Edition du lundi 20 janvier 2014

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Les Annonces De LA seine Lundi 20 janvier 2014 - Numéro 4 - 1,15 Euro - 95e année

Cour d’appel de Paris

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Audience Solennelle de Rentrée, 8 janvier 2014

Jacques Degrandi

RENTRÉE SOLENNELLE

Cour d’appel de Paris - Le métier de juge par Jacques Degrandi ...................................... 2 - Prendre des mesures fortes en faveur de l’institution judiciaire par Francois Falletti ...................................................................... 4 l Cour d’appel de Rennes - L’organisation judiciaire au 21ème siècle par Philippe Jeannin .... 8 - Repenser le rôle du magistrat par Véronique Malbec ............. 10 - Installation du Procureur Général le 6 septembre 2013 par A. Coriolis .............................................................................. 10 l

AGENDA .................................................................................................. 7 ELECTIONS Autorité des Marchés Financiers - Michel Pinault élu Président de la Commission des sanctions .... 7 Conseil National des Barreaux - Jean-Marie Burguburu réélu Président ............................................ 24 l l

VIE DU CHIFFRE

JPA International - Rentrée fiscale et sociale 2014............................................................ 13 l Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables - Editeur de la collection « L’Expert en Poche ».................................. 24 l

SOCIÉTÉ

l Cercle des Stratèges Disparus - « Les paradis fiscaux, la concurrence fiscale » ........................ 14

JURISPRUDENCE

Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence - Le CNB et l’Ordre des Avocats d’Aix-en-Provence obtiennent la condamnation du site « divorce-discount.com » ............. 15 l

ANNONCES LÉGALES ................................................ 16

A

u soir de sa vie professionnelle, Jacques Degrandi, qui fera valoir ses droits à la retraite le 1er juillet 2014, a livré quelques messages forts lors de l’audience solennelle annuelle de rentrée qu’il a présidée pour la dernière fois ce mercredi 8 janvier 2014 en présence de hautes personnalités. Cette année Madame la Garde des Sceaux s’est fait représenter par sa Directrice de Cabinet Christine Maugüé. Comme le 11 janvier 2012 (Les Annonces de la Seine du 19 janvier 2012, pages 1 et suivantes) le discours du Premier Président prendra rang parmi ceux qui marqueront l’histoire judiciaire française : « il faut profiter de l’occasion historique résultant de la crise pour bouleverser nos modes de pensées et nos structures dans un monde qui change formidablement, à un rythme inattendu ». Le Chef de Cour a notamment insisté sur les qualités intrinsèques nécessaires au métier de juge en dehors de celles de juriste, au premier rang desquelles l’humanisme, l’empathie, l’abnégation, la disponibilité et l’opiniâtreté dans le travail. Le Procureur Général François Falletti a choisi pour sujet d’intérêt juridique d’évoquer trois thématiques « cruciales dans le quotidien du Parquet Général de Paris : le statut du Parquet, la nécessaire simplification normative et l’inadéquation des moyens financiers et humains ». Pour l’orateur, il est indiscutable que le statut du Parquet a connu des améliorations nombreuses depuis vingt ans,

relativement à son indépendance notamment avec les réformes constitutionnelles de 1994 et 2008, mais force est de constater qu’une mauvaise image persiste : « c’est incompréhensible que l’on continue de lire ou d’entendre que le Parquet serait aux Ordres du Ministère de la Justice dans la conduite des dossiers ». Dans ce contexte « comment sortir de la contradiction qui veut que les magistrats du Parquet, placés sous l’autorité d’un membre de l’exécutif, soient simultanément membres de l’autorité judiciaire et doivent conduire leurs missions juridictionnelles sans influence dans les affaires particulières ? ». La Commission Nadal, concernant la question de la remontée de l’information en direction du Ministère de la Justice à l’égard des dossiers individuels en cours « a émis des suggestions qui vont dans le bon sens » car elles écartent les mises en cause du Ministère de la Justice au titre de supposés conflits d’intérêts. François Falletti a préconisé et appelé de ses vœux la création d’un Procureur national ou d’un collège de Procureurs Généraux « en charge de procéder notamment aux arbitrages utiles sur le terrain de l’action publique ». En ce qui concerne la simplification normative et le déficit en terme de moyens humains et financiers, le Procureur Général de Paris a également souligné qu’il était « urgent d’agir pour que soient levés les éléments de confusion qui pénalisent le fonctionnement judiciaire ». Jean-René Tancrède

J ournAL o FFiCieL d ʼA nnonCes L égALes - i nFormAtions g énérALes , J udiCiAires et t eChniques bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FondAteur en 1919 : rené tAnCrÈde - direCteur : JeAn-rené tAnCrÈde


Les Annonces De La Seine

Rentrée solennelle

Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr

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2013

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surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous‑titres : chacune des lignes constituant le sous‑titre de l’annonce sera composée en bas‑de‑casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous‑titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Le métier de juge par Jacques Degrandi

J

’ai été fortement tenté de développer aujourd’hui les thèmes concernant la justice du XXIème siècle et l’office du juge. Mais j’ai exposé mes idées sur ces questions au cours des années passées, notamment lors des audiences solennelles de rentrée ou à l’occasion de contributions qui m’ont été demandées, la dernière le 16 mai 2013 par le groupe de travail de la Commission des lois du Sénat sur la justice de première instance. Je les maintiens sans qu’il soit besoin de les évoquer à nouveau. Qu’il me soit simplement permis d’exprimer une nouvelle fois la conviction qu’il faut profiter de l’occasion historique résultant de la crise pour bouleverser nos modes de pensées et nos structures dans un monde qui change formidablement, à un rythme inattendu. C’est le moment de faire évoluer l’organisation judiciaire dont il faut accentuer la lisibilité, la célérité et l’efficacité sans perte de qualité. Je n’ignore pas les résistances auxquelles les propositions de tous ordres, en particulier celles faites par la Conférence des premiers présidents à l’issue de son séminaire annuel le 29 mai 2013, de créer le tribunal départemental de première instance, de supprimer une quinzaine de cours d’appel, de déjudiciariser et dépénaliser, de développer des modes alternatifs de règlement des conflits et de promouvoir un juge recours et non plus un juge omniprésent, se heurtent à de fortes résistances, notamment au nom de la proximité. Mais la proximité, ce n’est pas disposer du juge au coin de la rue. Les moyens actuels permettent de se transporter jusqu’à lui le jour de l’audience. Non, la proximité, c’est être en mesure pour le citoyen de percevoir facilement l’organisation judiciaire, une organisation simplifiée qui ne nécessite pas le recours à un spécialiste pour savoir à quel juge s’adresser. C’est disposer d’un accès facile au juge par le biais d’une porte d’entrée unique grâce aux nouvelles technologies. C’est enfin disposer d’un juge qui sera à même de résoudre le litige dans un délai de quelques mois et pas de quelques années comme c’est souvent le cas actuellement. Je crois que la Garde des Sceaux n’est pas très éloignée

de cette conception. J’en veux pour preuve la lettre de mission qu’elle a adressée à la Première Présidente d’Orléans et au Procureur Général de Rouen. Elle y souhaite une proximité concrète permettant d’assurer au citoyen une réponse effective, efficace et efficiente à ses demandes. Je forme le vœu que la détermination qui l’anime permette de promouvoir un tel résultat à bref délai en dépit des obstacles qui ne manqueront pas de surgir sur la route. J’en viens au sujet principal de la dernière audience solennelle de rentrée que j’ai l’honneur de présider puisque le moment est venu pour moi de tourner la page. Je goûterai en effet le temps de la retraite à partir du 1er juillet 2014. Ce sujet, qui porte sur le juge dans la société, se veut un hommage appuyé à mes collègues et au beau métier de magistrat de l’ordre judiciaire qu’ils exercent. Le juge est fréquemment stigmatisé, certes parfois à juste titre, le plus souvent à cause de dysfonctionnements qui procèdent de l’insuffisance des moyens consentis à l’institution judiciaire. Ces dysfonctionnements, dont ils ne sont pas responsables, occultent la grandeur de la justice du quotidien, celle qui permet de réguler au jour le jour les centaines de milliers de conflits dont elle est saisie chaque année. Ces litiges n’intéressent que peu de monde de sorte que l’image colportée de l’institution ne reflète que l’infime partie, malheureusement souvent négative, de la réalité. Monsieur Henri de Larosière, alors qu’il était Président du Tribunal de grande instance de Vannes, l’a judicieusement fait observer dans la communication qu’il a faite le 16 octobre 2006 à l’Académie des Sciences Morales et Politiques. Je l’ai cité une première fois en janvier 2007. Je n’hésite pas à le refaire. « Qu’une mère délaissée et sans ressource obtienne du père de son enfant une pension alimentaire pour contribuer à son éducation n’intéresse personne. Qu’une famille retrouve son toit parce qu’elle a placé les économies de toute une vie dans la construction d’une maison dont l’entrepreneur de gros œuvre a fait faillite indiffère. Qui se préoccupe de ce jeune chef d’entreprise dont les projets sont anéantis parce que son stock est inondé et que son assureur refuse de l’indemniser ? Quelle importance que ce père ne puisse revoir sa fille que sa mère a emmenée

Les Annonces de la Seine - Lundi 20 janvier 2014 - numéro 4


Rentrée solennelle corrigé avant l’issue de la procédure. Mais il s’agit d’une faible minorité et il est heureux que le Conseil supérieur de la magistrature, statuant en formation disciplinaire, sanctionne sans faiblesse des comportements qui ne sont pas conformes à l’office et à l’éthique du juge. La très grande majorité des magistrats mérite quant à elle, une haute considération. La plupart des personnes qui accomplissent des stages dans les juridictions modifient très sensiblement l’image qu’ils en avaient auparavant. L’expérience leur démontre que celle perçue à l’extérieur de l’institution ne reflète que très imparfaitement le contenu, la difficulté, la technicité de leurs tâches et l’humanité avec laquelle ils s’en acquittent. Le métier de magistrat consiste quant à lui, principalement, à résoudre les litiges en articulant des données de fait et de droit de telle sorte que la loi soit appliquée en tenant compte, dans toute la mesure du possible, de l’équité. Il faut donc pour l’exercer des qualités de juriste. Elles ne suffisent évidemment pas. Il faut également des qualités humaines. La plus importante est probablement l’empathie, autrement dit la capacité de se mettre à la place des autres et de les traiter comme on souhaiterait l’être. L’ouverture d’esprit est tout aussi essentielle pour permettre d’appréhender les données périphériques des litiges et subséquemment la portée des décisions. Il faut encore de l’abnégation, un engagement et une disponibilité que peu de professions exigent, une puissance de travail opiniâtre. C’est le prix à payer pour être utile aux justiciables, à la société et à l’institution. Cela dit, le métier est un de ceux dont on ne peut pas se lasser. Il est possible au cours d’une carrière d’exercer des fonctions variées, au parquet, à

l’instruction, au siège pénal, au siège civil, au siège commercial ou social de la cour d’appel et de la Cour de cassation, à la chancellerie, à la direction d’une juridiction, à l’inspection des services judiciaires. Chaque fonction permet de vivre une expérience différente, de développer un talent particulier, d’approcher des contentieux multiples et toujours intéressants sur le plan juridique et humain, avec une foule de nuances qui permet de répondre à l’appétence de chacun et de découvrir toutes les facettes de l’humanité. Certaines de ces fonctions, en particulier celles à la Chancellerie, au Parquet et à la direction des juridictions, permettent de découvrir comment l’activité de l’institution judiciaire s’articule avec celle des autres rouages de l’État. Elles vous transforment en administrateur appelé à maîtriser la gestion budgétaire, celle des ressources humaines, mais aussi toutes les problématiques de l’immobilier, de l’informatique, des marchés et j’en passe. Ce métier permet aussi de se convaincre que le pouvoir juridictionnel, qui consiste, ainsi que l’a fort bien analysé l’universitaire Thierry Renoux, à dire le droit « avec une force de vérité comparable à celle de la loi », est un pouvoir pur en ce sens qu’il relève de la seule conscience du juge lorsqu’il délibère avec ses collègues pour prendre la décision. Là réside son essence et je peux affirmer, au soir de ma carrière, qu’il est l’un des plus beaux métiers qui soit. A l’heure où l’on évoque une désaffection des étudiants des facultés pour la magistrature, je forme le vœu que les meilleurs d’entre eux et les hommes de qualité muris dans des cercles professionnels touchant au droit s’en convainquent et viennent en faire l’expérience. Je gage qu’ils ne le regretteront pas. Quant à moi, je suis fier et heureux qu’il ait rempli une partie non négligeable de mon existence.

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outre-mer pour suivre le nouvel homme de sa vie ? L’actualité peut-elle s’intéresser à ce jeune homme paralysé par un accident de la circulation à l’âge ou d’autres construisent des projets d’avenir ? Quelle importance qu’un père de famille perde son emploi faute de pouvoir se rendre au travail parce que son automobile a été mal réparée par un garagiste ? Qui, ce couple surendetté après avoir contracté des crédits à répétition qu’il ne pourra jamais rembourser, même s’il y consacrait toutes les faibles ressources de sa vie, intéresse-t-il ? Qui peut se sentir concerné par cet octogénaire dont les seuls moyens de subsistance proviennent du loyer d’un magasin, impayé depuis des mois, et dont l’occupant se maintient dans les lieux ? Comment se soucier de ce retraité paisible qui, après une vie de labeur et de réussite, est privé de ses biens et voit la sécurité matérielle de ses vieux jours compromise car il a eu l’imprudence de se porter caution des dettes de l’un de ses enfants qui a fait de mauvaises affaires ? Pourtant, ces drames de la vie ordinaire bouleversent nombre de nos concitoyens, jusqu’à faire basculer leur existence. Ces malheurs et ces détresses alimentent, sans bruit, nos Palais de justice où les juges tentent, à chaque fois, en appliquant la règle de droit, de donner aux litiges qu’ils soustendent la solution que la loi commande, sans méconnaître les enjeux humains et les conséquences sociales de leurs décisions ». Chacun conviendra que cette communication met utilement en exergue la tâche quotidienne des magistrats de l’ordre judiciaire. Il ne faut pas dissimuler que certains sont faiblement performants, que d’autres mènent publiquement des combats faisant douter de leur impartialité, que quelques-uns cèdent aux trompettes de la renommée dans des conditions peu éthiques, que d’aucuns s’adonnent à un usage téméraire des prérogatives judiciaires, heureusement

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Rentrée solennelle Prendre des mesures fortes en faveur de l’institution judiciaire

Francois Falletti

par Francois Falletti

I - LE STATUT DU PARQUET En finir avec la confusion autour du statut du Parquet. J’observe que je suis amené à revenir sur cette thématique chaque année, dans le contexte

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ans les jours qui viennent, va s’ouvrir un débat important pour préparer l’adaptation de la Justice aux missions qui lui reviennent dans la société pour un meilleur service rendu à nos concitoyens. Plusieurs commissions ont préparé le terrain ; elles ont émis des propositions nouvelles ou confirmé des pistes d’amélioration envisagées au cours des années passées. Il faut souhaiter que le travail d’adaptation de notre Institution ainsi engagé puisse aboutir dans des délais proches, tant est forte l’attente des citoyens et des professionnels de Justice. C’est, qu’en effet, nous sommes nombreux à conserver le souvenir des commissions et groupes de travail qui ont émaillé la vie judiciaire au fil de ces 20 dernières années, depuis les réflexions menées sur la départementalisation en 1991, la commission Vedel en 1992 sur le statut de la Magistrature et la mise en cause de la responsabilité des membres de l’Exécutif, le rapport Truche sur le Ministère public en 1997. Les commissions Magendie, Guinchard, Varinard et Coulon sur divers aspects de l’organisation judiciaire, la commission Justice pénale et Droits de l’Homme présidée par Mireille Delmas-Marty en 1990/1991, la commission parlementaire sur l’affaire d’Outreau et la commission Léger à propos de la réforme de la mise en état des affaires pénales, sans oublier la vaste consultation lancée en 2001 par le Ministère de la Justice dans le cadre des entretiens de Vendôme, cette liste n’étant au demeurant en rien exhaustive ; certaines de ces réflexions ont débouché sur des inflexions sensibles du fonctionnement de la Justice, d’autres sont demeurées pour une large part à l’état de projets. Or, la situation de la Justice apparait aujourd’hui particulièrement difficile faute d’avoir été réformée en profondeur, et alors que le contexte budgétaire très contraint frappe des structures judiciaires qui n’ont guère profité des décennies passées pour se doter de moyens à la hauteur des besoins nécessaires à l’exercice de missions qui ne cessent de croître. L’on ne peut à cet égard que déplorer les carences dans l’anticipation qu’illustrent ces difficultés et regretter que les indispensables solutions d’ampleur aient trop longtemps été retardées. Faute de pouvoir évoquer l’ensemble des différents sujets abordés par les groupes de travail, lesquels seront d’ailleurs approfondis dans le cadre de débats ouverts dès ce vendredi à l’UNESCO, il me semble que le plus important est d’insister sur l’urgence qu’il y a désormais à prendre des mesures fortes à très bref délai pour mettre un terme à une certaine confusion qui se manifeste dans bien des domaines ; j’évoquerai plus particulièrement ici les trois thématiques qui suivent, qui sont cruciales dans le quotidien du Parquet général de Paris : le statut du Parquet, une nécessaire simplification normative, l’inadéquation des moyens, spécialement s’agissant de notre région Ile-de-France.

de cette audience solennelle. Déjà en 2012, je soulignais que les ambigüités qui entourent le statut du Parquet soulèvent un grave enjeu de démocratie : elles ne servent ni les citoyens, invités à imaginer des connivences honteuses au nom d’intérêts de carrière peu reluisants au détriment de l’application de la Loi, ni les élus qui sont parfois taxés de pressions sur le cours de la Justice, ni les magistrats du Parquet euxmêmes dont on dégrade l’image au regard de ce qui doit constituer le cœur même de leur éthique professionnelle. Relevons en toute objectivité que le statut du parquet a connu des améliorations successives au cours des 20 dernières années, spécialement du fait des réformes constitutionnelles de 1994 et 2008 ; le Conseil constitutionnel réaffirme d’ailleurs régulièrement le rattachement du Parquet à l’Autorité judiciaire. Plus récemment, trois éléments importants sont venus renforcer l’édifice du Ministère Public : tout d’abord, l’engagement a été pris par le Président de la République -son prédécesseur s’y était également engagé en janvier 2012- de se conformer aux avis rendus par le CSM dans le processus de nomination des magistrats du Parquet, sans attendre une réforme ancrant cette règle dans les textes. Le processus de nomination donne par ailleurs lieu à une publication en transparence depuis un an pour les fonctions de Procureur général et d’Avocat général à la Cour de cassation, à l’instar des autres emplois de la Magistrature. Enfin, la loi du 25 juillet 2013 a apporté une clarification essentielle en supprimant pour le Garde des Sceaux la possibilité d’adresser aux magistrats du Parquet toute instruction dans les affaires individuelles, le Ministre conservant la seule prérogative de diffuser des circulaires de politique pénale à caractère général. Comment comprendre alors que l’on continue de lire ou entendre que le Parquet serait « aux ordres » du Ministère dans la conduite de ses dossiers ? Cela tient sans doute à la force de l’habitude et au fait que cette présentation d’un Parquet instrumentalisé donne davantage prise aux polémiques ; s’y ajoutent les débats initiés par plusieurs décisions rendues par la Cour de

Strasbourg et par la Cour de cassation sur la notion d’autorité judiciaire quoiqu’elles aient été rendues dans des contextes particuliers sur lequel je n’ai pas le temps d’insister ici. Il est certain que le renforcement du statut du Ministère Public, et par voie de conséquence l’image de l’institution judiciaire et la vie démocratique, gagneraient beaucoup à l’inscription dans la Constitution de mesures propres à garantir l’impartialité du processus de nomination, au minimum en prévoyant un avis conforme du C.S.M., et a fortiori en allant plus loin par un alignement pur et simple des modes de nomination des magistrats du siège et du Parquet comme le préconise la commission Nadal. Cette réflexion ancienne était d’ailleurs déjà présente en 1997 dans les travaux de la commission présidée par Pierre Truche. Il faut espérer qu’une évolution des textes en ce sens puisse enfin intervenir. Indépendamment de ces souhaitables innovations constitutionnelles, l’observation de la pratique que nous pouvons effectuer à Paris illustre certains besoins de clarification. Tout d’abord, la formulation de l’article 5 de l’ordonnance statutaire numéro 58-1270 du 22 décembre 1958 mériterait d’être actualisée : « les magistrats du Parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. A l’audience, leur parole est libre ». Une nouvelle rédaction serait logique pour tenir compte du fait que le Ministre de la Justice n’adresse plus d’instructions individuelles, tout en conservant la possibilité d’adresser des directives générales. Comment autrement sortir de la contradiction qui veut que les magistrats du Parquet, placés sous l’autorité d’un membre de l’Exécutif, soient simultanément membres de l’Autorité judiciaire et doivent conduire leurs missions juridictionnelles sans influence dans les affaires particulières? Un deuxième angle de clarification, au demeurant sur un terrain voisin, concerne la question de la remontée de l’information en direction du Ministère à l’égard de dossiers individuels en cours. La commission Nadal a émis à ce sujet quelques suggestions qui vont dans le bon sens, mais il conviendrait, me semble-t-il, d’aller plus loin dans la réflexion, par exemple s’agissant de la

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Rentrée solennelle situation particulière générée par la mise en cause de certaines personnalités politiques ou membres du gouvernement afin d’éviter des mises en cause du Ministre de la Justice au titre de supposés conflits d’intérêt. Une clarification s’impose sur un troisième terrain : la disparition de l’arbitrage du Garde des Sceaux lorsque plusieurs juridictions réparties sur le territoire sont en situation de compétence concurrente ou impliquent des regroupements de procédures, rend nécessaire l’organisation d’un indispensable mécanisme de substitution. La commission Nadal propose de laisser le Procureur général interrégional spécialisé assurer cet arbitrage au sein du ressort élargi qui est le sien. Il est également envisagé de mettre au point, s’agissant de l’organisation du regroupement de procédures disséminées sur différents points du territoire, une procédure de « règlement de procureurs », comme il existe une procédure de « règlement de juges », sous la responsabilité du Parquet général près la Cour de cassation. Pour ce qui concerne notre ressort, il parait possible de déduire des réflexions de la commission Nadal que chaque fois que surviendra un conflit dans le cadre d’une compétence concurrente au niveau national, c’est le Procureur général de Paris qui aura la responsabilité d’arbitrage ; ceci vaudrait donc pour le terrorisme, les crimes contre l’Humanité et, à partir du premier février, pour les affaires entrant dans le champ de compétence du nouveau procureur financier national ; la commission des lois du Sénat avait d’ailleurs proposé cette solution s’agissant du procureur financier avant que l’ensemble du projet de loi concerné ne soit finalement rejeté par la Haute assemblée. Certaines situations n’ont pas été évoquées par la commission Nadal : je songe notamment aux conflits de compétence entre plusieurs procureurs généraux interrégionaux en charge de JIRS (juridictions inter-régionales spécialisées), d’affaires de santé, en cas de grande catastrophe impliquant une centralisation rapide de faits et victimes dispersées sur tout le territoire national, qui s’inscrivent dans une dynamique de direction de l’action publique qui échappe en l’état au Parquet général de la Cour de cassation. En définitive, comme je l’évoque régulièrement, la création d’un Procureur national, ou, à l’instar des Pays-Bas, d’un collège de Procureurs généraux, en charge de procéder notamment aux arbitrages utiles sur le terrain de l’action publique demeure d’actualité au-delà de ces pistes de réflexion intéressantes. Cette solution, mise en œuvre dans de nombreux Etats, présenterait en outre l’intérêt, parmi d’autres, d’ancrer plus clairement le Parquet au sein de l’Autorité judiciaire et de préparer notre système à la mise en place d’un futur Parquet européen actuellement en cours de débat au sein de l’Union européenne. II - LES NORMES S’engager resolument vers des simplifications normatives. Le phénomène de l’inflation normative est dénoncé de longue date, et chacun a à l’esprit les déterminantes études du Conseil d’Etat à ce sujet. Force est cependant de constater que la situation ne s’améliore guère, bien au contraire, dans tous les domaines. C’est particulièrement vrai s’agissant du Droit pénal et de la procédure pénale. Au rythme d’au moins une loi par an depuis 30 ans, cette dernière a peu à peu perdu ses repères, et les bouleversements récents désormais

imposés par les jurisprudences conjuguées du Conseil constitutionnel, de la Cour européenne des Droits de l’Homme, de la Cour de cassation et de la Cour de Justice de l’Union européenne ont vivement accentué une insécurité juridique chronique. Ce ne serait pas très grave s’il s’agissait d’un simple exercice de juriste ; or, ces incertitudes conditionnent aussi la liberté et la sécurité des citoyens et plus largement tous les aspects de la vie en société. Sans partager nécessairement le constat désabusé prêté à Tacite dans le contexte de l’Empire Romain, selon lequel « les lois sont d’autant plus nombreuses que l’Etat est corrompu », il est permis de considérer que l’excès de normes conduit peu à peu à perdre les principes fondamentaux d’un Etat en bonne santé. Montesquieu ne dit rien de différent lorsqu’il écrit dans l’Esprit des Lois que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». Précisément, le plus grave en ce qui concerne notre procédure pénale, c’est qu’elle superpose désormais de multiples principes issus de traditions juridiques diverses sans parvenir à dégager une cohérence indispensable. Par ailleurs, la transposition répétée de textes européens dans un appareil judiciaire mal préparé renforce encore ces incertitudes : que l’on songe à la loi du 5 août 2013, prise pour l’application d’une Directive de l’Union européenne, qui institue l’obligation de traduire les pièces principales des procédures pénales sans donner une définition simultanée et précise de ce qu’il faut entendre par cette expression. La perspective de la transposition de la directive relative à l’accès au dossier en cours de garde à vue, a déjà commencé de faire naître des incertitudes procédurales et des difficultés pratiques sérieuses, voire insurmontables dans les liaisons entre parquets, cabinets d’instruction et services d’enquête. Les fluctuations normatives et jurisprudentielles autour de pratiques aussi essentielles que la géo-localisation, l’accès aux pièces essentielles des dossiers en cours de garde à vue et leur traduction tout au long de la procédure, le déroulement des enquêtes, en viennent à mettre en cause, au gré des décisions rendues par les différentes juridictions, pendant de trop longues périodes, l’égalité des citoyens devant la Loi pénale sur l’ensemble du territoire. Ces hésitations juridiques fragilisent en outre la confiance que doivent avoir les acteurs de Justice et des services d’investigations dans le cadre juridique de leur action. Il est urgent de revisiter notre procédure pénale dans son ensemble pour que soit dégagé un dispositif plus simple et adapté aux nouvelles incitations internationales et aux évolutions relevées au cours de ces 30 dernières années. Est-il, par exemple, indifférent que notre Code de procédure pénale ait été conçu en un temps ou le recours à l’instruction préparatoire concernait presque 25 % des affaires, contre à peine 4 % aujourd’hui ? Comment comprendre que certaines mesures législatives portant sur l’instruction préparatoire adoptée en 2007 demeurent régulièrement différées ? La suggestion formulée par la commission Nadal de renforcer le caractère contradictoire du cadre procédural de l’enquête préliminaire s’impose ; elle ne peut cependant suffire et doit, comme la commission le suggère aussitôt, être suivie d’une réforme profonde. C’est dire que cette mise à plat que certains de nos voisins ont su réaliser, par exemple en Allemagne, en Italie, plus récemment en Autriche et en Suisse, doit être engagée sans tarder, comme j’ai déjà eu

l’occasion d’en émettre le vœu, et s’inscrire dans un projet prenant en compte les différents aspects d’une indispensable réforme, y compris sur le terrain pratique de l’organisation des juridictions. Cette nécessaire révision de la mise en l’état des affaires pénales, désormais urgente, n’avait-elle pas d’ailleurs déjà été préconisée il y a plus de 20 ans par la commission Delmas-Marty ? Et le préalable posé par cette dernière commission d’une réforme du statut du parquet n’est-il pas susceptible d’être enfin levé ? Si cette réforme d’ensemble de la mise en état des affaires pénales constitue à mes yeux une priorité, il ne faut pas pour autant oublier de veiller à l’adaptation et à la simplification de nos textes dans d’autres domaines ; cela revient en particulier à s’interroger sur le rôle que l’on souhaite conférer au juge dans des matières telles que l’hospitalisation sous contrainte ou l’application des peines ; le rapport de l’IHEJ (Institut des Hautes études de Justice) qui préconise une redéfinition de l’intervention du juge en privilégiant une mission de supervision conformément aux prescriptions constitutionnelles envisage d’ailleurs cette évolution. Il est enfin des domaines où il est urgent d’adapter notre législation aux évolutions de notre monde, spécialement au regard de l’activité de réseaux maffieux internationaux. La préoccupation est grande face à l’inadéquation du traitement judiciaire des mineurs exploités par de tels réseaux circulant à travers l’Europe, en dépit d’un travail considérable conduit par les magistrats, les policiers en lien avec les autorités de certains Etats qu’il y a lieu de saluer. Près de 35 % des mineurs issus de l’est de l’Europe arrêtés dans la capitale pour diverses infractions sont aujourd’hui des enfants de moins de 13 ans à l’égard desquels les réponses judiciaires sont inadaptées. Remettre à la rue ou dans leur milieu criminogène des enfants aussi jeunes, est-ce vraiment assurer leur protection et la mission éducative voulue par les textes? La réponse, évidente dans son principe, implique la mise au point d’urgence de procédures et de structures rénovées. Quels qu’en soient les motifs, l’instabilité et l’inadéquation normatives ont un coût important pour la Société et les justiciables. Ainsi, pour le ressort de la Cour d’appel de Paris, ce sont 2 270 936 euros qui ont été accordés en 2012 pour l’indemnisation des mesures de détention provisoire suivies de décisions de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, représentant 25 099 journées de détention avant jugement, pour un total cumulé de 68 ans 9 mois et 9 jours pour 148 requérants. Les actions tendant à la mise en cause de la responsabilité de l’Etat pour un fonctionnement défectueux du service public de la Justice, notamment au regard du nonrespect du délai raisonnable, ont tendance à se développer. Dans un ordre d’idée voisin, la Cour de Strasbourg a condamné à nouveau la France pour ne pas avoir été en mesure de faire juger par la Cour d’Assises spécialisée des accusés impliqués dans une affaire de terrorisme. N’est ce pas le signe que notre Droit doit être simplifié, accéléré et modernisé? C’est une erreur que de penser que les joies des plaideurs et des procéduriers servent nécessairement l’idéal de Justice. Il ne faut pas, comme dit l’adage, que la loi, comme la toile d’araignée, retienne le plus léger en laissant échapper le plus lourd.

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III - LES MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS Adapter notre organisation aux spécificités de l’Ile-de-France. Les spécificités indéniables de l’Ile-de-France, que les commissions n’ont pas eu le temps d’analyser, devront être examinées dans la période qui s’ouvre à présent. Certains particularismes tiennent bien sûr au fait que cette région représente à elle seule plus d’un citoyen sur six, sans compter tous ceux qui la traversent ou y séjournent, et dispose d’un poids économique évident, mais aussi aux conditions de vie particulières que connaissent ceux qui exercent sur ce territoire hors norme ; c’est d’ailleurs précisément pour cette raison que le ressort de la Cour d’appel de Paris fait l’objet d’un classement hors-catégorie qui la distingue des autres plus grandes juridictions de France, ce que méconnait la présentation figurant dans l’un des rapports. Je me bornerai ici à évoquer deux thèmes, relatifs respectivement à l’organisation judiciaire et à la gestion des ressources humaines dans cette région. S’agissant de l’organisation judiciaire, la création de la police d’agglomération en 2009 sur le territoire de la préfecture de police de Paris a fait apparaitre un cadre de travail nouveau intéressant quatre parquets (Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre) implantés sur deux Cours d’appel. Cette situation rend plus nécessaire que jamais une coordination exemplaire entre les Parquets généraux de Paris et de Versailles, ce dernier étant compétent pour l’un de ces quatre parquets (les Hauts-de-Seine). Comment en effet concevoir des analyses et pratiques mal harmonisées à l’égard de services d’enquête exerçant sur Paris comme sur la petite couronne ?

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Cette problématique doit impérativement être conservée à l’esprit, que ce soit dans le schéma proposé par la commission Nadal qui évoque la constitution d’une seule Cour d’appel régionale pour l’Ile-de-France avec une antenne à Versailles, ou dans le contexte de plusieurs Cours d’appel par région évoqué par la commission Marshall. Plus généralement, et indépendamment de toute réforme de structure, l’articulation des deux Cours d’appel de Paris et Versailles qui interviennent dans un contexte urbain et un ensemble économique communs impliquant notamment des transferts de population considérables chaque jour rend indispensable une mise en cohérence des politiques mises en œuvre sur les deux ressorts. Le conseil régional de politique pénale, institué entre les parquets généraux des deux Cours, permet précisément de définir des lignes de politique communes, qui ont porté cette année sur les thématiques de violences intrafamiliales, de prélèvement d’organes et d’habitat indigne. Une harmonisation plus poussée et portant sur tous les domaines d’intervention des Parquets, y compris en matière civile et commerciale, serait justifiée compte tenu de l’interpénétration des territoires et de la présence d’interlocuteurs communs de l’institution judiciaire. Ici plus qu’ailleurs, un effort de rationalisation s’impose. Enfin, il est souhaitable de tirer les conséquences du particularisme de plus en plus marqué du Tribunal de grande instance et de la Cour d’appel de Paris au titre de leurs spécialisations propres au niveau national ou interrégional dans des domaines importants, notamment l’antiterrorisme, la lutte contre les génocides et les crimes contre l’Humanité, le traitement des opérations militaires extérieures, les responsabilités du nouveau parquet financier

national, les recours contre les sanctions prises par les Autorités administratives indépendantes, les infractions en matière de santé, la criminalité organisée dans le cadre des JIRS, les questions touchant à la nationalité ou aux brevets. L’impérieuse nécessité pour l’institution judiciaire de réussir pleinement dans le traitement de ces contentieux spécialisés justifierait que soit engagée une réflexion particulière dans la perspective d’une organisation judiciaire rénovée qui n’a pas pu être effectuée par les groupes de travail. Sur un second point essentiel, il faut souligner les difficultés particulières que connaissent les parquets du ressort de la Cour de Paris en matière de gestion des ressources humaines ; chacun sait que les fonctions du Ministère public connaissent une certaine désaffection, qui se matérialise particulièrement dans les parquets de la périphérie parisienne : à travers la Justice comme par celle d’autres administrations, la présence de l’Etat doit se manifester avec force sur ces territoires sur lesquels l’exercice professionnel se heurte à un terrain particulièrement difficile. Le constat répété au fil des ans est malheureusement toujours le même : nombre de fonctionnaires fraichement recrutés, soumis aux rudes contraintes financières et pratiques de la région parisienne, n’ont de cesse que de rejoindre leur région d’origine où ils ont leurs attaches. Il s’ensuit un mouvement permanent d’agents qui, souvent pour des raisons très légitimes ne se fixent pas dans les juridictions de l’Ile-de-France, provoquant involontairement des problèmes de gestion difficiles. Le constat pour les magistrats des Parquets est assez voisin et l’on ne trouve que peu de candidats en dehors des sorties d’école. Ainsi, le Parquet de Meaux, confronté à la mise en place cette année du centre du Mesnil-Amelot

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Rentrée solennelle qui attire sur le ressort un contentieux massif en provenance de quelques 60 préfectures et générant des permanences très tardives, souvent au-delà de minuit, ne comporte-il à l’heure actuelle aucun vice-procureur pour un effectif théorique de 18 parquetiers. Ce grave déficit d’encadrement intermédiaire se retrouve au demeurant dans les autres juridictions périphériques, spécialement à Evry, Bobigny et Créteil, pénalisant fortement le fonctionnement de ces juridictions. La difficulté est d’autant plus grande que le quota de magistrats placés auprès des chefs de cour pour porter appui aux juridictions en difficulté est très faible au regard des besoins, en tout cas bien inférieur en proportion à ce que l’on peut observer dans d’autres régions. Pour remédier aux difficultés de recrutement que l’on peut observer sur différents points du territoire, l’un des groupes de travail préconise de favoriser la carrière de certains magistrats et fonctionnaires qui accepteraient d’exercer sur des sites dits sensibles au regard des besoins. Cette formule, pour intéressante qu’elle soit, ne pourra, me semble-t-il, que demeurer d’un impact limité au regard du nombre de positions à couvrir sur la seule Ile-de-France ; une réflexion plus poussée doit être impérativement engagée à bref délai pour développer des incitations, y compris d’ordre financier ou des mesures à caractère social, afin de permettre de compenser effectivement et rapidement certaines des contraintes propres à l’exercice dans certaines juridictions qui ont du mal

à être dotées des effectifs nécessaires. Dans l’immédiat, l’interrogation est particulièrement grande au regard du déficit des magistrats qui devrait persister pendant encore plusieurs années du fait, notamment, des départs en retraite prévisibles : il est désormais urgent de prévoir des mécanismes de recrutement particuliers, notamment du côté des professions du Droit s’agissant des magistrats, et de développer des assistants des magistrats qui favoriseraient le travail en équipe tout en déchargeant les Parquets de certaines tâches et pourraient apporter, dans des délais réduits, un appui désormais indispensable ; devraient en outre être déployés des personnels techniques dont l’on ne peut se passer pour un déploiement optimal des outils et logiciels préalables à une dématérialisation dont on peut attendre beaucoup. Toutes ces préconisations ne sont pas nouvelles ; elles n’ont pu voir le jour jusqu’à présent. Leur mise en œuvre effective au plus vite, particulièrement attendue, serait susceptible d’apporter un appui apprécié dans le fonctionnement des parquets pour un meilleur service rendu aux justiciables. En conclusion Comme je l’ai exprimé tout au long de mon intervention, je ne puis que souligner l’urgence d’agir pour que soient levés les éléments de confusion qui pénalisent le fonctionnement judiciaire, tout particulièrement s’agissant des juridictions du ressort de la Cour d’appel de Paris. 2014-31

Elections

Autorité des Marchés Financiers Michel Pinault élu président de la Commission des sanctions

Agenda

INSTITUT FRANÇAIS DES PRATICIENS DES PROCÉDURES COLLECTIVES AVOCATS CONSEILS D’ENTREPRISE CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX 9ème édition des « Entretiens de la Sauvegarde » La crise moteur de croissance 27 janvier 2014 Maison de la Chimie 28, rue Saint-Dominique 75007 PARIS Renseignements : 01 44 50 15 60 stephanie@ifppc.fr

2014-33

ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES La liberté religieuse 1 700ème anniversaire de l’édit de Milan 28 janvier 2014 Institut de France 23, quai de Conti 75006 PARIS Renseignements : 01 44 41 43 23 ebel@asmp.fr

2014-34

DOCUMENTATION FRANÇAISE Les mercredis de la Documentation française « Crise ou changement de modèle ? » Conférence-débat le 29 janvier 2014 29, quai Voltaire 75007 PARIS

Paris, 7 janvier 2014

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D.R

ichel Pinault a été élu à la président du Conseil d’État et le Premier Président présidence de la Commission des de la Cour de cassation. Il doit être réélu après sanctions suite au renouvellement chaque renouvellement partiel. partiel des membres de celle-ci. Pour se prononcer sur un dossier, la Commission Marie-Hélène Tric présidera la deuxième section des sanctions peut se réunir en formation plénière ou en formation de section. En effet, comme de la Commission. Après la désignation courant décembre 2013 le permet le Code monétaire et financier, la de six nouveaux membres, la Commission des Commission est organisée en deux sections, sanctions de l’Autorité des marchés financiers composée chacune de six membres et présidée par l’un des conseillers d’Etat a procédé lors de sa réunion ou des conseillers à la Cour du 7 janvier 2014 à l’élection de de cassation. La Commission son nouveau président. Michel dans sa formation plénière et Pinault, président de section au la première section sont donc Conseil d’Etat et membre de la présidées par Michel Pinault. Commission des sanctions depuis Les membres de la Commission juin 2011, succède ainsi à Claude ont également élu Marie-Hélène Nocquet, conseiller à la Cour de Tric, conseiller honoraire de la cassation. Cour de cassation et membre Le président de la Commission de la Commission depuis janvier des sanctions est élu à la 2011, présidente de la deuxième majorité par les membres de la section. Commission, parmi les quatre 2014-32 Michel Pinault Source : Communiqué du 9 janvier 2014 magistrats désignés par le vice-

Renseignements : 01 40 15 71 74 bernadette.guilloux@dila.gouv.fr 2014-35

ASSOCIATION DROIT ET COMMERCE Remise du prix Droit et Commerce 12 février 2014 Conseil Constitutionnel 2, rue Montpensier 75001 PARIS Renseignements : 01 46 28 38 37 isabelle.aubard@droit-et-commerce.org 2014-36

CONSEIL D’ÉTAT « Où va l’Etat ? L’État peut-il survivre à la mondialisation ? » 12 février 2014 Salle d’Assemblée générale 1, Place du Palais-Royal 75001 PARIS Renseignements : 01 72 60 58 31 sre-colloques@conseil-etat.fr

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Rentrée solennelle

Cour d’appel de Rennes Audience solennelle de rentrée, 9 janvier 2014 Monsieur le Premier Président Philippe Jeannin et Madame le Procureur Général Véronique Malbec accueillaient leurs invités ce jeudi 9 janvier 2014 lors de l’audience solennelle de rentrée judiciaire de la Cour d’appel de Rennes, ce fut l’occasion pour les Chefs de Cour d’évoquer la réforme de « l’Institution Justice à bout de souffle ». La cérémonie s’est déroulée la veille du débat national à l’UNESCO sur la justice du 21ème siècle (Les Annonces de la Seine du 13 janvier 2014 pages 16 et suivantes). Les principaux thèmes abordés furent les suivants : renforcer le statut et l’indépendance des magistrats, créer un tribunal départemental, répondre aux crises de fonction et de vocation en redonnant du sens et de la crédibilité à la politique pénale, développer les nouvelles technologies, ajuster la carte judiciaire… Autant de sujets passionnants et importants qui sont des facteurs de « sensibilisation des acteurs au sein des juridictions françaises ». Le débat sur la justice du 21ème siècle est certes ouvert mais il faut « résister face aux difficultés et écrire dans la réalité de nos pratiques une page pour avancer sur ce chemin » a conclu Philippe Jeannin. Jean-René Tancrède

L’organisation judiciaire au 21ème siècle

semestre 2013 par des délégations supplémentaires sur les crédits d’agents non titulaires, en raison de la contrainte budgétaire, ce qui a contribué à des tensions sur la globalité des moyens données aux greffes de l’ensemble des juridictions du ressort.

Philippe Jeannin

par Philippe Jeannin

Première observation : D’abord la question des vacances structurelles de postes des magistrats du siège déjà évoquée pour la cour juridiction. Au moment où je vous parle, à l’exception du Tribunal de grande instance de Vannes, tous les tribunaux de grande instance du ressort connaissent, avant toutes absences liées aux congés (maladies – maternité – parentaux), une vacance d’au moins un poste dans les fonctions du siège non spécialisées, ou dans des fonctions spécialisées concourant (ex. les juge d’instruction à Saint-Malo ou Quimper) pour une part importante de leur activité à des fonctions dites annexes de jugement, ou encore dans certains des tribunaux d’instance rattachés (notamment Saint-Nazaire et Saint-Brieuc). La deuxième observation vient en précision de la précédente. Les vacances constatées sont ainsi comptabilisées après engagement de l’ensemble des magistrats placés disponibles pour les juridictions du ressort en comblement de neuf postes. Il n’en demeure pas moins qu’en consacrant la totalité de l’effectif de ces magistrats à cette fin, nous sommes privés d’une importante capacité

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e voudrais dire ici, au-delà des perspectives incertaines sur lesquelles s’ouvre l’année 2014, que des points ont été marqués, et que les résultats obtenus sont ceux d’un collectif de magistrats et fonctionnaires qui se sont mobilisés sur la réorganisation de cette juridiction, soulignant une fois de plus, le grand professionnalisme des greffiers, adjoints administratifs et techniques. S’agissant des juridictions du ressort, l’année 2013 aura été celle de la mesure de l’adaptation des ressources humaines aux évolutions nées de la nouvelle carte judiciaire. Plusieurs ressorts ont atteint cet objectif. Un nombre significatif de juridictions présente à ce jour une activité équilibrée en matière civile et pénale. Toutefois, d’autres situations restent préoccupantes. Des tensions pèsent en effet durablement sur l’activité. D’autres facteurs conjoncturels s’ajoutent à cette tendance générale, l’ensemble se traduisant dans les cinq observations qui suivent.

d’intervention sous forme de contrats d’objectifs dont les effets avaient été très positifs en 2012 et encore au cours du premier semestre 2013 et qui avaient permis, en provoquant des surnombres, de réorganiser complètement plusieurs services spécialisés, notamment au Tribunal de grande instance de Nantes, ou de parvenir à aider l’absorption partielle des fusions de juridiction comme à Brest ou Saint-Brieuc. Troisième observation : L’exécution du plan national de révision du stock des mesures de tutelle au 31 décembre 2013, pour mise en conformité avec les dispositions de la loi du 5 mars 2007, a été globalement mené à bien dans l’ensemble des tribunaux d’instance du ressort. Dans une Cour d’appel qui, après celle de Paris, présentait le stock le plus important de mesures à réviser, la performance n’est pas mince. Toutefois, cet effort a eu un prix élevé d’un double point de vue. Les juridictions les plus chargées ont dû produire un effort tel pour réaliser l’objectif que des transferts internes de charge d’activité ont dû être réalisés d’un service à l’autre, pénalisant souvent le contentieux civil dont les délais se sont accrus dans ces juridictions. Par ailleurs, la masse des crédits vacataires fléchés à juste titre par la direction des services judiciaires sur cette opération n’a pas été compensée au second

Quatrième observation : Les ajustements de la carte judiciaire peuvent se révéler des opérations périlleuses en situation de contraintes d’effectifs. Je me suis déjà exprimé s’agissant de la situation du Tribunal d’instance de Fougères. L’arrivée erratique et échelonnée des effectifs dont la juridiction a été dotée, qui s’est étalée sur une année, l’erreur consistant à penser qu’une charge de travail évalué à 1,5 ETPT (équivalent temps plein annuel travaillé) peut se réduire à l’affectation d’un seul magistrat dans des fonctions aussi séquentielles et diversifiées que celles de l’instance, l’immobilisation pendant près de deux ans de 2 200 dossiers de tutelle déplacés de Vitré et Fougères à Rennes, puis de Rennes à Fougères pour un résultat prévisible d’un stock résiduel de mesures non révisées à l’échéance du 31 décembre 2013, sont autant d’éléments propices à créer, après seulement deux ans de fonctionnement, une situation d’engorgement inéluctable qui n’a pu être limitée que par la présence d’un magistrat très expérimenté dans les fonctions et un grand professionnalisme du greffe. L’examen des conditions éventuelles de la création d’un second poste a été renvoyé contre l’avis des chefs de cour à un an ce qui, au mieux, concrétiserait, à supposer l’arbitrage favorable, une telle hypothèse au plus tôt en septembre 2015. Or, aider cette juridiction à l’heure actuelle par affectation d’un magistrat placé revient à accepter une vacance supplémentaire dans un autre ressort. Par ailleurs, si les perspectives immobilières, comme les publications de postes correspondant à une partie de la dotation prévisionnelle, permettent d’atteindre l’objectif d’ouverture dans le ressort de Saint-Brieuc d’une chambre détachée du Tribunal de grande instance à Guingamp, le 1er septembre 2014, la situation de cette juridiction et de son ressort se traduit aujourd’hui par deux vacances de postes de magistrats, une au Tribunal de grande instance et une au Tribunal d’instance. Deux postes de magistrats du siège sont prévus pour faire fonctionner la chambre détachée. Souhaitons, alors qu’un effort supplémentaire a été demandé à la juridiction dont la fusion avec le Tribunal de grande instance de Guingamp était en voie de stabilisation, en l’espèce de supporter la charge du redéploiement

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D.R.

Rentrée solennelle

d’un poste vers la chambre détachée, que le second poste qui doit être créé au-delà de son effectif actuel ne soit pas pourvu dans les mêmes conditions par redéploiement au nom de la pénurie par le jeu du niveau actuel de vacances. On ne peut ici encore qu’alerter sur les dangers de cette solution qui, en contradiction totale avec les annonces, au lieu de proximité, générerait des difficultés immédiates sur la totalité du périmètre d’activité de la juridiction à Saint-Brieuc comme à Guingamp. Cinquième observation : Malgré ces difficultés, ces incertitudes, les compte-rendus des audiences solennelles qui se tiendront dans chacun des ressorts vous montreront que certaines juridictions ont réussi des performances très remarquables, que certaines des fusions de la carte judiciaire sont assimilées ou en voie de consolidation, et que celles qui ont été le plus déficitaires en moyens, ont réussi à maintenir des niveaux d’activité qui, sans réduire les difficultés, ne les ont pas aggraver, sauf dans le domaine d’activité des TASS (Tribunal des affaires de sécurité sociale) où la disparition des magistrats honoraires qui hier assuraient la présidence de nombre de ces juridictions, ne peut être compensée, et ce, dans un contexte où les greffes de ces juridictions qui ne relèvent pas du ministère de la justice ont connu également une importante déflation. Les lignes qui avaient été définies l’an dernier dans le domaine pénal et tout spécialement pour favoriser l’exécution effective des peines d’emprisonnement ferme dans le cadre d’aménagements chaque fois que la situation du condamné s’y prêtait ont été partout mises en œuvre. Mais il convient de le redire. Agir dans ce domaine, laisser moins de peines sans exécution se traduit par une augmentation importante de l’activité judiciaire et des services pénitentiaires d’insertion et de probation, y compris jusque dans l’exercice des voies de recours. Le déficit global des moyens d’application des peines que nous avons signalé auprès des services de la chancellerie, notamment en rappelant le redéploiement opéré sur les seuls moyens de la cour pour permettre d’augmenter la

capacité de traitement du service de l’application des peines de Nantes a été pris en compte, du moins en ce qui concerne les magistrats. Trois postes supplémentaires de juges de l’application des peines sont créés à la circulaire de localisation 2013 à Saint-Nazaire, à Quimper et à Rennes. Malheureusement, et pour les raisons déjà indiquées, aucun d’entre eux n’a pu être pourvu jusqu’à présent. La progression de la procédure sur reconnaissance préalable de culpabilité est un élément favorable à retenir pour l’équilibre du secteur pénal. Ces cinq observations traduisent l’effort de tous, les résultats, mais aussi bien des difficultés devant nous. Pourtant, et dans l’attente d’une reconstitution progressive de nos moyens, il faut continuer à agir, gérer au mieux les ressources humaines, l’organisation des services et l’équilibre des contentieux. 2014 commence aussi sous le signe de la réflexion sur l’avenir de la justice. Le cadre de cette audience ne me permet que d’évoquer ce sujet parmi la masse de ceux qui touchant à l’organisation judiciaire au XXIème siècle, à l’office du juge ou au ministère public couvrent la totalité du champ prospectif des enjeux essentiels d’une justice plus moderne, plus participative, consolidant ses procédures de droit interne par une intégration toujours plus forte des références aux normes européennes. Indépendamment des critiques qui, comme notre pays en a l’habitude, ne manqueront pas de s’abattre « ab irato » sur nombre des préconisations des rapports issues des groupes de travail mis en place par Madame la Garde des Sceaux, saluons néanmoins dans cette initiative le souci de voir toutes les idées s’exprimer pour sortir de cette seule et sempiternelle équation comptable à laquelle je viens pourtant de vous soumettre opposant l’importance de la demande judiciaire, l’exigence de qualité dans l’écoute et la production des décisions à un nombre insuffisant de juges. C’est pourquoi, conjuguant les éléments de synthèse contenus notamment dans ces travaux

consacrés au périmètre de l’office du juge, à l’écoute des initiatives prises par plusieurs juridictions, des expérimentations déjà conduites ici dans des domaines différents, affaires familiales, référés, à l’écoute des demandes d’actions plus concertées émanant des barreaux du ressort, j’entends, à côté de la question de l’évaluation des charges de travail, engager dès cette année un processus plus opérationnel, plus global, plus régional, sur les procédures négociées en matière civile, notamment la médiation judiciaire, mais aussi évaluer, en liaison avec les tribunaux d’instance, la pratique et la méthodologie de la conciliation judiciaire. Les consultations sur les rapports que je viens d’évoquer, notamment les développements consacrés à ces sujets dans celui relatif au « juge du XXIème siècle » constituent une occasion importante de sensibilisation des acteurs au sein des juridictions. Certes, nous savons toutes les questions qui entravent encore le développement de ces solutions alternatives au règlement des litiges, formation et qualification des médiateurs alors qu’il n’existe pas de diplôme d’état sauf en matière familiale, craintes des avocats de se voir encore concurrencés dans ce rôle sur un terrain où ils devraient être, en raison de leurs qualifications et des garanties attachées à leur statut professionnel, des intervenants majeurs, question du financement de la médiation, culture peu ancrée dans nos mœurs judiciaires de pratiques qui font craindre trop souvent à juste titre aux magistrats qui s’y investissent un temps considérable passé pour des résultats dont la modestie ne diminue en rien la charge de leur production juridictionnelle. C’est pourquoi le rapport relatif au « juge du XXIème siècle » souligne-t-il à juste titre que « si l’institution veut réellement favoriser le développement des modes négociés de règlement des litiges, (…) cet objectif doit faire explicitement partie des missions dévolues aux chefs de juridiction et aux chefs de service, afin que le temps qui lui est consacré ne puisse apparaître comme indûment distrait des tâches juridictionnelles ».

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Rentrée solennelle C’est donc en ce sens que nous devons œuvrer pour, associant l’ensemble des partenaires au premier rang desquels les barreaux, développer dans chaque ressort un schéma local d’application des procédures négociées et, dans toute la mesure du possible, une harmonisation régionale sur les bases suivantes : l Détermination d’un périmètre des contentieux éligibles. l Établir un protocole commun, tant sur le déroulement de la procédure que sur les partenariats associés à la mise en œuvre de la médiation. l Évaluer avec les barreaux, pour ce qui concerne les affaires familiales, selon les situations locales, la pertinence d’adoption de protocoles conclus sur

de commerce s’engagent dans cette voie et que les conseils de prud’hommes, dans toute la mesure du possible, réactivent ces processus, ce qui suppose que les parties abandonnent chaque fois que possible des postures trop systématiques et purement tactiques d’évitement du bureau de conciliation, la loi n’édictant en l’état aucune sanction liée au défaut de comparution à ce stade. Le débat sur la justice du XXIème siècle est ouvert. Mais quatorze années se seront bientôt écoulées dans ce siècle et la tâche de modernisation est immense. Résister face aux difficultés et écrire dans la réalité de nos pratiques une page pour avancer sur ce chemin. Ce sont les vœux que je forme pour 2014.

la base de l’article 29 de la loi du 10 juillet 1991 en matière d’aide juridictionnelle. S’agissant de la conciliation judiciaire, il s’agit au niveau de chaque arrondissement de réaliser un état des pratiques au sein de chaque tribunal d’instance et d’évaluer sur chaque site la pertinence et les marges d’évolution de ces dispositifs. Le pôle statistique de notre service d’administration régional devra être associé étroitement à cette opération pour introduire dans notre référentiel statistique local les indicateurs propres à mesurer la progression de ces solutions alternatives comme solutions de litiges initialement portés devant nos juridictions. Il serait également intéressant que les tribunaux

Repenser le rôle du magistrat

l’exercice du Parquet est plus difficile. J’ai constaté cette tendance depuis plusieurs années, notamment lorsque j’étais en administration centrale. J’ai également pu faire ce constat récemment lors de mes déplacements au sein des Parquets. C’est ce que j’appelle la crise de fonction, l intimement liée à ce premier facteur, la profession est aujourd’hui confrontée à une véritable crise de vocation chez les jeunes magistrats qui font de moins en moins le choix du Parquet ou quittent très rapidement cette fonction, l enfin, et de manière plus générale, la légitimité des magistrats du ministère public est mise à mal. A plusieurs égards, il est clair que nous sommes désormais confrontés à une crise du statut de parquetier. Face à cette triple crise, quelles sont les solutions ? La commission Nadal a articulé ses propositions en dix thèmes. Je n’en reprendrai que quelques-uns.

par Véronique Malbec

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Véronique Malbec nécessité également pour l’ensemble des acteurs du processus judiciaire, pour tous ceux qui, au quotidien, contribuent à l’œuvre de justice. Cet événement, articulé autour de débats et de travaux en ateliers, réunira l’ensemble des acteurs de la vie judiciaire : magistrats, fonctionnaires, avocats et professions juridiques, partenaires institutionnels et associatifs de la justice, représentants des usagers, ainsi que les milieux universitaires et de la recherche, les autorités politiques et administratives et l’ensemble de la société civile, Ainsi que je l’indiquais, les espoirs que cette démarche a fait naître sont à la hauteur de l’enjeu : considérables. Je souhaite très sincèrement que ces espoirs ne soient pas déçus. Je ne vous accablerai pas en exposant l’ensemble des pistes susceptibles d’améliorer notre organisation. Certaines sont intéressantes, aisées à mettre en œuvre, d’autres, plus ardues, nécessitent des modifications législatives, voire constitutionnelles s’agissant du statut des magistrats du ministère public. Toutes ne sont pas innovantes puisque certaines avaient déjà été envisagées, il y a un peu plus de dix ans, dans le cadre des entretiens de Vendôme ou lors des travaux ayant abouti à la rédaction de plusieurs rapports. L’essentiel, en ce qui concerne le ministère public (et vous me permettrez de limiter mon propos à cet aspect), est contenu dans les conclusions de la commission Nadal. Il n’est pas excessif de dire que les Parquets sont à bout de souffle car confrontés à une triple crise : l la charge de travail des collègues et la responsabilité afférente à leurs tâches est croissante, tandis que l’acceptation de l’ensemble des contraintes inhérentes à

> Modifier notre statut et garantir notre D.R.

’audience solennelle de rentrée est souvent l’occasion pour les procureurs généraux de dresser, pour leur ressort, le bilan judiciaire de l’année écoulée et d’exposer leur feuille de route pour l’exercice à venir. Certains chefs de cour profitent également de ce moment pour faire part de réflexions plus personnelles sur l’évolution de l’institution, son devenir, ses forces et faiblesses. C’est aujourd’hui ma première audience solennelle de rentrée en qualité de Procureur général. Mon discours sera inscrit dans le présent, résolument tourné vers l’avenir, mais avant tout pragmatique. 2014 sera, je l’espère, une année charnière pour l’institution judiciaire tant les réflexions engagées depuis plusieurs mois quant à nos missions et aux moyens d’y faire face sont nombreuses et importantes. Si ces réflexions peuvent parfois apparaître lointaines et théoriques pour les magistrats, fonctionnaires et contractuels exerçant dans les juridictions de la Cour d’appel de Rennes, elles portent pourtant en elles l’espoir que les vents d’une réforme moderne et efficace puissent souffler dans les voiles de notre institution. Je suis convaincue que les préconisations issues de ces groupes de travail peuvent, si elles s’accompagnent d’une volonté politique franche et déterminée, avoir une traduction concrète et quotidienne pour l’ensemble des magistrats et fonctionnaires de nos juridictions. Les hasards du calendrier ont abouti à ce que cette audience de rentrée précède de vingt-quatre heures les assises de la justice du 21ème siècle que la Garde des Sceaux organise durant deux jours à Paris. Cet événement s’inscrit dans la continuité logique des rapports issus des groupes de travail confiés aux Premiers Présidents Didier Marshall et Pierre Delmas-Goyon, de la commission présidée par le Procureur Général honoraire de la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal et de l’étude menée par l’Institut des hautes études de la justice sur « La prudence et l’autorité, l’office du juge au 21èmesiècle ». La ministre a, en effet, souhaité, à réception de l’ensemble de ces travaux, organiser un débat national permettant une réflexion et des échanges approfondis sur les moyens d’améliorer le service rendu aux citoyens et les conditions d’exercice de leurs missions par les professionnels de justice. L’ensemble de ces réflexions a abouti à un constat : il est nécessaire de repenser le rôle du magistrat et de modifier profondément nos organisations. C’est une nécessité pour le justiciable, c’est une

indépendance. Cela peut paraître une évidence. Cette solution que j’encourage de mes vœux permettra de réaffirmer que le parquetier est et doit rester un magistrat à part entière. C’est en effet la richesse de notre corps et l’une des composantes essentielles de notre indépendance. La commission propose ainsi d’inscrire dans la Constitution l’unité du corps judiciaire et de transférer au Conseil supérieur de la magistrature le pouvoir de proposition des postes de procureur généraux, procureurs et magistrats du parquet de la Cour de cassation, à l’identique de la formation du siège. Je ne suis toutefois pas favorable à ce second point. Il n’est en effet pas choquant que le ministre puisse proposer au Conseil supérieur de la magistrature le nom des magistrats du parquet qui dirigent la police judiciaire, exercent l’action publique et portent les politiques pénales, répressives et préventives en les coordonnant avec les diverses politiques publiques de l’état. Ces magistrats trouvent aussi une part de leur légitimité de « partie publique », porteuse de l’intérêt général, à travers le pouvoir de proposition du garde des sceaux. Par contre, l’idée essentielle, que je partage, est que la nomination se fasse sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et qu’ainsi, la décision finale appartienne à notre Haut conseil. En outre, le retrait des procureurs généraux de la liste des emplois traités en Conseil des ministres parait des plus légitimes. Quoiqu’il en soit, cette voie de la réforme est désormais la seule option. C’est celle qui mettra un terme à la crise de statut et qui permettra que cesse le déni, parfois même parmi les collègues du siège, de notre qualité à part entière de membre de l’autorité judiciaire.

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D.R.

Rentrée solennelle

> Instaurer un tribunal départemental. Vous me permettrez de m’attarder un peu plus sur cette proposition frappée au sceau du bon sens qui, si elle venait à être mise en œuvre, aurait des conséquences très concrètes pour la Bretagne. Il s’agit ici de modifier notre périmètre d’intervention en le faisant coïncider avec les limites du département. S’il ne s’agit nullement de revoir de nouveau la carte judiciaire en supprimant des structures, le constat a été fait de l’inadéquation du ressort des juridictions avec l’organisation des services déconcentrés de l’Etat (région ou département), y compris avec ceux du ministère de la justice (que l’on pense ici à la carte de l’administration pénitentiaire ou à celle de la protection judiciaire de la jeunesse). En Bretagne, à la quasi-exception des Côtes d’Armor et de la juridiction de Saint-Brieuc, chaque département de cette Cour comprend deux Tribunaux de grande instance depuis la réforme de la carte judiciaire : l Nantes et Saint-Nazaire pour la Loire-Atlantique, l Rennes et Saint-Malo pour l’Ille-et-Vilaine, l Brest et Quimper pour le Finistère, l Lorient et Vannes pour le Morbihan. J’évoquais une quasi-exception pour Saint-Brieuc en raison du cas unique que représente le Tribunal de grande instance de Saint-Malo dont le ressort s’étend, au-delà de l’Ille-et-Vilaine, aux Côtes d’Armor. Cette situation complexifie nécessairement l’action des procureurs dans la mesure où tous leurs interlocuteurs exercent a minima leurs pouvoirs à l’échelle du département.Nonseulementlepouvoirdesprocureurs s’en trouve réduit dans leurs relations, notamment avec les commandants de groupement de la gendarmerie départementale et le directeur départemental de la sécurité publique, mais surtout il pourrait arriver, ce qui n’est pas le cas dans le ressort, et j’en sais gré à l’ensemble des procureurs, que les politiques pénales des uns et des autres et les directives d’action publique ne soient pas les mêmes, ce qui fragiliserait l’action de tous. Ce parquet départemental auprès d’une juridiction départementale unique disposerait d’autant d’antennes que d’anciens tribunaux. Si nous prenons l’exemple de l’Ille-et-Vilaine, le Parquet départemental serait localisé à Rennes, au sein du tribunal de grande instance de l’Illeet-Vilaine, et une antenne de ce parquet se trouverait

à Saint-Malo. Cette nouvelle organisation, plus rationnelle, permettrait de mutualiser les permanences entre les deux Parquets, de spécialiser les magistrats du Parquet dans tel ou tel contentieux. Elle devra avoir un impact pratique significatif au niveau de la répartition de la charge de travail des magistrats du parquet et pourrait constituer l’une des clés permettant de résoudre la crise de fonction que j’évoquais tout à l’heure. Si cette architecture mérite d’être affinée, notamment dans la redéfinition du classement hiérarchique des juridictions, ce que concède volontiers la commission, elle aurait plus globalement l’avantage d’offrir de la lisibilité et de la cohérence dans l’action publique. Elle serait organisée conformément aux principes habituels d’unité, d’indivisibilité et de hiérarchie.

> Donner au ministère public des moyens

à la hauteur de son rôle. Cette option qui n’est certainement pas de confort, est au contraire absolument incontournable. Il s’agit en effet d’adapter les effectifs des parquets pour tenir compte de la diversité des missions qui leur sont confiées. L’enjeu est ici de résoudre à la fois la crise de fonction et la crise de vocation. « Dans le cadre de l’enquête préliminaire ou du développement des mesures alternatives aux poursuites, le renforcement des pouvoirs du parquet », je cite le rapport, « s’est accompagné du recours au traitement direct des procédures, imposant des permanences de jour comme de nuit, 365 jours par an, d’une lourdeur croissante, ceci dans un contexte marqué par la création d’un nombre important de nouvelles incriminations pénales et d’une certaine volatilité des règles procédurales. La consécration concomitante du rôle des parquets en matière de prévention de la délinquance s’est traduite par une implication toujours plus importante des procureurs de la République et des magistrats du parquet dans les politiques partenariales ». Au-delà de la sphère pénale, il faut rappeler que les compétences du ministère public s’exercent aussi en matière civile et commerciale, en matière de tutelles et de soins psychiatriques sans consentement. L’accroissement de ces compétences s’est fait souvent, et je sais que les procureurs présents dans

la salle ne me contrediront pas, sans le renfort de magistrats supplémentaires dans les parquets. Je ne crois toutefois pas, à titre personnel en tout cas, à la possibilité d’un accroissement dans les années à venir des effectifs du Parquet, tant les vacances de postes sont nombreuses dans l’ensemble des ressorts. Au Parquet, mais également au siège Monsieur le Premier Président. Si les concours qui viennent de se terminer sont favorables, puisque l’Ecole nationale de la magistrature va devoir former une promotion de 285 personnes, chiffre qui n’avait pas été atteint depuis longtemps, auxquels il faut ajouter les 60 issus des concours complémentaires, ce seront, dans le même temps, environ 300 magistrats qui feront annuellement valoir, dans les quatre à cinq années à venir, leurs droits à la retraite. De fait, le solde positif ne viendra que très partiellement combler les 405 vacances de postes que nous connaissons actuellement dans l’ensemble du pays. Il faut donc compter sur nos forces vives actuelles et tenter d’emprunter les chemins tracés par les rapports de Messieurs Garapon, Delmas-Goyon, Marshall et de la commission Nadal : il faut confier à d’autres le soin de nous aider en leur transférant une partie de nos attributions. Qu’on les appelle assistants du ministère public, greffiers juridictionnels, attachés de justice, jeunes avocats, juristes universitaires ou assistants de justice, l’idée est la même : déléguer certaines tâches à des collaborateurs qualifiés, intégrés au sein de l’équipe du parquet, et placés sous la responsabilité fonctionnelle du procureur de la République. Cette équipe élargit autour du magistrat existe chez nos voisins européens, notamment en Allemagne et fonctionne parfaitement. Quelle que soit la décision finale, il faudra préciser les compétences, définir les contours des missions et adapter les statuts. Nous devons également nous appuyer sur le développement des nouvelles technologies. Les Procureurs du ressort ont déjà eu à cœur de développer des outils performants qui facilitent leur travail. Nous allons poursuivre dans cette voix en y associant les fonctionnaires et les avocats et en travaillant à une harmonisation au niveau du ressort

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Rentrée solennelle de la cour. Un travail a d’ores et déjà été entamé, en concertation avec les magistrats du siège de la cour et des tribunaux, sur la numérisation des procédures pénales ; un autre va être engagé en lien également avec les barreaux sur la communication électronique en matière pénale, et je remercie les bâtonniers, que j’ai pu rencontrer dans mes visites des Parquets, de l’accueil favorable que j’ai reçu. Je sais que nous allons pouvoir travailler dans le même état d’esprit constructif.

> Redonner du sens et de la crédibilité à la

politique pénale. Cet axe a incontestablement vocation à répondre aux crises de fonction et de vocation que j’évoquais tout à l’heure. Il s’agit en premier lieu de s’interroger sur la détermination des priorités de politique pénale. A cet égard, la commission Nadal a constaté le manque de lisibilité de cette politique dans le double contexte d’une pénalisation croissante de la vie sociale et d’une médiatisation des affaires que traite la justice pénale. Tous les sujets, ou presque, ont été au fil du temps des priorités de politique pénale, sans qu’aucun n’ait été abandonné. Que diriez-vous si je vous annonçais aujourd’hui que, finalement, je demande aux procureurs d’abandonner la lutte contre la délinquance de proximité, les trafics de produits stupéfiants ou la violence routière ? Vous ne manqueriez pas, à juste raison, de vous en étonner, mais d’un autre côté, si j’ajoute aux sujets évoqués comme prioritaires, les violences faites aux femmes, aux enfants ou à raison de l’orientation sexuelle, la lutte contre les cambriolages, la criminalité organisée, la protection de l’environnement et récemment des espèces protégées, et j’en oublie volontairement, on comprend rapidement que si tout est prioritaire, rien ne l’est plus vraiment. Ce qu’il faut c’est que nous puissions, en accord avec vous messieurs les haut-fonctionnaires, chefs de service de la police nationale, officiers généraux et supérieurs de la gendarmerie nationale, évaluer avec pertinence quelle est l’évolution de la délinquance dans le ressort et les secteurs sur lesquels nous devons faire porter conjointement nos efforts. Récemment, le ministre de l’intérieur a mis en place, au niveau national, un plan anti-cambriolage pour lutter plus efficacement contre ce type de délinquance présent aussi dans notre ressort. Il est heureux que, quelques semaines plus tard, la Garde des Sceaux,

dans une circulaire datée du 29 novembre 2013, nous ait également demandé d’être tout particulièrement vigilants dans le traitement de ces délits. Cet exemple illustre bien la nécessité d’une plus grande harmonie entrelesministèresdelajusticeetdel’intérieurauniveau national comme au niveau local quant aux objectifs à atteindre et aux moyens mobilisables pour y parvenir. Si l’on veut redonner du sens et de la crédibilité à notre politique pénale, il convient également de permettre aux magistrats du ministère public de se recentrer sur leurs missions essentielles en redonnant son plein effet au principe d’opportunité des poursuites. Depuis mon arrivée à la tête de ce parquet général, et lors de mes différentes rencontres avec les procureurs du ressort, nous avons évoqué ce sujet. La mise en place de la loi organique relative aux lois de finances, LOLF pour les initiés, s’est traduite par la création d’indicateurs de performance permettant d’évaluer notre efficacité et notre efficience. Parmi eux, le taux de réponse pénale évalue, en fonction des infractions juridiquement constituées et élucidées, la proportion de celles qui ont donné lieu à une réponse judiciaire des parquets (rappel à la loi, composition pénale, procédures alternatives aux poursuites, saisine d’un juge d’instruction ou de la juridiction de jugement). Il s’en déduit a contrario un taux de classement sans suite qui correspond aux procédures qui n’ont fait l’objet d’aucun de ces traitements et donc d’aucune réponse pénale. Ce taux de réponse pénale s’est considérablement amélioré ces dernières années puisqu’il était de 63% dans la France entière en 2001 et qu’il était en 2012 de 89 %, allant jusqu’à 95 % dans un des parquets du ressort de notre cour. Tout comme la commission Nadal, je déplore cette évolution qui induit des effets pervers. En effet, « l’efficacité » des Parquets « en terme lolfien », et par voie de conséquence les emplois budgétaires qui sont localisés, dépendent en partie de l’importance de ce taux. Un parquet qui a un taux de poursuite de 95% est censé avoir un besoin en magistrats et en fonctionnaire plus important que celui qui va avoir un taux inférieur de dix points. Or, ces taux sont artificiels. Une grande partie est liée à de simples rappels à la loi qui correspondent à la mise en garde solennelle de ne pas réitérer, mesures signifiées par les enquêteurs ou les délégués du procureur. De telles mesures, qui auraient autrefois fait l’objet d’un simple classement sans suite en opportunité, contribuent à accréditer l’idée que

l’institution judiciaire est en capacité de donner des réponses pénales à tous les actes de délinquance quels qu’en soit la gravité, ce qui est faux. Revenons à l’essentiel, établissons des priorités et concentronsnous sur les affaires les plus graves en assumant ces choix. Cela nous permettra d’éviter un émiettement de notre action et partant, de lui redonner du sens en évitant l’essoufflement de tous. Cette réflexion doit aller de pair avec celle concernant le traitement en temps réel des procédures pénales qui, devenu le droit commun du traitement des procédures, permet de répondre de manière immédiate et par voie téléphonique aux services de police et de gendarmerie. S’y traite simultanément les affaires les plus graves survenues à la permanence, mais également les infractions mineures qui ne nécessitent aucune urgence. Le temps et l’énergie consacrés par les magistrats de permanence à ce traitement se fait au détriment de certains contentieux plus techniques, du règlement des dossiers d’information, mais surtout contribue au sentiment de dévalorisation du travail des magistrats du parquet qui, pour certains, casque sur les oreilles, répondent à une centaine d’appels téléphoniques dans la journée, en ayant perdu la notion de qualité de la réponse et de plus-value juridique, bref de direction des enquêtes. Ils ont tous l’impression de subir et non plus de contrôler l’action des services. Revoir cette façon de travailler permettra de remobiliser les magistrats du parquet et de renforcer l’attractivité de ces fonctions. L’ensemble de ces propositions va dans le bon sens. Mes visites dans les Parquets du ressort m’en ont convaincu. Les entretiens avec l’ensemble des magistrats du Parquet de ces juridictions, les greffiers en chefs, greffiers et fonctionnaires des services de la chaîne pénale m’ont conforté dans l’absolue nécessité de revoir notre façon de travailler. Tous les Parquets fonctionnent au mieux des moyens qui sont les leurs avec un investissement et un engagement sans faille, mais la moindre vacance de poste se traduit par du découragement, la crainte de ne pas arriver à faire face à l’ensemble des tâches ou à prendre du retard générateur de réclamations des justiciables ou des auxiliaires de justice. Sans attendre les suites du rapport de la commission Nadal, je vais, avec les procureurs, travailler à la déclinaison concrète, au sein de notre cour, des pistes que je viens d’évoquer. 2014-38

Installation de Véronique Malbec, Procureur Général - Rennes, 6 septembre 2013

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e 6 septembre 2013 dans la majestueuse salle du Parlement de Bretagne, il a été procédé à l’installation de Véronique Malbec, Directrice des Affaires Judiciaires, nommée par décret du 10 juin 2013, Procureur Général près la Cour d’appel de Rennes, cinquième Cour d’appel de France, Cour inter-régionale. Elle succède à Léonard Bernard de La Gâtinais, nommé Premier Avocat Général près la Cour de cassation, grand magistrat attaché à sa terre de Bretagne dont successivement l’Avocat général Doyen, Philippe Petitprez et le Premier Président, Philippe Jeannin, ont fait l’éloge. L’audience solennelle s’est déroulée selon le cérémonial habituel : discours de l’Avocat Général Doyen, du Premier Président et du Procureur Général. Elle s’est ouverte en présence d’une foule de personnalités : le Préfet, les élus, Monsieur le Bâtonnier Christophe Ricour,

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membre du Conseil Supérieur de la Magistrature, Madame Chantal Bussière, Premier Président de la Cour d’appel de Bordeaux, Monsieur André Ride, Procureur Général près la Cour d’appel de Bordeaux, Jacques Beaume, Procureur Général près la Cour d’appel de Lyon, Monsieur Henri Desclaux, Procureur Général honoraire de Versailles, les Présidents et Procureurs des juridictions du ressort, le Bâtonnier de Rennes en exercice, Stéphane Gardette, Monsieur Jean-François Beynel, Directeur des Services judiciaires, Madame Marie-Suzanne Le Quéau, Directrice des Affaires Criminelles, Monsieur André Gariazzo, Secrétaire Général et Monsieur François Feltz, Inspecteur Général des services judiciaires. Monsieur l’Avocat Général Doyen Philippe Petitprez après avoir rappelé l’histoire et la grandeur des origines du Parlement de Bretagne, épargné en 1723

lors de l’incendie de la ville de Rennes mais pas en 1994 (restauration achevée en 2000) a fait l’éloge de Monsieur Léonard Bernard de La Gâtinais, et retracé le parcours professionnel de Madame Véronique Malbec. Monsieur Philippe Jeannin, Premier Président de la Cour d’appel de Rennes et de la Cour inter-régionale, avec la richesse de sa pensée, de son savoir, a exprimé son opinion sur les problèmes de l’actualité judiciaire, notamment sur le statut des Magistrats du Parquet, un projet confié par Madame la Garde des Sceaux, à Monsieur Jean-Louis Nadal, Procureur Général Honoraire près la Cour de cassation, au sein d’une commission ouverte. Cette réforme doit assurer l’indépendance des magistrats du Parquet. Suivant la tradition, Madame le Procureur Général, installée en ses fonctions, a clôturé cette belle assemblée et a rendu hommage aux magistrats qui ont marqué

sa carrière professionnelle, au premier rang desquels Jean-Louis Nadal, dont après le Premier Président, elle a souligné les qualités exceptionnelles. Elle a remercié ses collègues de la Chancellerie présents et s’est adressée avec chaleur aux avocats sans oublier les magistrats du Tribunal de commerce et des juridictions du ressort. Elle est ensuite revenue sur l’importance de son rôle comme Procureur Général de la cinquième Cour d’appel de France et sur la diversité des juridictions du ressort, notamment celle de Brest en matière de pollution maritime puis a confirmé qu’elle mesurait l’importance du décret du 26 juillet 2013, modifiant l’article 30 du Code de procédure pénale. Enfin, elle s’est engagée à déployer tous les moyens pour lutter contre la délinquance organisée et le trafic de stupéfiants afin de « répondre à l’attente A. Coriolis de nos concitoyens ».

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Vie du chiffre

JPA International

Réseau d’experts-comptables, d’auditeurs et de conseils indépendants Paris, 13 janvier 2014

Jacques Potdevin

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ans un contexte marqué par de nombreuses nouveautés fiscales et sociales, ce rendez-vous a été l’occasion de faire le point sur leurs conséquences concrètes. Invité d’honneur de cette conférence, Pierre Sabatier, premier prix 2013 du jeune talent du Cercle Turgot et cofondateur de Primeview (agence de recherche économique) a apporté son éclairage sur la situation économique de la France et sur ses perspectives. La conférence s’est ouverte avec le décryptage par Jacques Potdevin et Camille Lamy, expert-comptable chez JPA Paris, des principales mesures de la loi de finances. De nombreux sujets qui vont toucher les entreprises ont ainsi été abordés : impôt sur les sociétés, limitation des hautes rémunérations, TVA, PEA-PME, régime des plusvalues immobilières... En raison de ses possibles répercussions sur la transmission d’entreprise, le

régime de taxation des plus-values de cession mobilières (notamment l’évolution des taux d’abattement) a fait l’objet d’une analyse particulière. PourJacquesPotdevin,PrésidentdeJPA et récemment désigné à la présidence du « Governance Comittee » de l’IFAC, « Le taux global d’abattement dans le cadre d’un départ à la retraite est devenu moins attractif qu’auparavant. Toutefois, le niveau d’imposition ne parait pas être un obstacle » Au cœur de l’actualité suite à la censure de plusieurs mesures par le Conseil constitutionnel, la lutte contre la fraude et la grande délinquance économique et financière a également fait l’objet d’une étude approfondie, articulée autour de quatre volets : l accès à l’information source, l renforcement des pouvoirs d’intervention des services de contrôle, l action sur les pénalités financières l lutte contre les niches et failles fiscales. Avec des mesures comme l’autorisation pour l’administration

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Le réseau JPA International (réseau d’Experts-Comptables et de Commissaires aux Comptes représentant 150 cabinets membres présents dans 51 pays) organisait le 13 janvier dernier une conférence consacrée à la rentrée fiscale et sociale 2014. Pour l’occasion, Jacques Potdevin, Président et fondateur de ce réseau, et ses associés recevaient Pierre Sabatier, premier prix 2013 du jeune talent du Cercle Turgot et co-fondateur de Primeview.

fiscale d’utiliser les renseignements portés à sa connaissance de façon illicite, ce projet marque, selon Jacques Potdevin, le « passage d’un concept latin de justification fiscale à un concept anglo-saxon dans lequel, la documentation et la qualité de la preuve sont des sujets primordiaux pour les entreprises ». Charlotte Parrod, avocate de formation et responsable du département Droit Social chez JPA est ensuite revenue sur les récentes réformes sociales et notamment sur la contribution patronale au régime de frais de santé qui entre désormais dans la base de l’impôt sur les revenus. L’application rétroactive de cette loi rendrait erronés près de deux bulletins de salaire sur trois déjà édités. « C’est pour cette raison que tous les bulletins de salaires émis par des

entreprises privées qui sont sortis au 31 décembre dernier sont faux, car on doit revoir la base imposable de la masse salariale. » explique Jacques Potdevin. Pour clore cette conférence, Pierre Sabatier a pris du recul sur l’actualité économique pour se demander si la France se trouvait dans une phase de crise ou de transition. S’appuyant sur les trois leviers de la croissance (démographie, dette, progrès technologique), il a établi un diagnostic sur la situation économique actuelle avant d’envisager des solutions d’avenir, notamment en matière de système de retraite, aux défis économiques qui se présentent (vieillissement, désendettement, faible croissance). 2014-39 Jean-René Tancrède

Au fil des pages

Vers une nouvelle relation Droit - Comptabilité

D.R.

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ujourd’hui, les normes comptables internationales tendent à représenter économiquement l’entreprise à travers sa situation financière, sa rentabilité et ses flux de trésorerie sans chercher à se raccrocher ou à se connecter à la situation de l’entreprise au regard du droit. La comptabilité n’est donc plus l’algèbre du droit. Est-il alors surprenant que ces normes, dont

l’application se généralise en Europe, fassent peur ? Devant ce constat d’actualité, le juriste ne peut que s’interroger sur la pertinence de certaines solutions du droit des sociétés tandis que le comptable est conduit à se demander si la comptabilité de demain sera encore juridique. 2014-40 Editions La Société de législation comparée, collection du « Centre français de Droit comparé » volume 16 - 190 pages, 28 euros.

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Société

Cercle des Stratèges Disparus

« Les paradis fiscaux, la concurrence fiscale » Paris - 6 décembre 2013 Les membres du Cercle des Stratèges disparus, composé d’entrepreneurs, de hauts fonctionnaires, d’universitaires et de représentants de la société civile, présidé par Thierry Bernard, avocat au Barreau de Paris et fondateur du cabinet d’avocats Bernards, se sont à nouveau réunis le 6 décembre dernier autour de François d’Aubert, ancien député et ancien ministre, Président du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements chargé de lutter contre la fraude fiscale en coopération avec l’OCDE et auteur de nombreux ouvrages dont «L’argent sale», sur le thème «Les paradis fiscaux, la concurrence fiscale», les débats furent riches et nombreux. François d’Aubert et Thierry Bernard

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En 2000, l’OCDE liste pour la première fois des territoires : 35 juridictions sont considérées comme paradis fiscaux. Mais en 2009, plus aucun pays ne faisait partie de la liste noire. Pour sortir de celle-ci il fallait signer au moins 12 accords de coopération. Trop facile ?

La lutte à l’encontre des paradis fiscaux s’intensifie à la suite de la crise financière de 2008 et du G20 de Londres d’avril 2009. En effet, les paradis en raison de leur opacité sont « organisateurs d’imprudence financière » et les banques d’Irlande (grand paradis fiscal) ont failli selon notre invité détruire la zone

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’impôt, a été et est toujours un sujet de discorde. Déjà, dans la Grèce ancienne, les commerçants trouvaient refuge sur les îles proches d’Athènes afin d’éviter les taxes sur les importations et les exportations que touchait la cité. Selon les organisations syndicales, la fraude fiscale représenterait en France entre 60 et 80 milliards d’euros par an, alors qu’en 2012, le déficit public s’est élevé selon l’INSEE, à 98 milliards d’euros. Les responsables des paradis fiscaux l’ont bien compris et établissent des juridictions où l’argent est à l’abri de tout prélèvement. Mais si les paradis fiscaux sont un lieu de stockage, ils sont aussi un lieu de transit aux fins de blanchiment. François d’Aubert l’a rappelé : on estime aujourd’hui à 700 milliards de dollars par an l’argent illicite. Mais qu’est ce qu’un paradis fiscal ? François d’Aubert nous a donné une définition et nous a exposé les enjeux complexes de la lutte à mener à leur encontre, avant de nous expliquer le rôle et l’objectif du Forum Mondial dont il est le Président. Le paradis fiscal est une notion à quatre dimensions : une fiscalité faible, une grande opacité, l’absence de coopération judiciaire et l’absence d’activité économique significative.

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Société euro en raison de prêts inconséquents consentis avec imprudence. Toutefois la position de certains pays est ambigüe. François d’Aubert a insisté : le Royaume-Uni par exemple grâce à l’hégémonie de la City contrôle un immense réseau de paradis fiscaux ; cette dernière s’alimente de capitaux opaques et n’a guère d’intérêt à des mesures de régulation. Pour la Chine et les Etats-Unis également, les paradis fiscaux sont des canaux importants pour faire fonctionner leur sphère financière. Bref, les paradis fiscaux sont totalement intégrés à la finance mondiale. François d’Aubert estime qu’un quart des pays de l’UE sont des paradis fiscaux. La Directive « Epargne » instaure un échange automatique d’informations fiscales pour le paiement d’intérêts reçus par les individus. Le Conseil européen a décidé d’aller plus loin et Monsieur d’Aubert nous apprend que l’Autriche et le Luxembourg sont les pays les plus réfractaires à une deuxième Directive. Et la Suisse ? Elle tente de contourner la directive par des accords bilatéraux d’imposition à la source dits Rubik. Ces derniers protègent la sphère privée des clients des banques et garantissent

le recouvrement des créances fiscales justifiées dans les pays signataires qui sont actuellement le Royaume-Uni et l’Autriche. Les Etats-Unis ont obtenu de la Suisse la fin du secret bancaire. Les banques souhaitant ouvrir une succursale dans la première puissance mondiale doivent signaler les contribuables américains possédant des comptes chez eux. L’échange de données est désormais automatique entre la France et les Etats-Unis. Quelle ligne de conduite, quelle politique adopter ? Comment désarmer les paradis fiscaux ? Des progrès sont ils possibles ? La difficulté essentielle est la suivante : comment organiser un contrôle et une répression dans un domaine largement irrigué par la procédure et le droit fiscal ? C’est justement l’échange de renseignements fiscaux (qui va de paire avec le secret bancaire) que François d’Aubert estime être le meilleur angle d’attaque et le seul qui puisse fonctionner. A condition que les renseignements soient précis et de qualité. La question de la coopération est pour lui essentielle et c’est bien ce que cherche à mettre

en place l’OCDE depuis de nombreuses années. Le Forum Mondial est chargé de faire appliquer la norme de l’OCDE en matière de renseignement au plus grand nombre de pays (aujourd’hui au nombre de 119). Et dorénavant, le Forum met en place un système de notation de l’application des critères édictés par l’OCDE. Il s’agit d’un système d’évaluation « par les paires » volontaires qui vérifient que les dispositifs en matière d’informations non seulement existent mais en plus sont effectifs. On repère ainsi la plus ou moins bonne volonté des pays dans la lutte contre les paradis puisque ces évaluations reposent sur les tests auxquels les pays veulent bien se soumettre. Les pays du G20 réunis en septembre 2013 à Moscou se sont également engagés à soutenir « pleinement » la mise en place d’un « modèle réellement international » d’échanges automatiques d’informations établi par l’OCDE. Pour l’instant, les sommes rapatriées ne sont pas à la mesure du problème même si l’argent revient progressivement : François d’Aubert fait donc preuve d’un optimisme mesuré. Jean-René Tancrède 2014-41

Jurisprudence

Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence Le Conseil National des Barreaux et l’Ordre des Avocats d’Aix-en-Provence obtiennent la condamnation du site « divorce-discount.com » Ordonnance de Référé du 24 décembre 2013, numéro 13/01542

L

e Tribunal de Grande Instance d’Aix-enProvence a condamné, sous astreinte, la société J., exploitante du site «divorcediscount.com», à cesser toute activité de consultation juridique et de rédaction d’actes et à retirer toute offre de services relative au traitement d’une procédure de divorce ou à l’accomplissement d’actes de représentation et d’assistance judiciaire1, aux termes d’une ordonnance de Référé du 24 décembre 2013. Le Conseil National des Barreaux et l’Ordre des avocats d’Aix-en-Provence, avaient saisi le juge des référés des activités du site « divorce-discount.com », l’Ordre des avocats de Marseille et de Montpellier étant intervenus volontairement à la procédure, site qui prétendait assurer, au nom de ses clients, la gestion et le traitement d’une procédure de divorce par consentement mutuel. Pour contourner les dispositions imposant la présence de l’avocat dans les procédure de divorce, la société J. sollicitait directement les services « d’avocats partenaires » pour « apposer [leur] tampon sur la requête en divorce et la convention signée des parties, d’adresser l’ensemble des pièces au greffe du tribunal compétent, de solliciter une audience, d’assister les clients à l’audience d’homologation, de faire signer aux époux un acte d’acquiescement et à le retourner à la société J. en même temps que le jugement de divorce ».

Ces pratiques contraires aux règles déontologiques de la profession sont fermement sanctionnées par la juridiction saisie qui relève que contrairement aux indications contenues sur le site, les requêtes et conventions de divorce étaient préparées, non par des avocats, mais par la société J. dans des conditions inconnues. Les juges mettent clairement en évidence l’instrumentalisation par la société J. du rôle de l’avocat dans la procédure de divorce, dénonçant ainsi l’artifice consistant à faire supporter à l’avocat (…) la responsabilité éventuelle des conséquences, pour un client qu’il n’a jamais rencontré avant l’audience, d’un acte qu’il n’a pas rédigé. Comme le souligne le tribunal, l’absence de toute rencontre avec le client avant l’audience empêche l’avocat de procéder à la «personnalisation indispensable de la convention de divorce», ce qui caractérise un manquement par l’avocat à son devoir de conseil. L’activité du site « divorce-discount.com» est ainsi préjudiciable aux intérêts de ses potentiels clients comme de l’institution judiciaire. Le juge des référés constate que les époux souhaitant divorcer «ne bénéficient d’aucun conseil, ni avis sur les conditions et conséquences de leur démarche tant pour eux-mêmes que pour leur enfant mineur (…) », et que «la religion du juge, qui est en droit de tirer de la présence de l’avocat à l’audience la certitude de l’accomplissement de ce dernier

de son obligation de conseil envers son client est ainsi surprise et trompée, tout comme celle des justiciables (...) ». Reconnaissant également le préjudice résultant d’une image dépréciée de la profession d’avocat, la juridiction condamne, sous astreinte de 2.000€ par infraction constatée, la société J. à cesser toute diffusion de son offre illégale de prestations juridiques et à supprimer toute mention présentant le site « divorce-discount.com » comme « numéro 1 du divorce en France et en ligne ». Il est également fait droit à la demande de publication de l’ordonnance dans deux quotidiens nationaux aux frais du contrevenant. Au-delà du cas visé, le TGI d’Aix-en-Provence réaffirme la place indispensable de l’avocat dans la procédure de divorce par consentement mutuel, parfois présentée, à tort, comme un divorce « simple » ou « facile ». L’intervention de l’avocat dans le divorce par consentement mutuel ne se réduit pas à la simple assistance des parties aux audiences, mais comporte une mission de conseil sur le déroulement et les conséquences de la procédure. L’avocat est aussi le garant de la réalité du consentement de chacun des époux et de l’équilibre de la convention de divorce2. 2014-42

Communiqué du CNB du 15 janvier 2014

1. La société J. a toutefois interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. 2. L’Ordre des avocats de Marseille et de Montpellier sont aussi intervenus volontairement à la procédure.

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Elections Jean-Marie Burguburu

Conseil National des Barreaux

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Jean-Marie Burguburu réélu Président Assemblée Générale - Paris, 17 janvier 2014

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e bâtonnier Jean-Marie Burguburu a été réélu par l’assemblée générale du 17 janvier à l’unanimité des voix, président du Conseil National des Barreaux pour l’année 2014. Fort de cette confiance renouvelée, le Président entend permettre à l’institution nationale de remplir

pleinement les missions qui lui ont été confiées par la loi et défendre au mieux les intérêts des 58 000 avocats de France. De nombreux chantiers engagés seront ainsi poursuivis au cours de cette dernière année de la mandature, en concertation avec l’ensemble des Barreaux et des organisations professionnelles, dans

un souci d’apaisement et d’efficacité auquel Jean-Marie Burguburu est particulièrement attaché. Cette année sera marquée notamment par le rassemblement unitaire de la profession lors de la Convention nationale des avocats qui se déroulera à Montpellier du 28 au 31 octobre 2014. 2014-43

Vie du chiffre

Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables Editeur de la collection « L’Expert en Poche » Ecole ENOES - Paris, 17 décembre 2013

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comptables. Animé par les responsables de la collection et les auteurs, Philippe Barré et Odile Barbe, cet événement fut l’occasion de présenter la collection créée par l’Ordre des Experts Comptables, qui compte plus de

25 ouvrages dédiés à l’économie, à l’entreprenariat et au droit, et d’évoquer les évolutions que connaît la profession comptable actuellement. 2014-44 Jean-René Tancrède

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

e Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables a organisé le 17 décembre dernier une conférence-débat à l’Ecole ENOES autour de la collection « l’Expert en Poche » et des métiers

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