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Hypercar – Laurent Tapie et la Delage
from ACS 296
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Le projet d’hypercar de Laurent Tapie a su convaincre les Amis de Delage, ces derniers l’autorisant à reprendre le nom de cette marque prestigieuse. Déclinée en une trentaine d’exemplaires, la Delage D12 coûtera 2 millions d’euros. Texte : Pierre Thaulaz | Photos : Ted7
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AUTO: Un projet que vous portez en vous depuis longtemps?
Laurent Tapie : Cela fait quasiment 3 ans que je travaille sur ce projet. Dans un premier temps, j’ai réfléchi à la voiture. J’avais analysé le marché et j’étais arrivé à la conclusion qu’il y avait encore de la place sur le marché pour un fabricant d’hypercars. Encore fallait-il afficher un positionnement différent. J’ai donc réfléchi à la voiture avant la marque. Pendant plus de 2 ans, j’ai recruté une équipe, on a conçu les plans de la voiture, laquelle devait ressembler un peu à une formule 1 de route.
Important que le nom d’une marque de prestige soit attaché à cette voiture?
C’était très important. C’est beaucoup plus facile de lancer une voiture qui peut faire valoir d’un historique plutôt que créer une marque de zéro. Et il était dommage que de belles marques comme les Delage, Delahaye ou Talbot ne revivent pas. Bugatti revit aujourd’hui, et il faut féliciter Volkswagen pour le travail remarquable réalisé par ce groupe. C’est vraiment redevenu la marque la plus prestigieuse au monde, capable de prouesses techniques, comme d’être capable d’atteindre 480 km/h avec une voiture homologuée pour la route. Dans mon esprit, Delage mérite tout autant que Bugatti de renaître. C’est la seule marque championne du monde française avec Bugatti.
Bugatti avait l’appui d’un grand groupe. Et vous?
J’ai 16 «titres de champion du monde» dans mon équipe et je compte 4 milliardaires parmi mes 12 investisseurs. On est donc armé pour développer ce projet, avec l’ambition de concurrencer Bugatti.
Des investisseurs qui viennent d’un peu partout dans le monde?
Sur les 12 investisseurs, 8 sont Français et 4 sont étrangers.
Facile de convaincre les Amis de Delage?
Au départ ils étaient très méfiants, ce que je comprends tout à fait. La marque, c’est leur trésor depuis tellement d’années.
Vous êtes aujourd’hui président de Delage Automobile?
Oui. Le siège est à Marseille, mais les voitures seront produites à Paris. Parce que c’est l’histoire de Delage.
Seul un showcar a été dévoilé à ce jour?
Oui, mais on est en train de fabriquer le prototype roulant qui, si tout va bien, devrait être opérationnel d’ici la fin du 1er trimestre 2021. On pense proposer des essais clients en été 2021, tandis que les premières voitures de série seront livrées en septembre 2022. Le moteur, un 7,6 l. en V 66 degrés, tourne, on est en train de terminer la boîte de vitesses et la monocoque est quasiment achevée. La prochaine étape consiste à réaliser les moules qui permettront de fabriquer les pièces de la carrosserie tout est en carbone.
La voiture a un look d’enfer. Qui l’a dessinée?
Munyaradzi Kühl. C’est mon designer qui a réalisé les dessins, mais son look était dans ma tête.
Le choix du V12 n’est pas innocent?
Bien sûr. Louis Delâge rêvait de faire une D12 à l’époque où son V12 2 litres remportait toutes les courses. Cette voiture V12 était programmée pour la fin des années 20 et en 1929, la crise mondiale a mis par terre toute l’économie et Delage a fait faillite en 1933. La marque a été reprise par Delahaye, mais Louis Delâge n’était plus vraiment décisionnaire. Avec notre D12, on honore en quelque sorte la mémoire de Louis Delâge.
Deux versions sont prévues?
Les deux sont des routières, la version Club étant un peu moins puissante mais plus légère. Elle sera plus performante sur circuit que la version GT.
Le record au Nürburgring avec la version Club?
C’est sûr. C’est elle qu’on utilisera pour tenter de battre ce record. «L’AMBITION AVEC CETTE VOITURE, C’EST DE S’APPROCHER D’UNE FORMULE 1.»

Avec Jacques Villeneuve?
Pas forcément, Jacques n’étant pas un spécialiste du Nürburgring. Certains pilotes sont des spécialistes de ce circuit particulier qu’il s’agit d’avoir parfaitement en tête.
Quelle sera alors l’implication de Villeneuve?
On attend de lui qu’il nous aide à faire le réglage de la voiture une fois qu’elle sera roulante. Je veux que les réglages soient effectués par un pilote de F1. L’ambition avec cette voiture, c’est de s’approcher d’une formule 1, et il n’y a pas mieux qu’un pilote F1 pour déterminer si oui ou non elle se rapproche des sensations d’une F1. J’ai écumé beaucoup de circuits aux commandes de voitures différentes. Ma préférée ? La Ferrari F430 Scuderia réglée par Michael Schumacher. C’est la différence entre une voiture intégralement conçue par des ingénieurs, par opposition avec une voiture conçue par des ingénieurs, puis par un pilote.
Cette position centrale avec le passager à l’arrière est-elle synonyme de meilleures performances?
Ça a deux avantages. Premièrement en termes de sensations, avec l’idée de se rapprocher de la F1. En plus, on a une répartition de masses qui est forcément parfaite.
Une voiture qui sera exposée dans un salon?
On organise des showcases pour VIP. Les deux premiers se sont déroulés en Californie, les 10 et 11 décembre 2019. Une trentaine de personnes invitées avaient été sélectionnées par notre distributeur Newport Beach Automotive Group, le plus gros distributeur d’hypercars en Californie, qui représente Bugatti, Koenigsegg, Lamborghini et McLaren. Sept clients se sont déclarés prêts à acheter une voiture. Après le Moyen-Orient cet automne, la voiture partira début 2021 en Asie, avant de revenir en Europe aux alentours de mars.
On la verra en Suisse?
Oui. On devrait la présenter à Genève et à Zurich. Il faudra choisir le bon moment, en tenant compte aussi du Covid.
Ça ne s’arrêtera pas à un modèle?
Notre deuxième hypercar sera plus conventionnelle, avec deux places côte à côte, mais elle sera révolutionnaire sur le plan des solutions technologiques présentées.
Une passion qui remonte à l’enfance?
Absolument. Petit, j’avais des Ferrari et des Porsche en «Majorette». A l’adolescence, j’avais les posters de Countach et autres, et dès que j’ai pu gagner un peu ma vie, j’ai acheté des voitures de sport de plus en plus performantes.


Votre père a participé à des courses?
Mon père a effectué notamment des rallyes et des courses de côte, c’est lui qui m’a donné le virus. J’ai grandi à l’arrière de la 911 Turbo et je ne voulais aller dans aucune autre voiture. Après, il a eu la Porsche 959, la première supercar de l’histoire. J’ai de très grands souvenirs à ses côtés.
Vous n’avez jamais fait de sport auto?
Non. A 20 ans, j’ai gagné un concours de pilotage amateur organisé par un club Porsche. Le premier prix consistait à avoir le droit de conduire une formule 1. C’était en 1995, et c’est une expérience qui reste parmi les plus belles choses que j’ai vécues dans ma vie. Je suis hanté par mon souvenir de la conduite de la F1, et c’est pour ça que la Delage D12 se rapproche le plus possible d’une F1.
MAIS ELLE SERA RÉVOLUTIONNAIRE
