Edition du lundi 21 janvier 2013

Page 1

LES ANNONCES DE LA SEINE Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Lundi 21 janvier 2013 - Numéro 5 - 1,15 Euro - 94e année

Cour de cassation Audience Solennelle de début d’année - 18 janvier 2013 RENTRÉE SOLENNELLE

Cour de cassation

L’œil qui voit le droit par Vincent Lamanda ........................................ Le Ministère Public à la française : Déesse judiciaire ? par Jean-Claude Marin......................................................................... Le visage du droit par François Hollande ............................................

VIE DU CHIFFRE

Ordre des Experts-Comptables Une profession réunie autour de sa marque en 2013 ....................

VIE DU DROIT

2 6 9

12

Cour Nationale du Droit d’Asile 60ème anniversaire - 1952-2012 Le juge français de l’asile par Jean-Marc Sauvé.............................. L’avocat et la juridiction de l’asile par Christian Charrière-Bournazel ................................................... L’asile : un honneur pour notre civilisation par Jacques Ribs...............................................................................

Conseil National des Barreaux

14 19 20

32 AGENDA ......................................................................................5 ANNONCES LEGALES ...................................................22 AVIS D'APPEL A LA CONCURRENCE .................27 ADJUDICATIONS................................................................30 AU FIL DES PAGES Le faux en art et en droit par Claude Ducouloux-Favard .......32 Assemblée Générale du 18 janvier 2013 .........................................

’Audience Solennelle de début d’année de la Cour de cassation a revêtu ce 18 janvier un éclat tout particulier, le Président de la République François Hollande a honoré de sa présence cette prestigieuse cérémonie ainsi que Madame la Garde des Sceaux Christiane Taubira et Messieurs les Présidents de l’Assemblée Nationale Claude Bartolone et du Sénat Jean-Pierre Bel. Après lui avoir souhaité la bienvenue et un rappel, avec le talent et la culture dont il a le secret, sur l’histoire de la justice française, le Premier Président Vincent Lamanda a consacré ses propos à l’indépendance du magistrat qui doit constamment inspirer son action vers « l’objectivité, l’impartialité et la vérité ». Rappelant que l’œuvre de justice est collective, le Premier Magistrat de France s’est posé la question de savoir si le juge n’est pas davantage blâmé en considération de son image que de son action. L’image de celui à qui il est confié de juger ses semblables « possèdent deux caractéristiques essentielles qui en altèrent les traits : la pérennité et l’ambiguïté ». Valorisant notre système judiciaire, le Premier Président, considère que « parce qu’elle est recherche d’é quilibre, la justice contrebalance la force de la constance par l’élan du progrès » et conclut ses propos en souhaitant restituer à la justice « son vrai visage : elle n’e st ni distante ni désincarnée, active, s’attachant, en dépit des incompréhensions et des difficultés, à relier le passé au présent dans la perspective de l’avenir ».

L

Prenant la parole à l’invitation de Vincent Lamanda, le Procureur Général Jean-Claude Marin a évoqué le rôle du « Ministère Public à la française » et précisé « qu’investi du pouvoir de décider de l’opportunité des poursuites, il ne pouvait être cantonné dans le rôle d’avocat de la poursuite » ; il a également tenu à rappeler que « les magistrats du Parquet assument leur mission avec un sens aigu de leurs responsabilités dans le respect d’une déontologie au-dessus de toute critique avec un sentiment aigu d’appartenance à une institution essentielle à notre démocratie ». Pour répondre à l’attente des citoyens, François Hollande a affirmé publiquement le rôle que lui confère la Constitution dans le bon fonctionnement de l’autorité judiciaire et a annoncé la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature qui figurera dans le projet de loi constitutionnelle qui sera présenté au printemps pour être examiné avant l’été par le Parlement réuni en Congrès. Animé par la volonté de rétablir la confiance de ses concitoyens à l’égard des institutions judiciaires françaises, le Chef de l’Etat a plaidé pour que « le pouvoir de juger soit exercer avec célérité », cette prééminence du droit caractérise le sens de l’action qu’il a demandé à son Gouvernement de conduire au cours des prochains mois. Il a conclu ses propos en rappelant que le rôle du juge qui « n’a pas d’autre devoir que d’appliquer la loi votée par les représentants de la Nation, mais en interprétant les textes, il est un gardien de la loi ». Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE


Rentrée solennelle

LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr

l

l

l

l

Vincent Lamanda

Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05 Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède

Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :

Didier Chotard Frédéric Bonaventura

Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 738 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS

2012

Copyright 2013 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2012 ; des Yvelines, du 31 décembre 2012 ; des Hauts-deSeine, du 31 décembre 2012 ; de la Seine-Saint-Denis, du 27 décembre 2012 ; du Val-de-Marne, du 27 décembre 2012 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.

- Tarifs hors taxes des publicités à la ligne A) Légales : Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,48 € Yvelines : 5,23 € Hauts-de-Seine : 5,48 € Val-de-Marne : 5,48 € B) Avis divers : 9,75 € C) Avis financiers : 10,85 € D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 € Seine-Saint Denis : 3,82 € Yvelines : 5,23 € Val-de-Marne : 3,82 € - Vente au numéro : 1,15 € - Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

2

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Comité de rédaction :

L’œil qui voit le droit par Vincent Lamanda onsieur le Président de la République, Votre présence parmi nous est un honneur d’autant plus grand que l’autorité judiciaire, dont les principaux représentants sont ici rassemblés, salue en votre personne le garant constitutionnel de son indépendance. Que, dès les premiers mois de votre mandat, vous ayez tenu à partager avec nous ce moment symbolique de l’Audience Solennelle de début d’année, nous touche. Les femmes et les hommes qui œuvrent, chaque jour, pour équilibrer les passions, les intérêts, les influences, sont naturellement sensibles à cette marque de considération, témoignée aux serviteurs d’une institution souvent malmenée que des propos apaisants, marquant votre confiance, ne peuvent que rasséréner. Sachez notre gratitude. La mission de gardienne de la liberté individuelle, que la Constitution confie à l’autorité judiciaire, est essentielle dans un Etat de droit, soucieux du respect de la séparation des pouvoirs et, par suite, de l’indépendance du judiciaire. Mais il ne suffit pas que tous s’accordent pour affirmer cette indépendance. Encore faut-il que chacun en accepte, en toutes circonstances, la manifestation, admette qu’on ne puisse pas toujours pressentir la sentence, souffre que le Juge ne se prête à un quelconque accommodement. Acquis essentiel de notre tradition judiciaire, l’indépendance doit constamment inspirer

M

l’action du Magistrat vers l’objectivité, l’impartialité, la vérité. Elle n’est pas un privilège, mais un devoir envers lui-même comme envers les autres. Si elle est une force, c’est au service du justiciable qu’elle se déploie. Nous ne pouvons que nous féliciter, Monsieur le Président de la République, de votre volonté de tout mettre en œuvre pour renforcer l’effectivité de ce principe salutaire. Au moment où notre pays est conscient de la nécessité d’une réforme de ses structures, pour mieux affronter les défis d’un monde globalisé, la Justice ne saurait demeurer à l’é cart du mouvement à engager. Surtout en première instance, notre organisation judiciaire a vieilli. On constate, d’une part, un émiettement excessif de juridictions spécialisées, que leur nécessaire déploiement à l’échelon local rend innombrables. On assiste, d’autre part, à une concentration progressive de divers contentieux dans certaines seulement des juridictions généralistes, alors que toutes sont dites de droit commun. Au delà de ce paradoxe, qui tend à faire de l’exception la règle, il en résulte de vains conflits de compétence, une complexité déroutante dans la mise en œuvre des procédures et un risque de rupture d’égalité entre les territoires. Sans méconnaitre la difficulté d’une refonte de notre organisation judiciaire ni nier l’évidente utilité d’une spécialisation adaptée, nous sommes prêts à prendre part à la recherche d’une simplification, d’une clarification et d’une plus grande efficience, s’inscrivant dans la modernisation de l’Etat que vous projetez. Messieurs les présidents du Sénat et de l’Assemblée Nationale, Le motif central du plafond de cette salle représente la loi tendant la main à la jurisprudence. Comme en écho à cette allégorie, votre venue conjointe est le gage d’une coopération fructueuse entre le Parlement et notre juridiction. Nous savons qu’il ne faut pas y voir seulement la manifestation de votre courtoisie, mais l’expression d’un hommage de la représentation nationale à ceux qui ont la charge de veiller à l’application de la loi. Soyez en vivement remerciés, avec Monsieur le Président de la commission des lois du Sénat qui, toujours délicatement attentif à nos préoccupations, a bien voulu vous accompagner. Madame la Garde des Sceaux, Nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau dans cette grand’ chambre. Si rendre la justice n’est jamais simple, il n’est pas plus facile de l’administrer. Mais d’emblée, vous avez embrassé cette tâche avec l’enthousiasme, la finesse et le naturel chaleureux qui vous caractérisent. Sachant écouter, vous attachant à étudier en profondeur les dossiers, allant sur place pour mieux asseoir vos décisions, vous avez à cœur de permettre à la Justice de s’exercer dans toute sa plénitude, avec dignité et sérénité. Dans cette démarche, nous vous assurons de notre reconnaissance et de notre soutien. Excellences, mesdames, messieurs les hautes personnalités, Vous venez de tous les horizons où la vie de la cité s’illustre dans sa riche diversité. La Cour tient à vous associer à cette cérémonie en signe de cordialité entre nos juridictions,

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5


que des chiens. Votre salaire est au gibet. Allez y braire ». Marot abandonne son badinage pour fulminer : « Ils ont tant de glu dedans les mains, ces faiseurs de pipée, que toute chose où touchent est grippée ». La Fontaine renchérit : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir ». La Bruyère excite contre les mœurs judiciaires son amertume : « Le devoir des Juges est de rendre la justice ; leur métier de la différer ; quelques uns savent leur devoir et font leur métier ».

Lesage prête à Crispin ce sarcasme : « la justice est une chose si précieuse qu’on ne saurait trop l’acheter ». Voltaire traite les juges de « cuistres fanatiques, misérables convulsionnaires, singes changés en tigre ». Balzac n’épargne pas même le jeune magistrat : « aux joues laminées par l’étude et l’envie de parvenir ». Hugo ironise : « A quoi bon disposer de vingtquatre heures pour maudire ses Juges, quand on à toute la vie pour les plaindre ». Anatole France fait dire à l’abbé Coignard : « Cela seul me cause un insurmontable

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

administrations ou organismes respectifs. Vous répondez à son invitation avec fidélité et sympathie. Elle vous en sait gré. Vous me permettrez de saluer en particulier les membres du Conseil Supérieur de la Magistrature dont j’ai l’honneur de présider la formation plénière et celle compétente à l’égard des Magistrats du Siège. Voilà bientôt deux ans, le cordon qui reliait ce Conseil au pouvoir exécutif a été définitivement coupé. Je me réjouis de l’atmosphère constructive qui, convertissant nos différences en complémentarités, nous réunit, chaque semaine, pour concourir au fonctionnement harmonieux des Cours et Tribunaux et assurer à la magistrature les garanties effectives de son statut. La spécificité de la fonction judiciaire est inhérente à la grandeur d’une mission sur laquelle nos concitoyens portent un regard empli d’exigences élevées, parfois antinomiques, toujours difficiles à satisfaire. La Justice laisse rarement indifférent. Chacun, croyant la connaître, s’autorise à la juger. Certes, elle n’est pas faite pour plaire, fûtce à ceux qui la sollicitent le plus. Mais, généralement elle est raillée, même par ceux qui y recourent le moins. Le phénomène est invariable depuis le Moyen-âge. En voici quelques illustrations. Le Roman de Renart met férocement en scène l’astucieuse perversité de Renart, ses jugements léonins. Rabelais inscrit sur la porte de son abbaye de Thélème : « Ici n’entrez pas, (…) juges anciens qui jetez au charnier les bons paroissiens ainsi

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Rentrée solennelle

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5

3


Rentrée solennelle

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Jean-Claude Marin, François Hollande et Vincent Lamanda

embarras qu’il faille que ce soient les juges qui rendent la justice ». Sans être exhaustif, pourraient être cités encore Marcel Aymé ou Jean Anouilh. Et pour illustrer ces auteurs par le dessin et par le cinéma, de Daumier à Cayatte, les caricatures ne manqueraient pas. Cette constante acrimonie trouve sa source dans la quête inlassable d’un impossible absolu, que le pouvoir confié à quelques uns de juger leurs semblables ne peut évidemment assouvir. Le Juge ne serait-il pas alors blâmé davantage en considération de son image que pour son action ? Cette image, en tout cas, possède deux caractéristiques essentielles qui en altèrent les traits. La première est la pérennité. Le Roi de France, à qui le plus humble de ses sujets pouvait faire appel, a commencé à asseoir son autorité aux dépens de la féodalité par son rôle judiciaire. Le Roi rendait justice. Le Roi était justice. C’est le symbole de Saint Louis sous un chêne à Vincennes. Lorsque le roi déléguait le soin de rendre en son nom la Justice, ceux qui le substituaient devaient avoir les mêmes habits que lui. L’é carlate en étant la couleur, les robes des conseillers furent, elles aussi, pourpres. Le Roi, à cette époque moyenâgeuse, portait le chaperon à bonnet qui servait de coiffure en même temps que de vêtement de cou. Les Magistrats adoptèrent le chaperon. Pour alléger le poids de ce couvre chef quelque peu incommode, ils prirent l’habitude d’en détacher l’appendice qui était rejeté sur l’épaule gauche. Ainsi naquit l’épitoge. A partir du XIIIème siècle, l’ampleur des tâches grandissant avec l’extension rapide du domaine royal, le monarque dut se résigner à déléguer ses prérogatives à des conseils de techniciens. Le plus important d’entre eux, le « parlement », s’installera dans ses appartements. Si on nomme Palais les bâtiments où la Justice est établie et Chambres les salles où elle est

4

rendue, c’est que le Roi de France, voilà près de huit siècles, lorsqu’il a quitté l’île de la Cité pour la rive droite de la Seine, a laissé son Palais aux Juges qui ont investi sa Chambre de parade, la Grand’ Chambre. Si on nomme Audience la séance d’un Tribunal et Cour certaines formations de jugement, c’est qu’à l’origine, le monarque donnait lui-même Audience à ceux de ses sujets qui lui demandaient Justice, et que les premières juridictions étaient composées des principales personnes constituant l’entourage du roi et résidant effectivement dans sa Cour. Beaucoup continuent à appeler placet l’exemplaire d’une assignation déposée au greffe en vue de sa mise au rôle. En effet, pour obtenir Audience, les solliciteurs priaient le roi qu’il lui plaise (placet en latin) leur accorder la faveur de les entendre. Leurs requêtes étaient inscrites à la suite sur un rouleau de parchemin : un rôle. Elles étaient évoquées dans l’ordre où elles apparaissaient en le déroulant, « à tour de rôle ». Mise sous main de justice et mainlevée qualifient certaines mesures judiciaires en référence au geste que faisait le roi avec la main de Justice pour indiquer sa décision. Si on nomme Parquet le lieu où se tient le Ministère public, c’est que ce mot désignait dans la Grand’Chambre le cœur de la salle, délimité sur trois côtés par les bancs des Juges et sur le quatrième par une barre, enclos sacré, petit parc ou « parquet », que les gens du roi traversaient pour gagner leur place. Si on nomme Barreau l’ensemble des Avocats, c’est que ceux-ci se tenaient précisément derrière la barre qui fermait le Parquet. Le Bâtonnier est le chef de leur Ordre. Le Roi lui avait conféré le privilège, dans les processions de la confrérie de Saint-Nicolas, de porter le bâton, c’est-à-dire la bannière de ce saint. Le titre d’Huissier, donné à certains auxiliaires de Justice, est, de même, hérité de leurs devanciers, chargés de garder les portes de la Chambre du souverain, d’en ouvrir les battants ou d’en maintenir les huis clos.

En prononçant, lors des Rentrées Solennelles, des discours, nous prolongeons la tradition multiséculaire des mercuriales, née, dans la Grand’Chambre, un mercredi, jour de Mercure. Pérennité du costume, du vocabulaire et des cérémonies, le Juge apparaît figé dans une attitude hiératique. L’ambiguïté constitue le second signe distinctif de son image. On attend du juge qu’il soit totalement libre. Mais il ne peut, sans risque d’arbitraire, s’affranchir de la loi, même s’il la trouve injuste ou dépassée. Il est indispensable que le Juge n’affiche ni ses convictions ni ses préférences et fasse abstraction d’elles quand il statue. Mais, il est peu de problèmes moraux, économiques et sociaux qui ne lui soient soumis et peu de péripéties de la vie publique auxquelles il ne soit mêlé. Comment empêcher, dès lors, que le parti qu’il est contraint de prendre, soit interprété ? On veut que le Juge soit un recours, au sens de secours. On fait appel à lui pour jeter la lumière sur une affaire ténébreuse. Mais il peut devenir aussi un recours, au sens de refuge. Sa saisine permet d’éluder les questions que l’actualité fait poser avec une insistance qui dérange : « la justice est saisie, laissons la suivre son cours… » Le temps qui passe prend deux visages quand il s’agit d’être jugé : celui d’un ennemi ou celui d’un allié. C’est un visage ami que suggèrent l’erreur évitée par la réflexion, l’apaisement des passions et des emportements, le respect de la contradiction et des droits de la défense. Le temps est un gage d’accalmie et de Justice. C’est un visage hostile que révèlent les piles de dossiers qui s’entassent, leur traitement expéditif, comme l’abus d’un juridisme dilatoire. Le temps adultère l’instance, abâtardit les responsabilités, minimise les réparations, affaiblit la sanction. Dans le domaine pénal, l’amphibologie est reine. Tantôt le juge est stigmatisé pour son laxisme : il ferait montre d’une large tolérance à l’égard des délinquants et d’une compassion étriquée pour les victimes. Tantôt sont dénoncées son âpre sévérité, qui frapperait les égarés de la vie comme d’incorrigibles malfaiteurs, et sa trop grande sollicitude pour les parties civiles, qu’il n’aurait pas vocation à aider à faire leur deuil. Si l’image du Juge est fortement empreinte d’ambiguïté, c’est que, depuis des temps immémoriaux, elle nous rappelle l’ambivalence native de notre condition : les vertus sont frontières des vices, le mal est inhérent au bien, les méchants sont indissociables des bons, comme la nuit est inséparable du jour, l’inspiration de l’expiration. Pérennité et ambiguïté se conjuguent pour consolider une perception stéréotypée. Il faut se libérer des apparences. Nous avons le respect de nos traditions, car nous avons appris de nos anciens qu’un Magistrat ne transige pas avec sa conscience et qu’il doit rester fidèle au droit, juste et humain. Sans mémoire il n’y a pas de justice. Mais nous avons également le souci d’aller de l’avant, de nous défaire de ce qui est dépassé, d’innover, non seulement pour demeurer en phase avec notre époque, mais aussi pour anticiper les changements à venir. A cet égard, si la critique est parfois blessante, elle ne peut que stimuler notre vigilance et notre détermination à évoluer.

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5


Rentrée solennelle

Photo © Jean-René Tancrède

Parce qu’elle est recherche d’équilibre, la Justice doit contrebalancer la force de la constance par l’élan du progrès. Les costumes d’autrefois sont revêtus par des femmes, désormais majoritaires, et des hommes pleinement conscients des grands enjeux de notre temps. D’une moyenne d’âge de 47 ans, ils justifient souvent d’une expérience professionnelle antérieure, facteur d’enrichissement, les voies d’accès à la Magistrature s’étant diversifiées. Grâce à un enseignement initial rénové et à une formation continue dont le caractère désormais obligatoire a accru l’effectivité, ils sont mieux mis en mesure de répondre aux attentes de nos concitoyens. Pour sa part, en 2012, notre Cour a organisé plus de quarante manifestations, conférences, colloques ou séminaires, sur des thèmes allant du droit social à l’économie de l’environnement, en passant par la santé ou la réparation du préjudice. Loin d’adopter la position statique forgée par l’histoire, la magistrature s’ouvre volontiers sur l’extérieur. En utilisant et en interprétant des normes de nature multiple, le Juge participe éminemment aux mutations de la société. Vivant reflet de l’origine transnationale croissante des règles et des principes que nous appliquons, le dialogue des Juges est une réalité. Nous sommes particulièrement sensibles à ce que d’éminents représentants des deux cours régulatrices de notre continent, la Cour Européenne des Droits de l’Homme et la Cour de justice de l’Union, aient tenu à prendre part à cette audience. Ici, l’an dernier, outre l’assemblée générale du Réseau des Présidents des Cours Suprêmes judiciaires d’Europe, ont été accueillies soixante dix délégations étrangères. L’écho du vaste monde résonne en nos prétoires. Aussi, est-il devenu naturel pour le Juge de confronter ses pratiques avec celles de ses homologues étrangers, de mettre en place des partenariats et des échanges en vue d’une coopération plus efficace. La présence parmi nous des ambassadeurs de grandes nations amies, aux côtés du Président de l’Association des hautes juridictions de Cassation des pays ayant en partage l’usage du français et du Président de l’Association africaine des hautes juridictions francophones, nous honore grandement. Elle témoigne de l’intensité des liens qui nous unissent à nos pairs par delà les frontières.

Mais les Juges, quelles que soient leur implication, leur science juridique et leur droiture, ne peuvent garantir une vraie justice en comptant sur leurs seules forces et sur leur seul savoir. Rien ne saurait substituer, dans le processus juridictionnel, le débat contradictoire, remplacer l’intervention de l’Avocat. La Cour se félicite de l’excellence que l’Ordre des Avocats aux Conseils apporte à ses travaux et du précieux concours qu’il prête à son rayonnement. L’œuvre de Justice est collective. Le dévouement et la compétence des personnels des greffes, sans qui rien ne serait possible, méritent d’être soulignés. L’utilisation généralisée, dans notre Cour, des technologies de l’information et de la communication doit beaucoup à leur dynamique engagement et au climat serein qui, sous l’autorité souriante de Madame le Directeur de greffe, règne dans leurs équipes. Grâce aux dispositions d’un décret du 28 décembre dernier, la signature électronique de nos décisions va, bientôt, parachever la dématérialisation complète de nos procédures civiles. Nous espérons, Madame la Garde des Sceaux, que l’arrêté que vous allez prendre, consacrera les modalités issues de nos expérimentations. Le passage à l’ère du numérique contribue en outre à faciliter un fonctionnement moins opaque. Ainsi, les parties au pourvoi en Cassation, qui le souhaitent, disposent d’un accès direct en ligne aux informations les concernant. Tout un chacun peut consulter l’ensemble de nos arrêts sur le site Légifrance. L’amélioration de l’accueil et de l’orientation des usagers est devenue une priorité. Ils doivent être mieux informés de leurs droits pour pouvoir plus utilement les faire valoir. La nouvelle architecture des Palais de Justice traduit, à sa manière, cette volonté de transparence et d’accessibilité. Les garanties d’un procès équitable, notamment en matière pénale, ont été renforcées. Le nombre des affaires traitées a grossi. Pour autant, les délais de jugement se sont réduits. En moyenne, devant notre Cour, un pourvoi est jugé, en matière pénale, en cinq mois, et, en matière civile, en un an, dont il faudrait décompter le semestre qu’au total, le code de procédure laisse aux parties pour déposer leurs mémoires. Cette performance nous place en tête en Europe. Qu’on ne se méprenne pas. Je ne dis pas que tout va pour le mieux au sein de la Justice française. Bien des améliorations sont possibles et nécessaires. Mais nous n’avons pas à rougir de nos résultats confrontés avec ceux obtenus, à l’aide de moyens souvent supérieurs, dans d’autres pays comparables au nôtre. Mesurons les efforts accomplis. Restituons à notre justice son vrai visage. Montrons la telle qu’elle est : ni distante ni désincarnée, active, s’attachant, en dépit des incompréhensions et des difficultés, à relier le passé au présent dans la perspective de l’avenir. Si son image est tributaire des habitudes et des a priori, elle dépend d’abord de la sensibilité de l’œil qui la voit. Puisse donc 2013 être l’année d’un regard plus lucide porté sur elle. A ce souhait fervent, il m’est agréable d’ajouter les meilleurs vœux que la Cour présente à chacun d’entre vous.

Agenda

ORDRE DES AVOCATS DE PARIS

Réunion du comité statégique de politique européenne et internationale le 30 janvier 2013 Auditorium Louis-Edmond Pettiti Maison du Barreau 2, rue de Harlay - 75001 PARIS Renseignements : international@avocatparis.org 2013-044

CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

«Quelle évolution des Droits de l'homme au Maroc ?» Rencontres Internationales Conférence le 7 Février 2013 22 rue de Londres 75009 PARIS Renseignements : 01 53 30 85 60 colloque.international@cnb.avocat.fr

2013-045

UNIVERSITÉ DE NANTES

«Une évaluation de l’administration de la justice pénale. Le nouveau traitement des délits» Colloque le 7 Février 2013 Chemin de la Censive du Tertre 44000 NANTES Renseignements : 02 40 14 16 04 nathalie.bellocq@univ-nantes.fr

2013-046

BARREAU DE MARSEILLE

« Marseille Provence 2013 : les Avocats au Service de la Culture » 12 février 2013 Maison de l’Avocat 51, rue Grignan - 13006 MARSEILLE Renseignements : 04 91 15 31 13 culture2013@barreau-marseille.avocat.fr 2013-047

CENTRE DE RECHERCHE JURIDIQUE POTHIER DE L'UNIVERSITÉ D'ORLÉANS

« La perte de chance » Colloque le 12 Février 2013 UFR Droit, Economie, Gestion Amphi Revigny rue de Blois Campus d’ORLÉANS LA SOURCE Renseignements : Laurence Sallé 02 38 41 71 52 laurence.salle@univ-orleans.fr crjpothier.deg@univ-orleans.fr

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5

2013-048

5


Rentrée solennelle

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Jean-Claude Marin et François Hollande

Le Ministère Public à la française : Déesse judiciaire ? par Jean-Claude Marin aul Valéry avançait l’idée que, je cite, « L’humanité souffre de deux grands maux : la tradition et le progrès ». Et si la justice offrait la preuve paradoxale que, de ces contraires, peut naître une alchimie cohérente ? Les cérémonies judiciaires qui marquent l’avènement d’une nouvelle année d’activité des juridictions sont souvent l’occasion de grands élans rhétoriques convenus puisant tantôt au registre de l’exaltation, tantôt à celui de la complainte. Par ses missions, notre justice mérite l’exaltation, au sens pascalien de ce terme : gardienne de la paix civile, rempart contre les injustices nées du déséquilibre des situations et des cultures, ultime recours là où d’autres institutions ont échoué, elle est cet arbitre où vient se réfugier la quête du droit. Il n’est sans doute pas opportun, aujourd’hui, d’emprunter au registre de la complainte mais il convient néanmoins que puisse s’exprimer l’inquiétude. Les difficultés financières majeures du moment imposent évidemment des efforts importants en matière budgétaire, propres à rétablir les équilibres essentiels, et les Magistrats et fonctionnaires de justice en sont conscients. Mais se pose de façon non moins prégnante la question de la capacité de l’institution à laisser encore longtemps entendre qu’elle peut continuer à assumer convenablement l’ensemble des compétences toujours plus nombreuses qui lui sont assignées. « La justice n’est pas une administration comme les autres, confrontée aux défis de la modernité, elle a pour fin ultime la Justice, c’est-à-dire une valeur » nous enseigne le professeur Loïc Cadiet. Je pourrais donc céder aux lois du genre et alterner, dans ce même discours, l’un et l’autre

P

6

de ces deux registres, hélas habituels, selon un ordre binaire chers à nos professeurs des facultés de droit. Mais la présence du Président de la République, votre présence Monsieur le Président, qui témoigne ainsi, alors que votre mandat n’a que quelques mois, de votre attachement à l’institution judiciaire et à votre rôle constitutionnel de garant de son indépendance, interdit, sans doute, de redire ce qui l’a été de très nombreuses fois et que vous connaissez déjà bien sûr. Premier Magistrat de la République, ancien Magistrat de la Cour des Comptes, ancien Avocat au Barreau de Paris, les choses de Justice sont loin de vous être étrangères. Permettez cependant que je vous dise quelques mots des femmes et des hommes qui, à mes côtés, œuvrent au sein du Parquet général de la Cour de Cassation. Si l’appellation de Parquet général a valu bien des vicissitudes à cette institution mal connue, les membres de notre Parquet général, parquet, faut-il le rappeler, totalement étranger à la hiérarchie du Ministère Public et jouissant d’une totale et réelle indépendance, n’ont pour boussole que la loi dans son application à une société vivante, apportant aux membres du siège de notre Cour, le regard croisé d’un autre Magistrat impartial, regard nourri de sa conscience du droit, de son interrogation sur la pertinence et l’actualité de son application concrète et des échos sur les attentes légitimes de la société civile, que lui fournissent ses consultations des acteurs essentiels des débats soumis à la Cour. Nulle activité de représentation d’un quelconque intérêt autre que celui, supérieur, de la Justice, nulle soumission à un autre pouvoir que celui de l’application claire et intelligible de la norme, ils sont, ces premiers Avocats généraux, Avocats généraux et Avocats généraux référendaires, l’exemple vivant d’une Justice indépendante, riche d’expériences souvent uniques acquises au gré de carrières remarquables. En ce jour anniversaire de la naissance de Montesquieu, ils méritaient cet hommage public auquel je crois pouvoir associer votre

Chancellerie, Madame la Ministre, qui, en faisant appel à certains des membres de ce Parquet général pour participer à des missions de réflexion ou d’évaluation, a su reconnaître ces savoirs et ces talents. A la place qui est la sienne au sein du Ministère Public, il revient, par ailleurs, au Procureur général près cette Cour d’être un des Ambassadeurs des Magistrats du Parquet pour rappeler, ici, combien, membres à part entière de l’autorité judicaire, ils participent à l’œuvre de Justice. Je ne saurais donc, en votre présence, Monsieur le Président de la République, rester taisant sur la condition de notre Ministère public, que l’on dit désormais « à la française ». Composé de Magistrats à part entière tenus aux mêmes règles déontologiques et à la même éthique que leurs collègues du Siège dont ils partagent le serment, le Ministère Public français ne peut se réduire au concept vague de partie poursuivante où certains aimeraient tant le voir enfermé. Investi du pouvoir de décider de l’opportunité même des poursuites, premier outil d’élaboration d’une réaction sociale adaptée à la personnalité de l’auteur et proportionnelle à la gravité des faits, régulateur essentiel de l’activité judiciaire par le choix des modes de cette réponse sociale, garant des équilibres si délicats entre nécessités de l’ordre public et libertés individuelles, mais aussi défenseur de l’ordre public dans les affaires civiles, sociales ou commerciales, il ne peut être, compte tenu de ces missions essentielles, cantonné dans le rôle, certes noble, d’avocat de la poursuite. Directeur des investigations dans le cadre de la majorité des enquêtes pénales, ambassadeur de l’autorité judiciaire dans la Cité, les Magistrats du Ministère public doivent faire preuve d’une impartialité et d’une neutralité absolues dans ce rôle digne d’une déesse judiciaire dont chacun des bras serait porteur d’une mission singulière, qui toutes n’ont pour finalité que l’intérêt général, le respect des principes fondamentaux de notre démocratie et le bien de la Justice. C’est pour cela que les membres de notre Parquet « à la française » ne peuvent être que

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5


Rentrée solennelle des Magistrats et il serait temps de mettre fin à cette vieille antienne, aussi simplificatrice qu’indigne d’un Etat de Droit, qui est d’imaginer qu’il y a, dans ce pays, une partie de la Magistrature dont le rôle et le statut sont bien peu compatibles avec cet état. Dans sa perception du Ministère Public, notre société, dans nombre de ses composantes, ressemble à ces hommes enchaînés au fond de la caverne de Platon qui ne connaissent d’euxmêmes et de ce qui les entourent, que les ombres projetées sur les parois obscures par une source lumineuse à laquelle ils n’ont pas directement accès. Quand aurons-nous la chance de voir se répandre la lumière de la réalité socratique due à notre Ministère Public et s’éteindre le mythe de l’ombre prisonnière des idées reçues ? Sans doute, les interrogations qui ont entouré le processus de nomination des Magistrats du Ministère Public ont longtemps contribué à brouiller l’image de ce dernier. Des progrès notables ont, nous le savons, été accomplis notamment avec la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature, ce conseil qui vous assiste Monsieur le Président de la République, dans la garantie de l’indépendance de l’autorité judiciaire que vous confie l’article 64 de notre Constitution, comme je le rappelais à l’orée de ce propos. Depuis le 3 février 2011, date d’entrée en vigueur de la réforme issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et de la loi organique du 22 juillet 2010, c’est la nomination de l’ensemble des Magistrats du Ministère Public, quel qu’en soit le grade, qui est désormais soumise à l’avis du Conseil dans sa formation compétente à l’égard des Magistrats du Parquet. Certes ces avis ne sont pas, de jure, contraignants pour l’autorité de nomination mais Madame la Garde des Sceaux, comme certains de ses prédécesseurs, a solennellement affirmé qu’elle ne passerait pas outre les avis défavorables à ses propositions émis par le

Conseil, engagement annoncé comme devant figurer, à terme, dans la loi. A l’écoute du Conseil Supérieur de la Magistrature, Madame la Ministre de la Justice a permis une avancée significative dans la nécessaire transparence qui doit présider à la nomination des magistrats du Parquet, surtout aux niveaux des plus hautes responsabilités : désormais l’ensemble des propositions de nomination des membres du Ministère Public fait l’objet d’une publication comprenant outre la personne proposée par l’autorité de nomination, l’ensemble des candidats à ces fonctions. Cela est de nature à faire taire partiellement fantasmes et suspicions toujours vivants. Mais, des réformes à venir du Conseil Supérieur de la Magistrature sont annoncées. Parité ou imparité des membres, pouvoir de proposition pour l’ensemble des postes de responsabilité du Siège comme du Parquet, unicité ou pluralité des formations, capacité d’initiative de la formation plénière dans la formulation d’avis sur les réformes utiles et le fonctionnement de la Justice…, les champs de réflexion et de progrès ne manquent pas. Mais je voudrais dire, à cet instant précis, que quelles que soient les nécessités de modifier la composition ou les compétences du Conseil Supérieur de la Magistrature, les membres des formations actuelles de ce Conseil, et pour celle que je connais davantage, les membres de la formation du Conseil compétente pour les Magistrats du Parquet, assument leur mission avec un sens aigu de leurs responsabilités dans le respect d’une déontologie au-dessus de toute critique avec un sentiment commun d’appartenance, Magistrats et non Magistrats, à une institution essentielle à notre démocratie. Pour Georges Bernanos « L’avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l’avenir, on le fait » et c’est pourquoi les membres du Conseil sont disposés à participer activement aux réflexions engagées sur les réformes envisagées, des groupes de travail sur différents

axes de réformes ayant très vite été constitués à la fin de l’été 2012. Mais, s’il faut réformer, empruntons la devise de Pierre de Coubertin « Plus vite, plus haut, plus fort, plus loin ». Et puisqu’il est question d’avenir, hissons-nous au-delà des frontières de notre hexagone et envisageons un autre futur, celui qui porte le nom de Parquet Européen. En effet, nous sommes, aujourd’hui, à un point cardinal de la construction d’une Europe judiciaire apte à faire face aux grands défis de la criminalité de nos temps qui a tant su, et depuis longtemps, profiter des libertés qu’offre notre Europe recomposée. Le constat est ancien : les Etats de l’Union Européenne ont, dans un premier temps, celui du troisième pilier, vu, en matière judiciaire, l’espace nouveau comme celui de la coopération dont l’efficacité et l’opérationnalité se sont renforcées au fil du temps tout en continuant à s’ancrer dans une logique régalienne caractérisée par le morcellement et une vision classique d’un droit pénal et d’une procédure pénale relevant de la souveraineté de chacun. Certes, les instruments d’harmonisation porteurs de confiance mutuelle, se sont multipliés de Maastricht à Lisbonne en passant par Amsterdam sans oublier le Conseil Européen de Tempéré. Bien sûr, la création d’Eurojust, incomparable outil de coopération et de coordination entre les 27 Etats de l’Union, a, en s’imposant comme maillon essentiel de la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontières, projeté nos différents systèmes judiciaires dans la réalité européenne. Mais, pour essentielles que soient ces constructions nouvelles, il semblait à beaucoup que, pour lutter contre une délinquance qui a aboli les découpages sophistiqués de notre géographie ancienne, pour utiliser au mieux les instruments de lutte de plus en plus complexes,

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Christiane Taubira, Vincent Lamanda et Jean-Claude Marin

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5

7


Rentrée solennelle notamment en matière de violation des intérêts financiers de l’Union, où, il faut le dire, les succès sont confidentiels, et pour dépasser les limites du cadre contraint de la coopération, il fallait franchir un pas supplémentaire par la création d’une sorte de Ministère Public européen. Très tôt, des contributions dont se sont partiellement inspirés les traités que j’ai cités, ont abordé la nécessité de ce Parquet Européen et, l’idée de l’instauration d’une telle institution a progressé grâce à l’apport essentiel de divers travaux menés, à partir de 1997, tels ceux sur le « Corpus Juris » conduits par le groupe d’experts dirigé par Madame le professeur Mireille Delmas-Marty, tel, en 2001, le livre vert élaboré par la Commission européenne, tel le colloque organisé ici-même en 2008 sur ce thème, telle la création d’un réseau européen des Procureurs Généraux de Cours suprêmes et encore, plus récemment, les rapports établis par le Conseil d’Etat sur le Parquet Européen en 2011 et celui, en 2012, de Madame le Sénateur Sophie Joissains au nom de la Commission des affaires européennes du Sénat intitulé « Vers un Parquet Européen ». Car c’est bien désormais d’une direction et non plus d’une hypothèse dont il s’agit. Nous le savons, une étape considérable a été franchie avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009. Les dispositions de l’article 86 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (T.F.U.E.) prévoient en effet, je cite : « Pour combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à une procédure législative spéciale, peut instituer un Parquet Européen à partir d’Eurojust. Le Conseil statue à l’unanimité, après approbation du Parlement Eeropéen ». Ce texte dispose encore qu’à défaut d’unanimité, neuf Etats au moins, pourront dans le cadre d’une coopération renforcée, décider d’établir un tel Parquet lequel sera compétent « pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement » les auteurs des infractions relevant de sa compétence, celle-ci étant limitée, dans un premier temps, à la violation délictuelle des intérêts financiers de l’Union et pouvant être

étendue ultérieurement à la lutte contre la criminalité organisée transfrontière. Ces dispositions font basculer, en avons-nous pleinement conscience, notre espace judiciaire européen d’un monde des relations de coopération entre autorités judiciaires, à celui de la conduite d’une action publique européenne par un organe unique qui devra, bien sur, s’appuyer, pour relayer son action, sur chacun des Ministères Publics Nationaux. Une remarque s’impose d’emblée, les compétences que le Traité confie au Parquet Européen, soit, je le rappelle, rechercher, poursuivre et déférer au juge, sont celles d’un Ministère Public continental plutôt que celles confiées traditionnellement à la partie poursuivante dans le modèle anglo-saxon. C’est donc dès la phase essentielle de la décision initiale de procéder à des investigations et, celle, subséquente, de la direction de ces dernières, que ce parquet européen sera appelé, en amont, à intervenir, « à la française » oserais-je dire. Dès lors que ces missions essentielles lui sont confiées, cette structure nouvelle doit s’affirmer d’essence judiciaire et le statut de ses membres doit clairement faire apparaître une totale indépendance à l’égard de l’exécutif européen ainsi qu’à l’égard de celui des Etats membres, aussi bien au niveau statutaire qu’au plan budgétaire et financier. Une telle exigence d’indépendance, communément admise comme une évidence pour le Parquet Européen, ne devrait-elle pas rejaillir sur le statut des Ministères Publics Nationaux, et par exemple sur celui du Parquet français, appelés, pour certains, à être éventuellement, au niveau de chaque Etat, des délégués ou des substituts, au sens statutaire de ce terme, du Parquet Européen ? Les dispositions du traité évoquent un Parquet Européen et non un Procureur Européen. Ce n’est sans doute pas une approximation mais ce choix éclaire sans doute ce que seront, peutêtre, les premiers pas de ce Parquet Européen. Si, comme nous l’avons déjà dit, la souveraineté des Etats en matière répressive cède peu à peu devant les compétences nouvelles des institutions de l’Union européenne et les arrêts

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Gilbert Azibert, Laurent Le Mesle et Cécile Petit

8

fédérateurs de la Cour de justice de l’Union et de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, sans doute le choix d’un Parquet composé d’un collège des représentants des Etats participant à la mise en œuvre des dispositions de l’article 86 du traité s’imposera, dans un premier temps, pour tester et organiser une institution dont la création pourrait effrayer certains. Mais il apparaîtra très vite la nécessité d’avoir une incarnation de ce Parquet et, quel que soit le choix du mode de désignation de la personnalité destinée à remplir ce rôle, au terme d’un processus de nomination ou par élection au sein du collège par exemple, elle ne sera pas le président de ce collège mais sera identifiée comme « le » Procureur Européen. L’image d’un Procureur Européen semble d’ailleurs conforme au concept d’un Parquet qui, organe d’investigations et de poursuites, devra s’organiser autour d’une hiérarchie et d’une indivisibilité. Il est intéressant de constater que les juridictions internationales ont, de leur côté, adopté le concept de Procureur plutôt que celui de Parquet. Mais, quoi qu’il en soit, et de manière évidente, l’existence de représentants du Parquet Européen au sein des Ministères Publics Nationaux, et intégrés à ces derniers, devra s’imposer comme garant d’une meilleure efficacité par la prise en compte des particularismes de chacun des systèmes en présence. Les sujets qui devront être réglés sont nombreux : harmonisation des infractions réprimant l’atteinte aux intérêts financiers de l’Union, socle processuel minimal sur les garanties et les droits fondamentaux ainsi que sur la délicate question de l’admissibilité des modes de preuves, nature des recours juridictionnels susceptibles d’être formés contre les décisions du Parquet Européen, notamment en matière de décisions de renvoi en jugement, élaboration de critères objectifs de choix de la juridiction de jugement nationale compétente, sort des infractions connexes au socle de compétence etc… Enfin, l’existence d’un Parquet Européen, quels que soient ses liens organiques avec Eurojust, n’atteint en rien les missions désormais traditionnelles de cette agence européenne dans le domaine de la coopération et de la coordination d’une part avec les Etats qui ne souhaiteront pas participer à la création de ce Parquet et, d’autre part, évidemment, pour maintenir l’efficacité de la lutte contre tous les phénomènes criminels étrangers à la compétence de ce dernier. Nous le voyons, le monde des juges et des Procureurs cernés par leurs frontières nationales s’éteint et naît enfin, sous nos yeux, le monde d’une Justice à l’échelle de l’Europe. En guise de conclusion, j’aimerais, qu’en matière de Justice, nous fassions nôtre cette exhortation de Victor Hugo : « Allez tous à la découverte. Où sont les terres promises ? La civilisation veut marcher ; essayons les théories, les systèmes, les améliorations, les inventions, les progrès jusqu’à ce que chaussure à ce pied soit trouvée. L’essai ne coûte rien ; ou coûte peu….. Mais avant tout, et surtout, prodiguons la lumière. Tout assainissement commence par une large ouverture des fenêtres. Ouvrons les intelligences toutes grandes. Aérons les âmes. »(1) Note : 1 - In « William Shakespeare »

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5


François Hollande

Le visage du droit par François Hollande

J

e vous remercie, Monsieur le Premier Président, Monsieur le Procureur général, pour les paroles que vous venez de prononcer. Je suis sensible à la confiance et à l’exigence qu’elles expriment. Et je veux y répondre. D’abord, en saluant les représentants de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et de la, Cour de justice de l’Union, les Présidents de l’association des hautes juridictions de Cassation et celui du réseau des Cours Suprêmes africaines. Leur présence nous rappelle que la justice doit se concevoir aussi au-delà des frontières de chacun de nos Etats. Dans la période très particulière que nous traversons, alors que nos soldats luttent, au Mali, pour la liberté d’un peuple ami et pour la défense de valeurs universelles, l’idée même de Justice internationale prend tout son sens. Notre pays, avec d’autres, en a porté le projet, il contribue à son financement et il en défend inlassablement le principe. Je me réjouis de la coopération exemplaire de la France avec la Cour pénale internationale. Nous continuerons à la soutenir en dépit des critiques de ceux qui trouvent qu’elle va trop loin et de ceux qui considèrent qu’elle ne va pas assez vite. Elle est l’arme du droit contre les dictateurs. A travers vous, c’est à l’ensemble de la Magistrature française que je veux m’adresser aujourd’hui. L’institution judiciaire doit être défendue dans son autorité et dans sa légitimité.

résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers ». Il n’y a pas de Justice sans indépendance des Juges. C’est ma responsabilité d’y veiller. La Constitution m’en confère la charge. J’entends l’assumer pleinement. Je suis assisté dans cette tâche par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Il a déjà fait l’objet de plusieurs réformes. La dernière en date visait à « raffermir l’autorité judiciaire ». Il est nécessaire aujourd’hui d’aller vers plus d’indépendance encore. Des consultations sont en cours à cette fin. La Garde des Sceaux a reçu les membres du Conseil, les organisations syndicales de Magistrats, les Présidents des Assemblées Parlementaires. Le temps de la décision est venu. Je vous annonce donc que la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature figurera dans le projet de loi constitutionnelle qui sera présenté ce printemps, pour être examiné avant l’été par le Parlement réuni en Congrès.

Elle permettra trois évolutions majeures. La première concernera sa composition, le Conseil Supérieur de la Magistrature comprendra davantage de Magistrats que de personnalités extérieures à la Magistrature, conformément aux règles en usage dans les autres démocraties européennes. La seconde porte sur le mode de nomination de ses membres. Les personnalités extérieures seront proposées par un Collège indépendant et non plus par le pouvoir politique. Et les Commissions des Lois de l’Assemblée Nationale et du Sénat devront approuver leur désignation aux trois cinquièmes. Cette étape permettra de lever le soupçon sur l’intervention de l’Exécutif dans le déroulement des carrières des Magistrats. Enfin, les compétences du Conseil Supérieur de la Magistrature seront étendues. Son avis conforme sera requis pour toutes les nominations des Magistrats du Parquet. En toute transparence. Cette transparence, la Garde des Sceaux l’a faite dès le mois de juillet pour toutes les nominations aux fonctions d’inspecteur général des services judiciaires, de Magistrat du Parquet général de la Cour de Cassation, de Procureur général près une Cour d’Appel. Les Français peuvent ainsi avoir l’assurance que les Magistrats ne sont pas nommés par la faveur. La loi confirmera, dans les mois qui viennent, cette volonté. Entendons-nous bien. Une Justice indépendante, ce n’est pas une Justice sans lien avec l’Etat. La politique pénale est définie par le Gouvernement. Elle continuera de l’être. Des instructions générales seront adressées aux Parquets généraux pour leur exécution. Le Ministère Public « à la française », selon l’expression que vous avez employée, Monsieur le Procureur général, est un gage d’efficacité. C’est, pour la Justice, un élément d’unité, une exigence de rigueur, et une garantie d’impartialité. Devant la loi, les citoyens doivent savoir qu’ils sont égaux, et qu’aucune distinction, aucune hiérarchie ne peut être établie entre eux. Pour que chacun en soit bien sûr, ni la Garde des Sceaux pas plus qu’aucun membre du Gouvernement ne donnera d’instructions individuelles au Parquet. La circulaire du 19 septembre, qui a été approuvée en Conseil des Ministres, a réaffirmé ce principe.

Cette légitimité est, dans notre pays, garantie par la séparation des pouvoirs : « Tout serait perdu, écrivait Montesquieu, si le même homme, ou le même corps, exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Rentrée solennelle

9


Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Rentrée solennelle

Cette pratique sera inscrite dans la loi avant l’été. Mais l’indépendance de la Justice n’est pas seulement un devoir du pouvoir exécutif. Elle est une obligation pour le juge. Je sais qu’elle est en chacun de vous. Elle repose sur une culture. Un sens élevé de la fonction exercée. Certes, les Magistrats doivent pouvoir disposer des libertés dont ils sont les garants, notamment celle de s’exprimer et de faire connaître leurs opinions. Mais dans les limites fixées par la loi. L’indépendance, c’est aussi une affaire de moyens. Le budget de la justice pour 2013 est en hausse de plus de 4 %. Dans un contexte où des efforts sont demandés à toutes les administrations, c’est le signe le plus évident que la Justice constitue une priorité. Ce budget rehaussé est au service de trois objectifs principaux : d’abord la Justice des mineurs. Une loi sera soumise au Parlement au cours de l’année 2013. Elle clarifiera et simplifiera l’ordonnance de 1945. Elle réaffirma la nécessaire spécialisation de la Justice des mineurs, consolidera le rôle du Juge des enfants et supprimera le Tribunal correctionnel pour mineurs. Cette réforme n’a de sens que si elle s’accompagne d’une modernisation de la procédure permettant au tribunal pour enfants, de se prononcer rapidement sur la culpabilité du mineur qui lui est présenté - avec, le cas échéant, un droit immédiat à la réparation pour les victimes.

10

Ainsi seront conciliés les intérêts de la société, de la victime et du mineur. Le nombre des centres éducatifs fermés sera doublé, mais je tiens à assurer la diversité des solutions offertes aux Juges des enfants : familles d’accueil, foyers éducatifs, centres éducatifs renforcés - tout doit être fait pour permettre une réponse individualisée et efficace à chaque situation. Le deuxième des grands enjeux auxquels seront affectés les nouveaux moyens dégagés pour la justice, c’est l’exécution des peines. Certains automatismes ajoutés à une intensification de la délinquance ont conduit à l’engorgement des prisons. Qui s’ajoute souvent à leur délabrement. La situation du centre pénitentiaire des Baumettes et de la prison de Nouméa constitue une honte pour la République. Je demande que le programme de modernisation et d’humanisation des prisons engagé par la Garde des Sceaux soit poursuivi, et qu’il soit, même, accéléré. Nous devons rétablir la dignité, la sécurité, la salubrité, dans tous nos établissements. Pour réduire cette surpopulation, sans mettre en cause la sécurité de nos concitoyens, un effort doit être engagé dans l’aménagement des peines. Une « conférence de consensus » a été réunie sur ce sujet par la Garde des Sceaux. Je respecterai ses conclusions mais je souhaite d’ores et déjà que soit mise en place une peine de probation et que soit organisé un véritable suivi des condamnés.

De même, je veux rendre aux Juges leur rôle véritable, celui d’apprécier une situation toujours singulière. Si cet acte devenait mécanique, il cesserait d’être juste. C’est le sens de la réforme des « peines planchers » qui sera engagée dans les prochains mois. Enfin, la dernière priorité, c’est : la justice de proximité. La justice de tous les jours, celle qui est familière à nos compatriotes, et qui est pour eux le visage même du droit. J’y attache une grande importance et je prendrai un seul exemple : les juridictions sociales. Quelque 250 000 personnes font appel à elles chaque année. Cette justice de l’aide sociale, du handicap, des pensions, des allocations familiales, doit être plus simple, plus accessible. L’ensemble de ces contentieux sera donc regroupé en une seule juridiction. Notre organisation judiciaire, qui aurait dû être préalable à la réforme de la carte judiciaire doit elle-même être plus attentive aux situations de nos concitoyens qui ont besoin du Juge pour régler une difficulté familiale, le paiement d’un loyer ou le placement d’un parent âgé sous un régime de protection. Une juridiction de première instance sera donc instituée. Elle regroupera tous les contentieux du quotidien : litiges liés à la consommation, au crédit, au logement, à la dépendance mais aussi et surtout à la famille - je pense en particulier aux procédures de divorce ou de séparation. Le mode de saisine de cette juridiction sera facilitée. L’accueil sera mutualisé. Les procédures

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5


Rentrée solennelle François Hollande, Vincent Lamanda et Jean-Claude Marin Signature du livre d’or

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

de conciliation et de médiation seront encouragées : je sais qu’un grand nombre de Magistrats et d’Avocats sont favorables à ce mode de résolution des conflits. Tous les Français, où qu’ils habitent, devront pouvoir accéder équitablement à la justice. Aussi les Chambres détachées de ces Tribunaux de première instance pourront-elles être appelées dans des lieux où la présence du service public de la Justice doit se manifester davantage. D’autres structures devront être renforcées, notamment les maisons de la Justice et du Droit et les centres départementaux d’accès au droit. Ce n’est pas simplement une question qui intéresse les Magistrats. Les Avocats, les Notaires, les Huissiers sont attachés au développement de la Justice de proximité. Ils seront étroitement associés à sa mise en oeuvre. J’entends poursuivre la modernisation de l’institution judiciaire à travers deux programmes : le premier pour l’informatique, le second pour l’immobilier. Je sais en particulier les difficultés que le Tribunal de Grande Instance de Paris connaît en raison de ses installations devenues inadaptées. Je vous confirme que les travaux de construction du nouveau Tribunal de Grande Instance commenceront en 2013, et que les locaux, aux Batignolles, ouvriront en 2017. Je veux conclure pour mieux exprimer la volonté qui m’anime de rétablir, la confiance de nos concitoyens à l’égard de nos institutions judiciaires. Elle exige que les pouvoirs ne soient pas dressés les uns contre les autres : l’exécutif, le législatif, le judiciaire. Je sais combien cette défiance a été douloureusement vécue par les Magistrats, qui ont ressenti comme autant de blessures l’accumulation des soupçons et l’enchaînement des mises en cause à l’occasion de certains faits divers dramatiques.

Là encore, je travaillerai à l’apaisement en me fondant sur une idée simple : le Gouvernement, le législateur et le Juge participent, chacun à la place qui est la sienne, à l’expression de la volonté populaire. Le Juge n’a pas d’autre devoir que d’appliquer la Loi votée par les représentants de la Nation mais en interprétant les textes, il est un gardien de la Loi. Mais nous devons relever un autre défi. Nos concitoyens ont parfois le sentiment que le temps de la Justice n’est pas celui des hommes. Le pouvoir de Juger, de dire le droit, de décider

Recevez deux fois par semaine

LES ANNONCES DE LA SEINE

de la liberté d’une personne, le plus grand de tous. Pour être accepté, il doit être exercé avec célérité. C’est d’abord, là encore, affaire d’effectifs et de moyens. Je sais que la Garde des Sceaux y accorde toute l’attention nécessaire. La cohésion de notre pays est notre bien le plus précieux. La Justice, par son indépendance comme par le respect qu’elle inspire chez nos concitoyens, est un de ses fondements. C’est pourquoi j’exprime à l’institution judiciaire ma confiance et ma gratitude à l’égard des magistrats. 2013-043

Oui, je désire m’abonner et recevoir le journal à l’adresse suivante :

Me, M. Mme, Mlle :............................................................. Société : ................................................................................ Rue : .....................................................................................

3 formules 95 Euros : Abonnement (bi-hebdomadaire) avec suppléments juridiques et judiciaires (hebdomadaire) et suppléments culturels (mensuel) 35 Euros : Abonnement (bi-hebdomadaire) avec suppléments culturels (mensuel) 15 Euros : Abonnement (bi-hebdomadaire)

Abonnez-vous par téléphone (*) en composant le 01.42.60.36.35. (*) Règlement à la réception de la facture

Code postal :............................ Ville : ................................ Téléphone : ............................. Télécopie : ........................ E-mail : ................................................................................. o Formule à 95 Euros o Formule à 35 Euros o Formule à 15 Euros

o Chèque ci-joint o Mémoire administratif

Ci-joint mon règlement à l’ordre de LES ANNONCES DE LA SEINE 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS Internet : http//:www.annonces-de-la-seine.com E-mail : as@annonces-de-la-seine.com

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5

11


Vie du chiffre

Ordre des Experts-Comptables Une profession réunie autour de sa marque en 2013

n ce début d’année 2013, je souhaite vous adresser, ainsi qu’à vos familles, vos proches, associés et collaborateurs, mes vœux chaleureux de bonheur, de santé et de réussite. Ce moment est aussi l’occasion de prendre un peu de recul sur l’évolution de notre profession et de faire le bilan des actions sur lesquelles je m’étais personnellement engagée début avril 2011, au nom de l’ensemble de l’équipe élue, lors de ma prise de fonction à la présidence du Conseil Supérieur de l’Ordre des ExpertsComptables.

E

Expert-Comptable : une marque reconnue et visible à travers de nouvelles missions et de nouveaux partenariats Ces deux années passées à la Présidence de l’Institution m’ont permis de mesurer à quel point notre profession dans toute sa diversité pouvait se rassembler autour de sa marque. Une marque se définit à travers ses fondamentaux, ses territoires et sa protection. Elle est à la fois un marqueur de confiance et de préférence. La confiance, c’est celle que nous prodiguent chaque jour deux millions de clients. Cette confiance repose à la fois sur le sérieux et l’efficacité de notre travail, mais aussi sur une compétence avérée et protégée de façon structurante. - Ainsi, nos fondamentaux sont affirmés, qu’il s’agisse de notre Code de déontologie, de notre référentiel normatif, véritable manuel de procédure applicable depuis le 1er janvier 2012, de notre système de formation. Autant d’atouts essentiels renforcés par un contrôle qualité obligatoire, garantissant aux chefs d’entreprise la sécurité attendue. Les champs d’action de notre marque constituent nos territoires : le droit comptable, fiscal, social, la gestion et l’organisation. Quant aux territoires à investir, ils sont autant de relais de croissance pour nos cabinets et nos clients. - Au cours des deux dernières années, plusieurs nouveaux territoires ont été privilégiés à travers de nombreux partenariats : - le financement : avec des solutions « bas de bilan » en faveur des TPE et des solutions de fléchage des PME et des ETI vers les fonds d’investissement pour financer leurs projets de développement en partenariat avec les réseaux bancaires, les représentants des entreprises (CGPME…), mais aussi les réseaux

12

d’accompagnement (réseaux consulaires, ADIE, réseau Entreprendre…) ; - l’intelligence économique : avec la mise en œuvre d’indicateurs pour identifier les entreprises à potentiel et de méthodes de valorisation des actifs immatériels révélateurs de la valeur réelle de l’entreprise en partenariat avec la DGCIS ; - l’export : à travers une communication efficace pour simplifier l’accès aux dispositifs publics de soutien au développement des PME par l’exportation avec Ubifrance, Coface, Oséo et le Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF) ; - la prévention des difficultés des entreprises : avec deux dispositifs novateurs, l’assurance santé entreprise et les alertes professionnelles pour donner aux Experts-Comptables des moyens et davantage de garanties d’anticipation en partenariat avec les Avocats et les Tribunaux de commerce sur l’assurance santé entreprise. La mise en place de la signature électronique Signexpert est venue affirmer l’identité de l’Expert-Comptable tout en assurant la protection de la marque, notamment contre toute forme d’exercice illégal. Autant d’actions résolument au service de nos entrepreneurs et de l’économie pour démontrer la capacité de notre profession à investir de nouveaux territoires et développer de nouvelles missions.

La communication : un domaine où les ExpertsComptables savent affirmer leur image et renforcer l’attractivité de la profession Le savoir-faire est la clé de la force de notre profession. Savoir-faire historique mais aussi savoir-faire futur pour préparer l’avenir. Pourtant, ce savoir-faire ne suffit pas. Il perd beaucoup de sa force sans le faire-savoir. Le travail de conviction est essentiel pour nourrir notre marque auprès des leaders d’opinion, responsables politiques, économiques, sociaux, médiatiques... À ceux qui pensent que la communication n’est pas essentielle par rapport au travail concret au service de nos clients, je réponds qu’il ne faut pas opposer l’un à l’autre. Ils sont tous deux indissociables. Nous faisons tous ensemble un formidable travail de terrain : nous pouvons et nous devons en parler. À l’heure du boom des

Agnès Bricard réseaux sociaux, de Facebook à LinkedIn en passant par Twitter, à l’heure où Internet cannibalise voire marginalise la presse écrite, les Experts-Comptables doivent tenir compte de cette nouvelle donne en s’inscrivant dans cette dynamique en affichant leur présence sur les réseaux sociaux. L’un des enjeux d’avenir de la profession reste son attractivité : séduire les jeunes, garder les meilleurs, les faire évoluer... La mise en place au niveau national du coaching mémoire répond à cet objectif d’attractivité. La mise en relation des mémorialistes et des seniors de notre profession permet à la fois d’augmenter le nombre de diplômés Experts-Comptables et de créer de nouvelles passerelles entre les générations qui participent à la construction de l’histoire de notre profession. La première édition, début 2013, d’un ouvrage dédié à l’histoire de notre profession poursuit le même objectif. Cet ouvrage constitue une mémoire vivante de notre histoire nécessaire à la construction de notre avenir. Les records d’affluence aux Congrès de Marseille et de Paris honorent la communication de toute notre profession, ils sont la démonstration de toute son énergie, de tout le sens qu’elle veut donner à son unité. Au delà du succès du thème retenu, « L’Expert-Comptable entrepreneur, une marque, une offre ! », le Congrès de Paris a également été marqué par l’ouverture de la Cité des compétences, un espace dédié aux collaborateurs afin de renforcer les savoir-faire dans nos cabinets par la formation, tant initiale que continue, qui sera le thème du prochain congrès de Dijon en 2013. Nous devons rester audacieux et innovants en matière de communication comme nous l’avons été pour le développement de nos missions et de nos services.

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5

Photo © Jean-René Tancrède

La Présidente du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables Agnès Bricard, dont le mandat s’achèvera le 12 mars 2013, a adressé à l’ensemble de ses Confrères le 10 janvier 2013 une lettre retraçant ses principales actions et fixant un cap pour l’avenir, nous la publions ci-après. Jean-René Tancrède


Vie du chiffre Une profession ouverte, élargie et apaisée Plusieurs actions ont été conduites pour fédérer et élargir notre profession : - Les Associations de gestion et de comptabilité (AGC) font désormais partie intégrante de notre profession. Les difficultés liées au calcul et au recouvrement des contributions sont en voie d’être surmontées dans l’intérêt général et le contrôle de qualité se mettra progressivement en place en 2013. - La création de l’Union de la profession comptable et des organismes de gestion agréés (UNPCOGA) nous a permis d’apaiser le climat de tension et d’installer une relation de confiance durable avec les Associations et Centres de gestion agréés. - Les actions conduites au sein de l’Association des femmes diplômées d’expertise comptable administrateurs depuis novembre 2010 et la création de la Fédération Femmes Administrateurs en juillet 2012 démontrent la capacité d’anticipation de notre profession, à l’heure où le Gouvernement vient de publier le décret instituant le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes qui animera le débat public sur les grandes orientations de la politique en faveur de la parité, facteur de croissance des entreprises. - Le projet de création d’une liste spéciale des diplômés d’expertise comptable salariés en entreprise est toujours d’actualité. Des contacts ont été établis avec les pouvoirs publics et les organisations professionnelles, dont le Medef, pour définir les bases d’un accord. En intégrant les diplômés d’expertise comptable en entreprise au sein de l’Ordre, nous aurons les moyens d’élargir la visibilité de notre profession en faveur de la protection de l’intérêt général, au cœur de ce territoire essentiel qu’est celui de la sécurité financière. - La mise en place d’une interprofessionnalité « fonctionnelle » avec les Avocats sur des sujets essentiels (financement, intelligence économique, prévention des difficultés), nous permet aujourd’hui d’envisager l’avenir de nos relations avec la profession d’Avocat dans un climat serein et constructif. - À l’international, l’Ordre des ExpertsComptables participe à de nombreux travaux et réflexions à la fois dans le cadre de la normalisation comptable et de la coopération. Il conduit une action en ce sens à la fois au sein des instances nationales (l’ANC, l’Autorité de Normalisation Comptable et le CNOCP, le Conseil de Normalisation des Comptes Publics) et internationales (l’IFAC, la FEE). L’Ordre des Experts-Comptables contribue ainsi à l’effort de promotion de notre culture comptable et financière aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Au-delà de son soutien actif à l’Académie des Sciences et Techniques Comptables, notre Institution a des accords privilégiés avec les ministères financiers, finances et budget, notamment avec l’opérateur d’assistance technique ADETEF. L’ensemble de ces actions démontre toute la capacité de notre profession à se fédérer, à se mobiliser sur les grands sujets de société, comme l’interprofessionnalité et la parité, et à s’ouvrir aux autres professions.

Experts-Comptables / Commissaires aux comptes : des relations renforcées entre le CSOEC et la CNCC À l’é vidence, nous avions aussi le devoir d’amplifier nos relations constructives avec la Compagnie nationale afin que notre logique de marque se décline aussi bien en matière de commissariat aux comptes que d’expertise comptable. En effet, nous avons la chance d’avoir, pour l’essentiel du métier, un seul diplôme, celui d’expert-Comptable, une seule marque, celle du chiffre, et d’assurer au service de l’économie des missions multiples, qui vont de l’audit légal pour les commissaires aux comptes au conseil pour les Experts-Comptables en passant par l’assistance en fiscalité, social, gestion et organisation. C’est dans ce même esprit que nous avons créé de nouvelles passerelles pour mieux conjuguer notre présence et notre technique. C’était bien là l’objectif de notre représentation internationale commune, grâce à la DIPAC ; c’est désormais également un moyen d’amplification de nos connaissances techniques grâce à notre commission commune de doctrine comptable créée en 2012.

Une profession tournée vers les enjeux de l’économie : compétitivité, croissance et emploi. À la source de toutes nos missions, les comptes annuels constituent un tremplin formidable pour développer nos activités de conseil tout en accompagnant les entreprises sur le chemin de la croissance. « Tout commence avec les comptes annuels ». En effet, les indicateurs générés par les comptes annuels sont la véritable « matière première » qui nous a permis d’ouvrir des chantiers nouveaux sur les terrains de l’innovation et de la compétitivité. C’est ainsi que nous avons suivi la voie ouverte par René Ricol, alors commissaire général à l’Investissement, en mettant en place une panoplie d’outils de détection des entreprises à potentiel ainsi qu’un guide des dispositifs publics destinés à les renforcer. Dans ce cadre nous avons eu une collaboration étroite avec CDC Entreprises / FSI et OSEO, qui augure bien de notre collaboration avec le futur guichet unique des PME que sera la Banque Publique d’Investissements. Plus en amont, en proposant des autodiagnostics d’intelligence économique pour inciter les entreprises à investir dans une veille stratégique et concurrentielle, nous nous positionnons comme essentiels au renforcement de leur sécurité financière et à la préservation de leur patrimoine immatériel. Depuis plus de dix ans, le Conseil Supérieur avec le portail « jedeclare » travaille à un programme important de dématérialisation, enjeu de compétitivité, afin de simplifier et de généraliser les téléprocédures au bénéfice des

entreprises. Un pas supplémentaire, très prometteur, a été franchi en février 2012 avec la signature d’un accord visant à rapprocher les deux portails, le GIP MDS avec Net-entreprises, et Jedeclare, au service de la simplification souhaitée par les entreprises. Enfin, l’accompagnement par les ExpertsComptables de l’installation des entreprises étrangères en France a été facilité par l’accord conclu avec l’Association Française pour les Investissements Internationaux (AFII). L’objectif de cet ensemble d’initiatives est de permettre aux Experts-Comptables de s’investir pleinement dans le nécessaire redéploiement économique de nos petites entreprises nationales vers le statut de PME puis d’ETI. Croissance interne et croissance externe sont les deux leviers de ce redéploiement. S’agissant de la croissance interne, elle suppose l’accès à des financements adaptés pour lesquels notre compétence en évaluation d’entreprises est un atout majeur. Le guide pratique Mission d’évaluation récemment publié par l’Ordre, en facilite la maîtrise. S’agissant de la croissance externe, il faut savoir nous appuyer sur les compétences des autres acteurs de ce domaine - banques, établissements financiers, avocats, notaires - et plus particulièrement sur celles des professionnels libéraux spécialistes de la transmission d’entreprise. Après la convention de partenariat avec le CRA (Cédants et Repreneurs d’Affaires), l’Ordre travaille à un partenariat avec la CCIFTE, première association professionnelle nationale de conseillers en transmission d’entreprises. Lors de notre dernier Congrès, je me suis également engagée devant Pierre Moscovici, Ministre de l’Économie et des Finances, sur la mise en œuvre d’un accompagnement par les Experts-Comptables des nouveaux dispositifs institués en faveur de la compétitivité et de l’emploi : crédit d’impôt en faveur des dépenses d’innovation des PME, Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE), Contrat de génération. L’Ordre des Experts-Comptables doit rester étroitement associé aux actions mises en œuvre par les pouvoirs publics pour toujours être force de proposition dans les missions d’accompagnement que peut conduire notre profession. Pour conclure, je souhaite que l’année 2013, avec des perspectives économiques qui s’annoncent délicates, soit aussi l’année de la mobilisation de notre profession pour la prévention des difficultés des entreprises. Indiscutablement, nous avons plus que d’autres les connaissances, les repères et les méthodes pour analyser au plus juste les signes annonciateurs de ces difficultés. Nous devons donc être résolument à la hauteur des attentes de nos entrepreneurs sur ce point, mais aussi être vigilants à ce que le mot prévention rime avec redressement et retour à la stabilité, puis à la croissance. Nous en avons les moyens. Faisons en sorte tous ensemble que 2013 soit une année utile pour la profession d’expertcomptable !

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5

2013-049

13


Vie du droit

Cour Nationale du Droit d’Asile 60ème anniversaire - 1952-2012

Le soixantième anniversaire de la Cour Nationale du Droit d'Asile (ancienne Commission des recours des réfugiés) est l'occasion de témoigner de l'histoire peu connue d'une juridiction administrative consacrée toute entière au contentieux de l'asile. Considérée à l'origine comme une « petite commission » avec une faible charge de travail, la Cour est devenue au fil du temps, sous la pression d'une demande d'asile presque toujours croissante, la première juridiction administrative française par le nombre de recours. Son activité reste modeste jusqu'à la ratification en 1971 du protocole de New York qui étend la protection des réfugiés dans le temps et l'espace. Ce nouveau contexte contraint la Commission, à partir de 1980, à réclamer sans cesse de nouveaux effectifs pour faire face à l'afflux des recours. Le point culminant sera atteint en 1990-1991 avec 50 000 recours enregistrés auxquels la Commission fera face dans des conditions difficiles. L'e xpertise acquise par cette juridiction spécialisée a permis à ses formations de jugement et particulièrement à sa formation en sections réunies de développer une jurisprudence novatrice, le plus souvent validée par son juge de cassation, le Conseil d'État. La gestion administrative et financière de la Commission dépendait de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), c'est à dire de l'établissement public dont elle jugeait les décisions. Bien que cette anomalie ait été dénoncée avec vigueur, il faut attendre le 1er janvier 2009 pour que la Commission, devenue en 2008 la Cour Nationale du Droit d'Asile, obtienne son rattachement au Conseil d'État. Soixante ans, un bel âge pour une juridiction qui a su en permanence s'adapter afin d'améliorer la qualité juridique de ses décisions, de favoriser l'écoute des requérants et de statuer sur le sort des demandeurs d'asile dans un délai raisonnable. Martine Denis Linton

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Jean-Marc Sauvé

I. La Cour nationale du droit d’asile, qui s’inscrit dans l’histoire longue d’accueil de tous ceux cherchant un refuge, s’est, depuis sa naissance en 1952, constamment adaptée afin de remplir sa mission.

Le juge français de l’asile

A. Créée sous le nom de Commission des recours, elle a été, et demeure, l’héritière et la garante d’une tradition d’accueil et de préservation des droits de l’homme au travers du droit d’asile.

par Jean-Marc Sauvé (1) a Cour Nationale du Droit d’Asile fête donc ses soixante ans. Ce n’est pas le début du troisième âge, c’est l’âge de la maturité. Cet anniversaire est une bonne nouvelle au regard de la mission noble et éminente que cette Cour assume. C’est encore une bonne nouvelle, car notre monde reste en proie à toutes sortes de troubles, de convulsions ou de déchirements, constants et parfois imprévisibles, sur presque tous les continents.

L

14

L’existence d’un Juge Français de l’asile est dans ce contexte une garantie. C’est une bonne nouvelle, ensuite, parce que, l’an passé, le soixantième anniversaire de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés a été marqué du Sceau d’un certain désenchantement lié aux temps difficiles que nous traversons (2). C’est une bonne nouvelle, enfin, parce que le droit d’asile est au fondement même de notre pacte républicain. L’asile est le fruit d’une longue histoire qui n’a, somme toute qu’assez récemment, trouvé une traduction juridique : c’est de là que vient la Cour Nationale du Droit d’Asile ; c’est sur cette base qu’elle s’est construite (I). Juridiction assumant pleinement son office, dans le respect de toutes les garanties juridictionnelles, la Cour doit poursuivre dans cette voie, en dépit de tous les défis qui se présentent à elle (II).

1. L’asile a des origines lointaines, qui remontent au moins à l’antiquité. Certains lieux, plus généralement des temples, étaient alors considérés comme inviolables et ils offraient un refuge aux personnes poursuivies par leurs adversaires. Romulus, nous dit Tacite, est censé avoir ouvert « l’Asile sacré » à Rome, sur le mont Capitolin entre le Temple de Jupiter et la Citadelle, et il aurait bâti en ce lieu un temple dont il fit un refuge. Dès les origines, le droit a

aussi joué un rôle important dans la notion d’asile, plutôt comme limite apportée à celui-ci, afin que l’asile ne soit pas dévoyé au profit des criminels, comme l’illustrent ces paroles du Coryphée dans une tragédie d’Euripide, les Héraclides : « Toujours dans le passé notre pays a eu la volonté d’apporter son aide aux détresses qui avaient le droit pour elles »(3). Mais dès les origines aussi, des atteintes ont été portées au droit d’asile - par exemple en entravant la distribution de nourriture aux réfugiés ou en murant les issues des lieux où ils se trouvaient. On rapporte qu’à cette époque, certaines de ces atteintes furent sévèrement sanctionnées par les dieux, par maladie ou catastrophe naturelle (4). C’est l’Eglise catholique qui a fait du droit d’asile une institution éminente et unifiée en Occident. Les églises étaient considérées de fait comme un lieu d’asile : lors du sac de Rome en 410, le Roi des Wisigoths Alaric Ier interdit ainsi de violer les lieux cultes et les sanctuaires. Cette protection devint rapidement juridique : le Code de Théodose définit, quelques années plus tard, en 438, la protection que l’Église doit – ou ne doit pas – accorder à des fugitifs qui chercheraient refuge dans les lieux de culte (5) . Cette tradition d’asile, qui fut à la fois unifiée, mais aussi limitée, s’est développée jusqu’à la fin du Moyen Âge, époque à partir de laquelle elle est tombée en désuétude (6). L’année 1789, première de la Révolution Française, a ignoré le droit d’asile. En 1793, toutefois, la Constitution de l’an I, dont on sait qu’elle n’a jamais été appliquée, proclama à son article 120, dans le titre « Des rapports de la République française avec les nations étrangères », que le Peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans » (7). La

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5


Vie du droit

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Martine Denis-Linton et Jacques Ribs

Révolution a su tirer les conséquences de ses déclarations. Par la suite, la tradition de l’asile fut particulièrement vivace sous la Monarchie de Juillet ainsi que sous les 2èmes et 3èmes Républiques. Elle a constitué, pendant toutes ces décennies, une simple pratique, mais elle a aussi été plus que cela : elle a été le fruit d’un ensemble d’actes convergents, dictés par des considérations plus éthiques que juridiques, et conduisant tout simplement à accueillir chez nous les réfugiés. L’asile ne trouva d’ancrage constitutionnel réel et durable qu’avec la Constitution du 27 octobre 1946, dont le Préambule, toujours en vigueur, déclare à son tour : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté à droit d'asile sur les territoires de la République ». Historiquement, l’asile a ainsi été marqué par le passage progressif d’un lieu protégé, « sanctuarisé », pourrait-on dire, à une protection juridique ; par le passage d’un espace géographique à un régime de droit poursuivant des finalités assez analogues et pour des motifs qui se sont progressivement affinés et diversifiés dans le cours long et tumultueux de l’histoire humaine. 2. Après la première guerre mondiale, le droit d’asile a connu d’importants développements. Avant 1945, c’est une approche empirique qui a prévalu : l’émigration russe consécutive à la révolution bolchevique, le refuge recherché par les Espagnols à la fin de la guerre civile, la fuite de nombreux Allemands et Italiens dans les années 20 et 30, l’exode des Juifs de l’Europe nazie – tous ces évènements dramatiques ont fait l’objet de réponses ponctuelles ou conjoncturelles, sans véritable plan d’ensemble. Ainsi les exodes russes et arméniens ont fait l’objet d’un traitement par un office spécialisé et la Société des Nations a créé un poste de Haut-Commissaire pour les réfugiés, dont les

attributions limitées furent fixées par un accord du 30 juin 1928. La création de l’Organisation internationale des réfugiés en 1946 a marqué une première véritable tentative de protection systémique des réfugiés. Mais la fin des activités de l’OIR, qui n’avait été créée qu’à titre provisoire, a conduit chaque pays à mettre en place sa propre organisation de prise en charge des demandeurs d’asile. Elle vit parallèlement la création du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. La loi du 25 juillet 1952 (8) d’où sont issus l’OFPRA et la Commission des recours a donc été dictée par les nécessités du moment : l’émergence d’une protection nationale destinées à relayer une protection internationale qui cessait d’être directe. Elle s’est en outre appuyée sur un texte qui, s’il est encore aujourd’hui la clé de voûte du droit d’asile, n’était alors pas encore ratifié par la France : la Convention de Genève du 28 juillet 1951. Rare exemple de loi qui précède et non pas suit, le plus souvent avec retard, la convention internationale qu’il s’agit de mettre en œuvre. En 1952, deux modèles étaient envisagés et ont donc été débattus dans notre pays. Le premier, qui avait plus ou moins prévalu jusqu’alors, était celui d’une protection internationale au travers de l’activité déployée par la Société des Nations, puis par les Nations Unies. Il n’avait pas donné des résultats toujours convaincants. Le second, celui d’une protection assurée au niveau national, avait la préférence du Gouvernement français mais se heurtait à des réticences, en particulier parce qu’il rappelait le service administratif du Ministère des affaires étrangères chargé de ces questions sous le « gouvernement de l’Etat français ». Tiraillé entre ces deux modèles défendus respectivement par Daniel Mayer et Maurice Schumann, alors

secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, comme le montrent les débats qui se sont déroulés à l’Assemblée Nationale lors de la délibération du projet de loi qui allait devenir la loi du 25 juillet 1952 (9), le Parlement a finalement opté pour le second. Mais, dans le souci de ne pas se priver d’une compétence reconnue en matière de droit des réfugiés, il fut décidé, à titre de concession ou de contrepartie, que les réfugiés seraient pris en charge par un office autonome, l’OFPRA, au sein duquel siègerait le représentant du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, et non par un service administratif hiérarchiquement subordonné au Ministre des affaires étrangères. Il fut surtout décidé, par une disposition très exorbitante du droit commun (10) et opportunément jugée avec retard, en 1998, conforme à la Constitution (11), qu’un représentant du Haut-Commissaire siègerait au sein de la Commission des recours ainsi que, pour faire bonne mesure, un représentant de l’office. L’origine de l’échevinage, qui est encore aujourd’hui l’une des caractéristiques de la plus importante juridiction administrative de France, se trouve là. De même, l’existence de rapporteurs, chargés de l’instruction des affaires mais n’ayant pas voix délibérative, a été prévue dès le décret du 2 mai 1953 (12). Ainsi, comme vous l’avez dit, Madame la Présidente, la création de la Commission des recours fut fortuite, presque accidentelle. Ce choix a pourtant toujours été confirmé depuis lors, malgré les difficultés qui ont parfois été celles de cette commission, puis de la Cour. Ces difficultés ont manifesté la grande capacité d’adaptation de cette juridiction, malgré les chocs qu’elle a subis et les transformations profondes de l’environnement dans lequel elle a évolué.

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5

15


Vie du droit B. La Commission, devenue la Cour nationale du droit d’asile, a de fait été confrontée à des défis nombreux, qu’elle a su relever pour s’imposer comme un acteur majeur du traitement de la demande d’asile.

Nouvelle juridiction (13), et même, à elle seule, nouvel ordre de juridiction, la Commission de recours était à l’origine dotée de moyens très modestes. La souplesse qui caractérisait cette structure étonne – c’est un euphémisme – au regard de l’organisation actuelle de la Cour. André Heilbronner en fut nommé président ; il était assisté dans sa tâche par Jacqueline Terrel, ancienne collaboratrice de René Cassin au comité juridique du Comité français de la Libération nationale, ce comité juridique étant, en quelque sorte, « le Conseil d’Etat de la France combattante » à Alger. Jacqueline Terrel assuma donc le premier secrétariat général de la Commission. Personne ne consacrait bien sûr à cette époque la totalité de son temps de travail à cette juridiction. Le reste de son personnel était rattaché pour sa gestion à l’OFPRA, ce qui vaudra ultérieurement à la Commission, puis la Cour, certaines difficultés qui ont été réglées par le décret de décembre 2008. Les recours enregistrés lors des premières années ont été peu nombreux et stables, la Commission jugeant alors environ 350 affaires par an. De manière générale, la demande d’asile baissait car, malgré quelques mouvements d’exil ponctuels, comme celui des Basques espagnols, les flux en provenance du continent européen étaient alors réduits. Au cours des années 1970, plusieurs facteurs ont perturbé l’équilibre initial et contribué à une nette augmentation de la demande d’asile. Le 9 avril 1971, la France a ratifié le protocole dit de Bellagio, adopté à New York le 31 janvier 1967, qui leva les réserves géographiques et temporelles de la convention de Genève. Le ralentissement de la croissance économique et la montée du chômage poussèrent aussi le Gouvernement français à décider, lors du Conseil des ministres du 3 juillet 1974, la suspension de l’immigration de travail (14). Par conséquent, l’asile devint une voie privilégiée d’accès au territoire français. Enfin, le conflit Est-Ouest, à la faveur notamment de son déplacement vers les pays du « TiersMonde », comme on disait alors, généra de nouveaux flux de réfugiés, de même que certains conflits ethniques, dans la Corne de l’Afrique ou au Sri Lanka. Dès 1978, le Président Jacques Chardeau exprima la préoccupation que constituaient le volume et la croissance des dossiers en instance. Les demandes affluaient, le stock des dossiers augmentait et, en janvier 1980, le délai de jugement s’élevait à 20 mois. La Commission fut alors renforcée, notamment par la création de sections par le décret du 3 septembre 1980 (15), et le déménagement de ses services du Palais-Royal. La pression resta toutefois forte au long des années 1980. La Commission fut encore renforcée à partir de 1985, avec la nomination de six rapporteurs à plein temps, puis à nouveau en 1987. Ses méthodes de travail évoluèrent également avec, notamment, l’amélioration de la rédaction des décisions et les premières esquisses d’informatisation qui permirent d’accompagner la hausse du nombre des décisions rendues. Une nouvelle et spectaculaire augmentation des recours se produisit entre 1990 et 1991. J’étais moi-même à l’époque Directeur des

16

libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l’intérieur et je me souviens de l’inquiétude née de cette considérable augmentation provoquée par les dérèglements et la misère du monde et, paradoxalement, favorisée par la chute du mur de Berlin et la fin du monde soviétique. Des mesures ont rapidement été prises : ouverture de la présidence des sections aux membres de la Cour des Comptes et aux Magistrats administratifs, multiplication des effectifs comme du nombre des audiences, déménagement du siège de la Commission à Fontenay-sous-Bois. En deux ans, plus de 120 000 recours furent jugés. Ces mesures ne furent cependant pas toutes pérennes car, dès 1992, les ressources humaines furent substantiellement réduites. Plusieurs réformes ont aussi affecté la Commission pendant ces années, comme l’adoption de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridique ou la création de la formation des sections réunies par le décret du 3 juillet 1992. La reconnaissance par la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 (16), puis la loi du 11 mai 1998 (17), d’un asile dit « constitutionnel », dont les fondements reposent sur le Préambule de la Constitution de 1946, n’a en revanche pas eu de conséquence sur le nombre des recours (18), et donc sur l’activité de la juridiction de l’asile. Il en va différemment de l’asile territorial (19) consacré par la loi du 11 mai 1998 et devenu, par la loi du 26 novembre 2003 (20), la protection subsidiaire, dont le juge fut, aux termes de cette loi, non point le juge administratif de droit commun, mais le juge spécialisé de l’asile. Cette consécration législative de la protection subsidiaire a encore accru les responsabilités, l’autorité, mais aussi la charge de travail de la Commission des recours. Il arrive que l’histoire se répète : un nouveau bond de la demande d’asile a en effet été enregistré au cours des années 2004-2005. Avec le recul, je ne peux dissimuler que le défi lancé dans les années 2000 à la Commission par l’augmentation des recours fût infiniment plus lourd que celui du tournant des années 90. Car, sans même remonter à l’époque lointaine où j’étais moi-même, dans les années 70, rapporteur auprès d’une Commission des recours des réfugiés qui siégeait de manière très intermittente dans la salle Collignon au troisième étage du Palais-Royal, je sais que la nature du travail du juge de l’asile s’est profondément transformée au cours du dernier quart de siècle ; j’y reviendrai. Les années 2000 ont enfin été marquées par de nouvelles réformes de structure. Ce sont surtout la loi du 20 novembre 2007, qui a donné à la Commission son nouveau et juste nom de Cour Nationale du Droit d’Asile (21), ainsi que le décret du 30 décembre 2008, qui doivent retenir l’attention. Ce dernier texte a mis fin au rattachement de la Cour, pour ce qui concerne sa gestion, à l’OFPRA, organe dont elle contrôle les décisions. Ce qui résultait des conditions de création de la Cour, mais passait alors à juste titre pour une anomalie, a été corrigé, la Cour étant rattachée pour sa gestion au secrétariat général du Conseil d’Etat (22), qui est devenu au fil du temps le secrétariat général de l’ensemble de la juridiction administrative. Au-delà de l’é vidence – l’affirmation de l’indépendance objective de la CNDA dans l’exercice des

fonctions juridictionnelles – ce changement du cadre de gestion a mis un terme aux difficiles relations, au plan administratif et financier, entre la Cour et son justiciable principal et il a donc fortifié l’indépendance fonctionnelle de la Cour. Son autorité et sa dignité sont sorties renforcées de cette réforme qui n’a point affaibli l’OFPRA et ne lui a en fait ôté que des tracas. Le visage de la Commission de recours des réfugiés, ainsi devenue la Cour Nationale du Droit d’Asile, a donc en soixante ans considérablement changé. Juridiction née un peu par hasard, très peu sollicitée durant ses premières années d’existence et s’inscrivant dans un cadre si souple, qu’il en était presque évanescent, la Cour a subi les conséquences de l’expansion de l’asile au cours de ce qui a été le siècle des réfugiés. L’exigence d’adaptation à des évolutions, souvent peu prévisibles, car dépendantes à la fois de l’état du monde et du contexte juridique national et européen, a parsemé son chemin, sinon de traverses et d’embûches, du moins de défis qu’elle a su relever, jusqu’à devenir la première juridiction administrative de France. II. Aujourd’hui, la Cour Nationale du Droit d’Asile assume pleinement son office, dans le respect de l’ensemble des garanties juridictionnelles, et elle doit poursuivre dans cette voie malgré tous les défis auxquels elle reste exposée. A. Un office spécifique pleinement assumé.

1. La Cour Nationale du Droit d’Asile présente une double originalité. Structurelle, tout d’abord, puisqu’elle est une juridiction nationale à caractère spécialisé, qui est en France, au regard de son volume d’activité, dans une situation absolument sans équivalent. Cette juridiction spécialisée statue en outre en premier et dernier ressort et ses formations de jugement sont composées de façon particulière : elles sont « échevinées », comme je l’ai souligné. Le contentieux de l’asile est, par ailleurs, un contentieux de pleine juridiction, comme le reconnaît le Conseil d’Etat depuis sa décision Aldana Barrena du 8 janvier 1982(23). Le juge de l’asile est donc saisi, non pas d’une décision administrative, mais d’une situation humaine et il se prononce directement et pleinement sur l’octroi ou non du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, et non pas sur la légalité d’une décision administrative. Mais l’originalité du « métier » de juge de l’asile est plus marquante encore que ces spécificités structurelles ou contentieuses. Faire droit ou non à une demande de protection soulève bien entendu de nombreuses questions juridiques, nécessitant une exégèse des textes régissant ce domaine et une connaissance approfondie de la jurisprudence et du contexte géopolitique de la demande. Mais, au cœur de la décision rendue, réside la formation de l’intime conviction, exprimée par la formation de jugement, dans chaque dossier et pour chaque personne qui représente le même absolu, sur la réalité de la « crainte d’être persécuté », au sens de la Convention de Genève et sur la véracité ou la plausibilité des faits rapportés par le requérant (24) . La formation de l’intime correction repose sur une attention de chaque instant du juge, un scrupule approfondi, une connaissance poussée de la situation du pays d’origine, mais aussi une

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5


Vie du droit vive conscience des différences culturelles, qui se manifestent avec force lors de l’audience et se traduisent en particulier par une appréhension divergente de concepts aussi fondamentaux que ceux de famille ou d’appartenance politique. Faire émerger à l’audience la parole authentique du requérant et la vérité du dossier, alors même que les faits sont rarement établis dans leur ensemble et que les craintes sont parfois malaisées à appréhender, représente pour le juge de l’asile un défi et une responsabilité particulière. Cette difficulté est encore renforcée par les multiples visages de la demande d’asile. La ratification du protocole de Bellagio a constitué le premier acte d’un mouvement ayant conduit à redessiner le profil du demandeur d’asile. Le cas classique des réfugiés fuyant l’oppression de régimes dictatoriaux est devenue moins fréquente. La multiplication des situations de guerre civile, de lutte entre groupes ethniques et d’instabilité chronique de nombreux pays, la progression de l’intolérance religieuse et sociale, les menaces particulières pesant sur les femmes ainsi que le flux de migrants poussés par la simple recherche d’un monde meilleur, tout cela confronte le Juge de l’asile à une grande diversité de situations et a d’ailleurs conduit à la consécration, en droit national puis en droit européen, du concept nouveau de protection subsidiaire. 2. La Cour Nationale du Droit d’Asile assume pleinement cette mission jour après jour. Avec son Juge de Cassation, elle a ainsi contribué à bâtir le corpus jurisprudentiel applicable aux demandes d’asile, en précisant, par exemple, les motifs des persécutions entrant dans le champ de la Convention de Genève, comme la notion d’opinions politiques (25) ou religieuses (26). La notion de groupe social – qui sera l’objet de l’une des tables rondes de cet après-midi – a également fait l’objet d’une jurisprudence abondante (27). Le principe d’unité de la famille, « principe général du droit applicable aux réfugiés », est aussi régulièrement affirmé et affiné par la jurisprudence (28). La jurisprudence

relative à la procédure applicable devant la Cour Nationale du Droit d’Asile a aussi contribué à assurer l’application pleine et entière des principes du procès équitable à cette juridiction. Ainsi, et pour faire écho à des jurisprudences récentes, de l’obligation de mettre le demandeur à même de s’expliquer, avant de lui opposer la clause d’exclusion prévue à l’article 1F de la convention de Genève (29), ou encore de la règle générale selon laquelle l'auteur du recours doit être mis en mesure de prendre connaissance des pièces du dossier qu'il n'a pas lui-même produites, si le Président qui entend rejeter le recours par voie d’ordonnance se fonde sur ces pièces pour prendre sa décision (30). La jurisprudence a encore récemment connu de nouveaux développements sur le versement au dossier, aux fins de discussion contradictoire, du résultat des recherches de la Cour, en tant qu’ils fondent sa décision et peuvent confirmer ou infirmer des éléments de fait propres au demandeur d’asile ou à son récit (31). La Cour contribue bien entendu elle-même à l’évolution de cette jurisprudence (32). Elle a aussi proposé, à la suite du rapport du groupe de travail présidé par Christian Vigouroux, une rénovation de ses règles de procédure. Comme le Gouvernement, je souhaite vivement que ce projet de réforme aboutisse rapidement. La conscience des exigences du « métier » de Juge de l’asile ainsi que l’édifice jurisprudentiel bâti au cours des années permettent, je le crois, que la CNDA statue, en droit comme en fait, de la meilleure manière possible. Les responsabilités qui incombent au Juge de l’asile pour apprécier la complexité des situations humaines qui lui sont soumises portent, il faut en être conscient, la difficulté de juger à un niveau très élevé. La Cour est aidée dans cette tâche tant par les associations d’aide et de soutien aux réfugiés, dont je salue les nombreux représentants présents dans cette salle, ainsi que par les conseils des demandeurs – je rends hommage à leur mission de représentation et d’assistance au travers du Bâtonnier Christian

Charrière-Bournazel, Président du Conseil national des barreaux et du bâtonnier Jean-Luc Forget, Président de la Conférence des Bâtonniers. A cet égard, la loi du 24 juillet 2006 (33) , qui a supprimé, à compter du 1er décembre 2008, la condition d’entrée régulière en France pour permettre aux demandeurs d’asile d’avoir accès à l’aide juridictionnelle, a grandement contribué à leur représentation devant la CNDA, en desserrant les conditions restrictives posées par la loi du 10 juillet 1991. Leur indemnisation au titre de l’aide juridictionnelle sera prochainement revalorisée, conformément à ce qu’a annoncé la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Au total, la Cour Nationale du Droit d’Asile et son Juge de Cassation, le Conseil d’Etat, contribuent, par leurs décisions et, plus largement, leur jurisprudence, à donner une portée effective et concrète au droit d’asile. De fait, la qualité de la justice rendue par la Cour est une composante essentielle de la crédibilité, mais aussi de la pérennité du régime français de l’asile. B. L’anniversaire de la Cour permet ainsi de lui donner acte du chemin parcouru et de l’œuvre remarquable qui a été accomplie, mais il oblige également à se projeter dans l’avenir.

Si les défis qui se posent à la Cour sont nombreux, ils se rapportent toutefois tous, au final, à une même exigence : que la Cour continue à rendre, dans un contexte difficile, une Justice de qualité. Cette qualité revêt plusieurs aspects. Le premier défi est celui de la qualité juridique des décisions rendues. Cet impératif est primordial ; il est encore sublimé, si je puis dire, par le fait que les demandeurs d’asile sont, dans leur immense majorité, en situation de vulnérabilité, parfois extrême. La Cour Nationale du Droit d'Asile ne doit pas se satisfaire de ses acquis, qui sont incontestables, mais progresser encore dans la sécurisation en droit et en fait de ses décisions. Il me semble

REPÈRES

A propos de la Cour Nationale du Droit d'Asile es formations collégiales de jugement de la Cour nationale du droit d'asile (appelées section) sont composées de trois membres.

L

Chacune des 80 formations de jugement comprend : - Un président nommé soit par le vice-président du Conseil d'État parmi les membres du Conseil d'État ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en activité ou honoraires ; soit par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraires ; soit par le garde des Sceaux, ministre de la justice, parmi les magistrats du siège en activité et les magistrats honoraires de l'ordre judiciaire. Le président est appelé président de section.

- Une personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d'État sur proposition de l'un des ministres représentés au conseil d'administration de l'OFPRA. - Une personnalité qualifiée de nationalité française, nommée par le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés sur avis conforme du viceprésident du Conseil d'État. Il est à noter que la juridiction française de l'asile est la seule juridiction nationale à comprendre parmi ses membres un représentant d'une organisation internationale, le Haut commissariat aux réfugiés, qui participe de ce fait à l'exercice d'une mission de souveraineté nationale. Les personnalités qualifiées sont désignées par le terme d'assesseur.

Les sections réunies présidées par le chef de cour jugent les affaires qui, en raison d'une difficulté particulière ou du besoin de fixer une ligne jurisprudentielle, lui sont renvoyées par le président de la cour ou une section. Un président seul peut juger par ordonnances lorsque la nature d'une affaire ne justifie pas l'intervention d'une formation collégiale. L'activité juridictionnelle est organisée au sein de divisions, d'un service des ordonnances et de plusieurs services de soutien (aide à la décision pour le greffe, le centre d'information juridique et le centre d'information géopolitique, le service d'accueil des requérants et le service de l'interprétariat). Le soutien administratif de cette activité est apporté par les services de gestion de la cour.

Chacune des dix divisions est composée de rapporteurs chargés de l'instruction des recours, de secrétaires qui organisent, outre le secrétariat de la division, le déroulement des audiences sous l'autorité d'un président. Chaque division est désormais dotée d'un président affecté à plein temps. Le service des ordonnances traite les recours manifestement irrecevables, les désistements et les non-lieux et sont signés du seul président de la cour. Les services de soutien à l'activité juridictionnelle comprennent : - Les services administratifs (secrétariat général, ressources humaines, budget et logistique) ;

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5

- Les services liés à l'instruction des recours : .le greffe et ses services annexes (accueil, archives, courrier...), .le centre d'information juridique et le centre d'information géopolitique qui apportent leur expertise aux membres des formations et aux rapporteurs des divisions, .le service de l'interprétariat qui est essentiel dans une institution, en mesure d'assurer la traduction dans plus de 120 langues lors des audiences ; Le service de l'aide juridictionnelle qui instruit les demandes donnant lieu à des décisions du président ou du bureau accordant une aide juridictionnelle totale ou partielle, ou la refusant.

Source : http://www.cnda.fr

17


Vie du droit que l’instruction rigoureuse des dossiers, la précision des rédactions et l’exigence de cohérence de la jurisprudence, qui donne tout son sens à la convention de Genève comme à la protection subsidiaire, doivent demeurer les axes essentiels guidant l’action des Juges et des rapporteurs de la Cour. Toutes ces exigences sont, bien entendu, rendues plus difficiles encore à atteindre et satisfaire en raison de l’importance qui s’attache aux normes européennes et à la jurisprudence des cours européennes, qu’il s’agisse de la Cour Européenne des droits de l’Homme ou de la Cour de Justice de l’Union Européenne – ce sujet sera abordé lors de la dernière table ronde. Le droit de l’asile est de plus en plus « saisi » par le droit européen. C’est une profonde mutation dont je mesure qu’elle remet en cause d’anciennes et légitimes pratiques et jurisprudences et qu’elle suscite parfois des troubles et des incertitudes. Mais, sur le fond, je n’ai pas d’hésitation. L’Europe induit, en matière d’asile, des changements globalement positifs dont il faut se réjouir. La qualité des décisions implique d’adapter les méthodes de travail de la Cour. Lorsque des questions de droit difficiles se posent, la CNDA peut les juger en sections réunies. La possibilité qu’ouvre à la Cour Nationale du Droit d’Asile la loi du 16 juin 2011 de saisir le Conseil d’Etat pour avis sur une question de droit contribuera en outre à éclairer cette juridiction et à stabiliser ou adapter au plus vite, chaque fois que cela est nécessaire, l’édifice jurisprudentiel. Mais d’autres actions, plus pratiques, contribuent aussi à la qualité des décisions rendues : je pense à l’effort de formation qui est entrepris avec force par la Cour depuis quelques années ainsi qu’à l’effort d’information des membres de la juridiction, par exemple au travers des « cartables documentaires électroniques » qui ont été récemment mis en ligne. Le défi de la qualité concerne aussi les délais de jugement, car le contentieux de l’asile concerne des personnes en situation précaire qui ont droit à ce qu’il soit statué sur leur demande dans des délais aussi brefs que possible. S’il est, au moins depuis soixante ans, une constante de la juridiction administrative en général et – on l’a vu – de la Cour Nationale du Droit d’Asile en particulier, c’est qu’elle n’a eu de cesse de faire face à un tel défi et qu’elle l’a toujours relevé. D’importants moyens ont ainsi été mis en œuvre dans le cadre du plan d’action de la Cour nationale du Droit d’Asile avec, dès la loi de finances pour 2009, la création de 10 postes de Magistrat permanent ainsi que, dans les deux années qui ont suivi, le recrutement de nombreux rapporteurs et secrétaires d’audience. La Cour Nationale du Droit d’Asile ne s’est pas limitée à mobiliser des ressources humaines et des compétences supplémentaires. L’évolution de ses méthodes de travail a également été significative : il suffit de citer, par exemple, la création du service central d’enrôlement, la dématérialisation des procédures ou encore la réforme du format des audiences. L’ampleur de ces changements a – je le sais – contribué à alimenter certaines critiques sur le fond des réformes entreprises, critiques qu’il faut écouter : je crois que nous l’avons fait et que le dialogue, récemment approfondi, se poursuivra et permettra à la Cour de franchir dans la sérénité de nouvelles étapes et de toujours mieux

18

accomplir sa mission, sans rien sacrifier de son efficacité ni de la qualité de ses décisions et des relations qu’elles entretient avec l’ensemble de ses membres, agents, auxiliaires et partenaires. Toutes les actions engagées ou programmées contribuent à asseoir la légitimité de la Cour auprès de tous ses publics : ses justiciables d’abord, mais aussi la communauté juridique, les pouvoirs publics et la société toute entière. Elles inscrivent cette juridiction dans la permanence d’un office pleinement assumé et dans un avenir où les nouveaux outils de travail doivent se conjuguer harmonieusement avec le perfectionnement des garanties juridictionnelles. L’incroyable vitalité, l’étonnante énergie, l’exceptionnelle résilience de la Cour Nationale du Droit d’Asile sont une œuvre collective qui donne corps, chaque jour, à la garantie du droit d’asile dans notre pays, garantie qui est au cœur de notre pacte constitutionnel et qui est l’honneur de notre République. Je ne peux que m’en réjouir, en tant que Vice-Président du Conseil d’Etat qui exerce quelque responsabilité dans l’administration de cette juridiction, bien sûr, mais aussi et surtout en tant que citoyen. Il faut poursuivre dans cette voie, car « ce siècle – le 21ème – sera celui des peuples en mouvement », comme l’a si justement dit le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Monsieur António Guterres(34). La tâche de la Cour sera donc nécessairement ardue dans les prochaines décennies. Les crises politiques se multiplient, parfois même là où elles sont le moins attendues, et l’imprévisibilité semble devenir la règle dans le champ des relations internationales. La crise économique mondiale favorise de surcroît les replis identitaires et les tentations populistes qu’il faut combattre. Le droit d’asile, qui repose sur l’attachement aux libertés et sur les idées de tolérance, de solidarité et de respect de la dignité humaine, pourrait donc, si l’on n’y prend garde, être mis à mal. La journée d’aujourd’hui et, plus largement, tous les évènements organisés pour célébrer le soixantième anniversaire de la CNDA doivent contribuer à ce qu’il n’en soit pas ainsi, grâce à la réflexion et la délibération collectives sur les thèmes proposés lors du colloque de ce jour, grâce aussi à l’important travail de mémoire qui a été réalisé. Savoir d’où nous venons, mettre au jour et nous réapproprier notre histoire, qui avait été un peu recouverte du voile de l’oubli, ressaisir et méditer nos valeurs, tout cela permet de mieux nous connaître nous-mêmes, de retrouver et approfondir le sens de notre mission et de nous projeter dans l’avenir avec plus résolution et une plus grande sérénité. Voilà qui promet - je le crois - une journée fructueuse d’échanges, pour laquelle je forme des vœux chaleureux de réussite. Voilà qui promet aussi, pour la Cour Nationale du Droit d’Asile, un avenir que je souhaite actif, paisible et rayonnant. Notes : 1. Texte écrit en collaboration avec M. Olivier Fuchs, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du Vice-Président du Conseil d’Etat. 2. Voir ainsi la déclaration de M. António Guterres, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, lors de l’évènement intergouvernemental à l’occasion du soixantième anniversaire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (disponible sur http://www.unhcr.fr/4eea1d309.html). 3. Les Héraclides, v. 309 et s.

4. D. Alland, « Le dispositif international du droit de l’asile. Rapport général », in Société française de droit international, Droit d’asile et des réfugiés, Paris, Pedone, 1997, p. 18 et s. 5. C. Sotinel, « Les lieux de culte chrétiens et le sacré dans l’Antiquité tardive », Revue de l’histoire des religions, 2005, n° 4, p. 411 ; A. Ducloux, Ad ecclesiam confugere : La naissance du droit d’asile dans les églises, Paris, de Boccard, 1994. 6. K. Shoemaker, Sanctuary and Crime in the Middle Ages, New York, Fordham University Press, 2011. 7. Article 120 de la Constitution de l’an I (24 juin 1793). 8. Loi n° 52-893 du 25 juillet 1992 portant création d’un office français de protection des réfugiés et apatrides, devenue la loi relative au droit d’asile en application de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers et au droit d’asile (avant sa codification dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). 9. Première séance du 4 juillet 1952 (JO, p. 3522). 10. Comme le soulignait déjà à l’époque avec pertinence Michel Debré devant le Conseil de la République (séance du 10 juillet 1952) et ainsi que le remarquait également André Heilbronner (« La Commission de recours des réfugiés », EDCE, 1978-1979, p. 109). 11. Par la décision 98-399 DC du 5 mai 1998, le Conseil constitutionnel juge, d’une manière qui peut ne pas emporter la conviction, que la présence du délégué du HCR est destinée à « mettre en œuvre » la convention de Genève et que ce délégué est minoritaire au sein de la juridiction. Par conséquent, la composition de la Commission de recours des réfugiés ne porte pas atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté. 12. Décret n° 53-377 du 2 mai 1953 relatif à l’office français des réfugiés et apatrides, en son article 22. Ce n’est qu’au début des années 1990 qu’a été réellement posée la question du statut des personnels de la Commission : la loi du 31 décembre 1991 a permis la titularisation de contractuels dans les corps de l’OFPRA et le décret du 11 janvier 1993 relatif aux corps propres de l’OFPRA a entériné le rapprochement de la Commission avec les structures administratives de l’Office. 13. Le caractère juridictionnel de la commission des recours a été confirmé par le Conseil d’Etat dès le 29 mars 1957, ainsi que le fait que celle-ci statut en premier et dernier ressort et que ses décisions sont susceptibles d’un recours en cassation ouvert devant le Conseil d’Etat (sect., Paya Monzo). 14. S. Laurens, « ‘1974 et la fermeture des frontières. Analyse critique d’une décision érigée en turning point », Politix, 2008, vol. 21, n°82, p. 69. 15. Décret n° 80-683 du 3 septembre 1980 modifiant le décret n° 53377 du 2 mai 1953 relatif à l’office français des réfugiés et apatrides. 16. Décision 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France. 17. Loi n° 98-349 du 11 mai 1998, relative à l’entrée et au séjour des étrangers et au droit d’asile. 18. Depuis son entrée en vigueur, une quarantaine de demandeurs ont bénéficié de l’asile constitutionnel. 19. L’asile territorial a été institué par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers et au droit d’asile. Il est devenu « protection subsidiaire » par l’article 45 de la loi n°2003 – 1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers et à la nationalité. 20. Loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. 21. Loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, en son article 29. 22. Voir le nouvel article R. 723-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, issu de l’article 1er du décret n°2008-1481 du 30 décembre 2008 relatif à la Cour nationale du Droit d’Asile. En application de ce décret, le Vice-Président du Conseil d’Etat est donc devenu l’ordonnateur principal des dépenses de la Cour Nationale du Droit d’Asile. Dans le même mouvement, la loi de finances pour 2009 a transféré les crédits et les emplois de la Cour, inscrits sur le budget de l’OFPRA, dans le programme n° 165 « Conseil d’Etat et autres juridictions administratives ». 23. CE, sect., 8 janvier 1982, Aldana Barrena, n° 24948, Rec. p. 9. 24. A. Le Pors, Juge de l’asile, Paris, Michel Houdiard, 2010, en particulier p. 125 et s. 25. Voir par exemple CE, Ass., 18 avril 1980, Mac Nair, n° 13914, Rec. p. 189 ; CNDA, 14 avril 2010, M. K., n° 09004366 ; CNDA 2 juin 2010 M. S. n° 07018336. Sur la notion d’opinions politiques imputées, voir par exemple CE 27 avril 1998, M. Boukaryata,n° 168335, Rec. p. 182 ; CNDA 10 mars 2010 M. D. n° 06007191. 26. Par exemple CRR, 5 octobre 2005, M. M., n°03017322/447281 ; CNDA, 28 octobre 2010, M. J., n° 0901540. 27. Voir par exemple CE, 23 juin 1997, 0., 171858, Rec. p. 261 et CRR, sections réunies, 29 juin 2005, Mlle T., n° 519803 ; CE, 27 juillet 2012, M. M., n° 349824, à paraître au Recueil. 28. CE, Ass. 2 décembre 1994, Mme A., n° 112842, Rec. p. 523 ; CE, 23 février 2009, Office français de protection des réfugiés et apatrides c. B., n° 283246, Rec. p. 64; CNDA, 15 octobre 2010, M. M., n° 08016600 ; CNDA, 4 novembre 2010, Mme F., n° 09002323/643511. 29. CE, 14 mars 2011, M. A., n° 329909, Rec. p. 83. 30. CE, 10 décembre 2008, Islam, n° 284159, Rec. p. 776. 31. CE, 22 octobre 2012, M. Martazanov, n° 328 265 à publier au recueil. 32. Par exemple CNDA, 30 mai 2011, M. O., n° 09009538. 33. Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. 34. Le Monde, 28 septembre 2008.

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5


Vie du droit

epuis 60 ans la France a organisé les conditions d’octroi de l’asile, fixées par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) siège en premier ressort. C’est aujourd’hui la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), appelée autrefois Commission des recours des réfugiés, qui juge en appel sous le contrôle de cassation du Conseil d’État. Ce contentieux particulier s’inscrit dans la plus noble des traditions républicaines françaises : celle de l’accueil. Je ne m’aventurerai pas à reprendre le rapport exhaustif sur l’histoire auquel a procédé remarquablement le président Jean-Marc Sauvé. Je souhaite seulement rappeler sur quel idéal se fonde cette juridiction et le rôle essentiel qu’y tiennent les avocats.

européens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées, « les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. » Cet asile constitutionnel est fondamental ; - d’avoir ratifié la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et les instruments internationaux protecteurs des réfugiés, apatrides et demandeurs d’asile ; - d’avoir créé dès le début des années 1950, avant même la Convention de Genève, des organes spécialisés dans la protection des réfugiés et des juridictions entièrement dédiées à l’examen de leur situation et de leur statut. Si la garantie du droit d’asile découle directement des principes qui fondent notre République et de plusieurs des conventions et pactes internationaux auxquels elle est partie, c’est l’honneur de la Cour nationale du droit d’asile que de contribuer à lui donner une portée effective et concrète. Ainsi que l’a déclaré en 2011 le président Sauvé, « la qualité de la justice rendue par la Cour est une composante essentielle de la crédibilité et de la pérennité du régime français de l’asile ». Le programme de ce colloque, destiné à célébrer les soixante ans du juge de l’asile, témoigne de la volonté de la CNDA, parvenue à la maturité, de dialoguer avec ses homologues étrangers afin de toujours mieux faire face aux nécessités à venir. La CNDA est en effet une juridiction capitale. La France est au premier rang des pays européens pour ce qui concerne le nombre de demandeurs d’asile. La CNDA a examiné 57 000 demandes en 2011, ce qui la place également au second rang mondial. Elle est en même temps la première juridiction administrative de France. Elle compte 90 formations de jugement qui ont rendu 35 000 décisions l’an passé. Elle n’a pas d’équivalent. De la sorte, étant au service d’un droit fondamental de la personne humaine pour lequel la France a rempli un rôle de pionnière, elle affronte des responsabilités particulièrement exigeantes, comme les avocats qui plaident devant elle.

I. La CNDA et l’humanisme français

II. L’Avocat et la juridiction de l’asile

L’histoire du droit d’asile en France est le reflet des tragédies et des périodes d’horreur de l’histoire mondiale depuis le début du XXème siècle. Avec le droit d’asile, nous touchons à l’un des fondements de notre pacte républicain et à la tradition française d’humanité. C’est l’honneur de la France que : - d’avoir, au sortir de la deuxième guerre mondiale, inclus un alinéa 4 dans le Préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République » ; - d’avoir modifié sa Constitution pour y introduire un article 53-1 dont l’alinéa 2 prévoit que, nonobstant l’absence d’accord avec les États

Les Avocats se sont, au fil du temps, engagés de plus en plus nombreux dans cette mission de défense particulière à laquelle ils se dévouent avec un désintéressement que je tiens à souligner. Depuis 1950 et les années suivantes au cours desquelles la défense n’était pas très souvent assurée, les Avocats ont progressivement assumé leur rôle, si bien que depuis trois ans 80 % des dossiers sont examinés avec leur concours. Car s’il est une matière où s’expriment la tension et l’inégalité entre l’individu et l’État, c’est celle du droit d’asile. Et c’est bien cette tension, entre deux protagonistes inégaux, qui justifie la présence de l’Avocat et son truchement pour faire valoir les droits de chaque demandeur devant la Cour nationale du droit d’asile.

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Christian Charrière-Bournazel

L’avocat et la juridiction de l’asile par Christian Charrière-Bournazel

D

a) Le rôle de l’Avocat

En matière de droit d’asile, l’Avocat n’est pas seulement l’homme ou la femme du « verbe » comme l’a dit le Ministre de la Justice lors de l’assemblée générale extraordinaire du Conseil National des Barreaux le 5 octobre dernier. L’Avocat, c’est aussi, et surtout en matière de droit d’asile, l’homme et la femme de l’écoute. L’écoute et la compréhension avant la parole. L’é coute et la compréhension des récits, des témoignages, des confidences entendues des demandeurs d’asile ayant comparu devant la Commission de recours des réfugiés puis de la CNDA. Cela implique une oreille capable d’entendre et de comprendre : - le contexte politique et juridique, ainsi que l’histoire personnelle qui ont donné leur substance aux craintes de persécutions exprimées par le demandeur d’asile et qui peuvent justifier l’octroi de l’asile ou du refuge en France, avec la protection que cela entraîne par les autorités françaises ; - la nature et la portée des données culturelles de chaque demandeur d’asile ; - que l’asile c’est aussi, et peut-être avant tout, l’exil. Dans cette mission, l’Avocat n’est pas seul. Il sait qu’il peut s’appuyer sur des traducteurs formés à la culture d’origine des demandeurs, sur des médecins, sur des religieux, des militants étrangers installés en France, sur des travailleurs sociaux engagés avec désintéressement dans la défense des exilés. L’Avocat se situe donc à la frontière ou à l’interface de deux mondes, de deux cultures : celui du demandeur d’asile et celui du pays d’accueil, la France. Il va ainsi permettre ou faciliter le passage entre ces mondes. Le droit d’asile est véritablement le domaine d’exercice de la défense où, pour reprendre le joli mot de mon confrère Jean-Marc Varaut, l’Avocat se fait « passeur d’hommes ».

REPÈRES

Présidents de la Cour Nationale du Droit d’Asile André Heilbronner 1953-1977 Jacques Chardeau 1978-1980 André Jocomet 1980-1984 Pierre Riviere 1984-1986 Jean-Jacques de Bresson 1986-1997 Michel Combarnous 1998-2001 Jean Massot 2002-2005 François Bernard 2005-2008 Martine Denis-Linton depuis 2009

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5

19


Vie du droit b) L’exercice des droits de la défense devant la CNDA

Le président Jean-Marc Sauvé avait souligné qu’il appartient à la Cour « de relever le défi auquel elle est aujourd’hui confrontée. Ce défi, il est celui d’une juridiction administrative qui, malgré l’augmentation constante du contentieux porté devant elle, doit rendre des décisions à l’issue d’un examen particulier et approfondi de la situation individuelle de chaque requérant ». La Cour doit rendre des décisions à l’issue d’un examen particulier et approfondi de la situation individuelle de chaque requérant dans des délais aussi brefs que possible. Mais, comme pour toute juridiction, ce qui est en jeu pour la CNDA ce sont sa légitimité et la crédibilité de son action. A ce titre, comme toute juridiction, la CNDA est confrontée aux questions liées à son indépendance et à son impartialité. Son autorité repose aussi sur le respect impératif du contradictoire et des droits de la défense. Si nous soutenons la juridiction de l’asile, et son importance dans notre système juridique et juridictionnel, nous ne pouvons pas le faire au prix ou au détriment de la place nécessaire et indispensable des avocats et de la défense. L’accroissement de l’activité juridictionnelle de

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Jacques Ribs

L’asile : un honneur pour notre civilisation par Jacques Ribs l m’échoit le périlleux honneur de conclure une journée de débats si savants et si riches. Je le ferai sous un aspect, sans doute, un peu moins technique, en vous offrant, modestement, un simple regard issu du milieu associatif en ma qualité de Président de France Terre d’Asile, assez bon terrain d’observation, je crois, ne parlant, évidemment, que de France Terre d’Asile et en son seul nom. C’est, en effet, une organisation de près de 500 salariés, animant un réseau européen de 70 organisations, membre depuis des lustres de la CNCDH et bénéficiant du statut consultatif au comité économique et social de l’Onu. Nous nous efforçons chaque jour de combiner

I

20

la CNDA et sa nécessaire réforme ont créé des tensions avec les Avocats. Les Avocats doivent être parties prenantes au nouvel équilibre à trouver dans les méthodes de travail de la Cour. Nous souhaitons ainsi que ces tensions s’apaisent grâce, d’une part, au dialogue que nous avons noué et, d’autre part, à la médiation confiée au Contrôleur Général des lieux de privation de liberté, Monsieur Jean-Marie Delarue. Vous avez ainsi pu appréhender la raison d’être, la nature et la portée des règles déontologiques et professionnelles contraignantes qui pèsent sur les Avocats (exercice libéral, respect du contradictoire, du secret professionnel) qui rendent difficilement applicables certaines réformes que la Cour a souhaitées. En tout cas, j’observe avec satisfaction que la Cour, grâce au concours des Bâtonniers d’Ile de France, a pu surmonter certaines difficultés : amélioration de la délivrance des attestations de fin de mission, modification du régime de présence des avocats. De même, il est positif qu’aient été instaurées, dès le mois de janvier 2012, des « permanences » quotidiennes tenues par des membres ou anciens membres des Conseils de l’Ordre de différents barreaux.

Par ailleurs, les conditions dans lesquelles la Justice de l’asile est rendue impliquent une revalorisation de la rétribution des Avocats qui traitent de ce contentieux dans le cadre de l’aide juridictionnelle : 8 UV, soit 182 euros par dossier. Cette somme déjà faible, quand on songe aux diligences que demande la préparation d’une défense, devient dérisoire lorsque l’Avocat doit assumer en plus les frais de transport, s’il appartient à un barreau de province. Le coût des interprètes, lui-même, n’est pas pris en charge au titre de l’aide juridictionnelle. Or c’est aussi grâce aux interprètes que les Avocats sont en mesure d’échanger avec leur client dans des conditions qui permettent l’exercice efficace des droits de la défense. L’ambition de la Cour est de rendre une Justice de qualité au service des demandeurs d’asile. C’est sa noblesse. Pour les Avocats, c’est de garantir l’exercice effectif de ce droit dans notre pays. Il ne s’agit pas seulement d’être fidèles à un héritage, mais de servir un humanisme qui fait notre identité et que Victor Hugo avait magnifiquement exprimé dans ce vers que je ne me lasse pas de redire : « O insensé qui croit que je ne suis pas toi. ». C’est notre devoir, Juges et Avocats, de nous attacher, ensemble, toujours davantage à le servir.

expertise et opérationnalité au service des demandeurs d’asile mais aussi de différentes catégories de migrants (mineurs isolés étrangers-migrants de droits). France Terre d’Asile, est une structure qui accueille d’une manière ou d’une autre près de 5 000 personnes par jour, souvent dans des conditions très précaires et qui s’efforce d’offrir un suivi personnalisé à tout demandeur d’asile qui y est hébergé, lui apportant, non seulement gite et couvert, mais une assistance linguistique et juridique, une aide à la préparation de son dossier. Le résultat en est clair et prête à sérieuse réflexion. Pour l’année 2011, alors que le taux moyen de reconnaissance OFPRA + CCNDA a été de 25,30 %, celui de nos pensionnaires de 42,97 %. Nous fournissons également, après vos décisions, un appui suivi et personnalisé pour ceux qui ont obtenu l’asile (logement, travail) afin de leur permettre de s’insérer en France. Nous le faisons avec des moyens qui sont, hélas, de plus en plus réduits. C’est un autre problème, mais dont la gravité n’est pas moins importante.

frappé dans ses affections familiales. Il est parti, en but à la suspicion ou au mépris qui s’attache aux étrangers dépourvus de protection ».

Toutes les années passées au service de FTDA, au contact permanent de la réalité, m’ont convaincu que l’Asile est vraiment l’honneur de notre civilisation. Permettez-moi de citer ce texte admirable du grand romancier Albert Cohen qui a joué, professionnellement un rôle majeur dès 1944 au Comité intergouvernemental pour les Réfugiés à Genève : « S’il est un être humain, écrivait-il, qui a besoin de protection, c’est bien le réfugié. Il vit dans des conditions matérielles difficiles. Il a le plus souvent perdu ses biens matériels. Il est dépourvu de ressources et ne peut avoir recours aux différentes formes d’assistance qu’un Etat dispense à ses ressortissants. Il a personnellement connu, dans le passé, des périodes douloureuses. Il a été fréquemment

Or, quelle est la qualité de la réponse apportée depuis la dernière guerre mondiale à cette dramatique problématique ? La réponse à cette question est partagée. Une sorte de schizophrénie semble régner en la matière. D’un côté au plan des textes, nous observons une progression constante vers un affinement de la notion d’asile que vos travaux l’ont parfaitement montré. On est passé de la Convention de Genève de 1951, qui ne concernait que l’Europe, au Protocole de New York de 1967 débouchant sur une Convention mondiale concernant 147 Etats, tout en gardant les mêmes motifs de persécution, sans compter le placement sous mandat du HCR. A quoi s’est ajouté en France, au fil des années, l’asile constitutionnel en faveur de « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté » et la protection subsidiaire. La jurisprudence de son côté est venue faire évoluer des notions aussi complexes que celles du groupe social, d’agent de persécution… Or, dans le même temps on voit se durcir dans les faits l’accès à la protection internationale à nos frontières communes Il y a indiscutablement, dans l’esprit de certains dirigeants européens une pollution de la question de l’asile par la politisation du problème de l’immigration. Depuis dix ans l’on s’est mis à durcir par tous moyens les conditions de la recevabilité au statut de réfugié, de peur que ne se glisse, par-là, quelque étranger, recru de misère, qui aurait trouvé là, le moyen de mettre le pied sur notre eldorado, à protéger à tout prix de ce genre de pollution. Le malthusianisme est devenu le credo administratif en la matière.

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5


Vie du droit Tout d’abord à l’échelle européenne, l’ineffable Convention Dublin II imposant le dépôt de la demande d’asile dans le premier pays d’entrée dans l’Union, qui est souvent, comme la Grèce par exemple dépourvu de tout moyen sérieux d’y faire face, avec pour corollaire l’errance sur le territoire de l’Union de troupes de demandeurs d’asile. S’y ajoute la déclinaison au niveau national du placement en procédure prioritaire à la seule discrétion de l’administration, notamment à partir de la fameuse « liste de pays sûrs », que la loi autorise l’Ofpra à établir, fixant ainsi ellemême, curieusement, les conditions de recevabilité dont elle sera juge ensuite dans les faits. Quant à la pertinence de cette liste, je n’aurais pas la cruauté d’insister sur le tragique exemple du Mali. Cette notion d’exception procédurale, si proche de l’arbitraire, devrait être exclue dans tout pays démocratiquement géré, dès lors qu’il s’agit ici d’appliquer des conventions internationales parfaitement claires et que nous avons des juges de qualité pour en décider. Laissons les juges faire librement et sereinement leur travail en toutes circonstances. D’autres ont dit, tout à l’heure, mieux que moi tout le mal qu’il fallait penser de cette étrange procédure, pour que j’ajoute quoi que ce soit. Je n’insisterai pas davantage sur les conditions matérielles d’accueil et d’accès à la procédure dans notre pays et sur le fait que l’urgence est devenue le crédo d’une politique sans vision et sans perspectives. Mais on ne peut évidemment pas parler aujourd’hui du droit d’asile sans le situer au niveau européen, devenu majeur et qui nous interpelle, nous, associations, d’une manière toute particulière. Désormais, les arrêts des deux cours européennes ont un impact essentiel sur le déroulement de la procédure en France et les conditions concrètes d’accueil ! - J’en veux pour preuve une des dernières décisions de la Cour Européenne des droits de l’Homme qui, en février dernier, a reconnu qu’un recours effectif doit être suspensif de l’éloignement pour un demandeur d’asile primoarrivant. Nous attendons sur ce point depuis Mars 2012 un décret mettant en œuvre cette décision. - L’arrêt de la cour de justice de l’Union européenne de Septembre dernier en est une autre illustration, en reconnaissant le droit à des conditions matérielles d’accueil pour les demandeurs d’asile placés sous Dublin. Au plan normatif, nous apportons une extrême attention à l’é volution des travaux sur les différentes directives européennes qualification-procédure - accueil, au processus lent, complexe difficile dans les âpres négociations entre la Commission, le Parlement européen et le Conseil. La nouvelle directive qualification, adoptée en décembre 2011, propose, elle, un meilleur encadrement des critères d’accès à la protection. Par exemple, l’application de l’asile interne devra dorénavant répondre à des critères stricts. La protection accordée doit désormais être « effective et non temporaire ». La définition du groupe social, a elle aussi évoluée renforçant la prise en compte des aspects liées au genre. Cela devrait avoir un

impact en France puisque depuis 2010 le Conseil d’Etat a défini l’appartenance à un groupe social en renvoyant à la directive qualification (article 10.1.d.), laquelle mentionne le concept de genre. En s’appuyant sur cette définition, la CNDA a, depuis lors, reconnu plusieurs cas invoquant des persécutions liés au genre. En effet, la jurisprudence sur ces questions se développe et permet peu à peu d’enrichir la réflexion et de mieux appréhender le genre dans la demande d’asile. La CNDA est ainsi intervenue à plusieurs reprises lors de réunions de réflexion autour de cette problématique organisées par France terre d’asile qui pilote et relaie en France les travaux européens sur cette question. Nous nous félicitons donc du travail commun d’appropriation accompli avec les services de la Cour sur ce dernier aspect. Voilà le type de coopération qui permet d’avancer concrètement au service du droit d’asile. On observe également un alignement des droits des bénéficiaires de la protection subsidiaire sur ceux des réfugiés et le renforcement de la prise en compte des difficultés spécifiques d’intégration pour les personnes bénéficiant d’une protection internationale. Voilà une directive qui, lorsqu’elle sera transposée (avant septembre 2013) pourra utilement faire évoluer certains éléments de la protection en France. La nouvelle directive accueil, en cours d’adoption (d’ici fin 2012), propose un encadrement des conditions d’accueil des personnes vulnérables, parmi lesquelles sont désormais inscrites les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves et les personnes ayant des problèmes de santé mentale. La prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et les aspects liés au genre (séparation femmes/hommes, mesures de prévention des violences sexuelles…) doit être soulignée. Cette directive comporte de nombreux articles consacrés à la rétention qui permettent, certes, d’encadrer cette pratique, mais ne risquent-ils pas également d’augmenter le recours à la rétention à l’échelle européenne ? La nouvelle directive propose en effet un large panel de motifs de placement en rétention qui, combiné à l’absence d’un contrôle juridictionnel automatique, permettrait aux États membres de placer les demandeurs d’asile en rétention de manière quasi systématique et arbitraire. Par ailleurs, concernant le montant des allocations (ATA + hébergement) accordée aux demandeurs d’asile, le nouveau texte prévoit que celles-ci ne peuvent pas être plus favorables que les minimas sociaux accordés aux nationaux. Il y a là, potentiellement, les éléments d’un débat difficile sur le plan national, alors que le système actuel nous interpelle déjà gravement quant aux conditions de vie des bénéficiaires, retentissant nécessairement sur l’exercice pratique de leurs droits. Enfin, la directive procédure, en cours de négociations, soulève de nombreuses inquiétudes consécutives à la raideur du Conseil et des Etats Européens : élargissement des critères d’accélération d’une demande d’asile, possibilités de dérogations aux garanties procédurales « lorsqu’un nombre élevé de ressortissants de pays tiers demandent

simultanément une protection internationale », dérogations ajoutées à l’effet suspensif d’un recours… Aucun accord n’a encore abouti sur ce texte. Mais l’effet de l’adoption d’une telle directive et de sa transposition risque d’être désastreux. Faut-il enfin évoquer les règlements Dublin et Eurodac, textes directement applicables, en cours d’adoption (d’ici fin 2012) dont les effets sur le plan des libertés fondamentales risquent d’ouvrir d’intenses, passionnants et passionnés débats ? Ainsi, par exemple, le nouveau règlement Eurodac, en négociation, proposerait d’accorder la possibilité aux autorités de sécurité d’accéder à la base de données Eurodac, posant ainsi quelques problèmes majeurs On le voit, notre législation nationale, notre pratique risquent d’être particulièrement affectée par cette production européenne et nous devons être particulièrement vigilants pour qu’au moment de la transposition de ces directives dans le droit français nous n’en épousions pas les aspects les plus négatifs.

Conclusion Je terminerai, si vous me le permettez, en soulignant ce qui me parait une évidence, votre activité et la nôtre représentent les deux bouts d’une même chaine, celle qui consiste à permettre que la justice soit pleinement rendue en matière d’asile, qu’aucun de ceux qui pourrait y prétendre ne soit laissé au bord du chemin ,les avocats ayant, également, de leur côté, un rôle déterminant dans cette chaîne, dans le cadre d’une défense efficace pour la manifestation de la vérité, ce qui rend impérieuse une aide juridictionnelle convenable rémunérant à un niveau normal le travail accompli. L’affaire est apparemment en chantier. Nous verrons quels effets concrets elle produira. Souhaitons les aussi heureux que possible. Il s’agit également de faire en sorte qu’au niveau administratif se manifeste une même volonté d’aider à cette révélation du vrai, tournant le dos à tout malthusianisme. Il faut en effet raison garder et ne pas perdre de vue, tout de même, que notre pays, de 66 millions d’habitants, n’ accueille qu’environ 50 000 demandeurs d’asile par an ,soit à peine 0,7 % de cette population et une part, somme toute, modeste des réfugiés dans le monde, avec un taux de reconnaissance finale moyen, en l’état, de l’ordre de 25 %. Ce ne sont tout de même pas des hordes ! Dès l’instant que nous participons tous à une chaîne, souhaitée la plus efficace et la plus vertueuse possible, il serait heureux que, dans un esprit de progrès constant qu’une collaboration s’établisse entre ses différents acteurs et, spécialement, entre, d’une part, l’OFPRA et surtout votre Cour ainsi que les Associations française et internationale des juges de l’asile et d’autre part le monde associatif spécialisé. Cela existe à l’étranger notamment en Italie et au Royaume Uni par exemple. Pour notre part, nous y sommes prêts, Les sujets de réflexion communs ne manquent pas. Reste à se rencontrer et à les définir.

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5

201-050

21


Annonces judiciaires et lĂŠgales

22

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numĂŠro 5


Annonces judiciaires et lĂŠgales

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numĂŠro 5

23


Annonces judiciaires et lĂŠgales

24

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numĂŠro 5


Annonces judiciaires et lĂŠgales

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numĂŠro 5

25


Annonces judiciaires et lĂŠgales

26

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numĂŠro 5


Annonces judiciaires et lĂŠgales

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numĂŠro 5

27


Annonces judiciaires et lĂŠgales

28

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numĂŠro 5


Annonces judiciaires et lĂŠgales

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numĂŠro 5

29


Annonces judiciaires et lĂŠgales

30

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numĂŠro 5


Annonces judiciaires et lĂŠgales

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numĂŠro 5

31


Vie du droit

Conseil National des Barreaux Assemblée Générale - Paris, 18 janvier 2013 hristian Charrière-Bournazel, élu début 2012 pour trois ans, a été réélu vendredi dernier à l’issue de l’Assemblée Générale qui s’est tenue au 22 rue de Londres à Paris. En effet, les statuts prévoient que le Président doit être « confirmé » dans ses fonctions tous les ans pendant la durée de son mandat. Cette année l’unique compétiteur de l’ancien Bâtonnier de Paris était Arnaud Lizop, avocat au Barreau de Paris et membre du Conseil National des Barreaux, en effet Yannick Sala, Président de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats et également membre du Conseil National des Barreaux n’avait pas maintenu sa candidature. Il y avait 82 votants, en fait 81 car le Président ne vote pas ; Christian Charrière-Bournazel a obtenu 53 voix alors qu’Arnaud Lizop en a recueilli 10. Nous lui souhaitons pleine réussite dans la poursuite de ses fonctions à la tête du Conseil National des Barreaux institué par la loi 90.1259 du 31 décembre 1990 qui a notamment pour but de représenter la profession d’avocat au plan national, d’unifier ses règles et usages, d’assurer la formation professionnelle des avocats et d’organiser l’accès au Barreau Français des avocats étrangers. Jean-René Tancrède

C

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Christian Charrière-Bournazel

2013-051

Au fil des pages

Le faux en art et en droit par Claude Ducouloux-Favard

e livre part d'un constat : l'oeuvre d'art est devenue un produit du commerce mondial que des galeries, généralement multinationales, proposent aux amateurs dont beaucoup sont de véritables spéculateurs. Dans ce contexte, si la marchandise vient à manquer, elle se fabrique via de nombreux faussaires plus ou moins habiles. L’oeuvre d'art, immergée dans le monde de l'argent, fait alors l'objet de tractations illicites dont certaines affaires - de Michel-Ange à Courbet en passant par Brancusi - ont fait grand bruit... C'est ici que le juge apparaît et qu'il pénètre dans un univers quelque peu à part : celui des artistes. Dans sa création, l'artiste est loin des contingences matérielles : le droit est là pour assurer la protection de ce qui n'appartient qu'à

C

32

lui. Mais si le juge est amené à rétablir l'ordre dérangé par les faussaires et autres trafiquants, il n'a pas pour rôle d'apprécier l'oeuvre d'art, pas même son authenticité. Qu'est-ce qu'un « faux » pour un artiste ? Pour un juriste ? Si la notion de « faux » pour les esthètes ne coïncide pas complètement avec celle que retient le droit, il faut entrer dans une définition juridique de droit commun, du droit pénal ou du droit civil, ce qu'explore ici cet ouvrage inédit et illustré. Peintre amateur, Claude Ducouloux-Favard est avocat honoraire du barreau de Paris et maître de conférences honoraire de l'université ParisDauphine. Elle s'adresse aussi bien aux acteurs de l'art et du droit qu’aux étudiants et grand public passionnés. 2013-052

Les Annonces de la Seine - lundi 21 janvier 2013 - numéro 5


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.