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Une Mini XXL après le maxi proto

Marco Moser nous a ouvert les portes de son atelier de Semsales, un lieu unique dédié aux créations sur quatre roues. Vous avez dit histoire sans fin ? Par Pierre Thaulaz

AUTO ACS: Ce prototype aux allures de Batmobile, quand avez-vous commencé à y songer ?

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Marco Moser: Il y a 15 ans.

Une voiture créée de toutes pièces ?

Il n’y a rien qui soit d’origine dans ce véhicule. Le vilebrequin vient des Etats-Unis, le carter sec de Bulgarie, etc. Il n’y a que des trucs comme ça.

Qu’est ce qui vous a donné l’idée de ce projet ?

Le bruit du moteur. Quand Claudy (Claude Jeanneret, double champion d’Europe de la montagne en 1986 et 87) roulait avec son Audi quattro, la sonorité du 5 cylindres m’a marqué. Je voulais faire quelque chose avec ce moteur, mais en l’implantant dans une voiture beaucoup plus légère, davantage adaptée au circuit. Lehmann m’a préparé un moteur et une boîte de vitesses. Pour le châssis, c’est Mauro Bianchi, le grand-père de Jules (réd.: le pilote F1 est mort le 17 juillet 2015, après 9 mois de coma) qui m’a dit: «J’ai des potes au Mans qui ne font que des châssis. Tu vas là-bas de ma part.» C’était l’ancien atelier de Jean Rondeau qui a remporté les 24 Heures en 1980. Il s’est tué quelques années après, shooté au volant de sa voiture par le train à quelques km de chez lui. Il est resté les ingénieurs, ce sont eux qui m’ont fabriqué un châssis roulant intégrant suspensions, roues et freins.

Un modèle unique ?

Les plans de suspensions sont uniques, je peux donc refaire le châssis en cas d’accident. Après, il fallait encore dénicher une carrosserie. Grâce à un copain, j’ai découvert au fin fond de l’Angleterre une entreprise qui fabriquait des répliques de Lamborghini Countach. J’ai acheté les moules parce qu’il fallait l’ajuster sur le châssis. Elle est 20 cm plus large qu’une vraie Countach, elle est donc complètement différente, même si la ligne demeure. Les aérations sont beaucoup plus grandes, la petite lucarne de la Countach a disparu et le capot réservoir est à l’avant. La carrosserie, c’est de la fibre de verre avec une partie en carbone. Le poste de pilotage, je l’ai déporté de 20 cm à droite pour une question de confort, de sécurité et de visibilité. Il fallait pouvoir notamment loger l’arceau. Le moteur central est juste derrière le dossier du siège.

L’idée de départ, c’était de rouler en circuit ?

Au tout début, j’avais pensé rouler sur route, mais en discutant avec un ami qui était chef expert de la circulation, j’ai compris qu’avec les normes demandées aujourd’hui, notamment les crash-tests, cela devenait carrément impossible. Ce

«AU TOUT DébUT, j’AVAiS PEnSé ROULER SUR ROUTE, MAiS En DiSCUTAnT AVEC Un AMi qUi éTAiT ChEF EXPErT DE LA CirCULATiOn, j’Ai COMPriS qU’AVEC LES NORMES DEMANDÉES AUjOUrD’hUi, nOTAMMEnT LES CrASh-TESTS, CELA DEVEnAiT CArréMEnT IMPOSSIBLE.»

Un break Mini destiné principalement à des concentrations.

n’est pas comme en Angleterre où ils font n’importe quoi. Ils font expertiser et ils roulent. J’ai donc changé d’optique en la concevant spécifiquement pour le circuit. D’ailleurs, elle n’a pas de chauffage, pas de phares, juste des clignoteurs.

Son poids ?

900 kilos pour environ 600 ch avec le nouveau moteur. Et attention, c’est une propulsion, pas une quattro. C’est un monstre!

Vous avez donc changé de moteur ?

Oui, avec encore plus de ch. Il a un nouveau vilebrequin, de nouveaux pistons, un nouvel arbre à cames et un gros turbo de 125, mais le bloc reste le même. J’en ai profité pour remplacer l’ancienne boîte 6 par une boîte séquentielle et j’ai également transformé les freins et les roues. Et après, il y a eu le Covid et on ne pouvait pas partir rouler en France, ce qui fait qu’elle n’a pratiquement pas roulé depuis qu’elle a été refaite. Dernièrement, j’ai encore été contraint de changer les passages d’huile.

Quel est son nom ?

Je l’ai appelée Prova, du nom de l’usine anglaise qui nous a vendu les pièces pour la carrosserie. La plaque italienne? C’est juste de la rigolade.

Vous êtes apparemment sur un autre projet ?

Un break Mini de 1965 que je suis en train de transformer. Je vais l’équiper d’un V8 de 3,5 l de 300 ch, couplé à une boîte 6 avec autobloquant. Ce véhicule destiné principalement à des concentrations sera doté de roues de 17 pouces, contre 10 pouces à l’origine. Le châssis est issu d’une Ferrari Modena qui avait été accidentée à l’avant. Le tout sera habillé de fibre de verre, avec vitres en plexi. Un joli kart de 600 kilos. Ce qui m’intéresse c’est de créer. Avant de m’établir à Semsales, j’habitais au bord du lac Léman, à Vevey. J’allais regarder ces mordus de vieux bateaux en bois. Ils passaient tout l’hiver à gratter, à repeindre. Ils étaient aussi heureux que durant l’été, lorsqu’ils naviguaient. Pour ma part, j’ai autant de plaisir à faire qu’à rouler. C’est passionnant de créer quelque chose de A à Z, ne serait-ce que parce qu’il faut tout le temps réfléchir.

Quel âge avez-vous ?

J’ai 78 ans. J’ai perdu ma femme il y a 2 ans. Je suis bien dans cet atelier. D’un côté ça me fatigue, de l’autre côté ça me prend la tête. Cette Mini, je suis tous les jours dessus, samedi et dimanche compris. Un jour, à 4 heures de l’après-midi, j’ai remarqué que j’avais faim. J’avais tout simplement oublié de manger à midi.

Même la maladie ne vous a pas freiné ?

J’ai eu la chance d’être pris en charge par un chirurgien extraordinaire, le professeur Egger, à Fribourg. Il m’a dit: «La médecine c’est 50 %. On aimerait bien aller plus loin mais on ne peut pas. Le patient doit aussi faire sa part.» Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd !

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