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Souvenir - Une Traction pour Jean Moulin
ILS SONT ENTRÉS DANS LA RÉSISTANCE
DES ÉLÈVES DU COLLÈGE JEAN MOULIN DE MONTCEAU-LES-MINES, EN SAÔNE-ET-LOIRE, RESTAURENT UNE TRACTION DE 1940. UN «DEVOIR DE MÉMOIRE» ORIGINAL PROPOSÉ PAR ERIC SKRZYPCSAK, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION «UNE TRACTION POUR JEAN MOULIN».
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Par Pierre Thaulaz
AUTO : Comment est né ce projet ? Eric Skrzypcsak : L’idée a germé en octobre 2010 et le club a été lancé début novembre. Notre chance était que le public à séduire, des élèves de 11 à 15 ans, était celui qui rêve encore, tel un chercheur d’or ou un Don Quichotte. Mais si nous avions su tout ce qui nous allait nous attendre par la suite, le projet serait resté directement dans les cartons des projets mort-nés.
Un club au sein du collège ? Oui. Comme il s’agit du Collège Jean Moulin, on a réfléchi à la manière la plus originale d’intéresser les jeunes à la figure de ce grand résistant. D’où l’idée de restaurer un véhicule de la Seconde Guerre mondiale qui deviendrait par la suite un mémorial roulant. Un véhicule qui, une fois restauré, permettrait d’aller dans des endroits symboliques ou de rencontrer des jeunes d’autres collèges pour leur expliquer ce qu’était cette période.
Important pour les jeunes de s’engager dans un projet concret ? Quand on arrive avec quelque chose qui fait pétiller les yeux des jeunes, on peut aller plus loin avec eux. Si on vient avec des livres sur la résistance, ils vont faire quatre pas en arrière. Si on vient avec une autre idée, avec un cheminement un peu différent, ça peut être gagnant.

ILS SONT ENTRÉS DANS LA RÉSISTANCE
Eric Skrzypcsak fait partie du personnel technique du Collège Jean Moulin Le choix de la Traction, une évidence ? On a choisi la Traction parce qu’elle a traversé toute cette période et qu’elle a été utilisée par tout le monde.

Aussi par les Allemands… Forcément, puisque c’était le meilleur véhicule de l’époque. Ils n’avaient donc aucune raison de s’en priver. Mais après la guerre, personne n’en a voulu à la Traction, puisqu’elle a duré jusqu’en 1957.
La Traction que vous êtes en train de restaurer n’a pas collaboré ? On sait qu’elle est restée la plupart du temps sous des bottes de paille. Elle a peut-être même participé à des actes de résistance en fin de guerre.

Qui a offert cette Traction ? Jean-Louis Gargot. Il a une grande barbe, les jeunes l’appellent le père Noël.
Une 11B légère ou une large ? C’est une 11B large, un modèle qui était moins courant que la légère. Après-guerre, c’était l’inverse. La Traction en question, sortie en 1940, est l’un des derniers modèles fabriqués au début de la guerre. Par la suite la production a progressivement été stoppée.
Les jeunes prennent une large part dans cette restauration ? Oui, même s’il y a des choses qu’ils ne peuvent pas faire, comme la carrosserie. Mais ils ont suivi toutes les étapes, ont participé au ponçage de certains éléments. Pareil pour le chromage qu’ils n’ont pas pu réaliser.
Des spécialistes viennent les entourer ? Oui. On organise des séries de deux ou trois jours de mécanique. C’est relativement sympathique de les voir partager leur passion et leurs connaissances avec les jeunes.
C’est long une restauration. N’y a-t-il pas une frustration de leur part ? Oui, et en plus ils n’ont pas la même échelle du temps que nous. Trois mois pour eux, c’est une éternité. On a démarré il y a 5 ans, forcément les élèves formant la première équipe ne sont pas allés au bout de l’aventure. Mais bon, ils ont participé à l’aventure, et certains reviennent. C’est un projet de longue haleine, on le savait dès le départ puisqu’on est parti de rien.
A quel stade en êtes-vous ? La plupart des pièces sont dégraissées, dérouillées, certaines sont repeintes progressivement, et le moteur est aux quatre-cinquièmes terminé.
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Un moteur d’origine? Toutes les pièces sont d’origine. On nettoie, on restaure et on remonte. Ça coûte peut-être un peu plus cher que de remplacer certains éléments mais c’est notre philosophie.
A quand estimez-vous la fin des travaux? La voiture devrait être sur ses roues en septembre 2016, mais elle ne sera sans doute pas complètement terminée avant 2017. Tout dépend de la motivation de l’ensemble du groupe.
Quelle est la plus grosse difficulté de ce projet? A vrai dire, une difficulté remplace l’autre. Mais le plus difficile a sans doute été le sauvetage de la carrosserie, laquelle était très esquintée. Heureusement, on a passé ce cap.
Et sur le plan financier? Le collège nous héberge mais ça s’arrête là. Pour les fonds, on doit se débrouiller nous-mêmes, au même titre qu’une association tout à fait normale. Toutes les personnes qui encadrent ces jeunes sont bénévoles. Comme moyen de survie, nous avons une souscription à la fondation du patrimoine de Bourgogne (www.fondation-patrimoine.org/fr/ bourgogne-5/tous-les-projets-292/ detail-traction-avant-citroen-13125).
Montceau-les-Mines a un rapport étroit avec la résistance? Montceau-les-Mines est l’une des 17 villes médaillées de la Résistance. Le 6 septembre 1944, un train blindé allemand a été stoppé dans les environs de Montceau, au niveau du pont de Galuzot. 600 Allemands ont été capturés, une opération qui compte parmi les hauts faits de la Résistance.
Quel rapport entretenez-vous personnellement avec ce collège? Je travaille au sein du Collège Jean Moulin mais je ne suis pas enseignant. Je fais partie du personnel technique de l’établissement.
Il était important pour vous de faire participer des jeunes à ce devoir de mémoire? Oui. En plus, à titre personnel, mon grandpère et mon oncle ont été déportés et ne sont pas revenus. C’est un ensemble. TOUTES LES PIÈCES SONT D’ORIGINE. ON NETTOIE, ON RESTAURE ET ON REMONTE. ÇA COÛTE PEUT-ÊTRE UN PEU PLUS CHER QUE DE REMPLACER CERTAINS ÉLÉMENTS MAIS
C’EST NOTRE PHILOSOPHIE.

