LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 16 janvier 2012 - Numéro 4 - 1,15 Euro - 93e année
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Jean-Claude Marin, Michel Mercier, Vincent Lamanda et Jean-Pierre Bel
Cour de cassation Rentrée solennelle - 9 janvier 2012 RENTRÉE SOLENNELLE Cour de cassation Mondialisation du droit par Vincent Lamanda .................................... Une identité formidable par Jean-Claude Marin .................................
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Cour des comptes
7 9 AGENDA ......................................................................................5 CULTURE
Du bon usage des instruments par Jean-François Bénard.................. Maillon de l’édifice démocratique par Didier Migaud .........................
Groupe Panhard Développement et Fondation du Domaine de Chantilly Signature de la convention de mécénat ..........................................
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COMMÉMORATION
100ème anniversaire de la naissance de Michel Debré ...13
ANNONCES LEGALES ...................................................16 ADJUDICATIONS................................................................22 DIRECT Praeferentia, première centrale d'achats groupés pour les avocats parisiens ......................................................23
ELECTIONS Conseil National des Barreaux Christian Charrière-Bournazel élu nouveau Président .....................
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’audience solennelle de Rentrée de la Cour de cassation qui s’est tenue le 9 janvier dernier, a réuni de nombreuses et prestigieuses personnalités parmi lesquelles Jean-Pierre Bel, Président du Sénat, Michel Mercier, Garde des Sceaux, Jean-Louis Debré, Président du Conseil constitutionnel, Jean-Marc Sauvé, Vice-Président du Conseil dEtat, Didier Migaud, Premier Président de la Cour des comptes, Jean-François Bénard, Procureur Général près la Cour des comptes, Gilles Thouvenin, nouveau Président de l’Ordre des Avocats aux Conseils, ainsi que son prédécesseur Didier Le Prado. Dressant le traditionnel bilan d’activité de l’année écoulée, le Premier Président Vincent Lamanda a rappelé que la Cour de cassation, avec 29.000 décisions mettant fin à l’instance de cassation et 490 questions prioritaires de constitutionnalité traitées dans les trois mois prévus par la loi, se place « en tête des cours européennes pour la diligence ». Vincent Lamanda a aussi évoqué lors de son intervention la volonté de la haute juridiction de « prendre pleinement en compte les transformations de notre droit et d’affronter les bouleversements d’une société mondialisée ». L’intégration européenne a en effet conduit à « l’émergence d’un fonds juridique commun » et à l’extension du champ d’action de la justice qui veille désormais « à l’application de règles supranationales, en s’affranchissant, de plus en plus, de son ancrage territorial. » Plaidant pour un dialogue renforcé entre les différentes cultures juridiques, le Premier Président de la Cour de cassation a estimé « qu’il n’y a pas de rayonnement unilatéral dans un monde global. » Afin de renforcer la coopération entres les institutions judiciaires, l’Association des Hautes Juridictions de Cassation des pays ayant en partage l’usage du Français (AHJUCAF) qui regroupe cinquante Cours
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Suprêmes, a lancé 15 octobre dernier JURICAF qui est une base de données regroupant près de 760 000 décisions judiciaires en français. La Cour de cassation, qui souhaite en outre s’ouvrir vers un public non francophone, a mis en ligne sur son site Internet les traductions en anglais, arabe, chinois, espagnol, japonais et russe d’une une centaine de ses arrêts les plus marquants. Evoquant le statut du Ministère Public, le Procureur Général Jean-Claude Marin s’est quant à lui adressé au Garde des Sceaux. Il a préconisé un alignement des conditions de nomination des magistrats du Parquet sur celles des magistrats du Siège « en formalisant le caractère impératif de l’avis donné par le Conseil Supérieur de la Magistrature sur les projets de nomination ». Cette réforme permettrait ainsi de « bannir le doute insidieux » qui pèse sur les décisions du Parquet, ce soupçon de dépendance avec le pouvoir politique, et ainsi de « faire taire ce murmure insupportable qui consiste à nier leur qualité même de magistrat » Jean-Claude Marin a aussi insisté sur l’inquiétude grandissante des magistrats du Parquet quant aux conditions d’exercice de leurs missions qui ont été dénoncées avec force par une résolution historique de la Conférence Nationale des Procureurs de la République le 8 décembre dernier. « Acteur de la Justice, porteur de l’immense tâche de défense de l’intérêt général que certains se plaisent à confondre avec l’intérêt du Gouvernement, porte parole du sens de l’action judiciaire à l’égard de la société civile et d’abord et surtout composé de magistrats, voilà ce qu’est profondément notre Parquet « à la française » » auquel le Procureur Général Jean-Claude Marin a souhaité rendre hommage. Jean-René Tancrède
J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE
Rentrée solennelle
LES ANNONCES DE LA SEINE
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Mondialisation du droit Didier Chotard Frédéric Bonaventura
par Vincent Lamanda (…)
Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 456 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS
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Copyright 2012 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2011 ; des Yvelines, du 20 décembre 2011 ; des Hauts-deSeine, du 28 décembre 2011 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 décembre 2011 ; du Val-de-Marne, du 20 décembre 2011 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.
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COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas
Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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Vincent Lamanda
oumises au rythme commandé par le flux des affaires, nos chambres sont parvenues, en 2011, à maintenir la cadence soutenue à laquelle elles s’astreignent. La plaquette, glissée dans l’annuaire que vous avez trouvé à votre place, détaille les informations utiles. J’observerai simplement que, l’an passé, plus de 29 000 décisions mettant fin à l’instance de cassation ont été rendues. En matière civile, à la progression de près de 3% des pourvois a répondu une augmentation de 8 % des affaires terminées. Les délais de jugement se sont, par suite, encore améliorés. En matière pénale, l’accroissement des recours, de l’ordre de 9 %, n’a pu être compensé par une hausse parallèle des arrêts. Toutefois, il n’aura fallu en moyenne qu’un peu plus de quatre mois à la chambre criminelle pour statuer. La Cour a été saisie de 490 questions prioritaires de constitutionnalité traitées dans les trois mois prévus par la loi. Situé en zone haute, ce bilan, qui nous place en tête des Cours européennes pour la diligence, repose en partie sur la modernisation de nos modes de procéder. A ce titre, dans quelques jours, va s’engager l’expérimentation de la signature électronique de certaines ordonnances, afin de parfaire la dématérialisation totale des procédures. Mais ce résultat est surtout le fruit d’une somme d’efforts individuels, consentis par tous, magistrats et fonctionnaires du greffe. Qu'ils en soient publiquement félicités et remerciés. Voilà un peu plus d’une semaine, nous tournions la dernière page du chapitre de l’année 2011. Avec son cortège de bouleversements géopolitiques, de catastrophes naturelles, aux conséquences aussi soudaines que tragiques, et
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l’aggravation d’une crise financière majeure, elle nous laisse inquiets et désemparés devant la nécessité de forger de nouveaux outils pour relever les immenses défis de demain. A l’actif des douze mois écoulés figurent pourtant des développements favorables qui sont autant d’encouragements à affronter résolument l’avenir. Des peuples qui en avaient été privés, ont manifesté leur volonté de liberté. Des identités se sont révélées réfractaires à la force. La puissance de l’absolutisme a cédé devant les aspirations à une expression plus démocratique de la souveraineté. Les habitants de la planète ont largement conscience du partage d’un même destin. Ils ont acquis la conviction d’une interdépendance face aux menaces pesant sur leur devenir commun, qu’il s’agisse d’atteintes environnementales ou de désordres engendrés par les défaillances de la régulation économique. Dorénavant, l’univers semble vivre sous le règne d’une omniprésente transparence. L’écho des clameurs que peuvent provoquer la répression d’une insurrection, la persécution d’une minorité ou la contestation d’un scrutin se répercutent «en temps réel» sur tous les continents. L’un des aspects les plus positifs de ce décloisonnement devrait être de favoriser l’expansion de valeurs portées par notre civilisation : les droits de l’homme, la démocratie et la solidarité. Leur avancée suscite bien des espoirs et contribue à réaffirmer, haut et fort, l’unité de la condition humaine. Ces tourments et ces évolutions n’ont pas épargné la justice. Elle n’a échappé ni aux effets de la crise, ni à l’incidence d’une affirmation renforcée des droits et libertés fondamentaux. La tâche du juge n’en est que plus exigeante. Régime de la garde à vue, contrôle des hospitalisations d’office, motivation des arrêts d’assises sont, parmi d’autres, trois exemples pour illustrer tant l’accélération des changements que la modification du cadre traditionnel de référence du juge : la loi, naguère glorifiée, devenue multiforme, est souvent querellée et parfois supplantée par un droit flexible et contingent. Le législateur doit alors reprendre l’ouvrage. Exercice ardu, car il lui faut satisfaire aux impératifs du moment, tout en se gardant d’alourdir par trop les procédures. Saisi en tenaille entre, d’une part, l’élargissement de ses missions, joint à l’extension de son champ d’action aux domaines constitutionnel et conventionnel, et d’autre part, une restriction des moyens dont il peut disposer, contrecoup d’un endettement public excessif, le juge a su cependant faire face avec sérénité et efficacité à cette configuration inédite. Qu’hommage soit donc rendu à l’ensemble de mes collègues magistrats, ainsi qu’aux fonctionnaires des greffes, avec lesquels ils sont inséparablement unis, mais aussi aux policiers, aux gendarmes et aux avocats, pour avoir eu à cœur, dans des conditions souvent difficiles, de réussir cette importante mutation, sans rien abdiquer d’essentiel. Tout en demeurant une des expressions privilégiées de la fonction régalienne d’un Etat, la Justice veille désormais aussi à l’application de règles supranationales, en s’affranchissant, de plus en plus, de son ancrage territorial.
Les Annonces de la Seine - lundi 16 janvier 2012 - numéro 4
Rentrée solennelle Au sein de l’Europe des 27, la primauté donnée au droit de l’Union sur le droit de chaque pays membre implique, pour le juge interne, l’obligation d'en assurer le plein effet, «en laissant, de sa propre autorité, au besoin inappliquée toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel». La question préjudicielle, base d’un dialogue fécond entre les juges nationaux et la Cour de justice de l’Union, a permis au magistrat français de s’approprier, chaque jour davantage, le droit européen.
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Mais l'essor des valeurs promues à l’é chelle européenne a permis notamment de renforcer les garanties offertes aux justiciables. Il s'est agi souvent d'un simple retour aux sources. Les principes proclamés sont ceux que, depuis plus de deux siècles, la France, patrie des Droits de l'Homme, n’a cessé de défendre et d’illustrer. C’est d’ailleurs moins une insuffisance des règles fondant nos institutions, que souligne parfois la Cour européenne des Droits de l’Homme, que leur mise en œuvre imparfaite qui n’en préserve pas assez l’effectivité. Fréquentes, en revanche, sont les décisions du juge français se référant aux concepts propres à la Convention. Il en va ainsi de notions comme
Hors des frontières de l’Europe, le français demeure un vecteur privilégié d’expansion de notre pensée juridique, grâce au Vincent Lamanda dynamisme de l’espace francophone.
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Dans un espace encore plus étendu, la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et les décisions de la Cour de Strasbourg ont sensiblement fait évoluer la jurisprudence. A présent, en France, les conditions d’un procès équitable et, plus largement, les droits et libertés conventionnellement garantis, irriguent tout le champ juridictionnel et guident la pratique des cours et tribunaux. En l’espace de quelques décennies, ceux-ci se sont affirmés dans leur rôle de juge naturel de la mise en œuvre de la Convention. Certes, le contrôle de conventionalité n’intervient qu’à l’occasion d’un procès déterminé sans que la loi critiquée soit, pour autant, retranchée du droit positif. Ecartée en l’espèce, la disposition réprouvée pourra être appliquée dans d’autres cas.
«l’apparence d’impartialité», «l’égalité des armes», ou du contrôle de proportionnalité et de celui de l’effectivité d’un droit ou d’un recours. Même s’il est encore prématuré de se prononcer quant à l’avenir réservé à la Charte des droits fondamentaux, désormais dotée de la force obligatoire que lui confère l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, une chose est sûre : cet autre texte essentiel ne peut que fortifier un dispositif de protection sans égal dont l’Europe peut légitimement s’enorgueillir. Pour que les vertus d’équilibre, d’écoute, d’impartialité et de célérité occupent toute la place cardinale qui est la leur, des adaptations ont été nécessaires. Le juge ne les a pas passivement subies. Il en est devenu l’un des principaux acteurs. Et demain, c’est avec la même ouverture d’esprit, le même sens du devoir qu’il contribuera à de nouveaux ajustements
pour qu’en toutes circonstances, la décision intervienne dans un délai raisonnable, à l’issue d’un débat contradictoire renouvelé. Si l’intégration européenne conduit à l’émergence d’un fonds juridique commun, elle a aussi pour effet d’aboutir à la lente élaboration de procédures hybrides empruntant leurs caractéristiques à la fois à la common law et au droit continental. L’accusatoire se diffuse dans l’inquisitoire et réciproquement. L’indépendance du pouvoir judiciaire s’affermit. Mais ce rapprochement à l’échelon européen n’exclut pas la concurrence des systèmes au niveau mondial. Nés tous deux en Europe, le droit romanogermanique ou droit continental et la common law demeurent les modèles juridiques les plus répandus et les plus influents de par le monde. Ce sont deux logiques, en partie différentes, reposant l'une sur l'autorité d'une jurisprudence censée «découvrir le droit», et l'autre sur un ensemble de normes préalablement édictées, voire idéalement codifiées. Chacune a ses mérites comme ses inconvénients. Dans les pays de common law, le droit se construit essentiellement à partir de situations vécues. Ce système est considéré comme concret et pragmatique. Mais il se révèle aussi extrêmement coûteux pour la société, en temps et en argent, et souvent fort inégalitaire. Quant au droit continental, s'il est plus lisible, plus cohérent et plus prévisible, il peut lui arriver de pêcher par excès d’abstraction, de complexité et d’éloignement des réalités sociales. En outre, il réserve aux activités publiques un traitement différent du droit commun. Il résulte de cette coexistence concurrente une sorte de mouvement de ciseaux : en Europe, une alliance de raison entre droit continental et common law, s’accompagnant d’enrichissements mutuels ; sur d’autres continents, un divorce entre eux d’autant plus conflictuel que les intérêts économiques soustendus sont importants. Face à ce constat, notre Cour a acquis la conviction qu’il n’y a pas de rayonnement unilatéral dans un monde global.
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Vincent Lamanda, Michel Gaudin et Jean-Claude Marin
Les Annonces de la Seine - lundi 16 janvier 2012 - numéro 4
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Elle est à l’origine du Réseau des présidents des Cours suprêmes judiciaires de l’Union européenne. Cette structure dont elle accueille le siège, offre aux plus hauts juges d’Europe un espace privilégié de communication et de concertation. Un portail commun de jurisprudence leur permet de savoir ce que des cours comparables à la leur ont pu déjà décider sur des questions semblables à celles dont ils sont saisis. Par leurs échanges réguliers avec leurs pairs, ils mesurent l’intensité d’une convergence croissante des solutions retenues, en dépit de la persistance, au sein d’un espace pourtant relativement homogène, d’importantes différences d’organisation judiciaire. Notre Parquet général a pris, à son tour, l’initiative d’établir un réseau symétrique des procureurs généraux. Ces instruments d’harmonisation et d’influences réciproques ont pour langues de travail le français et l’anglais. Ils permettent à la Cour de concourir à la défense de notre modèle de cassation, alliant tradition séculaire et modernité maîtrisée. Hors des frontières de l’Europe, le français demeure un vecteur privilégié d’expansion de notre pensée juridique, grâce au dynamisme de l’espace francophone. Dans cet autre domaine de la coopération juridique et judiciaire internationale, notre juridiction joue un rôle moteur au travers de l’Association des hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du Français (AHJUCAF) dont elle héberge le secrétariat général.
En la fondant, notre Cour a institué une enceinte de concertation transcendant les clivages économiques, politiques et culturels, afin que, rassemblées dans une approche partagée de l’Etat de droit, les cinquante juridictions qui la composent, œuvrent ensemble et parlent d’une même voix. Dans nos sociétés guettées par la massification et l’uniformisation, il s’agit d’un objectif particulièrement ambitieux que l’association a décliné, là aussi, sous forme électronique. Une base de données, en ligne depuis le 15 octobre dernier, regroupe les décisions des cours suprêmes fédérées sous son égide. Parallèlement, afin de mieux relever les défis posés par la mondialisation du droit et l’ère du «tout numérique», la Cour a beaucoup développé, ces dernières années, la coopération bilatérale avec ses homologues. Conventions de jumelage, programmes d’échange, missions d’expertise, actions de formation, forums spécialisés se sont multipliés. Dans cette démarche, nous savons pouvoir compter sur le soutien actif des magistrats et fonctionnaires français en poste dans les capitales étrangères, et placés sous l’autorité du Service des affaires européennes et internationales de la Chancellerie, ainsi que sur le précieux appui des directions concernées du ministère des Affaires étrangères et européennes. Complétant une présentation de la procédure de cassation dans les principales langues en usage dans le monde, plus d’une centaine de nos arrêts figurent sur notre site internet, traduits en anglais, arabe, chinois, espagnol, japonais et russe. Complexe en raison des
contraintes techniques de telles traductions, cette réalisation unique illustre la volonté de la Cour de permettre à un public non francophone d’avoir accès, où qu’il se trouve, à nos décisions les plus marquantes. De même, le choix de doter tous nos arrêts de l’identifiant européen de jurisprudence devrait rendre ceux-ci plus accessibles par les moteurs de recherche internationaux. En ouvrant la voie d’un dialogue renforcé entre les différentes cultures juridiques, notre juridiction démontre qu’elle a la volonté de prendre pleinement en compte les transformations de notre droit et d’affronter les bouleversements d’une société mondialisée. Le juge n’est pas isolé. Il appartient à une communauté nationale, elle-même partie intégrante d’un ensemble beaucoup plus vaste. Les relations personnelles s’y approfondissent, en favorisant une approche plus nuancée des pratiques professionnelles, de ce qui en constitue les atouts, comme de ce qui en demeure les faiblesses. Confortés par l’ouverture qu’apportent ces opportunités, soyons fiers de notre mission et de ce que nous sommes. Il est peu de réussites faciles, ni d’épreuves insurmontables. Le service de la Justice commande abnégation et patience, car le travail du juge procède par créations successives. Chacune est une réalisation plus accomplie d’un idéal élevé. A la lumière de valeurs partagées, demeurons, jour après jour, les artisans clairvoyants de cette œuvre permanente. (…)
Une identité formidable
(…) Je ne saurais mieux faire, à l'orée de ces propos, en pensant à votre immense contribution à l'image de ce parquet général et à votre mission au service du droit et du droit seul, que de rappeler les mots prononcés, lors de la rentrée solennelle de cette Cour le 16 février 1853, par le nouveau Procureur général d'alors, Monsieur de Royer. Celui-ci s'était ainsi exprimé: «Je sais d'ailleurs, combien mes nouveaux devoirs seront allégés par le concours habile et dévoué de messieurs les avocats généraux» (le parquet général et la cour toute entière n'étaient pas, à l'époque, un symbole vivant de la mixité) et poursuivait-il, «je sais toute l'importance que la Cour attache à leurs travaux et avec quel soin éclairé et soutenu ils répondent à cette précieuse confiance, je n'aurais pas de guide plus sûr que leur expérience et leur collaboration». Les temps ont bien changé me direz-vous et le rôle de l'avocat général à la Cour de cassation est maintenant souvent regardé comme celui d'un avocat général près la Cour de cassation. La sémantique est-elle plus forte que la réalité des institutions et leur utilité la Cité. Faut-il, à ce point, s'en remettre à Platon pour qui «La perversion de la cité commence par la fraude des mots», et le sens de ce subtil distinguo peut-il vraiment échapper à ceux qui connaissent notre institution, Faut-il rappeler que notre parquet général ne fait pas partie de la hiérarchie du Ministère public et qu'il n'exerce aucun rôle en rapport avec la notion d'action publique pour les affaires soumises à la Cour ?
Jean-Claude Marin
par Jean-Claude Marin (…) oici une nouvelle fois réuni, à l'orée de cette année nouvelle, les piliers de notre Ordre juridictionnel dont nous savons la tâche essentielle pour la clarté, la lisibilité et la modernité de notre droit. Chacune de ces institutions, à la place que la Constitution et la loi lui assigne, est garante essentielle de notre système juridique et judiciaire et, partant de notre démocratie toute entière. Vous me savez attaché au dialogue indispensable sur bien des sujets qui nous sont communs et j'espère que la mitoyenneté géographique des uns face à l'insularité de l'autre ne seront pas considérées comme un obstacle à de tels échanges. Mesdames et Messieurs les membres du Conseil supérieur de la magistrature, et plus particulièrement ceux d'entre vous qui, chers amis, participez à la formation compétente pour les magistrats du parquet. En cet instant si particulier, je tiens à vous dire publiquement combien les travaux de notre Conseil supérieur de la magistrature sont, grâce à vous, riches et fructueux, pluriels et rigoureux, exigeants et conviviaux, qu'il s'agisse de la formulation d'avis pour les nominations envisagées par Monsieur le garde des Sceaux ou des avis proposés au ministre en matière disciplinaire.
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Les Annonces de la Seine - lundi 16 janvier 2012 - numéro 4
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Rentrée solennelle
Rentrée solennelle Le procureur général près cette Cour ne reçoit d'ailleurs pas d'instruction du garde des Sceaux, hormis le cas rarissime d'ordre de pourvoi dans l'intérêt de la loi, pourvoi dont l'issue ne saurait modifier la situation des parties dans l'affaire concernée, situation qui se limite à la violation évidente du droit par une juridiction du fond alors que les parties n'auront pas, en temps utile, exercé elles-mêmes de recours. De même, je ne peux pas davantage donner la moindre instruction aux procureurs généraux des cours d'appel. Chaque membre de ce parquet général, chacun devrait le savoir, est indépendant et impartial et ne saurait recevoir d'instructions de conclure dans tel ou tel sens.
s'adapter aux considérations de la Cour de Strasbourg sans mettre à bas un système pluri séculaire porteur d'une justice éclairée. Le paradoxe culmine lorsque l'on sait que les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui ont la noble tâche de représenter les parties, les vraies parties au pourvoi, ont, par le canal de leur Ordre, toujours souhaité le maintien ou la légère amodiation de l'ancienne posture du Parquet général garant, à leurs yeux, d'une réelle égalité des armes, d'une transparence des débats et d'une intelligibilité des modalités d'élaboration des décisions rendues par la Cour de cassation. Je saisis cette occasion pour saluer et remercier le président Le Prado, et son successeur le
Agenda
39ÈME CONGRÈS JURIDIQUE SKILEX INTERNATIONAL
Skilex Maribor 2012
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Chaque membre de ce parquet général, chacun devrait le savoir, est indépendant et impartial et ne saurait recevoir d'instructions de conclure dans tel ou tel sens. Chacun, à sa place, le conseiller et l'avocat général n'a de guide que sa conscience, sa connaissance du droit et le service de l'ordonnancement Jean-Claude Marin juridique.
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Chacun, à sa place, le conseiller et l'avocat général n'a de guide que sa conscience, sa connaissance du droit et le service de l'ordonnancement juridique. La Cour de cassation ne juge pas des affaires, elle juge des décisions rendues par les juges du fond, doit-on encore le rappeler ? Dans ces conditions qualifier l'avocat général à la Cour de cassation de partie au procès est non seulement une erreur, que certains membres, en France, du Ministère public près les cours et tribunaux commettent également en reprochant à ce parquet général de ne pas soutenir leurs pourvois, mais encore cette qualification signe la méconnaissance du fonctionnement de cette Cour suprême en particulier et de l'ordre judiciaire français en général. Le conseiller Crépon, dans son ouvrage «Du pourvoi en cassation en matière civile» paru en 1892 note l'extrême plasticité des usages en matière de rapport et d'avis du rapporteur et insiste sur l'habitude en chambre des requêtes et parfois devant la chambre criminelle, de voir le Ministère public assister au délibéré en chambre du conseil, contrepoids indispensable, dit-il, à l'influence du conseiller rapporteur qui connaît parfaitement le dossier et peut imposer son opinion aux autres conseillers. L'opinion dissidente de sept juges dont le président d'alors de la Cour européenne des droits de l’Homme dans l'arrêt Kress du 7 juin 2001 était ainsi émise, et je cite: «Il serait souhaitable à nos yeux que, à l'avenir, la Cour reconsidère dans son ensemble sa jurisprudence sur la procédure devant les cours suprêmes qui fait la part trop belle aux apparences au détriment de traditions nationales respectables et, en définitive, de l'intérêt réel des justiciables.» Tout cela rend amer de voir la condition dans laquelle se trouve aujourd'hui ce parquet général alors que d'autres, en France et à l'étranger, dans des situations identiques ou proches, ont su
président Thouvenin pour la qualité des discussions qu'ils nous a été permis de tenir et de leur accueil favorable à la conclusion d'un protocole de travail entre les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et le parquet général de cette Cour destiné à permettre, dans un certain nombre de situations, un travail plus approfondi des membres de ce parquet général. Le projet de protocole est sur le point d'être finalisé et a été soumis à votre ordre il y a peu de temps. Dans le même esprit, et comme je l'avais envisagé lors de mon discours d'installation, j'ai pris des contacts avec des revues juridiques parmi les plus importantes pour que puissent être publiés, lorsque cela paraitra utile à la communauté des juristes, les avis des avocats généraux, qu'ils aient ou non été suivis par la Cour. Je vous sais, Monsieur le Premier président, attaché au fonctionnement harmonieux de notre Cour et je vous sais gré, avec les membres du parquet général, des efforts que vous avez déployés pour que notre maison retrouve, autant que faire se peut, ses marques. Mais ce qui frappe le presque nouvel arrivant que je suis lorsqu'il étudie de près le fonctionnement de cette juridiction, et qu'il écoute chacun des acteurs de «l’activité de notre Cour, c'est que notre institution ne fonctionne pas comme une institution, ni même comme une institution plurielle, dans l'exercice de cette fonction essentielle qu'est la régulation pour une cohérence dans l'interprétation et une prévisibilité dans l'application de la norme, mais que ce fonctionnement est, souvent, en effet, marqué essentiellement par l'individualité et l'atomisation des protocoles de travail dont la cartographie est malaisée à dessiner. Je n'ignore pas la volonté et l'action de certains, tant au siège qu'au parquet général, de mieux harmoniser ces protocoles dans le respect des rôles respectifs de chacun.
du 29 janvier au 5 février 2012 Maribor (Slovénie) Renseignements : www.skilex.eu
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7ÈME ÉDITION
Entretiens de la sauvegarde 30 janvier 2012 Maison de la Chimie - Paris 2ème Renseignements : 01 44 50 15 60 stephanie@ifppc.fr
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SALON DES ENTREPRENEURS
Paris 2012 1er et 2 février 2012 Palais des Congrès - Paris Renseignements : www.salondesentrepreneurs.com 2012-038
COLLOQUE CYCLE HISTOIRE ET JUSTICE 2012 : LES ÉCRIVAINS EN JUSTICE
L’affaire Tartuffe : Molière face à la justice royale 5 avril 2012 Cour de cassation - Paris 1er Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-039
SÉMINAIRE UIA
Football : contrats joueurs partage des droits et valeur économique 9 et 10 mars 2012 Buenos Aires - Argentine Renseignements : 01 44 88 55 66 uiacentre@uianet.org - www.uianet.org
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Photo © Jean-René Tancrède
Rentrée solennelle
Michel Mercier et Vincent Lamanda Je les salue volontiers car la marginalisation du Parquet général risquerait d'aboutir à une confusion des postures qui pourrait conduire le juge à ne plus être ce juge dont l'impartialité doit être objective conformément aux principes dégagés par la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés individuelles car le défaut de ce double regard si essentiel et de la fenêtre transparente sur la société civile manquerait nécessairement au juge qui tenterait alors de prendre le pouls de la société civile en dehors des chemins du contradictoire et de l'impartialité. Faisons, Monsieur le Premier président, mes chers collègues, de ce mot de Voltaire notre maxime ; «Un jour tout sera bien, voilà notre espérance Tout est bien aujourd'hui, voilà l'illusion.» Comment, avant de clore ces propos, ne pas évoquer, monsieur le garde des Sceaux, ce bouillonnement des idées et des propositions sur le statut du Ministère public dans notre pays mais aussi cette inquiétude de plus en plus exprimée des magistrats du parquet sur les conditions d'exercice de leurs missions, chaque jour plus nombreuses, plus prioritaires, plus impérieuses. Ces interrogations forment l'encre de la résolution de la conférence nationale des procureurs de la République dont les termes ont été approuvés au-delà du cercle des adhérents à cette conférence. L'année qui vient de s'achever a été marquée par tant de bouleversements engendrés par des jurisprudences, nationales ou européennes, parfois contradictoires entre elles dans le même Ordre juridictionnel, posant la problématique de la place des magistrats du Ministère public mais aussi par tant de textes nouveaux induisant pour ces derniers une insécurité juridique et des adaptations incessantes des moyens aux priorités, anciennes ou nouvelles, qu'il ne faut pas s'en étonner. Les magistrats du Ministère public, magistrats à part entière, sont, c'est connu, en première ligne dans le traitement de la criminalité et de la délinquance, véritables juges de l'opportunité des poursuites mais également des modalités de ces poursuites ; ils sont aussi en première ligne face à la Cité dans le cadre des politiques partenariales, impliqués également dans les mille sujets de la vie privée, économique et sociale de notre pays à raison de leur situation de partie principale ou jointe devant les juridictions civiles, commerciales ou du travail. La réforme constitutionnelle de 2008 et la loi
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organique de 2010 ont consacré un immense progrès en soumettant à l'avis du Conseil Supérieur de la magistrature compétent pour les magistrats du parquet, l'ensemble de vos propositions de nomination, Monsieur le garde des Sceaux, qu'il s'agisse du procureur général près la Cour de cassation ou de l'auditeur de justice lors de sa sortie de l'Ecole nationale de la magistrature. Mais cette avancée essentielle qui légitime davantage encore les nominations aux différentes fonctions du Ministère public, vous l'avez, vous-même perçue comme incomplète, comme, en quelque sorte, orpheline d'une étape cardinale. En affirmant, après d'autres de vos prédécesseurs, mais le premier s'agissant des plus hautes fonctions du parquet, que vous ne passeriez pas outre aux avis formulés par notre C.S.M., vous avez clairement indiqué la pierre qui manquait a l'édifice qui venait de se construire. Nous vous savons gré de ce courage personnel qui vous honore. La réforme des conditions de nomination des magistrats du parquet en les alignant sur celles des magistrats du siège, c'est-à-dire en formalisant le caractère impératif de l'avis donné par le CSM sur les projets de nomination, mettrait ainsi tout simplement en conformité la pratique que vous avez adoptée avec les textes. Il ne s'agit pas seulement de satisfaire un goût pour le bel ordonnancement de l'édifice juridique dans ce pays de droit écrit, c'est aussi une manière éclatante de mettre un terme à ces soupçons, certes infondés, qui oblitèrent gravement toute réforme en profondeur de la procédure pénale. Il ne s'agit pas non plus de brandir l'étendard de l'indépendance individuelle de chaque magistrat du parquet aboutissant, hors de tout lien hiérarchique, et la perte de cohérence dans la mise en œuvre de l'action publique et la réponse désordonnée aux phénomènes de criminalité et de délinquance dont nos concitoyens seraient les premières victimes. La nécessaire cohésion de l'action du Ministère public par l'existence d'un lien hiérarchique interne n'est pas sérieusement contestée, en tout cas pas par les magistrats du Ministère public, de même que n'est pas vraiment remise en cause la capacité que doit conserver le gouvernement d'imprimer des axes de politiques pénales par des instructions générales traduisant ainsi la volonté exprimée par les Français en portant aux rênes du pouvoir telle ou telle majorité. De même, la capacité donnée, par des instructions individuelles de poursuites, écrites, moti-
vées et soumises au débat contradictoire, dans les termes actuels du Code de procédure pénale, ne devrait pas être critiquée puisqu'il s'agit, par l'exigence d'un acte de poursuite, de soumettre l'affaire au juge qui statuera en toute impartialité, non sans avoir entendu préalablement la parole libre du Ministère public. Mais cela ne suffit pas, ne suffit plus ! Ne suffit plus non plus, l'exhorte du Procureur général de la Cour de cassation aux magistrats, le 3 novembre 1929, «Aujourd'hui on ne cesse de nous dire l'opinion publique est là. Que le magistrat réponde toujours la conscience est ici !» Ce que nos magistrats du Parquet demandent, c'est simplement de bannir le doute insidieux qui pèse sur chacune de leurs décisions, prises tout en conscience, et de faire taire ce murmure insupportable qui consiste à nier leur qualité même de magistrat en remettant en cause leur serment, le même que celui des magistrats du siège, en instillant la mélodie du «Qui t'a fait roi ? ». Cela est injuste, inconséquent et absurde et nous connaissons tous le moyen d'y remédier. Cela est d'autant plus insupportable que les magistrats de notre Ministère public français sont investis dans une amélioration perpétuelle de leurs modes d'action, dans une adaptation sans cesse renouvelée à un contexte normatif dont la stabilité et la lisibilité appartiennent au passé, dans la recherche toujours en mouvement d'une réponse judiciaire plus lisible et dans la résolution si difficile de cette équation qui s'impose a eux chaque jour, chaque heure, chaque minute, jour et nuit, qui met en balance d'un côté, la cohérence de l'image d'une Justice égale et équilibrée et, de l'autre, une approche la plus individuelle possible, c'est-à-dire la plus efficace possible, de situations qui leur sont soumises. Acteur de la Justice, porteur de l'immense tâche de défense de l'intérêt général que certains se plaisent à confondre avec l'intérêt du gouvernement, porte-parole du sens de l'action judiciaire a l'égard de la société civile et d'abord et surtout composé de magistrats, voila ce qu'est profondément notre parquet «à la française». Il faut être conscient de ce travail considérable, de cette identité formidable et être fier que cette institution incomparable soit celle du Ministère public de notre pays. Je sais que certains ont les yeux de Chimène pour le système, qu'ils connaissent souvent mal, prévalant Outre-Manche. Je me demande à cet égard si l'appréciation d'Alexis de Tocqueville, dans «l'état social et politique de la France avant et depuis 1789» sur la connaissance qu'ont, Français et Britanniques, de leurs institutions réciproques est si datée que cela «Chacun s'en tient, disait-il, a une demie science, plus dangereuse que l'ignorance complète et songe à peine à s'éclairer», Ajoutant «Ces deux grands peuples se sont imités sans se comprendre». C'est la fierté et la reconnaissance dues à ces magistrats que je voulais partager avec vous aujourd'hui. Pour Chateaubriand, «le purgatoire surpasse, en poésie, le ciel et l'enfer en ce qu'il présente un avenir qui manque aux premiers»; Nous sommes donc modestes, nous ne demandons que le purgatoire, c'est-à-dire l'avenir d'un ciel. (…) 2012-035
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Rentrée solennelle
Cour des comptes Paris - 5 janvier 2012
L’audience solennelle de rentrée de la Cour des comptes s’est déroulée le 5 janvier dernier en présence de nombreux membres du Gouvernement et du Parlement au premier rang desquels Valérie Pécresse, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’Etat et Michel Mercier, Ministre de la Justice et des Libertés. Le Procureur Général Jean-François Bénard a consacré son propos à l’actualité en évoquant successivement la clarté des comptes, les démarches évaluatives et le respect de l’ordre juridique. Le Premier Président Didier Migaud a ensuite rappelé les quatre principes fondamentaux en matière budgétaire et financière : - « Il faut s’éloigner de la zone dangereuse dans laquelle notre pays est entré » et redresser rapidement les comptes publics, il s’agit d’une « nécessité impérieuse. » Le niveau de l’endettement public s’élève à 85,3% du PIB, alors qu’il ne dépassait pas 35 % en 1990. - « Il importe de fiabiliser les engagements de la France en matière de finances publiques. » Le non respect des engagements internationaux de notre pays, en particulier des programmes de stabilité adressés à la Commission européenne, est de nature à nuire à la crédibilité de notre pays. » - « Les déficits sociaux doivent être éliminés. » La dette sociale accumulée est un « poison pour notre système de protection sociale. » Si des décisions ont déjà été prises, un effort accru doit être mis en œuvre. - « Les mesures de redressement de nos comptes doivent porter à la fois sur les recettes et les dépenses, davantage sur les dépenses que sur les recettes. » Les dépenses de sécurité sociale qui représentent 46 % des dépenses publiques comme celles des collectivités locales qui ont connu une forte croissance au cours des deux dernières décennies pour atteindre 21% sont tout particulièrement concernées. Au titre du bilan d’activité de la haute juridiction financière, Didier Migaud a rappelé que 18 rapports ont été réalisés à la demande du Parlement et que 11 rapports publics thématiques ont éclairé le débat public au cours de l’année écoulée. Il s’est par ailleurs réjoui des récentes avancées législatives, tout particulièrement la loi 13 décembre 2011, relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles qui a conforté l’ensemble des juridictions financières dans leur capacité à remplir leurs missions : juger, contrôler, évaluer, formuler des recommandations et, « en conséquence, à être plus utiles encore aux décideurs et aux citoyens. » Jean-René Tancrède
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Jean-François Bénard
Du bon usage des instruments par Jean-François Bénard equel d’entre nous, lisant l’Odyssée, n’a pas compati aux souffrances d’Ulysse, admiré le courage de ce voyageur intrépide et salué son habileté à triompher des périls ? Mais ouvrons l’autre livre fondateur de l’imaginaire occidental, la Divine
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Comédie, et descendons avec Dante dans les orbes infernales. A la huitième bolge, voici le même Ulysse, au milieu de ceux qui subissent le châtiment sans appel. N’est-il pas surprenant de rencontrer un héros si doué et si attachant dans ce lieu maudit ? Que Dante lui reprochet-il au juste ? La réponse à cette question est laissée à la perspicacité du lecteur. Suggérons une interprétation. Le désir d’Ulysse pour la mer l’a emporté sur son désir du port. Il a, inconsciemment peut-être, privilégié la navigation au détriment du retour. Dans le tourbillon des événements, il a oublié son premier devoir, qui était de revenir au plus vite auprès des siens quand ceux-ci avaient besoin de lui. Son attention n’aurait pas dû se porter sur l’élément liquide, aussi fascinant soit-il, mais sur le gouvernail, les agrès et le compas, pour rallier efficacement le but. Le bon usage des instruments est la clé du succès de l’action. Peut-être penserez-vous qu’une telle maxime substitue la prose à la poésie. Elle touche pourtant au cœur du message des juridictions financières, et elle justifie leur mission : dresser un constat réaliste, vérifier la régularité de l’action, prendre objectivement la mesure des résultats obtenus, en un mot inciter les décideurs publics à s’appuyer sur des éléments solides pour fonder les décisions qu’ils ont à prendre. Aujourd’hui, je me propose de donner quelques exemples de cette démarche, en évoquant devant vous trois sujets auxquels les
événements récents ont donné une actualité nouvelle : la qualité des comptes, le respect de l’ordonnancement juridique et la mise en place des démarches évaluatives.
I. La qualité des comptes Affirmer d’un sujet qu’il n’est qu’un problème comptable a longtemps permis d’en dirimer l’importance. Pourtant, Charles Dickens faisait déjà dire à David Copperfield : «Revenu annuel : vingt livres ; dépenses annuelles : dix-neuf livres et six shillings ; résultat : bonheur. - Revenu annuel : vingt livres ; dépenses annuelles: vingt livres et six shillings ; résultat : misère.» La crise actuelle est largement une crise de confiance. Les institutions financières ellesmêmes doutent du bilan les unes des autres. A différentes reprises dans la période récente, l’information comptable a été défaillante, par exemple quand il s’est agi d’apprécier les risques engendrés par les subprimes ou la situation réelle de la Grèce au regard des critères de la zone euro. De ce fait, la fiabilité des comptes, qui n’intéressait jusque-là que les spécialistes, est devenu un sujet à enjeu politique. Tirant la conséquence de cette évolution, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a étendu aux administrations publiques les obligations de sincérité et de régularité comptables que le Code de commerce assigne aux entreprises. Conformément à leur vocation, les juridictions
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Rentrée solennelle démarche de certification, cette préoccupation séculaire a trouvé une nouvelle réponse, adaptée aux exigences de notre temps.
II. Le respect de l’ordre juridique S’il convient que les comptes des administrations publiques soient correctement tenus, il importe plus encore que les opérations qu’ils décrivent soient régulières. Selon le mémorial de Sainte-Hélène, «Napoléon jouissait d’une réputation singulière parmi les bureaucrates et les faiseurs de chiffres. C’est qu’il s’y entendait réellement lui-même. Ce qui commença ma réputation, disait-il, fut que vérifiant la balance d’une année lors du Consulat, je relevai une erreur de deux millions au désavantage de la République. On fut plusieurs mois à la
séparation des ordonnateurs et des comptables, et affirmé le régime de responsabilité personnelle propre aux agents comptables. Ces dispositions forment toujours le socle de notre droit des finances publiques ; et le règlement général budgétaire et comptable en préparation ne s’en éloignera pas. Mais la conscience juridique des siècles antérieurs n’est plus celle d’aujourd’hui. Des adaptations étaient nécessaires. Elles ont d’abord porté sur les procédures, modernisées par la loi du 28 octobre 2008, et tout récemment sur le fond. L’article 90 de la loi de finances rectificative promulguée le 28 décembre dernier a en effet modifié l’article 60 de la loi du 23 février 1963, texte que visent toutes nos décisions juridictionnelles. Les nouvelles dispositions garantissent la mise en jeu effective de la responsabilité pécuniaire des comptables lorsque des paiements irréguliers ont causé un préjudice aux organismes publics.
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L’exigence de certification ne cesse de s’étendre au sein de la sphère publique (…). Cette dynamique est irréversible. Elle répond à l’attente des marchés, qui veulent connaître la situation réelle des emprunteurs pour mesurer les risques qu’ils encourent. Plus Jean-François Bénard encore, elle fait partie de l’exigence démocratique.
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Trésorerie à pouvoir découvrir l’erreur : elle se trouva enfin dans un compte du fournisseur Seguin, qui en convint aussitôt et restitua, disant qu’il s’était trompé.» Après cette confidence, on ne s’étonnera pas que la loi de 1807 ait consacré le principe de
Il semble d’ailleurs que notre époque accepte de moins en moins les affirmations de responsabilités dont elle juge les conséquences par trop formelles. La jurisprudence de la Cour de discipline budgétaire et financière connaît une évolution parallèle. Les saisines de cette
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financières ont de tout temps été attentives à la qualité des comptes des organismes publics. Les chambres régionales des comptes formulent fréquemment des observations relatives aux charges à payer ou à l’exhaustivité de la description patrimoniale des collectivités territoriales. La Cour examine avec soin les comptes des entreprises publiques, même si, depuis l’intervention de la loi du 13 décembre dernier, elle n’est plus tenue d’exprimer un avis formel «sur la régularité et la sincérité» de ceuxci. Certaines défaillances peuvent même donner lieu à des suites juridictionnelles, par exemple lorsque des anomalies sont constatées dans l’enchaînement des comptes ou que les états de développement des restes ne justifient pas les soldes du bilan. Cette responsabilité traditionnelle des juridictions financières trouve son expression la plus achevée dans la démarche de certification des comptes. Depuis 2006, la Cour certifie les comptes de l’Etat et ceux du régime général de Sécurité sociale. L’exigence de certification ne cesse de s’étendre au sein de la sphère publique ; les juridictions financières et les commissaires aux comptes auront à s’organiser pour répondre à la demande. Cette dynamique est irréversible. Elle répond à l’attente des marchés, qui veulent connaître la situation réelle des emprunteurs pour mesurer les risques qu’ils encourent. Plus encore, elle fait partie de l’exigence démocratique. Dans sa monumentale histoire du consulat et de l’empire, Thiers s’exprimait ainsi : «Napoléon compléta les mesures financières qu’il avait prises par l’établissement de la nouvelle comptabilité en partie double, laquelle acheva d’introduire dans nos finances la clarté admirable qui n’a cessé d’y régner depuis lors». Monsieur le président de l’Assemblée nationale, Madame et Messieurs les ministres, il faut saluer la décision du législateur et le travail accompli par l’administration : par la
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Rentrée solennelle juridiction, qui peut condamner à l’amende les gestionnaires publics lorsqu’ils n’ont pas respecté les règles d’exécution des recettes ou des dépenses, deviennent plus fréquentes. De plus, un débat s’est instauré sur le domaine de compétence de la Cour. Aujourd’hui n’en sont justiciables ni les élus locaux, pour les opérations des collectivités territoriales, ni les ministres, pour celles de l’Etat. Votre prédécesseur, Monsieur le Premier président, avait exprimé avec vivacité ce qu’il pensait de ces restrictions. Gageons que la réflexion qu’il a lancée connaîtra un jour ou l’autre de nouveaux rebondissements. Il peut enfin arriver que les juridictions financières constatent des manquements à la probité de la part des fonctionnaires qu’elles contrôlent. Ces situations, heureusement rares, relèvent de la juridiction pénale. Dans ce domaine également, l’opinion attend davantage de fermeté dans la sanction des irrégularités commises. La coopération entre les juridictions judiciaires et financières en ce domaine ne cesse de se développer. Pas moins de 29 signalements aux procureurs de la République ont été effectués pendant la seule année 2011. Monsieur le garde des Sceaux, je puis vous donner l’assurance que les échanges d’informations entre parquets que ces affaires impliquent se déroulent de part et d’autre avec efficacité.
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Didier Migaud
Maillon de l’édifice démocratique par Didier Migaud e vous remercie, Monsieur le Procureur général, de vos propos sur la clarté des comptes, les démarches évaluatives et le respect de l’ordre juridique. Je reviendrai brièvement sur la responsabilité des comptables et des gestionnaires publics. En ces premiers jours de 2012, notre traditionnelle audience solennelle de début d’année a lieu dans un contexte économique difficile, marqué par une dégradation de la
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III. Les démarches évaluatives Même appuyées sur des constats solides et mises en œuvre de façon régulière, les politiques publiques n’apportent pas toujours les résultats escomptés. Certes, face à la complexité de la société moderne, les échecs qui peuvent être rencontrés ne sont pas en euxmêmes condamnables. Ce qui pourrait l’être en revanche, c’est l’oubli ou le refus de les analyser et d’en tirer les conséquences. Le management des entreprises a enseigné l’importance du retour d’expérience. Celui-ci s’appuie aujourd’hui sur des techniques élaborées. Il a fait la preuve de son efficacité. Son usage est devenu systématique, notamment pour la prévention des accidents ou la gestion des crises. Il n’en est que plus curieux de constater le retard avec lequel ce concept s’est introduit dans la gestion publique. Les juridictions financières souhaitent contribuer à résorber ce retard. La Cour des comptes peut mener des enquêtes à la demande du législateur, depuis la loi organique sur les lois de finances, et à la demande du Premier ministre, depuis la loi du 13 décembre dernier. Mais le constituant a introduit une novation plus radicale. Par la réforme
balance commerciale de notre pays, une accélération de la destruction des emplois industriels, une poussée du chômage et une progression forte de l’endettement public. Ces difficultés accrues interviennent dans le contexte d’une crise des dettes souveraines en Europe et, plus généralement, d’une crise économique qui touche de très nombreux pays dans le monde. Dans le cadre des missions que lui confie la Constitution, la Cour, plus que jamais, doit jouer son rôle de vigie, d’alerte, mais aussi de force de propositions en matière de finances publiques : elle le fait à l’occasion de deux rendez-vous désormais traditionnels - au début de l’année, avec le rapport public annuel, et à la fin du 1er semestre - où elle fournit un audit d’ensemble de la situation de nos comptes publics, incluant l’Etat, les régimes de protection sociale et les collectivités territoriales. Depuis la dernière publication de la Cour, en juin 2011, la situation budgétaire et financière des entités publiques de notre pays a beaucoup évolué. Nous aurons donc nombre de sujets à actualiser dans nos prochains rapports public. Je ne vais pas en révéler prématurément le contenu. Je souhaite en revanche rappeler quatre orientations et principes fondamentaux que la Cour a affirmés et qui demeurent d’actualité. La première orientation, il faut s’éloigner de la zone dangereuse dans laquelle notre pays est entré, ainsi que la Cour l’a relevé à partir de juin 2009, après avoir soulevé de longue date le problème du niveau de l’endettement public. Aujourd’hui, le redressement rapide des comptes publics est une nécessité impérieuse. La préoccupation de la notation de la dette souveraine de notre pays ne doit pas seule
constitutionnelle du 23 juillet 2008, la Cour des comptes a reçu la mission nouvelle «d’assister le Parlement et le Gouvernement dans l’é valuation des politiques publiques». Un tel exercice, pris dans toute sa rigueur, soulève de multiples questions conceptuelles, méthodologiques et procédurales. Sans sousestimer les difficultés, la Cour a estimé qu’il fallait prouver le mouvement en marchant. Elle a donc lancé des travaux d’é valuation de différents types, à la suite de demandes du Parlement ou de sa propre initiative. Elle analysera les résultats de ces expériences pour acquérir de nouvelles compétences, et en tirera les enseignements utiles pour ses futurs travaux. Monsieur le président de l’Assemblée nationale, Madame et Messieurs les ministres, nous espérons vous aider ainsi dans l’exercice des lourdes responsabilités qui sont les vôtres, en vous apportant des faits objectifs et des résultats mesurables. Il vous reviendra d’en tirer les conséquences utiles pour atteindre plus rapidement les buts politiques que vous vous serez fixés. En agissant de la sorte, la Cour restera fidèle a sa devise : «dat ordinem lucendo». Elle ne fuira pas les adaptations nécessaires pour répondre aux attentes nouvelles qui s’exprimeront à son endroit. Elle combinera le neuf et l’ancien, ce qui est le propre des institutions durables.
pousser à mettre en œuvre un effort vigoureux de redressement des finances publiques. C’est bien davantage le niveau de l’endettement public, lui-même. Il a représenté à la fin de l’année 2011, selon les chiffres du Gouvernement, 85,3 % du PIB, alors qu’il ne dépassait pas 35 % en 1990. L’accroissement de la dette entraîne une dépendance accrue vis-àvis des marchés financiers. Les inquiétudes de ces mêmes marchés sur la dette publique des Etats européens portent un risque de hausse significative du coût de notre endettement, demeuré exceptionnellement bas pendant de nombreuses années. Il faut être conscient que la charge non maîtrisée des intérêts de la dette prive les Etats de l’essentiel de leurs marges de manœuvre. En France, dans le budget de l’Etat, le service de la dette, dans le contexte passé et encore actuel de taux bas, est déjà plus élevé que celui des crédits en faveur de la Défense nationale. Il est très proche des dépenses consacrées à l’Education nationale. En outre, l’accroissement continu et dans ces proportions de la dette remet en cause l’équilibre souhaitable entre les générations, aussi bien pour le financement de la protection sociale que pour celui de l’Etat. Si les taux d’intérêt devaient remonter - ou l’écart de taux par rapport à l’Allemagne ou les EtatsUnis s’élargir - cette charge de la dette deviendrait très vite un fardeau insupportable. La remontée des taux d’intérêt, qui surviendra tôt ou tard, porte donc en elle-même - la Cour l’a dit et répété et continuera à le faire - un risque réel d’emballement du coût de la dette. L’effort de redressement de nos finances publiques est donc absolument nécessaire. Il doit être vigoureux, rapide, et crédible. En effet, dès lors que l’on est entré dans une zone
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Rentrée solennelle dangereuse, il ne suffit pas de simplement faire en sorte de ne pas s’y engager plus profondément, il faut s’efforcer de s’en dégager. Il ne s’agit donc pas de se contenter de stabiliser l’endettement ; il faut retrouver un excédent primaire pour permettre une réduction significative de la dette. Les citoyens, que la Cour informe et éclaire sur ce sujet, doivent prendre conscience de l’importance pour la France de retrouver la maîtrise de ses finances publiques. C’est la condition de sa souveraineté, de son crédit, de la pérennité de sa protection sociale et de la cohésion nécessaire entre les générations. Deuxième principe, il importe de fiabiliser les engagements de la France en matière de finances publiques. Le non respect des engagements internationaux de notre pays, en particulier des programmes de stabilité adressés à la Commission européenne, est de nature à nuire à la crédibilité de notre pays. Au-delà de la définition d’une trajectoire prévisionnelle de redressement des comptes publics, les moyens qui seront mis en œuvre pour la respecter doivent être précisés. Or, deux évolutions marquantes se sont produites récemment et auront un impact inévitable sur la trajectoire des finances publiques : - en premier lieu, la dégradation récente des perspectives de croissance aura un impact négatif sur les recettes publiques et conduira à une hausse de certaines dépenses, en particulier celles en faveur de l’emploi. - en second lieu, les tensions sur les marchés des dettes souveraines sont plus fortes. Ces tensions, conjuguées à la dégradation des perspectives de croissance économique, ont
année depuis trente ans. En conséquence, la dette sociale accumulée, que j’ai qualifiée en septembre de poison pour notre système de protection sociale, a atteint un niveau considérable. Malgré les décisions déjà prises, en l’absence de mesures nouvelles, la spirale de l’endettement ne peut que se poursuivre. Un effort accru doit être mis en œuvre pour résorber la dette sociale. A défaut, sera transférée sur une génération la charge de rembourser les dépenses de soins et de retraites dont a bénéficié une autre. Quatrième de ces principes, les mesures de redressement de nos comptes doivent porter à la fois sur les recettes et les dépenses, davantage sur les dépenses que sur les recettes. En 2008 et 2009, la Cour avait dit que l’effort ne pourrait venir uniquement de la maîtrise des dépenses et qu’une augmentation des recettes devrait inévitablement être recherchée, notamment par une réduction des niches fiscales et sociales. Le caractère inéluctable de la hausse des recettes s’est depuis confirmé et les pouvoirs publics sont allés ces derniers mois en ce sens. Cela dit, la Cour l’a affirmé avec force, le problème des finances publiques ne se réglera pas par une action sur les seules recettes. Si l’effort engagé pour maîtriser les dépenses est loin d’être négligeable, il importe que leur rythme de croissance global soit encore davantage ralenti. Pour être efficace et accepté, l’effort doit être partagé entre toutes les entités publiques et entre les Français. Si l’Etat s’est appliqué depuis 2004 une norme d’évolution de ses dépenses plus stricte, des contraintes fortes doivent aussi peser sur les dépenses de Sécurité sociale. Elles représen-
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Mettre en œuvre des réformes structurelles pour infléchir durablement la progression des dépenses sociales, sans remettre en cause la qualité de la protection sociale, est un impératif premier et essentiel. Cet effort doit porter en priorité sur l’assurance Didier Migaud maladie.
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conduit la plupart des agences de notation à placer sous surveillance négative la dette souveraine française, ainsi que celle de nombreux autres Etats européens. Ce contexte s’impose en partie à la France. Les réponses à y apporter pour stimuler la croissance sont aussi européennes et mondiales, la France étant partie prenante d’un ensemble très interdépendant d’économies. Mais cette évidence n’exonère pas notre pays de fournir les efforts de redressement nécessaires, bien au contraire. L’effort structurel de réduction du déficit public en 2011 et celui programmé pour 2012 représente un net progrès par rapport au passé. Il demeure encore inférieur au niveau dont la Cour a montré la nécessité pour que la France tienne ses engagements. Troisième principe essentiel : les déficits sociaux doivent être éliminés. Aucun pays comparable au nôtre n’accepte que s’installe un déficit durable de ses comptes sociaux. Or, la sécurité sociale connaît un déficit continu depuis 10 ans, et en réalité à peu près chaque
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tent 46 % des dépenses publiques et ne peuvent plus être financées à crédit. Leur vigoureuse croissance a été récemment ralentie mais ces dépenses continuent d’augmenter à un rythme trop rapide, en décalage avec les recettes. Ce rythme apparaît peu compatible avec celui de la croissance économique, le respect des engagements de la France et la nécessité de résorber la dette sociale. Mettre en œuvre des réformes structurelles pour infléchir durablement la progression des dépenses sociales, sans remettre en cause la qualité de la protection sociale, est un impératif premier et essentiel. Cet effort doit porter en priorité sur l’assurance maladie. Le rapport de la Cour sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale propose chaque année de multiples pistes de réforme, à même d’optimiser les dépenses et de permettre la réduction rapide des déficits sociaux. Ce n’est en effet que par des mesures d’une ampleur à la hauteur des enjeux qu’elle représente que sera préservé le haut degré de protection sociale de notre pays.
L’effort doit aussi pleinement concerner les collectivités locales - leur part dans la dépense publique est de 21 % -. Certes, elles ont peu contribué à la hausse de l’endettement public mais leurs dépenses ont connu une croissance forte au cours des deux dernières décennies. Cette croissance n’est qu’en partie imputable à la décentralisation : celle-ci n’explique qu’un peu plus de la moitié de la hausse globale. L’équilibre de leurs comptes n’est atteint qu’au prix d’un ajustement permanent de leurs recettes au niveau des dépenses, et donc par un alourdissement de la fiscalité locale. Une réelle maîtrise de la dépense locale passe sûrement par une gestion plus rigoureuse des effectifs de la fonction publique territoriale. Plus généralement, les rapports de la Cour formulent très régulièrement de nombreuses propositions pour faire conjuguer efficacité de l’action publique et qualité des services publics, afin d’assurer plus que jamais une utilisation optimale de l’argent public. Cette nécessaire maîtrise des dépenses publiques et fort probablement cette réduction ciblée de certaines dépenses publiques conduisent à s’interroger régulièrement sur la pertinence des actions et politiques publiques, quels qu’en soient les acteurs. L’application de la loi organique relative aux lois de finances implique d’ailleurs la mise en œuvre de revues régulières de ces politiques, la remise à plat de leur efficacité, le questionnement sur la persistance de leur utilité. L’évaluation des politiques publiques doit contribuer de manière déterminante à l’identification des économies possibles et des facteurs d’améliorations de la qualité des services publics. Elle connaît aujourd’hui un début de mise en œuvre effective dans notre pays. La Cour, conformément à la mission qui lui est désormais confiée par la Constitution d’assister le Parlement et le Gouvernement dans l’évaluation de ces politiques publiques, s’y attache résolument. Mais j’ai la conviction profonde que l’évaluation des politiques publiques ne pourra prendre sa pleine dimension que si, dès l’origine, les outils nécessaires à leur évaluation future sont intégrés à la politique publique. Je tiens à saluer devant vous les avancées législatives enregistrées en matière d’évaluation en 2011.
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Photo © Emile Lombard
Rentrée solennelle
La loi du 3 février 2011, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques - loi dont vous étiez à l’origine, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale - a déjà été mise en œuvre. Au cours de l’année 2011, la Cour a mené deux travaux d’évaluation pour le compte du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, l’un sur la médecine scolaire, l’autre sur l’hébergement des personnes sans domicile. De la même façon la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, dont j’aurai l’occasion de reparler, consacre, de manière symétrique, la possibilité pour le Gouvernement d’adresser des demandes d’enquêtes, notamment évaluatives, à la Cour des comptes. Ces innovations législatives intervenues depuis notre précédente séance de rentrée constituent des signes encourageants pour la Cour. Soyez assurés que nous les mettrons pleinement en œuvre. Aux membres du Gouvernement et du Parlement ici présents, je veux dire la détermination de tous les magistrats et collaborateurs de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes pour que les juridictions financières répondent encore mieux aux nouveaux enjeux du redressement des finances publiques et aux nouvelles attentes d’évaluation et de conduite de réformes structurelles nécessaires. Les juridictions financières ont déjà beaucoup évolué depuis près de dix ans. Les étapes essentielles de cette transformation ont été la LOLF en 2001, avec notamment la certification des comptes de l’Etat, et la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui consacre la mission d’information du citoyen et d’assistance au Parlement et au Gouvernement pour l’évaluation des politiques publiques. L’année 2011 a vu le vote de plusieurs dispositions concernant les juridictions financières, j’en ai déjà mentionné certaines. Elles interviennent et sont mises en œuvre en tirant le meilleur parti de l’application de nos principes et règles de fonctionnement, qui sont les gages essentiel du crédit et de la qualité de nos travaux : à savoir la règle de la collégialité et le principe de la contradiction.
La collégialité apporte les garanties de la neutralité qui est le complément naturel de l’indépendance, qui caractérise autant la programmation que la conduite même de nos travaux. Aucun rapport, a fortiori aucune publication de la Cour n’est l’œuvre des seuls rapporteurs. Si ce sont bien les rapporteurs qui conduisent les investigations, en toute indépendance, les constats qu’ils dégagent, les orientations des rapports qu’ils proposent sont contredits, débattus, puis arrêtés par une, voire fréquemment plusieurs formations collégiales. Je veux solennellement le réaffirmer aujourd’hui devant vous et redire ma confiance dans le professionnalisme et l’éthique des équipes des juridictions financières. Cet attachement au meilleur de nos principes qui fondent nos traditions ne signifie aucunement immobilisme et refus des évolutions nécessaires quant à nos méthodes de travail. Nous continuons à les enrichir et à les adapter pour être les plus utiles et les plus pertinents possibles. Je veux aussi insister sur l’importance que les juridictions financières attachent au suivi de leurs recommandations. Si, à travers nos propres initiatives, nous avons beaucoup progressé sur ce sujet, la loi a consacré en 2011 cette mission en faisant obligation à tous les organismes destinataires d’observations de rendre compte à la Cour des comptes de leur mise en œuvre. La Cour des comptes présente elle-même les suites données à ses observations dans son rapport public annuel et son rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale. La Cour entend assumer pleinement sa mission constitutionnelle d’information à travers ses rapports et les suites qui leur sont apportées. Nous continuerons dans ce sens en 2012, tout en réduisant le nombre de nos publications au cours des quelques mois où se développera le débat politique précédant les échéances démocratiques du printemps. Seuls seront publiés dans cette période les rapports que nous impose la loi d’ici le 31 mai : je veux parler du rapport sur la certification des comptes de l’Etat et de celui accompagnant le projet de loi de règlement du budget 2011. Comme chaque année, Mesdames et Messieurs, vous avez trouvé à votre place, en arrivant dans cette Grand’ Chambre, un
dépliant présentant la Cour et ses activités en 2011, en quelques chiffres arrêtés au 30 novembre de l’année dernière. Vous y constatez l’effort soutenu que nous avons poursuivi pour assumer nos missions et éclairer le débat public. Ainsi 18 rapports ont été réalisés à la demande du Parlement, pour 16 au cours de l’année 2010. Par ailleurs, nous avons produits 11 rapports publics thématiques, pour 6 en 2010. Il me reste deux derniers sujets à évoquer devant vous. Il s’agit de la loi du 13 décembre dernier et de la réforme du régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables qui figure dans le collectif budgétaire du 28 décembre 2011. La loi du 13 décembre 2011, relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles comporte un chapitre entier relatif aux juridictions financières. Ce chapitre reprend une partie importante du projet de loi portant réforme des juridictions financières, déposé à l’Assemblée nationale en octobre 2009, en l’adaptant pour tenir compte des orientations et modifications que j’avais proposées en septembre 2010 à l’occasion de mon audition devant la commission des lois de l’Assemblée. Ainsi s’est en partie concrétisé un important processus de réforme engagé à la fin de 2007, par mon prédécesseur, Philippe Séguin. Je tiens à dire ici, devant vous, ma satisfaction de ce premier aboutissement, sachant qu’il ne s’agit que d’une partie seulement du projet initialement prévu. Je continue de regretter qu’il n’ait pas pu faire l’objet d’un examen d’ensemble car ce texte avait et a toujours sa cohérence. Je partage entièrement, Monsieur le Procureur général, la préoccupation de mon prédécesseur, de tous mes prédécesseurs devrais-je dire, sur la partie manquante concernant la réforme du régime de responsabilité des gestionnaires publics, locaux notamment. La situation d’aujourd’hui ne répond pas au besoin ressenti et exprimé d’une mise en œuvre plus effective de la responsabilité des gestionnaires autrement que devant le juge pénal. Il convient de la faire évoluer. L'enjeu considérable que représentent les finances hospitalières, la situation dégradée de certains hôpitaux publics, sur laquelle la Cour
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Rentrée solennelle a déjà publiquement attiré l'attention, justifient aussi que le mouvement vers la transparence des comptes publics, qui trouve son origine directe dans l'article 47-2 de la Constitution, ne s'arrête pas à la porte des établissements hospitaliers publics. Il est souhaitable que le législateur, qui a posé le principe de la certification des comptes des hôpitaux publics dans la loi dite HSPT de 2009, vote les modalités concrètes permettant l’application de ce principe. Ces réserves posées, je me réjouis des dernières avancées législatives et veux souligner que nous avons tous conscience, à la place qui est la nôtre, de nos responsabilités dans leur mise en œuvre et leur réussite. Ces dispositions ont pour objectif de conforter l’ensemble des juridictions financières dans leur capacité à remplir toutes leurs missions et, en conséquence, à être plus utiles encore aux décideurs et aux citoyens. Celles concernant les travaux communs entre la Cour et les chambres régionales des comptes, comme celles sur les normes professionnelles vont dans ce sens. Aucune entité publique ne doit se sentir à l’abri d’un contrôle possible. Pour renforcer la capacité des juridictions financières à juger, contrôler, évaluer, formuler des recommandations et pour les conforter dans leurs missions et assurer une utilisation optimale des moyens, des réorganisations et adaptations sont aussi nécessaires. Dans leurs travaux, les juridictions financières recommandent régulièrement de telles adaptations ou réorganisations aux administrations qu’elle contrôle, il est naturel aussi qu’elles appliquent
à elles-mêmes les orientations qu’elles préconisent dans leurs contrôles. Cela implique des réorganisations en région pour donner aux chambres régionales des comptes la taille critique suffisante permettant aux magistrats et personnels de contrôle de travailler, toujours en toute indépendance, d’une façon encore plus efficace, plus utile, plus homogène, plus collégiale aussi. Certains d’entre eux pourront ainsi se spécialiser dans des matières et sujets dont la complexité et la technicité sont de plus en plus grandes et exigeantes. L’ouverture d’un concours complémentaire de recrutement de magistrats de chambres régionales des comptes contribuera à conforter la force de contrôle de ces juridictions. La loi du 13 décembre 2011 le permet concrètement. Il convient de la mettre en œuvre tout en prenant en compte, j’y serai attentif, les préoccupations et situations des personnels concernés. La Cour de son côté procèdera également à des adaptations de son organisation avec l’objectif d’être en situation de toujours mieux remplir les missions qui sont les siennes. Le dernier sujet dont je souhaite dire rapidement un mot, est celui de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics. Le collectif budgétaire du 28 décembre 2011 modifie l’article 60 de la loi de finances pour 1963. Cette évolution, attendue depuis plusieurs années, résulte d’un amendement présenté par Messieurs Bouvard - dont je salue la présence
aujourd’hui, et le rôle toujours actif sur les sujets qui concernent les juridictions financières - et de Courson. Je remercie également Madame la ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’Etat, d’avoir accepté la solution proposée et d’avoir rendu possible son adoption par le Parlement. Depuis plusieurs années, nombreux étaient ceux qui regrettaient la survivance d’une justice retenue qui permettait au ministre chargé du budget de revenir sur le travail du juge des comptes à travers les remises gracieuses systématiques accordées aux comptables publics mis en débet. Grâce à l’amendement présenté et au travail approfondi qui a été mené en concertation étroite avec le ministre et la Direction générale des finances publiques - je remercie ici le directeur général - un nouveau dispositif a été proposé et approuvé par le Parlement. Il renforcera le caractère effectif de la responsabilité des comptables et le rôle du juge financier, tout en permettant au ministre chargé du budget d’exercer l’autorité qui est la sienne. La Cour s’en réjouit. Les juridictions financières se transforment à un rythme soutenu pour être toujours plus efficaces et plus utiles, sans renier ce qu’elles ont reçu de leur tradition et qui fait leur unité, leur force et leur autorité. Institutions de l’Etat, maillon de l’é difice démocratique, elles joueront tout leur rôle demain, comme elles le font aujourd’hui. Tous leurs membres s’y engagent avec moi. 2012-041
Culture
Groupe Panhard Développement et Fondation du Domaine de Chantilly Signature de la convention de mécénat - 2 novembre 2011 lain Panhard, président Fondateur du Groupe Panhard Développement et François Belfort, directeur général adjoint de la Fondation pour la sauvegarde et le développement du Domaine de Chantilly ont signé ce mercredi 2 novembre la convention de mécénat entre le Groupe Panhard Développement et la Fondation du Domaine de Chantilly dans les locaux de l’ADI, Paris 8ème. En effet, le Groupe Panhard Développement soutient la restauration de la Petite Singerie, située au rez-de-chaussée du Château du Domaine de Chantilly. Cette restauration permettra à ce splendide boudoir de retrouver sa richesse et sa beauté extraordinaire. Composée de six panneaux peints par Christophe Huet, la Petite Singerie décrit le quotidien des Princesses de Condé. Elle sera présentée au public après restauration, en juin 2012. Le budget engagé pour cette opération de mécénat par le groupe Panhard Développement, est de 90 000 €. 2011-042
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François Belfort et Alain Panhard
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Commémoration
100ème anniversaire de la naissance de Michel Debré Amboise - 15 janvier 2012
Un grand réformateur de notre histoire par Nicolas Sarkozy ous voici réunis aujourd'hui à l'occasion du 100ème anniversaire de la naissance de Michel Debré, tout prêt d'ici, à Montlouis-sur-Loire, d'un père qui allait marquer d'une empreinte profonde l'histoire de la médecine française en fondant la pédiatrie moderne et d'une mère, elle aussi médecin, qui serait l'une des premières femmes à devenir chef de clinique des Hôpitaux de Paris. A mi-chemin entre l'Alsace, que son grand-père paternel avait quittée en 1870 pour ne pas perdre la nationalité française, et la région toulousaine d'où sa famille maternelle était partie au moment de l'affaire Dreyfus, il allait s'enraciner dans cette Touraine où il sentait battre le cœur de la France. La France, elle allait occuper toutes ses pensées. Comme le général de Gaulle il ne pouvait l'imaginer sans la grandeur et cette grandeur pour lui se confondait avec celle de l'Etat. Si les circonstances jouèrent dans sa vie un rôle souvent décisif comme pour chacun d'entre nous, le choix de sa carrière, lui, ne dut rien au hasard et tout au goût profond du service de l'Etat qui très tôt s'était emparé de lui et ne le quitta jamais. Nous ne célébrons aujourd'hui pas seulement l'homme de convictions qui mena avec tant de sincérité, d'énergie, de courage, d'obstination les combats qui lui paraissaient justes. Nous ne célébrons pas seulement l'homme politique qui occupa tant de postes de responsabilité. C'est aussi, c'est d'abord au grand serviteur de l'Etat que la Nation rend aujourd'hui un hommage solennel. Grand serviteur de l'Etat, c'est une expression qui n'a d'équivalent dans aucune autre langue. Car l'Etat occupe dans notre histoire, dans notre destin collectif, dans notre vie publique une
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place éminente incomparable à celle que bien souvent il occupe ailleurs. En France, c'est l'Etat qui a fait la Nation, qui la porte, qui la maintient unie. En France, lorsque l'Etat est faible, c'est la Nation tout entière qui se trouve affaiblie. En France, lorsque l'autorité de l'Etat est contestée, c'est la cohésion nationale qui est menacée. Michel Debré appartient à la longue lignée de ceux qui ont voué leur vie au service de l'Etat, et qui depuis des siècles le construisent et le reconstruisent contre les assauts, sans cesse répétés, de toutes les féodalités dont le Général de Gaulle disait « qu'elles n'aiment rien moins qu'un Etat qui fait réellement son métier et qui, par conséquent, les domine ». Les grands serviteurs de l'Etat, ce sont eux qui ont fait la France, sa grandeur, sa force, sa liberté. Ils ont accompli ce miracle, renouvelé de siècle en siècle, parce qu'ils ont choisi de servir une cause plus grande qu'eux-mêmes, parce qu'ils ont choisi de faire toujours passer l'intérêt national avant leur intérêt personnel, parce que pour eux, servir était une exigence intellectuelle et morale. Exigence si étrangère à tant de ceux qu'ils ont côtoyés, qu'ils furent souvent incompris. Incompris, Michel Debré le fut par ceux qui ont toujours regardé le goût de servir et l'exigence morale en politique comme une forme de naïveté - parce qu'ils ne croyaient qu'au cynisme. Il en souffrit. Sans jamais que cette souffrance le conduisit à renoncer. Il appartenait à cette catégorie d'hommes qu'une sourde colère contre les forces du renoncement maintient en permanence dans l'action même quand celle-ci paraît désespérée. Enfant, il avait déjà choisi ses héros préférés parmi les personnages de l'Histoire qui avaient incarné la résistance nationale dans les moments les plus désespérés : Jeanne d'Arc, Carnot, Gambetta, Clemenceau... Comment dès lors aurait-il pu ne pas devenir gaulliste quand le général de Gaulle, à son tour, allait incarner ce que Malraux appelait : « la force du non dans l'Histoire » ?
Michel Debré
Fonds Debré - Archives FNSP - CHEVS - D.R.
Le Président de la République Nicolas Sarkozy s’est rendu à Amboise (Indre-et-Loire), dimanche 15 janvier 2012, à l'occasion du 100ème anniversaire de la naissance de Michel Debré. Accompagné d’Yves Guéna, Président de l'Association des Amis de Michel Debré, ainsi que de Claude Greff, Secrétaire d'État chargée de la famille, le chef de l'Etat s’est recueilli sur la tombe de Michel Debré, en présence de sa famille, puis a prononcé un discours retraçant le destin de grand serviteur de l’Etat qui participa à l’écriture de la Constitution de la Vème République. Fidèle du Général de Gaulle, il fut d’abord Garde des Sceaux avant d’être nommé Premier Ministre en 1959. Ministre des Finances en 1966, Ministre des Affaires étrangères en 1968, Ministre d'État, Ministre de la Défense de 1969, jusqu'en 1973. « Il occupa tous les postes, toutes les fonctions, toutes les responsabilités, des plus humbles aux plus éminentes. Et il marqua chacune d'une empreinte profonde. Ce qu'il a accompli en fait l'un des plus grands réformateurs de notre histoire. » Jean-René Tancrède
A la fin de ses études de droit et de sciences politiques, il choisit le Conseil d'Etat où il allait trouver, dira-t-il un jour, une « conception de l'Etat à la fois nationale, tolérante et démocratique ». En 1939, il était officier de cavalerie. Fait prisonnier en juin 1940, il réussit à s'évader trois mois plus tard. En février 1943 il s'engagea dans la Résistance. Dès l'été il fut chargé d'établir la liste des préfets qui pourraient remplacer ceux de Vichy à l'heure de la Libération. En août 1944, à 32 ans, il était nommé Commissaire de la République à Angers. Chargé par le général de Gaulle de préparer la réforme de l'administration, il créa en 1945 l'Ecole nationale d'administration et la Fondation nationale des sciences politiques. Ce n'était que la première pierre de l'œuvre réformatrice incomparable à laquelle ce réformateur dans l'âme allait se consacrer sans relâche durant tout le temps où il exercerait des responsabilités publiques. Cet homme d'ordre était sans cesse porté vers le mouvement, la modernisation, le progrès. Il savait d'instinct que, dans un monde qui se transforme,
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l'immobilisme est mortel et que si les principes devaient rester constants, les institutions, les lois et les moyens devaient changer. Epouser son temps, prendre à bras le corps les défis de son époque, telle était pour lui la condition de la survie de la France. Il avait vécu comme une terrible souffrance la défaite de 1940 et l'effondrement de la IIIème République. Il avait eu le sentiment de revivre la même histoire avec le naufrage de la IVème République. Relever l'État que le régime des partis abaissait. Le réformer pour lui rendre son autorité, son prestige, son efficacité, telle fut dès lors son obsession. Dès 1947, il dénonçait : « la mort de l'Etat républicain ». Son constat était accablant : « notre Etat, disait-il, est incohérent, il est ruineux, il est inefficace ». « Dans le même bureau on dit aujourd'hui au citoyen le contraire de ce qu'on lui disait hier ; on nie ici ce qu'on affirme à côté. » « Le ministère des Finances, pensant au Budget, réclame des économies ; les autres ministères se croient déshonorés s'ils n'épuisent pas leurs crédits et si, d'une année sur l'autre, ils n'obtiennent pas d'augmentation. » « C'est le mécanisme intérieur de l'Etat qui nous ruine. Les méthodes de travail sont souvent dispendieuses et les méthodes de gestion dévastatrices. » « L'administration française ne manque pas de contrôles. On peut même dire que le contrôle est une de nos satisfactions nationales. Malheureusement on contrôle davantage la manière dont un service dépense que la dépense elle-même. » Cela était pour lui d'autant plus une souffrance qu'il regardait l'Etat non comme une structure inerte mais comme « un être vivant, l'e xpression d'une communauté vivante comme une personne, vivante comme une famille ». Mais ce constat qui pourrait valoir pour bien d'autres époques, et cette souffrance qu'il éprouva devant cette faillite ne lui firent pas baisser les bras. Au contraire. « Notre décadence, écrivait-il, à l'aube d'une carrière politique qui allait laisser une empreinte si profonde dans nos institutions, notre décadence ne nous est pas imposée par la fatalité. Elle n'est pas écrite sur le livre du Destin. C'est nous qui, chaque jour, l'écrivons. » Et il allait contribuer à l'écrire. Une question le hantait : « Que faire pour que la République soit capable d'assumer la France ? » A la IIIème République, il reprochait d'avoir été malthusienne, d'avoir eu peur du marché mondial, d'avoir ignoré l'importance de la production et du commerce, de s'être résignée à la dénatalité, d'avoir fait preuve de lâcheté face à Hitler, de s'être réfugiée dans le pacifisme. A la IVème République, il reprocha d'avoir brisé le rêve du gaullisme et de la Résistance en livrant l'Etat aux partis. Il en voulait au régime de ne pas entreprendre les efforts nécessaires pour, disait-il, « hisser la Patrie au premier rang et l'y faire demeurer » parce qu'il mesurait le risque de devenir ainsi « le serviteur des autres, sans liberté, sans sécurité, sans prospérité ». Bien plus tard, il résumera ainsi l'état d'esprit qui était le sien alors qu'il s'engageait dans la vie
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Commémoration
Michel Debré politique : « jeune bourgeois hostile aussi bien au conservatisme qu'à la lutte des classes, deux faces d'une même fausse médaille, je veux qu'un constant effort de travail, de recherche scientifique et technique, de modernisation agricole, d'élan industriel, de conquête de nouvelles énergies soit accompagné d'une inlassable volonté de solidarité collective et d'une inlassable ardeur de promotions individuelles ». Il avait tout compris mais il ne voyait personne d'autre que le Général de Gaulle pour éviter que la France manquât son rendez-vous avec l'Histoire et s'engageât sur la pente du déclin. En juillet 1946, il se rendit pour la première fois à Colombey pour convaincre le Général de Gaulle qui s'était retiré du pouvoir de revenir dans le jeu politique. Mais le Général qui ne voulait pas subir la loi des partis refusa. Jusqu'en 1958, Michel Debré ne cessera de revenir à la charge et de tout faire pour que l'Homme du 18 juin s'impose à nouveau comme le seul recours. En 1957, à l'heure où la IVème sombrait, il écrivait encore à ceux qu'il appelait « les princes qui nous gouvernent » : « A force d'attendre, il sera trop tard. » Entre temps, il était devenu en 1948 sénateur d'Indre-et-Loire sous l'étiquette du RPF ce grand rassemblement populaire que le Général a
voulu dresser contre le régime des partis. De retour sur sa terre natale que pendant dix ans il parcourut en tous sens, et qu'Alfred de Vigny appelait « le jardin de la France », il allait à la rencontre de tous. Bien plus tard, « C'est avec gratitude, dira-t-il, que j'é voque les visages de ces hommes à qui j'ai parlé en toute franchise et que j'ai écoutés avec intérêt ». Il dira aussi : « partout je rencontrais l'histoire ». Charles Martel, Charles VII, Jeanne d'Arc, François Ier... Il y rencontrait aussi la littérature : Rabelais, Balzac, Ronsard, Beaumarchais, Vigny... En 1951, il était élu conseiller général du canton de Vouvray. En 1966, il sera élu maire d'Amboise. De cette ville à laquelle il se dévouera corps et âme il dira : « l'hospitalité comme l'esprit de résistance ont forgé son existence et sa loyauté, comme la douceur du climat et les mille et une ressources de la nature sur nos bords de Loire ont dessiné son caractère, ardent et serein. Amboise appartient à l'avenir tout comme le passé lui appartient... » Par deux fois, il échoua à devenir député d'Indreet-Loire. Ce double échec le conduisit à se présenter à la Réunion où il fut élu en 1963 dans la première circonscription de l'Ile. Il mettra toute son énergie et toute son intelligence dans l'accomplissement de ce mandat qui lui tenait
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Commémoration agricole, développa l'enseignement technique, réorganisa les études médicales, créa les Centres hospitaliers universitaires, mit en œuvre une politique ambitieuse d'aménagement du Territoire. C'est pendant qu'il était à Matignon que fut introduit le nouveau Franc, instauré l'impôt unique sur le revenu, généralisée la TVA, lancé le programme nucléaire et le programme spatial, créé l'aéroport d'Orly... Au ministère de l'Economie et des Finances, il créa l'Institut national de la consommation, introduisit la rationalisation des choix budgétaires, restructura le secteur des banques et des assurances, fonda la BNP, inventa les groupements d'intérêt économique, lança le marché hypothécaire, créa la Commission des opérations de bourse, les Instituts régionaux d'administration, la Fondation de France. Il institua les OPA et les dations, regroupa tous les services fiscaux dans la Direction générale des impôts... A la Défense nationale, il créa le GIAT et l'Aérospatiale, lança le programme Ariane, rédigea le premier livre blanc sur la politique de défense. Dans sa vie politique, il y aura une blessure, celle de l'Algérie. Il aurait voulu qu'elle restât associée à la France. Mais cela n'entama en rien sa fidélité. Il dira « Ce n'est pas l'Algérie qui a fait mon « gaullisme » ; ce n'est pas l'é volution de la guerre d'Algérie qui l'a défait. Gaulliste de raison je le suis devenu en 1941 ; voyant l'état de la France sous la IVème République, je le suis demeuré. Le cœur a transformé une conversion raisonnable en un attachement indéfectible... » Du cœur, il en mit à l'ouvrage, il en mit dans ses engagements. C'est à cause de ce cœur qu'il mettait dans tout ce à quoi il croyait qu'il souffrit tant de l'affaire algérienne. C'est à cause de ce cœur qu'il mettait dans tout ce qu'il entreprenait qu'il fut si malheureux chaque fois qu'il se trouvât écarté des responsabilités. Non parce qu'il aimait le pouvoir pour le pouvoir mais parce qu'il ne pouvait supporter l'idée de ne plus être utile à son pays alors qu'il y avait toujours tant à faire
à ses yeux pour qu'il ne sombrât pas à nouveau dans la facilité et dans l'impuissance. Malheureux il le sera aussi de ne pas être assez écouté quand il pointera avant tout le monde les risques que faisait courir le désordre monétaire international ou la dénatalité, quand il défendra la nécessité d'une politique familiale ambitieuse ou quand il plaidera pour une Europe des Nations contre ce qu'il appelait l'Europe supranationale. Son échec à l'élection présidentielle de 1981 le remplira d'une profonde tristesse non de ne pas avoir été élu car il ne l'avait sans doute jamais espéré, mais de ne pas avoir pu faire comprendre et partager cette idée de la France qu'il avait la hantise de voir mourir. En 1988, cet homme si attaché à la culture et à la langue française fut élu à l'Académie française. Cette élection lui procura sa dernière grande joie parce que l'Académie était à ses yeux l'une de ces institutions qui s'inscrivent dans la longue durée de l'Histoire de notre pays et qui sont au cœur de son identité. Et sans doute avait-il le sentiment qu'à travers elle l'idée si élevée qu'il se faisait de la France continuerait à vivre pour les siècles des siècles. Avant que tout doucement la maladie ne l'affaiblisse et ne l'emporte peut-être n'avait-il pas retrouvé l'espoir que la jeunesse française puisse encore comprendre le message si exigeant mais si profond qu'il lui avait adressé un jour, avec son cœur. Mais peut-être que si... « Jeunesse française, tu fais partie de la jeunesse du monde et ton destin est lié à celui de l'humanité. Mais tu as la responsabilité, et toi seule, de la France de demain. Ce que tu ne feras pas pour ta liberté, nul ne le fera. Ce que tu ne feras pas pour ton pays, garant de ta liberté, nul ne le fera ». Michel Debré, grand serviteur de l'Etat, trop peu honoré, la France aujourd'hui se souvient qu'elle te doit beaucoup et elle te dit merci d'avoir tant fait pour elle. Vive la République que tu as si bien servie. Vive la France que tu as si bien aimée.
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Michel Debré
Les Annonces de la Seine - lundi 16 janvier 2012 - numéro 4
Fonds Debré - Archives FNSP - CHEVS - D.R.
profondément à cœur. Et le souvenir qu'il a laissé aux Réunionnais auxquels il a tant apporté montre que malgré des polémiques et parfois des incompréhensions cet homme exigeant qui voyait si loin et si grand avait su tisser avec ces Français d'Outre-mer des liens profonds d'estime et d'affection. Mais son grand amour c'était la France, et la grande année de sa vie ce fut cette année 1958 où le général de Gaulle revint au pouvoir. D'abord garde des Sceaux, le 8 janvier 1959 il était nommé Premier ministre. Il allait le rester jusqu'en 1962. Ministre des Finances en 1966, ministre des Affaires étrangères en 1968, ministre d'Etat, ministre de la Défense en 1969, jusqu'en 1973. Il occupa tous les postes, toutes les fonctions, toutes les responsabilités, des plus humbles aux plus éminentes. Et il marqua chacune d'une empreinte profonde. Ce qu'il a accompli en fait l'un des plus grands réformateurs de notre histoire. Au ministère de la Justice, il élabora la Constitution de la Vème République qui permet encore aujourd'hui à la France d'être gouvernée même quand elle traverse les épreuves les plus difficiles. Il bouleversa de fond en comble l'organisation de la Justice, créa l'Ecole nationale de la magistrature, redessina la carte judiciaire. A la tête du gouvernement, alors que la France devait faire face au drame algérien, il mit en œuvre le plan Rueff de redressement financier. En 1958, le franc était attaqué, le déficit budgétaire paraissait insoutenable. Il fallait rétablir la confiance. Michel Debré fit alors le seul choix possible, celui de la vérité et du courage. Permettez-moi ici une confidence. J'ai souvent réfléchi depuis que nous sommes dans la bourrasque de la crise. Je ne trouve pas d'autre guide à l'action, dans ces temps troublés, que ces deux mots : vérité et courage. Depuis 2008, j'ai choisi de dire la vérité aux Français sur la gravité de la crise. Je leur ai dit qu'il s'agissait d'une épreuve pour la France qu'il ne fallait ni sous-estimer ni dramatiser à l'excès. C'est une épreuve. En tant que telle il faut l'affronter. Il faut résister, se battre. Il faut faire preuve de courage. Le courage dont font preuve les Français tous les jours, dans leur travail. Le courage avec lequel ils acceptent les réformes difficiles, comme celle des retraites. Pour ma part, à l'occasion du sommet sur la crise, je dirai la vérité aux partenaires sociaux le 18 janvier. Je parlerai aux Français à la fin du mois. Je leur dirai que comme en 1958, la crise peut être surmontée, pourvu que nous ayons la volonté collective et le courage de réformer notre pays. Car c'est le courage qui donne la force d'agir. La France est un grand pays. La France a souvent traversé dans son histoire des périodes difficiles. Croyez-moi, comme en 1958, elle saura se relever de cette crise. Prenons exemple sur ce que fit Michel Debré dans ces années exaltantes où se construisit réellement la France moderne. Il mit en œuvre le Traité de Rome. Il modernisa la fiscalité, l'agriculture, l'énergie, la recherche, lança un grand plan d'équipement pour la métropole et l'Outre-mer, mit fin à la guerre scolaire avec la loi sur la liberté de l'enseignement et la loi sur l'aide à l'enseignement privé, organisa l'enseignement professionnel
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Annonces légales
Direct
Praeferentia, première centrale d'achats groupés pour les avocats parisiens ournitures de bureau, matériel de reprographie : plus de 24 000 avocats parisiens ont reçu le 11 janvier dernier leurs codes d’accès à Praeferentia. Cette association créée sous loi 1901 est un projet phare de la mandature du nouveau bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris, Christiane Féral-Schuhl : « Praeferentia décline aujourd’hui un des engagements phares de ma campagne pour un ordre partenaire et un barreau impliqué. Praeferentia va permettre aux 24 000 avocats parisiens d’augmenter leur pouvoir d’achat. Plutôt qu’attendre ma prise de fonction le 1erjanvier dernier, nous avons travaillé à cette centrale de référencement toute l’année 2011. C’est avec énormément de fierté que nous la lançons aujourd’hui. Et nous serions honorés que cette centrale soit accessible à d’autres barreaux rapidement. Les avocats sont nombreux et consomment beaucoup. Ils ont tout à gagner à négocier des prix de façon groupée. Exercer en profession libérale ne doit plus être synonyme de solitude et encore moins de solitude économique ».
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Réduire les charges de fonctionnement des 24 000 avocats parisiens de 30 à 75 % sur les produits de base Praeferentia est née du constat que le prix des services et des produits nécessaires à la profession d’avocat freinait la compétitivité des cabinets. Praeferentia permet aux avocats de bénéficier de tarifs très avantageux sur différents produits de base nécessaires à leur pratique professionnelle. Dès maintenant, il est possible de se connecter sur le site Praeferentia. Comme l’explique Philippe Rochmann, avocat et délégué général de
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Praeferentia : « l’objet de Praeferentia est de référencer des fournisseurs qui s’engagent à pratiquer des remises substantielles sur les prix proposés dans leurs catalogues. Par substantiel, nous entendons entre 30 et 75%, selon les services et produits. Un avocat consomme en moyenne 750 euros par an de fournitures soit un coût estimé pour l’ensemble des avocats du Barreau de Paris à 18 M€ par an. Pour exemple, la ramette de papier 80 g est payée en moyenne 3,40 euros dans les cabinets, les meilleurs acheteurs payent 2,60 euros. Avec Praeferentia le prix est, depuis le 1er janvier, de 1,99 euros pour tous les avocats sans considération de la taille de son cabinet, de son chiffre d’affaires ou de sa consommation de papier ».
Entre centrale d’achat et comité d’entreprise Praeferentia est accessible, via le site de l’Ordre des avocats et permet de commander les services les plus simples en ligne et d’obtenir l’assistance d’un service commercial pour des achats plus complexes. Praeferentia s'est dotée d'une plateforme pouvant s’adapter aux « briques » spécifiques des avocats et dispose d’une offre très variée de services de loisirs (billets d’avions, spectacles, séjours) équivalente à celle proposée par les comités d’entreprises de grands groupes. Ce dont pourront rapidement bénéficier les avocats puis bientôt, leurs salariés. Dans l’année, Praeferentia élargira sa gamme de produits et services aux prestations de taxis, plateaux repas, téléphonie fixe et mobile mais aussi l’archivage, le mobilier de bureau haut de gamme et pourquoi pas les services bancaires… Source : Communiqué de l’Ordre des Avocats de Paris du 11 janvier 2012 2012-044
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Elections
Conseil National des Barreaux Christian Charrière-Bournazel élu nouveau Président - Paris, 14 janvier 2012 Le Conseil National des Barreaux, représentant la profession d’avocat, réuni en assemblée générale le 14 janvier 2012, a procédé à l’élection de son nouveau Président et au renouvellement de son Bureau. L’ancien Bâtonnier de Paris Christian Charrière-Bournazel a été élu par 77 voix sur 79 votants (il n’a pas participé au vote, si tel avait été le cas, il y aurait eu 80 votants), il succède ainsi, à une majorité quasi-absolue, à Thierry Wickers, ancien Bâtonnier de Bordeaux. Paul Nemo, avocat à la Cour d’Appel de Paris succède à son confrère Jean-Michel Braunschweigh aux fonctions de Secrétaire Général. Nous adressons nos chaleureuses et amicales félicitations au grand tribun dont la voix portera, sans aucun doute, haut les couleurs de la profession d’avocat dont il est le légitime représentant au plan national pour trois ans. Jean-René Tancrède
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Christian Charrière-Bournazel
vocat depuis bientôt 40 ans, Christian Charrière-Bournazel a prêté serment en 1973 et exerce à Paris au sein du Cabinet Charrière-Bournazel. Il fut Bâtonnier de Paris en 2008/2009, et VicePrésident du Conseil National des Barreaux de 2009 à 2011. Au-delà de ses expériences professionnelles (propriété intellectuelle, droit de la presse et droit pénal), Christian Charrière-Bournazel en raison de son implication au sein de la profession notamment à travers : - ses engagements associatifs à la Ligue Internationale Contre le Racisme et l'Antisémitisme (LICRA) et à la Fédération Internationale des ligues des Droits de l'Homme (FIDH), - ses écrits et interventions publiques, montre une vision du droit centrée sur des fondamentaux comme le respect, la dignité, l’équité et la solidarité qu’il définit comme étant « le propre de notre condition humaine ». Il défend ainsi une rigueur intellectuelle dont la déontologie est le fer de lance et dont la liberté est l’enjeu. 2012-045
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REPÈRES
A propos du Conseil National des Barreaux e Conseil National des Barreaux, établissement d’utilité publique (article 38 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat) doté de la personnalité morale est un acteur majeur de la justice et du droit en France. Il représente les 54 000 avocats français, tant auprès des pouvoirs publics, que sur le plan international. Il a la responsabilité d’organiser l’avenir de la profession, ce qui lui confère un rôle essentiel en matière de formation. Il unifie dans le cadre de son pouvoir normatif, les règles et usages de la profession d’avocat.
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ELECTION DU BUREAU Lors de cette assemblée, le Conseil national des barreaux a également élu son bureau selon la composition suivante :
Vice-présidents de droit Christiane Féral-Schuhl Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris Jean-Luc Forget Président de la Conférence des bâtonniers Vice-présidents élus Pascale Modelski Paule Aboudaram
Trésorier Pierre Lafont Secrétaire Patricia Savin Membres non affectés Eric Azoulay Jean-Louis Cocusse Catherine Glon Staphane Lallement.
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