Edition du lundi 9 janvier 2012

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LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 9 janvier 2012 - Numéro 2 - 1,15 Euro - 93e année

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Dominique Vonau, Henri-Michel Comet et Patrice Davost

Cour d’Appel de Toulouse Rentrée solennelle - 5 janvier 2012 e balai annuel des rentrées judiciaires a commencé ce 5 janvier par la Cour d’Appel de Toulouse. Cette audience solennelle réunissait les personnalités et hautes autorités locales, au premier rang desquelles le Bâtonnier Pascal Saint Geniest ainsi que Frédéric Douchez qui vient d'être désigné en qualité de dauphin pour entrer en fonctions le 1er janvier 2013. Après la prestation de serment des juges consulaires du Tribunal de Commerce qui constitue un usage spécifiquement toulousain, les chefs de Cour, Dominique Vonau, Premier président, et Patrice Davost, Procureur Général, ont dressé le bilan positif de l’activité au cours de l'année écoulée faisant état d’une augmentation de 11 % des affaires terminées et corrélativement d’un stock des affaires à juger passé de 14 % en 2010 à 6 % en 2011. Principe de précaution, limitation de l'irresponsabilité, responsables mais pas coupables, prévention, sanction, mise en cause de la responsabilité de l'Etat, des élus, du juge.... tous ces débats qui agitent notre société ont ensuite été évoqués par le Premier Président Vonau qui a choisi de consacrer la dernière partie de son propos au thème de la responsabilité. Dressant un panorama de la matière, il a constaté le déclin progressif de la responsabilité subjective qui « fait place à l'avènement de la responsabilité dite objective ou sans faute qui se traduit par l'envol et la responsabilité

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RENTRÉE SOLENNELLE Cour d’Appel de Toulouse Responsabilité, sagesse et relativité par Dominique Vonau ..........................................................................

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Réduire la crise de confiance par Patrice Davost................................................................................

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Cour d’Appel de Versailles Un droit plus sûr et plus efficace par Philippe Ingall-Montagnier ........................................................

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Gestionnaire et ordonnateur par Alain Nuée .................................................................................

21 AGENDA ......................................................................................5 CULTURE

Fonderie Valsuani Airaindor

8 ADJUDICATIONS....................................................................8 ANNONCES LEGALES .......................................................9 AVIS MUNICIPAL ...............................................................16

Label “Entreprise du Patrimoine Vivant” .............................................

du fait des choses, l'essor de la responsabilité du fait d'autrui et la découverte des obligations de sécurité. » 2011 fut une année très riche en réformes. La diminution du nombre de jurés en Cour d'Assises fixé désormais à six jurés en premier ressort et neuf en appel, ou encore la création d’un nouveau tribunal pour juger les mineurs de seize ans récidivistes, figurent parmi les nombreuses mesures adoptées. L’institution des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels, issue de la loi du 10 août 2011, a une résonance toute particulière dans le ressort de la Cour d’Appel de Toulouse qui a été désignée avec celle de Dijon, pour mener une expérimentation. Depuis le 1er janvier dernier, les juridictions pénales du ressort sont donc composées de trois magistrats professionnels auprès desquels siègent deux citoyens-assesseurs pour le jugement de certains délits graves, punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, concernant essentiellement des violences contre les personnes ou contre les biens, des agressions sexuelles et des atteintes sexuelles. Le Procureur Général Patrice Davost a souligné qu'« il faut saisir pleinement l'occasion qui nous est donnée de rapprocher la justice et les français pour leur montrer combien celle-ci est beaucoup plus difficile à rendre qu'il n'y paraît. » Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

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Rentrée solennelle

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Dominique Vonau

Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président de la Chambre des Notaires de Paris Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

Responsabilité, sagesse et relativité par Dominique Vonau (…)

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Copyright 2012 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2011 ; des Yvelines, du 20 décembre 2011 ; des Hauts-deSeine, du 28 décembre 2011 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 décembre 2011 ; du Val-de-Marne, du 20 décembre 2011 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.

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COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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on propos portera cette année sur trois thèmes principaux : - l’activité juridictionnelle de la Cour d’appel, - la vie du ressort, - et pour ce qui est du sujet d’intérêt juridique ou judiciaire prévu à l’article R.111-2 du COJ je vous parlerai de la responsabilité.

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I. L’activité juridictionnelle de la Cour d’appel A la lecture de la plaquette d’information mise à votre disposition, vous constaterez que cette activité est restée très soutenue en 2011. En matière civile entendue au sens le plus large, si les affaires nouvelles ont diminué de 5%, les affaires terminées ont progressé toutes chambres confondues de 11% et corrélativement le stock des affaires à juger est passé de 14% en 2010 à 6% en 2011. Je voudrai ici rendre un hommage appuyé à tous mes collègues magistrats du siège qui ont, sans exception aucune, consenti des efforts considérables pour redresser, malgré des effectifs contraints, voire en légère diminution, une situation dont je vous avais fait part l’an dernier, non sans inquiétude. Toutefois reste préoccupante la situation de la chambre commerciale et de la chambre sociale dont le stock a encore augmenté, justifiant plus que jamais notre demande sans cesse renouvelée, mais sans succès auprès de la Chancellerie de création d’une troisième section. En faisant « focus » pour reprendre un terme à la mode sur la chambre des appels correctionnels, nous constatons que malgré le départ imprévu d’un président de chambre au début du mois de novembre et le départ à la retraite d’un conseiller non remplacé et la mobilisation de trois magistrats du siège pour

tenir le procès dit « AZF », cette chambre dont il a fallu diminuer le nombre d’audiences a maintenu le cap en n’enregistrant qu’une baisse du nombre des arrêts rendus de 156. Bien sûr, il ne faudrait pas que cette tendance à la baisse se poursuive tant il est désormais urgent que les autorités de proposition et de nomination désignent un président de chambre des appels correctionnels. Je sais que les deux conseillers qui feront fonction de président auront à cœur de maintenir l’activité de cette chambre dont l’importance effective et symbolique dans un grand ressort comme celui de Toulouse n’est plus à souligner. Que les trop rares magistrats subsistants de chambre soient ici publiquement encouragés dans l’exercice d‘une mission difficile. Rivés à cette actualité, nous suivons tous le déroulement du procès dit « AZF ». Il s’agit d’un procès hors norme dont la tenue pour Toulouse, sa ville et ses victimes, est essentielle. Ce procès bouscule à bien des égards l’ordonnancement juridique classique tant il allie en permanence nouvelles technologies, droit de la preuve, respect du contradictoire et défense des intérêts de la société. Et pourtant, les magistrats du siège comme du parquet qui ont la lourde responsabilité de mener à bien cette affaire et dont il convient ici de saluer le courage et leur totale implication, le feront, comme pour les autres procès, dans la plénitude et l’indépendance de leurs compétences juridictionnelles respectives et souveraines. Nous mesurons à cet instant que Toulouse doit rester investi de la compétence en matière de catastrophes industrielles si d’aucuns étaient à nouveaux tentés de transférer ce contentieux en d’autres lieux qui reçoivent sans compter des compétences spécialisées.

II. La vie du ressort Comme de coutume, il appartient aux chefs des juridictions du ressort de présenter, lors des audiences solennelles de rentrée, l’activité de leurs tribunaux respectifs.

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L’an dernier, je vous annonçai le projet de construction d’un nouveau palais de justice à Foix. Les choses ont depuis lors avancé : le jury de concours a retenu un architecte en la personne de Monsieur Gazeau qui va nous construire à Foix une maison ronde, comme la Maison de la radio à Paris, alliant d’ici 2015 (date de livraison prévue) esthétique, pratique et fonctionnalité optimale. A Montauban, les besoins immobiliers restent entiers. Là aussi le ministère a programmé, après l’inévitable phase d’étude, la réhabilitation du site pour le rendre plus fonctionnel et surtout plus commode pour ses utilisateurs. Ici même dans notre Cour, après la réhabilitation de la salle Minerve presque achevée (ce qui nous prive de la possibilité de vous recevoir tout à l’heure dans des lieux qui vous sont familiers), nous commencerons à l’été 2012 une lourde opération de mise en conformité notamment électrique des lieux historiques de la Cour. Les travaux sont prévu pour durer 18 mois au minimum en site occupé. L’importance de ce chantier et les contraintes qui y sont liées nous conduiront à devoir recourir à l’utilisation d’espaces modulables, dits bungalows ou algecos de triste mémoire ici à Toulouse. D’un mot, vous dire aussi qu’en 2011, notre Cour a mis en pratique le recours à la réserve judiciaire permettant à des magistrats ou fonctionnaires retraités d’occuper, exceptées les fonctions de juger, quelques jours par mois des emplois d’aide et d’assistance. 13 magistrats et fonctionnaires se sont ainsi portés volontaires. Si ce système s’inspire directement de la réserve militaire, il n’en a pas pour l’instant la même portée, puisque, chez nous, un réserviste ne peut remplacer entièrement un cadre de l’active. Pour cela il faudrait une réforme de la loi organique portant statut de la magistrature. Au risque de vous lasser, je ne saurais être exhaustif, tant cette année 2011 a été riche en réformes : parmi celles-ci citons la diminution du nombre de jurés en cour d’assises (6 jurés en

premier ressort et 9 en appel), un nouveau tribunal pour juger les mineurs de 16 ans récidivistes et puis surtout, propre à cette Cour, l’expérimentation des citoyens-assesseurs dont les médias nationaux et locaux se sont fait un large écho.

Enfin et pour terminer ce tour d’horizon, évoquons dans le cadre désormais familier de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) la mise en place ici à Toulouse d’un Budget opérationnel de programme (BOP) regroupant sur le plan budgétaire au 1er janvier

Si, dans un régime démocratique fondé sur des élections libres, les peuples sont responsables de leurs dirigeants, ils ne sont pas pas pour autant coupables des fautes commises par ces mêmes Dominique Vonau dirigeants.

Cette réforme de nature à rapprocher la justice des citoyens a exigé, pour sa mise en application au 1er janvier 2012, une forte mobilisation des chefs de juridiction, des magistrats de la Cour et des tribunaux et des fonctionnaires. Malgré une charge de travail grandissante et des problèmes d’effectif accrus, personne n’a failli à son devoir. Mentionnons que notre Cour a organisé à l’automne 2011, les journées de la Bidassoa qui consacrent la rencontre de quatre cours d’appel du sud-ouest avec leurs homologues espagnoles. Le thème choisi a été « Le sport, le risque et le droit ». Grâce au soutien et aux encouragements de nombreuses institutions ici représentées, ces journées ont été un succès. Que leurs représentants en soient sincèrement remerciés. 2011 a également vu la venue de collègues de la Cour d’appel de Kiev en Ukraine. Ce type de jumelage est toujours fructueux en permettant de confronter les systèmes judiciaires et les pratiques respectivement usitées.

2013 les cours d’appel de Montpellier, Nîmes, Agen et Toulouse. Par un singulier retour de l’histoire, ce ressort administratif et budgétaire nouveau rappelle l’étendue de l’ancien Parlement du Languedoc qui allait de Bayonne jusqu’en Dauphiné. Mais ne rêvons pas, il ne s’agit pas de recréer les parlements (méfions-nous des parlements, disaient les révolutionnaires), mais de mieux administrer avec des moyens humains plus réduits et des potentialités technologiques de plus en plus développées, et parfois insoupçonnées (je pense à Chorus).

III. La responsabilité Il m’est venu l’idée de vous parler, ce matin, pas seulement du droit de la responsabilité, mais de la responsabilité tout court en m’interrogeant, comme certainement vous tous ici, sur les débats nourris qui agitent notre société :

Prestation de serment des nouveaux juges consulaires toulousains Les Annonces de la Seine - lundi 9 janvier 2012 - numéro 2

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Philippe Mazières

principe de précaution, limitation de l’irresponsabilité, responsables mais pas coupables, prévention, sanction, mise en cause de la responsabilité de l’Etat, des élus, du juge... Ces interrogations et ces questions doivent naturellement être reliées à l’é volution de la notion de responsabilité. Nous avons bien entendu présent à l’esprit la concision et l’importance de l’article 1382 du code civil : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » ou encore l’article 1384 « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». Par ces articles fondateurs et novateurs du droit de la responsabilité, les promoteurs du Code civil de 1804 ne pouvaient se douter, inspirés qu’ils furent par le siècle des Lumières que leurs belles certitudes aboutiraient à une crise de la responsabilité. Le balancement entre responsabilité individuelle et responsabilité collective, voire responsabilité sans faute se trouvait déjà en germe dans les dispositions de l’article 1382. L’autonomie individuelle si fortement affirmée depuis 1789 se voit contrecarrée par les revendications communautaires dont les manifestations nous apparaissent quasi quotidiennement. Le pendant de la notion de responsabilité individuelle est à rechercher dans la sanction. Cette sanction vise à assurer le respect d’une obligation et n’intervient en principe qu’en cas de faute ou de réalisation d’un dommage. Là aussi, la notion a évolué jusqu’à s’étendre à la prise de risque. Une société sans risques ou pour reprendre une belle métaphore citée par Tocqueville « un individu à qui l’on épargne jusqu’à la peine de vivre ». C’est ainsi que la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail édictait la responsabilité sans faute de l’employeur, s’inspirant du solidarisme de Léon Bourgeois et postulant que le chantier comportait des risques que le travailleur blessé ne devait pas à lui seul supporter. En contrepartie de cet automatisme,

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seul l’employeur était tenu de s’assurer. Mais la victime salariée voyait son droit à indemnisation amputé, car elle n’obtenait pas la réparation intégrale de son dommage. La loi Badinter de 1985 porte la même inspiration en ce que la responsabilité de l’automobiliste, prévaut sur celle du piéton, mais à la condition bien sûr que celui-ci ne recherche pas son propre dommage. Depuis cette fin du 19ème siècle, dans cette France prospère, républicaine, encore agricole mais de plus en plus industrielle et coloniale, débutait une frénésie de réformes qui écartait progressivement la faute comme fondement exclusif de la responsabilité, mais aussi remettait en cause la responsabilité civile elle-même comme instrument de la réparation du dommage. On assiste progressivement au déclin de la responsabilité subjective c’est-à-dire pour faute lourde appréciée en fonction du comportement aberrant du sujet perd de sa vigueur au profit d’une faute dite inexcusable, c’est-à-dire de la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité, exposant sans raison son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. Tel est le cas du piéton qui en complet état d’ivresse chancelant et continuant à boire du pastis directement à la bouteille s’accroupit sur la chaussée d’une route départementale, hors agglomération, de nuit, par temps de brouillard et au milieu du couloir de marche des véhicules automobiles. De même la loi précitée de 1985 réserve un rôle mineur à la faute. Dans la même veine, la sanction de la faute d’abstention est source de responsabilité même si elle n’est pas dictée par l’intention de nuire. C’est ainsi que repose sur les professionnels l’obligation d’information et de conseil, et singulièrement sur les médecins. Le déclin de la responsabilité subjective fait place à l’avènement de la responsabilité dite objective ou sans faute qui se traduit par l’envol de la responsabilité du fait des choses, l’essor de la responsabilité du fait d’autrui et la découverte des obligations de sécurité. En matière de responsabilité du fait des choses, l’arrêt fondateur est l’arrêt Jand’heur de 1930 qui pose le principe de la présomption de responsabilité, la jurisprudence étendant progressivement le domaine concerné. Mais la question qui reste à préciser est celle du gardien de la chose. En cas de transfert de la garde, celui, propriétaire ou fabricant n’est censé l’avoir perdue qu’en cas de dépossession des trois pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle. Pour ce qui est de la responsabilité du fait d’autrui, il s’agit d’une responsabilité de plein droit qui pèse sur les père et mère, les artisans et les commettants sauf si le préposé avait agi à des fins contraires à ses attributions. Quant aux obligations de sécurité, elles concernent les domaines les plus variés : transports ferroviaires, matière médicale où l’arrêt Mercier pose le principe de soins non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs, et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science. Au demeurant, dans certains cabinets, les médecins prévenaient par voie d’affiche qu’ils ne s’engageaient pas à guérir le malade. Mon propos ne serait pas complet si je ne vous disais pas un mot de l’essor de la réparation,

celle-ci n’étant pas seulement un devoir, mais un droit. Ce droit s’applique à des domaines aussi variés que la perte d’une chance (comme par exemple la perte d’une chance de survie), le préjudice de contamination comprenant l’ensemble des préjudices tels que la réduction de l’espérance de vie, les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle ainsi que les souffrances et leur crainte, le préjudice esthétique et d’agrément. Autre type de préjudice provenant du fait de la naissance ou de la perte d’un animal cher, l’animal étant pratiquement assimilé à un membre de la famille faisant parfois chambre commune avec son maître ou sa maîtresse, voire avec les deux. Enfin l’action des groupements a connu un essor remarquable : citons l’action syndicale et celle des associations de consommateurs. Si nul ne plaide par procureur, le groupement peut toutefois agir pour le compte de l’intéressé. Mais c’est à la condition que ces organisations aient averti le dit intéressé qui a déclaré ne pas s’y opposer. Citons enfin le vaste domaine du droit de la consommation comprenant la prohibition des clauses abusives. Ce panorama pour être complet et volontairement généraliste ne doit pas omettre toutes les autres formes de responsabilité objective qui scandent notre vie quotidienne : principe de précaution contenu dans la charte de l’environnement inscrit depuis 2005 dans notre Constitution, la notion mémorielle de responsabilité collective déjà posée par Karl Jaspers en 1946 dans son essai sur « La culpabilité allemande ». Si, dans un régime démocratique fondé sur des élections libres, les peuples sont responsables de leurs dirigeants, ils ne sont pas pour autant coupables des fautes commises par ces mêmes dirigeants. Et pourtant, le débat sur le génocide arménien ou encore les crimes et fautes commis par le régime de Vichy sont maintenant, pour ces derniers, imputés à la France et non aux générations contemporaines ou futures qui n’en peuvent mais. Dans son ouvrage « Droit et passion du droit » l’éminent et regretté juriste Jean Carbonnier nous incite à la sagesse et à la relativité : « Figurez-vous un juge d’instruction de Béziers mettant l’ordre des Dominicains en examen pour cause de génocide sur la population cathare. Comme si l’histoire, claire ou obscure, ne relevait pas avant tout de sentiments contradictoires qu’aucun droit ne saurait réduire à l’unité ». Trop de responsabilité tue la responsabilité. Chacun se fait une idée de sa responsabilité, mais chacun doit aussi assumer les conséquences de ses actes. C’est ainsi que les propositions faites au garde des Sceaux par le Professeur Terré en mai 2010 replaçaient la faute au cœur de la responsabilité extra-contractuelle et donnaient la primauté à la loi en interdisant au juge de créer de nouvelles responsabilités objectives. Le siècle qui s’ouvre marqué non pas par une crise passagère, mais certainement par de profondes transformations issues notamment de la révolution technologique verra, sans doute, émerger de nouveaux concepts en matière de responsabilité. (…)

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Rentrée solennelle Patrice Davost

Agenda

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COLLOQUE

La franchise : questions sensibles 27 janvier 2012 Grand’Chambre - Cour de cassation Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-013

SEMINAIRE UIA

Forum mondial des centres de formation 2012 27 et 28 janvier 2012 Lisbonne - Portugal

Réduire la crise de confiance par Patrice Davost (…) u-delà des chiffres et statistiques d’activité de la Cour que vous trouverez dans la plaquette élaborée à votre intention, je voudrais brièvement mettre en exergue les principales réformes et événements qui, en 2011, ont impacté notre justice pénale, et évoquer celle qui dès le début de cette année 2012 vient d’être mise en œuvre, la réforme des citoyensassesseurs.

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I. Les principales réformes et événements de 2011 sur le plan pénal En 2011, une réforme essentielle et un événement exceptionnel ont concerné le fonctionnement de notre justice pénale : la réforme de la procédure de garde à vue et la résolution de la Conférence nationale des procureurs de la République. Permettez-moi de les aborder brièvement : 1. La réforme de la procédure de la garde à vue

Après un processus jurisprudentiel extrêmement rapide et enchevêtré, et un conflit de normes entre notre loi nationale et la Convention européenne des droits de l’Homme telle qu’interprétée par les arrêts de

la C.E.D.H., la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue est entrée en vigueur le 1er juin 2011. Cette loi, qui marque un accroissement du contrôle judiciaire de la garde à vue, permet à toute personne entendue par les services de police ou de gendarmerie, dans le cadre d’une mesure de contrainte, de bénéficier de l’assistance d’un avocat lors de ses auditions ou confrontations. Le Conseil constitutionnel, en déclarant le 18 novembre dernier, ces dispositions conformes à la Constitution, a conféré sa pleine sécurité juridique au nouveau régime de la garde à vue, estimant que les dispositions nouvelles assuraient « entre le respect des droits de la défense et I‘objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions, une conciliation n‘est pas déséquilibrée ». La mise en œuvre de ces dispositions nouvelles s’est opérée avec succès dans les délais très courts, et je remercie les magistrats, les services de police et de gendarmerie, et bien sûr le Barreau, d’avoir su s’organiser pour répondre aux exigences de la nouvelle procédure de garde à vue. En validant la réforme de la garde à vue, le Conseil constitutionnel a par ailleurs rappelé la finalité de la phase policière de la garde à vue et indiqué que la garde à vue demeurait « une mesure de police judiciaire » qui n’avait pas pour objet de permettre un débat contradictoire sur sa légalité ou le bien-fondé des éléments de preuve, un tel débat n’ayant sa place que devant les juridictions d’instruction ou de jugement. Il est encore trop tôt pour dresser un bilan exhaustif des conséquences de l’entrée en vigueur de cette loi. Mais quelques enseignements peuvent d’ores

Renseignements : 01 45 66 05 95 www.uianet.org

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39ÈME CONGRÈS

Skilex International du 29 janvier au 5 février 2012 Maribor (Slovénie) Renseignements : www.skilex.eu

2012-015

7ÈME ÉDITION

Entretiens de la sauvegarde 30 janvier 2012 Maison de la Chimie - Paris 2ème Renseignements : 01 44 50 15 60 stephanie@ifppc.fr

2012-016

COLLOQUE DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

Le marché intérieur : concurrence, consolidation des acquis et nouvelles perspectives 2 février 2012 Cour de cassation - Paris 1er Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-017

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Rentrée solennelle

2ème enseignement La réforme ne semble pas avoir eu d’influence notable sur le taux d’élucidation des affaires. 3ème enseignement La réforme a engendré un surcroît de travail : - pour les services enquêteurs et les O.P.J., - pour les parquets, - pour le Barreau. Je veux encore une fois rendre hommage à tous les « acteurs » de cette procédure pour avoir mis en œuvre avec beaucoup de loyauté et de compétence, ces nouvelles dispositions essentielles dans notre état de droit, et voulues par le législateur. Il y a eu bien sûr beaucoup d’autres réformes qui ont impacté l’activité des Parquets en 2011, mais qui ont surtout été un véritable défi pour les juridictions civiles, notamment la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2011 qui permet une intervention du juge des libertés et de la détention pour le maintien d’une personne en hospitalisation psychiatrique sans son consentement, avant le 15ème jour de son placement. Celle loi a beaucoup impacté l’activité judiciaire civile des tribunaux de grande instance. Il faudrait également citer, pour l’année 2011, la mise en place d’un nouveau schéma directeur d’organisation de la médecine légale, dont la mise en œuvre a demandé beaucoup de temps et d’efforts aux médecins de l’Institut médicolégal de Toulouse, aux Parquets, et au Service régional d’administration judiciaire. 2. Résolution de la Conférence nationale des Procureurs de la République - décembre 2011

Mais l’année 2011 aura surtout été marquée, pour les magistrats du Ministère public par la résolution de la Conférence nationale des Procureurs de la République du 8 décembre 2011. Pour la première fois dans l’histoire de la République, 126 procureurs (sur 163), soit plus des 3/4 d’entre eux, ont alerté, avec mesure, mais avec gravité, nos concitoyens, le législateur et le gouvernement sur la dangereuse dégradation de la situation du Ministère public en France. Ils ont, en dehors de tout esprit corporatiste, partisan, ou d’un quelconque canal syndical, appelé « solennellement l’attention sur la gravité de la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les

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et déjà être mis en évidence, après sept mois d’application : 1er enseignement Le nombre de gardes à vue a baissé : - 18 ,3% à Montauban, - 13,4% à Albi, - 35% à Castres, - 47,2% à Foix, soit - 20,7% sur le ressort de la Cour, sur la période d’avril à septembre 2011 (comparé à la période d’avril à septembre 2010). Tous les parquets (à l’exception de Foix) ont connu une progression du nombre de gardes à vue d’octobre à mi-novembre, puis une baisse à peu près identique à partir de celle date. Cette baisse des gardes à vue n’a évidemment rien de surprenant dans la mesure où l’un des objectifs de la loi était de limiter strictement les conditions de placement en garde à vue. parquets, et l’urgence de leur donner les conditions d’exercer dignement leurs nombreuse missions ». Les magistrats du Ministère public ne pourront exercer pleinement les responsabilités qui leur sont confiées par la loi qu’à ces conditions, car les Parquets ont une charge de travail devenue excessive. Mais au-delà du Ministère public, ce sont les moyens affectés à la justice dans son ensemble qui doivent être ré-examinés, ré-évalués, réarbitrés, à l’aune de ses missions et de la demande sans cesse croissante de droit et de justice de notre société. J’ai quelque scrupule à parler de moyens à attribuer à la justice en cette période d’efforts nécessaires, et de budgets contraints, sachant que nous sommes tous passés d’une « logique de moyens » à une « logique de gestion », de choix et d’arbitrage, et alors que des budgets en hausse ont été consentis depuis plusieurs années au ministère de la Justice, mais cet effort a surtout concerné l’Administration pénitentiaire, qui en avait bien besoin. Nous avons déjà fait des efforts importants puisque avec la réforme de la Carte judiciaire, 8 juridictions ont été supprimées dans le ressort, dont un tribunal de grande instance. Mais il faut que vous sachiez que notre ministère partait de très bas (en juin 2010, Madame Michèle Alliot-Marie l’avait reconnu au Sénat en indiquant que « la Chancellerie n’a pas bénéficié sur la longue durée des mêmes efforts que d’autres ministères... ») et il faut bien « isoler » dans le budget de la justice, ce qui ressort des « services judiciaires », c’est-à-dire ce qui concerne le fonctionnement des juridictions, (cours et tribunaux), qui chaque année, par des milliers de décisions, en matière pénale, civile, commerciale ou prud’homale tranchent des litiges, prononcent des peines, assurent la paix sociale par le droit. La justice n’a jamais été autant sollicitée, comme si l’opinion découvrait la vertu prosaïque, mais fondamentale du droit. La « puissance du droit » fait parcourir à la France le chemin des grandes démocraties anglo-saxonnes, où l’exercice du droit tient un rôle éminent. Ce rôle accru de la justice nécessite, soit que le périmètre de son intervention soit réduit, soit que des moyens adaptés lui soient donnés pour qu’elle puisse pleinement remplir ses missions, et notamment sa mission constitutionnelle de gardienne des libertés individuelle. C’est à ce

prix que l’on pourra remédier à cette dangereuse « crise de confiance » entre les Français et leur justice. La réforme « phare » de 2012 sur les citoyensassesseurs permettra, si elle fonctionne bien, de réduire cette « crise de confiance ».

II. La principale réforme de 2012 : les citoyens-assesseurs Après ces points forts de l’année judiciaire 2011 que je viens d’évoquer, je voudrais brièvement aborder la réforme-phare de 2012 que constitue la participation de citoyens-assesseurs au fonctionnement de la justice pénale qui est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Les cours d’appel de Toulouse et de Dijon ont été désignées par arrêté du garde des Sceaux pour expérimenter la réforme issue de la loi du 10 août 2011. Depuis le 1er janvier 2012, les juridictions pénales du ressort de la cour d’appel de Toulouse sont donc composées de trois magistrats professionnels auprès desquels siègent deux citoyens-assesseurs pour le jugement de certains délits graves, punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, et qui pour l’essentiel, concernent des violences contre les personnes ou contre les biens, des agressions sexuelles et des atteintes sexuelles. Cette participation de certains de nos concitoyens à l’œuvre de justice est importante puisque l’article 399-4 du Code de procédure pénale prévoit que « les décisions sur la qualification des faits, la culpabilité du prévenu et la peine seront prises par les magistrats et les citoyens assesseurs ». La fonction de citoyen-assesseur, ou plus exactement, la participation de nos concitoyens à la justice pénale est un devoir civique. Chaque Française, chaque Français âgé de plus de vingt-trois ans peut être appelé à devenir citoyen-assesseur, pour dix audiences maximum par an, par un tirage au sort à partir des listes électorales de chaque commune. Pour ce qui concerne les tribunaux de grande instance du ressort de la cour d’appel de Toulouse, les listes établies pour l’année 2012 comptent :

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Rentrée solennelle Pour : - Albi : 40 citoyens-assesseur, - Castres : 40, - Foix : 40 - Montauban : 60, - Toulouse : 180, - et pour la cour d’appel : 80 citoyens-assesseurs, soit un vivier de 440 personnes qui ont été inscrites sur la liste annuelle des citoyensassesseurs ; 440 personnes qui ont ou vont assister à une journée de formation sur le fonctionnement de la justice pénale et leur rôle en citoyen-assesseur, et qui ont ou vont visiter un établissement pénitentiaire.

formation citoyenne, des délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans, en récidive, commis par des mineurs âgés de plus de seize ans. Réforme de la garde à vue, réforme de la médecine légale, réforme de l’hospitalisation d’office, réforme des citoyens-assesseurs, réforme de la Cour d’assises, création d’un tribunal correctionnel des mineurs. Telles sont les principales réformes qui nous ont concerné en 2011 et début 2012. (…)

Pour la première fois dans l'histoire de la République, 126 procureurs (sur 163), soit plus des 3/4 d'entre eux, ont alerté, avec mesure, mais avec gravité, nos concitoyens, le législateur et le gouvernement sur la dangereuse dégradation de la situation du Patrice Davost Ministère public en France.

- L’un concernant, le jugement des crimes : . le nouvel article 296 du Code de procédure pénale prévoyant la réduction du nombre de jurés en cour d’assises, qui passent de neuf à six en assises de première instance, et de douze à neuf en appel ; . la plus grande innovation de la loi, en matière d’assises, est la modification de l’article 353 du Code de procédure pénale, qui formalise le principe de la motivation des décisions des cours d’assises. - L’autre concernant, la justice des mineurs avec la création du nouveau « tribunal correctionnel pour mineurs », appelé à juger, en

Permettez, pour achever mes propos, que je cite un ancien garde des Sceaux et surtout un ancien constituant, Michel Debré : « En république, la place de la justice est éminente et sa faiblesse un défaut qui à la longue ne pardonne pas. Une administration mauvaise fait douter de l’Etat, une justice mauvaise fait douter de la société ». Puisse cette nouvelle année judiciaire contribuer à ne pas faire douter de la société et, avec cette réforme des citoyens-assesseurs, réconcilier les Français avec leur justice. 2012-012

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Je voudrais remercier toutes celles et tous ceux qui ont concouru à leur formation, et tout particulièrement Madame le Substitut général Gaté, Monsieur le Conseiller Baïssus, ainsi que toutes celles et ceux (magistrats, fonctionnaires, avocats), qui ont préparé la mise en œuvre de cette réforme dans des délais très contraints, avec un investissement et une énergie remarquables. Juger est un exercice difficile, une mission souvent complexe, qui exige une déontologie irréprochable. Je forme le vœu, en accueillant, parmi nous, les citoyens-assesseurs, qu’ils se pénètrent bien du serment qu’ils doivent prêter : « Je jure et promets d’e xaminer avec l’attention la plus scrupuleuse les éléments soumis aux débats de la juridiction, de ne trahir ni les intérêts du prévenu ou du condamné, ni ceux de la société, ni ceux de la victime, de n‘écouter ni la haine ou la méchanceté ni la crainte ou l’affection, de me rappeler que tout prévenu est présumé innocent et que le doute doit lui profiter, de me décider d’après les moyens soutenus par le Ministère public et par la défense et suivant ma conscience et mon intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et

libre, de conserver le secret des délibérations, même après la cessation de mes fonctions ». Il nous faut saisir pleinement l’occasion qui nous est donnée de rapprocher la justice et les Français pour leur montrer combien celle-ci est beaucoup plus difficile à rendre qu’il n’y parait. Puisse cette réforme contribuer à rapprocher nos concitoyens de la justice, et j ‘allais dire à se l’approprier. La réforme dite des « citoyens-assesseurs » a occulté deux autres volets importants de la loi du 10 août 2011 :

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Culture

Fonderie Valsuani Airaindor

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Remise du label “Entreprise du Patrimoine Vivant” - Saint-Rémy-lès-Chevreuse, 6 janvier 2012

Léonardo Bénatov, Marc Cerrone, Valérie Pécresse, Madame Bénatov, Frédéric Lefebvre et Jean-François Marchi autour du buste de Jean-Claude Magendie alérie Pécresse, Ministre du Budget, des Comptes Publics et de la Réforme de l’Etat, Porte-Parole du Gouvernement et Frédéric Lefebvre, Secrétaire d’Etat chargé de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme, des Services, des Professions Libérales et de la Consommation ont visité la Fonderie Valsuani à Chevreuse (Yvelines) vendredi dernier. Accueillis par le propriétaire Léonardo Bénatov et son épouse, en présence de Marc Chapuis, SousPréfet de Rambouillet représentant le Préfet des Yvelines Michel Jau et Gilbert Fournigault Président de la Chambre des Métiers des Yvelines, ces prestigieux invités ont été conviés à assister à une démonstration de la fonte d’un bas relief de Dali. Cette fonderie créée en 1899 par Claude Valsuani, réputée pour la qualité de ses fontes à la cire perdue, fut rachetée en 1980 par l’actuel propriétaire qui travaille pour une clientèle essentiellement internationale et réalise des œuvres d’art à partir de moules (Dali, Rodin, Degas, Braque…) ou de droits de tirage qu’il a acquis. Ce fut l’occasion pour Frédéric Lefebvre de saluer les mérites et le savoir-faire de l’artiste, à la fois sculpteur et peintre, qui a notamment mis au point la technique de la fonte sous vide permettant de couler d’un seul jet des pièces mesurant jusqu’à cinq mètres de haut. Il a rendu un

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émouvant hommage à Léonardo Bénatov et à son équipe qui ont su relever les défis du développement en modernisant les procédés de fabrication tout en respectant les traditions afin de faire revivre notamment les bronzes de Rodin dans les Yvelines, l’un des fleurons de l’Ile de France. Léornado Bénatov a reçu des mains de Frédéric Lefebvre le label “Entreprise du Patrimoine Vivant” qui distingue les entreprises françaises de production, de restauration ou de transformation détenant un « savoir-faire rare renommé ou ancestral, reposant sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité et circonscrit à un territoire ». Depuis 2006, ce label a été attribué par le secrétaire d'État chargé du Commerce et de l'Artisanat à plus de 800 entreprises françaises d'excellence. L'Institut Supérieur des Métiers, créé en juillet 1990 par l’Etat et inscrivant son action comme celle d’un contributeur actif et innovant de la mise en œuvre opérationnelle des politiques publiques au service des métiers, développe dans ce contexte de nombreuses actions : il instruit les candidatures au label, informe, et accompagne les entreprises sur les marchés internationaux. Nous adressons nos amicales et chaleureuses félicitations au maître des lieux qui est un homme d’exception. Jean-René Tancrède

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Rentrée solennelle

Cour d’Appel de Versailles 5 janvier 2012

Le 5 janvier 2012, la rentrée solennelle de la Cour d’Appel de Versailles s’est déroulée en présence de prestigieuses personnalités parmi lesquelles Marc Dewart Premier Président de la Cour d'Appel de Liège, et Olivier Fontibus, nouveau Bâtonnier de Versailles. Le Premier Président Alain Nuée de Versailles a dressé le traditionnel compte rendu d’activité de cette Cour qui traite plus de 22 000 affaires par an, dont un tiers concerne l’activité pénale. Il a évoqué les contraintes budgétaires auxquelles doivent faire face les chefs de Cour, rappelant que le budget du ressort est passé de 155 millions d'euros en 2009 à 154 millions en 2010 puis 150,2 millions en 2011. Cette évolution en trois ans « conduit à tout le moins à nuancer les annonces selon lesquelles la Justice connaîtrait une augmentation des budgets qui ferait exception à la rigueur budgétaire imposée aux autres administrations. » La Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) s’est en outre traduite par des charges supplémentaires pour la Cour, à l’image de celles entrainées par le recours des sociétés de gardiennage privées pour assurer la sécurité des palais de justice suite au désengagement progressif des forces de police et de gendarmerie. Dans ce contexte, Alain Nuée a plaidé pour une « architecture budgétaire innovante qui serait beaucoup plus respectueuse du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire. » Le Procureur Général, Philippe Ingall-Montagnier, a également abordé ce délicat sujet des moyens en rappelant avec fermeté que la spécificité de la justice « doit conduire à éviter absolument que ne lui soient appliqués des modes d’organisation ou des processus gestionnaires qui porteraient atteinte à sa nécessaire indépendance de décision ». Il a conclu son intervention de ce début d’année en formulant des vœux pour l’avenir. Face au foisonnement des textes conduisant à une véritable insécurité juridique, il a ainsi appelé à un droit plus sûr et plus efficace. Jean-René Tancrède de zones sensibles et de la vidéo-surveillance notamment) ont certes porté leurs fruits s’agissant des cambriolages de locaux professionnels, mais les cambriolages de domiciles, vécus de manière particulièrement douloureuse par nos concitoyens, sont encore en très forte hausse cette année. On observe en effet que les cambriolages ne sont plus seulement le fait d’une délinquance d’improvisation, mais que s’y adonnent des bandes constituées et outillées, pour lesquelles les domiciles privés sont un objectif particulièrement difficile à défendre. Contre ces groupes, la pratique classique des rondes de sécurisation suivant une cartographie prédéfinie demeurent certes utiles, mais ce sont les investigations de la police technique et scientifique qui donnent les résultats les plus probants. Il s'agit de mener ensuite une politique répressive très ferme, s’appuyant sur des poursuites systématiques et rapides à chaque fois que cela est possible.

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Philippe Ingall-Montagnier

Perspectives

Un droit plus sûr et plus efficace par Philippe Ingall-Montagnier (…) u vu des caractéristiques de la délinquance du ressort, qui d'ailleurs a de nombreux points communs avec la situation nationale, il convient en 2012 de continuer et d’approfondir les efforts engagés dans les deux directions suivantes : - concernant les personnes : il y a lieu de

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poursuivre la politique particulièrement ferme appliquée aux auteurs de violences notamment celles commises dans la sphère familiale ou à l’encontre de personnes vulnérables. - s'agissant du domicile, il faut noter l’action déterminée des forces de police et de gendarmerie pour lutter contre les cambriolages, en très forte hausse en 2011. Cependant, notre effort doit maintenant se porter tout particulièrement sur les cambriolages domestiques. En effet, les efforts de prévention qui ont été portés en 2011 vers les utilisateurs de locaux commerciaux (intensification des surveillances

Classiquement, les débuts d’année, et spécialement celle qui s’ouvre, sont l’occasion des bilans ainsi que des projets et des vœux pour les temps à venir.

A) Considérons les acquis Faisant abstraction des conjonctures, si l’on regarde sur la période longue, la Justice, dans le ressort de Versailles, comme au plan national, a su faire face avec détermination et efficacité à une charge sans cesse croissante ainsi qu’à des missions en constant développement. A cela

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Rentrée solennelle s’est ajouté un effort qualitatif exemplaire dans l’appareil de nos institutions publiques ; Que l’on en juge : - au plan quantitatif, à l’échelle nationale, entre 1975 et aujourd’hui, le nombre d’affaires civiles jugées a quadruplé, tandis que le nombre de magistrats n’a augmenté que de 70 %. Parallèlement, les délais de traitement des affaires se sont considérablement améliorés pour atteindre aujourd’hui en moyenne nationale 11 mois devant les cours d’appel, 7 mois devant les tribunaux de grande instance et un peu plus de 5 mois devant les tribunaux d’instance, alors qu'il y a 15/20 ans les juridictions connaissaient encore des délais de l'ordre du double de ceux-là, hormis les tribunaux d'instance demeurés stables .

trente dernières années, vu la Justice s’ouvrir à la préoccupation gestionnaire, qu’il s’agisse de l’optimisation de la gestion des crédits et des équipements, de la mise en place d’organisations plus performantes ou encore, bien évidemment, de la recherche d’efficience dans le traitement des flux d’affaires. Les chiffres que je citais le démontrent. De même, elle a su (à l’étonnement de certains dans le secteur public, il faut bien le dire) intégrer harmonieusement et efficacement les nouveaux modes de gestion budgétaire (et plus vite que d’autres), alors même que ceux-ci ne lui sont pas parfaitement adaptés, en raison de la nature de sa mission (je pense aux frais de justice, par exemple). A ce propos, qu’il soit dit que si il était naturel que la Justice s’aligne sur l’ensemble de l’appareil

Disons-le clairement, on en arrive au bout du bout des marges de progression possibles. C'est pourquoi il apparait indispensable de poursuivre dans l'avenir l'effort entrepris pour les moyens de la Justice, afin de consolider les acquis de ces dernières Philippe Ingall-Montagnier années.

Dans le même temps, le périmètre de la mission de justice n’a cessé de se développer, qu’il s’agisse de l’action dans les domaines de la prévention et de la réinsertion ou de la si importante mission de contrôle de régularité juridique et de garantie de la liberté individuelle. Les magistrats des Parquets doivent ainsi se démultiplier entre, d’un côté leurs cabinets où ils traitent les procédures et dirigent l’action publique et, de l’autre côté, le terrain où ils s’investissent dans de nombreuses et importantes missions partenariales et d’animation de politiques publiques. - au plan qualitatif, la justice a su en peu d’années s’ouvrir au justiciable et rechercher le développement de la pertinence et de l’adaptation de ses décisions : - ce sont les décisions rédigées dans un style plus accessible - ce sont les services d’accueil et d’orientation centralisés dans les juridictions - ce sont les maisons de justice et points d’accès au droit, répartis sur chaque ressort au plus près des habitants et qui, en partenariat avec les professions judiciaires et juridiques, informent et orientent des dizaines de milliers de nos concitoyens. - ce sont les procédures nouvelles offertes en une palette de plus en plus large par le législateur et qui permettent au magistrat de mettre en œuvre des décisions pénales toujours plus individualisées, adaptées à chaque cas et chaque situation humaine et donc, espérons-le plus pertinente à tous les stades de la procédure, c'est-à-dire du pré-sentenciel au post-sentenciel, en passant par le choix de la décision elle-même et de ses modalités d’exécution. Dans le même temps enfin, nous avons ,sur les

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public, il convient en même temps de rappeler fermement que sa spécificité (parfois brocardée un peu sommairement) doit conduire à éviter absolument que ne lui soient appliqués des modes d’organisation ou des processus gestionnaires qui porteraient atteinte à sa nécessaire indépendance de décision. Juges et procureurs, nous sommes certes tous redevables du bon fonctionnement du service public qui nous est confié et nous nous devons évidemment d’en rendre compte du premier au dernier Euro. En revanche, tout aussi évidemment, les décisions prises pour le service de la Justice doivent échapper à une exclusive raison gestionnaire. Ce qui - difficulté ou grandeur de la tâche - n’exclut bien entendu pas la raison dans l’engagement de la dépense publique, c'est-à-dire de l’argent des citoyens. J’ajouterai dans la même ligne que si la rationalisation de la gestion publique passe par une synergie redynamisée et même éventuellement quelque peu reconfigurée entre l’échelon central et l’échelon déconcentré, cela ne doit pas empêcher de maintenir un étagement pertinent des responsabilités entre les différents échelons, une déconcentration judicieuse demeurant gage de souplesse, de bonne adaptation et d'efficacité. Tous ces acquis, nous les devons aux pouvoirs publics de ce Pays depuis trente ans. Nous les devons aussi aux magistrats et fonctionnaires qui, non seulement se sont investis dans la mise en œuvre des progrès mais ont aussi su, de par leur action ainsi que de par leur force de réflexion et de proposition, faire évoluer les choses. Plus largement, au demeurant, à une époque où l’on questionne le secteur public, où l’on compare et où l’on hésite sur les modèles de

gestion, il n’est pas inutile de rappeler tout ce que la fonction publique française dans son ensemble a apporté à la Nation en termes de réflexion prospective, de créativité, de progrès et de service-rendu, notamment depuis la reconstruction de l’après-guerre. Je souhaitais rappeler ces acquis, ces réalisations, car je voulais, non pas faire preuve d’une quelconque autosatisfaction corporatiste, mais vous dire combien nous y sommes attachés et combien nous continuerons à nous battre, quelques soient les difficultés logistiques, pour les mettre en œuvre.

B) Vœux pour l'avenir Ce bilan est aussi le socle sur lequel fonder nos vœux d'avenir. 1) Le retour en force du droit, l'explosion de la demande en justice dans une société trop souvent individualiste dont les membres préfèrent plaider pour faire valoir leurs droits plutôt que de se demander s’ils ont bien rempli leur devoir, cela a un coût. Un coût de plus en plus important, et de plus en plus largement assumé par la collectivité. Jusqu'où ? En outre, plus encore qu'une justice de masse, une justice de qualité, qui individualise et qui prend le temps utile pour écouter, pour réfléchir et pour prendre la meilleure décision, de même que le développement des garanties offertes par la présence et le contrôle du juge, cela aussi à un coût. Jusqu'où ? En termes de moyens alloués à la justice les comparaisons internationales (au demeurant difficiles car les périmètres sont différents) ne sont pas toujours en faveur de la France. Il faut toutefois rappeler que sur les 50 dernières années les moyens alloués à la justice ont progressé 4 fois plus vite que la dépense publique. Notre budget qui représentait moins de 1 % du budget de l'État à la fin des années 1970 en représente aujourd'hui plus de 2,5 %. Sur les dix dernières années, il a progressé de 63 % et de 19 % depuis 2007, alors que dans le même temps, le secteur public connaissait une forte contrainte sur la progression de ses moyens. Cependant, en dépit de ces avancées, l'importance des attentes et des besoins de notre société ont, dans le même temps, conduit à une nouvelle croissance des charges pesant sur l'institution judiciaire. C'est donc, comme je le disais il y a instant, au prix d'un engagement considérable et de très grande qualité que les magistrats et les fonctionnaires de justice sont parvenus à faire face à l'ensemble de leurs tâches, cela est vrai à Versailles comme ailleurs. Mais, disons-le clairement, on en arrive au bout du bout des marges de progression possibles. C'est pourquoi il apparait indispensable de poursuivre dans l'avenir l'effort entrepris pour les moyens de la Justice, afin de consolider les acquis de ces dernières années : - une nouvelle loi de programme apparait ainsi nécessaire, tant pour étager et assurer l'effort dans la durée que pour fixer des objectifs clairs et précis, adossés à des prévisions de moyens réalistes. - il est parallèlement nécessaire de réfléchir à l'organisation et aux moyens propres à permettre une nouvelle évolution qualitative

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Rentrée solennelle du service public de la justice, qui doit, plus que jamais, assurer la protection des plus faibles dans notre société. - un tel effort suppose, bien évidemment que nous continuions à développer notre efficience et l'optimisation de nos moyens, notamment par une meilleure répartition des tâches et le développement de l'aide à la préparation des décisions des magistrats, initié par la loi de programme 2002 et qui mériterait d'être relancé. - parallèlement, une révision générale de l'ensemble des missions de la justice devrait être opérée afin de lui permettre de se concentrer sur le cœur de sa mission en supprimant les tâches périphériques ou indues. C'est là une idée déjà ancienne (nous y travaillions à la Chancellerie dès 1996 !...), mais insuffisamment mise en œuvre. Et c'est en tous cas aujourd'hui un vœu unanime.

temps , heureusement révolu, par le manque de magistrats pour les traiter. Dans la même ligne, notre action au quotidien nous rappelle sans cesse à l'intérêt premier des mesures de prévention incombant à l'Etat et aux collectivités et dont nous sommes des partenaires impliqués et actifs. Car, pour être l'acteur majeur de la réinsertion, la Justice en connait la difficulté. Et, comme chacun sait, la plupart des affaires civiles ou pénales qui aboutissent devant la Justice marque un échec de la société, comme une rupture du lien de citoyenneté. C'est pourquoi il est à souhaiter, plus que jamais, qu'en amont de l'action judiciaire, tous les efforts utiles soient engagés par les autorités compétentes pour développer, tant la prévention des conflits civils entre particuliers, que la prévention de la délinquance.

2) Sur le fond, si les moyens consentis à la justice doivent lui permettre de maintenir qualité et célérité d'action pour l'ensemble des contentieux, la situation de notre société appelle à ce que les affaires concernant les justiciables les plus modestes ou en situation de fragilité connaissent un traitement prioritaire. En écho local à ce qui paraît une évidence nationale, je ne donnerai pour exemple que mon regret partagé avec le premier président d’avoir vu les délais de traitement des contentieux des chambres sociales obérés pendant un certain

3) Peut-on oser conclure ces quelques vœux par un appel, peut-être paradoxal dans une cour de justice, à un droit plus sûr et plus efficace : Très peu évoqué il y a seulement 20 ou 25 ans, le problème du foisonnement des textes qui conduit à une véritable insécurité juridique, est aujourd'hui couramment et unanimement dénoncé. Mais il n'en continue pas moins de plus belle et se complexifie autant par l'élargissement des sources organiques du droit que par l'intervention de normes de plus en plus techniques et souvent mal connues ou

réellement ignorées, ce qui singulièrement en matière pénale n'est pas sans porter atteinte au principe de légalité criminelle. J'attends avec intérêt une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet ... C'est pourquoi, indépendamment des textes indispensables pour accompagner le développement de l'efficacité de l'institution judiciaire ou pour répondre à une grande question de société, il serait vraiment souhaitable qu'un moratoire effectif soit établi en matière de législation et de réglementation. Parallèlement, en termes d'effectivité du respect et de la sanction de la norme, ainsi qu'en regard de la capacité de l'institution judiciaire à traiter les contentieux, notamment les plus techniques, dans des délais adaptés, il apparaitrait souhaitable de développer encore les nouvelles régulations, dont certaines existent déjà et qui permettent de déployer des sanctions civiles lourdes (inopposabilité, inexistence ou nullité de plein droit des actes passés, interdictions de gérer, ...) d'autant plus efficaces et dissuasives qu'elles sont rapides et radicales. De même, semble très souhaitable de développer la médiation précontentieuse pour la rendre obligatoire et systématique. Les parties, en dehors des matières d'ordre public, seraient ainsi tenues de tenter une médiation préalable au procès, devant un médiateur agréé par la justice ou par l'intermédiaire de leurs avocats. (…)

Gestionnaire et ordonnateur

Alain Nuée

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

par Alain Nuée (…) e traditionnel compte rendu d'activité de l'année 2011 qu'il m'incombe de dresser et que vous pourrez compléter par la lecture des documents que nous avons distribués à votre intention est l'occasion pour nous de constater que la cour continue avec une grande régularité de traiter plus de 22 000 affaires par an . La part des affaires pénales qui mobilise plus de la moitié des moyens dans les TGI et qui focalise l'attention des médias et du public ne représente pas un tiers de l'activité de la cour d' appel. Avec près de 5 000 arrêts rendus par les chambres des appels correctionnels, la cour a recueilli le fruit des efforts consentis pendant deux années consécutives avec la création d'une chambre pénale supplémentaire puisque le stock des affaires à juger est descendu à un niveau quasi incompressible. En effet avec un peu moins de 1 600 affaires en stock, la durée moyenne des instances est descendu à quatre mois soit un peu plus que le temps nécessaire pour recevoir les dossiers des juridictions après leur mise en forme, les enregistrer et convoquer à l'audience en laissant à l'appelant le temps indispensable pour préparer sa défense. Bien qu'il ait donné lieu au prononcé de 10 000 arrêts au cours de l'année 2011, le contentieux civil et commercial quant à lui, sous une apparente stagnation statistique,

L

s'appauvrit. Les contentieux des biens et de la richesse économique laissent leur place aux contentieux dont l'enjeu est la protection des libertés individuelles, ces contentieux que sont notamment les recours en matière de tutelle, les recours en matière de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière et plus récemment les recours en matière d'hospitalisation sous contrainte. Enfin, le contentieux social dont l'importance constitue une des caractéristiques originales de la cour de Versailles demeure pour nous une source de préoccupation.

Après une très forte augmentation du nombre des appels en 2010, la cour a bénéficié en 2011 d'un répit avec un recul inattendu du nombre des recours ce qui lui a permis en rendant près de 5 000 arrêts de stabiliser les stocks sans pouvoir réellement les entamer. L'adaptation des moyens que nous avions programmés et annoncés à l'audience de rentrée 2011 qui visait à remplacer la chambre pénale supplémentaire par une nouvelle chambre sociale pour purger l'excédent de stock accumulé en 2010 n'a été que partiellement réalisée.

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Rentrée solennelle Nous avons bien arrêté au 1er septembre le fonctionnement de la chambre pénale supplémentaire après l'évacuation des affaires qui y étaient programmées mais la nouvelle chambre sociale a dû attendre le 1er janvier 2012 pour commencer à travailler. En effet le Conseil supérieur de la magistrature a postérieurement aux mouvements annuels de magistrats, distingué la cour de Versailles en nommant conseillers à la cour de cassation trois présidents de chambre et un conseiller de la cour. Nous nous sommes bien sûr réjouis de la reconnaissance ainsi marquée à l'égard de la qualité du travail fait dans cette cour mais nous n'avons pu que constater que le délai de quatre mois entre ces nominations directes du CSM et leur remplacement dans le cadre d'un mouvement préparé par la DSJ générait une perte minimum de 250 arrêts. Ce hiatus illustre bien les dysfonctionnements récurrents liés à la complexité du système de nomination des magistrats. Ce système de nomination repose en effet sur un partage des responsabilités entre le ministère de la justice qui prépare les mouvements et un CSM, organe constitutionnel qui a pour mission de contrôler la validité des nominations proposées par la direction des services judiciaires à l'exception des nominations aux fonctions de premier président, de conseiller à la cour de cassation et de président pour lesquelles le CSM maîtrise la totalité du circuit de nomination. Par delà le cas d'espèce qui a affecté la cour cette année, les hiatus les plus fréquents interviennent lorsque le CSM donne un avis non conforme sur un projet de nomination de juges du siège subordonné à l'avis conforme du CSM . Dans cette hypothèse qui se rencontre à chaque mouvement d'une certaine ampleur, le CSM n'a ni le pouvoir ni les moyens de substituer le candidat de son choix au candidat dont la nomination lui paraît inopportune puisque la Direction des services judiciaires (DSJ) se garde bien de lui communiquer le nom des collègues candidats au poste considéré. Il s'ensuit d'une part que le poste non pourvu ne sera comblé qu'au mouvement suivant et à condition que la chancellerie présente un candidat utile et que d'autre part les collègues ont le plus grand intérêt à multiplier les recours contre les projets de nomination formulés par la chancellerie pour permettre au CSM de connaître quels sont les candidats en présence. Il apparaît donc assez clairement que pour une meilleure gestion des juridictions et une plus grande fluidité des nominations, il conviendrait à l'image de ce qui se passe dans d'autres Etats européens de confier au CSM, l'intégralité de la gestion des carrières des magistrats, du moins pour les juges du siège dont la nomination exige un avis conforme de ce dernier. La scission actuelle des tâches sur fond de lutte d'influence entre l'exécutif et l'organe constitutionnel de contrôle est de moins en moins supportée par les juridictions soumises à des tensions croissantes au niveau des effectifs et apparaît de moins en moins compatible avec une gestion des ressources humaines moderne. Mais plus que d'évoquer cette réforme que le principe de la séparation des pouvoirs et l'efficacité managériale commandent, il convient pour l'heure, de remercier très chaleureusement

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les magistrats et fonctionnaires pour le travail juridictionnel fourni au cours de cette année 2011. Toutefois cet hommage et le compte rendu d'activité ne seraient pas complets si nous n'évoquions pas le travail remarquable effectué cette année après bien d'autres par les membres du service administratif régional (SAR). Ceux-ci ont eu la lourde charge après la mise en place de la Loi Organique sur les Lois de Finance d'apprivoiser le logiciel de comptabilité Chorus dont sont désormais dotées toutes les administrations de l'Etat en tentant de l'adapter aux spécificités judiciaires et de gérer au mieux une enveloppe budgétaire de plus en plus contrainte. Mais avant de les aborder rappelons que les SAR n'ont été créés qu'en 1995 au terme d'une évolution historique relativement récente qui a vu l'administration des juridictions rejoindre le giron de l'Etat d'abord avec la fonctionnarisation des greffes au début des années 1970 puis avec les lois de décentralisation qui à partir de 1986 ont mis à la charge de l'Etat l'entretien des bâtiments judiciaires appartenant aux collectivités locales. Pour prendre en charge ces tâches nouvelles comprenant la GRH et la formation, la gestion de l'immobilier et du parc informatique et bientôt la gestion budgétaire, la création d' un échelon déconcentrée est alors apparue nécessaire Les SAR ont donc été créés au niveau de chacune des 35 cours d'appel considérée alors comme échelon pertinent d'administration et placés sous l'autorité directe des chefs de cour au terme d'un processus auquel vous ne semblez pas avoir été étranger, Monsieur le Procureur Général. Les chefs de cour ont été invités à s'impliquer très fortement dans la gestion administrative de leur cour ce qu'ils ont fait avec d'autant plus de détermination qu'ils considéraient que la maîtrise des moyens était indispensable pour assurer l'indépendance juridictionnelle . Très spontanément, ils ont pris à bras le corps les problèmes de gestion budgétaire et ont été pour beaucoup d'entre eux des éléments moteurs de la mise en place de la LOLF au sein de la justice. Nous étions séduits par ces nouvelles responsabilités qui accompagnaient la délégation d'une enveloppe globale et permettaient une gestion budgétaire déconcentrée en phase avec l'autonomie de gestion dont jouissaient culturellement et traditionnellement les juridictions. C'est avec enthousiasme que les chefs de cour ont accepté leur rôle d'ordonnateur secondaire jusqu'ici confié par délégation au préfet et celui de responsable de budget opérationnel de programme dans le cadre de la mission justice. Sous l'impulsion des chefs de cour et de la Chancellerie, les personnels des SAR dirigés généralement par des greffiers en chef se sont professionnalisés et ont acquis en quinze ans une véritable expérience. Selon des observateurs extérieurs digne de foi, tant la mise en place de la LOLF que l'implantation de Chorus se seraient même souvent mieux passées dans les juridictions judiciaires que dans d'autres secteurs de l'appareil d'Etat ayant une plus longue tradition administrative. C'est donc dans ce cadre institutionnel que les fonctionnaires du SAR de

la cour de Versailles nous ont jusqu'ici aidé à exécuter le budget du ressort qui est passé de 155 millions d'euros en 2009 à 154 millions en 2010 puis 150,2 millions en 2011. Ce budget est constitué de trois grandes enveloppes : deux qui sont classiques et une troisième très spécifique, celle des frais de justice dont la gestion concentre un nombre de difficultés administratives, budgétaires et comptables qui en font un cauchemar tant pour nos services que pour ceux de notre partenaire de la TG auquel nous adressons nos plus vifs remerciements pour son active collaboration. - la première enveloppe de loin la plus importante est la masse salariale destinée à assurer la paye de plus de 1 700 magistrats et fonctionnaires et le règlement des vacations d'un millier de conseillers prud'hommes. Cette masse budgétaire de 111 millions a progressé de 3,7 % en trois ans par l'effet des revalorisations statutaires et de la création d'une quinzaine d'emplois qui ne sont en réalité que le comblement très partiel des 136 postes qui, selon les outils développés par la direction des greffes elle-même, seraient nécessaires pour assurer un fonctionnement correct de l'ensemble des juridictions du ressort. - la seconde enveloppe est le budget de fonctionnement dont le montant de 14,2 millions a connu une régression de 5,4 % en trois ans alors qu'il est destiné à assurer le fonctionnement et l'entretien courant de 40 sites ce qui conduit à supprimer les investissements et l'essentiel de l' entretien immobilier courant, reportant sur d'autres exercices une charge qui sera d'autant plus lourde que cet entretien n'aura pas été effectué à temps. - la troisième enveloppe est celle des frais de justice qui est passée de 33 millions en 2009 à 31 millions en 2010 puis à 26,6 millions en 2011 soit une baisse de 20 %. La gestion de cette enveloppe dont le montant est près de deux fois celui du budget de fonctionnement de l'ensemble des juridictions du ressort est de loin la plus sensible dans la mesure où elle touche le cœur de l'activité juridictionnelle puisqu'il s'agit là de financer les investigations menées non seulement par les parquets et les juges d'instruction mais également par les officiers de police judiciaire. Rentrent notamment dans ces frais de justice la rémunération des jurés, des témoins, des experts, des interprètes, des médecins visitant les gardés à vue, des laboratoires spécialisés en recherche génétique, des sociétés habilitées à pratiquer les écoutes téléphoniques. A l'énumération de ces frais, il est aisé de comprendre qu'une interruption prolongée des paiements génère un désengagement d'un certain nombre de prestataires qui peut aboutir très vite à la paralysie des procédures voire à l'annulation de certaines d'entre elles. Il y a bien là un risque d'atteinte directe à l'indépendance de l'autorité judiciaire. Or le développement de la preuve scientifique et la sophistication des outils de recherche pour contrer l'utilisation par les délinquants de technologies de plus en plus complexes conduisent à une inexorable croissance des coûts d'investigation. Ces coûts progressent en dépit de tous les efforts fait par l'administration centrale et les juridictions pour freiner cette dépense par des

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Rentrée solennelle contrôles de plus en plus étroit de l'exécution des prestations et l'adoption de nouvelles orientations comme l'abandon de la rémunération à l'acte pour la conclusion de marchés publics avec les laboratoires. Le fait qu'avec l'entrée en vigueur de la LOLF les crédits destinés à financer les frais de justice jusque là évaluatifs soit devenus limitatifs n'a rien pu changer à cette tendance lourde. Tout au plus la volonté de maîtrise exprimée au plus haut niveau et la sous dotation qui en est résultée, ont abouti, les faits étant têtus, à générer d'importantes charges à payer en fin d'exercice qui sont de nature à mettre en péril la soutenabilité du budget de l'année suivante. Cette gestion budgétaire délicate se double d'une gestion administrative lourde et complexe des mémoires présentées par les prestataires puisque tant dans les juridictions qu'au SAR ce sont près de 110 000 mémoires portant souvent sur de petites sommes qui ont été traités au cours de l'année 2011. L'absence de système informatique retraçant l'ensemble du circuit de la dépense de la prescription par le magistrat ou l'OPJ jusqu'à l'ordre de paiement exige que trente fonctionnaires sur l'ensemble du ressort soient affectés à ces tâches peu valorisantes et très répétitives que sont l'estimation de la dépense qui sera exécutée lors de plusieurs exercices budgétaires ultérieures, la vérification des mémoires, la mise en paiement et la comptabilisation souvent manuelle des charges à payer. En résumé et pour caricaturer, la dépense en matière de frais de justice dépend davantage actuellement de la dotation budgétaire qui est allouée et de la capacité des services à effectuer les opérations qui leur incombent que du montant des créances réclamées par les prestataires. Plus globalement, comme vous pouvez le constater, l'évolution du budget du ressort de la cour de Versailles qui, comme je l'ai indiqué précédemment, est passé de 155 millions d'euros à 150,2 millions d'euros en trois ans conduit à tout le moins à nuancer les annonces selon lesquelles la Justice connaîtrait une augmentation des budgets qui ferait exception à la rigueur budgétaire imposée aux autres administrations. Ces déclarations doivent être d'autant plus nuancées que la RGPP s'est traduite pour la cour par des charges supplémentaires. Ainsi, la réduction des effectifs des forces de sécurité prônée par cette réforme a conduit au désengagement progressif des forces de police et de gendarmerie qui assuraient jusqu'ici la sécurité des palais de justice. Ce désengagement nous a contraint à recourir à des sociétés de gardiennage privées notamment pour procéder au filtrage des justiciables à l'entrée de nos juridiction les plus sensibles qui, aux heures d'audience correctionnelles, concentrent un nombre de délinquants au m2 sans doute très supérieur à celui des quartiers les plus difficiles. Représentant plus de 16 % du budget de fonctionnement, le gardiennage et le filtrage sont désormais pour nous le premier poste de ce type de dépense qui, selon nos estimations, devrait passer de 2,3 millions à 2,6 millions d'euros en 2012. Au vu de cet exemple, et il y en a d'autres au ministère de la justice comme le projet

actuellement expérimental tendant à faire supporter les transfèrements des détenus à l'administration pénitentiaire jusqu'ici assurés par les forces de police et de gendarmerie , il est permis de s'interroger sur les économies réelles réalisées grâce à certaines mesures préconisées dans le cadre de la RGPP. Le besoin existant étant incontournable, d'autres moyens vont devoir être mobilisés pour prendre le relai entraînant des perturbations dans les organisations qui généreront des coûts indirectes dont faute d'indicateurs pertinents il est à ce jour très difficile de mesure l'ampleur. Sans nier l'importance de la crise financière et sans nier la nécessité pour les institutions judiciaires de faire preuve de responsabilité, il est permis de s'interroger sur l'efficacité du ciblage de la justice, fonction régalienne de l'Etat par excellence et autorité constitutionnelle , comme source d'économies. Je rappellerai à cet égard les chiffres de la CEPEJ que j'avais cité l'an dernier selon lesquels avec seulement 57 euros en 2008 par an et par habitant, la France consacre à son système judiciaire un peu plus de la moitié de ce que consacrait Allemagne en 2006 et se trouve

voudraient voir les chefs de cour se cantonner dans la rédaction d'arrêts et ceux-ci d'invoquer les tendances observées dans des systèmes judiciaires étrangers qui confient à des administrateurs la gestion matérielle et financière des juridictions . Il est pourtant possible de citer d'autres systèmes étrangers où les cours d'appel sont tellement détachées de l'exécutif qu'elles sont constituées en agence ou établissements publics qui contractualisent leurs objectifs avec le parlement en fonction des sommes allouées. En outre, dans un grand nombre d'Etats, notamment fédéraux, les enjeux de pouvoir et de gestion ne sont généralement pas du tout les mêmes que dans notre Etat centralisé dont l'histoire est marquée depuis deux siècles par la volonté consciente ou inconsciente des deux autres pouvoirs d'encadrer et d'abaisser les pouvoirs de l'autorité judiciaire Ayant vu fonctionner un système de common law d'un peu prés, j'ai pu constater que la gestion financière et matérielle confiée à un administrateur occupe et préoccupe peu l'équivalent du Premier président de la cour d'appel.

Il apparaît donc assez clairement que pour une meilleure gestion des juridictions et une plus grande fluidité des nominations, il conviendrait à l'image de ce qui se passe dans d'autres Etats européens de confier au CSM, l'intégralité de la gestion des carrières des magistrats, du moins pour les juges du siège dont la Alain Nuée nomination exige un avis conforme de ce dernier.

largement derrière l’Italie (70 euros), l’Espagne (81 euros), les Pays-Bas (89 euros), la Belgique (74 euros). Mais l'effet le plus pernicieux sans doute de la RGPP est d'être venue au nom de la rigueur budgétaire contredire les principes affichés lors de la mise en place de la LOLF. Très vite la fongibilité asymétrique des crédits n'a été qu'un vague souvenir et les vieux réflexes jacobins et centralisateurs ont plus que jamais repris le dessus. Une sous dotation manifeste de l'enveloppe initiale par l'administration centrale permet en effet de transformer les chefs de cours en quémandeurs permanents de rallonges budgétaires ce qui est non seulement indigne mais aussi inefficace. Elle les prive de toute visibilité sur la fin d'exercice, visibilité de surcroît actuellement dégradée tout au long de l'exercice du fait des imperfections actuelles et espérons-le provisoires des restitutions du logiciel Chorus qui donnent aux responsables budgétaires des sueurs froides. Dans ce nouveau contexte, faute de pouvoir exercer réellement leurs prérogatives, la tentation pourrait être grande pour les chefs de cour de renoncer à leurs fonctions de gestionnaire et d'ordonateur initialement acceptées pour assurer leur indépendance juridictionnelle dés lors que ces fonctions sont devenues l'outil de leur dépendance. Cette renonciation satisferait sans doute certains qui

Mais Il est également aisé de percevoir que dans ce même système, l'autorité reconnue au juge par la société entière et l'institution judiciaire est telle que celui-ci n'a pas besoin d'exercer un pouvoir hiérarchique directe pour faire prévaloir son point de vue. De plus et surtout, la police étant seule maître de l'enquête, c'est elle qui engage et finance sur son budget les frais de justice de telle sorte que les contraintes de gestion de ces frais ne peuvent empêcher le juge d'accomplir sa mission. Dans le cadre hexagonal, les Premiers présidents parfaitement conscients des contraintes budgétaires qui pèsent sur l'Etat et à sa suite sur les institutions judiciaires estiment que plus que jamais dans les moments de pénurie, il relève de leur responsabilité de définir les priorités dans le traitement des contentieux en fonction de leur retentissement social et partant de contrôler de bout en bout le circuit de la dépense pour s'assurer que les moyens ont bien été affectés en fonction de ces priorités. Ils dénient à un quelconque service gestionnaire non soumis à leur autorité, la légitimité d'influer sur l'activité juridictionnelle en retardant par exemple le paiement de tel ou tel prestataire dont le concours est indispensable à l'activité juridictionnelle, au profit de créanciers d'autres directions du ministère de la justice. Pour paraphraser une formule célèbre, c'est à l'intendance de suivre et non à elle de décider de la manœuvre.

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Rentrée solennelle

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Marc Dewart, Gérard Larcher, Philippe Ingall-Montagnier, Alain Nuée, Claude Girault et Jacques Myard

Toutefois, les Premiers présidents tout aussi conscients des critiques adressés par les pères de la LOLF à l'application qui en est faite tant dans les autres administrations qu'au sein du ministère de la Justice, ont pris l'initiative de proposer au lieu et place de la constitution de plate-formes inter-directionnelles dont la direction leur échapperait, une réduction du nombre des Budgets Opérationnels de Programme (BOP) des cours d'appel de 35 à 10. Cette réduction du nombre des BOP permet un gain en effectif sur le plan national d'une quarantaine de fonctionnaires, essentiellement des cadres, et des marges de manœuvres plus grandes du fait de la constitution d'enveloppes globales plus importantes. Elle a surtout pour principal avantage de maintenir le contrôle de l'exécution de la dépense entre les mains de gestionnaires qui exercent des fonctions juridictionnelles. Cette solution n'est toutefois pas sans inconvénient : Pour la première fois elle fait une distinction entre les chefs de cour d'une dizaine de cours d'appel qui seront responsables de BOP et les autres chefs de cours qui seront seulement responsables d'unités opérationnelles. Ceci était en quelque sorte le prix à payer pour garantir la sauvegarde cette parcelle d'indépendance. Par ailleurs la cartographie des BOP reste calquée sur la cartographie des plate-formes de services constituées pour les deux autres direction du ministère de la Justice que sont l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse. Cette cartographie présente des aspects pour le moins curieux puisqu'elle fait entrer les cours d'Orléans et Bourges dans le BOP géré par les chefs de la cour d'appel de Dijon alors que les liaisons et la circulation fluide des pièces de

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dépense imposeraient plutôt le rattachement d'Orléans à la Cour de Versailles. Mais par delà ces inconvénients et ces avantages, le principal intérêt de cette réforme de structure est de laisser pour l'avenir toutes les options ouvertes : Elle ne peut être qu'un répit avant de voir l'exécution des budgets des cours d'appel rejoindre les plate-formes inter directionnelles conformément au projet technocratique primitif qui a ignoré trop longtemps les enjeux symboliques de cette réforme qui portait en elle les germes de querelles de pouvoir beaucoup plus concrètes. Elle peut aussi préfigurer une nouvelle organisation judiciaire territoriale articulée autour d'une dizaine de cours d'appels seulement. Toutefois la cartographie des BOP semble exclure cette hypothèse, tellement elle apparaît éloignée des contraintes d'aménagement du territoire et d'action publique qu'avait parfaitement exprimé la conférence des procureurs généraux en proposant sa propre carte. Elle laisse surtout la possibilité de sortir les juridictions judiciaires de son programme actuel piloté par la direction des services judiciaires soit pour rejoindre la Cour de cassation et adopter ainsi une architecture budgétaire comparable à celle du conseil d'Etat soit pour rejoindre un Conseil supérieur de la Justice à créer ou un CSM doté de pouvoirs plus étendus. La deuxième branche de l'alternative conduirait ainsi à une architecture budgétaire innovante qui serait beaucoup plus respectueuse du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire. Jean Louis Nadal, ancien Procureur général près la Cour de cassation ne s'exprimait pas autrement lorsqu'il déclarait lors de la dernière audience de rentrée de la haute juridiction :

«Je crois que se justifie pour la garantie de l'indépendance de la justice, que la gestion budgétaire des juridictions et des ministères publics qui les composent soit autonome et distinct du budget du ministère de la Justice » Cette perspective, iconoclaste aux yeux de certains, relève du rêve aux yeux de beaucoup mais les campagnes électorales qui vont s'ouvrir ne se fixent-elles pas pour but de faire rêver en dépit des graves difficultés de l'heure ? Il est à cet égard permis à chacun de constater que le programme pour 2012 d'un grand parti préconise la création des tribunaux de première instance qui regrouperaient en leur sein tout ou partie des juridictions du premier degré afin notamment d'en finir avec l' inutile complexité de l'organisation judiciaire. Un premier pas a été franchi dans le sens de la simplification avec la suppression qui sera effective à compter du 1er janvier 2013 de la juridiction de proximité dont la création avait ajouté un élément de complexité supplémentaire. Or la proposition de création d'un Tribunal de Première Instance est exactement celle que la conférence des Premiers président avait formulée il y a plus de quatre ans sans être entendue lorsqu'elle avait été consultée en vue de la réforme de la carte judiciaire, réforme que nous appelions du reste de nos vœux depuis des années. Ainsi, il ne faut pas désespérer dés lors que certaines idées nées du bon sens et de la recherche de l'efficacité finissent par être entendues à force de persuasion et de patience. Formons donc le vœu en ce début d'année que certaines d'entre elles finissent par aboutir. La Cour constate qu’il a été satisfait aux dispositions du code de l’organisation judiciaire sur la tenue des audiences solennelles et dit que du tout il sera dressé procès-verbal. 2012-019

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