la photographe allemande Kristine Thiemann s’est immergée une année durant dans la vie de la cité. Elle en livre une série de clichés loufoques, poétiques ou attachants, qui révèlent une face inédite de la ville : bucolique plateau de l’Arbois, aileron de requin dans l’étang de Berre, partie de pétanque en robe de soirée... Ce travail s’inscrit dans la démarche « Métropolen » menée par cette artiste qui « s’intéresse aux petites villes vivant à l’ombre d’une grande ». Il témoigne aussi du talent qu’elle possède pour impliquer les habitants avec enthousiasme dans son activité artistique
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LA JEUNE SOCIOLOGIE URBAINE FRANCOPHONE Sous la direction de Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre, PUL, 244 p., 20 € En août dernier, Les Presses universitaires de Lyon inauguraient une nouvelle collection, dédiée à la sociologie urbaine. Ce premier volume rassemble les contributions de douze chercheurs sur les problématiques actuelles (ville et mobilité, zones urbaines sensibles, le corps dans l’espace public). Revendiquant une « sociologie de l’habiter en train de se faire », les analyses font appel à des champs connexes (géographie, anthropologie, sociologie de la famille, du travail, de l’action publique...) pour privilégier une approche de terrain localisée : nouveau centre d’affaires d’Istanbul, périurbain, quartiers gentrifiés de Paris, Montréal ou Milan, copropriétés fermées d’Amérique latine...
ART ET RENOUVELLEMENT URBAIN 20 réalisations par les communes du Grand Lyon, Editions Privat, 127 p., 22 € Cet ouvrage bilan revient sur quinze ans de politique culturelle portée par vingt communes du Grand Lyon : projets participatifs, équipements culturels et résidences artistiques sur des territoires en renouvellement urbain, pour voir de quelle manière la culture peut influer sur la fabrique de la ville (Bron, Lyon, Oullins, Rillieux-la-Pape, Saint-Fons, Saint-Priest, Vaulx-enVelin, Villeurbanne, Vénissieux). Parmi elles, KomplexKapharnaüM à Villeurbanne, la compagnie des Dunes dans le quartier de la Duchère, le Centre chorégraphique national à Rilleux-la-Pape...
4 234 MILES Anne-Marie Garat et George Rousse, Actes Sud, 160 p., 29 € Plasticien et photographe, expert en anamorphoses dans des lieux désaffectés (hangars, bases miliaires...), Georges Rousse expose son travail jusqu’en décembre à la base sous-marine de Bordeaux. Anne-Marie Garat nous livre un témoignage artistique et humanitaire sur le processus de réalisation d’une expérience menée en janvier 2014 dans l’un des plus grands bidonvilles de Mumbai, Shivagi Nagar. Un projet destiné à sensibiliser les autorités municipales et gouvernementales aux conditions de vie des habitants, en collaboration avec des jeunes en insertion de la région Rhône-Alpes.
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Por tfolio
HÔTEL INTERCONTINENTAL
PALACE AVEC VUES
Projet serpent de mer durant de longues années, la reconversion à Marseille de l’Hôtel Dieu en palace est enfin devenue réalité l’an dernier. Promoteur (Cogedim), investisseurs (Axa Real Estate et Cogedim), exploitant (groupe IHG Europe), architectes (Anthony Béchu, cabinet Tangram) et designer (JeanPhilippe Nuel) ont réussi en effet après trois ans de chantier et un investissement de 100 millions d’euros à transformer brillamment cet ancien hôpital de 23.000 m2 datant du XVIIIe siècle et monument historique, en hôtel 5 étoiles à l’enseigne Intercontinental. Disposant notamment de 172 chambres et 22 suites (mais aussi deux restaurants, un centre de conférences, une piscine intérieure...), l’établissement de luxe, juché sur la colline du Panier, offre une vue panoramique imprenable sur le Vieux-Port. Influences vous en ouvre les portes.
Photos : Joël Assuied
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Utopie
ARCHITECTURE INTERSTITIELLE MILITANTE « L’architecture conventionnelle à papa », comme il la nomme, il ne la combat pas, mais il s’y greffe, s’y implante, s’y appuie. Stéphane Malka a pour précepte la réalisation de structures légères, peu coûteuses, favorisant la fluidité des échanges en milieu agité. Architecture utopiste ou nécessité vitale ? Texte : Olivier Pisella
U
n bar-restaurant construit sur le toit d’un immeuble haussmannien de Paris (« haut-nid »), des modules installés en grappe sur la Grande Arche de la Défense (« auto-défense »), une galerie culturelle nichée sous un pont de métro aérien (« galerie bunker »), une plateforme mobile capable de « reverdir le désert » (« The Green Machine »)... Les idées, que d’aucuns considéreraient comme farfelues, foisonnent chez Stéphane Malka, architecte de 39 ans né à Marseille. Passé par les ateliers Jean Nouvel et lauréat de plusieurs concours1, il a fondé en 2003 une agence à son nom. Très tôt, il s’intéresse aux espaces délaissés de nos villes : ponts, terrains vagues, murs pignons, toits, dents creuses... Dans les années 80, il y pose des tags, pour « donner une voix plus populaire à la rue et repérer les lieux négligés de la ville, qui sont devenus mes champs d’investigation dans l’architecture. » Cette démarche insoumise, provocatrice et citoyenne de réinvestissement des lieux inusités est l’un des principaux axes de son architecture. S’y ajoute la volonté d’agrémenter le préexistant, de privilégier le réemploi des matériaux, de favoriser les projets « légers ». « Quand on détruit un bâtiment, un pan de ville, on détruit de la vie, explique l’architecte. Et on crée une espèce de trauma citoyen. Au-delà du sentimentalisme, la destruction d’un immeuble est une aberration d’un point de vue économique. Écologiquement aussi, détruire, avec tout ce que ça implique de transport et de traitement de déchets, et reconstruire, malgré ce que nous vendent les normes HQE2, s’avère catastrophique. L’architecture est un des plus grands post-pollueurs dans les productions humaines. Cette synthèse humaine, économique et écologique nous fait comprendre que le parasitage ou le fait de se poser «para-site» (contre un site) nous permet de développer une alternative viable. »
Para-site
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Peut-on alors parler d’architecture utopique ? « L’utopie est dans mes projets, mais elle s’exprime davantage au travers d’une dimension humaine qu’architecturale. Mon travail n’est pas focalisé sur l’homme en termes d’échelle de construction, comme chez Le Corbusier, mais plutôt sur l’homme dans ses aspirations et sa volonté propre. On pourrait parler en ce qui me concerne « d’utopie concrète », souligne Stéphane Malka. L’architecture comme réponse aux urgences sociétales, c’est sous cet angle qu’il faut interpréter ses travaux. Installée en 48 heures à Marseille en 2013, sa réalisation « A-Kamp47 » (les « abris furtifs » évoqués plus haut, destinés à accueillir quiconque souhaitant s’y installer) en est la meilleure illustration : « C’est un projet qui malheureusement a une perspective à grande échelle. La construction est très spécifique et vise à ce que l’on s’y sente vraiment à l’aise. On retravaille actuellement le prototype du point de vue de la solidité, du nombre d’unités d’habitation, de l’optimisation des matériaux, du confort, etc. Il y a un potentiel énorme sur les lieux où on pourrait les implanter. Et c’est beaucoup plus dur à dégager que des tentes le long d’un canal... » L’enjeu est de taille. Pour Stéphane Malka, « il est très délicat de faire aujourd’hui de l’architecture comme on en faisait dans la deuxième moitié du XXe siècle ». Aux réalisations magistrales, complexes et virtuoses, il oppose une architecture vernaculaire, affranchie des normes contraignantes, des cahiers des charges déshumanisés. Et de rappeler « qu’à l’horizon 2040, les grandes villes vont se retrouver face à un gigantesque afflux de personnes (réfugiés politiques, climatiques...), de 500 000 à 1 million de nouveaux habitants par mois. » Son architecture engagée servira-t-elle de notice aux générations futures ?
Utopie concrète
1. Notamment : Paris en 80 quartiers (2000) ; Biennale internationale de Santorin (2012) 2. Haute qualité environnementale
www.stephanemalka.com
© Laurent Clemement & Michael Kaplan
© Laurent Clement & Tristan Spella
© Laurent Clemement & Michael Kaplan
DR
Auto-défense, Galerie bunker, The Green Machine... Les projets architecturaux de Malka se nichent dans les interstices, du parvis de La Défense aux confins du désert.
A LIRE
LE PETIT PARI(S)
240 pages, Archives d’architecture moderne, 2013. Recueil de 14 projets de Stéphane Malka centrés sur Paris, d’où ont émergé certaines réalisations.
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Patrimoine
MARSEILLE EN 300 ÉDIFICES La Maison de l’Architecture et de la Ville de la région Paca édite un bel ouvrage en cette fin d’année : le guide Architectures à Marseille, qui propose une balade à travers 300 constructions remarquables de la cité phocéenne.
DR
C’
Texte : Julie Bordenave
était le livre qui manquait pour cerner l’architecture de Marseille : depuis l’incontournable Guides d’architecture Marseille, 1945 – 1993, publié par Jacques Sbriglio aux Editions Parenthèses en 1993, aucun ouvrage n’était venu actualiser les données. C’est chose faite avec cette nouvelle publication, qui s’attarde sur plusieurs monuments remarquables de la cité phocéenne, des années 1900 à 2013. Edité par la Maison de l’Architecture et de la Ville de la région Paca, coordonné par Thierry Durousseau, le guide se découpe en 300 notices illustrées, émaillées d’un court texte de présentation, signalant historique et anecdotes sur le bâti retenu. Point fort de l’ouvrage : organisé en 86 quartiers - répartis en 7 chapitres, comme autant de zones géographiques, - il permet un repérage immédiat, et suscite même l’envie d’aller voir sur place lors de balades dominicales. En préface, des textes posent le contexte historique et social de l’urbanisme marseillais. Parmi les contributions, signalons la digression poétique et humoristique de Pascal Urbain (Je ne sais plus), pied de nez rieur aux listes oulipiennes de Perec, recensant des souvenirs épars et insolites, et considérations sur les mutations de l’espace public. Saluons aussi le pamphlet d’André Jollivet, président de la MAV Paca, qui propose en préambule la réhabilitation d’un urbanisme méconnu, mal-aimé, voire souvent raillé. Car en effet, Marseille n’est pas avare en richesses patrimoniales, pour qui sait faire les yeux doux au charme infini de son architecture hétéroclite et dépareillée, à travers laquelle nous ne manquerons pas de vous faire voyager dans nos pages prochainement...
Digressions oulipiennes
A LIRE
ARCHITECTURES À MARSEILLE 1900-2013,
Sous la direction de Thierry Durousseau, MAV Editions, 248 p., 22 €
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STATION SANITAIRE, 1 BIS QUAI DE LA TOURETTE Ses imposants voisins (Mucem et Villa Med) ne doivent pas faire oublier le nouveau musée Regards de Provence, qui a élu domicile l’an dernier dans cette ancienne station sanitaire, jouxtant la cathédrale de la Major. Inspiré d’un navire, le bâtiment, construit en 1948 par Fernand Pouillon, accueille désormais des expositions temporaires. A l’année, la projection d’un film documentaire retrace les différentes périodes de l’édifice, jusqu’à sa réhabilitation en 2013 par Guy Daher.
ARCHI BALADE EN BUS A l’occasion des 24h de l’architecture qui se tenaient en octobre dernier à la Friche Belle de Mai, la MAV Paca a édité une originale carte de la ligne 49 de la RTM, signalant les monuments remarquables qui jalonnent le tracé du bus, en coeur de ville. Texte : Julie Bordenave
COMPAGNIE GÉNÉRALE TRANSATLANTIQUE,
DR
L’
61 BOULEVARD DES DAMES Construit par Gaston Castel en 1925, cet immeuble de bureaux est un exemple typique de l’Art déco : cannelures et croisillons ornent sa monumentale façade blanc crème, et son horloge en tour d’angle fonctionne comme un repère sur le boulevard des Dames. Il a longtemps abrité le siège social de la Compagnie générale transatlantique, mutée en SNCM en 1976. Une opération de restructuration est prévue prochainement sur le site.
initiative est née de l’imagination fertile de l’artiste-marcheur Nicolas Mémain, autoproclamé « urbaniste gonzo et montreur d’ours en béton » : proposer une balade contée le long de la ligne 49 de la RTM, à la découverte des bâtiments remarquables qui jalonnent son tracé. Réalisé par la Maison de l’architecture et de la ville Paca, mis en page par l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise, le plan-guide édité à cette occasion recense pas moins de 34 édifices, du départ du bus en gare routière Canebière – Bourse, à son arrivée place des Réformés. Entre ces deux terminus, pléthore de bâtiments, à commencer par le Centre Bourse, qui vient d’achever sa rénovation ; les immeubles Pouillon en bordure du Panier, véritable symbole marseillais ; le nouveau pôle culturel, enserrant en un mouchoir de poche Mucem, fort Saint-Jean, Villa Méditerranée et Frac de Kengo Kuma (lire Influences N°2)... Le parcours opère ensuite un détour par les constructions anciennes et modernes qui se juxtaposent dans le populaire quartier de la Belle de Mai, pour s’achever sous l’ombre tutélaire de l’église des Réformés. Distribuée en format papier lors des 24h de l’architecture, la carte sera mise en ligne prochainement sur le site de l’Agam. La balade peut ainsi désormais se faire en autonomie, pour le prix d’un simple ticket de bus. Bonne route ! 24h de l’architecture : www.24harchi.org MAV : www.ma-lereseau.org/paca Agam : www.agam.org
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CAHIER
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MARSEILLE
PRIX : Nous consulter
haut du roucas Un must, sur les hauteurs, avec vue dégagée sur la rade et la ville. Sublime villa d’architecte, beaux volumes, prestation grand luxe. Belle piscine, jacuzzi. Dépendances. Accès facile, villa sécurisée. Vue imprenable, produit rarissime.
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CORNICHE IMMOBILIER • 333 Promenade de la Corniche Kennedy - 13007 Marseille Tél. : +33 (0)4 96 20 31 28 • Fax : +33 (0)4 96 20 31 11 • info@cornicheimmo.com Contact : Nicolas Puvieux, +33 (0)6 22 43 82 44
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MARSEILLE 7E
T4 vue mer 505.000 € Dans immeuble ancien très bien entretenu, bel appartement traversant de 107m² environ au 5° et dernier étage avec ascenseur. 3 chambres, 1 grand salon / salle à manger, 1 cuisine indépendante équipée, 1 SDB, WC séparés. Lumineux (grandes baies vitrées coulissantes dans le salon), beaucoup de charme, cheminée qui fonctionne, parquet au sol, belle hauteur sous plafonds. Cave, nombreux rangements, ravalement de façade en 2011, toiture revue en 2003.
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MARSEILLE 7E
Maison Pablo Picasso 1.320.000 € Sur les hauteurs avec vue dégagée sur la mer, au coeur du 8ème résidentiel. Belle villa type 4 de 167m² habitables en 2 plans. Entièrement rénovée en 2010, prestations de grande qualité. ascenseur, accès facile, calme et sécurisant. Possibilité piscine.
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CORNICHE IMMOBILIER • 333 Promenade de la Corniche Kennedy - 13007 Marseille Tél. : +33 (0)4 96 20 31 28 • Fax : +33 (0)4 96 20 31 11 • info@cornicheimmo.com Contact : Nicolas Puvieux, +33 (0)6 22 43 82 44
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MARSEILLE 6E
990.000 €
BOURGEOIS HAUTE COUTURE A VIVRE / Dans un très bel Hôtel Particulier du XVIIIè siècle, ce superbe bourgeois de 235 m 2 a été entièrement revisité par un architecte de renom. Ecriture moderne audacieuse et harmonieuse au milieu des boiseries grand siècle d’un salon de chasse et de fresques classées. Quatre chambres dont une chapelle transformée, deux salles de bain ultra contemporaines, un double box en location.
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ARCHIK UH 713 Le Corbusier - 280 bd Michelet • 13008 Marseille Tél. : 04 91 37 39 37 • www.archik.fr
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MARSEILLE 8E
820.000 €
ELEGANCE CONTEMPORAINE A VIVRE / Architecture haussmannienne, ce majestueux appartement de 230 m 2 du Carré d‘Or a une allure noble et contemporaine. Rénovation d’architecte subtile alliant attributs de l’ancien et distribution moderne. Pièces de réception sur 100 m 2 , cuisine contemporaine en îlot central ouvrant sur une terrasse de 15 m 2 . Trois chambres et une suite parentale avec sa superbe salle de bains ouverte, un garage et deux caves.
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ARCHIK UH 713 Le Corbusier - 280 bd Michelet • 13008 Marseille Tél. : 04 91 37 39 37 • www.archik.fr
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MARSEILLE 7E
Villa - vallon des Auffes 1.490.000 € Dominant le vallon des Auffes somptueuse villa contemporaine de 260 m 2 habitable avec très belle vue mer. En R+1 sur deux plateaux de 130m 2 chacun donnant sur un jardin terrasse avec magnifique piscine moderne et une terrasse sur le séjour de 65m 2 . Très belles prestations, matériaux haut de gamme, grande cuisine entièrement équipée. Garage double avec de quoi stationner 5 véhicules devant. A voir absolument !
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CORNICHE IMMOBILIER • 333 Promenade de la Corniche Kennedy - 13007 Marseille Tél. : +33 (0)4 96 20 31 28 • Fax : +33 (0)4 96 20 31 11 • info@cornicheimmo.com Contact : Franck Puvieux, +33 (0)6 09 80 75 76
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