Edition du jeudi 19 janvier 2012

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LES ANNONCES DE LA SEINE Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Jeudi 19 janvier 2012 - Numéro 5 - 1,15 Euro - 93e année

Cour d’Appel de Paris Rentrée solennelle 11 janvier 2012 RENTRÉE SOLENNELLE Cour d’Appel de Paris Le juge, régulateur social essentiel par Jacques Degrandi...........................................................................

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Transparence et visibilité par François Falletti..............................................................................

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Cour d’Appel de Dijon Souveraineté du jury par Jean-Marie Beney ..........................................................................

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Boussole judiciaire par Dominique Gaschard .................................................................

10 AGENDA ......................................................................................5 AU FIL DES PAGES

Les deux souverainetés et leur destin

11 ANNONCES LEGALES ...................................................12 DÉCORATION

par Gaëlle Demelemestre ................................................................

Xavier Bariani Chevalier de la Légion d’Honneur....................................................

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DIRECT L’avenir de l’expert de justice français Entretien avec Dominique Lencou, Président du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice ..............................................

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’audience solennelle de rentrée de la Cour d’Appel de Paris s’est tenue le 11 janvier 2012 en présence de nombreuses personnalités du monde judiciaire au premier rang desquelles Michel Mercier, Ministre de la Justice et des Libertés. Le discours du Premier Président Jacques Degrandi prendra rang parmi ceux qui ont marqué notre histoire judiciaire, comme celui du Premier Président Aydalot en 1962 : «Sortons du néologique». La justice est en crise et manque de moyens : en dépit d’augmentations régulières du budget, elle doit faire face à des missions nouvelles et à l’accroissement de certains contentieux en matière sociale notamment. Le Premier Président préconise la poursuite de la réforme de la carte judiciaire, notamment par la suppression de Cours d’Appel, à ce jour 400 des 1 200 sites ont déjà été supprimés. Il a en outre appelé de ses vœux la création d’un tribunal départemental de première instance regroupant tribunal de grande instance et tribunaux d’instance. Mieux, dit-il, à plus long terme, la compétence de « cette formation devrait inclure la compétence commerciale et sociale », une réforme de nature à réduire les conflits de compétence. La déjudiciarisation doit s’accompagner de la dépénalisation et du recours à des modes nouveaux de règlement des conflits, afin de réduire « le stock des affaires en attente ». Il a ainsi proposé de généraliser la pratique de la Cour d’Appel de Paris consistant à désigner des anciens juges consulaires comme conciliateurs de justice au sein des juridictions commerciales, ajoutant que les magistrats réservistes pourraient jouer un rôle similaire dans les juridictions de droit commun. Enfin, le Premier Président Degrandi a plaidé pour la création du statut d’avocat magistrat associé, qui pourrait

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compléter les formations juridictionnelles dont les postes sont ponctuellement vacants, et « satisfaire des contrats d’objectifs pour résorber les difficultés des secteurs en souffrance. » Il préconise de recourir, comme en Belgique, à des avocats qui siègeraient dans des chambres aux postes vacants, moyennant une indemnisation par intervention. Autrefois, les avocats étaient appelés fréquemment à compléter bénévolement une juridiction où manquait un magistrat. Cette disposition nouvelle qui a permis en Belgique de résorber les « stocks » nécessiterait d’être appliquée en France. Face à la « crise judiciaire », les propositions nouvelles et originales de Jacques Degrandi ne manqueront pas de susciter des réactions. Le Procureur Général François Falletti a quant à lui choisi d’aborder la problématique de la perception par la société de la justice et du rôle du Ministère Public. Restaurer l’image du Parquet sur lequel plane un soupçon de partialité constitue « un enjeu pour notre Démocratie ». Il a ainsi plaidé pour un renforcement des pouvoirs du Conseil Supérieur de la Magistrature dans le processus de nomination des magistrats du Ministère Public. Il a aussi appelé à la création d’une autorité nationale détachée de l’exécutif, un Procureur de la Nation, un Directeur des poursuites publiques, pour diriger le Parquet. A l’heure où Internet et les réseaux sociaux sont entrés dans les salles d’audience, François Faletti a proposé de relancer la réflexion sur l’enregistrement des débats judiciaires qui ne sont pour l’heure autorisés qu’aux fins de constitution d’archives. Il a aussi estimé qu’il est indispensable de dégager un dispositif plus ouvert et de « trouver le système équilibré qui renforcerait utilement la connaissance de la Justice par nos concitoyens sans tomber dans l’ornière de la Justice-spectacle. » Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

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Rentrée solennelle

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Le juge, régulateur social essentiel par Jacques Degrandi

Didier Chotard Frédéric Bonaventura

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Copyright 2012 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2011 ; des Yvelines, du 20 décembre 2011 ; des Hauts-deSeine, du 28 décembre 2011 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 décembre 2011 ; du Val-de-Marne, du 20 décembre 2011 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.

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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Jacques Degrandi

(…) ermettez-moi d’évoquer cette année la justice en temps de crise et les réformes susceptibles de prévenir les effets d’une situation économique dégradée. Plus encore que par le passé, le juge est un régulateur social essentiel dans une société qui a vu disparaître au fil du temps, beaucoup de ses médiateurs traditionnels. Son domaine de compétence concerne toutes les activités humaines. Son champ d'intervention touche aussi bien la sphère publique que privée. Il est particulièrement attendu lorsque les temps sont difficiles, car il est considéré, à tort ou à raison, comme celui qui possède les moyens ultimes d’améliorer le sort de ses concitoyens lorsque toute autre alternative a échoué. Toutes les crises sont marquées par des transformations plus ou moins importantes du droit afin de garantir la cohésion sociale, favoriser la relance et lutter contre la précarité. En France, comme dans l’ensemble de l’Europe, les textes protecteurs se sont multipliés, bien souvent devancés par une jurisprudence dynamique d’ordre public de protection. Ils permettent de réguler la vie économique. Ils favorisent la protection des consommateurs. Ils promeuvent certains équilibres au sein de l’entreprise par le droit collectif et le droit individuel du travail. Ils facilitent la lutte contre la marginalisation, notamment avec le droit du logement et celui du surendettement. Le juge peut donc agir de manière appropriée dans le contexte actuel. On peut en conséquence s’attendre, dans l’enchevêtrement des difficultés, à une explosion du nombre de procédures civiles au sens large du terme. Pourtant, le constat est que la crise ne se traduit pas pour l’instant par une augmentation du nombre d’affaires nouvelles

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enregistrées, hors contentieux particuliers tels ceux des hospitalisations sans consentement et des étrangers. Comment l’expliquer ? On peut imaginer un effet retard mais il devient douteux trois ans après les premiers troubles sur l’économie réelle. Il n’est donc pas absurde de penser que la relative stabilité, voire une légère diminution de l'activité judiciaire civile, est ellemême l’une des répercussions de la crise. D’une part, par l’effet d’un renoncement aux dépenses que nécessite le recours judiciaire. D’autre part, en raison d’une diminution mécanique du nombre de conflits résultant d’une faiblesse de l'activité économique, d’une diminution des crédits et de la consommation. Enfin, certaines réformes inspirées par la volonté de déjudiciariser commencent à produire leurs effets. C’est le cas en matière de surendettement des particuliers dont la croissance est supportée par la Banque de France. Cela dit, s’il n’y a pas de frémissement quantitatif global, une analyse statistique détaillée révèle que la répartition des entrées s’est modifiée. On assiste aujourd’hui à un relatif reflux des procédures dans certains domaines, celui du droit classique des obligations en particulier, et à une progression sensible du nombre d’affaires nouvelles dans des contentieux, dont le droit individuel du travail, qui reflètent les difficultés des entreprises et des familles. Les justiciables qui s’adressent malgré tout à la justice attendent des réponses d’une rapidité à la mesure de leur détresse. Ils sont relativement déçus par le temps judiciaire et engagent de plus en plus souvent des actions en responsabilité de l’État pour dénoncer des délais estimés trop longs, au point que la question se pose de la pertinence de l’intervention du juge comme facteur de régulation dans la crise. Paradoxalement en effet, parce que les difficultés nécessitent qu’elle dispose de moyens supplémentaires pour répondre plus rapidement à la demande de justice, l’institution judiciaire n’est pas épargnée par la crise. C’est en tout cas le sentiment éprouvé dans les juridictions en dépit des augmentations régulières depuis plus de vingt ans du budget de l’institution judiciaire, 27 % dit-on au cours du présent quinquennat. Ces efforts des pouvoirs publics, qu’il serait injuste de ne pas reconnaître, ne sont pas ressentis parce que les moyens nouveaux sont la plupart du temps absorbés par les missions nouvelles des services judiciaires, les bouleversements incessants de notre procédure pénale, la complexification de tous les secteurs du droit. Une partie non négligeable des augmentations budgétaires est par ailleurs destinée à l’administration pénitentiaire qui a elle-même d’importants besoins. Les plans pluriannuels votés en faveur des services judiciaires n’ont quant à eux pas été menés à leur terme de sorte que l’objectif de remise à niveau n’a jamais été atteint. Enfin, les frais de justice ont été régulièrement sous-budgétés. L’incompréhension persiste donc. Elle se traduit par un mal-être, notamment des personnels judiciaires. J’ai la conviction qu’il faut redonner de l’espoir par des propositions ambitieuses pour la justice. La réforme de la carte judiciaire, qui a abouti au cours des trois dernières années à la suppression de 400 des 1 200 sites judiciaires, devra à mon sens être poursuivie. Il faudra, tôt ou tard, promouvoir le Tribunal départemental

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Rentrée solennelle de première instance regroupant Tribunal de grande instance et Tribunaux d’instance. A plus long terme, les compétences de cette formation devront inclure le droit commercial et le droit social pour que les citoyens disposent d’une porte unique d’entrée dans le monde judiciaire. Certaines Cours d’appel devront elles-mêmes être supprimées. Il conviendra aussi de mettre en œuvre ou poursuivre la déjudiciarisation des procédures, la dépénalisation et le développement d’autres voies de règlement des contentieux pour décongestionner les juridictions, à l’instar des orientations de la loi qui a été votée le 13 décembre 2011. Je suggère à nouveau d’étendre le pouvoir de transiger pour certaines infractions aux administrations qui n’en disposent pas, je pense en particulier au ministère du Travail. Il faut aussi continuer à créer des structures ad hoc pour prévenir les effets insidieux de la crise, à l’image du médiateur du crédit et de celui des entreprises qui permettent de résoudre amiablement de nombreux conflits qu’elle a fait surgir. L’œuvre de modernisation de la Justice dans la crise, axée sur les objectifs de célérité et de qualité, implique en effet de donner une impulsion décisive au développement des modes alternatifs de règlement des conflits. Je propose de généraliser la pratique de la Cour d’appel de Paris qui consiste à dési-

gner des anciens juges consulaires comme conciliateurs de justice au sein des juridictions commerciales, et pourquoi pas des magistrats réservistes dans les juridictions de droit commun. Pour que la médiation devienne ellemême un mode habituel de traitement des litiges, il faut transposer des solutions adoptées dans certains pays où elle se développe

Je souhaite enfin une redéfinition du périmètre de la constitution d’avocat. La constitution obligatoire ne doit plus être déterminée par la catégorie de la juridiction mais par la nature ou le quantum de la demande. Elle doit être étendue à toutes les formations juridictionnelles, au premier comme au second degré Jacques Degrandi de juridiction.

rapidement, dont l’Italie. Pourquoi par exemple ne pas mettre en place des incitations financières, telles une amende civile en cas de refus déraisonnable de participer à la résolution amiable du litige et la privation de tout ou

QUELQUES CHIFFRES

Effectifs au 17 novembre 2011 Effectifs au 17 novembre 2011

partie des débours non remboursables prononcée contre le justiciable qui refuse la proposition du juge de s’informer sur la médiation lors des permanences organisées à cet effet ? Il me paraît par ailleurs nécessaire de promouvoir un plan ambitieux de réduction des stocks des juridictions qui, accumulés au fil des années, compromettent l’espoir de nor-

maliser la situation. A cet effet, comme je l’ai suggéré par contribution du 28 octobre 2008 au rapport de Jean-Michel Darrois sur la grande profession du Droit, j’appelle de mes vœux la création du statut d’avocat magistrat associé. Certains de ces partenaires de Justice seraient appelés, moyennant paiement de vacations et dans la limite d’un quart de leur temps de travail, d’une part, à compléter les formations juridictionnelles dont les postes sont vacants, d’autre part, à satisfaire des contrats d’objectifs pour résorber les difficultés des secteurs en souffrance. Pourquoi ne pas rendre par ailleurs la Justice éligible au grand emprunt ? Cela permettrait de développer encore plus rapidement les solutions innovantes que permettent les technologies de l’information et de la communication. En période de crise aiguë, les processus pertinents passent obligatoirement par une plus grande maîtrise du temps judiciaire qui nécessite plus de célérité et de rigueur dans les échanges entre les protagonistes du procès. Des programmes électroniques de circulation dématérialisée des informations et des données juridiques se généralisent au niveau de la chaîne civile comme de la chaîne pénale. Les magistrats et les greffes ont associé les avocats, les avoués et les huissiers pour mener cette révolution dans les meilleures conditions possibles. Elle est portée à la Cour d’appel de Paris par la volonté commune d’harmoniser la mise en état électronique des affaires, mais aussi de promouvoir le principe de concentration et la structuration des écritures. Un protocole d’accord a été signé à cet effet le 13 décembre 2011. Il faut désormais que les avocats s’approprient sa mise en œuvre et s’habituent en particulier à limiter les échanges entre deux parties à l’acte introductif d’instance, des conclusions en défense, une réplique et une duplique. Rien d’autre, si ce n’est le respect d’un plan général de présentation des écritures auquel correspondrait en grande partie celui du jugement. Nous en avons établi un de manière consensuelle à Paris. Il ne reste plus qu’à codifier, pour les généraliser dans l’intérêt des justiciables, les solutions de cette nature. L’objectif est d’aller le plus rapidement et le

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Rentrée solennelle plus loyalement possible au cœur du débat judiciaire. L’autre piste consiste à faciliter la tâche des magistrats grâce à la modélisation des décisions qui s'y prêtent et à l'aide informatique à leur formalisation. La Cour développe actuellement un outil commun au siège et au Parquet qui permet de partager les informations et documents entre magistrats, disposer des pièces de procédure, bénéficier de propositions mutualisées de motivation, mais aussi d’un cadre de décisions. Il offre ainsi la possibilité de ne se consacrer qu'à la motivation propre à la situation soumise. Elle a besoin de disposer de ressources en développement informatique pour donner à cet outil, actuellement expérimenté dans cinq Chambres sociales, une ampleur nationale. Le secrétariat général du ministère de la justice est saisi de cette question dont la solution ne doit pas attendre. Un référentiel indicatif de la

réparation du préjudice corporel a par ailleurs été mis à la disposition de l’ensemble des magistrats de la cour à la fin du mois de novembre 2011. Il peut être utilisé actuellement par tout le corps judiciaire via l’intranet de la Cour d’appel de Paris. La réflexion doit se poursuivre et déboucher sur un barème indicatif national de liquidation du préjudice corporel. Il épargnera bon nombre de procès en cette matière. Je souhaite enfin une redéfinition du périmètre de la constitution d’avocat. La constitution obligatoire ne doit plus être déterminée par la catégorie de la juridiction mais par la nature ou le quantum de la demande. Elle doit être étendue à toutes les formations juridictionnelles, au premier comme au second degré de juridiction. Cela conduirait les avocats à intervenir nécessairement, selon le seuil ou la matière, devant le tribunal de commerce, le conseil de

questions de famille, les pôles spécialisés, etc., sans oublier l’accueil du justiciable qui, à la Cour d’Alger, s’inscrit dans un cadre particulièrement novateur, nous avons pu le mesurer lors de notre visite à Alger en mai dernier.

François Falletti

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Un ministère public défenseur de l’intérêt général Consacrée au rôle du Ministère public dans le domaine pénal, la recommandation du comité des ministres du Conseil de l’Europe en date du 6 octobre 2000, à la rédaction de laquelle j’ai eu l’honneur de participer aux côtés de membres des Parquets issus de pays européens se rattachant aux diverses traditions juridiques existant sur notre continent, définit le Ministère public comme une autorité chargée de veiller, au nom de la Société et dans l’intérêt général, à l’application de la loi lorsqu’elle est pénalement sanctionnée en tenant compte, d’une part des droits des individus, et d’autre part de la nécessaire efficacité du système pénal. Dans le même esprit, la Constitution de 1958, en une formule maintes fois soulignée par le Conseil constitutionnel, ancre le Parquet au sein de l'Autorité judiciaire.

Transparence et visibilité

Intérêt général et action pénale

par François Falletti (…) l m’est très agréable d’adresser un salut tout particulier au Premier président et au Procureur général de la Cour d’appel d’Alger qui ont fait le voyage pour assister à cette audience et participer à une session de travail en commun ; qu’ils en soient remerciés : leur présence illustre l’excellente qualité des relations qui ont été instituées depuis 2006 entre nos deux Cours dans le cadre d’un accord de jumelage qui favorise des échanges utiles sur des thèmes aussi essentiels que l’exéquatur, les

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Cet engagement au service de l’intérêt général sous-tend l’action du Ministère public sur le terrain pénal. Le Parquet général de Paris analyse les évolutions de la délinquance et s’emploie à coordonner et harmoniser si nécessaire les réponses pénales apportées aux faits de délinquance dont connaissent les 9 parquets du ressort. Dans certains cas, ces échanges s’élargissent à nos collègues de la Cour d’appel de Versailles et je remercie son Procureur général pour sa présence à notre audience. Nous avons engagé en outre un travail plus particulièrement focalisé sur Paris et la petite couronne, en présence des Procureurs de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre afin de

prud’hommes et toute autre juridiction contrairement à ce qui se passe actuellement. Il y va aussi de la qualité et de la célérité de la justice, spécialement en matière sociale où la difficulté de mettre en état les procédures faute d’avocat perturbe clairement le fonctionnement des formations juridictionnelles. Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Nous vivons une époque de transition et sommes au carrefour de grandes mutations. La crise réduit les moyens par rapport aux besoins de la justice. Il nous faut donc inventer des solutions qui préservent la légitimité de l’institution judiciaire. C'est l'un des passages obligés du raffermissement de l’Etat, qui doit à mon sens se poursuivre, particulièrement en période de crise. Je forme le vœu que les réformes à venir de la Justice soient inspirées par ce noble objectif qui doit transcender toutes les préoccupations conjoncturelles.

tenir compte de l’extension du champ d’intervention de la préfecture de police. Monsieur le Préfet de police, je me réjouis de la qualité des relations que nous avons pu établir tout en demeurant convaincu que nous pouvons encore aller de l’avant et vous savez mon engagement pour que l’exercice des missions respectives qui nous sont dévolues soit exempt de malentendus et orienté vers les réponses les mieux adaptées aux attentes de nos concitoyens. Cet aspect crucial des missions du Parquet général, au demeurant difficile à mesurer sur un plan statistique, vous ne le retrouverez pas sur les plaquettes qui vous ont été distribuées et qui retracent surtout l’activité juridictionnelle de notre Cour d’appel. En vous laissant le soin d’en prendre connaissance pour vous éviter une énumération fastidieuse. Chacun se souvient que notre Cour aura connu en 2011 un nombre exceptionnel de «grands procès» couvrant plusieurs semaines tout en continuant de devoir traiter de contentieux lourds et complexes qui, pour être moins fortement médiatisés, n’en demeurent pas moins considérables. L’accroissement sensible du nombre des affaires dont ont à connaitre les formations en charge de la criminalité organisée en constitue une illustration : la montée en puissance de la juridiction spécialisée en matière de criminalité organisée (JIRS) de Paris créée en 2004 se confirme, et fort logiquement aura conduit au jugement par notre Cour d’appel de 14 dossiers en 2011, tandis que 21 affaires de cette nature, dont 3 devant la Cour d’assises sont programmées pour 2012, chiffres à comparer à quelques unités les années précédentes. Cette évolution démontre l’intérêt de constituer des pôles spécialisés dans certains domaines en une démarche dont je mesure au gré de mes contacts internationaux, combien elle est novatrice. La constitution en ce début d’année d’un nouveau pôle contre les génocides, qui vient donc s’ajouter à ceux préexistants en matière de terrorisme, de protection de la santé, et de crime organisé, va évidemment dans le bon sens dès lors bien sur que les moyens mis en œuvre sont à la mesure des enjeux. Nous y demeurerons tous attentifs. Il est certain en effet que les

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Rentrée solennelle quelques 450 procédures ouvertes au titre de l’anti-terrorisme, les quelques 500 dossiers gérés par la JIRS, pour s’en tenir à eux, entrainent des contraintes toutes particulières, spécialement du fait de la multiplicité des investigations rendues nécessaires au plan international dans ces domaines ; une raison supplémentaire de saluer le travail de nos collègues magistrats œuvrant à Eurojust ou en qualité de magistrats de liaison ainsi que la présence ici du représentant de Monsieur le Secrétaire général d’Interpol à qui j’adresse un salut tout particulier. Je n’insisterai pas sur la lutte anti-terroriste, à l’égard de laquelle notre vigilance est constante et notre mobilisation totale à l’heure ou plusieurs de nos compatriotes sont retenus en otages à l’étranger. Je tiens par ailleurs à souligner notre engagement pour que soient mis en œuvre tous les moyens judiciaires afin de « remonter » les réseaux criminels, qu’ils agissent dans le trafic de stupéfiants, de trafic de personnes, d’armes, ou d’autres domaines : il faut saluer ici l’engagement et l’esprit d’initiative des enquêteurs de la police, de la gendarmerie et de la douane. Lorsqu’il s’agit de réseaux à dimension internationale, j’entends bien que les Parquets s’emploient à prendre toutes les mesures utiles pour que les organisateurs et/ou les bénéficiaires soient identifiés, condamnés et les fonds illicitement recueillis saisis et confisqués. Des procédures sont conduites en ce sens aujourd’hui, et il convient de les multiplier: les scandaleux trafics humains, portant souvent sur des mineurs et accompagnés de violences inadmissibles sur les intéressés et sur des tiers, sont l’objet de toute notre attention, et cet effort continuera d’être prioritaire en 2012. Je salue ainsi tout particulièrement les échanges organisés avec les autorités de Roumanie où vient de s’installer un magistrat de liaison : nous devrions ainsi favoriser l’identification des membres des réseaux et l’appréhension des avoirs illicites qu’ils retirent de leurs activités criminelles. La meilleure façon d’assurer la protection de mineurs ou d’adultes vulnérables utilisés par de tels réseaux criminels est bien sur de mettre un terme aux agissements des responsables de ces derniers, y compris en récupérant les sommes qu’ils ont perçues illicitement. Sur un plan plus local, les parquets du ressort dirigent des enquêtes destinées à déstabiliser en profondeur les réseaux intermédiaires de trafic de stupéfiants ou de cambriolage par des approches ciblées et un lourd travail d’enquête. Une démarche systématique de ce type menée à Sevran à partir du milieu de l’année a commencé de donner de premiers résultats judiciaires et se poursuit. Mais la peine, une fois prononcée, se doit d’être effective. Je me bornerai ici, faute de temps, à relever que l’effort engagé par le Ministère en 2011 pour que soient mises en œuvre les peines d’emprisonnement en attente commence de porter ses fruits dans plusieurs tribunaux, spécialement au Tribunal de Paris où les délais d’exécution ont été réduits de plus de deux mois et demi et au siège même de notre Cour d’appel où les stocks à exécuter se réduisent. Il est clair cependant que la diversification de la réponse pénale associée à une forte rapidité du traitement des affaires, s’impose plus que jamais. Les magistrats ont besoin d’une plus grande capacité d’accueil dans les établissements pour

mineurs et pour adultes. L’on ne peut se contenter par exemple, comme c’est le cas aujourd’hui, de 3 centres d’éducation fermés sur le territoire de l’Ile-de-France ; par ailleurs, sur le terrain pénitentiaire, le seuil d’occupation des établissements n’autorise guère de flexibilité en l’état. L’on ne peut que se réjouir d’é ventuels renforcements qui sous-tendent une efficacité accrue de la réponse pénale. C’est l’occasion pour moi de saluer ici l’excellent travail mené par l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse et la qualité de leurs relations avec les magistrats de ce Parquet général et des Parquets du ressort.

Intérêt général et activités civiles, sociales et commerciales Mais la défense de l’intérêt général qui incombe au Ministère public, on la retrouve sur les terrains civils, commerciaux et sociaux, contentieux dans lesquels les Parquets déposent les conclusions qu’ils croient devoir prendre dans l’intérêt de la Société et pour la défense de l’Ordre public. Cette activité est particulièrement importante, et elle constitue une exclusivité nationale pour notre Cour, dans le domaine de la régulation économique à l’occasion des recours formés à l’encontre des décisions rendues par les autorités administratives indépendantes agissant en matière de concurrence, de Marchés financiers, de régulation de l’énergie, de communication électroniques et des postes, de régulation des activités ferroviaires. C’est dire que la quarantaine de recours nouveaux portés chaque année devant la Cour requièrent toute l’attention du Parquet compte tenu de l’impact que peuvent entrainer certaines décisions pour le monde économique. La vigilance de ce Parquet général n’est pas moindre lorsqu’il s’agit de prendre position sur le difficile terrain des entreprises en difficulté et des procédures collectives, ou encore s’agissant de domaines aussi techniques que la propriété intellectuelle. Une étude publiée cette année par l’Université de Saint-Etienne avec l’appui du GIP recherche du ministère de la Justice n’inventorie-t-elle pas 1 900 activités diverses du Ministère public dans ces domaines ? Le Parquet général de Paris demeurera dès lors particulièrement attentif à ce que les importantes mutations engagées en 2012 se réalisent dans de bonnes conditions. En effet, à compter du premier janvier 2012, la profession d’avoué a été fusionnée avec celle d’avocat et c’est désormais près de 10 000 avocats sur les quelque 24 000 que rassemble notre ressort qui auront un accès direct à notre Cour au lieu et place des quelques centaines d’avoués. (…) Pour autant, nous nous devons à présent de relever le défi que crée cette mutation profonde du cadre de l’appel, et nous sommes pleinement engagés avec les Barreaux du ressort dans la mise en place des instruments nécessaires. C’est le moment pour moi de saluer la qualité des relations que mon Parquet général aura entretenu pendant ces deux dernières années avec les Bâtonniers qui viennent de terminer leur mandat, et tout particulièrement avec Monsieur le Bâtonnier Jean Castelain et Monsieur le Vice-bâtonnier Jean-Yves

Agenda

COLLOQUE DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

Le marché intérieur : concurrence, consolidation des acquis et nouvelles perspectives 2 février 2012 Cour de cassation - Paris 1er Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-047

39ÈME CONGRÈS JURIDIQUE SKILEX INTERNATIONAL

Skilex Maribor 2012 du 29 janvier au 5 février 2012 Maribor (Slovénie) Renseignements : www.skilex.eu

2012-048

COLLOQUE CYCLE HISTOIRE ET JUSTICE 2012 : LES ÉCRIVAINS EN JUSTICE

L’affaire Tartuffe : Molière face à la justice royale 5 avril 2012 Cour de cassation - Paris 1er Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-049

SÉMINAIRE UIA

Football : contrats joueurs partage des droits et valeur économique 9 et 10 mars 2012 Buenos Aires - Argentine Renseignements : 01 44 88 55 66 uiacentre@uianet.org - www.uianet.org

2012-050

COLLOQUE

La franchise : questions sensibles 27 janvier 2012 Grand’Chambre - Cour de cassation Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-051

Les Annonces de la Seine - jeudi 19 janvier 2012 - numéro 5

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Rentrée solennelle Leborgne. Nos échanges auront toujours été marqués du sceau de la confiance et de la loyauté, en dépit de la complexité des réformes considérables auxquelles nous avons été confrontés, spécialement dans le domaine de la garde à vue. Nous avons terminé l’année avec la signature de deux protocoles relatifs respectivement à la formalisation des écritures d’appel et à la transmission des procédures civiles par voie électronique ; cette signature n’aura été possible que grâce à un travail important et pragmatique dont je me félicite ; je forme le vœu qu’avant la prochaine étape fixée au premier janvier 2013, les Parquets puissent également s’inscrire dans un dispositif dont ils sont aujourd’hui exclus pour des raisons techniques et alors que, comme je viens de le souligner, leur engagement dans les matières autres que pénales est nécessaire aux yeux de la Loi et important pour la qualité de la Justice. Je ne doute pas que ce travail puisse se poursuivre dans le même climat constructif et de confiance avec les nouveaux représentants du Barreau. J’adresse mes plus chaleureuses félicitations à tous les Bâtonniers qui prennent leurs responsabilités en ce début d’année et leur souhaite un plein succès. J’adresse un salut tout particulier à Madame Christiane Féral- Schuhl, Bâtonnier de Paris, et à Monsieur Yvon Martinet, Vice-bâtonnier. A tous, je tiens à faire savoir qu’ils trouveront toujours en moi et au sein de mon Parquet général des interlocuteurs attentifs et disponibles.

Intérêt général et protection des libertés individuelles Il s’agit d’un autre terrain essentiel sur lequel en 2011 se sont encore étendues les missions des Parquets, je me bornerai ici à quelques commentaires : S’agissant tout d’abord du traitement des affaires intéressant des étrangers en situation irrégulière, le Parquet général aura été fortement concerné par les suites de certaines décisions de la Cour européenne de Luxembourg et par l’impact de la récente loi du 17 juin 2011. Je rappelle que 1/3 des places disponibles dans des centres de rétention administrative existant en France sont situées sur le ressort de notre Cour et qu’il en va de même pour plus des 3/4 des places de maintien en zone d’attente sur les deux sites implantés à Roissy et à Orly, ce qui génère inévitablement un contentieux particulièrement important : la Cour a été ainsi saisie de 5 362 appels en 2011, 30 % de ces appels correspondant précisément à des maintiens en zone d’attente. De la même façon, le Parquet général, à l’instar de chacun des Parquets du ressort, s’est impliqué dans la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2011 relative à la protection des personnes faisant l’objet de soins sous contrainte ; dans le prolongement des centaines de nouveaux dossiers traités par les juridictions du ressort, la Cour est saisie chaque mois d’une trentaine d’appels au rythme de deux audiences hebdomadaires, mais il ne faut pas se dissimuler que le dispositif actuel mériterait des améliorations à tous les niveaux. Enfin, je ne reviendrai que brièvement sur la mise en place de la nouvelle procédure de garde à vue. Qu’il me soit permis de souligner à ce stade l’exceptionnel engagement des

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magistrats, fonctionnaires et des services d’enquête qui, précisément dans un contexte incertain et grâce aux outils mis à leur disposition par les ministères de la Justice et de l’Intérieur, ont réussi à assurer en quelques heures le 15 avril dernier la mise en œuvre de la réforme de la garde à vue sans que des difficultés insurmontables ne se manifestent immédiatement.

Intérêt général et sécurité juridique Pour autant, mieux vaudrait ne pas se retrouver confronté à de telles situations dans l’avenir. Les jurisprudences conjuguées de la Cour européenne des droits de l’Homme de Strasbourg, de la Cour de Justice de l’Union européenne de Luxembourg, du Conseil constitutionnel saisi par voie de questions prioritaires de constitutionnalité entrent désormais avec de plus en plus de force dans un paysage national déjà soumis à des variations législatives nombreuses que le Conseil d’Etat et la Cour de cassation s’emploient à interpréter. Notre Cour aura apporté sa pierre à cette évolution, puisque, saisie de plus de 160 QPC en 2011 devant ses formations civiles et pénales, elle aura transmis une quinzaine d’entre elles à la Cour de cassation. En remerciant de leur présence à notre audience Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Monsieur le Vice-président du Conseil d’Etat, Monsieur le Premier président de la Cour de cassation et Monsieur le Procureur général près cette Cour, je ne puis que souligner encore l’importance du défi auquel nous nous trouvons confrontés : je suis convaincu que nous ne pourrons le relever sans que soit donné dans certains cas, comme le fait le Conseil constitutionnel dans un cadre juridique certes diffèrent, un temps d’adaptation, sauf à prendre le risque de voir cette insécurité se retourner à terme contre le juge lui-même.

Intérêt général et moyens de l’Institution Il est un autre élément de la qualité de la Justice auquel le Parquet général est particulièrement sensible car il conditionne sa mission au service de l’intérêt général, je veux parler de la gestion des moyens. Monsieur le Premier président de la Cour des Comptes, Monsieur le Procureur général près cette Cour, je tiens à vous dire combien nous sommes heureux de vous accueillir dans cette audience car nous voyons dans votre présence une marque d’intérêt et un souci d’améliorer notre connaissance mutuelle. Ayant eu le privilège alors que j’exerçais les mêmes fonctions à la tête du Parquet général de Lyon en 2003/2004 d’initier sur un site expérimental pour les Services Judiciaires les nouvelles pratiques de la LOLF, je forme le vœu que l’on puisse conserver l’esprit de cette réforme, ce qui passe sans doute par des aménagements de structures. La mise en place en 2012 des 10 nouvelles plates-formes dont la Cour d’appel de Paris demeure la plus importante, après le déploiement difficile mais réussi du logiciel chorus en 2010 illustrent, avec d’autres innovations telles que le déploiement du logiciel Cassiopée et le développement de la numérisation des procédures et la vidéo audition, s’il en était besoin, l’aptitude du

ministère de la Justice à l’adaptation. Ces mutations entrainent pour les magistrats et les fonctionnaires des efforts qui ont atteint aujourd’hui leurs limites à missions constantes alors que des délais incompressibles dus aux temps de recrutement et de formation s’écoulent entre l’apparition de charges nouvelles et l’arrivée sur le terrain de moyens en appui. Je suis convaincu que davantage de souplesse et de flexibilité s’imposent dans nos processus en matière de gestion des ressources humaines. C’est le moment pour moi de remercier les magistrats des Parquets du ressort et du Parquet général ainsi que les fonctionnaires qui les assistent, pour l’intense travail conduit en 2011. Je souhaite souligner que la spécificité et la complexité des tâches conduites par ce Parquet général justifierait que ses membres soient reconnus et valorisés dans le déroulement de leur carrière au titre de l’excellence que l’on attend légitimement d’eux. C’est une demande forte que j’exprime ici. Cela impliquerait des mesures d’ordre individuel et au-delà, quelques modifications statutaires que j’appelle de mes vœux.

La perception de l’action du Ministère Public par la société On le mesure, au seuil de 2012, le Ministère public est actif sur tous les fronts pour la défense de l’intérêt général au nom de la Société, comme le requiert notamment le Conseil de l’Europe par la recommandation du 6 octobre 2000 que j’évoquais au début.

Une réforme nécessaire pour le Ministère Public J’ai eu déjà l’occasion dans cette même salle de souligner que l’amélioration de l’image du Ministère public constituait un enjeu pour notre démocratie. Il n’est pas sain que les décisions du Parquet soient soupçonnées de partialité, au service de tel ou tel intérêt, en tout cas détournées de la recherche de la vérité et de la bonne application de la loi : il n’est guère admissible que des parquetiers exerçant leur mission avec professionnalisme voient leur honneur et leur déontologie mis en cause sans autre motif que le rattachement prévu par les textes à une pyramide hiérarchique au demeurant fortement atténuée dans ses fonctionnements. La présentation trop fréquemment colportée bien qu’erronée d’une Justice qui ferait la différence entre le sort qu’elle réserve aux puissants par rapport aux misérables, qui accepterait son instrumentalisation à des fins politiciennes ou de carrière est dangereuse et ne correspond ni à l’intérêt des magistrats, ni à celui des politiques, ni aux attentes des citoyens. Depuis une vingtaine d’années se sont succédés projets et propositions, et il faut saluer la réforme constitutionnelle de 2008 qui soumet désormais la nomination des procureurs généraux à un avis consultatif du Conseil supérieur de la Magistrature. Pour autant, je suis de ceux qui considèrent depuis longtemps que nous devrions aller de l’avant en constituant une autorité nationale détachée de l’Exécutif - certains diraient un procureur de la Nation, un directeur des

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Rentrée solennelle QUELQUES CHIFFRES

Budget 2011 du ressort

Poursuites publiques - pour diriger le Parquet, tout en renforçant les pouvoirs du C.S.M. dans le processus de nomination des magistrats du Parquet. Cette conviction acquise lors de mon passage à la tête de la Direction des affaires criminelles et des Grâces s’est renforcée de mes

entreprises les plus performantes est à ce prix. Bien entendu, une réforme aussi fondamentale suppose au préalable une analyse approfondie car la diversité des modèles existants à l’étranger, spécialement en Europe, est grande et il ne saurait être question de plaquer l’un d’eux; l’on

La constitution en ce début d’année d’un nouveau pôle contre les génocides, qui vient donc s’ajouter à ceux préexistants en matière de terrorisme, de protection de la santé, et de crime organisé, va évidemment dans le bon sens dès lors bien sur que les moyens mis François Falletti en œuvre sont à la mesure des enjeux.

expériences ultérieures, spécialement comme Représentant de la France à Eurojust pendant 4 années et comme Président de l’Association internationale des procureurs, qui m’ont permis, au contact de mes collègues des autres Etats situés sur tous les continents, d’acquérir des éléments de comparaison. J’ai ainsi la conviction qu’une telle évolution est nécessaire d’autant plus que l’on sait qu’elle conditionne la réforme de la procédure pénale s’agissant du juge d’instruction déjà réalisée presque partout en Europe, spécialement en Allemagne, en Italie, et plus récemment en Autriche et en Suisse. J’ajoute que cette réforme est susceptible de nous permettre d’aller de l’avant, comme l’envisage le Traité de Lisbonne, dans la direction d’un Parquet européen, que mon expérience à Eurojust m’a permis de considérer comme source d‘une évidente plus-value à la condition de demeurer en l’état dans un cadre géographique restreint et soumis à des procédures juridiques bien étudiées. Le rapport rendu cette année par le Conseil d’Etat sur ce thème constitue une analyse précieuse, et il faut s’y référer. La réactivité des instances judiciaires à l’égard des réseaux criminels qui circulent sur le territoire européen avec une souplesse d’organisation et une flexibilité digne des

doit cependant tirer profit des expériences préexistantes pour bâtir un modèle nouveau qui intéresserait, je n’en doute pas, tous les Etats qui sont attachés à la tradition française d’un Ministère public en charge de la défense de l’intérêt général tant sur le plan pénal qu’en matière civile, commerciale et sociale. C’est une raison supplémentaire pour élaborer ce nouveau modèle pour le 21ème siècle.

Une clarification souhaitable des modalités de la communication judiciaire Ces réformes emblématiques du statut et du fonctionnement du Ministère public contribueraient grandement, me semble-t-il, à une amélioration de l’image de la Justice par nos concitoyens. Un sondage IFOP de février 2011 relève que 55 % des français feraient confiance à l’institution de la Justice, chiffre à rapprocher des taux de 83 % accordés aux hôpitaux, 77 % pour les Armées. Si 72 % des français considèrent que la Justice fonctionne mal en France, 77 % estiment qu’elle n’a pas les moyens suffisants pour faire correctement son travail. Ces chiffres nous interpellent, même s’il faut savoir en relativiser la portée. Ils nous invitent à rechercher

comment améliorer l’image d’une institution qui, je puis l’affirmer, est pleinement consciente de la force des attentes exprimées à l’égard de la conduite de ses missions et alors que d’autres acteurs ne se privent pas de communiquer largement. Comment alors s’étonner que l’image institutionnelle en sorte quelque peu brouillée ? Je rappelle que la loi restreint fortement les situations dans lesquelles les activités juridictionnelles peuvent être directement appréhendées par nos concitoyens : communication fortement encadrée du Procureur de la République sur les affaires en cours, enregistrement des débats judiciaires aux fins de constitution d’archives de la Justice, captation du son et de l’image cantonnée à la phase précédant l’ouverture des audiences. Il me semblerait utile de revenir sur ces sujets, qui avaient au demeurant donné lieu à des réflexions intéressantes en 2005 dans le cadre de la commission présidée par Madame le Premier président Linden, laquelle avait conclu à la possibilité de capter des images et du son au cours des procès sur la base d’un régime strictement encadré. On le sait l’arrivée d’internet et des tweets dans les salles d’audience a renouvelé la problématique et il me paraitrait indispensable de dégager un dispositif plus ouvert qu’aujourd’hui, d’autant que celui-ci est interprété de façon plus ou moins libéral selon les endroits. Cette ouverture pourrait par exemple s’attacher dans un premier temps à l’établissement de documentaires à visée pédagogique, sans exclure un élargissement rapide du champ de la captation à d’autres situations. Il nous appartient de trouver le système équilibré qui renforcerait utilement la connaissance de la Justice par nos concitoyens sans tomber dans l’ornière de la Justicespectacle. Dans le même temps, j’entends bien pour ma part, renforcer les actions de communication en direction de publics ciblés, comme nous le faisons déjà largement vis-à-vis des écoles, et de personnalités tels que les élus ou les décideurs. J’observe que le site internet de la Cour d’appel, fortement remanié cette année, pourrait également jouer un rôle intéressant pour cette amélioration de notre communication, pourquoi pas même s’agissant des procès en cours ou à venir. Comme on dit en Grande-Bretagne, «justice must not only be done, but also seen to be done». J’affirme que nous n’avons pas à craindre cette démarche de transparence et de visibilité, bien au contraire car ces évolutions se feront autour de nous si nous ne nous les approprions pas pour ce qui nous concerne. Mesdames, Messieurs, la période que nous traversons, marquée par diverses crises au premier rang desquelles la crise financière, ne doit pas conduire au découragement, mais bien au contraire à relever les défis qui se succèdent pour notre institution. Mais, en cette année olympique, n’est-ce pas dans ces moments là que les champions rebondissent vers le meilleur, réconciliant parfois à la surprise des spectateurs fruit du travail, intelligence des situations et réussite ? C’est en tout cas le vœu que je forme sur un plan général, et bien sur tout spécialement pour notre Cour.

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Rentrée solennelle

Cour d’Appel de Dijon 10 janvier 2012 Le rituel des audiences de Rentrée solennelle s’est poursuivi le 10 janvier 2012 à la Cour d’Appel de Dijon en présence des autorités locales et judiciaires de la région Bourgogne. Ce ressort ayant été désigné pour expérimenter depuis le 1 er janvier dernier la participation des citoyens pour le jugement d’un certain nombre de délits de la compétence du Tribunal correctionnel et de la Chambre des appels correctionnels, le Procureur Général Jean-Marie Beney a tout naturellement choisi d’é voquer cette réforme lors de son discours d’usage. Les trois juges professionnels sont désormais assistés de deux citoyens assesseurs qui participent ainsi pleinement à l’œuvre de justice : ils sont en effet associés au délibéré et se prononcent sur la qualification des faits reprochés au prévenu, sa culpabilité et la peine à infliger, par des voix ayant la même valeur que celles des magistrats, les décisions se prenant à la majorité simple. Répondant à la fréquente critique liée au coût de cette mesure instaurée par la loi du 10 août 2011, le Procureur Général de Dijon a souligné qu’il convient de « bien comparer le comparable et ne pas confondre création de postes et frais de fonctionnement qui représenteront vraisemblablement moins de 5 % des frais de justice. » Le Premier Président Dominique Gaschard a quant à lui insisté sur le caractère expérimental de cette réforme puisque sa généralisation sur tout le territoire national sera décidée par le législateur à la lumière des résultats de l’e xpérience actuellement menée dans le ressort des Cours d’Appel de Dijon et de Toulouse. Il a en outre insisté sur le respect des principes éthiques et des valeurs de l’Etat de droit en cette période de « modernisation accélérée » et d’intense activité législative. Cette « boussole judiciaire » conjuguée à une réflexion commune et à des actions concertées entre tous les acteurs et partenaires de l’institution permettra de « diagnostiquer les points faibles et les dysfonctionnements éventuels », « d’y apporter les remèdes nécessaires » et de « gérer au mieux dans l’intérêt des justiciables les nombreuses réformes ». Jean-René Tancrède

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Jean-Marie Beney

Souveraineté du jury par Jean-Marie Beney

(…) uelle a donc été notre activité au cours de l’année écoulée ? Comme de coutume et afin d’éviter une énumération fastidieuse, vous trouverez l’essentiel de nos chiffres dans la plaquette mise à votre disposition. Quelques grandes lignes relatives au domaine pénal méritent d’être soulignées : Au cours de l’année 2011 les quatre Parquets de Dijon, Chalon-sur-Saône, Macon et Chaumont ont enregistré 74 566 procès-verbaux pour crimes, délits et contraventions de la 5ème classe. Le nombre de procédures théoriquement poursuivables s’est élevé à 21 210 soit une proportion de 28,44 %.

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La forte implication des services de police et de gendarmerie dans la lutte contre la délinquance s’est donc poursuivie nécessitant une mobilisation toute aussi importante des magistrats du ressort avec notamment un excellent taux de réponse pénale proche de 90 %. Parmi ces réponses pénales le nombre de procédures alternatives aux poursuites s’élève à 8 529 réservant ainsi le temps d’audience aux affaires nécessitant un réel débat. Les juridictions correctionnelles des quatre tribunaux ont rendu 5 680 jugements, 1 645 décisions d’homologation de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et 3 364 ordonnances pénales soit 10 689 décisions statuant sur une poursuite pénale. La Chambre des appels correctionnels de la Cour a rendu 1 077 décisions, la Chambre de l’instruction 509 arrêts et ordonnances et les trois Cours d’assises statuant au premier degré ou en appel 33 arrêts criminels. J’avais ici les deux années passées défini quelques priorités de politique pénale : - lutte contre les trafics de stupéfiants, lutte contre les infractions qui touchent les plus faibles, délinquance des mineurs dans le cadre d’un triple objectif, - recherche de l’efficacité, recherche de la réactivité, recherche de l’effectivité. Ces priorités conservent toute leur actualité. L’exécution des peines est à l’évidence au cœur de ce triple objectif. Les efforts accomplis dans ce domaine depuis plusieurs années ont été poursuivis et amplifiés en 2011, s’inscrivant dans le cadre d’une priorité de politique pénale nationale sur laquelle j’avais déjà insisté ici même il y a exactement une année. La mise en place dans chaque juridiction de commission d’exécution des peines, l’octroi de personnels recrutés à titre temporaire et la définition de modalités pratiques et concrètes de mise à exécution des sanctions prononcées a permis de réduire sensiblement le délai moyen de mise à exécution de celles-ci qui est

désormais sur le ressort de la Cour d’appel de 4 mois et une semaine. Les procureurs de la République n’ont pas manqué par ailleurs de se rapprocher des responsables des services de police et de gendarmerie afin d’affiner les techniques de recherches employées dans le cadre des exécutions de peine. Le dispositif mis en place en 2011 va prochainement faire l’objet d’une évaluation approfondie d’autant plus que le parlement examine à partir d’aujourd’hui un texte adopté en conseil des ministres en novembre 2011 relatif à l’exécution des peines. Il s’agit d’un projet de loi de programmation d’une particulière importance qui comporte quatre volets concernant le renforcement des services de l’exécution et de l’application des peines, l’accroissement du parc carcéral et la modernisation de la classification des établissements pénitentiaires, la prévention de la récidive et l’amélioration de la prise en charge des mineurs délinquants. Il s’agira donc d’un texte qui aura un fort impact sur nos pratiques comme l’ont eu au cours de l’année écoulée les évolutions des multiples sources du droit auxquelles le magistrat doit aujourd’hui se référer : traités, conventions, jurisprudences de la Cour de justice de l’union européenne, de la Cour européenne des Droits de l’Homme, du Conseil constitutionnel et de la cour de cassation... La place naguère prééminente de la loi nationale est donc remise en cause, comme est transformé et quelques fois malmené le principe de sécurité juridique. Il demeure qu’en complément de cette multiplication des sources du droit l’activité législative a été particulièrement intense au cours de l’année écoulée ; ainsi à titre d’illustration dans le champ de compétence des Parquets et du Parquet général, et en écartant le domaine réglementaire pas moins de 7 lois comportant parfois plusieurs dizaines de dispositions ont été promulguées :

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Rentrée solennelle - 14 mars 2011 : loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure - 14 avril 2011 : loi relative à la garde à vue - 17 mai 2011 : loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit - 5 juillet 2011 : loi relative aux droits des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques - 10 août 2011 : loi relative à la participation des citoyens au fonctionnement de la Justice pénale et au jugement des mineurs - 13 décembre 2011 : loi relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles - 26 décembre 2011 : loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (et réformant la composition des juridictions pour mineurs) Parmi ces dispositions la loi du 10 août 2011 mérite une présentation de quelques-uns de ses aspects notamment ceux relatifs à la cour d’assises - applicables depuis le 1er janvier 2012 - et ceux relatifs à la participation des citoyens assesseurs au jugement des affaires correc-

tout en préservant la place du jury encore plus présent dans l’instance d’appel et la loi du 10 août 2011 pour que soit prévue la motivation des arrêts de la Cour d’assises, qui est un corollaire logique de la possibilité de relever appel des décisions rendues en premier ressort. En effet les articles 10 à 14 de cette loi modifient les dispositions du code de procédure pénale relatifs à la Cour d’assises en réduisant de neuf à six le nombre de jurés siégeant à la Cour d’assises de premier ressort, de douze à neuf le nombre de ceux qui siègent à la Cour d’assises d’appel, adaptent les règles de majorité des voix pour l’adoption de décisions défavorables à l’accusé et surtout imposent la motivation des arrêts en précisant qu’en cas de condamnation cette motivation consiste dans l’énoncé des principaux éléments à charge ayant convaincu la Cour d’assises dans un document signé par le Président et le premier juré. Tocqueville considérait qu’un «des moyens les plus efficaces dont puisse se servir la société pour éduquer son peuple» était la participation de celui-ci à la prise de la décision judiciaire. C’est certainement en ayant cette pensée

La place naguère prééminente de la loi nationale est donc remise en cause, comme est transformé et quelques fois malmené Jean-Marie Beney le principe de sécurité juridique.

tionnelles puisque notre Cour d’appel a été retenue à l’instar de celle de Toulouse pour expérimenter le processus dès le début de cette année. La participation des citoyens au fonctionnement de la Justice n’est pas une idée nouvelle et remonte même aux civilisations de la Grèce antique et de la République romaine. En France, le jury criminel est apparu sous la révolution avec les lois des 16 et 29 septembre 1791 et a connu depuis de nombreuses évolutions dont la dernière en 2011. De nombreux pays européens et américains, d’influence romano-germanique ou anglosaxonne connaissent des systèmes de participation des citoyens à la justice pénale, systèmes qui confèrent une place plus ou moins importante «au citoyen» dans la prise de décision sur la culpabilité et le prononcé de la peine. L’institution du jury populaire devant la Cour d’assises depuis plus de deux siècles n’a jamais été sérieusement remise en question et les diverses tentatives en ce sens ont été instantanément et vigoureusement contrées. Le principe de souveraineté du jury a longtemps impliqué que la décision d’une Cour d’assises ne pouvait être frappée d’appel et n’avait pas à être motivée. Il a fallu attendre la loi du 15 juin 2000 complétée par la loi du 4 mars 2002 pour qu’un appel des arrêts de Cour d’assises soit instauré,

présente à l’esprit que le législateur a prévu par la loi du 10 août 2011 que des citoyens assesseurs devront participer au jugement non plus des crimes relevant de la Cour d’assises mais d’un certain nombre de délits de la compétence du Tribunal correctionnel et de la Chambre des appels correctionnel de la Cour. Dans le respect de la décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2005 de laquelle il se déduit que les magistrats professionnels doivent rester majoritaires dans les fonctions correctionnelles, deux citoyens assesseurs devront faire partie, avec trois juges professionnels, des juridictions suivantes : - Tribunal correctionnel et Chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel pour le jugement de certains délits, - Tribunal correctionnel des mineurs pour le jugement des mêmes délits commis par des mineurs récidivistes âgés de plus de seize ans, - Tribunal de l’application des peines et chambre de l’application des peines de la Cour d’appel pour l’examen des demandes de libération conditionnelle des personnes condamnées à des peines de plus de cinq ans d’emprisonnement. Tous les délits correctionnels ne relèvent donc pas de la compétence de cette formation nouvelle, le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 août 2011 ayant expressément exclu les délits, nécessitant des «compétences

juridiques spéciales» ; le législateur ayant quant à lui exclu un certain nombre d’infractions comme le vol simple ( ) ou l’escroquerie privilégiant les infractions à caractère violent telles que : - certains faits de violence routière (homicides involontaires commis par les conducteurs, notamment ceux commis sous l’empire d’un état alcoolique ou de drogue), - les agressions sexuelles et les atteintes sexuelles, - les violences aux personnes présentant une particulière gravité, soit parce qu’elles ont entraîné des lésions irréversibles, soit parce que ces violences ont été commises à l’encontre des personnes les plus faibles, les enfants et les personnes âgées, - les violences aux personnes qui ont entraîné des conséquences importantes et commises avec deux ou trois circonstances aggravantes. Exemples : * violences commises en réunion et avec menace d’une arme, * violences au sein du couple commises sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants ou de façon habituelle, * violences commises sur un enseignant dans un établissement scolaire, * violences commises par plusieurs personnes dans un bus ou un train, * violences commises contre les forces de l’ordre, les pompiers, les agents des entreprises de transport public. - les violences urbaines qui constituent les destructions par incendie et notamment les incendies de véhicule, - les menaces les plus graves, notamment les menaces de mort et les menaces sous conditions de nature raciste ou homophobe, - les extorsions («racket») et les vols aggravés, notamment les vols précédés, accompagnés ou suivis de violences. Les citoyens assesseurs tirés au sort comme les jurés sur les listes électorales et qui ont reçu une formation d’une journée auront à se prononcer sur la culpabilité et sur la peine, leurs voix ayant au cours du délibéré la même valeur que celles des magistrats professionnels. Ils sont indemnisés pour leur présence comme le sont les jurés de la cour d’assises ; présence qui ne peut en aucun cas excéder dix audiences par an mais qui constitue un devoir civique. Cette loi a fait l’objet de débats intenses au cours desquels des arguments d’inégale valeur ont été entendus ; beaucoup de ceux-ci relevant d’une méconnaissance manifeste du fonctionnement des juridictions et de la pétition de principe. L’argument du coût supposé de la réforme étant certainement le plus mauvais si l’on veut bien comparer le comparable et ne pas confondre création de postes et frais de fonctionnement qui représenteront vraisemblablement moins de 5 % des frais de justice. Le temps du débat est maintenant clos pour céder la place à l’application de la loi dans sa phase expérimentale. En fonction des volumes prévisibles (10 % à 17 % des affaires) des organisations différentes ont été mises en place par les juridictions (audiences mixtes ou audiences spécifiques) ; la diversité des solutions retenues étant particulièrement intéressante au cours de cette phase d’expérimentation dans laquelle l’engagement de chacune et chacun a déjà été soulignée. (…)

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Rentrée solennelle

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Dominique Gaschard

Boussole judiciaire par Dominique Gaschard (…) uant à nos projets pour 2012, je me bornerai à en rappeler les lignes directrices, à savoir : - la recherche d’une justice de qualité dans des délais raisonnables, - le développement de l’accès au droit et des modes alternatifs de règlement des litiges, et notamment de la médiation, - la modernisation de notre institution avec en particulier la mise au point définitive et la généralisation de la communication électronique, - le développement de la communication du juge, - et le suivi attentif des récentes réformes, dont notre expérience concernant les citoyens assesseurs. Je serai en revanche un peu plus long pour vous exposer la situation actuelle de notre institution judiciaire qui se caractérise notamment par le fait qu’elle est confrontée à un véritable tourbillon de réformes et à une modernisation accélérée.

Q

I. Le constat Une institution judiciaire confrontée à un tourbillon de réformes et à une modernisation accélérée :

Comme vous l’avez déjà compris en écoutant l’exposé de Monsieur le Procureur général le vent des réformes qui souffle sur notre institution ne faiblit pas. Après la refonte de la carte judiciaire et la réforme constitutionnelle qui permet désormais à tout justiciable de contester devant son juge la constitutionnalité d’une disposition législative susceptible de porter atteinte à ses droits, plusieurs réformes toutes aussi importantes les unes que les autres ont en effet mobilisé nos énergies tout au long de l’année écoulée. Je pense à la réforme de la garde à vue, à la nouvelle procédure d’appel en matière civile, au

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nouveau contrôle juridictionnel des soins psychiatriques sous contrainte et naturellement à la loi sur la participation des citoyens à la justice pénale. Mais je pense aussi à la nouvelle organisation budgétaire et comptable des Cours d’appel avec la création de 9 budgets opérationnels de programme (BOP) interrégionaux dont celui de Dijon qui va comprendre les Cours d’appel de Dijon, d’Orléans, de Bourges et de Reims. Sans entrer dans les détails, permettez-moi de faire de courtes observations concernant ces différentes réformes. S’agissant tout d’abord des réformes pénales et notamment de la loi sur la participation des citoyens à la justice pénale, je m’associe purement et simplement à ce qui a été excellemment dit par Monsieur le Procureur général. Je souhaite cependant insister sur le caractère expérimental de cette dernière loi. Son application sur tout le territoire national dépendra en effet des résultats des expériences qui vont être menées tant dans notre cour d’appel de Dijon qu’à la cour d’appel de Toulouse qui a également été choisie comme cour expérimentale. Cette expérience va incontestablement constituer pour nous une charge de travail supplémentaire importante, mais quoi qu’il en soit, et compte-tenu des enjeux, nous allons bien évidemment la mener avec le plus grand sérieux de façon à ce que le législateur puisse être parfaitement éclairé avant de décider d’une éventuelle généralisation de la réforme.

responsabilité de l’un des neuf budgets opérationnels de programme (BOP) interrégionaux qui avec le BOP de la cour d’appel de Versailles et les BOP des cours d’appel d’Outre-Mer se substituent aux 35 BOP de cour d’appel qui existaient jusqu’alors. Très concrètement ce nouveau BOP comprend, outre la cour d’appel de Dijon, responsable de BOP, les cours d’appel de Bourges, d’Orléans et de Reims avec lesquelles nous allons par conséquent devoir organiser et piloter un dialogue de gestion d’un type nouveau pour nous. Le temps me manque pour exposer plus longuement ce nouveau dispositif qui, outre ses aspects techniques, présente des enjeux très importants en termes d’indépendance de la justice. Mais je tiens cependant à dire que son efficacité dépendra en grande partie de la capacité de notre SAR à assurer ses nouvelles missions. Madame la Directrice du SAR, Monsieur le Procureur général et moi-même, nous connaissons parfaitement la situation déjà difficile dans laquelle se trouvent vos services compte tenu des charges de travail importantes auxquelles ils doivent faire face et la mise en place de notre BOP interrégional va en conséquence constituer pour vous un véritable challenge. Mais nous connaissons aussi le haut niveau d’engagement professionnel des fonctionnaires du SAR et nous savons que vous allez mobiliser toute votre énergie pour faire face à cette

Prenons garde en effet, sous couvert du mot magique de modernisation, de prendre le risque de porter atteinte à nos principes éthiques sans le respect desquels il ne pourrait pas y Dominique Gaschard avoir une justice humaine et de qualité.

En ce qui concerne la loi sur le contrôle judiciaire des soins psychiatriques sous contrainte, je me bornerai à rappeler qu’elle a été mise en œuvre au cours de l’été 2011 dans un contexte d’urgence, et je remercie à cet égard les magistrats et les fonctionnaires qui ont démontré à cette occasion, une fois de plus, leur très grande réactivité et leur remarquable capacité d’adaptation. J’en arrive à la réforme de la procédure d’appel en matière civile. Comme vous le savez cette importante réforme qui est en partie liée au développement de la communication électronique s’est notamment traduite par la suppression aujourd’hui effective des avoués. Il s’agit là pour notre cour d’un événement marquant. (...) Dans un tout autre domaine, à savoir le domaine budgétaire et comptable, notre cour d’appel va, par ailleurs, devoir s’adapter à une nouvelle organisation. Dans le nouveau schéma budgétaire et comptable du ministère de la Justice, la cour d’appel de Dijon a en effet désormais la

nouvelle commande, ce dont nous vous remercions par avance. Comme vous le voyez le rythme des réformes est particulièrement soutenu. Et dans le même temps, la modernisation nécessaire de notre institution s’accélère avec un renouvellement rapide de nos outils informatiques et avec un développement de grande ampleur des Techniques de l’Information et de la Communication (TIC) qu’il s’agisse : - de la dématérialisation des procédures ; - de la communication électronique avec les parties, avec leurs conseils, avec les huissiers de justice et avec les experts judiciaires ; - de l’utilisation des banques de données liées aux publications jurisprudentielles et doctrinales ; - de la visioconférence ; - ou du traitement automatisé des dossiers de procédure. En réalité, notre vieille institution judiciaire est confrontée à un véritable tourbillon de réformes et à une modernisation accélérée qui bouleversent nos organisations et nos méthodes de travail et qui nécessitent de la part des

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Rentrée solennelle magistrats et des fonctionnaires une capacité d’adaptation et de mobilisation sans cesse renouvelée. (…)

II. Le rappel des principes fondamentaux La nécessité de développer une réflexion collective de la famille judiciaire et de la communauté des juristes

Dans cette période de profonds changements, je voudrais encore vous dire qu’il n’est pas toujours facile de mesurer les enjeux et de distinguer le sens général des évolutions. Aussi est-il très important de ne pas perdre de vue les valeurs et les principes qui fondent notre Etat de droit. Prenons garde en effet, sous couvert du mot magique de modernisation, de prendre le risque de porter atteinte à nos principes éthiques sans le respect desquels il ne pourrait pas y avoir une justice humaine et de qualité. Il s’agit là, me semble-t-il, de véritables questions méritant réflexion. Et c’est précisément pour tenter de répondre à une partie de ces différentes interrogations que notre cour d’appel a pris l’initiative au cours de l’année écoulée d’organiser en liaison avec 23 cours d’appel de différents pays de l’Union européenne une réflexion approfondie pour anticiper et maîtriser les différents risques éthiques liés à l’utilisation par le juge des TIC. Cette réflexion à laquelle ont été associés des universitaires de haut niveau s’est concrétisée par un colloque international qui a eu lieu ici même les 13, 14 et 15 octobre derniers et a permis l’adoption d’un guide de bonnes pratiques dans l’utilisation par le juge des TIC, guide dont vous trouverez un exemplaire dans les plaquettes qui vous ont été distribuées. Dans une période en constante évolution comme celle que nous vivons il est donc important de cultiver nos valeurs et nos

principes éthiques qui doivent demeurer quelles que soient les circonstances les repères de notre boussole judiciaire. Mais il est tout aussi important de développer l’esprit d’é quipe entre les magistrats et les fonctionnaires et l’esprit de concertation entre tous les membres de la famille judiciaire, notamment avec les avocats qui sont nos partenaires privilégiés. C’est en effet ensemble par une réflexion commune et par des actions concertées que nous pouvons gérer au mieux dans l’intérêt des justiciables les nombreuses réformes qu’il nous appartient de mettre en œuvre. En réalité, la réussite de la modernisation de notre institution et la qualité de la justice dépendent en grande partie de la qualité des relations qu’entretiennent les différents membres de la famille judiciaire. Plus que jamais je suis personnellement convaincu que c’est ensemble que nous sommes le mieux à même de diagnostiquer les points faibles et les dysfonctionnements éventuels de notre institution et d’y apporter les remèdes nécessaires et qu’il est par conséquent indispensable de développer nos structures de concertation, notamment avec le Barreau, afin que nous puissions parvenir à la conclusion de protocoles d’accord sur tous nos sujets de préoccupation communs. J’observe d’ailleurs avec satisfaction que cet esprit de concertation est d’ores et déjà une réalité dans le ressort de notre cour d’appel comme l’ont démontré les différents protocoles d’accord qui ont été signés pour la mise en œuvre de la communication électronique. Mais je souhaite que nous allions encore plus loin, que de nouvelles structures de concertation se mettent en place là où elles n’existent pas encore, et que nous les fassions vivre avec un dynamisme renouvelé. Et dans ce vaste chantier consistant à animer notre famille judiciaire, les relations privilégiées que nous entretenons ici à Dijon avec l’Université constituent un atout supplémentaire. (…)

III. La mission du juge Dans le chantier des réformes et de la modernisation de la justice, le rôle de chacun, qu’il soit directement acteur, ou simplement partenaire de justice, doit en outre être clarifié, et ceci, dans un souci d’efficacité et de lisibilité. Qu’il me soit à cet égard permis de faire deux brèves observations sur le rôle du juge. Ma première observation consistera à rappeler que le juge est celui qui décide en arbitrant les différents points de vue qui s’expriment devant lui dans le débat judiciaire. Ce débat que le juge a pour mission d’arbitrer est donc essentiel. C’est en effet dans la transparence et la vigueur des échanges entre les parties que le juge peut, par touches successives, approcher la vérité et distinguer le juste de l’injuste, et c’est en définitive en grande partie dans le débat judiciaire que le juge trouve la source de sa légitimité. Magistrats du Parquet et avocats, vous y jouez tous un rôle essentiel et irremplaçable et vous le faites ici dans cette cour dans un esprit toujours constructif. Soyez en vivement remerciés. Ma seconde observation sera pour dire que juger n’est pas mettre en œuvre une politique, fût-elle judiciaire. Chaque cas est en effet un cas particulier qui doit être examiné et jugé dans sa singularité. Les faits, la personnalité des personnes en cause, le contexte économique et social, les modes de vie, les valeurs changeantes et contradictoires d’une société éclatée, la recherche du droit applicable, les enjeux du litige pour les parties, et au-delà pour la société toute entière et l’état de droit, tous ces éléments doivent être appréciés par le juge dans leur complexité et au cas par cas d’une manière totalement indépendante et impartiale, c’est-à-dire sans a priori quel qu’il soit. (…) 2012-052

Au fil des pages

Les deux souverainetés et leur destin Le tournant Bodin - Althusius par Gaëlle Demelemestre a souveraineté, comme forme d’expression du pouvoir politique, figure parmi les concepts juridico-politiques les plus opératoires, les plus usités. Inventée au XVIème siècle par un juriste français, Jean Bodin, elle fait florès en donnant au monarque la base conceptuelle lui permettant de ressaisir l’ensemble des compétences politiques. Par son office, le pouvoir devient la puissance normative s’exerçant également sur tous les citoyens, dans une relation verticale univoque, qui bientôt prendra la figure de l’Etat. Pourtant, en cette période charnière entre l’universalisme finissant du Moyen Age et la société moderne, un autre penseur allemand, Johannes Althusius, lui-même juriste, inversait la logique de la souveraineté bodinienne pour la reconnaître au « peuple organisé ». Interprétée à partir d’un axe d’intelligence non plus hiérarchico-centralisé, mais coopérativofédéraliste, moins développées, détentrices des droits nécessaires à leur autonomie. Une toute autre représentation de la nature de la société, de la finalité du pouvoir et de ses modes opératoires, se dégage alors.

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Deux conceptions de la politique venaient de s’ouvrir. Si l’Histoire choisît la voie ouverte par Bodin, renforcée par Hobbes et accomplie par Hegel, notre propre époque de remise en question de la forme étatique nous semble propice à la reprise de l’alternative ouverte par Althusius au pouvoir centralisé, dont on peut mettre en lumière, chez Locke et Montesquieu, la trace d’une filiation. Exposant ces deux théories de la souveraineté en vis-à-vis, le présent ouvrage souhaite fournir les arguments d’un débat informé sur la souveraineté d’Etat. 2012-053 286 pages - 27 € - Les Editions du Cerf Collection « La Nuit surveillée Philosophie politique et morale » 29, boulevard La Tour Maubourg - 75340 PARIS CEDEX 07 - www.editionsducerf.fr

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Décoration

Xavier Bariani, Chevalier de la Légion d’Honneur Versailles - 17 janvier 2012

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Xavier Bariani et Didier Bariani

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n la Mairie de Versailles, dans la ville du Roi Soleil, Xavier Bariani Président de la Chambre Départementale des Huissiers de Justice des Yvelines a été décoré des insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur ce 17 janvier. La cérémonie s’est déroulée en famille puisque l’Officiant était Didier Bariani son frère, Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères (19861988) et ancien maire du 20ème arrondissement de Paris. Le récipiendaire est apprécié et reconnu par ses pairs tant il sert avec loyauté la profession d’huissier de justice. Cet officier ministériel est un serviteur de l’état de droit, son savoir-faire et ses talents honorent sa profession et il participe ainsi à l’œuvre de justice. Nous adressons nos chaleureuses félicitations à celui dont les actions en faveur du justiciable ont toujours été exemplaires. 2012-054 Jean-René Tancrède

Direct

L’avenir de l’expert de justice français Entretien avec Dominique Lencou - Paris, 18 janvier 2012

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Dominique Lencou

Attachés aux règles du procès équitable, les experts de justice français entendent bien démontrer qu’ils ne sont pas des prestataires de services comme les autres mais des collaborateurs occasionnels du service public investis de la confiance du juge en raison de leur compétence, de leur moralité, de leur indépendance et de leur connaissance des règles du procès équitable. A cet égard le Professeur Olivier Jardé, député de la Somme, président des experts près la Cour d’appel d’Amiens, est à l’origine d’une proposition de loi visant à l’élaboration d’un statut de l’expert. Aujourd’hui il convient de remarquer que le statut de l’expert n’est pas clairement défini. Ainsi le système français est menacé par ses propres ambiguïtés et le temps semble venu d’y remédier à peine de le voir à plus ou moins long terme disparaître purement et simplement. Cette proposition de loi tend à définir l’expert de justice en faisant un socle au statut de l’expert collaborateur occasionnel du service public de la justice, quelle que soit la juridiction qui le désigne en matière civile, pénale et administrative. Elle précise que la rémunération de l’expert de justice serait fixée, sur sa proposition, par la juridiction qui l’aurait désigné, dans des conditions précisées par décret.

Les décisions d’inscription et de réinscription devraient être motivées et pourraient faire l’objet d’un recours juridictionnel effectif. Les conditions requises seraient la compétence, l’expérience et la moralité du candidat.

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Marc Taccoen

D.R.

la suite de l’arrêt du 17 mars 2011 de la Cour de justice de l’Union Européenne, le Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice présidé par Dominique Lencou, a été amené à réfléchir à l’avenir de l’expert de justice français au sein de l’Union Européenne.


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