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Voiture d’exception – Dallara Stradale
from ACS 296
by actual pub
Une histoire italienne
On dit généralement de l’Angleterre qu’elle est le berceau du sport automobile, ce qui est exact, tout comme il est établi que cette région appelée «Motor Valley» située dans le nord de l’Italie entre Parme et Modène, est la terre de naissance des plus belles voitures sportives de la planète. Par Gérard Vallat
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Située légèrement au sud de cet axe, au cœur de l’EmilieRomagne, la petite bourgade de Varano de Melegari est le siège de l’officine Dallara. Créée par l’ingénieur Gian-Paolo Dallara en 1972, l’entreprise éponyme représente aujourd’hui l’un des constructeurs de voitures de compétition parmi les plus réputés de la planète. Similaire en de nombreux points, l’histoire et la trajectoire de Gian-Paolo Dallara sont assez semblables à celles des ingénieurs Enzo Ferrari, Ferruccio Lamborghini et Horacio Pagani. Leur liant s’articule autour des mots passion et amour touchant à l’esthétique et à la belle mécanique automobile. Néanmoins, une différence de taille vient récemment de se combler avec la création de la Dallara Barchetta. La pièce manquante qui le séparait de ces hommes iconiques. Eh oui ! Gian-Paolo Dallara, focalisé sur les voitures de compétition ne semblait jusque-là pas accorder de réelle priorité à la construction d’une voiture routière.
ET POURTANT !
Originaire de Varano de Melegari, ville où il a vu le jour en 1936, Gian Paolo Dallara a accompli de brillantes études d’ingénieur en aéronautique au Politecnico de Milan. Jeune diplômé attiré par le sport automobile qu’il avait découvert enfant, en suivant les 1000 Miglia avec son père, il a commencé son parcours professionnel chez Ferrari en 1959, il y avait pire pour débuter. Après deux ans passés dans le Saint des Saints, le jeune Gian Paolo est passé chez Maserati pour être plus proche des voitures de compétition. «Je n’étais pas impliqué dans le département course, mais j’étais allé à mes frais au Grand Prix de Monaco. Je voulais absolument m’approcher d’un département compétition, ce qui m’a poussé à postuler chez Maserati». Pris sous l’aile de Giulio Alfieri, il s’est tout de suite plongé dans le bain aux 12




Dallara-Haas F1 de Romain Grosjean.



heures de Sebring 1961, pour suivre une des fameuses Birdcage et la non moins célèbre Cooper-Maserati. Las, l’expérience tournait rapidement court lorsque Maserati annonçait son retrait de la compétition. Ce passage très court suffira pour attirer l’attention de Ferruccio Lamborghini, qui nourrissait l’ambition d’aligner une de ses voitures aux 24 heures du Mans. Hélas, le projet ne verra jamais le jour et Lamborghini proposera à Dallara le poste d’ingénieur en chef, chargé de concevoir les prochaines autos de Sant’Agata Bolognese.
Durant cette période prolifique, Gian Paolo Dallara travaillera en binôme avec Paolo Stanzani pour concevoir la fantastique Miura. Satisfait, mais certainement pas comblé par ses activités, le parmesan ressentait comme un fait inaccompli de ne pas construire de voitures

de compétition. Ainsi, après avoir planché près de dix ans sur quelques-unes des plus belles GT du moment, pour le compte de tous ces constructeurs prestigieux de la Motor Valley, notre homme a pris le parti d’orienter clairement son destin vers le sport automobile. Pour cela, il rejoindra à Modène, dès 1968, l’Italo-argentin Alejandro de Tomaso, auprès duquel Dallara construira les châssis des monoplaces de F2 et F1, en cette toute fin des années soixante. A préciser, que la F1 De Tomaso 505 de 1970, conçue par Dallara était engagée en 1970 par la toute jeune équipe Frank Williams Racing Cars.

NAISSANCE DE DALLARA AUTOMOBILI
En 1972, Gian Paolo Dallara a fondé Dallara Automobili dans les collines de Parme, plus précisément à Varano de Melegari, la petite ville de ses origines. Plutôt bien située, l’entreprise se trouve à un jet de pierre de l’Autodrome SaintChristophe, rebaptisé Circuit Riccardo Paletti, du nom d’un jeune pilote italien décédé au grand prix du Canada 1982. Immédiatement, les mandats de soustraitance affluent, avec notamment le projet Stratos de Lancia qui précéda la série Beta Montecarlo Turbo, suivie de la 037, ainsi que des prototypes LC1 et LC2 engagés aux 24 Heures du Mans. Placée sur orbite, la jeune société va construire dès 1973 ses propres voitures de compétition, sur base de Fiat X1/9. C’est ainsi que naitra la Dallara Icsunonove, dont plusieurs dizaines d’exemplaires seront produits. Dès cette époque les compétences de la société dépasseront rapidement les frontières de l’Italie, et après avoir travaillé pour Ferrari, Lancia, Toyota et Williams, l’heure viendra de franchir un nouveau pas avec la construction d’un tunnel aérodynamique sur le site de Varano. Opérationnelle dès 1980, la soufflerie Dallara servira au développement de quantité de voitures de compétition, mais également routières. Puis ce sera la F1, de 1988 à 1992, avec le mandat de BMS Scuderia Italia pour la construction d’un châssis. Après différents autres épisodes en F1, avec Honda, Midland et Hispania Racing, Dallara deviendra le fabricant de la Haas F1, pilotée notamment par Romain Grosjean. On l’a compris, dès le début des années 80, la machine à fabriquer du rêve était lancée, le succès de la marque devenu planétaire élèvera le nom Dallara sur les fonts baptismaux. La plupart des plus grands pilotes se sont retrouvés, et se trouvent encore aujourd’hui au volant de prototypes et monoplaces, toutes disciplines confondues, étudiés, développés et construits dans les ateliers de Varano de Melegari. Et malgré cette solide implantation dans la compétition, Dallara est resté l’un des consultants privilégiés des plus prestigieux constructeurs qui ont confié et confient toujours leurs projets à l’artisan italien. Bugatti, Porsche, Lamborghini, KTM et tant d’autres, produisent des machines à hautes performances développées, supervisées ou tout bonnement construites par Dallara. Parmi celles-ci, on mentionnera la Bugatti Veyron, la Porsche 918 Spider ou encore la Lamborghini Aventador. Dès lors, il était temps de penser production maison, avec une version routière ultime, qui serait baptisée Dallara Stradale.





Pour puristes

Pouvait-on imaginer découvrir autre chose qu’une voiture extrême, s’agissant d’un engin roulant issu du cerveau fertile de cette référence du sport automobile mondial qu’est l’ingénieur Gian Paolo Dallara ?
Acette question dénuée de sens, la réponse est évidemment non. Parce c’est une évidence qu’après toutes les années de tempête sous le crâne du patron, qui ont précédé à la création de cette voiture pour «monsieur tout le monde», le résultat ne pouvait pas être décevant. La Dallara Stradale devait surprendre, l’objectif est atteint. La première fois que je l’ai vue, je me suis demandé «mais qu’est-ce que c’est que ce truc ?». Posée là, au beau milieu du show-room de Carugati Automobiles, avec son immense aileron, elle déteignait totalement à côté des Ferrari, Pagani et autres Porsche à l’allure si banale, pff ! Posée au ras du sol, sans porte ni toit, la «macchina» est manifestement prête à bondir. Ni une ni deux, le maitre des lieux me propose de me faire ma propre idée au volant. Comment refuser pareille proposition, combien même cet essai se déroule sur nos chères route ouverte, si bien contrôlées pour notre sécurité. Peu importe le flacon… en l’occurrence je tenais entre les mains celui de l’ivresse routière. Quel mot pour résumer cette voiture autre que quintessence. Cette quintessence associée à un concentré de technologie, qui exprime dans la Stradale pratiquement tout le savoir-faire de Dallara. A écouter l’ingegnere, la recette semble simple, rien de nouveau «un châssis léger et un moteur transversal en position centrale». Voilà un cocktail qui nous ramène quelques décennies en arrière, au temps d’une certaine Lamborghini Miura. Est-ce également un hasard si les lignes de cette Dallara semblent presque se fondre avec précision dans celles de sa glorieuse ainée.






SIMPLICITÉ ET EFFICACITÉ
Entièrement en fibre de carbone, la Dallara Stradale est sans aucun doute une des voitures routières les plus proches de la compétition. L’habitacle ne comporte pas de portière, il faut enjamber ce qui pourrait être une ouverture pour se glisser dans l’étroit habitacle. Pour exécuter la manœuvre, un espace indiqué «step here» est prévu pour poser le pied droit au milieu du siège. Plus qu’à se glisser dans l’étroit siège baquet fixe, moulé avec le châssis. Recouvert de cuir, ce siège ergonomique est très confortable. Pour ajuster la position de conduite à la perfection, pédalier et volant sont ajustables manuellement aux mesures du conducteur. Rationnel et assurant une bonne prise en main, le volant rassemble toutes les commandes en huit boutons rapidement identifiables. Et c’est en pressant un de ceux-ci qui déclenche la voix rauque du quatre cylindres 2,3 litres Ford Ecoboost de 400 chevaux et 500 Nm de couple. Manque de noblesse, petit bras, faute de goût etc. argueront certains au sujet de ce «trop» populaire propulseur. Efficacité, poids et encombrement répondront les ingénieurs Dallara. Effectivement, pour atteindre un poids en ordre de marche dépassant à peine les 850 kilos, il fallait trouver un moteur apte à délivrer autant de puissance sans péjorer l’équilibre sur la balance. Et, témoin du résultat, j’avoue que ce petit Ford, ne roule pas des mécaniques, mais assure parfaitement sa mission. La version que m’a confiée Tiziano Carugati est équipée de la boite séquentielle à palettes au volant, mais il existe une version avec boite manuelle à six rapports. N’ayant pas essayé les deux, il m’est naturellement impossible de les comparer, mais cette boite séquentielle mériterait selon moi d’être plus réactive. Quoi qu’il en soit, les performances sont bien là, avec une vitesse de pointe de 280 km/h et le 0 à 100 km/h en 3,5 secondes, la petite joue dans la cour des très grands.







L’APPEL DE LA PISTE
Comme c’est souvent le cas, pour ne pas dire toujours, l’essai de cette Dallara Stradale s’est déroulé sur route ouverte, ce qui signifie une surveillance permanente du compteur de vitesse! Par conséquent, inutile d’attendre des informations quant à la tenue de route, l’appui aérodynamique, la rigidité du châssis ou encore l’endurance du freinage. Sur ce thème je ne me prononcerai pas, mais après avoir taquiné la bestiole sur de petites routes sinueuses, j’ai tout de même ressenti que l’appel de la piste et de la performance taraude l’âme de cette voiture. Le freinage est d’une puissance qui surprendra ceux qui, déçus d’apprendre que le moteur est un 4 cylindres, découvriront que les freins sont en acier. Eh oui, pas besoin de carbone/céramique quand la voiture pèse 800 kilos ! C’est suffisamment endurant et bien moins cher lorsqu’il faut les changer. Les pneus équipant de série la Dallara sont des Pirelli Trofeo développés en simulateur spécialement pour cette auto. Conçus pour absorber les 2G de force latérale généré par la Dallara, ils devraient satisfaire les amateurs de Track Days, qui pourront se rendre au circuit par la route, avant de rentrer chez eux sans avoir à changer les gommes et les freins après chaque sortie. C’est en tout cas la vocation de la Dallara Stradale.

CARROSSERIE À LA CARTE
Planifiée pour être construite à un nombre limité à six cent exemplaires, la Dallara Stradale est disponible sous différentes formes. La version de base est une Barchetta, sans pare-brise ni toit, une version cabriolet peut recevoir un pare-brise et enfin une troisième déclinaison fermée, avec toit et portes, est également disponible. A savoir, une version n’empêche pas l’autre, étant donné que la Dallara fermée peut se transformer en Barchetta, et vice-versa, moyennant quelques tours de vis. Last but not least, le prix de base tourne aux alentours de CHF 160’000.- Plus d’informations directement sur le site Dallara (www.dallara.it), où au siège du constructeur. A noter, toutes les voitures vendues seront livrées sur le site du constructeur à Varano de Melegari.