6 minute read

Mini-bolides, maxi-passion

Minibolides, maxipassion

Une fois sorti de la poste de Chernex, sur les hauts de Montreux, où il jouit d‘une vue exceptionnelle sur le lac Léman et les Alpes, Jean-Philippe Rossel est un acteur incontournable des différentes manifestations motorisées du pays. Par Mario Luini

Advertisement

Il n’est pas rare de le trouver derrière un stand ou une vitrine d’exposition croulant sous les modèles réduits de voitures de course. Avec une spécificité remarquable : ce grand gamin de 60 ans a réuni les bolides miniatures de pratiquement tous les pilotes (et constructeurs) suisses et leurs différentes voitures. Une collection unique, visible sur son site www.smallcar.ch ou même sur place, sur rendez-vous.

ACS Auto : Comment est-ce que tout cela a commencé ?

Jean-Philippe Rossel : J’ai toujours aimé la voiture, aussi loin que je me souvienne. Mes parents m’ont dit que mes premiers mots étaient des noms de voitures. Mais c’était certainement mon papa qui me les avait soufflés ! Plus tard, je me suis branché F1 quand j’ai vu mon premier GP – Monaco 1976 – à la TV. Je me débrouillais pour aller voir les courses chez un voisin.

Et le goût de la collection ?

J’avais commencé à collecter les Dinky Toys, comme plein d’autres gamins, mais leur gamme était limitée, et je ne trouvais pas ce qui m’intéressait. Et puis je me suis marié, les enfants sont arrivés, il y a alors des choses qu’on laisse de côté…

C’est donc reparti quelques années plus tard ?

J’ai eu un déclic lors d’une exposition à Fribourg organisée pour le 25e anniversaire de la disparition de Jo Siffert. Il y avait seulement quelques miniatures de ses voitures, trois ou quatre, pas plus. Siffert, ça m’a parlé, j’ai trouvé ça génial, j’ai revendu toutes mes Dinky Toys et je me suis lancé. Très vite, j’ai débordé du cadre : mon but était de rassembler les voitures des pilotes suisses ! Mais la plupart étaient impossibles à trouver, parce qu’elles n’existaient pas.

Combien de modèles avez-vous réunis ?

Je n’ai pas une obsession, mais je fais le recensement chaque année. Au 3 janvier dernier, j’en étais à 1535 voitures ayant été pilotées par 295 Suisses, dont 11 femmes, ou engagées par une écurie suisse, ou encore construites en Suisse, comme les Sauber F1, qui n’ont couru qu’avec des pilotes étrangers, par exemple.

D’où viennent ces miniatures ?

Beaucoup n’existent pas dans le commerce. Même des voitures connues comme les Chevron 2 litres, par exemple, qui ont pourtant écrit quelques belles pages de l’endurance, sont quasiment introuvables. Environ 250 sont faites «maison», c’est-à-dire redécorées aux couleurs du pilote suisse concerné en partant d’une miniature existante d’un autre pilote, soit carrément construites à l’unité ou en quelques exemplaires par certains artisans passionnés aussi patients que doués. Il y a d’autres «fous» que moi, heureusement !

Des exemples de modèles rares ?

On peut citer les Arrows F1 de Marc Surer en 1983, qui – faute de budget – roulait pratiquement à chaque Grand Prix avec un sponsor et une décoration . La firme Spark, dont le but avoué est de produire les minia-tures de toutes les F1 de l’histoire, en a prévu six. Pour les autres, je suis parti d’un modèle existant que j’ai transformé, ou fait transformer. J’ai un ami pas loin d’ici qui travaille dans la publicité. Il est bien outillé pour traiter les décalcomanies qui font toute la différence…

Est-ce toujours d’actualité avec les voitures récentes ?

Plus vraiment. Spark est arrivé sur le marché il y a une vingtaine d’années et cette marque fait TOUT ! Elle a révolutionné le marché. Aujourd’hui, plus besoin de chercher, on sait que l’on aura chaque année tout le plateau F1, celui des 24 Heures du Mans, ou des 24 Heures de Spa, et une grande partie de celles du Nürburgring, même. Évidemment, pour le collectionneur, ça enlève un peu de l’intérêt, il n’y a plus cette adré-naline de la chasse à l’objet rare, ni le plaisir de la création.

Jusqu’à quel point votre collection estelle complète ?

Pour les 24 Heures du Mans, il me manque seulement quatre voitures sur les 376 pilotées par des Suisses : la Berliet d’Eduard Probst en 1923, la Porsche 908/2 avec laquelle André Wicky n’a pas pris le départ en 1972, l’Alba-Carma de Loris Kessel - Jean-Pierre Frey en 1985 et l’ACR Longines-Cosworth des frères André et Serge Chevalley dans sa 2e version, celle de 1981. Mais j’ai bien l’intention d’y remédier !

Imaginons que vous deviez partir sur une île déserte avec une seule de vos miniatures. Laquelle ?

Aïe ! (longue réflexion). J’ai toujours beaucoup aimé la Porsche 917, une machine emblématique, aux lignes superbes. Et Siffert en a piloté plusieurs. J’ai aussi un faible pour les Ferrari 512. Mais tout compte fait, celle avec laquelle je partirais serait… la modeste BMW 318 IS avec laquelle mon fils Yoann a disputé quelques slaloms !

Y en a-t-il quelques-unes qui ont une importance particulière ?

Comme ça, de tête, il faut que je réfléchisse, mais si je me mets devant mes vitrines, je sais que j’en verrais plusieurs. Il y a la Delage 3 l. 6 cylindres d’Armand Hug en 1939. C’est le 2e Suisse à avoir couru les 24 Heures du Mans, et c’est un modèle rarissime. J’aime beaucoup la Brabham BT44B F1 1976 de Loris Kessel, qui me parle en tant que souvenir personnel. C’est un pilote que j’ai toujours apprécié. Il y a aussi la Lola 2 l. sport-proto 1972 de la Scuderia Filipinetti, un modèle réduit RD Marmande taillé dans un bout de bois et décorée au pinceau «trois poils» par l’artisan Français Raymond Daffaure. L’histoire de Filipinetti est intéressante, jalonnée de voitures et de pilotes mythiques. Il y a aussi les Arrows F1 de Marc Surer – j’étais ado quand il a commencé à percer – que j’ai cherchées pendant des années, tout comme la Brabham-Judd BT58 F1 de Gregor Foitek, qui n’a couru que les deux premiers GP (USA et Brésil) en 1990, hyper-rares. Ah, et puis, bien sûr, la McLaren M16 Offenhauser de Clay Regazzoni aux 500 Miles d’Indianapolis 1977. Je ne suis pas fan des courses à l’américaine, mais Rega à Indy, c’était quelque chose d’exceptionnel…

Un peu plus de 1500 miniatures amassées en 25 ans, ça représente un bel investissement, non ?

Oui, effectivement. Mais au bout du compte ce n’est pas plus cher que de dépenser 7 ou 8 balles par jour pour un paquet de clopes ! Je ne fume pas, et en plus j’ai la chance d’habiter à 100 mètres de mon job [Réd. : à la poste de Chernex], je n’ai pas de frais de déplacement !

En quoi roulez-vous à l’échelle 1:1 ?

J’ai actuellement une Nissan 350Z. Une voiture-plaisir, une occasion saisie il y a quelques années. Je n’ai pas de standing à respecter, ni de fantasme. À part une 917 de route, peut-être. On peut rêver, non ?

La collection, ça prend aussi du temps et de la place. Ça se passe bien en famille ? Absolument. J’ai trois filles – qui ne sont pas vraiment intéressées – et un fils. Lui, il est branché sport auto. Depuis qu’ils ont quitté la maison, j’ai toute la place nécessaire. Et je ne demande pas à Carine, mon épouse, de passer la poussière sur mes miniatures : ça aussi, je le fais moi-même…

This article is from: