Edition du jeudi 19 décembre 2013

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LES ANNONCES DE LA SEINE Jeudi 19 décembre 2013 - Numéro 72 - 1,15 Euro - 94e année

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

De gauche à droite, Sergey Guichardme, Olga Koltunova, Oleg Koltunov, Zbigniew Cichon, Christophe Pettiti, Yves Oschinsky et Christiane Féral-Schuhl

DROITS DE L’HOMME

XVIIIème Prix International Ludovic Trarieux 2013 - Droit, Justice et Humanité par Christophe Pettiti.............................. 2 - Un procès qui ne trompe personne par Bertrand Favreau .......... 3 - Se taire est criminel par Christiane Féral-Schuhl............................... 7 - Lutter pour la liberté par Olga Koltunova......................................... 8 - Nelson Mandela l’Avocat par Bertrand Favreau ......................... 8 - L’exil par Zenani Mandela Dlamini ............................................. 11 ● Droits de l’Homme et Justice internationale - Droit, Justice et Humanité par Anne Souléliac ................................... 13 ●

VIE DU DROIT

Master 2 Droit des contrats et de la concurrence................... 14 Barreau de Paris - Conférence des Bâtonniers ......................... 15 ● Cour administrative d’appel de Versailles .......................... 18 ● Association Droit & Procédure ........................................................ 20 ● Le CNB tourne la page de la gouvernance ................................ 21 ● ●

SOCIÉTÉ ● ●

Femmes Administrateurs ................................................................ 16 Ministère des Droits des Femmes ................................................. 16

JURISPRUDENCE ●

Loi organique du 5 novembre 2013 relative au procureur de la République financier............................ 17

ANNONCES LÉGALES ................................................ 22 ADJUDICATIONS .......................................................... 37 CULTURE ●

Revue UJA de Versailles ........................................................... 38

ELECTIONS au Barreau de Versailles

Frédéric Landon succède à Olivier Fontibus ................................ 40

XVIIIème Prix International des Droits de l’Homme Ludovic Trarieux 2013

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ouhaitant célébrer le courage de Vadim Kuramshin, arrêté pour la première fois le 23 janvier 2012, accusé de s’être livré à un chantage avec une vidéo compromettante et à une extorsion d’argent à l’encontre d’un assistant du Procureur de Lordaï (à la frontière du Kazakhstan), puis condamné le 7 décembre 2012 à 12 ans de prison sous « régime strict » par le Tribunal régional de Zhambyl, le 18ème Prix international Ludovic Trarieux, illustrant la souffrance des avocats dans le monde, a été remis à sa Mère Olga Koltunova par Christiane Féral-Schuhl, lors d’une cérémonie qui s’est déroulée à la Maison du Barreau de Paris le jeudi 5 décembre 2013. Cette émouvante cérémonie, co-organisée par l’Institut des Droit de l’Homme du Barreau de Bordeaux, l’Institut de Formation en Droits de l’Homme du Barreau de Paris, l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Bruxelles, l’Unione Forense per la Tutela dei Diritti dell’Uomo, le Barreau de Luxembourg, l’Ordre des Avocats de Genève,

l’Union Internationale des Avocats et l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, s’est déroulée en présence des représentants des Barreaux européens venus rendre hommage à l’avocat kazakh incarcéré. Madame le Bâtonnier de Paris Christiane Féral-Schuhl a dénoncé les graves violations dont sont victimes les défenseurs des Droits de l’Homme au Kazakhstan, précédant en cela Christophe Pettiti, Secrétaire Général de l’Institut de Formation en Droits de l’Homme du Barreau de Paris et Bertrand Favreau, fondateur du Prix Ludovic Trarieux en 1985 et Président du jury. Depuis près de trente ans, le Prix International des Droits de l’Homme Ludovic Trarieux, récompensant le combat individuel d’un avocat dans le monde, nous rappelle que le devoir d’indépendance demeure la première obligation de l’avocat ; nous félicitons ceux qui en préservent l’essence, souvent au péril de leur liberté et de leur intégrité physique, consacrant ainsi leur vie à la défense des Droits de l’Homme. Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ʼA NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE


LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr

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Droits de l’Homme Christophe Pettiti

Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05 Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède

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Didier Chotard Frédéric Bonaventura

Droit, Justice et Humanité par Christophe Pettiti

Commission paritaire : n° 0718 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 13 448 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de lʼAtlas - 75019 PARIS

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Copyright 2013 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2012 ; des Yvelines, du 31 décembre 2012 ; des Hautsde-Seine, du 31 décembre 2012 ; de la Seine-Saint-Denis, du 27 décembre 2012 ; du Val-de-Marne, du 27 décembre 2012 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales. -Tarifs hors taxes des publicités à la ligne A) Légales : Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,48 € Yvelines : 5,23 € Hauts-de-Seine : 5,48 € Val-de-Marne : 5,48 € B) Avis divers : 9,75 € C) Avis financiers : 10,85 € D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 € Seine-Saint Denis : 3,82 € Yvelines : 5,23 € Val-de-Marne : 3,82 € - Vente au numéro : 1,15 € - Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES

Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de lʼannonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les lignes de titres nʼexcéderont pas lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lʼannonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. Lʼespace blanc compris entre le filet et le début de lʼannonce sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de lʼannonce et le filet séparatif. Lʼensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de lʼannonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début dʼun paragraphe où dʼun alinéa sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans lʼéventualité où lʼéditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Agnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes Administrateurs Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Magistrat honoraire Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Chloé Grenadou, Juriste d’entreprise Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

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’ai le grand plaisir d’ouvrir la cérémonie du 18ème Prix Ludovic Trarieux. Créé en 1984, le « Prix International des Droits de l’Homme – Ludovic-Trarieux » est décerné à « un avocat sans distinction de nationalité ou de Barreau, qui aura illustré par son œuvre, son activité ou ses souffrances, la défense du respect des droits de l’Homme, des droits de la défense, la suprématie du droit, la lutte contre les racismes et l’intolérance sous toutes leurs formes ». Il est la plus ancienne et la plus prestigieuse des récompenses réservées à un avocat. Il a été créé par l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Bordeaux et son Président, le Bâtonnier Bertrand Favreau. Son origine remonte au message de Ludovic Trarieux (1840-1904), fondateur, en 1898, au moment de l’Affaire Dreyfus, de la « Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen » : « Ce n’était pas seulement d’ailleurs la cause isolée d’un homme qui était à défendre, c’était, derrière cette cause, le droit, la justice, l’humanité ». Un an après sa création, le premier Prix a été attribué le 27 mars 1985 à Nelson Mandela alors emprisonné depuis 23 ans en Afrique du Sud. Il a été remis officiellement à sa fille, le 27 avril 1985. Depuis 2003, le prix est devenu l’hommage désormais annuel des avocats à un avocat du monde. Il est décerné conjointement par : l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Bordeaux, l’Institut de formation en droits de l’homme du Barreau de Paris, l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Bruxelles, l’Unione forense per la tutela dei diritti dell’uomo (Rome), la Rechtsanwaltskammer de Berlin, le Barreau de Luxembourg, le Barreau de

Genève, l’Union Internationale des Avocats (UIA), et l’Institut des droits de l’homme des Avocats Européens (IDHAE) dont sont membres de grands Barreaux européens investis dans la défense des droits de l’homme comme le Barreau Polonais, et l’Association AED (Avocats européens démocrates). Le prix a été remis en 1985 à Nelson Mandela (Afrique du Sud) †, en 1992 à Augusto Zúñiga Paz (Pérou) †, en 1994 à Jadranka Cigelj (Bosnie-Herzégovine), en 1996 à Najib Hosni (Tunisie) et Dalila Meziane (Algérie), en 1998 à Zhou Guoqiang (Chine), en 2000 à Esber Yagmurdereli (Turquie), en 2002 à Mehrangiz Kar (Iran), en 2003 à Digna Ochoa et Bárbara Zamora (Mexique), en 2004 à Akhtam Naisse (Syrie), en 2005 à Henri Burin Des Roziers (Brésil), en 2006 à Parvez Imroz (Inde), en 2007 à René Gómez Manzano (Cuba), en 2008 à U Aye Myint (Birmanie), en 2009 à Beatrice Mtetwa (Zimbabwe), en 2010 à Karinna Moskalenko (Russie), en 2011 à Fethi Terbil (Libye) et en 2012 à Muharrem Erbey (Turquie). Réunis le 20 juin 2013, à Genève, le Jury de 29 avocats européens a attribué le 18ème Prix International à Maître Vadim Kuramshin du Kazakhstan. Nous avons le plaisir d’accueillir sa mère et son fils, le lauréat étant toujours en prison. Je tiens à remercier l’ONG « Campagne Kazakhstan » et notamment Clare Doyle qui apporte son aide à la famille de Vadim, et qui nous a aidé à organiser la venue de Olga et Oleg Koltunova.

On avait l’habitude d’entendre, à l’époque du bâtonnat de Mario Stasi et de Louis-Edmond Pettiti, lorsqu’un avocat à travers le monde était arrêté la formule « appelez Christophe Pettiti le Bâtonnier de Paris ».

Les Annonces de la Seine - jeudi 19 décembre 2013 - numéro 72


Droits de l’Homme Notre cérémonie se déroulera en trois étapes. Nous allons d’abord entendre Monsieur Bertrand Favreau qui nous présentera le lauréat, puis Madame le Bâtonnier Christiane Féral-Schuhl. Madame le Bâtonnier, je vous remercie vivement d’avoir accepté d’organiser, avec l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Paris, cette cérémonie en l’honneur de Vadim Kuramshin, et surtout d’avoir placé cet événement en ouverture de la Rentrée du Barreau de Paris. En cela, vous illustrez la

place du Barreau de Paris dans la protection des droits de l’homme, à laquelle vous avez été attachée pendant votre bâtonnat. Vos prédécesseurs, et permettez-moi d’en citer deux - mais la liste serait nécessairement plus longue - le Bâtonnier Mario Stasi et le Bâtonnier Louis-Edmond Pettiti seraient certainement fiers de cette action. On avait l’habitude d’entendre, à l’époque de leur bâtonnat, lorsqu’un avocat à travers le monde était arrêté la formule « appelez le Bâtonnier de Paris ».

Ce soir, grâce à vous Madame le Bâtonnier, et à vous tous réunis dans cette salle, le Barreau de Paris est présent dans ce combat, aux cotés des grands Barreaux européens. Madame le Bâtonnier, vous remettrez après votre discours le Prix à Madame Olga Koltunova, en présence des membres du Jury. Monsieur le Bâtonnier Bertrand Faveau, je vous laisse nous présenter Vadim Kuramshin. Merci à vous tous d’être présents ce soir pour lui et les 150 avocats persécutés dans le monde en 2013.

Un procès qui ne trompe personne

Bertrand Favreau

par Bertrand Favreau

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« Condamné Vadim Kuramshin levez-vous ! Vous allez maintenant entendre votre Procès. Vous pouvez vous expliquer librement, mais sachez que notre décision est déjà prise. Pour assurer le cérémonial de l’audience, nous tolérons la présence d’avocats. Mais nous n’entendrons pas ceux que vous avez choisis pour vous défendre. La première a demandé le report du Procès pour raison de santé, ce qui est déjà fâcheux, mais elle a de plus outragé la Cour en se plaignant de traitements inhumains et dégradants commis à votre encontre pendant et après votre arrestation, elle est donc à compter de ce jour, interdite d’exercice professionnel. Sa licence d’avocat lui est retirée avant tout débat à l’audience. Elle est sans plus attendre interdite de tout exercice professionnel. Condamné Vadim Kuramshin, Nous ne saurions tolérer davantage que votre second Avocat, puisse s’expliquer à sa guise. Lui aussi a outragé la Cour, en demandant à voir les pièces de votre dossier, ce qui traduit un manque de confiance total dans l’impartialité et l’indépendance de notre juridiction et la Cour a déjà décidé contre lui de sanctions disciplinaires, et a saisi le collège des Avocats à cette fin. Condamné Vadim Kuramshin, la Cour a le devoir de vous exposer les voies de recours contre la décision que nous avons déjà prise, et que nous allons prononcer. Vous pourrez demander à tout moment la confirmation de votre condamnation à une juridiction d’appel ou de cassation. Votre condamnation ne manquera pas d’être ainsi maintenue, sur simple demande de votre part, y compris par la juridiction suprême du pays. Condamné Vadim Kuramshin, votre procès peut à cet instant s’ouvrir ! Vous êtes- déjà condamné à 12 années de réclusion. De surcroît, nous vous informons qu’afin de vous permettre de venir à résipiscence, la Cour a d’ores et déjà prévu un aménagement de votre peine. Vous purgerez douze années de réclusion avec « régime strict », mais, vous subirez cette peine dans la colonie pénitentiaire EC 164/4, où vous

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e Procès a eu lieu en 2012. Il n’est pas terminé. Ce que nous en entendons encore, c’est l’écho lointain d’une condamnation programmée. La résonance d’un mot d’ordre venu du cœur de l’Asie centrale : Il faut condamner l’avocat Vadim Kuramshin…

pourrez ainsi mieux apprécier les traitements dont vous avez calomnieusement dénoncé la cruauté. » ...Cela ... s’est passé en décembre 2012. Vadim Kuramshin. a été condamné sans être jugé. Quelque part entre la Russie et la Chine. Non loin de l’Europe, dans cette Asie que l’on dit Centrale, et qui est plus éloignée de nous que l’Orient lointain puisque extrême. Le verdict était attendu. L’audience n’a été qu’un grand cérémonial d’éradication. Un Procès politique maquillé en infraction de droit commun. Ces Procès-là nous les connaissons bien. Alors qu’importe, même si le procédé ne trompe plus personne, ni ceux qui le savaient déjà, ni les autres qui ne veulent pas le savoir. Il n’y a plus de prisonnier d’Etat dans les prisons du monde. Il n’y a plus de prisonnier politique. Ni nouveau Florestan, ni Egmont réincarné. Il n’y a plus de prisonnier d’opinion. Il faut décourager les protestations des institutions et des ONG. Les militants des droits de l’Homme, qu’ils soient avocats ou non, ne sont que des condamnés de droit commun. Les charges fabriquées les rangent, comme dans tous les pays, au nombre de ces délinquants, au sujet desquels les Chancelleries ne protestent jamais. Tout avait commencé en 2011. Tout avait commencé par un massacre. A Janaozen, en

décembre 2011. Ce n’était que des grévistes de l’industrie pétrolière qui exerçaient pacifiquement leur droit de manifestation. Officiellement il y a eu 15, puis 17 morts. Le nombre des blessés lui est demeuré inavouable. Plus d’une centaine grièvement blessés par balles. Sous la pression de l’opinion internationale, on a fini par condamner cinq policiers de la région de Manguistaou et de la ville de Janaozen. A leur Procès, de très nombreux collègues policiers sont venus dire qu’ils ne comprenaient pas. Bien sûr, qu’ils avaient tiré eux aussi - ils l’ont certifié ! Ils avaient tous tiré directement sur les grévistes et les manifestants. On s’en doutait au vu du nombre de morts et de blessés graves. Mais jamais d’autres poursuites n’ont été instaurées. Depuis, on a méthodiquement poursuivi au contraire tous ceux qui sont soupçonnés d’avoir de près ou de loin participé aux manifestations pacifiques de Janaozen. Trente-sept personnes ont été traduites en justice à Aktaou. Selon le Rapport 2013 d’Amnesty International, la plupart d’entre elles ont témoigné avoir été contraintes sous la torture de faire des « aveux ». Elles ont fait état de détention dans les soussols de postes de police, de détenus déshabillés, frappés, y compris à coups de pied, par des agents des forces de sécurité et, contraints à s’allonger ou à s’accroupir sur le sol de béton froid, durant des heures jusqu’à en perdre connaissance, avant

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Droits de l’Homme

Certes n’exagérons rien, rien n’est plus comme avant. Mais cela reste le point de vue de ceux qui sont à l’extérieur, ce n’est pas la vision du prisonnier d’aujourd’hui qui ne connaît les conditions carcérales des centres pénitentiaires que de l’intérieur. Ce qu’avait fait Vadim Kuramshin, c’est dénoncer le fait que pour les reclus d’aujourd’hui, à l’intérieur, rien n’avait Bertrand Favreau vraiment changé.

le démontrait : l’affaire était montée de toutes pièces. Vadim Kuramshin ne pouvait pas, et n’avait pas commis d’extorsion de fonds. Le 28 août 2012, le jury du Tribunal de Kordaï refusant toute instrumentalisation, l’a acquitté, à l’unanimité, et l’a rendu immédiatement à une liberté qu’il n’aurait jamais dû perdre. Ainsi, Vadim Kuramshin était-il innocent. Mais comme le dit une réplique célèbre d’un livre fameux : « l’innocence ne simplifie l’affaire en rien ». Bien au contraire. Et, libre, il ne le fut que pour quelques semaines. Cette année-là, en effet, Vadim Kuramshin ne connut que deux mois de liberté. Mais il les employa pleinement. Sans doute, le vit-on trop ? A Varsovie en septembre et octobre 2012 où il vint témoigner devant l’OSCE sur l’absence de mise en œuvre des engagements pris par son pays concernant notamment la dimension humaine de la condition pénitentiaire. Mais aussi, aux quatre coins du pays, pour enquêter sur la condition des détenus. Décidément, Vadim Kuramshin récidivait. Décidément, le message n’avait pas été entendu : il fallait condamner l’Avocat Vadim Kuramshin. Il fallait, trouver, donc, des Juges qui veuillent bien, d’abord, par tout

moyen, mettre à néant la proclamation de son innocence. La même année, dès octobre, on les trouva sans peine. Ils se chargèrent de trouver des vices de forme dans cet acquittement qui avait tout pour déplaire, en haut lieu. Le 31 octobre 2012, le verdict de Kordaï fut annulé d’un trait de plume serve par le tribunal régional du district de Djambul. Ce jour là, Vadim Kuramshin se trouvait à l’extrême nord du pays, à Petropavl. Pouvait-il songer un instant que le destin l’attendait, là, tout près de la frontière russe, si près d’Omsk, et de cette « Maison des morts », où Dostoïevski, le condamné, avait connu le bagne pendant quatre années ? Le jour même, de la décision dont le dernier mot n’était pas écrit, l’on a pu voir une escouade de policiers, dépêchée bien à l’avance à Petropavl, fondre sur Vadim Kuramshin pour s’emparer de lui, comme les aigles des chasseurs Berkutchis, à la saison d’hiver, se jettent sur les renards dans les steppes, On le tenait bien cette fois. Arrêté dans l’extrême nord, il fut conduit à travers tout le pays pour revenir vers Taraz. Au prix de mille maux, de mauvais traitements, comme on peut en infliger de façon jubilatoire à celui qui les a trop longtemps dénoncés. A bout de forces, Vadim Kuramshin s’est tailladé les veines. Comportement inacceptable qui lui valut d’être placé à l’isolement pour violation des conditions de détention. Cette fois ci, c’est le Tribunal Régional du Djambul, lui qui avait déjà suffisamment démontré son impartialité en annulant l’acquittement, qui allait s’occuper de lui. Après la forme, il allait se charger du fond. Son Procès y commença le 20 novembre 2012. De ce Procès il ne sut rien. Il n’eut pas les pièces de son dossier. Il n’eut pas d’avocats. Ses défenseurs c’étaient Raziya Nurmasheva et Iskander Alimbayev. L’une fut radiée avant tout débat l’audience, et l’autre renvoyé pour être sanctionné devant le collège disciplinaire

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d’être aspergés d’eau glacée.. Même les témoins de l’accusation se sont rétractés à audiences, en révélant qu’eux-mêmes auraient été forcés sous la torture de témoigner contre les accusés. Et, il n’y eut pas que cela… Après les morts de Janaozen, ce fut le dirigeant d’un parti d’opposition non reconnu qui a été condamné à une lourde peine d’emprisonnement à l’issue d’un procès non équitable. Puis, tous les organes de presse, indépendants ou de l’opposition, encore en activité ont été fermés pour « extrémisme ». La plainte du procureur était d’ailleurs formelle : elle disait que le pluralisme de la presse n’est qu’un facteur d’incitation à la discorde sociale et une menace pour la sécurité nationale. Le Procès de Vadim Kuramshin a donc eu lieu. Vadim Kuramshin était censé avoir fait du chantage aux fonctionnaires du nouveau Procureur de Kordaï, dans le sud du pays. La vidéo filmant le fonctionnaire en train de négocier à son profit un avantage illicite pour restituer une automobile confisquée, a été publiée sur Internet. Vadim Kuramshin ne s’en était pas caché. Son commentaire était à visage découvert. Certes il a demandé la restitution des sommes. Il a même cru l’obtenir tout juste après l’aveu du forfait. Mais, à l’instant où il s’est présenté, le 23 janvier 2012, à Kordaï, c’est une brigade du Bureau spécial de lutte contre le crime organisé, prévenue et venue à l’avance de plusieurs centaines de kilomètres, qui l’attendait déjà. Il fut – une première fois – arrêté et détenu. Le piège s’était refermé. Ses amis s’interrogeaient et ne comprenaient pas. Comment avait-il pu faire du chantage en menaçant de la révélation d’un enregistrement dont il n’était même pas l’auteur, et qui était depuis longtemps déjà en accès libre, au vu et su de tous, sur internet ? Ou pouvait donc être la menace ? Saisi des poursuites, le jury du Tribunal de Kordaï ne comprit pas davantage. L’évidence

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Droits de l’Homme des Avocats. Ils avaient commis une faute professionnelle grave : un outrage à la Cour. Outrageant, en effet. Raziya Nurmasheva n’avaitelle pas annoncé qu’elle évoquerait les violences et les mauvais traitements, de toutes natures, commis par les forces de l’ordre à l’encontre de Vadim Kuramshin ? Raziya Nurmasheva et Iskander Alimbayev n’avaient-il pas, enfin, déposé des conclusions afin d’obtenir la communication du dossier et revendiqué le droit d’examiner les éléments de preuve ? Outrageante défense, il est vrai ! Puisque, nous le savons, des preuves ils n’avaient pas à en connaître : il y en avait pas. La culpabilité était démontrée par ce simple syllogisme : puisque nul ne saurait ignorer que la corruption n’existe pas au pays des steppes infinies, n’est-il pas évident qu’exiger la restitution d’un potde-vin, n’est rien d’autre que tenter sciemment d’extorquer des fonds à un malheureux fonctionnaire ? Demander des preuves n’estil pas d’évidence une manœuvre dilatoire ou bien encore le comble d’un cynisme coupable ? On se doit de reconnaître toutefois, que par une extrême libéralité, la cour infligea plutôt qu’elle n’accorda un avocat convenable à Vadim Kuramshin. Désigné d’office, celui-là n’encourra aucune disgrâce : il resta obstinément muet à l’audience, plutôt que d’y achever prématurément mais à jamais sa carrière. Mais, peut-être avait-il compris que parler est inutile devant un Tribunal déterminé à ne rien entendre ? Rien. Même pas les protestations écrites, fermes et détaillées, adressées par le premier Tribunal de Kordaï, affirmant dans un cri d’indépendance, que Vadim Kuramshin avait été acquitté parce qu’il était totalement innocent. Le 7 décembre 2012 Vadim Kuramshin fut condamné à 12 ans de prison et à la confiscation de ses biens pour extorsion de fonds. Qu’importe les recours. Appel. Cassation. Révision. Depuis, Vadim Kuramshin purge pour encore plus de onze années, sa peine. Cela semble irréel, mais est-ce vraiment nouveau ? Car, nous avons l’impression d’avoir rencontré cela quelque part, de l’avoir su, ou plutôt de l’avoir lu. Serait-ce véritablement le hasard qui nous offre jusqu’à la réminiscence d’une initiale ? Ce Procès viendrait-il ainsi, tristement, donner enfin son nom complet à cette initiale d’un héros tragique et dérisoire, sorti il y a cent ans très exactement de l’imagination féconde d’un romancier pragois, qui est aussi l’auteur de la Colonie pénitentiaire ? Cet autre Monsieur Vadim Kuramshin qui avait, au fond, la même quête, lui qui s’interrogeait au gré de son parcours initiatique judiciaire, en découvrant le portrait de ce juge qui avait ardemment souhaité se faire peindre sur un trône : « Peut-être est-ce mon juge ? » Le Procès de Monsieur Vadim Kuramshin ? Oh oui ! Cela semble tellement facile, galvaudé caricatural, presque aux frontières du trivial, puisque redit, rabâché, éculé même. En remettant ce même Prix à Nelson Mandela, il y a près de trente ans, j’en évoquais moimême l’urgence et les résurgences. Pourtant, il est des moments où le vrai peut n’être pas vraisemblable. Il y a si longtemps, que l’on aurait pu croire cela, imaginaire ou révolu. Mais qui ne sent, ici, sourdre du plus profond de lui-même, les remugles de cette évocation que nous pensions n’être que fiction, d’une

« organisation qui n’emploie pas seulement des gardiens corrompus, des inspecteurs et des juges d’instruction ridicules », et nous voyons revenir nous hanter les fantômes obsédants de cette « magistrature appartenant à une instance supérieure ou suprême, avec son cortège innombrable et incontournable de serviteurs, de scribes, de gendarmes et d’autres auxiliaires, peut-être même de bourreaux… » Mais alors, qu’avait bien pu faire, en vérité, Vadim Kuramshin, pour mériter cela ? Sans doute depuis des années, Vadim Kuramshin s’était-il trop fait remarquer dans son pays, non pas seulement parce qu’il luttait contre la corruption, mais aussi parce qu’il défendait le droit à la dignité les prisonniers, et menait des investigations sur le meurtre de prisonniers gênants. Il avait médité et partagé la conviction que Dostoïevski avait retiré de quatre années d’expériences douloureuses, à la prison de transit de Tobolsk, puis au bagne d’Omsk. Celle-là même qu’il a exprimé en une phrase– que l’on cite à l’envie sous une forme ou sous une autre, en exergue des déclarations ou des rapports, sans jamais en tirer au demeurant les conséquences – qui dit qu’on ne connaît le degré d’une société qu’en connaissant ses prisons. Sans doute aussi parce qu’il vivait aux pays du goulag de Karaganda, Vadim Kuramshin avait-il plus que tout autre le sentiment de l’implacable dureté des conditions de détention. Les touristes, eux, lorsqu’ils se rendent aujourd’hui dans la maisons de rondins où vécut, à Semeï, Dostoievski, alors libre, n’y voient, faute de clichés plus anciens datant du bagne, que les photos des prisonniers du Karlag, avec leurs visages émaciés, hagards ou hallucinés. Certes n’exagérons rien, rien n’est plus comme avant. Mais cela reste le point de vue de ceux qui sont à l’extérieur, ce n’est pas la vision du prisonnier d’aujourd’hui qui ne connaît les conditions carcérales des centres pénitentiaires que de l’intérieur. Ce qu’avait fait Vadim Kuramshin, c’est dénoncer le fait que pour les reclus d’aujourd’hui, à l’intérieur, rien n’avait vraiment changé. Plus encore, Vadim Kuramshin avait fourni des rapports précieux à l’OSCE démontrant que l’État ne respectait ni pour les élections, ni pour la liberté d’expression, ni pour les mauvais traitements dans les prisons – et on limitera à cela le florilège - des « engagements de Madrid », qu’il n’avait en réalité signés que pour obtenir la présidence temporaire de l’organisation, sans avoir aucune intention de les respecter. Ainsi, Vadim Kuramshin fut-il un imprécateur, un lanceur d’alerte des steppes. Il n’est pas que cette « belle âme », dépeinte par Hegel, puisqu’il est plus que cela, son complément, plus que son contraire : il est une conscience agissante aussi. Donc un traître à l’appareil d’Etat. C’est bien pour cela, que dans le silence des steppes sablonneuses de l’Asie centrale, Vadim Kuramshinpurge pour plus de onze ans encore, sa peine dans la colonie pénitentiaire EC 164/4, près de Grosny. Sans avoir été jugé, même par la Cour suprême, qui, en ce récent 25 novembre, a refusé de tout entendre. Pierre Bourdieu a dit, un jour, que le passage le plus signifiant, le plus déterminant, pour lui, dans le Procès de Monsieur Vadim Kuramshin – mais, dira-t-on, une seule clé pourrait-elle ouvrir autant de serrures ? – c’était cette phrase, dans

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Droits de l’Homme les toutes dernières lignes du roman : « Où était ce juge qu’il n’avait jamais vu ? Où était la Haute Cour à laquelle il n’était jamais parvenu ? » Ce juge, tant d’autres ne l’ont jamais vu, ou beaucoup trop tard. Vadim Kuramshin n’est pas la seule victime. Il y en a eu avant, et après. En 2011, Tatiana Solokova, a été condamnée à 6 ans de prison, pour incitation aux troubles sociaux, parce qu’elle était l’avocate d’un syndicat d’employés qui luttaient par la grève pour une augmentions de leur salaire. En 2013, des policiers ont forcé la porte de l’appartement de Zinaida Mukhortova, qui est elle aussi, une avocate qui dénonce des affaires de corruption et les interventions politiques dans le système judiciaire. Elle est, ce soir, dans cette salle et je veux lui adresser notre témoignage public d’admiration et de soutien. Elle a été contrainte par la force de monter dans une ambulance pour être internée à l’hôpital psychiatrique de Balkhash. Certes, elle a été – provisoirement – « libérée » le premier novembre. Mais, il y a trois jours, une Cour a rejeté son recours, ouvrant ainsi le risque imminent d’un nouvel internement. Face à tant d’injustice obstinée, face à l’indifférence des brutes et des cyniques, en présence de sa mère, Madame Olga Stepanovna, elle, qui a vécu ce calvaire, au jour le jour, comment ne pas s’indigner et entendre en écho quelques-uns des 16 vers de colère, que Lermontov écrivait, juste avant qu’il ne soit relégué au Caucase, même s’il y évoquait la mort d’un poète et non pas - comme nous le voudrions ce soir- ce qu’il appelait Un héros de notre temps : « Vous, dont la troupe avide environne le trône, Vous vous dissimulez à l’ombre de la loi, Justice et vérité, pour vous, sont lettre morte ! Mais sachez qu’il existe, O monstres dépravés, Un autre Tribunal, un juge redoutable ! Insensible à l’appel de l’or, il vous attend. À l’avance il connaît les actes et les causes. Alors, vous aurez beau user de calomnies, Vos propos médisants ne serviront de rien. » Au-delà de ce cri de colère, qui est très exactement celui que nous exprimons ce soir, c’est à un autre poète qu’il convient de nous référer. Parce qu’il nous ouvre le chemin. Car c’est dans un poème, aussi, que l’auteur des Brigands a comparé l’histoire du monde au tribunal du monde. Schiller y affirmait, le premier, avant de susciter la glose des philosophes : l’histoire du monde Est le Tribunal du monde. Sans doute le poème s’appelait-il : « Résignation », et

le temps n’est pas, pour nous, à la résignation. C’est au contraire, plus que jamais, comme le disait, en son temps, Ludovic Trarieu : « l’heure des généreux enthousiasmes et des résolutions saintes » Car, le tribunal du monde a déjà tranché – nous le savons déjà. On ne saurait citer la longue litanie des condamnations et les appels aussi innombrables que répétés, des Nations unies à l’OSCE, du Parlement européen, à toutes les grandes ONG réunies ; de tous les Barreaux du monde. Ce Tribunal-là, a, dès aujourd’hui, absout Vadim Kuramshin. En août 2013, ce sont trois rapporteurs spéciaux des Nations-Unies, le Rapporteur spécial pour les défenseurs des droits de l’Homme, celui pour l’indépendance des Juges et des avocats, et la Rapporteur sur la torture et autres traitements inhumains et dégradants, qui ont conjugué leurs efforts, pour donner plus de force au cri d’alarme conjoint qu’ils ont lancé sur les risques imminents d’atteinte à l’intégrité physiques et psychiques encourues par Vadim Kuramshin. Là encore, Rien n’y a fait.

Il ne s’agit pas de récompense, mais d’espérance. Car, tous ceux qui ont été condamnés Bertrand Favreau ont été libérés.

Il est un Tribunal plus exigeant. Ce Tribunal plus implacable, c’est le Tribunal de l’Histoire. Nous le sentons, nous le ressentons, nous le pressentons : demain, le Jugement de l’Histoire acquittera Vadim Kuramshin. Dans un mois, dans un an ou dans 10, il sortira de prison. Plutarque raconte qu’avant de partir pour l’Asie, de traverser la Sogdiane et de franchir le lit de l’Iaxartés, là, où commençaient les terres des Scythes et des Massagètes, avant d’entrer dans la vallée de ce fleuve, que l’on nomme aujourd’hui Syr Darya et qui baigne les terres que nous évoquons ce soir, Alexandre le Grand avait voulu se dépouiller de tous ses biens au profit de ses proches et de ses amis. Et, quand Perdicas, lui demanda. « Et pour toi que gardestu ? ». Alexandre, qui n’avait désormais plus rien, lui a répondu : « l’espérance » ...Puis, il a franchi le Syr Darya... Aujourd’hui, c’est en témoignage résolu de cette espérance, Madame Olga Stepanovna, que – dans quelques instants - Madame la Bâtonnière de ce Barreau qui est sans doute le plus illustre par le tribut payé au cours

des siècles à la défense des autres, qui est la référence par les engagements tenus et les sacrifices consentis, à toutes les époques et sous tous les types de régimes, sous toutes les latitudes à la fonction de défendre envers et contre tout, va vous remettre ce 18eme Prix, qui – malheureusement - illustre les plus grandes souffrances et dont tous les lauréats réunis depuis trente ans, ont du endurer des peines de prison qui, cumulées doivent représenter non loin de cent années... Il ne s’agit pas de récompense, mais d’espérance. Car, tous ceux qui ont été condamnés ont été libérés. Nous le savons- le nom de kazakh – et cela sur quelque sol qu’il se trouve - n’est pas un nom qui désigne une ethnie. Il a un sens plus profond. Au XIIIème siècle, en langage turco-arabe, il signifiait déjà « homme libre ». Alors, Oui, Liberté... Liberté pour Vadim Kuramshin, l’emmuré des steppes. Justice et réparation pour Zinaida Mukhortova. Justice et réparation pour Raziya Nurmasheva et Iskander Alimbayev Mais aussi : Liberté pour tous ceux qui au cours des tous derniers mois ont, eux aussi, connu les affres d’une décision injuste, Liberté pour Bakhtiar Mammadov, condamné en février dernier, à huit ans de prison pour extorsion en Azerbaijan, Liberté, en Iran, pour Abdolfattah Soltani condamné à 13 ans de prison, pour Mohammad Ali Dadkhah, neuf ans de prison, pour Mohammad Seifzadeh, re- condamné à six ans de prison, après une peine de deux ans, Liberté pour Filiz Kalayci, Hasan Anlar Vargün, Sevil Araci Bek et Tugay Bek condamnés en des peines de six et sept ans de prison et tous les avocats prisonniers politiques en Turquie, Liberté au Vietnam… pour Cù Huy Hà Vũ, qui purge sept années de prison et pour Le Quoc Quan, condamné, il y a peu, à deux ans et demi de prison. Liberté pour tous, car tous, - et tous les autres que l’ont voudrait pouvoir citer, qui attendent quelque part leur inéluctable condamnation et que nous n’oublierons pas – tous, ont été victimes d’un seul et même mal. L’histoire dira quel est leur crime, ou plutôt leur erreur. Comme Vadim Kuramshin, au pays des steppes sablonneuses et infinies, parce qu’ils se consacraient à la défense des droits de l’homme, ils avaient cru qu’ils rencontreraient, un jour, en un lieu pour un instant, ce que nous appelonsnous : Un Juge.

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adim Kuramshin a été arrêté une première fois, le 23 janvier 2012 et a été accusé de s’être livré à un chantage avec une vidéo compromettante et à une extorsion d’argent à l’encontre d’un assistant du procureur de Kordaï (à la frontière du Kazakhstan). Après une grève de la faim pendant une semaine pour protester contre les poursuites, il avait été libéré le

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28 août 2012, après qu’un jury ait rejeté les premières accusations portées contre lui. Le 31 octobre 2012, le Tribunal régional a décidé, en raison d’« impottants vices de procédures » d’annuler le précédent verdict du premier jury. A la suite de quoi, Vadim Kuramshin a été de nouveau arrêté le 31 octobre 2012.

Le 7 décembre 2012, Vadim Kuramshin a été condamné à 12 ans de prison sous « régime strict » par le Tribunal régional de Zhambyl sous l’accusation d’avoir voulu extorquer de l’argent à l’assistant du procureur du district en vertu du paragraphe 4 de l’article 181 du Code pénal de la République du Kazakhstan. En outre, la Cour a ordonné la saisie de ses biens. Ce procès a largement été dénoncé pour le non-respect des normes internationales.

Le 14 février 2013, le Tribunal régional de Taraz a rejeté l’appel et a confirmé la peine de 12 ans de prison. Le 4 mars 2013, Vadim Kuramshin a été transféré pour être détenu dans la colonie pénitentiaire EC 164/4, la prison dont il avait précisément dénoncé le régime carcéral inhumain et dégradant. Le Prix lui est remis à Paris le 5 décembre 2013 à l’occasion de la rentrée solennelle du Barreau de Paris.

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D.R.

Vadim Kuramshin


Droits de l’Homme Se taire est criminel

Christiane Féral-Schuhl

par Christiane Féral-Schuhl

I

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

- Décembre 1991 : Le Kazakhstan, dernière république soviétique, proclame son indépendance de l’URSS… Noursoultan Nazarbayev est élu Président de la République. Très rapidement, les espoirs s’effilochent, s’étiolent : Les réformes tant attendues ne sont que la copie d’un système de gestion économique, politique, en tous points identiques au régime auquel ce pays pensait pouvoir échapper. Le Kazakhstan est passé d’une république soviétique à une dictature présidentielle… L’Histoire bégaie. - 2013 : La succession de Noursoultan Nazarbayev, lequel a obtenu le titre de président à vie, se pose. Il s’en suit une véritable « Chasse à l’homme ». Celles et ceux qui ont l’outrecuidance de défendre les droits humains, de dénoncer l’indicible sont des criminels pourchassés, emprisonnés par le régime en place. Depuis deux ans, La répression à l’encontre de la société civile, des médias, des mouvements d’opposition ne cesse de s’intensifier. Une répression dénoncée par Amnesty International, Human Rights Watch. Le Barreau de Paris, à l’instar des membres de la Coalition mondiale contre la peine de mort, s’émeut face au risque d’un élargissement du champ de la peine capitale à l’heure où le Kazakhstan réforme son code pénal. Combien de crimes seront-ils passibles de la peine de mort dans les mois à venir ? - Répression, Régression… Une répression qui franchit les frontières du Kazakhstan.

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

l n’y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l’homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit. » Ainsi s’exprimait René Cassin dans le cadre de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, Ajoutant : « La méconnaissance et le mépris des droits de l’Homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité... ».

Il n’y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l’homme seront violés en quelque partie du monde Christiane Féral-Schuhl que ce soit.

Les autorités Kazakhs n’hésitent pas à utiliser les mandats d’arrêts d’Interpol en vue de poursuivre leurs dissidents politiques en Europe. Un seul objectif : Les museler, les réduire au silence… Ainsi, - Aujourd’hui, 5 décembre, La Chambre de l’instruction d’Aix en Provence examine la demande d’extradition formée contre l’opposant Mukhtar Ablyasov, arrêté en France, le 31 juillet dernier, détenu en France. Son épouse et sa fille ont été renvoyées au Kazakhstan par l’Italie, au mépris du respect

Bertrand Favreau, Anton Lana, Yves Oschinsky et Pascal Maurer

de la législation, cela en l’espace de 72 heures par avion affrété par le Kazakhstan. - Le 8 novembre dernier, Le tribunal espagnol « Audiencia Nacional » a confirmé en dernier ressort l’extradition d’Alexandre Pavlov, principal collaborateur de Mukhtar Ablyasov. Son sort est actuellement entre les mains du Gouvernement espagnol. De par sa tradition, La France, le Barreau de Paris n’ont de cesse d’être les ambassadeurs du respect des droits de l’homme, de la défense, de la liberté d’expression, de la liberté d’aller et venir. Le Barreau de Paris est impliqué, Prenant fait et cause, S’insurgeant contre toute atteinte portée à la dignité humaine, Dénonçant les discriminations, les violences physiques, morales. Madame, Monsieur, Comme vous le savez, J’ai demandé au Président du Kazahkstan de libérer votre fils, votre frère. J’ai également tenu à faire part de nos inquiétudes à Laurent Fabius, Ministre des Affaires Etrangères, quant aux difficultés rencontrées par nos confrères ainsi que du fait de l’élargissement du champ d’application de la peine de mort. Nous avons également évoqué les menaces pesant sur la profession d’avocat au Kazakhstan, son indépendance. Madame, Monsieur, Soyez fiers… Fiers d’un homme, dont le combat s’inscrit dans la recherche de la liberté, de la défense des droits humains. Ce confrère qui est notre frère. Ce confrère dont nous avons appris la semaine dernière que son recours avait été rejeté par la Cour Suprême du Kazakhstan. Son combat est le nôtre. Il ne cessera jamais. Les principes démocratiques doivent triompher. Il n’est pire crime que se taire...

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Droits de l’Homme Lutter pour la liberté

Olga Koltunova et Christiane Féral-Schuhl

par Olga Koltunova

Mon fils a grandi sans un père et j’ai passé presque toute ma vie au travail. Vadim a grandi avec sa grand-mère, qui venait d’une famille noble et son grand-père, vétéran et membre du Parti communiste. Ce couple inhabituel était mes parents. Mon fils s’est développé seul avec l’aide de sa grand-mère et tient son amour des gens de son grandpère. De cette manière, s’est formé un homme avec une conscience civique active. Déjà très jeune, Vadim avait transformé son petit appartement en bureau pour recevoir et aider les gens. Il portait assistance à tout le monde et a été persécuté pour cela. En 1998, il a regroupé des petits paysans ensemble pour essayer de récupérer leurs propriétés, illégalement expropriés par le gouverneur de la région. Après avoir parlé

Nelson Mandela l’Avocat par Bertrand Favreau Discours du 27 avril 1985 à Paris

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ar s’il est des pays où l’action peut succéder à la parole c’est uniquement pour tenter de conquérir ce droit que nous revendiquons comme un droit intangible de l’homme libre. Il est des rêves politiques sur lesquels ne veillent pas les miradors et que ne ceignent pas les barbelés. Aucune fatalité ne les gouverne. En leur sein ne s’enfle, comme porté par une sève nourricière, que le désir de liberté. C’est le sens du combat de celui que nous honorons tout particulièrement ce soir. Quand dans un pays, de nos jours, quatre millions d’individus dont nous respectons au demeurant les droits parce que, disait Jefferson, «la minorité possède des droits égaux, également protégés par la loi, et les violer serait faire œuvre d’oppresseur»,

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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

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our commencer, je voudrais dire quelques mots de la part de Vadim : « Depuis mon enfance j’ai toujours été particulièrement passionné par la France. J’ai lu des auteurs français, notamment mes favoris Maurice Druon et Alexandre Dumas. J’ai toujours rêvé de visiter la France, de visiter les lieux historiques dans lesquels l’esprit de la liberté, de la résistance et de la lutte pour les Droits de l’Homme vit. Votre décision, je l’ai prise comme un grand honneur, spécialement le fait que mon humble nom va apparaître aux côtés de Ludovic Trarieux – l’illustre avocatdéfenseur des droits des simples gens. Malgré mon horrible situation, je ne suis pas brisé et je ne perds pas espoir. J’espère sincèrement que très prochainement je pourrais vous adresser personnellement ma profonde et respectueuse gratitude dans la formidable ville de Paris. Quand les forces au Kazakhstan se réveilleront alors on rouvrira correctement mon cas, dans lequel il n’est question d’aucun crime, et justice sera faite. Cet espoir me donne de la force. Encore une fois merci à vous, chers collègues. » (...)

A Paris, on lui attribue un prix prestigieux et dans son pays natal, il est encore envoyé onze longues Olga Koltunova années en prison. à la télévision quand il avait 20 ans au sujet d’une affaire datant de quatre ou cinq années déjà, il a été jeté en prison. En 2006, il a défendu des petits villageois à nouveau. Et après la publication d’une interview de lui dans un journal, il a été accusé de diffamation et emprisonné. En 2010, Vadim, avec ses collègues, a annoncé le lancement d’un mouvement national appelé « contrer la tyrannie ». Il a défendu des gens à travers tout le Kazakhstan. Il est très connu pour son soutien aux droits des prisonniers qui souffrent de la torture et de la

malnutrition. Et encore une fois, il a été jeté en prison. Je suis fière de mon fils et doublement pleine de gratitude envers vous. Premièrement, pour la reconnaissance de mon fils à un tel niveau. Je vous remercie bien sûr pour l’aide matérielle qui est tellement précieuse pour notre famille dans cette terrible situation d’isolement illégal que vit Vadim. Sans cela nous ne pourrions pas poursuivre le combat pour sa réhabilitation et sa libération auprès de la commission des Nations-Unies pour les droits de l’Homme. Comme je l’ai dit en sortant de la Cour Suprême à Astana, il y a tout juste dix jours, lorsque les juges ont expédié en quelques minutes son cas : «A Paris, on lui attribue un prix prestigieux et dans son pays natal, il est encore envoyé onze longues années en prison ».

quand quatre millions d’individus dénient le droit à la parole dans toutes ses manifestations à vingt millions d’hommes et plus, parce qu’ils ont la peau noire ou « soi-disant colorée », quand quatre millions d’individus participent seuls à l’élaboration des lois, faites exclusivement à leur profit, mais pire encore, presque exclusivement contre les vingt millions d’autres qui n’ont pas le droit de participer à leur vote, alors là, nous serions tentés de dire qu’il est temps d’en finir avec le discours et qu’il convient de passer à l’action. Sans doute, las nous aussi des discours, conférences et colloques, avons-nous pensé, à notre échelle, que la défense des droits de l’homme devait mériter davantage. Qu’il fallait recommencer, comme aux temps archaïques des Eupatrides triomphants, le combat pour ceux qui en sont à l’époque où l’on attend encore Solon. Car ce combat, d’autres que ceux de nos références antiques le mènent parce qu’ils sont considérés comme « dépourvus de langage ».

Comme les esclaves aristotéliciens, ils veulent conquérir le droit à la parole. Telle est la signification du prix que le jury, qui m’a fait l’honneur de m’accepter pour Président, a décerné à un avocat sud-africain : M. Nelson Mandela. Il l’a fait au terme d’une admirable délibération avec conscience et rigueur, pleinement éclairé de toutes les implications de son choix. C’est ce qui donne toute sa signification à ce verdict. Pourquoi Nelson Mandela ? Parce que Sudafricain, sans doute. Parce qu’Avocat, plus encore. Pour nous, depuis longtemps, être Avocat, c’est parfois une vocation. C’est sans doute avoir obtenu l’indispensable viatique universitaire. C’est peut-être aussi et surtout, un supplément d’âme. Mais, pour lui, Nelson Mandela, fils de roi, né à Umtata, entre Durban et East London, élevé au sein des rites et des rythmes égalitaires de la tribu de Tembu, où les anciens racontaient «les histoires du bon vieux temps, avant l’arrivée de

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Droits de l’Homme son aspect mesquin comme dans sa rigueur législative. Mais plus encore, pour lui, fut-elle avivée par la solitude dans un monde judiciaire exclusivement blanc où il n’était que toléré bien que ses qualités intellectuelles remarquables ne fussent pas en cause. Il faut entendre Mandela le raconter ! La vie quotidienne du cabinet ne l’obligeait-elle pas à dicter son courrier à des secrétaires qui, en ces temps, ne pouvaient être que blanches ? Lorsqu’il accomplissait cette tâche usuelle, et que par hasard un client blanc venait à entrer dans le bureau, il voyait alors la secrétaire se lever, abandonner plume et carnet, se soustraire à la dictée pour cacher son embarras. Plus encore, comme pour se prouver qu’un Noir ne pouvait être son employeur, elle fouillait hâtivement dans son sac à main pour en retirer quelques pièces de monnaie et les tendre à son patron, accompagnées de cette injonction : « Nelson, s’il vous plaît, allez me chercher du shampooing ! » Au-delà du manque de considération des juges, toujours blancs, plus rigoureuses étaient les mesures qui entravaient son exercice professionnel. Il dira : « J’ai découvert qu’à l’inverse d’un avocat blanc, je ne pouvais occuper des locaux professionnels en ville, à moins d’avoir obtenu l’autorisation du Gouvernement... je sollicitais donc cette autorisation mais on ne me l’accorda jamais ».

l’homme blanc», n’était-ce pas, à l’échelle de la destinée, une toute autre aventure ? Lorsqu’il retrouve, à seize ans, Olivier Tambo au Fort Hare University College, il a vu sa jeunesse bercée du récit de l’époque où « le peuple vivait en paix sous le règne démocratique des rois, et pouvait se déplacer librement et sans crainte à travers le pays ». Lorsqu’il choisit de poursuivre ses études de droit, il doit s’inscrire dans la seule Université d’Afrique du Sud où les Noirs sont alors admis. Déjà, il s’est prêté à lui-même un serment intangible qu’il livrera plus tard à ses juges : « Je me jurais alors, que parmi tous les trésors à attendre de la vie, je choisirais de servir mon peuple et d’apporter mon humble contribution à sa lutte pour la liberté ». Dès lors que son combat pour la liberté passait par les arcanes du droit, comment son destin n’aurait-il pas été tracé ? Lauréat de la Faculté de Droit, stagiaire dès 1942 dans un cabinet d’avocats blancs, il allait être le premier avocat noir d’Afrique du Sud et créer son propre cabinet avec son associé, qui deviendrait un frère de lutte Olivier Tambo. Or, la vie du premier avocat noir de Johannesburg dans les années 45, qu’était-ce ? La confrontation quotidienne avec les avatars impitoyables de la ségrégation raciale, dans

Pourtant à force d’obstination, Nelson Mandela parvenait à arracher, non pas une autorisation, au moins des dérogations temporaires pour lui comme pour Olivier Tambo. Lorsqu’elles vinrent à expiration, elles ne furent pas renouvelées. Mandela comme Tambo, étaient invités à quitter la ville et à aller exercer dans une réserve pour Noirs dans le bantoustan correspondant à leur ethnie. Ou, comme il le dira, « dans un coin perdu, beaucoup trop loin pour que nos clients puissent venir nous consulter ». Le commentaire amer qui s’ensuit n’est pas sans influer sur la fermeté de sa détermination. Il dit : « Autant nous demander de cesser notre métier, de cesser de rendre service à nos compatriotes, et de perdre le bénéfice de toutes nos années d’études. Aucun avocat digne de ce nom n’y aurait consenti de gaieté de coeur ». « Aucun avocat digne de ce nom... » Or, Mandela, comment ne l’aurions-nous pas déjà compris, était un avocat digne de ce nom : sa vocation déterminait ses engagements. C’était un problème de conscience : « La vie d’un Africain de ce pays est continuellement déchirée par un conflit entre sa conscience et la loi... Ce n’est d’ailleurs point particulier à ce pays. C’est ce qui arrive à tous les hommes de conscience ». Comment Mandela n’aurait-il pas rencontré le conflit ontologique pour un juriste, serviteur

Nelson Mandela 1918-2013 - 1er Prix Ludovic Trarieux 1985 e 29 mars 1985, alors qu’il était désormais détenu à la prison de Pollsmoor, Nelson Mandela a obtenu le premier « Prix International des droits de l’homme Ludovic- Trarieux ». L’Ambassade d’Afrique du Sud à Paris a adressé une sévère lettre de protestation aux membres du Jury. Le règlement du prix disposant que le prix n’est valablement et définitivement attribué, que si le Lauréat accepte de le recevoir lors d’une cérémonie officielle de remise,

c’est l’une de ses filles, Zenani Dhlamini Mandela, qui, déjouant depuis le Swaziland, via Johannesburg et Londres, la surveillance des services de sécurité sud-africains, est venue l’accepter et le recevoir en son nom, à Bordeaux, le 27 avril 1985. Nelson Mandela a été libéré cinq ans plus tard le 11 février 1990. Il avait passé près de vingt-huit années en prison.

1996 Nejib Hosni (Tunisie) et Dalila Meziane (Algérie) 1998 Zhou Guoqiang (Chine) 2000 Esber Yagmurdereli (Turquie) 2002 Mehrangiz Kar (Iran) 2003 Digna Ochoa et Bárbara Zamora (Mexique) 2004 Aktham Naisse (Syrie) 2005 Henri Burin des Roziers (Brésil) 2006 Parvez Imroz (Inde) 2007 René Gómez Manzano (Cuba) 2008 U Aye Myint (Birmanie) Lauréats du Prix Ludovic Trarieux 2009 Béatrice Mtetwa (Zimbabwe) 1985 Nelson Mandela (Afrique du sud) 2010 Karinna Moskalenko (Russie) 1992 Augusto Zúñiga Paz (Pérou) 2011 Fethil Terbil (Lybie) 1994 Jadranka Cigelj 2012 Muharrem Erbey (Turquie) (Bosnie-Herzegovine)

27 avril 1985, le Bâtonnier Bertrand Favreau remettait à Bordeaux le Premier Prix International des Droits de l’Homme Ludovic Trarieux, créé un an plus tôt, à Zenani Mandela Dlamini, venue pour le recevoir au nom de son père emprisonné, encore pour plus de cinq années en Afrique du Sud. C’était alors le premier prix qui lui était décerné en France et le premier dans le monde par des confrères avocats

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Droits de l’Homme respectueux de la loi par nature, entre sa volonté de liberté et des lois promulguées par et pour une minorité pour empêcher la majorité de faire entendre sa voix. Mandela se retrouvait seul devant la loi. « Vor dem Gesetz steht ein Türhüter » rapporte un passage en forme d’apologue du dialogue herméneutique entre le Prêtre et K... au chapitre « À la Cathédrale » du Procès. Devant la Loi... « Devant la Loi, se dresse le gardien de la porte. Un homme de la campagne se présente et demande à entrer dans la Loi. Mais le gardien dit que pour l’instant il ne peut accorder l’entrée ». Relisons ce passage, gardons le présent à l’esprit. L’homme de la campagne de Kafka ne s’attendait pas à de telles difficultés. Il ne s’attendait pas davantage à la présence de gardiens successifs des portes de la Loi, à la carrure chaque fois plus impressionnante. La Loi ne doit-elle pas être accessible à tous et toujours ? Pourtant, il acceptait naïvement d’attendre jusqu’à ce qu’on lui accorde la permission d’entrer. On connaît la fin de l’histoire. L’homme attendit des jours et des années. Il vieillit et s’étiola. Puis au moment de s’affaisser devant les portes de la Loi qu’il n’avait jamais pénétrées, il eut encore assez de lucidité pour entendre le gardien lui dire ce qu’il ne perçut plus que comme un murmure : « Ici, nul autre que toi ne pouvait pénétrer, car cette entrée n’était faite que pour toi. Maintenant, je m’en vais et je ferme la porte ». Chacun en fera sa lecture. « Devant la Loi », il fallait choisir. Donc, ne pas attendre. Pour un avocat, le choix est toujours complexe, mais peut finir par être élémentaire. L’alternative est simple : tenter d’obtenir l’application la plus favorable, parce qu’elle est la Loi, de la loi que l’on réprouve, ou combattre la loi injuste pour la changer par une Loi meilleure, mais avec tous les risques qui s’infèrent de la rupture. La première solution a connu des applications insignes. Le comble de la défense, en effet, n’at-il pas été atteint en la matière par Jean-Nicolas Bouilly, avocat au Parlement de Paris ? Hostile aux lois de la Terreur, à une époque où les avocats et leurs Ordres étaient supprimés et les défenseurs officieux bâillonnés, il eut tellement le souci de défendre, qu’il ne ménagea pas ses efforts pour se faire nommer accusateur public. Et qu’il y parvint. Il pensait qu’il ne pouvait plus sauver les accusés que dans cette nouvelle fonction. Ce singulier accusateur, pour l’époque, écrira plus tard dans ses mémoires : « J’avais la jouissance de sauver les ci-devant nobles et grands propriétaires ! » Or, qui est-il, Jean-Nicolas Bouilly ? Il n’est autre que l’auteur du livret de cette « Léonore » - première manière - que Beethoven devait mettre en admirable musique sous le titre de Fidelio - que j’évoquais ici même l’année dernière - et dont la morale ultime, psalmodiée par le choeur en un hymne à la libération des prisonniers d’opinion, est : « Es sucht der Bruder seine Brüder, Und kann er helfen, hilft er gern ». Mandela lui, n’avait même pas la ressource de devenir juge pour tempérer l’application des lois qu’il trouvait injustes. Un avocat noir n’avait pas le droit de devenir juge. « Devant la Loi... » Déjà Saint Thomas d’Aquin avait répondu. Déjà, Montesquieu avait écrit : « Une chose n’est pas juste parce qu’elle est Loi, mais elle doit être Loi parce qu’elle est juste ». Devant la Loi, Mandela, lui, choisit : il serait contre. « Je considérais alors, que ce n’était pas seulement mon peuple, mais aussi ma profession de juriste, et la justice envers toute l’humanité, qui m’imposaient pour devoir de protester contre cette

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discrimination fondamentalement injuste et qui entre en contradiction avec la conception de la justice enseignée dans nos universités ». Dès 1944, comme tous les jeunes intellectuels africains, épris de liberté et de non violence, il était membre de l’African National Congress, fondé par Albert Luthuli en 1912, sur les principes que Ghandi prônait en faveur des indiens d’Afrique du Sud, juste avant son départ de ce pays en 1914, pour la destinée que l’on sait. Mandela fut tout naturellement à la tête de la « Campagne de défi » à l’encontre des lois injustes. Il en fut même le « volontaire en chef national », organisant les actes d’insoumission à l’encontre de six lois d’apartheid différentes. La réponse ne tarda pas : le Gouvernement institua la peine du fouet, applicable même aux femmes, aux condamnés pour infraction de défi. Nelson Mandela fut déféré devant les Tribunaux, sur le fondement de la loi de suppression du communisme. Condamné à neuf mois de prison avec sursis, il eut cependant la satisfaction de noter que l’écho de sa plaidoirie pour lui-même se retrouvait dans la motivation de la décision, puisque le juge Rumpff y déclarait « que les faits reprochés n’avaient rien à voir avec le communisme »... Il ne s’agissait là, pourtant, que des prolégomènes. La peine était trop légère. Ce que l’on voulait contre lui c’était la peine la plus infamante : la sanction de ses pairs.

Mandela était et resterait avocat. Plus encore, désormais sa vocation allait être comme magnifiée. Son destin voulait qu’il ait un client principal à défendre : lui-même. L’ironie du sort faisait qu’il allait exercer son métier autant en qualité Bertrand Favreau d’accusé que d’avocat.

En 1953, la Transvaal Law Society demandait à la Cour Suprême sa radiation du Barreau en raison du rôle qu’il avait joué dans la campagne de défi contre les lois injustes considéré comme incompatible avec les devoirs d’un membre honorable du Barreau. En vain. La Cour Suprême - et c’est son honneur - affirma que son activité n’était point contraire aux règles de conduite qu’on était en droit d’attendre d’un membre d’une honorable corporation, et qu’il n’avait pas outrepassé ses droits car il n’était en rien déshonorant pour un avocat de s’identifier à son peuple luttant pour l’obtention des droits politiques, « même si ses activités devaient violer les lois du pays ». Mandela était et resterait avocat. Plus encore, désormais sa vocation allait être comme magnifiée. Son destin voulait qu’il ait un client principal à défendre : lui-même. L’ironie du sort faisait qu’il allait exercer son métier autant en qualité d’accusé que d’avocat. Mais lui savait alors, comme des millions d’hommes et de femmes noirs, qu’aucun cabinet au monde ne pouvait se targuer d’une clientèle aussi nombreuse que celle qu’il appelait « son peuple ». Et au-delà, qu’il était saisi par une cliente beaucoup plus exigeante encore : la liberté. « La loi me voulait coupable, non pas à cause de ce que j’avais fait, mais à cause des idées que je défendais. Dans ces conditions, qui s’étonnerait qu’un homme devienne vite un hors-la-loi ? »

Dès lors, les événements se précipitent, les échéances se profilent. 1956 : procès de trahison. Il dure cinq ans pendant lesquels Mandela passe ses journées devant le tribunal comme accusé avec cent cinquante-six nationalistes africains, parmi lesquels Albert Luthuli, et ses soirées à son cabinet comme avocat. Lorsque les avocats des accusés ne purent plus assurer leur défense, Mandela prit celle des autres et de lui-même. Le procès devait tourner à la confusion des accusateurs. Le verdict prononçant l’acquittement général des accusés interviendra dans le trouble. Un événement plus grave a stupéfié le monde. Le 21 mars 1960, à Sharpeville, dans le Sud du Transvaal, la Police tirait sept cents fois sur des hommes et des femmes sans arme qui protestaient contre la soumission au «pass», ce laissez-passer qui entrave la liberté de circulation et qu’ils étaient obligés de porter en permanence sur eux, sous peine d’amende, parce qu’ils étaient noirs. Il y aura soixante-neuf Africains tués, cent soixantedix-huit blessés parmi les manifestants. Cette fois là, la Police ne parla pas de légitime défense : cent cinquante-cinq des victimes avaient été frappées dans le dos. Quelques jours plus tard, alors que le bilan exact des morts n’est pas encore établi, l’African National Congress devient une organisation interdite. Mandela est condamné à la clandestinité. Il doit abandonner sa profession, mais il reste avocat : la lutte pour des lois justes continue : « Cela n’a pas été sans peine que je me suis séparé de ma femme et de mes enfants, que j’ai renoncé à la joie de retrouver ma famille autour d’une table à la fin d’une journée de travail à mon cabinet, que j’ai choisi de devenir un homme continuellement traqué par la police, vivant dans mon propre pays loin des êtres qui me sont chers, et devant affronter continuellement les hasards des poursuites et des arrestations ». Arrêté, il le sera, après dix-sept mois de clandestinité. C’est le 5 août 1962. Il a quarante-quatre ans. Il n’a plus connu la liberté depuis. Ses filles, encore enfants, n’auront jamais le souvenir d’un père libre. Pourtant, il n’en est pas fini de Mandela. Après deux échecs judiciaires, il faudra encore s’y reprendre à deuxfoispourtenterdel’anéantir.Deuxprocèsvont se succéder. Dialogue de l’impossible. Dialectique kafkaïenne exprimée par l’apostrophe déjà lue dans le Procès : « tu vois ça... il reconnaît qu’il ignore la loi et il affirme en même temps qu’il n’est pas coupable ». Mandela lui, n’ignorait pas la loi, il la contestait. Il n’invoquait même pas les lois non écrites. Il n’en appelait qu’aux lois en vigueur dans toutes les démocraties du monde. « Nous croyons, selon les termes de la Déclaration Universelle des droits de l’homme que l’autorité du Gouvernement doit être fondée sur la volonté du peuple ». Contre lui, les accusations terrifiantes : communisme - encore ! - terrorisme. Le raisonnement juridique obéissait le plus souvent aux syllogismes de l’irrationnel : le communiste est pour la loi « celui qui cherche à provoquer le changement politique par des actions illégales ». Mandela conteste l’ordre politique actuel, donc il est communiste. Ou encore : la loi définit le terrorisme comme « toute activité susceptible de compromettre le maintien de l’ordre public ». Par son action, Mandela en appelle au trouble de l’ordre public, il est donc un terroriste. Lors du Procès de Pretoria du 22 octobre au 7 novembre 1962, il est condamné à cinq années de travaux forcés pour avoir quitté l’Afrique du Sud sans être muni d’un passeport en règle et pour avoir incité les travailleurs africains à faire grève en mars

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Droits de l’Homme 1961. Sans doute, la peine était-elle trop légère pour celui qui devenait chaque jour davantage le mythe vivant du peuple africain. Au soir du verdict au sortir de la vieille synagogue transformée en salle d’audience, la foule massée, malgré les interdictions policières, est venue lui crier : « Tshotsholoza Mandela ! » - Continue Mandela ! – Nul doute qu’il continuerait, cinq ans plus tard lorsqu’il sortirait. Mais Mandela ne doit plus sortir. Aussi, lorsqu’en octobre 1963, un an après sa condamnation, on juge les huit accusés, arrêtés quelques mois plus tôt dans la ferme de Rivonia, allait-on extraire à nouveau Mandela de la Maison Centrale de Pretoria où il purgeait sa peine pour l’adjoindre sur le banc des accusés. Une loi récente punissait le sabotage de la peine de mort. Et, il est vrai que l’ANC d’après Sharpeville, par la voie de l’Umkhonto we Sizwe, « le fer de lance de la nation », avait choisi d’entrer dans la voie du sabotage après cinquante années de nonviolence militante. Albert Luthuli avait reçu le prix Nobel de la Paix mais on tirait sur les noirs dans les homelands. Encore ne s’agissait-il que de sabotage, et non de terrorisme ou de guérilla. Mandela tenait à souligner la distinction, lui qui, détenu depuis quinze mois, n’a ni poudre ni sang sur les mains et qui va poursuivre lors de ce nouveau procès son rôle d’accusé-défenseur. Sabotage, pour ne pas attenter aux vies humaines, pour empêcher ce qui se dessine dans une partie de la population noire : le spectre de la guerre civile. Pour éviter le bain de sang, dont tous les orages d’Afrique ne pourraient laver le sol de la Patrie, comme l’orage de Sharpeville avait, un soir de mars, lavé le terre-plein sanglant devant le commissariat : « Nous voulions une république démocratique ou soient représentés tous les Sud-africains, où ils puissent jouir de droits égaux, où Africains et non-Africains aient la possibilité de vivre en paix, partageant une nationalité commune et une commune loyauté envers ce pays où nous sommes nés ». Utopique dira-t-on ! Dans la complexité indéniable d’une société multiraciale aussi bien que pluri-ethnique, comment croire à ce régime harmonieux ? Utopie aussi alors que de croire en la non-violence, que de condamner le discours toujours vain, mais « l’utopie », n’est-ce pas, après

tout, comme le définissait Malraux « pour chacun, la forme de l’espoir de ses adversaires ». Après un procès de sept mois, le verdict pourtant ne sera pas la mort mais la réclusion perpétuelle. Seule l’émotion soulevée dans le monde par le procès a permis aux accusés d’échapper au châtiment suprême. Même l’Assemblée Générale des Nations-Unies a émis une protestation et lancé un appel à la clémence. Par cent six voix contre une. Celle de l’Afrique du Sud. Sur les banderoles déployées à la sortie du Tribunal, ultime vision, les condamnés peuvent lire : « Vous ne subirez pas votre peine tant que nous vivrons ».

Dans le monde entier, des rues, des places portent son nom. Docteur honoris causa de nombreuses universités américaines ou britanniques, citoyen d’honneur de Glasgow et de Rome, couvert de distinctions et de prix, Nelson Mandela n’a pourtant jamais été célébré pour ce qu’il est avant tout jusqu’au plus profond de lui-même : un avocat. Et pourtant, qui fut Bertrand Favreau plus avocat que lui ?

Transféré au Cap, Nelson Mandela était conduit dans l’île de Robben, le pénitencier des politiques. L’île qui jadis abritait une léproserie et qui semblait ainsi vouée à recevoir ceux qui pour le régime de l’Apartheid n’ont pas la peau comme les autres. Pour ceux qui douteraient que Mandela ne fût avocat jusqu’au bout, ses plaidoiries témoignent pour lui. Puissantes, d’une seule coulée, mues par une dialectique rigoureuse et contenant tout à la fois l’histoire de l’ANC, le réquisitoire le plus accablant contre la ségrégation en même temps qu’un plaidoyer en faveur de la fraternité des races. Elles restent des morceaux admirables et parfois déchirants. Imprimées, brochées, traduites en toutes les langues, elles devaient faire le tour

du monde. Sur la couverture, elles portaient un simple titre : l’Apartbeid. De son île, par sa seule existence, Mandela allait continuer de défier le pouvoir en place. Il allait devenir le prisonnier le plus encombrant qu’un régime ait jamais connu. Janvier 1985. Après vingt-trois ans de détention, le slogan : « Libérez Mandela » reste toujours aussi séditieux et durement réprimé. Mandela reste un danger intellectuel pour les autres prisonniers politiques et on l’a transféré depuis 1982 dans le pénitencier de haute sécurité de Pollsmoor. Plus de vingt ans après, en gage à l’opinion mondiale, on lui propose de troquer sa nouvelle prison contre une assignation à résidence dans son bantoustan du Transkei et surtout l’abjuration signée de son militantisme et de son combat. Sans doute, ceux qui le proposaient, ignoraient-ils qu’une loi d’airain de la politique impliquait qu’un régime fondé sur le racisme ne pouvait être au pouvoir et, en même temps, Mandela en liberté. Ils ignoraient aussi le corollaire qui en était simple : Mandela ne pouvait accepter d’être libre, si « son » peuple restait dans les fers. Or, en 1985, tout était différent et pourtant rien n’avait changé. Albert Luthuli était mort, assigné à résidence, persécuté dans ses droits. Vingt ans après lui, Desmond Tutu avait reçu le prix Nobel de la Paix, deuxième prix Nobel contre l’Apartheid, mais le régime prônant le développement séparé était toujours en place et les Noirs dépourvus de droit politique. Olivier Tambo était Président en exil de l’ANC dont on pendait toujours les militants. Et dans les rues de Soweto ou de Langa, la police tirait toujours sur des Noirs sans arme. Dès lors, la réponse de Mandela était dictée : il resterait détenu. Qu’importent les années de prison et le sordide marché proposé par ses tortionnaires ! Ils ne sont que des geôliers. Lui, appartient déjà à l’Histoire. Il a reçu les plus hauts et les plus solennels hommages. Dans le monde entier, des rues, des places portent son nom. Docteur honoris causa de nombreuses universités américaines ou britanniques, citoyen d’honneur de Glasgow et de Rome, couvert de distinctions et de prix, Nelson Mandela n’a pourtant jamais été célébré pour ce qu’il est avant tout jusqu’au plus profond de luimême : un avocat. Et pourtant, qui fut plus avocat que lui ? [...]

L’exil

par Zenani Mandela Dlamini Discours du 27 avril 1985 à Paris

Zenani Mandela Dlamini fille de Nelson Mandela

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e suis profondément consciente de n’être ici cet après-midi que le porte-parole de mon père. Mon père que vous honorez aujourd’hui se languit en prison où il purge sa deuxième ou troisième condamnation à perpétuité. Ma mère mène une vie solitaire dans des conditions précaires d’exil. Ma soeur, qui parle le français couramment n’a jamais pu obtenir un passeport. En ce qui concerne mon père, ses partisans n’ont jamais eu la possibilité de voter pour lui, mais des études ont montré récemment que 78 % de la population noire d’Afrique du Sud le considère comme leur chef. Ma sœur et moi-même étions encore enfants lorsque mon père est allé en prison et jusqu’à l’âge de 16 ans, ni l’une ni l’autre n’a pu le voir. Même alors nous ne pouvions le voir que derrière une vitre. Ce n’est que depuis ces derniers 18 mois qu’il a pu nous tenir dans ses bras.

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Droits de l’Homme Pendant toutes ces dernières années, ma mère a fait le long trajet qui mène au Cap pour profiter de trente visites de 40 minutes par an auxquelles elle a droit. Ma mère qui n’a jamais été reconnue coupable d’aucun délit vit en exil. Telle est la loi. Ses conditions d’exil sont telles qu’elle ne peut sortir que pendant la journée et doit rester enfermée les nuits et le week-end. Le jugement d’exil comporte un certain nombre de conditions restrictives et ce n’est que grâce à leur courage surhumain que ma mère et mon père non seulement survivent mais ne gardent aucune rancune à l’égard de leurs oppresseurs. La raison invoquée à l’exil de ma mère est qu’elle est susceptible de mettre en danger la sécurité de l’Etat et les éléments sur lesquels le gouvernement fonde la condamnation à l’exil ne peuvent, je cite « être divulgués au public ». Mes parents remercient le peuple français de ne pas avoir cautionné la politique du Président d’Afrique du Sud mais regrettent que certaines personnes ne voient que le côté matériel des choses comme c’est le cas pour le rugby. Le symbole d’un joueur noir dans une équipe de rugby d’Afrique du Sud ne signifie pas qu’il est intégré. Au niveau national, le racisme dans le sport demeure chose courante. Les investisseurs français, attirés par des profits mirifiques, se soucient peu de moralité. Les investissements étrangers en Afrique du Sud ne font que renforcer l’Apartheid. Le gouvernement de l’Afrique du Sud a depuis des années mené et récemment intensifié sa campagne de non-information prétendant que la situation est complexe. Qu’y a t-il de complexe dans l’assassinat d’un homme de couleur par un policier blanc en présence d’autres policiers ? Le délit de cet homme est qu’il se promenait dans la rue en compagnie d’une blanche. Le policier a été condamné à 30 rands... Qu’y a t-il de complexe dans le fait que certains reçoivent des contraventions de 200 rands et d’autres de 50 pour exactement la même faute ?

Qu’y a t-il de complexe lorsqu’on tire dans le dos de manifestants pour la paix ? Certains n’ayant que onze ans. Qu’y a t-il de complexe dans le fait que dans ce pays le pouvoir effectif demeure aux mains des blancs, que les nantis sont blancs et les pauvres noirs ? Mon père que vous honorez aujourd’hui n’accepte pas ce prix en tant qu’individu mais en tant que représentant du peuple opprimé d’Afrique du Sud. Son peuple vous remercie, vous, amis inconnus, qui vous souciez suffisamment de l’oppression pour reconnaitre et exprimer en mots et en action votre haine et dégoût de l’Apartheid.

Seul un homme libre est en position de négocier, pas un prisonnier. Mon père dit qu’il ne pouvait et ne ferait rien tant que lui et le peuple sud-africain ne seraient pas libres. Sa liberté et celle de son peuple sont indissociables. Zenani Mandela Dlamini

Le pouvoir de mon père est reconnu depuis des années par le gouvernement de la minorité et au début de cette année, on lui a offert la liberté. Il a exprimé sa réponse en ces termes. Il a d’abord dit qu’il n’était pas violent. Il a dit que ses collaborateurs et lui-même avaient écrit en 1952 au Premier Ministre Monsieur Malan afin de lui demander d’organiser une conférence pour trouver une solution aux problèmes d’Afrique du Sud. Il n’y eut pas de réponse. Des années plus tard, il écrivit au Premier Ministre Monsieur Strydom. La même proposition fut faite, et à nouveau ignorée. Au début des années 60, quand Monsieur Verwoerd était au pouvoir, ils demandèrent une consultation nationale afin que le peuple de l’Etat d’Afrique du Sud décide de son avenir. Mais ce fut en vain.

Mon père demanda au Président Botha de lui prouver qu’il était différent de ses prédécesseurs. Il conjura Botha de renoncer à la violence. Il le conjura de dire qu’il démantèlerait l’Apartheid. Il le conjura d’admettre le droit à l’existence de l’organisation du peuple : The African National Congress. Il conjura Botha de libérer tous ceux qui ont été emprisonnés, bannis ou exilés en raison de leur opposition à l’Apartheid. Il demanda à Botha de garantir la liberté politique de telle façon que le peuple puisse décider qui le gouvernerait. Mon père dit qu’il chérissait sa propre liberté, mais plus encore celle de son peuple. Il dit que trop d’hommes étaient morts depuis qu’il était emprisonné, que trop avaient souffert pour l’amour de la liberté. A leurs veuves, leurs orphelins, leurs parents qui les pleurent, il se devait de refuser une telle liberté. Il dit qu’il n’avait pas été seul à souffrir pendant ces longues années de solitude inutiles. Il dit qu’il n’aimait pas moins la vie que son peuple, mais qu’il ne pouvait pas vendre son droit à exister pas plus que le droit du peuple à la liberté, qu’il se considérait en prison comme le représentant du peuple de l’A.N.C. proscrite. Il demanda ce que signifiait la liberté qu’on lui offrait alors que l’organisation du peuple restait interdite, alors qu’on pouvait l’arrêter pour l’absence de laissezpasser, que ma mère se trouvait en exil à Brandfori. Que signifiait cette liberté lorsqu’il devait demander l’autorisation d’habiter dans une ville, lorsqu’il lui fallait un tampon sur son laissez-passer pour chercher du travail, lorsque même sa citoyenneté sud-africaine lui avait été arrachée et qu’il était considéré comme un citoyen d’un Homeland. Il ajouta que seul un homme libre est en position de négocier, pas un prisonnier. Mon père dit qu’il ne pouvait et ne ferait rien tant que lui et le peuple sud-africain ne seraient pas libres. Sa liberté et celle de son peuple sont indissociables. Il termina en disant qu’il reviendrait. Je tiens à remercier en mon nom et en celui de mon père le Barreau de Bordeaux. Merci à la France. 2013-876

Au fil des pages

« Devoir de punir ? » Le système pénal face à la protection internationale

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à la peine capitale), telle était l’ambition de cette entreprise collective qui a permis de travailler ce que l’Équipe accueillie au Collège de France a choisi d’observer : les internormativités dans l’espace pénal, en confirmant certains de ses leviers (les droits de l’homme, le juge) tout en soulignant les risques engendrés par ces nouvelles modalités de formation de la norme. En reposant la question du « devoir de punir », une interrogation ancienne qui a longtemps animé le débat constitutionnel, à l’aune de la

protection internationale du droit à la vie, les auteurs entendaient montrer sa reprise à la faveur de son internationalisation. Après avoir testé l’hypothèse d’un renouveau des obligations de protection pénale, les auteurs se penchent sur le processus de diversification dont elles sont l’objet, mettant à jour les mécanismes, limites et enjeux de leur inflorescence. 2013-877

Éditions La Société de Législation comparée, Collection de l’UMR de droit comparé. Volume 32, 42 €, 334 pages.

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econstruire l’histoire du concept des obligations de protection pénale et préciser ses usages en tenant compte des espaces normatifs nationaux, régionaux – européens (Union européenne, Conseil de l’Europe) ainsi qu’américain – et mondiaux (Cour pénale internationale), à partir – mais également au-delà – des problématiques tirées de l’articulation entre protection internationale du droit à la vie et droit pénal (des enjeux bioéthiques


Droits de l’Homme

Droits de l’Homme et Justice internationale Maison du Barreau - Paris, 5 décembre 2013 Agnès Secretan, Anne Souléliac, Roula Derbas, Christiane Féral-Schuhl, Johann Soufi, François Roux, Laurent Wastelain, Malika Lazaar et Héleyn Unac

Photo © Chloé Grenadou - Téléphone : 01.42.60.36.35

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es premières « Rencontres Internationales des Bureaux de la Défense » qui étaient organisées par le Barreau de Paris et le bureau de la défense du Tribunal spécial pour le Liban se sont déroulées le 5 décembre 2013 sous la présidence de Madame le Bâtonnier Féral-Schuhl, Monsieur le Bâtonnier Ramzi Joreige, Monsieur le Bâtonnier désigné de Paris Pierre-Olivier Sur et Maître François Roux. Les rencontres ont été honorées par la visite du nouveau Bâtonnier de Beyrouth Monsieur Georges Joreige ainsi que des anciens Bâtonniers de Beyrouth, Monsieur Nohad Jabre et de Tripoli, Monsieur Bassam Daye. Elles ont réuni les représentants des bureaux de la défense de la Cour pénale internationale, du tribunal spécial pour le Liban, du Tribunal Pénal International pour l’Ex-Yougoslavie, du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux Cambodgiens et ont donné lieu à la déclaration finale suivante : « Les Bureaux et Sections de la Défense, ci-après désignés les Représentants, se réjouissent de la qualité des échanges avec les avocats et organisations professionnelles d’avocats, ci-après la Profession, à l’occasion de la Première Rencontre Internationale des Bureaux de la Défense. Ces échanges ont notamment permis à la profession d’exprimer ses préoccupations devant les défis auxquels sont confrontés les avocats dans leur exercice quotidien devant les juridictions pénales internationales et notamment la difficulté que la défense soit reconnue comme un des piliers indispensables d’une justice crédible et équitable. La Profession a particulièrement exprimé ses préoccupations sur les inégalités procédurales et de moyens qu’elle subit par rapport au Procureur, mais également sur la question de l’absence de publicité des débats. Les Représentants rappellent que leur mission première est d’assurer aux accusés une représentation appropriée et d’aider la Profession dans sa mission. Les Représentants se réjouissent de la volonté

exprimée par la Profession d’avocat de s’autoorganiser pour créer une association d’avocats devant les juridictions pénales internationales en s’inspirant notamment du travail réalisé par l’Association des Conseils de la Défense du TPIY («ADC-ICTY»). En attendant, les Représentants ont noté l’accueil favorable à l’évolution des Sections de la Défense vers un Bureau indépendant tel qu’il a été créé par les Etats au Tribunal Spécial pour le Liban, quatrième pilier du tribunal à égalité avec le Bureau du Procureur, le Greffier et la Présidence. La Profession a insisté sur la nécessité d’accorder à ce Bureau les moyens de son indépendance notamment financière et sur la nécessité qu’il soit présidé par un avocat expérimenté en matière criminelle et dans les questions déontologiques. La Profession a notamment insisté pour que ce responsable soit consulté avant toute décision de poursuite contre un avocat. La Profession a exprimé sa vive émotion devant la

procédure d’arrestation engagée contre un avocat devant la Cour Pénale Internationale sans que cet avocat n’ait disposé des garanties et du soutien d’un organe structurellement indépendant comme l’aurait fait un Bâtonnier. La Profession a enfin manifesté ses vives préoccupations devant la question des Mécanismes mis en place pour accompagner la fermeture des juridictions ad hoc, Mécanismes qui n’ont pas intégré la défense dans leur structure. La Profession manifeste de semblables préoccupations à l’égard du sort des personnes acquittées ou libérées par ces juridictions. En conséquence les Représentants décident de convoquer de nouvelles rencontres en 2014 pour poursuivre leurs travaux ». Cette déclaration sera transmise par les organisateurs aux autorités compétentes. Anne Souléliac Responsable Droits de l’Homme 2013-883 au Barreau de Paris

Droits de l’Homme et justice pénale internationale Lors des évènements de la rentrée, l’après-midi du 5 décembre était consacrée à la justice pénale internationale et aux droits de l’homme. Table ronde : « Défendre devant les juridictions pénales internationales ? » Une 1ère table ronde intitulée « Défendre devant les juridictions pénales internationales ? » était présidée par Monsieur François Roux, chef du bureau de la Défense du Tribunal spécial pour le Liban. Plusieurs de nos confrères, tous conseils de la Défense devant les différents tribunaux pénaux internationaux -Ex-Yougoslavie, Rwanda, Liban- ainsi que la Cour pénale internationale, ont partagé avec le public les défis qu’ils ont à relever lorsqu’ils défendent les personnes accusées des crimes les plus graves. Une des principales difficultés étant très certainement le déséquilibre des moyens mis à la disposition de l’avocat pour son enquête en faveur de la défense par rapport à ceux du procureur.

Table Ronde : « L’indépendance du Barreau : clé de la protection des avocats, de l’État de droit et des droits de l’Homme » La deuxième table ronde de l’après-midi était consacrée à « L’indépendance du Barreau : clé de la protection des avocats, de l’État de droit et des droits de l’Homme ». Présidée par Francis Teitgen, Président de l’Institut des droits de l’Homme du Barreau de Paris, cette conférence a permis d’entendre deux grands témoins : le Bâtonnier d’Istanbul Umit Kocasakal et Zinaida Mukhortova. Le Président du Barreau d’Istanbul a reçu avec son Conseil de l’Ordre le prix des droits de l’homme du Conseil des Barreaux européens 2013. Il est en effet poursuivi sur le plan pénal pour avoir tenté d’influencer le processus judiciaire dans un dossier sensible. Il est accusé d’avoir fait, le 6 avril 2012, pendant le procès Balyoz, une déclaration non autorisée. Dans ce procès, les avocats de la défense avaient décidé de ne plus assister au procès, estimant que les

droits de la défense n’étaient pas respectés. A plusieurs reprises, la défense avait demandé la révision de certaines preuves, jugeant qu’elles auraient pu être créées afin d’appuyer plus encore sur la culpabilité des accusés. Leurs demandes ont à chaque fois été rejetées par le Magistrat. C’est à ce moment-là qu’Ümit Kocasakal et les neuf autres avocats également poursuivis sont intervenus en vertu de la loi 1136 sur le métier d’avocat qui permet au Président et aux membres du Conseil, en cas d’atteinte au métier ou à l’honneur des avocats, de faire toutes les démarches légales et administratives pour défendre la profession. Lors de leur intervention ils ont demandé trois choses : un jugement équitable, l’application des articles de procédure pénale et enfin ne pas faire obstacle à la défense et aux avocats. Le Président du Barreau d’Istanbul a été interpelé pendant la conférence sur la situation d’un confrère turc Monsieur Ramazan Demir qui est un avocat engagé et que nous connaissons bien,

car il accueille et apporte son soutien aux délégations étrangères d’avocats qui se rendent en Turquie dans le cadre de missions d’observation judiciaire. Ramazan Demir fait l’objet d’une information judiciaire sur instruction du procureur de la 15ème Chambre criminelle de Silivri, pour ses observations judiciaires lors de l’audience du 16 Novembre 2012, dans l’affaire KCK pour la partie qui concerne les journalistes (dossier particulièrement sensible). Aujourd’hui, une enquête disciplinaire est également ouverte à son encontre par Barreau d’Istanbul. Le Bâtonnier a rassuré les participants concernant l’issue de cette enquête qui était une formalité obligatoire dès lors que des poursuites étaient ouvertes à l’encontre d’un confrère. Cette table ronde a également permis de faire un rappel sur les différents dossiers sensibles pour lesquels nos confrères à travers le monde ont fait l’objet de violations. Source : Barreau de Paris

Les Annonces de la Seine - jeudi 19 décembre 2013 - numéro 72

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Vie du droit

Master 2 Droit des contrats et de la concurrence Paris, 25 novembre 2013

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Victor Prevesianos, Elaine Pajeot, Hervé Delannoy, Muriel Chagny, Alexandra Pham Ngoc, Michaël Vaz d’Almeida et Laura Fajwisiewicz

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’association du Master 2 Droit des contrats et de la concurrence de l’Université de Versailles Saint-Quentinen-Yvelines a organisé au cabinet Gide Loyrette Nouel le 25 novembre 2013 sa première conférence de la concurrence sur le déséquilibre significatif dans les contrats d’affaires, cinq ans après l’apparition de cette notion au sein de l’article L442-6 du Code de commerce par la Loi de modernisation de l’économie. Après les propos introductifs de Muriel Chagny, Directeur du Master de Droit des contrats et de la concurrence, Julien de Sousa, juriste d’affaires chez REpower SAS, et Maître Alexandre Glatz, avocat au cabinet Gide Loyrette Nouel, revenant sur les difficultés rencontrées au stade de la

rédaction, se sont interrogés respectivement sur l’importance de la négociation pour éviter l’apparition d’un déséquilibre significatif et sur les différentes clauses problématiques au regard des décisions les plus récentes. Par la suite, un binôme composé d’Irène Luc, conseiller à la Cour d’appel de Paris et de Maître Nizar Lajnef, avocat au cabinet UGGC, s’est intéressé aux conditions d’application de l’article L442-6 I 2°) du Code de commerce. Enfin, Maître Gilbert Parleani s’est interrogé sur l’avenir de la notion de déséquilibre significatif mêlant une approche pratique du monde de la distribution aux potentielles évolutions, françaises ou européennes, du droit des pratiques restrictives de concurrence.

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Cette conférence s’est clôturée par la cérémonie de remise des diplômes de la promotion 2013 du Master 2 Droit des contrats et de la concurrence, en partenariat avec les éditions Dalloz et sous le haut parrainage d’Hervé Delannoy, Président de l’AFJE (association française des juristes d’entreprise). Les cinq lauréats de la promotion se sont vus, à cette occasion, offrir un abonnement à la RTD Com d’un an. Lénaïc Godard 2013-884

Les 5 lauréats 1. Victor Prevesianos 2. Alexandra Pham Ngoc 3. Élaine Pajeot

4. Laura Fajwisiewicz 5. Michaël Vaz D’Almeida

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Vie du droit

Barreau de Paris - Conférence des Bâtonniers Signature de l’accord-cadre « Præferentia Coréfrance » Centrale de référencement des avocats de France Paris - 27 novembre 2013

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’Ordre des avocats de Paris, sous l’impulsion de son Bâtonnier Christiane Féral-Schuhl a créé une centrale de référencement dénommée Praeferentia, opérationnelle depuis janvier 2012, qui permet aux avocats du Barreau de Paris d’acheter des biens et des services nécessaires à leur activité professionnelle et privée, à des conditions financières particulièrement avantageuses. Deux grands Barreaux (Grenoble et Lyon) ont développé depuis quelques années une initiative similaire dénommées Coreal à Lyon et Coresalp à Grenoble. La Conférence des Bâtonniers de France et d’Outre Mer et l’Ordre des avocats de Paris ont décidé de créer une centrale de référencement commune dénommée « Præferentia Corefrance » gérée, administrée et financée de façon paritaire par l’Ordre des avocats de Paris et la Conférence des Bâtonniers. Parallèlement, les Bâtonniers de Lyon et de Grenoble ont accepté de rejoindre la nouvelle centrale créée par le Barreau de Paris et la Conférence des Bâtonniers. Un accord cadre entre la Conférence et l’Ordre a été signé en ce sens le 21 juin 2013. Le 27 novembre dernier Madame le Bâtonnier de

Praeferentia-Coréfrance en chiffres Au 1er decembre 2013, Praeferentia-Coréfrance, la centrale de référencement des avocats de France, regroupe : 86 Barreaux soit environ 49.000 avocats sur les 58.000 avocats de France, soit 83% de la profession.

Marc Bollet, Jean-Luc Forget, Christiane Féral-Schuhl, Pierre-Olivier Sur et Philippe Rochmann

Paris avait souhaité réunir l’ensemble des parties prenantes à ce projet afin d’en assurer une parfaite transmission à son successeur, le Bâtonnier désigné Pierre-Olivier Sur et au successeur de Jean-Luc Forget à la présidence de la Conférence des Bâtonniers, le Bâtonnier Marc Bollet. Etaient présents une partie de l’équipe « Praeferentia-Coréfrance » qui travaille sous la responsabilité de son Délégué Général Philippe Rochmann, Anne-Sophie Dubreuil, Alain Cuisance et Gabriel Benesty, mais aussi le Bâtonnier Jean-Luc Médina de Grenoble, maître d’oeuvre pour le compte de la Conférence des Bâtonniers avec Philippe Rochmann pour le Barreau de Paris, de l’accord politique entre ces deux institutions. La commission des finances

de l’Ordre des avocats de Paris était représentée par Antoine Diesbecq, Aurélien Boulanger et Marie-Christine Labrousse, directrice générale des services de l’Orde des avocats de Paris. Enfin, Patrick Berthe, président de la société Vaziva Conseil, partenaire des premiers jours de la centrale Praeferentia avait été convié à cette réunion. Le Bâtonnier désigné de Paris Maître PierreOlivier Sur et le président élu de la Conférence des Bâtonniers Maître Marc Bollet ont renouvelé toute leur confiance à l’équipe qui pilote le projet « Praeferentia-Coréfrance » en leur fixant des objectifs ambitieux pour leur mandature. Jean-René Tancrède 2013-885

L’équipe « Praeferentia-Coréfrance » Les Annonces de la Seine - jeudi 19 décembre 2013 - numéro 72

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Société

Femmes Administrateurs :

un parcours à succès au service de la modernisation Agnès Bricard

● Le premier défi c’est la professionnalisation du statut d’administrateur. Les femmes peuvent être le moteur d’un changement conduisant les processus de formation à prendre le pas sur les processus de cooptation. Si les hommes naissent administrateurs, les femmes elles se forment à cette fonction. La qualité des formations proposées par les différents acteurs (IFA, ESSEC, ...) suscite un grand intérêt chez les femmes qui souhaitent

D.R.

Marie-José Zimmerman

accéder à un mandat. Cette impulsion donnée par les femmes provoquera nécessairement une réaction chez les hommes. En relevant ce premier défi, les femmes administrateurs pourront ainsi contribuer non seulement à l’amélioration des objectifs de parité mais aussi à apporter une modernité au sein des conseils portant les germes de nouvelles perspectives de croissance et compétitivité. Le deuxième défi consiste à conduire un véritable changement culturel pour que les conseils d’administration soient de véritables lieux ouverts de réflexions stratégiques et non de simples chambres d’enregistrement marquées par le règne du non-dit. Parmi les valeurs féminines c’est le courage, qualité essentielle d’un administrateur, qui permettra aux femmes administrateurs de réaliser ce tour de force au sein des conseils d’administration. Cela ne veut pas ●

dire que les hommes n’ont pas de courage mais ils ont souvent tendance à tourner en rond autour d’un sujet pour éviter par exemple de mettre un dirigeant en difficulté. Les femmes ont la réputation de prendre la parole dans les enceintes où elles se trouvent, il n’y a pas de raisons objectives qu’elles n’agissent pas de la même façon au sein des conseils d’administration, qu’elles n’aient pas le courage de poser les bonnes questions, le courage de déranger ! Le courage de faire agir ! Le troisième défi c’est celui de la compétence et du sérieux. Ici aussi les femmes ont un rôle majeur à jouer car naturellement elles étudient les dossiers, fouillent, cherchent… et trouvent. Un conseil d’administration compétent avec les compétences sectorielles, des visions innovantes, une approche sérieuse des risques… Les futures Femmes administrateurs doivent être formées et ●

D.R.

A

u 1er juillet 2017, les conseils d’administration des 2 000 plus grandes entreprises françaises devront compter 40 % de femmes administrateurs. Dans le cas où cet objectif, fixé par la loi Zimmermann du 27 janvier 2011, ne serait pas respecté les administrateurs en poste verront leurs jetons de présence suspendus. Même combat dans les conseils d’administration des établissements publics et au plus haut sommet des trois versants de la Fonction Publique (Etat, collectivités territoriales et hôpitaux), avec les objectifs fixés par la loi Sauvadet du 12 mars 2012 : quota de 20 % de femmes à compter du 1er renouvellement du conseil, et 40 % à compter du 2ème renouvellement du conseil. Ces objectifs quantitatifs pourront être atteints seulement si trois défis majeurs sont effectivement relevés au cours des prochains mois.

accompagnées parce qu’exercer le pouvoir est un exercice complexe à la fois collectif et solitaire. Pour démontrer qu’elles peuvent exercer le pouvoir autrement, avec notamment la mise en œuvre de solutions de médiation pour construire des consensus vertueux dans l’intérêt de l’entreprise. Afin de renforcer cet accompagnementdansl’exercicedesfonctions d’administrateur, la Fédération Femmes Administrateurs organise, le 6 mars 2014, à l’Assemblée Nationale deux tables rondes. La première sera l’occasion d’échanger autour du développement de nouvelles compétences stratégiques et de gouvernance pour exercer un mandat (formation, mentoring et appui des réseaux). La seconde table ronde sera elle dédiée aux premiers pas vers un mandat d’administrateur (la rédaction du CV, les contacts avec les chasseurs d’administrateurs, l’entretien de sélection). Les femmes ne doivent pas s’illusionner sur le pouvoir mais l’affronter avec un autre modèle. Ces tables rondes ambitionnent aussi de valoriser ce modèle féminin dans l’entreprise dont certains patrons masculins commencent eux-mêmes à se revendiquer ! 2013-886 Nota : Cet article est Inspiré d’ « Administrateur(e) au Féminin-Guide pour devenir Administratrice »(1) (1)Women@network N12 co-auteurs: Viviane de Beaufort- Essec, Carol Lambert-Deloitte et les membres du Wob Epwn

Ministère des Droits des Femmes

Lutter contre les discriminations au travail : un défi collectif Remise des conclusions de la mission de Laurence Pécaut-Rivolier Paris, 17 décembre 2013

L

e 30 octobre 2013, la Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, le Ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et la Ministre des droits des femmes, porteparole du Gouvernement, ont demandé à

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Madame Laurence Pecaut-Rivolier, Magistrate auprès de la Cour de cassation, de mener une mission pour examiner les améliorations susceptibles d’être apportées dans la détection et le traitement des discriminations collectives dans le monde du travail.

Madame Pécaut-Rivolier a remis avant-hier ses conclusions aux trois Ministres. Les Ministres ont salué la très grande qualité de ce travail. Après des auditions larges et approfondies, la mission dresse le constat d’une augmentation des discriminations en période de crise. Elle

Les Annonces de la Seine - jeudi 19 décembre 2013 - numéro 72


Société souligne que les discriminations collectives, qui avaient fortement diminué au moins pour certaines catégories au cours des dernières années ont tendance à croître à nouveau. Ces discriminations touchent principalement les femmes, les seniors, les salariés titulaires de mandats représentatifs, et les salariés d’origine étrangère. Ses propositions se concentrent sur trois dimensions : 1. Favoriser l’accès aux éléments de preuve en précisant la possibilité de demander en justice la production des éléments de preuve en cas de

suspicion de discrimination, seul le juge ayant accès aux pièces nominatives. 2. Créer une action collective devant le Tribunal de grande instance : est préconisée une action collective ayant pour finalité de constater l’existence d’une discrimination envers plusieurs salariés et permettant d’ordonner à l’employeur de prendre les mesures pour y mettre un terme. Les salariés pourraient toujours obtenir réparation individuelle du préjudice subi du fait de la discrimination devant le Conseil des prud’hommes. 3. Permettre aux différents acteurs impliqués dans la lutte contre les discriminations de

transmettre au Procureur de la République les dossiers paraissant établir l’existence d’une discrimination collective, afin que le Procureur puisse, s’il l’estime opportun, déclencher luimême cette nouvelle action collective. Une concertation sur ces propositions sera conduite dans les prochaines semaines, en vue le cas échéant d’amendements au projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Elles ont, le même jour, également été présentées aux partenaires sociaux réunis dans le cadre du Conseil Supérieur de l’Egalité Professionnelle. 2013-887 Source : communiqué du 17 décembre 2013

Jurisprudence

Loi organique du 5 novembre 2013 relative au procureur de la République financier Conseil constitutionnel, décision numéro 2013−680 DC du 4 décembre 2013 Présenté en Conseil des ministres le 7 mai 2013 par Christiane Taubira, Garde des Sceaux et Ministre de la Justice, le projet de loi organique relative au procureur de la République financier adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 25 juin 2013 et adopté en lecture définitive le 5 novembre dernier prévoit la création d’un procureur de la République financier à compétence nationale, chargé de la lutte contre la corruption et la fraude fiscale. Elle énonce ainsi toutes les dispositions statutaires nécessaires à la création d’un «Parquet financier». Le procureur de la République financier sera rattaché au Tribunal de grande instance de Paris et sera placé hors hiérarchie. A l’instar des autres procureurs, il sera nommé pour sept ans par le Président de la République, sur proposition du Garde des Sceaux et après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (à la suite de la réforme constitutionnelle soumise actuellement au Parlement). Saisi par le Premier ministre, le 6 novembre 2013, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er de la Constitution, le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision du 4 décembre dernier l’ensemble du texte conforme à la Constitution. La loi organique a ainsi été promulguée le 6 décembre 2013 et publiée au Journal officiel le lendemain. Chloé Grenadou Le Conseil constitutionnel : Vu la Constitution; Vu l’ordonnance n° 58−1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel; Vu l’ordonnance n° 58−1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature; Vu la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, adoptée définitivement par le Parlement le 5 novembre 2013, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013−679 DC du 4 décembre 2013 ; Vu les observations présentées par cent quatorze sénateurs, enregistrées le 6 novembre 2013 ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 19 novembre 2013 ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant que la loi organique soumise à l’examen du Conseil constitutionnel a été prise sur le fondement de l’article 64 de la Constitution ; qu’elle a été adoptée dans le respect des règles de procédure prévues par les trois premiers alinéas de l’article 46 de la Constitution ; 2. Considérant que l’article 38−2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée est relatif aux fonctions de président et de procureur de la République d’un tribunal de grande instance ou de première instance placé hors hiérarchie ;

que cet article prévoit notamment que les fonctions de procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris sont exercées par un avocat général à la Cour de cassation désigné par décret du Président de la République après avis du Conseil supérieur de la magistrature et qui ne peut exercer cette fonction plus de sept ans ; 3. Considérant que l’article unique de la loi organique complète l’article 38−2 de l’ordonnance organique du 22 décembre 1958 par un alinéa qui rend applicables au procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris les dispositions de cet article « dans les mêmes conditions qu’au Procureur de la République près le même tribunal » ; 4. Considérant que ces dispositions sont conformes à la Constitution, Décide : Article 1er − La loi organique relative au procureur de la République financier est conforme à la Constitution. Article 2.− La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 décembre 2013, où siégeaient : Jean−Louis Debré, Président, Jacques Barrot, Claire Bazy Malaurie, Nicole Belloubet, Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Hubert Haenel et Nicole Maestracci. 2013-888

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Vie du droit

Cour administrative d’appel de Versailles Versailles, 16 décembre 2013 Périodiquement, le Vice-Président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé se déplace dans les juridictions administratives régionales afin de mieux connaître les magistrats et agents de greffe ainsi que leurs préoccupations. Lundi dernier, 16 décembre 2013 Martine de Boisdeffre recevait Jean-Marc Sauvé à la Cour Administrative d’appel de Versailles, l’occasion pour l’éminent juriste de rappeler la mission et les objectifs de la justice administrative : sécurité juridique, accessibilité et maîtrise des délais ; ainsi que les défis qu’elle doit relever : faire face à la croissance constante du contentieux, s’ouvrir aux technologies de l’information et inscrire le juge administratif dans la Cité. Après avoir félicité et encouragé les magistrats présents, il les a incités « à poursuivre dans la voie de l’effort et des réformes qui ont été engagées ces dernières années » afin que les décisions soient plus lisibles par les justiciables sans rien « sacrifier à la rigueur du raisonnement juridique ». Jean-René Tancrède

Inscrire la justice administrative dans la cité

Jean-Marc Sauvé

par Jean-Marc Sauvé

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Notre mission. La justice administrative est garante de l’intérêt général et gardienne des libertés et des droits fondamentaux des personnes dans leurs relations avec les administrations. Sa fonction, qui est de juger les pouvoirs publics et les services publics, la place au cœur de l’Etat de droit. A ce titre, elle a su, je crois, gagner et conserver la confiance et la considération de tous les justiciables. Votre présence ici aujourd’hui en témoigne et je vous en remercie très sincèrement. Nos objectifs. Il n’y a pas d’Etat de droit sans justice de qualité. Cette qualité repose, en ce qui nous concerne, sur trois piliers, qui sont autant d’objectifs que, par ses réformes récentes, la juridiction administrative tend à atteindre. La qualité se traduit d’abord par une exigence de sécurité juridique, c’est-à-dire par une capacité à faire évoluer la jurisprudence, sans déstabiliser les justiciables, et à rendre des décisions solides. Les décisions du juge administratif sont en effet juridiquement sûres : ainsi, 96 % des litiges sont définitivement réglés conformément à la solution adoptée en premier ressort. La sécurité juridique repose, dans notre organisation juridictionnelle, sur deux éléments essentiels : la collégialité et le rôle du rapporteur public. De nombreuses réformes ont été menées pour la maintenir et la renforcer. Elles concernent en particulier le rapporteur public, dont le sens des conclusions est désormais porté à la connaissance des parties avant l’audience et auquel celles-ci peuvent répondre oralement et par

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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

’est avec beaucoup de plaisir que je rends visite aujourd’hui aux Magistrats et Agents de la Cour administrative d’appel de Versailles, dans le cadre de mes visites mensuelles de juridiction. Ces visites me permettent de mieux connaître les Magistrats et les Agents de greffe et leurs préoccupations, de répondre à leurs questions et d’exposer nos projets. Elles sont aussi l’occasion de rencontrer les partenaires et interlocuteurs de ces juridictions, comme c’est le cas notamment avec cette réunion. Ces visites permettent aussi de rappeler publiquement notre mission, nos objectifs et nos résultats.

écrit. Les parties ont ainsi le dernier mot à l’audience. En outre, le rapporteur public peut décider de ne plus conclure sur les dossiers ne présentant pas de difficultés, ce qui contribue à recentrer son travail sur les dossiers présentant à juger des questions de fait ou de droit complexes qu’il peut approfondir. La Cour européenne des droits de l’Homme vient d’ailleurs, au vu de ce rôle et de l’insertion du rapporteur public dans le procès administratif, de confirmer que cette institution est pleinement compatible avec les exigences du procès équitable garanties par l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme. La justice administrative se doit ensuite d’être accessible au justiciable. Elle l’est par tradition avec la large ouverture de son prétoire, mais elle doit encore progresser. Nous nous y efforçons sur d’autres plans, notamment par l’aménagement des bâtiments où elle est installée. Mais notre politique d’accessibilité, c’est aussi l’ouverture résolue aux nouvelles technologies et aux échanges dématérialisés ; c’est encore la réflexion et les réformes entreprises ces dernières années sur la manière dont se déroule l’audience, avec plus d’oralité pour les parties, ou dont sont rédigées nos décisions de justice – j’y reviendrai. Le troisième pilier de la qualité est la maîtrise des délais. Une bonne justice est une justice qui se prononce en temps utile. Des progrès

considérables ont été accomplis à cet égard avec l’instauration de procédures d’urgence efficaces à partir du 1er janvier 2001, mais aussi avec le raccourcissement spectaculaire de nos délais de jugement des recours au fond. Ainsi, pour la première fois dans notre histoire, devant toutes les juridictions administratives, en première instance, en appel comme devant le Conseil d’Etat, le délai prévisible moyen de jugement est au 31 décembre 2011 descendu à moins d’un an. Il a encore diminué au cours de l’année 2012. Ce seul indicateur démontre que la juridiction administrative a beaucoup évolué ces dernières années et que les nombreuses réformes entreprises ont porté leurs fruits partout en France, et aussi ici même à Versailles. L’engagement résolu des magistrats et des agents de greffe de la cour administrative d’appel de Versailles a en effet permis que soient ici remplis ces objectifs de qualité et conciliées des exigences qui sont parfois contradictoires. La situation de la cour administrative d’appel de Versailles est saine. Le délai prévisible moyen de jugement, qui était fin 2012 de11 mois et 3 jours, correspond à la moyenne nationale. Il continue à diminuer et se situe actuellement à 10,5 mois. Le taux de couverture, c’est-à-dire le rapport entre le nombre des entrées et celui des sorties, évolue positivement depuis plusieurs

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Vie du droit années pour s’établir fin 2012 à 104 %, taux qui a encore progressé au cours de l’année 2013 pour atteindre, fin novembre, 114 %. La situation est également très saine s’agissant du stock de dossiers anciens, c’est-à-dire de plus de deux ans, qui concerne un nombre négligeable de dossier représentant moins de 2 % de la totalité des affaires fin 2012. On ne peut donc que saluer les remarquables efforts accomplis par les magistrats et les agents de cette juridiction. Si les réussites sont incontestables, la juridiction administrative doit néanmoins relever encore de nombreux défis. Le premier de ces défis réside dans la croissance constante du contentieux. Il faut mesurer que, sur l’ensemble du territoire, le contentieux augmente en moyenne de 6 % par an depuis 40 ans. En outre, de récentes législations sollicitent massivement le juge administratif, comme le droit au logement opposable (DALO), le revenu de solidarité active (RSA) ou la législation sur les étrangers, en dernier lieu avec la loi du 16 juin 2011. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il ne peut y avoir de réponse à la progression continue des contentieux que dans une réflexion d’ensemble sur les facteurs et les causes qui expliquent cette augmentation ainsi que dans la limitation de celleci. Il faut à cette fin favoriser la prévention des litiges portés devant le juge et, pour cela, imaginer des réponses plus appropriées que le seul contentieux : tous les litiges ne sauraient se régler devant un juge. Les modes alternatifs de règlement des litiges, notamment par la médiation ou la conciliation, et les conditions d’accès au juge doivent, selon le cas, être développés ou repensés. Il faut aussi adapter en permanence notre organisation, notre procédure et nos méthodes de travail. La redéfinition des offices respectifs du juge unique et de la collégialité ainsi que la liste des contentieux pouvant faire l’objet d’un appel a ainsi été adaptée, de même que le traitement des contentieux sociaux.

La juridiction administrative doit ensuite poursuivre son ouverture résolue aux technologies de l’information. Au quotidien, dans nos juridictions, le papier laisse de plus en plus souvent la place au travail dématérialisé. En outre, les téléprocédures, qui permettent aux parties d’échanger par voie électronique avec les juridictions et qui ont été expérimentées avec succès pendant plusieurs années, notamment ici à Versailles en matière fiscale, sont désormais généralisées à l’ensemble des contentieux et à toutes les juridictions administratives de métropole depuis le 2 décembre 2013. J’ai signé, le 5 juin dernier, une convention avec le Conseil national des Barreaux sur l’utilisation de la communication électronique entre les avocats et les juridictions administratives, convention qui témoigne de l’intérêt des avocats pour ce nouveau mode de communication. Il faut qu’avec l’aide de la juridiction toutes les parties s’approprient ce nouvel instrument qui va grandement alléger et faciliter leur tâches. Le troisième défi qu’il convient de relever est celui de la place du juge et de la juridiction administrative dans la Cité. Inscrire le juge dans la Cité suppose tout d’abord de renforcer la garantie de son impartialité et de son indépendance. Une Charte de déontologie, commune à l’ensemble de la juridiction administrative, a ainsi été publiée en décembre 2011. Elle constitue, sur les exigences d’indépendance et d’impartialité ou de prévention des conflits d’intérêts, une référence précieuse, pour les magistrats administratifs comme pour les justiciables. Elle doit apporter aux uns comme aux autres des garanties et de la sécurité. Un collège de déontologie est par ailleurs chargé d’éclairer les membres de la juridiction administrative sur l’application des principes et des bonnes pratiques définis par la Charte et sur tout problème déontologique qui se poserait à eux. Ce collège peut être saisi aussi bien par les magistrats que par les chefs de juridiction et ses avis et recommandations sont rendus publics et

accessibles sur notre site internet. Une quinzaine d’avis et recommandations ont ainsi été rendus depuis l’installation de ce collège en mars 2012. Inscrire le juge administratif dans la Cité, c’est aussi consacrer sa qualité de magistrat : c’est ce que le législateur a fait par la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire, qui permet, par ailleurs, à un nombre accru de magistrats des tribunaux et des cours administratives d’appel d’être nommés au Conseil d’Etat. Inscrire la justice administrative dans la Cité, c’est enfin, je le crois, réfléchir aux voies ouvertes pour rendre nos décisions plus simples, plus lisibles, plus intelligibles, sans rien sacrifier de la rigueur du raisonnement juridique. Un rapport m’a été remis en avril 2012 sur cette question et il a débouché sur de premières mesures d’application immédiate. Il donne lieu en 2013, au Conseil d’Etat, à l’expérimentation de nouveaux protocoles de rédaction dans quatre des 10 sous-sections de la section du contentieux. J’espère que ces protocoles pourront, après évaluation par un comité qui vient d’être mis en place, être adaptés et étendus dans le courant de 2014 à certaines chambres volontaires de cours administratives d’appel et de tribunaux administratifs. Les défis à relever, vous le voyez, sont nombreux. Ils demandent de poursuivre dans la voie de l’effort et des réformes qui ont été engagées ces dernières années. Je ne méconnais pas les implications des différentes évolutions, passées ou à venir, sur le travail des Magistrats comme des agents de greffe. Que notre justice soit de qualité, cela n’est en effet possible que grâce à la mobilisation résolue des femmes et des hommes qui la composent. C’est grâce à eux qu’elle le restera. Je tiens donc à remercier les Magistrats et les agents de ces juridictions et, en particulier, de la Cour administrative d’appel de Versailles et à leur rendre ici un hommage chaleureux et mérité. 2013-889 Texte écrit en collaboration avec Monsieur Olivier Fuchs, Conseiller de Tribunal administratif et de Cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du Vice-Président du Conseil d’Etat.

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François Seners, Martine de Boisdeffre, Jean-Marc Sauvé et Bernard Stirn

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Vie du droit

Association Droit & Procédure Assemblée générale annuelle Paris, 16 décembre 2013 Julie Couturier, qui a pris ses fonctions de Présidente de l’Association Droit & Procédure en janvier 2013 (Les Annonces de la Seine du 24 décembre 2012 page 21), a tenu sa première assemblée générale ce lundi 16 décembre 2013 dans la salle haute de la Bibliothèque de l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris en présence de nombreux adhérents. Nous publions ci-dessous les grandes lignes de son rapport moral retraçant les principales actions dont « le fil rouge » est marqué par l’ouverture de l’Association Droit & Procédure vers un public élargi, d’autres associations et de nouvelles matières. Nous la félicitons pour son dynamisme et son souci constant de défendre l’intérêt général et les justiciables. Jean-René Tancrède

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as un mois ne s’est passé sans que l’association marque sa présence d’une manière ou d’une autre. Le 28 février, se sont tenus les Entretiens de la procédure civile, organisés par la Gazette du Palais, sous la direction scientifique de Madame le Professeur Soraya Amrani-Mekki, un nom qui incarne nos liens avec l’Université. Le 22 mars, j’ai retrouvé Soraya Amrani-Mekki au forum Trans-Europe Experts, Association avec laquelle Droit & Procédure avait scellé un partenariat en 2012, sous la présidence éclairée de Stéphane Lataste. Il s’agit d’une association créée en 2009 par des universitaires français qui a pour vocation de constituer un réseau, fédérant de nombreux universitaires français et étrangers, des professionnels du droit, de la politique, de l’économie ainsi que des représentants des mondes social et associatif, ce réseau ayant pour objet la participation effective de tous à l’élaboration du droit européen. Le 26 mars, Droit & Procédure était présente au colloque organisé par l’ENM sur l’évolution du procès-civil à l’heure de la communication électronique.

Le 11 avril, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, j’ai réuni mes deux familles puisque nous avons tenu notre première réunion d’information de l’année, en partenariat avec l’UJA sur l’actualité de la procédure civile. Le 21 juin, j’ai participé, à Bruxelles, aux Entretiens européens de la procédure civile. Je me réjouis de ce rapprochement avec la Délégation des Barreaux de France, qui organisait cette journée de formation, et de notre intérêt croissant pour la procédure civile européenne, certes rébarbative mais à laquelle nous pouvons difficilement ne pas nous intéresser. Les 9, 10 et 11 juillet, s’est tenue, à l’UNESCO, l’édition 2013 de Campus. Cette année, deux formations étaient « estampillées » Droit & Procédure. L’une sur la procédure d’appel qu’ont assurée Maurice Bencimon, Emmanuel Jullien et le Président Chauvin. La seconde consacrée à l’actualité de la saisie immobilière et des voies d’exécution que nous avons animée avec Denis Talon comme chaque année. Le 4 octobre 2013, après quelques semaines de repos, nous avons repris le chemin de l’école ou, plus exactement, de l’Université, celle de Nanterre

en l’occurrence, où Madame le Professeur Soraya Amrani-Mekki a organisé un superbe colloque d’une journée sur le thème : « Procédure civile, Procédure pénale : unité ou diversité ? », réunissant le « gratin » de la procédure civile de Natalie Fricero à Loïc Cadiet en passant par Philippe Thery ou encore Yves Strickler. Le 11 octobre 2013, se tenait à Lyon notre colloque annuel, organisé en partenariat avec l’AAPPE et l’IFPPC intitulé « Patrimoine familial et procédures collectives : prévention et réalisation du risque ». Le 8 novembre, s’est tenu le traditionnel colloque Woog sur l’actualité de la procédure civile, toujours une coproduction EFB / Droit & Procédure. Le 19 novembre, s’est tenue notre dernière réunion d’information sur le bouleversement du procès civil et de la chose jugée par la jurisprudence Césaréo. Le 6 décembre, j’ai participé à une table ronde relative à la mise en état, dans le cadre de la formation continue des magistrats à l’ENM, sur l’invitation de Savinien Grignon Dumoulin, l’un des Magistrats du Tribunal de grande instance de Paris avec lesquels nous travaillons dans les groupes de travail.

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Les membres du Bureau de l’Association Droit & Procédure autour de la Présidente Julie Couturier

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Vie du droit Julie Couturier et Roberte Martin

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Jeudi dernier, 12 décembre, avait lieu la cérémonie de remise des diplômes des lauréats du CAPA. Droit & Procédure y était présente à deux titres : en premier lieu, car cette cérémonie était l’occasion de « lancer » la réédition du livre noir, sous format numérique. Madame le Bâtonnier a rendu hommage à Marie-Christine Sari qui coordonne les travaux mais elle a également salué l’implication de Droit & Procédure car l’essentiel des contributeurs est issu de nos rangs. En second lieu, nous remettons chaque année un prix aux deux élèves ayant obtenu les meilleures notes aux épreuves de procédure civile. Cette année, Benoit Renard et Cécile Schwartzentruber ont obtenu 19 et j’ai eu le plaisir, tout en présentant l’Association aux Lauréats, de leur annoncer que nous leur remettrions le prix officiellement à l’occasion de notre prochain dîner annuel mais que, d’ores et déjà, la maison Bosc leur offrait leur robe d’avocat ce qui les a naturellement réjouis. Je m’arrête un instant à l’EFB. En matière de formation, la place de Droit & Procédure ne se dément par et c’est une fois encore, avec le talent que nous leur connaissons, qu’Antoine Genty et Hervé Regnault ont dirigé le module de procédure civile des élèves avocats à l’EFB. L’année 2014 promet, elle aussi, d’être riche. Je vous ai parlé du colloque de Caen, le 28 mars. Avant cela, le 23 janvier prochain, nous tiendrons notre première réunion d’information en partenariat avec l’ACE sur la procédure dans les

modes de règlement extrajudiciaire des litiges. Nous prévoyons aussi l’organisation d’une réunion d’information sur les procédures ordinales. D’autres chantiers internes seront mis en œuvre. L’un consacré à une réforme des statuts : Stéphane Lataste nous avait invités à y réfléchir

l’année dernière et nous mettrons en œuvre cette réflexion cette année. L’autre à la communication et à l’image de l’association qui mérite d’être modernisée. Vous l’avez compris : il reste beaucoup à faire. 2013-890 Julie Couturier

Le Conseil National des Barreaux tourne la page de la gouvernance Assemblée Générale Extraordinaire - Paris, 13 décembre 2013

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vec l’aide de son Bureau, le Bâtonnier Jean-Marie Burguburu a accompli la tâche qu’il s’était fixée lors de son élection à la présidence du Conseil national des Barreaux le 6 septembre dernier. Après avoir apaisé la situation et réuni à plusieurs reprises les diverses composantes de l’institution nationale, il a entamé le travail de reconstruction pour qu’elle puisse, dans la sérénité, accomplir les missions qui lui ont été confiées par la loi. Un pas important a été franchi lors de l’Assemblée Générale du vendredi 13 décembre, au cours de laquelle des décisions ont été prises sur ce qu’il est convenu d’appeler la « gouvernance », décisions intervenues à l’issue d’un vote nominatif des membres présents (78 membres présents ou représentés sur les 82).

Les résultats des votes aux cinq questions posées sont les suivants : 1ère question : L’organisation d’une représentation forte de la profession d’avocat en France repose sur la complémentarité des compétences dévolues par la Loi au Conseil National des Barreaux d’une part et aux Ordres d’autre part. (74 voix pour, 1 voix contre, 3 ne prennent pas part au vote).

2ème question : Le Conseil National des Barreaux a pour mission actuelle de représenter la profession auprès des pouvoirs publics et interlocuteurs institutionnels, de déterminer les règles ou normes qui régissent la profession d’avocat, d’assurer la communication institutionnelle de la profession et d’organiser l’ensemble des dispositifs de formation des avocats. Les Ordres ont pour fonction traditionnelle d’assurer le contrôle déontologique des avocats, de concourir à leur discipline et de mettre à la disposition des confrères, des services qui participent au fonctionnement de l’Institution ordinale, qui facilitent l’exercice professionnel des avocats ou qui assurent leur solidarité. Ces actions peuvent être coordonnées nationalement. (77 voix pour, 1 voix contre). 3ème question : Les Ordres peuvent mutualiser dans le cadre d’une ou plusieurs Cours d’appel, les services qu’ils déterminent au terme de décisions prises démocratiquement. (76 voix pour, 1 voix contre, 1 abstention). 4ème question : Le Conseil National des Barreaux est composé d’élus au suffrage universel direct dans des circonscriptions territoriales réparties en deux collèges, ordinal et général. (54 voix pour, 24 voix contre). 5ème question : Le Président du Conseil National des Barreaux est élu par les membres de l’assemblée

générale du CNB pour la durée de la mandature. (65 voix pour, 13 voix contre). Des choix forts pour l’avenir de la représentation de la profession Ces votes et la qualité des débats menés lors de cette Assemblée générale montrent la volonté de tous les acteurs de travailler ensemble à l’avenir du Conseil national des Barreaux. Son président Jean-Marie Burguburu n’a pas manqué de faire remarquer que ces positions adoptées démocratiquement ont permis de définir des orientations claires sur la réforme du mode électoral : 1. Le maintien de deux collèges, ordinal et général, avec pour chacun d’eux, un vote au suffrage universel direct. 2. Le maintien de plusieurs circonscriptions territoriales, ce qui assure la proximité des électeurs avec leurs élus. 3. L’élection du président du Conseil national des Barreaux par l’assemblée générale. 4. L’alignement du mandat du président sur celui de son Bureau et des membres de l’institution (3 ans). Le Conseil National des Barreaux va poursuivre, en 2014, son travail sur cette réforme de la gouvernance pour assurer à la prochaine mandature, la meilleure représentativité et une plus grande efficacité au service de toute la profession. 2013-891 Source : communiqué du 17 décembre 2013

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Union des Jeunes Avocats de Versailles

Revue 2013 au théâtre Montansier : « Les contes... ça ose tout ! » Versailles, 28/29 novembre 2013 Une fois encore, les jeunes avocats versaillais étaient sur scène au théâtre Montansier, pour l’édition 2013, qui s’est déroulée les 28 et 29 novembre derniers, ils avaient retenu pour thème « Les contes…ça ose tout ! » Ce spectacle d’exception et d’actions a été écrit et interprété par Thibaut Adeline-Delvolvé, Aliénor de Broissia, Pierre Bordessoule de Bellefeuille, Olivier Buil, Catherine Cizéron, Cédric Coffy, Laurence Delarue, Christophe Desjardins, Carole Destang, Stéphanie Gautier, Nicolas Goutx, Corinna Kerfant, Valérie Légal, Valérie LinéeMichelot, Virginie Pauly-Mulot, Sébastien Petit, Chrystel Pfirmann, Florence Poiré, Clément Raingeard, Hélèna Ramalho, Nicolas Randriamaro, Sophie Rojat, Nicolas Sanfelle, Sandrine Sauzin et Elodie Vareiro. Nous félicitons les troupiers et le Président de l’Union des Jeunes Avocats de Versailles Sébastien Petit car ils ont abordé avec talent et humour l’actualité des mondes du droit et du chiffre entre rires et chansons. Jean-René Tancrède

La complainte du JLD

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iens t’asseoir sur le banc Juste en face de moi Que je vois la tête que tu as Je n’ai pris le temps De lire le dossier Mais je vais quand même t’incarcérer C’est le juge d’instruction Qui me l’a demandé Sur recommandation Du parquet J’ai pas mon mot à dire Je ne fais qu’obéir C’est comme ça le juge des libertés Je sais, c’est décevant Ça n’est pas à cela qu’on s’attendait vraiment Je suis vice-président Mais il vaudrait mieux m’appeler finalement Chambre d’enregistrement

Vas le dire à celle qu’on Surnomme avec raison Chambre de confirmation Viens t’asseoir sur le banc Pour la dernière fois Je te libère tu ne t’y attendais pas Après trois ans passés Dans les geôles de la France Nous reconnaissons ton innocence Et ne vas pas dire que ta vie on l’a flinguée

On a quand même le droit de se tromper D’ailleurs une commission va te rendre justice En t’indemnisant un euro dix Tu vois finalement Le système fonctionne plutôt correctement Depuis la nuit des temps Il façonne un modèle qu’on suit aveuglément L’individu perdant L’individu perdant

Viens t’asseoir sur le banc Pour la deuxième fois Que je renouvelle ton mandat Ton mandat de dépôt Et pour plusieurs mois Des années s’il le faut Tu verras Quoi que tu puisses dire T’es pas prêt de sortir Ton baveux a dû t’expliquer ça Son discours à trois ronds C’est du flan, c’est bidon C’est juste parce que tu es là Alors tes illusions T’es gentil mon garçon Tu les gardes pour toi Et si ça ne te plait pas

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Elections Photos © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Barreau de Versailles Frédéric Landon succède à Olivier Fontibus Versailles - 16 décembre 2013 Lundi dernier, le Bâtonnier Olivier Fontibus a remis, à son successeur à compter du 1er janvier 2014, le « bâton ». La cérémonie s’est déroulée à l’issue de la dernière réunion, pour 2013, du Conseil de l’Ordre, au golf de la Boulie (Yvelines). L’heure était donc venue pour Olivier Fontibus de dresser le bilan de sa mandature. Non sans émotion, tablette électronique à la main, il a ainsi résumé ses principales actions, qu’il n’aurait pu réaliser sans le précieux concours et « grâce au travail des membres du Conseil, des Commissions et du personnel de l’Ordre » a-t-il tenu à souligner : Renforcer la place de notre Barreau au sein de notre département ● Une communication régionale : Pour la première fois, les Barreaux d’île de France ont accepté de travailler ensemble et de mutualiser leurs moyens pour mettre en place une véritable communication régionale en partenariat avec « le parisien » et ses éditions départementales. Ce projet que j’ai présenté en juillet 2012 à l’occasion de la conférence régionale est aujourd’hui une réalité depuis plusieurs mois. ● Création des « Entretiens du Barreau » Mai 2012 : Droit du travail, visio-conférence et détention Octobre 2012 : L’expert unique : réflexion portée dans le cadre du jumelage Versailles / Québec Mai 2013 : Les violences faites aux femmes (création de l’institut en santé génésique) Octobre 2013 : Relation presse et présomption d’innocence. (Versailles / Québec)

ric Landon

Olivier Fontibus et Frédé

Renforcer l’efficacité de notre Ordre ● Création de la procédure dite du « référé déontologique » Renforcer les solidarités ● Mise en place de la Commission Ad hoc sur l’amélioration des protections sociales ● Renégociation (à cotisations constantes pendant 6 ans) de notre assurance responsabilité civile professionnelle (RCP) pour une extension de notre couverture. Améliorer la défense pénale d’urgence : ● Mise en place d’une formation préalable et obligatoire à l’intégration au groupe pénal chargé des permanences pénales. ● Dématérialisation des procédures de comparutions immédiates.

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Mutualiser pour mieux travailler : ● Signature du contrat Lexbase : Mise à disposition gratuite dans le cadre d’un contrat groupe, d’une base nomade de données juridiques (disponible à partir de notre site internet). Mutualiser pour plus de sécurité de nos jeunes confrères : ● Incitation financière à la souscription de « l’assurance perte de collaboration ». Mutualiser pour plus de services : ● Adhésions à la Centrale d’achats Corefrance et au site Avosactes (conservation des actes d’avocats). Mutualiser pour une meilleure gestion financière ● Création d’un groupement de fait avec le Barreau des Hauts de Seine permettant la mise en commun des charges de gestion de nos deux CARPA. Frédéric Landon a reçu un « bâton » original car c’est une canne réalisée par un « poilu » il y a cent ans. Investi de la confiance de ses confrères, il a félicité et remercié son prédécesseur pour la qualité de sa gestion de l’Ordre : avec autorité mais sans autoritarisme, il a conduit de « mains de maître » le Barreau de Versailles en tenant toujours compte de l’intérêt général. Le nouveau Bâtonnier s’est engagé à assurer « la continuité de la Maison Ordinale » de la ville du Roi-Soleil entre tradition et modernité. Nous lui souhaitons pleine réussite dans cet exercice passionnant mais particulièrement chronophage.

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Jean-René Tancrède


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