LES ANNONCES DE LA SEINE Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Jeudi 16 janvier 2014 - Numéro 3 - 1,15 Euro - 95e année
Catherine Husson-Trochain, Michel Cadot et Jean-Marie Huet
RENTRÉE SOLENNELLE
Cour d’appel d’Aix-en-Provence - Faire progresser la Justice par Jean-Marie Huet ..................... 2 - Façonner le droit pour garantir une justice de qualité par Catherine Husson-Trochain .................................................. 6 ●
JURISPRUDENCE
Dieudonné, le Conseil d’Etat et les Etats-Unis par François-Henri Briard ................................................. 10 ● Tribunal administratif de Nantes - Référé du 9 janvier 2014, Numéro 1400110. Société Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala........................................ 11 ● Conseil d’Etat - Ministre de l’interieur c/ Société Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala. Ordonnance du 9 janvier 2014 - Numéro 374508 .................... 13 ●
SOCIÉTÉ
Droits des femmes et mixité professionnelle - Lutter pour l’égalité par Jean-Marc Ayrault ............................. 14
●
ANNONCES LÉGALES ............................................... 17 DÉCORATION ●
Basile Ader Chevalier de la Légion d’honneur ..................... 32
Cour d’appel d’Aix-en-Provence Audience Solennelle de Rentrée, 8 janvier 2014
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our la dernière fois de sa carrière professionnelle, le Premier Président Catherine Husson-Trochain a ouvert l’audience solennelle de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en présence des plus hautes personnalités des mondes juridique et judiciaire, mais également universitaire, économique et religieux. Elle n’a pas manqué, comme le veut la tradition, de dresser un bilan de l’année écoulée sur l’activité de sa juridiction et de livrer un certain nombre de messages forts avant son départ dans quelques mois. Pour Madame le Premier Président, l’institution justice est en mouvement. Elle a plaidé pour une justice rénovée avec des juges recentrés sur leur mission essentielle consistant à dire le droit afin de « garantir une justice de qualité disponible pour tous selon ses besoins». Quant au Procureur Général Jean-Marie Huet, il a voulu mener une réflexion sur la nécessaire
refondation du Ministère public, concentrant ainsi son excellente intervention sur les propositions de la Commission Nadal notamment chargée de moderniser le Ministère public du 21ème siècle. Pour l’orateur, face à « l’urgence de la situation » il faut que parmi les 67 propositions « les préconisations les plus opérationnelles et parfaitement réalistes soient rapidement mises en œuvre ». Jean-Marie Huet a conclu sur le thème du Procureur européen avec l’officialisation, le 17 juillet 2013, par la Commission européenne, de la proposition de texte portant création du Parquet européen sur un modèle fédéral : le Procureur serait nommé par le Conseil des Ministres de la Justice et le Parlement européen pour huit ans. Bien qu’il ne soit pas encore question d’une Cour pénale européenne, l’Europe de la justice se construit à petit pas en ce début du 21ème siècle. Jean-René Tancrède
J OURNAL O FFICIEL D ʼA NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
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Rentrée solennelle Jean-Marie Huet
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2013
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Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas
Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de lʼannonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les lignes de titres nʼexcéderont pas lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lʼannonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. Lʼespace blanc compris entre le filet et le début de lʼannonce sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de lʼannonce et le filet séparatif. Lʼensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de lʼannonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début dʼun paragraphe où dʼun alinéa sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans lʼéventualité où lʼéditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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Faire progresser la Justice par Jean-Marie Huet
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oici déjà revenu pour les magistrats et fonctionnaires de cette Cour, ce temps fort de l’audience solennelle de rentrée, que la loi, consacrant une tradition de plusieurs siècles, nous prescrit de tenir. Exercice convenu pour certains, voire désuet pour d’autres, il reste pourtant à mes yeux incontournable, tant je considère que nous avons effectivement des comptes à rendre. En effet si les magistrats se plaisent à rappeler que la Justice est rendue au nom de leurs concitoyens, c’est moins pour y rechercher la justification de leurs pouvoirs, que pour déterminer l’étendue de leurs obligations à leur égard. Aussi cette audience solennelle ne doit donc pas être seulement la manifestation d’une certaine autosatisfaction, fut-elle légitime, mais la restitution en une image comptablement fidèle et transparente, de l’activité judiciaire dans le vaste ressort de cette cour, l’occasion de convaincre des évolutions intervenues, afin que le regard que nos concitoyens et ceux qui les représentent ce matin portent sur la justice soit plus éclairé. J’exprime ma gratitude à chacune et chacun d’entre vous d’avoir bien voulu rejoindre ce matin notre assemblée, en sacrifiant à ce rite judiciaire qui n’est pas pour une fois, abandonné aux seuls professionnels du droit, mais se veut une tradition vivante et non l’expression d’une éternité figée.
ACTIVITÉ PÉNALE DE LA COUR Les chiffres restituant l’activité pénale de cette cour d’appel et des juridictions du ressort illustrent une relative stabilisation de la production juridictionnelle. LA DÉLINQUANCE DANS LE RESSORT S’agissant de la forme des actes de délinquance constatés l’an dernier, c’est bien évidemment à l’expression toujours très prégnante de cette délinquance violente que l’on songe, notamment mais pas exclusivement, dans l’agglomération marseillaise, avec un chiffre pourtant réduit par rapport à l’année écoulée, mais bien sûr toujours
trop important, du nombre de meurtres sous forme de règlements de compte. Sur ce point je souhaite plutôt mettre en exergue de manière parfaitement objective, l’efficacité des services d’enquêtes avec l’élucidation de nombreuses affaires criminelles, mais aussi des magistrats puisqu’un nombre significatif de dossiers d’information suivis à la JIRS de Marseille ont fait l’objet de saisines des juridictions de jugement. Il faut également saluer la réalité de l’engagement conjoint des parquets, des responsables des services de police et de gendarmerie, et des services de l’état, cet investissement étant destiné à s’inscrire dans le temps, qu’il s’agisse de l’application de la circulaire de politique pénale territoriale de Madame la Garde des Sceaux de novembre 2012, prescrivant une mobilisation tout à fait spécifique dans les Bouches-du-Rhône, ou du partenariat efficace mis en œuvre dans les Zones de Sécurité Prioritaires de Marseille Nord et Sud, de Bouc Bel Air et de Gardanne, de l’agglomération niçoise, de Hyères et depuis peu de Toulon. Il a pu ainsi être démontré qu’il est toujours possible, en mutualisant les analyses comme les ressources, en définissant plus clairement et lisiblement les objectifs à atteindre, de parvenir à des résultats plus significatifs. Les chiffres qui seront restitués par les procureurs lors des audiences des tribunaux de grande instance, illustreront j’en suis convaincu la réalité et l’efficacité de cette démarche novatrice. Il faut aussi se réjouir des résultats obtenus à la faveur d’un fort investissement des services de police judiciaire, dans le domaine du proxénétisme mafieux, notamment dans l’est de ce ressort. Mais il est d’autres formes de délinquance qui doivent justifier chaque jour davantage notre vigilante attention. Ce sont tout d’abord les violences conjugales pour lesquelles en dépit des efforts fournis, non seulement par les services d’enquête et les juridictions, mais également les différents partenaires associatifs, il existe incontestablement une marge de progression dans la mise en exergue de ces situations dramatiques, en améliorant encore la détection de celles-ci, les conditions d’accueil dans les services d’enquêtes ou dans nos palais de Justice, dans l’orientation la plus appropriée de ces procédures pour le traitement le plus dissuasif des
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Rentrée solennelle UNE DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE AUX FACETTES MULTIPLES L’interpénétration de la criminalité organisée, des trafics de stupéfiants, d’êtres humains et de la délinquance économique et financière a justifié la mise en place de nouvelles approches avec le concours du groupement d’intervention régional PACA, de son antenne à Nice, et de l’antenne marseillaise crée à la fin de l’année 2012. Mais il faudrait évoquer également pour cette année 2013 la mobilisation de l’ensemble des acteurs susceptibles d’être concernés par les atteintes à la probité (officiers publics ministériels, mandataires de justice, commissaires aux comptes), le renforcement des liens avec la chambre régionale des comptes, la cellule TRACFIN, qui nous ont permis d’acquérir une meilleure maîtrise de ces mécanismes dans la détection de ces infractions, face à l’imagination toujours plus débordante de leurs auteurs quels que soient leurs statuts ou leurs fonctions. Sur ce sujet la récente loi du 6 décembre 2013 a renforcé le dispositif de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière et crée à compter du 1er février prochain, un procureur financier national, qui constituera certainement une incontestable plus value, même si nous disposons déjà au plan régional de compétences et d’expertises qui ont d’ores et déjà fait leurs preuves. MIEUX APPRÉHENDER LE PATRIMOINE DES DÉLINQUANTS Mais encore faut-il s’attaquer plus efficacement aux patrimoines illégalement obtenus par ces délinquants. Moins de trois ans après sa création, l’Agence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Criminels saisis et confisqués (AGRASC) en charge de la centralisation de toutes les saisies au plan national, peut afficher sur son tableau de bord une valorisation supérieure à un milliard d’euros, si l’on additionne l’ensemble des numéraires saisis,
des comptes bancaires, des véhicules, des biens mobiliers divers, et également de plus en plus fréquemment des saisies immobilières pratiquées chez ces délinquants. Certes il ne s’agit que de saisies conservatoires, mais qui pour un certain nombre d’entre elles se sont vues confirmées par la voie de confiscations devenues définitives, et l’AGRASC s’est déjà employée au cours de l’année 2013 à réaliser la vente de biens immobiliers et de restituer ainsi au budget général de l’Etat plusieurs millions d’euros. Des ventes de biens immobiliers confisqués ont aussi concerné l’exécution de demandes d’entraide internationale provenant de plusieurs pays étrangers. Le ressort de notre Cour d’appel d’Aix-enProvence n’est pas en reste, puisque depuis la création de l’agence, avec le regroupement de toutes les saisies réalisées certaines fois depuis de nombreuses années, plus de 95 millions d’euros de biens mobiliers et immobiliers saisis proviennent des huit juridictions du ressort de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Pour la seule année 2013 plus de 30 millions d’euros ont été saisis dont plus de 12 concernent des valeurs immobilières. Ceci illustre s’il en était besoin, la totale maîtrise, par les services d’enquête tout d’abord, police, gendarmerie, douane et par les magistrats du parquet, de l’instruction, et des juridictions de jugement ensuite, de cette nouvelle approche patrimoniale dans une lutte toujours plus efficace contre la criminalité organisée et la délinquance économique et financière. LA JUSTICE EN CHANTIERS L’année 2014 devrait connaître l’aboutissement de nombreux chantiers ouverts par notre Garde des Sceaux. Le projet de loi pénale relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation de la peine devrait être débattu devant le Parlement au printemps prochain. L’enjeu est d’envergure pour imaginer de nouveaux leviers d’actions en vue de favoriser
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auteurs des ces maltraitances, les drames récents survenus dans la région ne peuvent sur ce point que nous inciter à redoubler d’attention. Il est une autre forme de délinquance, plus sournoise, plus pernicieuse qui n’accroît guère les statistiques des services d’enquête comme des parquets, mais qui doit pourtant justifier également une particulière vigilance : je veux parler là des infractions à caractère raciste, antisémite, xénophobe ou homophobe, qu’il s’agisse d’agressions physiques, d’injures ou de discriminations. Nous disposons d’un arsenal législatif tout à fait adapté pour réprimer, sanctionner à leur juste mesure les propos et les actes racistes qui minent le lien social. Je sais les parquets déjà accaparés par d’assez nombreuses priorités que je leur demande de prendre en compte dans la déclinaison locale de la politique pénale régionale que j’ai la responsabilité de mettre en œuvre. Toutefois ils connaissent mon exigence particulière dans ce domaine où la mobilisation doit être constante pour permettre aux enquêteurs d’identifier dans les délais les plus brefs les auteurs des infractions qui doivent comparaître devant les juridictions de manière diligente. Notre région est par ailleurs, particulièrement concernée par laproblématiqueenvironnementale, (pollutions en Méditerranée, atteintes au patrimoine du littoral, décharges sauvages, non respect des règles d’urbanisme....). La réforme des polices de l’environnement entrée en vigueur au 1er juillet 2013 fait toute sa place à la transaction, mais elle reste sous le contrôle du parquet. À la faveur de partenariats renforcés récemment avec la direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement (DREAL), la mise en place de structures départementales de lutte contre toutes les formes d’atteintes à l’environnement, nous serons désormais mieux en mesure de détecter ces infractions, d’en identifier les auteurs et d’apporter la réponse pénale la plus pertinente.
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Rentrée solennelle
la réinsertion des condamnés. Puisse cette démarche normative, nous amenant à revisiter notre conception de la peine, provoquer un débat de qualité, qui mérite et impose lucidité, rigueur et humilité dans l’analyse, très loin des certitudes arrogantes. La nouvelle peine de contrainte pénale, peine sans emprisonnement mais avec de strictes obligations pour le condamné, le concept de césure entendue comme une distinction dans le temps, entre le moment de la reconnaissance de la culpabilité et de celui de la détermination de la peine, constitueront parmi bien d’autres dispositions de nouveaux outils qu’il nous faudra appréhender dès que la loi sera applicable. Nous sommes particulièrement concernés dans le ressort de cette cour par la problématique de la surpopulation carcérale, avec à ce jour 7450 personnes écrouées, nonobstant un taux d’aménagement des peines qui ne cesse de croître. Par ailleurs les manifestations organisées en marge du 30ème anniversaire de la peine du travail d’intérêt général en novembre dernier, auront eu j’en suis convaincu un effet salutaire de conviction visà-vis des collectivités territoriales, les différentes institutions ou structures, susceptibles de proposer aux magistrats de plus nombreux postes de TIG, diversifiés, plus adaptés au profil des condamnés. Il s’agit là d’une vraie peine qui a démontré toute son efficacité et que l’on ne doit pas hésiter à requérir. S’agissant des entreprises en difficulté, après de nombreuses consultations, le parlement, par la loi du 2 janvier 2014, à autorisé le gouvernement à procéder par ordonnance à une nouvelle réforme des procédures collectives, pour favoriser les mesures de prévention, les procédures de sauvegarde, améliorer les procédures liquidatives, en précisant les conditions d’intervention du ministère public. Les juridictions consulaires mais aussi les parquets doivent donc s’attendre dans les mois qui viennent à devoir s’adapter à de nouvelles règles procédurales dans le but de mieux préserver les emplois. A l’initiative de la Ministre de la Justice, plusieurs groupes de travail ont donc tout au long de l’année 2013 mené des réflexions approfondies sur
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l’organisation judiciaire, le périmètre d’intervention du juge et sur l’avenir du Ministère Public. Je ferai tout d’abord le constat que certains thèmes ou propositions sont véritablement transversaux aux différents groupes. Je pense notamment à l’indispensable dépénalisation ou à tout le moins déjudiciarisation d’un certain nombre d’infractions dont la masse ne permet pas toujours un traitement individualisé ni de justifier l’intervention d’un magistrat du Ministère Public submergé de tâches, voire l’intervention d’un juge. De nombreuses propositions ont été formulées qui vont de l’accroissement du champ des amendes forfaitaires à celui des procédures de transaction. Je songe aussi à l’articulation la plus adaptée au territoire d’une organisation judiciaire moderne et cohérente, avec le concept du tribunal départemental et donc d’un procureur départemental. Nous aurons l’occasion dans les prochains jours et les prochaines semaines, dans différentes enceintes, d’approfondir ces concepts, envisager toutes les conséquences pour favoriser l’émergence de consensus sur les solutions les plus pertinentes et pragmatiques. LA NÉCESSAIRE REFONDATION DU MINISTÈRE PUBLIC Vous comprendrez que je concentre mon propos sur la commission présidée par Jean-Louis Nadal et qui a affiché l’ambition de refonder le Ministère Public. A l’heure où la Ministre de la Justice souhaite pourtant dans les tous prochains jours lors du colloque organisé sur la Justice du XXIème siècle, mettre en exergue la place du citoyen au cœur de la Justice, je conçois que pour un certain nombre d’entre vous les préoccupations statutaires, organisationnelles ou fonctionnelles des magistrats des parquets apparaissent quelque peu éloignées de leur propres soucis… Dans la conception française, « c’est dans leur qualité de magistrat que les membres du ministère public puisent leur légitimité. Qu’il s’agisse de contrôler l’action de la police judiciaire en veillant au respect des libertés et des droits fondamentaux,
d’examiner la loyauté et la consistance des preuves avant de saisir le juge ou de s’exprimer, dans leurs réquisitions, au nom de la société, les magistrats du parquet n’agissent qu’en considération de la seule exigence de la défense de l’intérêt général, dans le respect du principe d’impartialité auquel ils sont tenus ». L’incompréhension persistante des magistrats du Ministère Public qui vivent leur métier avec passion, porte sur la remise en cause, non pas de leurs prérogatives, mais de la légitimité de leur capacité à garantir eux aussi les libertés individuelles comme le Conseil constitutionnel ne cesse de leur rappeler. Certaines jurisprudences récentes ont des incidences concrètes sur la régularité des actes d’enquêtes effectués sous le contrôle des procureurs, et ceci constitue un enjeu qui concerne l’ensemble des justiciables, auteurs ou victimes. La réforme engagée mais non encore finalisée du Conseil Supérieur de la Magistrature, devrait donc impérativement aboutir pour garantir l’indépendance statutaire du Ministère Public, et ne plus susciter quelque suspicion que ce soit sur son impartialité. D’indispensables moyens aussi bien humains que matériels doivent être donnés aux parquets. Le renforcement de l’autorité du Ministère Public sur la police judiciaire, doit s’exprimer concrètement aussi bien en consolidant le rôle du parquet dans le contrôle des enquêtes qu’en rappelant le principe du libre choix du service d’enquête par les parquets. Depuis le 1er janvier 2014 policiers et gendarmes sont dotés d’un Code de déontologie commun, constituant des repères essentiels sur leurs obligations et leur cadre d’action : discrétion, probité, discernement, impartialité. Je ne doute que le respect de ces normes facilite la relation qu’ils entretiennent avec nos concitoyens. Procureurs généraux et procureurs doivent pouvoir être associés à la répartition des moyens, des effectifs au sein des services de police judiciaire, pour être véritablement en mesure de mettre en œuvre la politique pénale décidée au niveau national, déclinée régionalement et localement.
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Agenda
Rentrée solennelle La commission Nadal recommande aussi, mesdames et messieurs les bâtonniers, d’introduire une phase de contradictoire dans les enquêtes longues qui n’ont pas fait l’objet d’ouverture d’une information judiciaire, et de généraliser l’assistance d’un avocat au moment du défèrement. Les membres de la Commission ont parfaitement conscience de l’urgence de la situation et des espoirs placés en elle, mais aussi qu’un certain nombre des 67 préconisations qu’elle formule ne se réaliseront pas à court terme, compte tenu notamment de la nature normative, législative, voire constitutionnelle de certaines d’entres elles, mais il importe que ces chantiers normatifs soient engagés et que les préconisations les plus opérationnelles et parfaitement réalistes, soient rapidement mises en œuvre. Cela me paraît tout simplement vital pour le ministère public français. UNE EUROPE JUDICIAIRE EN CONSTRUCTION L’Europe judiciaire avance. L’an dernier j’évoquais le concept de procureur européen qui a connu un développement tout à fait concret cette année, avec l’officialisation le 17 juillet 2013 par la Commission européenne de la proposition de texte portant création de ce parquet sur un modèle fédéral : le procureur européen serait nommé par le conseil des Ministres de la Justice et le Parlement européen pour huit ans. Ce procureur nommerait à son tour des procureurs européens délégués dans chacun des états membres sur une liste proposée par les gouvernements. L’ensemble du parquet sera soumis au contrôle du parlement européen, du conseil des Ministres et de la Cour de Justice. Il pourra ordonner des mesures d’enquêtes, diverses investigations (perquisitions…) en respectant chaque droit national, mais les personnes poursuivies continueront à être jugées par les juridictions nationales, car pour le moment il n’est pas question de créer une Cour pénale européenne. Certes, tous les obstacles ne sont pas franchis, certains Parlements nationaux estimant que cette proposition empiéterait sur les compétences nationales, il n’est pas impossible qu’à défaut d’unanimité, ce projet ne réunisse que ceux des Etats membres volontaires dans le concept de « la coopération renforcée », mais incontestablement les choses avancent.
L’Europe de la justice, c’est aussi l’adoption le 22 octobre 2013 par le parlement européen et le conseil de l’union européenne de la directive relative à l’accès à l’avocat que les états membres doivent transposer dans leurs droits nationaux avant novembre 2016. Cette directive est la 3ème mesure de la feuille de route « garantie procédurale » après la directive relative au droit à l’interprétariat et à la traduction adoptée le 22 octobre 2010 qui a fait l’objet en juillet 2013 d’une loi désormais applicable sur notre territoire national et de la directive relative au droit à l’information adoptée le 22 mai 2012. Cette dernière directive vient parachever l’harmonisation des règles de procédure pénale applicables aux personnes suspectées ou poursuivies quel que soit l’Etat membre dans lequel la procédure est conduite. Elle élargie les conditions dans lesquelles une personne suspectée et poursuivie peut être assistée par un avocat pendant toute l’audition y compris au regard des « auditions libres ». S’agissant de la directive relative au droit à l’information adoptée le 22 mai 2012 et qui doit être transposée avant le 12 juin 2014, qui concerne notamment l’accès aux pièces d’un dossier même aux prémices de la procédure, la France entend bien appliquer dans toutes ses dispositions cette directive qui constituera incontestablement une avancée dans l’expression concrète des droits de la défense. Il ne m’apparaît toutefois ni nécessaire ni opportun d’ici là d’entretenir la confusion en anticipant cette évolution. Il convient d’envisager sereinement, de manière pragmatique et concrète, notamment dans les services d’enquête, comment réaliser ce nouvel équilibre qui doit tenir compte des conditions déjà effectives de l’exercice de ces droits dans chacun des pays de l’union européenne. Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, l’année 2014 sera à nouveau riche d’échéances tout simplement essentielles pour l’institution judiciaire qui concernent non seulement les professionnels que nous sommes les uns et les autres, mais chacune et chacun de nos concitoyens. A l’aube de cette nouvelle année, notre audience solennelle constitue une nouvelle étape empreinte à la fois de nostalgie lorsque l’on songe à la fuite du temps et d’espérance dans l’avenir qui nous attend. Qu’il soit empli de notre engagement sans cesse renouvelé, de notre volonté collective de voir progresser la Justice.
DROIT ET PROCEDURE AVOCATS CONSEILS D’ENTREPRISES La procédure dans les modes de résolution extrajudiciaires des litiges Colloque le 23 janvier 2014 Maison du Barreau 2/4 rue de Harlay 75001 PARIS Renseignements : 01 47 66 30 07 ace@avocats-conseils.org
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ASSOCIATION FRANÇAISE DES JURISTES D’ENTREPRISE Savoir se positionner en qualité de Juriste pour renforcer son efficacité Conférence le 23 janvier 2014 Hôtel Mercure 18, Parvis des Chartrons 33080 BORDEAUX Renseignements : 06 19 97 44 92 marielaurecarrau@yahoo.fr
2014-23
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Jean-Marie Huet et Catherine Husson-Trochain
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CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX 10ème Etats Généraux du droit de la famille Les 30 et 31 janvier 2014 Maison de la Chimie 28, rue Saint-Dominique 75007 PARIS Renseignements : 01 53 30 85 65 pressecom@cnb.avocat.fr 2013-000
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Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numéro 3
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Rentrée solennelle Façonner le droit pour garantir une justice de qualité
Catherine Husson-Trochain
par Catherine Husson-Trochain
RENDRE DES COMPTES Rendre des comptes telle est la façon de remplir publiquement les obligations de transparence que les habitants du ressort sont en droit d’attendre de nous. Certes dresser un inventaire n’est pas chose aisée et de plus il ne rend pas compte de la difficulté du travail judiciaire, de sa nature, de sa diversité, de son intensité ou sa complexité. Comment dépeindre le double rôle de notre Cour, à la fois juridiction d’appel et organe d’administration, d’animation et de contrôle. Car notre activité ne se limite pas aux seules activités juridictionnelles. L’année 2013 n’a donc pas échappé à ce difficile équilibre que je décrivais déjà l’année dernière pour déterminer la juste ligne de partage entre les moyens alloués à l’action civile et à l’action pénale en proportion de leur activité. (...) A cet instant de mon propos je ne peux pas passer sous silence le formidable travail fait en commun, magistrats, greffiers et avocats pour perpétuer la réussite que constitue la gestion électronique intensive entre la cour et les cabinets d’avocats des affaires civiles avec représentation obligatoire, puisqu’en moyenne 30 000 messages sont échangés par mois. Une fois n’est pas coutume, cette année je voudrais souligner la compétence et la qualité du travail accompli des 11 magistrats qui siègent dans les 4 chambres de l’instruction, des 7 présidents des cours d’assises de nos 4 départements et des 22 magistrats des chambres pénales correctionnelles, d’application des peine et des mineurs. Ils sont les artisans sereins de lourdes décisions dont la presse se fait régulièrement l’écho. Je les remercie aussi tout particulièrement de leur discrétion et de leur modestie passée et à venir compte tenu des dossiers qu’ils auront à traiter en 2014. Ils savent mais je le répète publiquement que je serai là à leur côté et sans doute devant eux si d’aventure certains cherchaient à les déstabiliser de quelque manière que ce soit dans l’exercice de leurs fonctions.
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’exceptionnelle judiciarisation des rapports sociaux s’est développée ces dernières années. Déjà depuis quelques décennies, la justice, notre Institution et ceux qui la servent font face avec détermination aux déferlantes des lois qui leur confient toujours plus de missions. Ainsi la demande de justice est toujours plus importante de jour en jour et les moyens ne sont pas nécessairement la seule réponse aux maux qui frappent la Justice. Une prise de conscience collective que la Justice « dans toutes ses composantes » se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins est acquise et chacun sait bien que prolonger les courbes inflationnistes la conduirait à l’impasse. Les mentalités changent, les comportements changent, les pratiques changent, la société change et le droit s’adapte, innove. La justice, par ses juges façonne le droit, lui donne sa force, évolue et se réforme constamment car elle doit répondre à l’objectif essentiel de « garantir une justice de qualité, disponible pour tous selon ses besoins ». Mais chacun doit en être bien convaincu qu’actuellement elle ne peut plus répondre à toutes les demandes de Justice.
LA JUSTICE EN MOUVEMENT : Evolution et avenir à partir de deux exemples emblématiques : Les femmes et la famille En abordant la seconde partie de mes propos, je vous rappelle mes mots introductifs annonçant le sujet : Les mentalités changent, les comportements changent, les pratiques changent, la société change, les lois changent et le droit s’adapte, est façonné par les juges qui lui donnent toute sa force. C’est ainsi : La justice évolue, doit continuer à évoluer et continuera à évoluer comme la société le demande en exigeant plus de transparence et plus d’efficience. Les acteurs ou partenaires de justice seront les moteurs essentiels des changements. A l’occasion de ces constats je voudrais vous faire partager deux réflexions personnelles à partir de deux exemples que je m’autorise à vous livrer à l’aune de mes 42 années consacrées pleinement au service de la Justice, qui est mon unique et seul parti pris. a) Les mentalités évoluent en même temps que le corps judiciaire. Hommes et Femmes : quel avenir dans la magistrature ? En 1783, Choderlos de Laclos appelait les femmes, dans son « Education des femmes » à ne compter que sur elles mêmes. Je pense qu’il n’avait pas tort. Napoléon, lui, tenait sur le compte des femmes des propos très radicaux au moment même où s’élaboraient les dispositions du futur Code civil. « La nature, disait-il, a fait de nos femmes nos esclaves. La femme est donnée à l’homme pour quelle fasse des enfants. Elle est donc sa propriété, comme l’arbre à fruit est celle du jardinier ». C’est du reste pourquoi notre Code civil de 1804, dont on a célébré il y a 10 ans le bicentenaire, avait savamment organisé l’incapacité de la femme mariée, simplement abolie par la Loi du 13 juillet 1965 portant sur la réforme des régimes matrimoniaux soit il y a à peine 60 ans. Ce n’est pas si loin. Un peu plus tard en 1930, l’opinion masculine ne semblait pas avoir trop évolué sur ce point. Un procureur de la République à qui il était demandé son avis sur l’entrée des femmes dans la magistrature écrivait ces quelques phrases que j’ai sélectionnées1. « J’ai l’honneur de vous adresser l’avis que vous avez bien voulu me demander, sur l’opportunité de confier aux femmes des fonctions judiciaires. Au vu des diplômes médicaux, les femmes ont été admises à disposer de la vie de leurs concitoyens.
Rien ne s’oppose donc, en logique, à ce que sur la foi des certificats des facultés de droit, elles puissent disposer aussi de leur honneur et de leur fortune. » Plus loin il précisait : « Ni dans l’ordre logique, ni dans l’ordre physiologique, il n’y a donc d’obstacles insurmontables à l’admission des femmes dans la magistrature. « Par contre, apparaissent quelques objections d’ordre psychologique ; il se trouve que les caractéristiques de la mentalité féminine- au moins jusqu’à ce jour, et d’après les écrivains les plus qualifiés- sont exactement en antinomie avec celles que l’on se plait à reconnaitre comme devant être celles du juge… » « Réserve faite de cas exceptionnels ou considérés comme tels, c’est la cohorte des qualités inverses qui constitue l’armature féminine : prédominance de la sensibilité et de la passion, promptitude d’une vision parfois exacte, parfois erronée, toujours rapide et souvent intuitive et parfois divinatoire, raisonnement tantôt sautillant et sans lien, tantôt rigoureusement logique mais partant de preuves non contrôlés, d’affirmations non justifiées, fondées sur les aveuglements sur les impulsions du cœur ou de l’imagination, difficulté de s’élever, au moins méthodiquement, aux idées générales et abstraites et de sortir du cadre des impressions, entêtement obstiné même à l’encontre de l’évidence. Par contre, dans toutes les situations, où aucun sentiment ne crée son opinion, la femme semble douée d’une incapacité particulière à s’en former une qui lui soit personnelle. Et de conclure « j’ai cru devoir laisser de côté, l’examen des difficultés d’ordre intérieur, que pourraient soulever, après l’admission des femmes dans la magistrature, leurs désirs d’avancement en rivalité avec des collègues masculins. » Ecrit outrancier, d’une autre époque allez-vous penser sans doute, certainement, assurément. C’est un fait la féminisation du corps n’a cessé d’augmenter pour atteindre aujourd’hui 59,4 % du total des magistrats sur un effectif de 8 442 au 1er janvier 2012. Mais ce procureur des temps anciens avait tort de se préoccuper de leur désir d’avancement en rivalité avec des collègues masculins car depuis 1946, date de leur entrée dans la magistrature, le cheminement des femmes dans les fonctions de responsabilité est
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Rentrée solennelle ainsi impacter l’exercice même de la fonction de magistrate en lui déniant sa légitimité à juger car elle est une femme. En effet dans notre société, la féminisation du corps qui était un objet, est devenue un sujet et un enjeu tant institutionnel que politique. Je dis politique au sens de la manière de gouverner, de gérer l’intérêt public2. Est-ce que les femmes juges feront une différence dans l’acte de juger parce qu’elles sont des femmes ?3 Cette interrogation qui a surgi dans les années 1990 refait surface de temps à autre notamment lors des décisions en matière familiale et la montée en puissance du « combat » des pères dont certains estiment perdre leur procès parce qu’ils sont jugés par des femmes. En viendrons- nous un jour à l’instar de l’impartialité qui doit être apparente avant d’être réelle, à exiger que la mixité dans les formations de jugement soit aussi apparente comme condition d’un procès équitable ?4 Vous l’avez compris ma réponse est clairement non, indépendamment du caractère discriminatoire qu’une telle position aurait et je n’ose imaginer qu’un jour elle puisse être avancée dans un procès, car d’expérience je peux vous assurer ainsi que toutes celles autour de moi et j’ajouterai tous ceux que le genre n’entre pas en ligne de compte dans le jugement. Tous, hommes ou femmes, appliquent la même règle de droit, ont les mêmes valeurs, la même légitimité à juger. D’aucuns pensent que le deuxième danger pour notre corps résulte aussi d’une autre question posée par la sociologue Marlaine CacouaultBitaud5. « La féminisation d’une profession est-elle le signe d’une baisse de prestige ? ». Le constat de Pierre Bourdieu qui relevait que la féminisation est « à la fois un symptôme et une cause de la baisse de prestige » doit toujours être combattue avec force tant je suis persuadée que « les femmes ne sont pas venues concurrencer les hommes mais tout simplement occuper les places qu’ils avaient laissées vides » comme le démontre cette autre sociologue Anne-Chantal Hardy, à propos de la médecine6.
En réalité le regard que l’on peut avoir sur le sujet que je viens de développer dépend tout simplement de la perception que l’on a de la place des femmes dans la société ou plus exactement quant à leur rôle dans la société. Cela dépend de la capacité des interlocuteurs à s’extraire ou à se détacher de ses préjugés personnels souvent inconscients en un mot de son degré de sexisme ; que l’on soit un homme ou une femme. C’est pourquoi, il y a tout lieu de se réjouir que la campagne de recrutement entreprise récemment auprès des étudiants des universités ait porté des fruits à la fin de 2013 et que notre corps qui semblait avoir été boudé soit redevenu attractif pour les garçons comme pour les filles. C’est donc un signe de vitalité et de l’évolution des mentalités et même s’il existe des marges de manœuvre comme l’on dit dans les audits ! b) De l’évolution des droits de la femme à l’évolution du droit de la famille. Dans les années 1960, l’accès massif des filles à l’enseignement supérieur et leur entrée sur le marché du travail a conduit naturellement et progressivement à une remise en cause dans le droit de l’ordre patriarcal. Parallèlement à cette montée en puissance des femmes dans les professions judiciaires, depuis seulement 1965 les femmes mariées peuvent exercer une profession sans l’autorisation de leur mari ; en 1970 l’autorité parentale remplace la puissance paternelle ; en 1975 le droit à disposer de son corps est voté et le divorce par consentement mutuel est rétabli ; en 1985 c’est une nouvelle réforme des régimes matrimoniaux, les époux deviennent égaux aux yeux de la Loi ; en 1993 l’exercice conjoint de l’autorité parentale est consacré ; en 1994 ce sont les lois bioéthiques et le droit à la filiation grâce à la PMA qui sont votés; en 1999 le PACS ( pacte civil de solidarité) qui avait fait l’objet de débats passionnés est acquis ; en 2001 la suppression du concept de l’enfant adultérin est entérinée ; en 2006 ce n’est pas si loin de nous, l’alignement de l’âge légal du mariage pour les garçons et les filles à 18 ans et la loi relative à l’égalité salariale ; en 2008 c’est l’inscription dans la Constitution de « l’égal accès
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long et lent au point que le CSM s’est emparé du problème pour en connaître les raisons et en a fait son étude centrale de son dernier rapport paru en septembre 2013. Je ne pense pas que la justice se singularise sur ce point car à mon sens, elle s’intègre dans un phénomène beaucoup plus large de la féminisation des professions dans des domaines tels que la médecine, l’enseignement, et tous les métiers du droit par exemple. La féminisation est liée naturellement au contexte culturel et social et à l’éducation surtout depuis l’accès des filles à l’enseignement supérieur et à leur importante réussite dans les concours. Cependant de temps à autre ressurgissent des idées bien ancrées, des clichés, des stéréotypes et des interrogations qui ne peuvent que nous interpeler. Des réactions contemporaines ne peuvent aussi que nous surprendre comme l’emploi d’expressions et des comportements, sexistes, racistes, antisémites et xénophobes portant directement atteinte à nos valeurs de la République que sont « La liberté, l’égalité et la fraternité ». Elles ne peuvent que nous inquiéter et que nous faire réagir pour les combattre par le droit. Les femmes ou une femme sont encore la cible privilégiée de certains mais heureusement sur le plan de leur compétence, en tous les cas dans la fonction publique, à tout le moins je veux le croire, certains préjugés tendent à disparaitre. Encore que… En effet le temps n’est pas si lointain où il était fréquent d’entendre quelques appréciations dont je ne résiste pas à l’envie de vous faire partager toutes les nuances appropriées dans l’expression du langage. Ne disait-on pas d’un homme qu’il avait de l’autorité et que la femme était autoritaire ; l’homme lui, il avait des convictions mais elle, elle avait des a priori ; l’un souhaite faire carrière, elle, est ambitieuse ; il est brillant, elle est cérébrale ; il réfléchit, elle rassemble ses idées ; il réagit vivement, elle perd ses nerfs ; il est habile, elle est intrigante ; il s’exprime, elle bavarde ; il est actif, elle s’agite ; il a plein d’idées, elle se disperse ! Et ainsi de suite…. C’est ce que l’on peut assurément appeler des préjugés qui peuvent prêter effectivement à sourire mais aussi qui peuvent ressurgir et
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Rentrée solennelle des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales » ; en 2009 la réforme de la filiation abandonne les notions de filiation légitimes ou naturels ; en 2010 c’est la loi concernant les violences conjugales et l’éviction du mari violent notamment qui vient compléter tous les dispositifs votés depuis 2004 ; en 2012 la loi sur le harcèlement sexuel et en 2013 la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Ainsi par ces deux exemples : la féminisation du métier de juge et le droit des femmes, vous pouvez constater à quel point, ces 30 dernières années, il y a eu des évolutions majeures - pour le droit de la famille - et les nombreuses transformations subies par l’institution familiale en France avec une accélération de la modification des liens : familles monoparentales, divorcées, pacsées, recomposées et maintenant homoparentales. Ainsi les configurations familiales se sont diversifiées et même désormais apparait le terme de parentalité. Si le taux de divorce ne cesse d’augmenter à partir des années 1980, la structure même des divorces a changé. Actuellement le divorce par consentement mutuel est très largement majoritaire et même en ce qui concerne les divorces contentieux, il y a une forte baisse des divorces pour faute au profit des divorces acceptés et des divorces pour altération définitive du lien conjugal. Le droit et la Justice accompagnent donc les mouvements de la société mais force est de constater que la nature des contentieux et la façon de la rendre ont beaucoup évolué. C’est dire les enjeux futurs pour notre société et pour notre justice lorsque l’on sait que le contentieux de la famille, pris au sens large, représente sur un plan national environ 64 % du contentieux.
différentes missions à des magistrats ou d’éminents professeurs de droit ou d’avocats par exemple. Depuis 1980, j’ai compté plus de 35 rapports officiels sur la Justice qui fait qu’elle a été étudiée dans tous ses états. Elle a été ainsi auscultée très régulièrement sur son organisation, ses méthodes de travail, son fonctionnement interne, ses rapports avec ses partenaires habituels, le service qu’elle rend, sa qualité, sa célérité, son articulation avec les autres justices administratives ou européennes, sa cartographie, sa procédure, son accessibilité, sa lisibilité, sa gratuité, sa légitimité. Mais pas seulement l’Institution mais également tous ceux qui y collaborent, en particulier les magistrats et le personnel de greffe puisque nombre de ces rapports se sont penchés sur les métiers de justice, le contenu des missions et le périmètre de leurs actions. C’est pourquoi, après les nombreux travaux entrepris ces 20 dernières années tels que les entretiens de Vendôme en 2001 ou les travaux de la commission Guinchard en 2008, depuis avril 2013 la Garde des Sceaux a lancé une vaste réflexion sur la Justice afin de bâtir « La Justice du XXIème siècle » dont les travaux préparatoires conduits par 4 groupes ou enceintes de travail vont aboutir à des propositions de réformes qui seront débattues les 10 et 11 janvier à Paris par tous les acteurs de la vie judiciaire. Plus de 50 magistrats et fonctionnaires de cette cour vont y participer. « La Justice du XXIème siècle se trouve à l’articulation de deux mondes : un univers qui était exclusivement national et devient mondial, un monde fondé sur la relation et l’écrit et un monde dématérialisé et en partie déterritorialisé. A cela s’ajoute l’ambivalence des sociétés démocratiques : un demande massive d’arbitrage judiciaire et une revendication d’autonomie du sujet démocratique, et une particularité française, les sentiments mêlés que nourrit la culture française à l’égard du droit et des juges, alors que la justice est appelée à jouer un rôle plus important. Nous avons connu les limites du changement par la loi, puis du
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c) Vers une justice rénovée et en mouvement. Dans le même temps, en dehors de la sphère familiale, et chacun d’entre nous peut constater qu’ « une exceptionnelle judiciarisation des rapports sociaux est intervenue en France dans les 20 dernières années.Celle-ciadécoulépourpartiedel’environnement
international dans lequel notre pays évolue… Ce phénomène a eu pour conséquence de multiplier les occasions d’intervention des magistrats dans des univers ou à propos de sujets les plus variés. » comme le note le Conseil supérieur de la magistrature dans son dernier rapport de 2012. J’ajouterai en plus que ce phénomène a complexifié les rapports avec la Justice et nos concitoyens. Sous l’influence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme pour lesquels le recours au juge est un principe démocratique de la société, l’espace judiciaire confié aux juges, et dont ils sont les garants, s’est considérablement modifié. Le rôle du juge lui-même a changé dans son contenu comme dans son exercice. Souvent de juge à tout faire, il est devenu spécialiste en jonglant en outre avec les normes nationales, européennes, internationales et mondiales. Son espace judiciaire s’est élargi et s’est ancré au cœur des réalités quotidiennes de notre société mais aussi des politiques publiques. Si les magistrats du ministère public en sortant des palais de justice, pour conduire des politiques partenariales, ont vu aussi leur rôle évoluer, il faut rappeler ici, car c’est souvent oublié, qu’en matière pénale ce sont les décisions des juges qui rendent seule effective la politique pénale déterminée par le gouvernement et déclinée localement en terme de poursuite par le parquet. Ainsi le juge saisi concourt par le droit entièrement à cette politique qui protège ou punit nos concitoyens. Je dirai même plus c’est le juge qui lui donne son contenu et en fixe les contours ou les limites7. Mais nous le voyons bien toutes les lois successives et l’empilement des tâches des uns et des autres ont rendu moins lisible la place, le rôle ou l’action de la Justice et ce qui l’a sans doute écarté des citoyens d’où quelquefois une perte de confiance pour les uns et des découragements pour les autres. Ce n’est pas faute d’avoir été étudiée. En effet, étant au cœur du pacte démocratique elle a été l’objet de toutes les attentions de la part des parlementaires et des ministres qui ont confié
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changement par le seul management... La clé des réformes est autant chez les avocats ou chez nos concitoyens, héritiers d’une culture latine de l’honneur plus tournée vers la conflictualité que vers la conciliation, que chez les juges qui doivent trouver de nouveaux repères identitaires face au monde contemporain. Le changement doit s’appuyer sur les ressources des citoyens et des professionnels, en soutenant les pratiques qui innovent et répondent aux attentes contemporaines ». Telle est l’invitation à la réflexion d’Antoine Garapon, Sylvie Perdriolle et Boris Bernabé au terme de la présentation du rapport « La Prudence et l’autorité. L’Office du juge au XXIème siècle » réalisé par l’Institut des hautes études sur la justice à la demande de Madame la garde des Sceaux, Christiane Taubira. Oui je pense que ce débat est nécessaire et qu’une nouvelle fois il faut se pencher de façon concrète sur les difficultés de la Justice et envisager des remèdes. Seulement réformer la procédure et l’organisation judiciaire en recentrant le juge sur sa mission essentielle qui est de dire le droit n’apportera pas une solution miracle. Pour répondre à l’objectif essentiel de « garantir une justice de qualité, disponible pour tous selon ses besoins8 » et bâtir la Justice du XXIème siècle en mettant le citoyen au cœur du service public de la Justice, il conviendra qu’elle se réforme de façon consensuelle. En effet cette réflexion majeure implique des conséquences nombreuses qu’il faut évaluer et remettra certainement en cause des habitudes, des organisations fonctionnelles, géographiques, commandant d’autres types de gouvernance, interne et externe, pour tous les acteurs de justice dont le contenu des métiers et des missions peuvent évoluer de sorte que la place de chacun, à l’intérieur de configurations nouvelles, peut changer. Mais il faut en être bien convaincu. Actuellement le juge ne peut plus tout faire et tout traiter, ou alors il ne peut le faire que mal et dans des délais déraisonnables. Nous sommes parfaitement conscients les uns et les autres que les rapports de nos concitoyens et du droit se concrétisent sous deux aspects : le juridique qui se situe avant le procès et qui a un caractère nécessairement préventif et le judiciaire qui est le procès de nature curative9. Développer le juridique, tâche essentielle des avocats et aussi des professions juridiques dans leur
domaine propre ; c’est conseiller nos concitoyens ou usagers du droit dans les chemins qui les mènent au droit ou sur le droit chemin afin de leur éviter des difficultés ultérieures, et, si elles surviennent, de rechercher des solutions possibles en recourant à d’autres voies que le procès. Ainsi, à mon sens, la décision de saisir le juge ne devrait être que l’ultime recours et ne devrait se produire que parce que le système préventif n’a pas fonctionné. La subsidiarité n’a-t-elle pas sa place dans l’analyse des fonctionnements judiciaires ? Cette question est posée. Je me réjouis personnellement que dans le cadre de la réflexion sur la Justice du XXIème siècle, la conciliation, l’acte d’avocat, la procédure participative et la médiation dont nous avons montré à la GDS le 11 octobre dernier, ici dans cette enceinte, combien elle était nécessaire en amont du procès, soient des idées reprises dans les 67 propositions du rapport sur le Juge du XXIème siècle, qui seront prochainement et débattues en permettant au citoyen « d’être acteur de son litige10 » ou de recourir à des solutions négociées supervisées par un juge et garanties par les professionnels du droit. Ces derniers et en particulier les avocats, ont un rôle majeur à saisir. Je crois véritablement qu’il y va de leur avenir comme de celui de l’institution judiciaire en son ensemble. Pour connaître les avancées des réflexions qu’il n’y a pas lieu de confondre avec des décisions-
auxquels nous allons participer, je vous invite à suivre les travaux dans les journaux spécialisés qui ne manqueront pas de couvrir cet événement important pour le monde judiciaire mais aussi pour les citoyens qui seront placés « au cœur du service public de la Justice11 ». Arrivée au terme de mon propos, je formule le souhait, car la période s’y prête encore, que pour la nouvelle période qui s’ouvre, chacun se sente concerné, fasse des propositions ou apporte s’il le veut bien une contribution constructive, objective et sereine dans l’intérêt de la collectivité et de notre Justice y compris lors de la discussion en 2014 du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation de la peine en ayant parfaitement conscience que les détenus sortent toujours un jour ; que la peine prononcée doit avoir du sens pour le condamné comme pour les victimes et qu’il convient de faire en sorte que le temps passé en prison soit du temps utile pour la réinsertion et combattre, par cette voie, la récidive. Sur cette question il suffit quelquefois d’avoir un autre regard, sans idée préconçues. Certes, nous ne pouvons rien changer à ce qui est accompli. Mais tant qu’une action se projette dans l’avenir, nous pouvons agir et débattre. Comme le disait le premier Président Drai « Si le Droit est une arme politique, c’est par l’éducation et la formation civique, par le respect de la dignité de l’autre et la tolérance à l’égard de ce qui est différent, que s’assurent la paix et la tranquillité, même si la vie en démocratie implique naturellement le choc de la confrontation des idées12 ». 2014-21 A partir du discours tenue à l’audience de rentrée du 16 septembre 1969 sous le titre » Les Françaises sous la toge » Ce thème est developpé in Sociologies Pratiques : 91-99 (Cairn. info) 3 Article de Madame la Juge Bertha Wilson, Cour suprême du Canada 4 Cf la synthése sur « La féminisation des métiers de justice » Mission de recherche droit et justice : Responsable scientifique Professuer Mustapha Mekki 5 Cf Travail genre et société : 91-115 Cairn.info (Chercher, repérer, avancer) 6 Cf Le monde du 7/03/2011 7 Cf Discours d’installation de François Pion du 29 janvier 2010, en qualité de président du tribunal de grande instance de Marseille 8 Présentation de la Justice du 21ème siècle 9 Cf le discours du premier président en date du 3 janvier 1995 10 Idem 11 Idem 12 Audience solennelle de la Cour de cassation du 6 janvier 1993. 1
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Rentrée solennelle
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Jurisprudence
Spectacle de Dieudonné
Le juge des référés du Conseil d’Etat refuse de suspendre l’arrêté d’interdiction édicté par le Préfet de la Loire-Atlantique La procédure du référé-liberté permet au juge administratif des référés d’intervenir lorsqu’une illégalité manifeste porte une atteinte grave à une liberté fondamentale. Dans ce cadre, le juge des référés du Conseil d’Etat était saisi en appel d’une requête dirigée contre l’ordonnance du 9 janvier 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes suspendant l’exécution de l’arrêté du Préfet de la Loire-Atlantique interdisant la représentation, le même jour, du spectacle « Le Mur » de Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala au Zénith de Saint-Herblain. Le juge des référés du Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes et rejeté la demande en référé présentée par la SARL les Productions de la Plume et par Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala. En effet, il a relevé que la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre public mentionnés par l’arrêté du Préfet étaient établis tant par les pièces du dossier que par les échanges lors de l’audience publique. Il a estimé que les allégations, selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances du spectacle « Le Mur » tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes, ne suffisaient pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine. Il a rappelé qu’il appartient en outre à l’autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises. Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d’Etat a jugé que le Préfet de la Loire-Atlantique n’avait pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, d’illégalité grave et manifeste. Nous publions ci-dessous les deux décisions rendues dans cette affaire ainsi qu’un commentaire de François-Henri Briard, avocat aux Conseils, sur l’appréhension de la liberté d’expression par les Hautes juridictions française et américaine. Chloé Grenadou
Dieudonné, le Conseil d’Etat et les Etats-Unis
Le Conseil d’Etat : les attaques abjectes dont a fait l’objet le Président de la Section du contentieux tout comme les critiques acerbes formulées par certains juristes à l’égard de la décision qu’il a rendue appellent la contradiction. Il n’existe sans doute pas dans les institutions publiques de la France un lieu autre que le Palais Royal où soufflent davantage l’esprit critique, le sens du débat et le goût de la liberté. Le Président Bernard Stirn est un grand juge, profondément dévoué à son pays, et dont la culture juridique, l’indépendance et l’impartialité forcent le respect de tous ceux qui le connaissent, en particulier des avocats qui plaident devant lui. L’ordonnance qu’il a rendue constitue une parfaite illustration de l’équilibre que réalise le juge administratif français entre l’exercice des libertés publiques et les exigences de la cohésion sociale ; elle manifeste à nouveau la contribution essentielle du Conseil d’Etat à la continuité de la tradition républicaine, à la protection de la personne humaine et à la prévention des excès qui sont de nature à compromettre les fondements de la vie en société.
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François-Henri Briard
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es avocats sont les voix de la défense et de la liberté. Qu’il soit permis à l’un d’entre eux, qui pratique sa profession depuis un quart de siècle devant le Conseil d’Etat et qui fréquente assidument la Cour Suprême des Etats-Unis depuis vingt ans, de faire part de son point de vue.
Les Etats-Unis : certaines voix simplistes se sont élevées pour dénoncer l’approche française du lien entre la liberté d’expression et la préservation de l’ordre public, matériel et immatériel, en soutenant qu’aux Etats-Unis, où la liberté d’expression serait absolue, les choses ne se seraient pas passées ainsi. Il est vrai que pour des raisons qui tiennent à la philosophie politique de ce pays ainsi qu’à son histoire, la liberté d’expression, protégée par le
Premier Amendement de la Constitution de 1787, figure en lettres de feu au cœur de l’identité constitutionnelle de l’Amérique. Mais il est inexact d’affirmer que la liberté d’expression serait absolue de l’autre côté de l’Atlantique. Bien au contraire, la Cour Suprême des Etats-Unis met en œuvre une doctrine dite « Chaplinsky », du nom de l’arrêt de principe qui l’a inaugurée en 1942, qui place radicalement hors du champ d’application de la liberté d’expression les « fighting words », c’est-à-dire les discours agressifs ou insultants, qui n’ont comme finalité que de blesser ou d’inciter à rompre la paix publique. Dans cette affaire, la Cour avait précisément validé à l’unanimité une loi du New Hampshire qui prohibait les discours publics offensants et agressifs, non indispensables à l’expression des idées. Cette exception a ensuite été interprétée de façon restrictive. Mais elle existe ; et comme la solution retenue par le Conseil d’Etat dans l’affaire Dieudonne, elle peut donner lieu à des applications exceptionnelles. En France comme aux Etats-Unis, la liberté d’expression n’est pas absolue ; elle a une sœur jumelle qui porte un nom : la paix publique. 2014-26 François-Henri Briard Avocat associé auprès du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation ; il est Président de l’Institut Vergennes, fondé avec le Juge Antonin Scalia, membre de la Cour Suprême des Etats-Unis.
Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numéro 3
Jurisprudence
Tribunal administratif de Nantes Référé du 9 janvier 2014, Numéro 1400110 Société Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala L’ordonnance, Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2014 sous le numéro 1400110, présentée pour la Société Les Productions de la Plume, ayant son siège 1, rue des Volaillers à Saint Lubin de la Haye (28410) et Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala, par Maître Verdier ; La société Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala demandent au juge des référés : - de suspendre, sur le fondement de l’article L 521-2 du code de justice administrative, l’exécution de l’arrêté du 7 janvier 2014, par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a interdit le spectacle « Le Mur » qui doit avoir lieu le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain ; - d’enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de « laisser se dérouler ce spectacle » ; - de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative ; Ils soutiennent que : - la condition d’urgence est satisfaite ; l’organisation de la tournée de Dieudonné a été prévue de longue date et la commercialisation de la billetterie est effective depuis plusieurs semaines, plusieurs milliers de spectateurs ayant déjà réservé et acheté leurs billets ; la décision attaquée est de nature à leur causer un préjudice économique important en cas de remboursement de centaines de réservations de spectateurs ; - il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté du travail ; dans toutes les villes où Dieudonné s’est produit en 2012 et 2013 aucun incident n’a jamais été déploré en dépit de protestations préalables à la venue de l’artiste ; la liberté d’expression est garantie par la constitution et l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; elle est composée de la liberté d’expression artistique qui ne saurait faire l’objet d’un encadrement ; s’y ajoute la liberté de réunion consacrée par les lois des 30 juin 1881 et 28 mars 1907, à propos desquelles le Conseil d’Etat dans l’arrêt Benjamin du 19 mai 1933 rappelait que « la liberté est la règle, la restriction de police l’exception » ; la liberté du travail protégée par l’article 5 du préambules de la constitution de 1946 est également méconnue, dès lors que le producteur et l’artiste en représentation exécutent une prestation qui est leur travail ; - le Ministre de l’intérieur fait état dans sa circulaire du 6 janvier 2014 de spectacles ayant donné lieu à des infractions pénales et de ce que lesdites infractions seraient susceptibles d’affecter le respect dû à la dignité de la personne humaine ; or les condamnations pénales qui ont été prononcées ne résultent pas des spectacles mais de réactions à des évènements en relation avec des attaques personnelles ou des provocations particulières dont est l’objet Dieudonné M’Bala M’Bala enregistrées sur des vidéos postées sur internet ou faites à la presse ; quant à l’atteinte à la dignité humaine, elle ne peut juridiquement résulter que d’un acte ou d’un comportement et en aucun cas de paroles qui sont sanctionnées par l’infraction d’injure ou de diffamation ; - la circulaire du ministre de l’intérieur et l’arrêté du préfet de la LoireAtlantique sont dépassés, dès lors que le spectacle « Le Mur » vient d’être diffusé sur le site d’un hebdomadaire ; il est ainsi en libre accès sur Internet ; - les propos cités dans l’arrêté attaqué relèvent de l’humour ; ils ne présentent aucun caractère insultant, blessant, ou dégradant et ne caractérisent pas un grave trouble à l’ordre public ; la chanson « Chaud Ananas » en raison d’une
récente condamnation ne sera pas reprise par Dieudonné M’Bala M’Bala dans ses spectacles ; il n’a pas été condamné pour le geste dit de la « quenelle » ; Vu la décision attaquée ; Vu le mémoire enregistré le présenté par le préfet de la Loire-Atlantique, qui conclut au rejet de la requête ; Il soutient que : - l’urgence invoquée par les requérants n’est pas contestée ; - l’autorité administrative a entendu interdire le spectacle en tant qu’il constitue, en lui-même et à raison de son contenu un trouble à l’ordre public immatériel et pour prévenir les risques susceptibles d’être induits par le spectacle en matière de sécurité et de tranquillité publiques ; - l’accumulation de propos injurieux à l’encontre de personnes de religion ou de culture juive, incitant à la haine raciale contre ces personnes, voire de propos apologétiques de l’extermination des Juifs pendant la seconde guerre mondiale, dans le spectacle « le Mur » constitue en elle-même un trouble à l’ordre publique en raison de l’atteinte portée à la dignité humaine justifiant que ce spectacle soit interdit ; - le contenu du spectacle joué au Théâtre de la Main d’Or est désormais parfaitement connu pour avoir été joué à plusieurs reprises à Paris dans des termes identiques ; aux propos tenus est associée une gestuelle dit de la « quenelle » qui contient un message antisémite ; - par son contenu le spectacle porte à l’évidence atteinte à la dignité de la personne humaine ; les propos contenus dans le spectacle ne peuvent être regardés comme un dérapage ponctuel qu’expliquerait la libre expression artistique mais sont délibérés, réitérés en dépit de condamnations pénales précédentes et constituent un des ressorts essentiels de la représentation au regard de la mise en scène utilisée et de la référence à la gestuelle de la « quenelle » qui y est associée ; - il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police générale, même en l’absence de circonstances locales particulières d’interdire une manifestation qui porte atteinte en elle-même au respect de la dignité humaine ; la seule tenue du spectacle et la diffusion de paroles contraires à la dignité de la personne humaine, constitue en soi, un trouble public « immatériel » qui ne peut être prévenu que par l’interdiction de la représentation ; la circonstance que les propos pourraient faire l’objet de poursuites pénales, dont la finalité est répressive, ne saurait justifier l’inaction de l’autorité administrative dont l’action a une finalité préventive ; l’intéressé qui a fait l’objet de neuf condamnations dont sept définitives, n’a pas davantage renoncé à tenir de tels propos ; les trois spectacles qui se sont tenus le 5 janvier dernier comportent des propos et des scènes encore plus choquantes que ceux qui se sont tenus le 27 décembre 2013 ; - il existe des risques de troubles importants à l’échelon local qui légitiment l’interdiction ; ces risques ne sauraient être minimisés au regard de la taille de la salle dont toutes les places ont été vendues (6 500) et de l’exacerbation du débat, devenu extrêmement passionnel et risquant de drainer des manifestants en provenance de l’ensemble du territoire ; Vu les autres pièces du dossier, Vu la Constitution, notamment son préambule; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment son article 10 ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le code de justice administrative ; (...)
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Jurisprudence Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du Code de Justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » et qu’aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (…) » ; 2. Considérant que par arrêté du 7 janvier 2014 le préfet de la LoireAtlantique a interdit le spectacle « Le Mur » que doit tenir l’artiste Dieudonné M’Bala M’Bala le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain au motif que ce spectacle, d’une part, qui contient des propos injurieux à l’encontre des personnes de religion ou de culture juive, incitant à la haine raciale, et à des expressions apologétiques de l’exterminations des juifs pendant la seconde guerre mondiale, constitue en lui-même un trouble à l’ordre public, en raison de l’indignité et du trouble des consciences que ces propos provoquent et, d’autre part, qu’il est de nature à créer de sérieuses difficultés de maintien de l’ordre aux abords de la salle, en raison d’un contexte de vives réactions de réprobation et de l’annonce d’une manifestation en vue de perturber ou d’empêcher le spectacle ; que la société « Les Productions de la Plume » et Monsieur M’Bala M’Bala demandent au juge des référés du Tribunal administratif de Nantes, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre cette mesure d’interdiction ; Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : 3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » et qu’aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (…) » ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : « La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment (…) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique (…) / 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes tels que les (…) spectacles… » ; qu’en vertu de l’article L. 2215-1 du même code, le représentant de l’Etat dans le département peut prendre, dans tous les cas où il n’y aurait pas été pourvu par les autorités municipales toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques ; 5. Considérant, en premier lieu, qu’il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police municipale de prendre toute mesure destinée à prévenir une atteinte à l’ordre public ; que le respect de la dignité humaine est une des composantes de l’ordre public ; que l’autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en l’absence de circonstances locales particulières, interdire un spectacle qui, pour l’essentiel, porte atteinte à la dignité humaine ; 6. Considérant qu’aussi ambiguë que soit l’affiche retenue pour le spectacle de Monsieur M’Bala M’Bala au travers d’une gestuelle connotée, elle ne saurait suffire à faire regarder ce spectacle comme portant atteinte à la dignité humaine ; que s’il ressort des constatations opérées lors des séances du même spectacle des 27 décembre 2013 et 5 janvier 2014 au théâtre de la Main d’Or à Paris, non sérieusement contestées par Monsieur M’Bala M’Bala, que ce dernier a tenu des propos
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provocants et choquants à l’égard de faits historiques comme à l’encontre de personnes de la communauté juive lesquels sont susceptibles de relever d’incriminations pénales compte tenu d’une présentation qui excède les limites de la liberté d’expression, il n’est pas établi par les seules pièces du dossier que le spectacle ait été construit autour de cette thématique ni même qu’elle en constitue une partie essentielle ; que, par suite et dans les circonstances de l’espèce, le motif tiré de l’atteinte à la dignité humaine ne permettait pas de fonder légalement l’arrêté d’interdiction attaqué ; 7. Considérant, en deuxième lieu, que, s’il appartient à l’autorité administrative, en vertu des pouvoirs de police qu’elle détient en application des dispositions précitées, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, les interdictions édictées à ce titre doivent être justifiées par les troubles, risques ou menaces qu’il s’agit de prévenir et, dès lors qu’elles sont susceptibles de porter atteinte à une liberté, être strictement proportionnées à leur nécessité ; 8. Considérant, d’une part, qu’il est constant que Monsieur M’Bala M’Bala a fait l’objet de plusieurs condamnations pénales devenues définitives à la suite des propos qu’il a tenus tant dans ses spectacles que dans d’autres cadres ; que, toutefois, il n’est pas établi par les seules pièces du dossier qu’à l’occasion du spectacle prévu à Saint-Herblain le 9 janvier 2014, l’intéressé puisse être regardé comme ayant manifesté l’intention de reprendre les mêmes phrases et de commettre les mêmes infractions ; qu’en tout état de cause, alors qu’il appartient aux autorités investies du pouvoir de police, si elles s’y croient fondées, de prendre toutes dispositions utiles en vue de la constatation des infractions et de la poursuite de leurs auteurs devant les juridictions pénales, il n’est pas démontré que l’interdiction en cause serait seule de nature à s’opposer à ce que Monsieur M’Bala M’Bala profère des injures publiques envers des personnes ou des incitations à la haine raciale ou religieuse ; 9. Considérant, d’autre part, qu’il est constant le spectacle « Le Mur » prévu à Nantes apparaît comme la reprise, dans le cadre d’une tournée, du même spectacle présenté depuis plusieurs mois sur une scène parisienne ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette manifestation ait donné lieu, au cours de cette période, à des troubles à l’ordre public ; que si la préfecture de la Loire-Atlantique a été saisie de nombreuses protestations quant à la tenue du spectacle « Le Mur » et de la possibilité d’une manifestation devant la salle prévue pour le spectacle, il n’est pas justifié de ce que le préfet ne disposerait pas des moyens nécessaires propres à assurer le maintien de l’ordre public ; 10. Considérant que, dans ces conditions, la décision du 7 janvier 2014 portant interdiction de la tenue d’un spectacle, constitue une atteinte grave à la liberté d’expression ; qu’en l’absence de tout motif invoqué par le préfet de nature à la justifier, cette atteinte est manifestement illégale ; que compte tenu de la gravité de cette atteinte, qui empêche la tenue du spectacle prévu le 9 janvier, alors que ses organisateurs ont ouvert une campagne de réservation, la condition d’urgence requise par l’article L. 521-2 du Code de Justice administrative doit être regardée comme remplie ; que, par suite, il y a lieu de suspendre l’exécution de l’arrêté du 7 janvier 2014 ; Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du Code de Justice administrative : 11. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, la somme de 2 000 euros que demandent la société « Les Productions de la Plume » et Monsieur M’Bala M’Bala sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ; Ordonne : Article 1er : L’exécution de l’arrêté du 7 janvier 2004 du préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle « Le Mur » le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain est suspendue. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Les Productions de la Plume, Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala et au Ministre de l’intérieur. 2014-27
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Jurisprudence
Conseil d’Etat Ministre de l’interieur c/ Société Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala - Ordonnance du 9 janvier 2014 - Numéro 374508 Le Juge des référés, Vu le recours, enregistré le 9 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le ministre de l’intérieur, qui demande au juge des référés du Conseil d’Etat : 1°) d’annuler l’ordonnance n° 1400110 du 9 janvier 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l’exécution de l’arrêté du 7 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle « Le Mur » le 9 janvier 2014 à Saint- Herblain ; 2°) de rejeter la demande présentée, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes par la société Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala ; Il soutient que : - le préfet a pu, sans illégalité, procéder à l’interdiction du spectacle à raison de son contenu dès lors que ce dernier est connu et porte atteinte à la dignité de la personne humaine ; - le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a entaché son ordonnance d’une erreur manifeste d’appréciation en estimant que les troubles à l’ordre public susceptibles d’être provoqués par le spectacle n’étaient pas suffisants pour justifier la mesure attaquée ; Vu l’ordonnance attaquée ; (...) Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment le Préambule ; Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Vu le Code pénal ; Vu le Code général des collectivités territoriales ; Vu la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion ; Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; Vu les décisions du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, Benjamin du 19 mai 1933, commune de Morsang-sur-Orge du 27 octobre 1995 et Madame Hoffman-Glemane du 16 février 2009 ; Vu le code de justice administrative ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures » et qu’aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les N° 374508 3 mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (…) » ; 2. Considérant que le ministre de l’intérieur relève appel de l’ordonnance du 9 janvier 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l’exécution de l’arrêté du 7 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle « Le Mur » le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain ; 3. Considérant qu’en vertu de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, il appartient au juge administratif des référés d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale ; que l’usage par le juge des référés des pouvoirs qu’il tient de cet article est ainsi subordonné au caractère grave et manifeste de l’illégalité à l’origine d’une
atteinte à une liberté fondamentale ; que le deuxième alinéa de l’article R. 522-13 du Code de justice administrative prévoit que le juge des référés peut décider que son ordonnance sera exécutoire aussitôt qu’elle aura été rendue ; 4. Considérant que l’exercice de la liberté d’expression est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ; qu’il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l’exercice de la liberté de réunion ; que les atteintes portées, pour des exigences d’ordre public, à l’exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées ; 5. Considérant que, pour interdire la représentation à Saint-Herblain du spectacle « Le Mur », précédemment interprété au théâtre de la Main d’Or à Paris, le préfet de la Loire-Atlantique a relevé que ce spectacle, tel qu’il est conçu, contient des propos de caractère antisémite, qui incitent à la haine raciale, et font, en méconnaissance de la dignité de la personne humaine, l’apologie des discriminations, persécutions et exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale ; que l’arrêté contesté du préfet rappelle que Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala a fait l’objet de neuf condamnations pénales, dont sept sont définitives, pour des propos de même nature ; qu’il indique enfin que les réactions à la tenue du spectacle du 9 janvier font apparaître, dans un climat de vive tension, des risques sérieux de troubles à l’ordre public qu’il serait très difficile aux forces de police de maîtriser ; 6. Considérant que la réalité et la gravité des risques de troubles à l’ordre public mentionnés par l’arrêté litigieux sont établis tant par les pièces du dossier que par les échanges tenus au cours de l’audience publique ; qu’au regard du spectacle prévu, tel qu’il a été annoncé et programmé, les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisent pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la $tradition républicaine ; qu’il appartient en outre à l’autorité administrative de prendre les mesures de nature à éviter que des infractions pénales soient commises ; qu’ainsi, en se fondant sur les risques que le spectacle projeté représentait pour l’ordre public et sur la méconnaissance des principes au respect desquels il incombe aux autorités de l’Etat de veiller, le préfet de la Loire-Atlantique n’a pas commis, dans l’exercice de ses pouvoirs de police administrative, d’illégalité grave et manifeste ; 7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’intérieur est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a fait droit à la requête présentée, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, par la SARL Les Productions de la Plume et par Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala et à demander le rejet de la requête, y compris les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, présentée par ce dernier devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes. Ordonne : Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes en date du 9 janvier 2014 est annulée. Article 2 : La requête présentée par la SARL Les Productions de la Plume et par Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, y compris les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejetée. Article 3 : En application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative, la présente ordonnance est immédiatement exécutoire. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’intérieur, à la SARL Les Productions de la Plume et à Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala. 2014-28 Bernard Stirn
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Société
Droits des femmes et mixité professionnelle Château de Versailles, 6 janvier 2014
Marylise Lebranchu, Catherine Pégard, Jean-Marc Ayrault, Najat Vallaud-Belkacem et Michel Sapin
Lutter pour l’égalité par Jean-Marc Ayrault
P
lus d’un an a passé depuis le conseil interministériel des droits des femmes en novembre 2012. Un an de travail, de projets, d’expérimentations et d’actions concrètes qui ont permis d’avancer dans tous les domaines. 2013 a été l’année de la parité politique, et c’est pour les droits des femmes que nous en avons fait une pierre angulaire de nos réformes institutionnelles. Cette obligation a été étendue pour les élections municipales et sénatoriales. Elle a été généralisée pour les élections départementales, avec l’instauration d’un mode de scrutin qui permettra l’élection de 50 % de femmes dans tous les conseils généraux à compter de 2015. C’est pour les droits des femmes que nous avons mobilisé les partenaires sociaux autour de l’égalité professionnelle. Deux accords syndicaux ont été signés à cette occasion. Le premier l’a été dans la fonction publique le 8 mars dernier, et nous étions là, à Matignon, avec Marylise Lebranchu pour le signer
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aux côtés de l’ensemble des organisations syndicales représentatives. Et le deuxième au niveau national interprofessionnel le 19 juin, sous la conduite de Michel Sapin. C’est pour les droits des femmes que nous nous sommes efforcés de faire appliquer – enfin !- les obligations légales des entreprises. Et de ce point de vue, il y aura un avant et un après 2013. Grâce à la mobilisation du ministère du Travail, nous sommes ainsi passés de 2 mises en demeure adressées en juin 2012 à plus de 550 aujourd’hui ; 5 entreprises ont finalement été sanctionnées. Au-delà des contrôles, ce sont aussi les possibilités de négociation d’entreprise offertes par la loi qui ont été plus largement utilisées. Près de 4000 accords ou plans d’actions ont ainsi été transmis aux services de l’inspection du travail depuis un an. C’est pour les droits des femmes que nous avons engagé cette année la réforme du congé parental. Elle se concrétisera dans le projet de loi porté par Najat Vallaud-Belkacem et permettra d’impliquer davantage les pères
dans des obligations familiales dont trop d’entre eux s’exemptent encore aux dépens des femmes. Cette première réforme sera évaluée en 2016 et, s’il s’avère qu’elle fonctionne, nous l’amplifierons. Trop d’inégalités résultent encore du déséquilibre au sein des couples dans la gestion des tâches domestiques, et c’est pour permettre aux femmes de ne pas avoir à sacrifier leur travail que j’ai lancé, en juin dernier, un plan qui permettra de créer d’ici 2017 275 000 solutions d’accueil supplémentaires. La loi doit protéger, notamment les plus faibles, et c’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avons adopté le 25 novembre le plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes. Aucune violence déclarée ne doit rester sans réponse. Tout en découle, depuis la prise en charge sanitaire renouvelée des victimes en passant par leur mise à l’abri, via des réponses nouvelles pour lutter contre la récidive des auteurs, via le téléphone d’alerte, via l’ordonnance de protection renforcée ou des places d’hébergement dédiées et adaptées en nombre suffisant : 1650 solutions dédiées et adaptées
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J’ai souhaité consacrer ce premier déplacement officiel de l’année aux droits des femmes pour témoigner de la priorité que le Gouvernement accorde à ce combat. Et j’ai souhaité m’exprimer devant vous pour vous dire notre reconnaissance vis-à-vis de tous ceux qui, comme vous, ont contribué à faire de 2013 une année de progrès pour l’égalité dans notre pays. Jean-Marc Ayrault
Société supplémentaires d’ici 2017. Sur 3 ans, l’engagement de l’Etat s’élèvera à 66 millions d’euros, ce qui constitue un effort inédit. Mesdames et messieurs, l’égalité est dans tous nos projets. Nous avons donc agi partout, sans exclusive et sans tabou, parce que les inégalités elles-mêmes sont partout. Voilà pourquoi l’égalité femmeshommes ne peut être une simple option mais une politique intégrée portée par tous les ministres et présente dans toutes les politiques publiques. C’est la méthode que nous avons appliquée, et avec le recul de cette première année, l’expérience montre que cela peut faire la différence dans un projet de loi. Je pense en particulier à la réforme des retraites où la question de l’amélioration des pensions des femmes a été mise au cœur de notre projet, là où, en 2010, elle n’était vraiment apparue dans le débat que sous la pression des mouvements féministes. C’est sur cette impulsion qu’il nous faut désormais construire, et si j’ai souhaité vous réunir en ce début d’année 2014, c’est pour vous présenter aussi notre feuille de route pour l’égalité : un programme enrichi pour faire de 2014 une nouvelle année décisive pour les droits des femmes. Cela passera d’abord par une nouvelle logique de résultat et par la définition d’un certain nombre d’objectifs chiffrés dont chaque ministre assurera le suivi et sera le garant. Je pense à l’emploi des femmes, à l’égalité professionnelle, à la lutte contre la précarité et contre les violences faites aux femmes ou encore à la parité dans la sphère politique économique et sociale. Chaque ministre a reçu ce matin sa nouvelle feuille de route pour l’égalité. Chacun d’elles décline un ensemble de mesures qui portent sur les politiques dont il a la responsabilité.
Deux priorités transversales domineront par ailleurs notre action : 1ère priorité, nous devons mobiliser nos énergies pour accroître le taux d’activité et d’emploi des femmes. Il y a aujourd’hui encore 9 points d’écarts entre le taux d’emploi des femmes et celui des hommes. Cet écart est une perte de valeur inacceptable pour notre pays. Dans les quartiers de la politique de la ville, en 2012, plus de 40 % des femmes sont inactives. C’est pourquoi l’objectif, d’ici 2025, doit être d’annuler complètement l’écart de taux d’emploi entre femmes et hommes. L’OCDE estime qu’atteindre cet objectif permettrait d’accroître notre croissance potentielle de 0,5 point de croissance en plus par an. 0,5 points de croissance, cela paraît faible pris isolément, mais c’est considérable et c’est un levier important pour enrichir le contenu de la croissance en emplois. Pour y parvenir, il faut évidemment lever tous les obstacles au développement de l’activité des femmes. L’emploi des femmes doit devenir un pilier de notre nouveau modèle social. Nous en avons fait une des dimensions de la réforme de la politique familiale que j’ai annoncée en juin dernier. Ce fut aussi une des dimensions de la réforme des retraites. C’est aujourd’hui l’un des objectifs du compte personnel de formation. Et ce sera l’un des enjeux de la réforme des dispositifs de soutien aux travailleurs pauvres. Mais chacun doit aussi être conscient qu’il n’y aura pas de progression de l’emploi des femmes sans une amélioration de la qualité des emplois qu’elle occupe. Et cela implique une véritable mixité des métiers. Ce sera notre deuxième priorité pour 2014 : la mixité des métiers. Nous nous attaquons ici à un défi central. Songez que, dans notre pays, moins d’un métier sur 8 peut être considéré comme
TABLEAU DE BORD INTERMINISTÉRIEL DE L’ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES LES OBJECTIFS POUR L’EMPLOI
LES OBJECTIFS POUR L’ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE
LES OBJECTIFS POUR LA PARITÉ
réellement mixte. Cette situation pénalise non seulement les femmes mais notre économie tout entière en abaissant la réserve de talents disponibles et en renforçant les difficultés de recrutement pour les employeurs, notamment dans des secteurs où les emplois ne sont pas délocalisables. L’évolution spontanée de la société ne suffit pas sur ces questions. Les progrès enregistrés depuis 30 ans sont très modestes. C’est le rôle de l’Etat que d’intervenir. Certes des initiatives sont déjà prises, et nombreux sont les acteurs qui sont représentés ici ce matin qui y contribuent souvent de façon remarquable mais aucune politique n’a jamais été organisée en la matière, en travaillant avec les branches professionnelles, avec l’éducation nationale et avec les régions. C’est pourquoi nous mettrons en place, dès cette année, les réformes et les outils que nous permettrons d’ici 2025 qu’un tiers des métiers deviennent mixtes. Pour y parvenir, nous établirons tout au long de l’année 2014 dans 10 secteurs clés des plans d’actions mixité. Dans les métiers de la petite enfance, du grand âge, des services à la personne, de la sécurité civile, de l’énergie et du développement durable, ces actions seront construites avec les acteurs professionnels. Ils associeront des mesures de sensibilisation publique, de mobilisation de l’offre de formation et des filières d’apprentissage et un travail sur les processus de recrutement. Avec les partenaires sociaux, nous devrons travailler sur la lutte contre les discriminations au travail pour laquelle une concertation a été engagée à la suite du rapport de Mme PecautRivolier. Des concertations sont en cours qui permettront rapidement de définir les instruments de lutte contre les discriminations au travail et leurs modalités de mise en œuvre. Cela concernera la sphère professionnelle, mais aussi la sphère éducative qui conditionne l’accès aux métiers. Nous engagerons des programmes pour favoriser la mixité, dans les candidatures aux concours de l’enseignement ou dans les filières les plus concernées, en particulier de l’innovation scientifique et des technologies. Enfin, il n’y aura pas de progrès si nous ne savons pas intéresser le grand public à cette question. Nous lancerons donc une grande campagne de communication sur ce sujet en 2014. C’est une démarche d’ensemble que nous proposons dans laquelle toutes les politiques publiques servent l’égalité mais dans laquelle l’égalité sert aussi de moteur pour l’emploi, la croissance et le redressement de notre pays. Là est notre conviction profonde : il ne peut y avoir de redressement sans égalité. Il ne peut y avoir de reprise économique durable si trop de nos concitoyennes sont maintenues à l’écart de l’emploi, sans perspective d’évolution personnelle. L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est à nos yeux un levier puissant de modernisation de notre société. Voilà pourquoi vous nous trouverez toujours déterminés à faire avancer les droits des femmes. Non seulement parce que c’est la situation de millions de nos concitoyennes qui s’y joue, mais plus largement parce que c’est aussi l’avenir du pays tout entier qui en dépend. 2014-29
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Basile Ader Chevalier de la Légion d’honneur Paris, 14 janvier 2014
J
ean-Marc Delas a remis à son confrère Basile Ader les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur, l’émouvante cérémonie s’est déroulée mardi dernier dans la Bibliothèque de l’Ordre des Avocats de Paris face à de nombreuses personnalités des mondes du droit, du chiffre et de la presse ; l’Officiant s’est notamment exprimé en ces termes :
Certains ne se font jamais remarquer et s’en Certains ne se font jamais remarquer et s’en portent d’ailleurs très bien. D’autres mettent un temps fou à y parvenir et n’en sont pas toujours satisfaits. Et puis il y a les privilégiés, ceux qui attirent immédiatement la Lumière. Et en sont heureux. C’est le cas, évidemment, vous l’avez compris de Basile, notre Basile.
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Je dis notre Basile, parce que nous avons tous ici un lien singulier avec lui, qui nous amène tout naturellement à nous l’approprier. Il est à nous Basile, il est à moi ce soir à qui revient l’honneur d’évoquer ses multiples talents. Dois-je parler de talents ou de mérites ? La question est dévastatrice : impossible de la fuir, elle est au cœur de cette cérémonie. La première impression, qui est souvent la bonne, nous le savons depuis Coco Chanel, ne laisse aucun doute : chez Basile le talent précède le mérite. Ma mission ce soir, mais cela vous l’avez déjà compris aussi, est de vous faire croire le contraire. Alors allons-y sans perdre une seconde : Première apparition, premier exploit, 8 mars 1961 : C’est déjà le jour des femmes, mais personne à l’époque ne le sait.
Tu arrives en avance, très en avance. Et même prématuré. 7 mois et 1,7 kilo. 9 mars : 1,2 kilo et un destin qui se joue à quelques minutes près le temps de recevoir un sacrement très rare, dont le nom te va à merveille : l’ondoiement, c’est le baptême rapide de ce à qui on pourrait déjà donner l’extrême onction. 10 mars : le 3ème jour, conformément aux écritures, la vie est belle et ne cessera plus jamais de l’être. Le bonheur est toujours plus intéressant à vivre qu’à raconter. Alors même s’il est le fil conducteur de ton enfance et de ton adolescence, je le laisse à l’intimité familiale. Je ne vous dirai rien des week-ends à Pontchartrain et des vacances à Polyné, berceau familial, et surtout pays de cocagne où l’imagination galope plus vite que les chevaux.
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Décoration Rien sinon qu’ils permettent de comprendre : La longueur de ton drive, Ta passion du jeu, Ton goût de la compétition, Et au-dessus de tout, ton exceptionnelle aptitude à vivre avec les autres. Un enfant malin, vif, farceur, c’est le portrait que fait de toi Patchique, ta mère. Drôle aussi : Basile c’est un poisson, ça navigue, ça ondule, ça passe comme les saumons. Et une phrase qui résume tout : « Basile ne voulait rien rater ». Mai 1968, tu as sept ans, tu regardes le journal télévisé et tu lâches devant tes parents, un brin sidéré : « Ce n’est pas comme cela que ça s’est passé, j’y étais ». De telles dispositions si jeune laissent peu de choix : soit on devient journaliste, soit on devient avocat, nous n’en sommes pas là. Toi, tu as d’autres ambitions que de pousser l’assignation. Toi, tu as du talent. D’abord au collège, celui d’aller au plus court, à l’essentiel, sans t’encombrer du reste. Ensuite le moment venu, d’en avoir suffisamment sous le pied pour obtenir la mention « bien » au baccalauréat. Sous le pied, tu as surtout un ballon. Avec lequel tu joues à toute heure du jour et de la nuit. Personnellement je ne connais pas de meilleure formation : anticiper un rebond, ou une trajectoire, est infiniment plus difficile que de prévoir l’argumentation adverse. Tu n’inventes pas le football, mais tu inventes le football de rue, rue de Grenelle. A treize ans, tu reviens d’Angleterre avec un surnom qui me dispense d’être plus long sur ta conduite de balle et ton sens du jeu : « Brazil ». Tu es sélectionné parmi les meilleurs espoirs de la région parisienne. Tu es même entraineur, joueur, organisateur déjà, de l’équipe cadet de ton club, qui s’appelle « le bon conseil ». Est-ce bien raisonnable de persévérer ? Le théâtre t’apporte la réponse, on te fait monter sur scène pour un petit rôle. C’est toi qui fait rire, toi qui attire les regards. C’est une découverte. Tu apprends vite : on te confie les premiers rôles. Tu n’y es pas insensible, cela devient une passion. Tu arraches de pouvoir t’inscrire au cours Simon, mais pour faire plaisir à ton père, tu t’inscris aussi en première année de droit.
Vingt-deux ans déjà ; tu as traversé les études de la meilleure des façons. Tu as retenu, assez loin des premiers rangs, les vingt principes qui font de toi un juriste fin et délié pour la vie. Le reste t’est indifférent. Tu es donc prêt, prêt à ne rien faire. L’enfant qui commentait les évènements de mai 1968 a compris l’enseignement de Guy Debord ; il tient en trois mots : « ne travaillez jamais ». Heureux ceux qui partage ce privilège : j’en vois beaucoup autour de toi ce soir. Nous y voilà : avocat ou journaliste, tu n’en sais rien mais tu as l’intuition de la synthèse. Cette intuition, c’est l’étonnante histoire de Légipresse. Le hasard des rencontres met sur ton chemin Manuel Molina, ancien résistant, qui a dirigé la presse libre à Lyon. Il édite un bulletin de droit de la presse dont la diffusion est confidentielle. Tu le séduis et il insiste pour te céder le titre. Avec Charles-Henri Dubail tu en fais le Légipresse que nous connaissons, et que nous attendons avec presque autant d’impatience que la revue trimestrielle du droit civil. L’école de formation du Barreau est l’occasion d’une nouvelle rencontre, avec l’ennui. Seul le stage en juridiction t’en sauve, tu en profites pour prendre racine à la 17ème chambre. Et tu profites du temps libre qu’intelligemment tu t’accordes, pour suivre des procès d’Assises, Et là tu tombes en arrêt, fasciné. A mi-chemin, c’est ton expression, entre le choc intellectuel et le choc sentimental. C’est avec lui que tu veux travailler. Tu resteras cinq ans à ses côtés. Tu le vois faire chaque jour. Tu n’apprends pas, tu prends. Tout, Savoir quand il faut porter des coups, Savoir quand il faut se faire oublier, Comment interroger un témoin, Un exceptionnel sens de l’audience. Et puis être le collaborateur d’Henri Leclerc, c’est plaider, encore plaider. Dans l’heure qui suit ta prestation de serment en correctionnelle, moins de deux mois plus tard aux Assises. Et partout en France, devant toutes les juridictions. Voilà pour les fondations. La suite on ne sait pas par quel bout l’aborder.
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Jean-Marc Delas et Basile Ader
Un des tes amis a trouvé le mot juste, « Chez Basile, il n’y a rien à jeter ; tout est bon ». Entre les deux, il y a, je ne connais pas de meilleure transition, la « Conférence ». Comme beaucoup de ceux qui ont de la personnalité et du talent, il te faut les sculpter. Tu n’es pas élu la première fois, le problème c’est que celui qui préside le concours les deux années suivantes est le Bâtonnier Henri Ader. Tu attends la fin de son mandat pour concourir à nouveau. Tu arrives alors, conquérant, dans cette salle haute de la bibliothèque et tu commences sobrement : « Monsieur le Bâtonnier, je me présente, je ne m’appelle pas Henri ». C’est une très belle promotion que la tienne, unie par une forte amitié. Je ne cite pas tous ses membres car beaucoup préfère l’anonymat, certains pensent qu’il s’agit de la promotion Montebourg. Les plus avisés savent qu’il s’agit de la promotion Ader. Ah si j’allais oublier : tu es « Fusiller-Commando » de l’air pendant ton service national à Evreux. Courses de nuit, saut en parachute et sortie par le haut : Officier de renseignements, habilité secret défense. Déjà. Tu connais tous les chers soviétiques par leur nom, ce qui, convenez-en avec moi, nous aurait été bien utile si les Russes nous avaient attaqués. Rien à jeter donc, c’est une évidence pour ceux qui te connaissent, c’est une intuition chez ceux qui te découvrent. Le Ministre de la Culture ne s’y est pas trompé. Elle sait qui il fait aller chercher si on touche à la liberté d’expression. Pas seulement devant les Tribunaux. Ton rayon d’action et ton efficacité sont beaucoup plus larges. Je le dis pour les mauvais esprits qui ont toujours un doute quand on épingle un ruban rouge sur une belle robe noire. Depuis que tu as prêté serment, tu es sur le qui-vive. - une décision de justice est innovante : tu es le premier à la commenter, - on envisage une modification de la loi de 1881 : tu signes une tribune. « Dépénaliser la diffamation, c’est pénaliser la presse ». - internet bouleverse le droit de la presse : tu écris un article précurseur. Tu es suivi : les délits instantanés ne deviennent pas des infractions continues. - les Guignols de l’info vont trop loin : tu défends la nécessaire exception humoristique, - bientôt un « Que sais-je » qui s’intitule « La presse et la justice ». On te demande de l’écrire, l’occasion d’affirmer à nouveau, c’est ton crédo, que la justice n’a rien à cacher. Seul le secret de l’enquête doit être protégé. L’enfant farceur de Bossuet est devenu, sans s’en apercevoir, un auteur qui fait autorité. Une leçon pour tous ceux ici qui ont des enfants jeunes. Faites comme Henri et Patchique, montrez leur ce qu’est l’intelligence, dites-leur qu’ils sont champions du monde, et laissez les rêver. Vingt ans plus tard ils font la différence. Regardez Basile, et son air de ne pas y toucher. On pourrait le penser dandy et même un brin désinvolte. Certains l’ont cru, ils s’en mordent encore les doigts. Quand il laisse un pouce de terrain à l’adversaire, c’est pour mieux l’enfermer. Quand il baisse la garde, c’est pour mieux mener la contre-attaque. Un intégriste de la liberté d’expression pour l’un, un mercenaire du droit de la presse pour l’autre.
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Basile Ader
Les avocats qui s’affrontent dans les salles d’audience ont toujours, cela fait partie de leur charme, des mots doux pour ceux qui prennent trop la lumière. Œil d’aigle, jambe de cigogne, moustache de chat, dents de loups, voici les cadets de Gascogne qui font cocus les jaloux : voilà Basile. Il n’est pas plus intégriste que vous ou moi ; il est tout simplement inclassable et libre. - libre de participer aux universités d’été de la LICRA et de plaider pour le mot malheureux d’un parfumeur célèbre, - libre de défendre France Inter comme Valeurs Actuelles, Rue 89, comme Les Echos, l’Equipe, comme le Parisien, - libre de défendre le Pape comme un ancien directeur des renseignements généraux qui d’instinct comprend où est le meilleur rempart contre le déchaînement médiatique qui le menace, - libre, parce qu’au fond c’est la seule raison pour laquelle tu es devenu avocat. Ne croyez pas à la vocation qui se transmet. L’aïeul de Basile était sabotier dans une vallée de l’Armagnac. Son arrière-grand-père était aubergiste. Et son grand père a installé ses trois fils à Paris. Chez les Ader on n’a jamais fini de s’élever au-dessus de sa condition. Mais de quoi Basile est-il le prénom ? D’un roi pour les chrétiens orthodoxes, ou d’un diffamateur pour Beaumarchais ? Rien de moins : faites votre choix. Quatre ou cinq touches encore pour cette esquisse de portrait. Tout est facile pensez-vous ? Non, tout semble facile, ce qui n’a rien à voir. Qui n’a pas compris que derrière le dilettantisme apparent se cache une pugnacité et une ténacité hors du commun ? Basile aime le combat. - c’est toi qui obtiens avant l’heure qu’un accusé libre ne soit pas contraint de se constituer prisonnier la veille de l’examen de son pourvoi. La règle datait de François 1er. - c’est toi qui obtiens des résultats, encore des résultats au point d’y gagner le surnom d’ami des rédactions.
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- c’est vers toi que viennent ceux qui savent mieux que quiconque ce que veut dire « je fais confiance à la justice de mon pays ». Tu défends des avocats ; tu défends des magistrats. Et tu en es légitimement fier, c’est la plus belle des signatures. Voilà Basile, toujours en pointe, jamais battu, qui obtient aussi la nullité des perquisitions effectives chez les journalistes de l’Equipe dans l’affaire Cofidis. Il faut une loi : députés et sénateurs veulent, au moment de l’écrire, en savoir plus. Ils font appel à toi. Elle est adoptée : le secret des sources des journalistes est protégé. Pas d’exclusive : tu aides les juges à bien juger, tu peux bien aider les parlementaires à bien légiférer. Cela finit par se savoir en dehors de nos frontières. Le conseil de l’Europe te désigne comme expert et t’envoie en mission : - En Arménie, où tu participes à la rédaction de la loi sur la communication audiovisuelle, - En Serbie, où tu interviens juste après la chute de Milosevic, pour aider à mettre au point une nouvelle loi sur la presse. - Tu formes même des juges moldaves à l’application de la Convention européenne des droits de l’homme. Trois jours en forêt, moins loin, tu es un des huit sages, réunis autour de Bruno Frappat, qui dans le prolongement des Etats généraux de la presse, proposent, et rédigent un Code de déontologie des journalistes. Ils n’en veulent pas : ils ont peur de ressembler à des experts comptables, des policiers ou des postiers. Ecrire c’est retrancher disait Paul Morand, je crois, ou un autre. Faire ton éloge c’est donc éliminer. Alors rien sur les nombreuses écoles où tu enseignes, rien sur les missions qui te sont confiées ici et là, rien sur tes fonctions de membre du Conseil de l’Ordre. Rien sur infiniment de choses. J’arrête là. Tout ce que je viens de vous dire et de faire semblant de traiter comme étant l’essentiel ne l’est pas. Voilà pourquoi Basile s’astreint à travailler avec une parcimonie maîtrisée. La vie est ailleurs. Et il lui faut du temps, beaucoup de temps.
Du temps pour Sophie d’abord, du temps pour Sophie toujours. Elle est, dit joliment un de vos amis, ton épine dorsale. Je crois que ce sont les hommes doués, trop doués, qui ont le plus besoin d’une femme exigeante. Elle les empêche de se disperser, et même parfois de se perdre. Et quel sens aurait tout cela si vous ne le protégiez pas avec Jéromine, Louisiane, Cassandre et Satine ? Du temps ensuite pour la pelote basque et l’équipe de golf du Palais. Du temps aussi pour Henri et Patchique, Pierre et Augustin, Amélie et Colombine, qui occupent une place si importante. Du temps encore pour jouer, chaque première semaine d’avril au théâtre Rapp, avec « Conférence et compagnie » de grandes pièces du répertoire, avec une surprise tous les dix ans, l’acteur principal consent à lâcher le premier rôle à une femme. Du temps également pour les voyages : si vous cherchez Basile pendant les vacances, prenez une mappemonde. Je ne sais pas de quoi il faut être le plus admiratif et vous laisse juge. De l’art de vivre, peut-être. Alors je laisse le dernier mot, c’est un clin d’œil, à un de tes filleuls. Il m’envoie sur mon portable une photo de toi intervenant à la télévision à l’occasion d’un procès. Il en trouve la légende : « et voilà le Maestro ». La carrière professionnelle du récipiendaire a été retracée avec un remarquable talent. Qu’ajouter pour décrire l’exceptionnel parcours professionnel de ce grand spécialiste du droit de la presse ? Nous ne pouvons que nous associer aux compliments adressés à Basile Ader, dont les compétences et la modestie sont à l’image de ses valeurs morales, moteur d’une incontestable réussite. Sa droiture a été légitimement mise en lumière par la République et nous saluons très amicalement l’éminent juriste dont l’ouverture d’esprit et la loyauté reflètent ses qualités de cœur qui rivalisent avec l’amour qu’il porte à sa famille. 2014-30 Jean-René Tancrède
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