Edition du jeudi 23 janvier 2014

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LES ANNONCES DE LA SEINE Jeudi 23 janvier 2014 - Numéro 5 - 1,15 Euro - 95e année

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Jean Trotel, Danielle Chuzeville, Jean-François Carenco et Jacques Beaume

Cour d’appel de Lyon

RENTRÉE SOLENNELLE

Cour d’appel de Lyon - L’organisation judiciaire par Jean Trotel .................................. 2 - Justice participative par Jacques Beaume................................ 6 l Ecole de Formation des Barreaux - Apprendre à exercer le plus beau métier du monde par Jean-Louis Scaringella ...................................................... 10 - Un nouveau modèle d’enseignement entre tradition et modernité par Laurent Martinet ....................................... 12 - Etre prêts au combat par Jean-Yves Le Borgne ................... 14 - Devenir partenaires de justice par Jacques Degrandi ........ 16 - Prestation de serment de la Promotion Jean-Yves Le Borgne en audience solennelle foraine ................................................... 17 l

VIE DU DROIT

Ministère de la Justice - Transposition de la directive « accès au dossier » et création de la mission Beaume ................................................ 18 l Syndicat de la Magistrature - Accès au dossier et droits de la défense : en attendant 2016 ..... 18 l Barreau de Paris - Géolocalisation : vers un « Patriot Act » à la française ? ............. 19 l Installation et réforme du Tribunal des conflits................. 20 l Tribunaux de commerce - Une nécessaire réforme ? ............................................................... 20 l Le Cercle - Dîner du 16 janvier 2014 .................................................................32 l

VIE DU CHIFFRE

Ministère de l’économie - Rencontre entre Pierre Moscovici et Jacob J. Lew .................... 19

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ANNONCES LÉGALES ............................................ 21

Audience Solennelle de Rentrée, 13 Janvier 2014

A

leur tour, Jean Trotel et Jacques Beaume feront valoir leurs droits à la retraite dans quelques mois, ainsi le Premier Président et le Procureur Général près la Cour d’appel de Lyon ont présidé, pour la dernière fois, l’Audience Solennelle de Rentrée dans le Palais de Justice historique des 24 colonnes restauré de 2009 à 2013 (Les Annonces de la Seine du 7 mars 2013, pages 9 et suivantes). Après avoir dressé le traditionnel bilan d’activité juridictionnelle de l’année écoulée, le Premier Président Jean Trotel, s’appuyant sur le contenu des rapports commandés par Madame la Garde des Sceaux Christiane Taubira à Jean-Louis Nadal, Didier Marshall, Pierre Delmas-Goyon et à l’Institut des Hautes Etudes sur la Justice (IHEJ) dont le secrétaire général est un magistrat (Antoine Garapon) afin de placer le citoyen au cœur de la justice du 21ème siècle, a déclaré « Le temps n’est il pas venu pour nos professions de dépasser les discours incantatoires et de passer aux actes ? ».

« Notre société toute entière se trouve à l’aube de bouleversements majeurs, chacun le devine, chacun le pressent. Le temps n’est plus à perpétuer, telles des vulgates, d’anciennes certitudes ni à nous réfugier dans des références usées » a t-il ajouté avant de conclure en citant André Gide : « Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu’écrit la raison ». Quant au Chef du Parquet de la Cour lyonnaise, il a abordé principalement trois thèmes : l’activité pénale, le rôle du Parquet Général en matière commerciale ainsi que les sanctions contre les débiteurs avant d’évoquer l’avenir pour conclure ses propos et envoyer un message fort aux Parquetiers de France : « Il faut revoir les fondations de notre procédure pénale, encore trop inspirée de l’héritage inquisitoire, alors même que plus de 90 % des enquêtes pénales diligentées dans notre pays le sont sous le seul contrôle du Parquet afin de bien accompagner nos procédures, qui n’ont pas démérité, vers un progrès maîtrisé et une efficacité nouvelle ». Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ʼA NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE


LES ANNONCES DE LA SEINE

Rentrée solennelle

Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr

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Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05

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Jean Trotel

Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Agnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes Administrateurs Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Magistrat honoraire Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Chloé Grenadou, Juriste d’entreprise Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Gérard Haas, Avocat à la Cour, Président de Gesica Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :

Didier Chotard Frédéric Bonaventura

Commission paritaire : n° 0718 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 13 184 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de lʼAtlas - 75019 PARIS

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Copyright 2014 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 24 décembre 2013 ; des Yvelines, du 19 décembre 2013 ; des Hautsde-Seine, du 18 décembre 2013 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 décembre 2013 ; du Val-de-Marne, du 30 décembre 2013 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales. -Tarifs hors taxes des publicités à la ligne A) Légales : Paris : 5,49 € Seine-Saint-Denis : 5,49 € Yvelines : 5,24 € Hauts-de-Seine : 5,49 € Val-de-Marne : 5,49 € B) Avis divers : 9,76 € C) Avis financiers : 10,86 € D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,83 € Hauts-de-Seine : 3,83 € Seine-Saint Denis : 3,83 € Yvelines : 5,24 € Val-de-Marne : 3,83 € - Vente au numéro : 1,15 € - Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES

Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de lʼannonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les lignes de titres nʼexcéderont pas lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lʼannonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. Lʼespace blanc compris entre le filet et le début de lʼannonce sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de lʼannonce et le filet séparatif. Lʼensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de lʼannonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début dʼun paragraphe où dʼun alinéa sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans lʼéventualité où lʼéditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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L’organisation judiciaire par Jean Trotel

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ans doute avez-vous remarqué à quel point chaque année il nous plait, crédules que nous pouvons être, d’espérer un miracle du calendrier, comme si au nouvel an notre vieux monde pouvait renaître à la félicité. Les rentrées solennelles des juridictions n’échappent pas à cette douce espérance : elles traduisent la même volonté de régénérescence, la même aspiration à retrouver cycliquement une grâce et une autorité indemnes. Mais elles sont aussi un hommage à la tradition et à l’histoire la plus ancienne dans laquelle la justice puise ses fondements. Dans un monde en perpétuelle évolution, dans une société dont les repères les plus communément admis ont laissé place au doute et aux contradictions, la justice demeure en effet l’une des rares institutions de la République attachée à ses rites, non pour s’autocélébrer mais pour mieux souligner sa spécificité dans l’ordre constitutionnel et son rôle éminent dans un Etat de droit et, par là-même, ses propres obligations à l’égard de l’ensemble des citoyens. Nul ici n’ignore que les cours et tribunaux assurent un fonctionnement ininterrompu et permanent du service public de la justice du 1er janvier au 31 décembre de chaque année. Aussi cette audience solennelle, improprement qualifiée de rentrée, ne traduit aucunement une reprise d’activité de la cour, après une période d’interruption, mais constitue selon l’usage et les prescriptions du code de l’organisation judiciaire un moment privilégié d’expression et de communication à l’occasion duquel, en présence des représentants de la nation et de la société civile, il est rendu compte de l’activité de la cour et des conditions d’exercice des missions qui lui sont dévolues. Il s’agit aussi d’un moment privilégié pour l’institution qui peut ainsi, par la voix des chefs de cour, exprimer les défis et les enjeux auxquels, plus que jamais, la justice du 21ème siècle se trouve confrontée. L’année 2013 qui vient de s’achever avait commencé pour la cour de la manière la plus solennelle. Tenue en la présence de Madame la Garde des Sceaux, ministre de la justice, ainsi que de nombreux élus et personnalités, l’audience de rentrée avait été l’occasion, après quatre années

d’un immense chantier, d’inaugurer ce palais entièrement rénové. Il me plait, Mesdames et Messieurs, de vous confirmerquelesmagistratsetfonctionnairesquiont l’honneurdeservirenceslieux,enontprispleinement possession et qu’au-delà de l’émerveillement qui probablement vous saisit cette année encore lorsque vous portez votre regard sur le décor qui nous entoure, ces lieux tiennent toutes leurs promesses de fonctionnalité et d’adaptation à l’exercice d’une justice résolument ancrée dans son époque. Ces lieux ont encore été embellis au printemps dernier à la faveur des travaux d’aménagement de l’esplanade que Monsieur le sénateur-maire vous avez souhaité entreprendre dans le cadre du projet Rives de Saône. Chaque soir, la nuit tombée, est aussi l’occasion pour le promeneur d’admirer la mise en lumière de l’édifice, devenu cette année encore l’une des principales attractions du 8 décembre. Il m’est aussi agréable, Mesdames et Messieurs, de vous annoncer – et je sais que je peux associer Monsieur le Procureur Général à la joie de cette annonce – qu’afin de parfaire l’embellissement de notre palais, le ministère de la justice vient d’accepter la mise en place de lions en bronze de part et d’autre de l’escalier monumental conformément au souhait initial de Louis-Pierre Baltard. Jamais, depuis 1847, ce projet n’avait pu être réalisé. Il le sera d’ici quelques mois sans qu’il en coûte un euro pour le contribuable, au terme d’une opération tripartite associant l’Etat, l’association Renaissance du Vieux Lyon et la Fondation du patrimoine dont le financement sera entièrement assuré par un appel au mécénat. Parce que les vingt-quatre colonnes doivent être aussi un lieu de culture et d’enrichissement dans la connaissance des institutions de la République et des principes qui gouvernent l’organisation des pouvoirs, nous avions pris l’engagement l’an dernier d’ouvrir à nos concitoyens les portes de ce palais afin de partager ce patrimoine exceptionnel. Nous l’avons fait depuis le mois de mai dernier dans le cadre d’un partenariat avec l’Office du tourisme et des congrès du Grand Lyon que Monsieur le directeur des services judiciaires vous avez bien voulu formaliser par une convention et qui permet désormais plusieurs fois par semaine à des groupes de visiteurs de découvrir les lieux. A ces visites commentées, s’ajoutent celles des Journées européennes du patrimoine ainsi que celles que nous pouvons organiser en

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Rentrée solennelle Un second constat : la situation de la cour d’appel de Lyon n’est pas isolée. Elle est commune à la plupart des cours, confrontées à un afflux de procédures depuis plusieurs années, qu’il est difficile de traiter dans un délai raisonnable malgré les différentes réformes ponctuelles intervenues. Un second enseignement : l’office du juge et son périmètre d’intervention doivent être repensés. Ce n’est certes pas une idée récente. Les professionnels de la justice, les parlementaires familiers de l’institution judicaire, les Gardes des Sceaux successifs en charge de l’institution judicaire au cours des dernières années, ont pris conscience de cette nécessité et favorisé une réflexion en ce sens à la faveur de colloques, de groupes de réflexion et d’études diverses. Cette réflexion a abouti à des préconisations dont certaines ont été mises en œuvre, telles celles issues de la commission présidée par Monsieur le recteur Guinchard. Plus récemment, Madame Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la justice, a confié à quatre groupes de travail une mission de réflexion, ayant débouché sur des recommandations ou des propositions de nature à assurer une justice plus proche des citoyens, plus efficace et plus accessible. Ainsi l’Institut des hautes études sur la justice a déposé un rapport en mai 2013 sur l’évolution de l’office du juge et son périmètre d’intervention, suivi en novembre 2013 du rapport de la commission de modernisation de l’action publique présidée par Monsieur Jean-Louis Nadal, Procureur Général honoraire près la Cour de cassation, intitulé : « Refonder le ministère public », enfin, en décembre dernier le rapport du groupe de travail présidé par Monsieur DelmasGoyon sur « le juge du 21ème siècle » et le rapport du groupe de travail présidé par Monsieur Marshall sur « Les juridictions du 21ème siècle ». L’action de la justice s’inscrit dans la durée, soutenue par la recherche et la mise en œuvre de bonnes pratiques. Elle exige en toute circonstance

respect mutuel des missions imparties à chacun des professionnels de justice et des valeurs fondamentales dont ceux-ci sont porteurs. Elle ne sera efficace, comprise et respectée par nos concitoyens, particulièrement en ces temps de réformes annoncées, qu’à la condition qu’au sein de ces professions, la confiance prime sur la défiance, la complémentarité sur le clivage, la concertation sur la division, l’intérêt général sur les intérêts corporatistes ou particuliers. Dans cette perspective d’évolution de nos missions et organisations, il faut en premier lieu, me semble-t-il, s’extirper des fausses problématiques ou interrogations qui polluent le véritable débat sur les conditions d’adaptation de l’institution judiciaire aux attentes légitimes des justiciables. Nous connaissons ces attentes. Elles sont anciennes, précises et bien identifiées. Elles tendent à une justice plus rapide, plus proche, plus lisible, plus accessible, moins onéreuse. A cela s’ajoutent également de fortes attentes de nos concitoyens en termes d’accès au droit, ce qui est distinct de l’accès au juge. Ces attentes émanent, nous le savons, de publics diversifiés. A ceux confrontés à des difficultés économiques, sociales ou culturelles, un accompagnement personnalisé et de proximité doit être proposé pour accéder à une justice perçue comme inaccessible et incompréhensible. Aux autres, mieux adaptés, mais confrontés professionnellement à la complexité de la vie sociale, du monde du travail ou des affaires, doit être assurée une justice performante et spécialisée, condition d’une meilleure sécurité juridique dans les relations économiques et sociales. Face à ces attentes nous disposons de professionnels du droit qualifiés et spécialisés. Ainsi en est-il du niveau de compétence et de savoir-faire des personnels de l’institution judiciaire, magistrats et greffiers. Traditionnellement garanti pour les magistrats par la rigueur du recrutement et la qualité de la formation assurée par l’Ecole

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marge d’événements. Au total, ce sont près de 10 000 visiteurs venus de tous horizons qui ont déjà franchi les vingt-quatre colonnes depuis l’achèvement de leur restauration. Mais ces lieux, aussi magnifiques soient-ils, sont aussi des lieux où la justice s’exerce, où magistrats et fonctionnaires du greffe œuvrent chaque jour ainsi que nous ne manquons pas de le rappeler à nos visiteurs et que vous pourrez le constater en consultant le fascicule mis à votre disposition synthétisant les indicateurs d’activité et de performance de la cour pendant l’année écoulée. Quels enseignements doivent être tirés pour l’avenir ? Un constat tout d’abord. Force est de constater qu’en ce début d’année 2014, la situation de la Cour d’appel de Lyon est contrastée selon la nature des contentieux traités. Satisfaisante pour les chambres pénales, lesquelles ont bénéficié depuis près de quatre ans d’effectifs adaptés aux besoins, la situation des chambres civiles et sociales se dégrade lentement mais sûrement depuis trois ans, sans espoir de redressement significatif si les effectifs ne sont pas réajustés au niveau requis. Rappelons qu’en 2010 notre Cour, à l’instar des autres cours d’appel, avait été soumise à une réduction d’effectifs au bénéfice des tribunaux de grande instance. Concrètement et logiquement cette baisse a privé notre Cour d’une formation collégiale et d’une capacité de jugement de plus de 600 affaires chaque année, soit sur quatre ans près de 2 500 affaires qui n’ont pu être jugées. Un premier enseignement. En ces temps de contrainte budgétaire, en considération de la politique restrictive suivie ces dix dernières années en matière de recrutement de magistrats, concomitante à des départs en retraite massifs (1543 prévus entre 2010 et 2015, pour un corps de 7703 magistrat en juridiction au 1er janvier 2014), il nous faudra à court terme procéder à des arbitrages sur l’utilisation des moyens mais aussi revisiter en profondeur nos pratiques.

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Rentrée solennelle

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Michel Rutkowski

nationale de la magistrature, ce niveau n’a jamais été aussi élevé qu’actuellement pour nos collaborateurs greffiers et greffiers en chef, titulaires d’une formation universitaire de type licence ou master en droit, complétée par de solides enseignements théoriques et techniques dispensés par l’Ecole nationale des greffes. Il en est de même des avocats, notaires et huissiers dont la formation initiale et continue est aussi de grande qualité. La profession d’avocat en particulier s’interroge sur l’étendue de ses missions et sur l’évolution de ses effectifs. Le barreau de Paris s’est accru de 3500 avocats en deux ans. A ce rythme il attendra le chiffre de 35 000 en 2020. Celui de Lyon s’accroit de plus de 200 avocats chaque année et atteint un nombre supérieur à 2 900 en ce début d’année. L’effectif global des avocats atteint sur l’ensemble du territoire le nombre de 58 000. Rappelons que celui des magistrats à la même date atteint à peine plus de 8 000. Cette profession envisage une plus grande sélection des futurs avocats par l’instauration d’un examen national unique d’accès aux écoles. Quel que soit le sort qui sera réservé à ce projet, ne doit-on pas s’appuyer sur le dynamisme de cette profession et la mobiliser davantage dans la satisfaction des attentes des justiciables selon des procédures et un financement mieux adapté ? Les auteurs du rapport de l’Institut des hautes études sur la justice, cité il y a quelques instants, après avoir fait le constat que toute question sur le périmètre de « l’office du juge » avait été longtemps une question tabou, opèrent une clarification des offices du juge selon la source, selon l’intensité et selon l’objet. La classification des « offices du juge » selon le critère d’intensité opère ainsi une distinction entre : l « l’office virtuel » dans le cadre duquel les transactions sont obtenues en dehors du juge mais le recours à ce dernier est toujours possible, l « l’office d’autorisation » dans le cadre duquel le juge ne prend pas en charge le litige mais exerce un contrôle et autorise certains actes l enfin le « plein office » dans le cadre duquel le juge apporte un traitement individualisé des affaires graves ou complexes. Ces distinctions, tirées de l’intensité de l’office du juge, suggèrent d’utiles pistes de réflexion concernant tant le travail du juge qui doit assurément se recentrer sur « le cœur » de son métier que sur le partenariat qu’il nous faudra renforcer avec les auxiliaires de

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justice, lesquels devraient, en amont de l’intervention judiciaire, concourir significativement au règlement négocié des litiges. Les résultats d’une enquête d’opinion sur la justice, conduite en novembre 2013, révèlent par ailleurs qu’une grande majorité de nos concitoyens (de 60 à 97 % suivant les sujets évoqués) sont favorables à la recherche de solutions négociées plutôt que d’aller directement devant le juge. Ainsi en serait-il du règlement d’un désaccord avec un voisin, avec un artisan ou un commerçant, entre le locataire et le bailleur, s’agissant du paiement des loyers, entre salarié et employeur ou encore pour régler une situation de surendettement. S’appuyant sur le contenu des rapports évoqués il y a quelques instants, Madame le Garde des Sceaux a souhaité qu’un débat national s’instaure sur les moyens d’améliorer le service rendu au citoyen et les conditions d’exercice de leur mission par les professionnels de justice. Ce débat se poursuivra localement au sein des juridictions entre acteurs concernés (magistrats et fonctionnaires de greffe). Il sera bien évidemment élargi aux professionnels de justice (avocats, huissiers, notaires) ainsi qu’aux collaborateurs concourant à l’œuvre de justice (conciliateurs, médiateurs, experts). Le temps n’est-il pas venu en effet pour nos professions de dépasser les discours incantatoires et de passer aux actes ? Nous le savons, l’institution judiciaire, à droit constant, à moyens constants et à périmètre d’action également constant, n’est plus à même de satisfaire les attentes par trop plurielles de nos concitoyens. C’est l’institution elle-même et par voie de conséquence tous ceux qui y concourent qui perdent leur crédit à vouloir tout juger. L’écoute, que la masse de contentieux ne permet plus d’assurer, est pourtant au centre des attentes. Plus les demandes de justice sont diverses, plus celles et ceux qui les formulent sont eux-mêmes divers par leur origines, leur culture, leur capacité à comprendre les procédures, plus apparaît la nécessité d’une approche personnalisée pour que soit atteinte la pacification attendue de tout acte de juger. Cette écoute est avant tout celle de l’avocat qui, après avoir prêté conseil, portera la parole qu’il aura accueillie jusqu’à la barre du tribunal. De l’écoute à l’échange puis à la négociation il n’y a souvent qu’un pas qu’une commune volonté permet de franchir. Les avantages des procédures négociées sont connus

de tous. Au-delà de la conciliation et de la médiation dans lesquelles les avocats doivent prendre toute leur place, d’autres instruments sont d’ores et déjà entre leurs mains. Ainsi en est-il de la convention dite de procédure participative, encore trop méconnue des avocats eux-mêmes, par laquelle préalablement à toute saisine d’un juge, les parties assistées de leur avocat s’obligent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution de leur différend. Rédigée par les avocats, la convention offre aux parties la possibilité d’échanger dans un cadre organisé et sécurisé qui leur permettra, à l’issue du processus, soit de conclure un accord soit, en cas de persistance de tout ou partie du différend, de saisir la justice de ce qu’il restera de leur désaccord, l’échange de pièces et d’arguments auquel elles se seront livrées ayant contribué à mettre l’affaire en état. Allant plus encore de l’avant, le groupe de travail sur « le juge du 21ème siècle » vient de proposer de prolonger la dynamique participative à l’instance elle même en préconisant la création d’actes de procédure d’avocat. Il s’agirait de permettre aux avocats de participer activement à l’instruction de l’affaire en procédant euxmêmes contradictoirement entre eux, les uns, aux constatations qu’ils pourront faire en se transportant sur les lieux d’un litige, les autres aux auditions des parties ou des témoins, les autres encore à la consultation de techniciens. Le procès civil, présenté de façon traditionnelle mais d’un autre âge comme la chose des parties, deviendra la responsabilité de ces mêmes parties et de leurs avocats qui au prix d’une loyauté ressourcée au cœur même de leur serment, deviendront plus que jamais acteurs du procès. Mesdames,messieurs,vousl’aurezcompris,lesdéfis quiattendentnosprofessionsetqu’individuellement il nous faudra relever, sont considérables. Ils sont ceux d’un environnement professionnel en pleine évolution et d’une modernisation galopante des pratiques judiciaires. Mais la justice n’est pas qu’une somme de procédures ni même de professionnels qui œuvrent à les traiter. C’est aussi un territoire dans lequel elle déploie ses compétences et ses moyens. Ainsi que l’a écrit Jacques Commaille, membre de l’institut des sciences sociales du politique, « la justice n’échappe pas au fait que, de façon générale, l’Etat n’est plus maître des territoires de la puissance publique, lesquels sont de plus en plus désajustés par rapport à la nature des problèmes posés sous le double effet de la globalisation et de la localisation. L’Etat lui-même n’est-il pas à la recherche de ses territoires ? » Au-delà de ce qui pourrait paraître une boutade, la question présente une actualité particulière dans notre ressort et dans le Rhône en particulier où la justice ne pourra faire l’économie d’une réflexion et, si besoin, d’une adaptation de son organisation territoriale. Définitivement votée par le Parlement le 19 décembre dernier, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, actuellement pendante devant le Conseil constitutionnel, prévoit la création dès à compter du 1erjanvier 2015 d’une nouvelle collectivité territoriale à statut particulier, comparable à aucune autre, la métropole de Lyon (actuel Grand Lyon) qui aura vocation à exercer sur son territoire notamment les compétences d’un département sans en être un pour autant. Née de votre volonté, Monsieur le sénateurmaire, ainsi que de celle de Michel Mercier, alors

Les Annonces de la Seine - Jeudi 23 janvier 2014 - numéro 5


Rentrée solennelle prochain ? En l’état des textes, s’ils ne sont pas amendés, seul le département du Rhône, en ce non compris la métropole de Lyon, pourra être siège en son chef-lieu d’une cour d’assises. Les conséquences seraient de deux ordres : d’une part, la création d’une cour d’assises à Villefranche-surSaône, dans le cas où cette commune deviendrait chef-lieu du nouveau département, d’autre part, la disparition pure et simple d’une cour d’assises à Lyon (la future métropole n’étant pas un département), voire l’impunité des crimes qui seraient commis sur le territoire de cette métropole, faute de juridiction compétente territorialement pour les juger. Chacun l’aura compris, la délinquance dans l’actuel arrondissement de Villefranche ne justifie heureusement pas d’y ériger une cour d’assises ad hoc alors qu’il serait inconcevable que les vingtquatre colonnes où furent jugés des procès parmi les plus importants de l’histoire de France ne continuent pas d’être siège de cour d’assises. La solution que nous préconisons consistera probablement dans la mise en place d’une seule juridiction compétente pour les deux territoires mais cela ne pourra se faire qu’au prix d’une modification de la loi et d’adaptations concernant tant le nombre d’électeurs à tirer au sort dans chaque commune qu’il vous incombe d’arrêter, Monsieur le préfet, dès le mois d’avril de l’année n-1, que concernant la composition de la commission chargée d’établir la liste annuelle du jury criminel, sauf à admettre que seuls les conseillers généraux, futurs conseillers départementaux du Rhône, y siègent ainsi que les textes actuels le prévoient et que la métropole de Lyon et ses plus de 1 300 000 habitants n’y soient pas représentés. Deuxième exemple : celui du ressort territorial de nos juridictions. La création à Lyon d’une métropole précédera de quelques semaines l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, laquelle entraînera le renouvellement intégral des conseils départementaux (ainsi appellera-t-on les anciens conseils généraux) au scrutin binominal (1 homme, 1 femme), lequel aura

nécessité entre temps un redécoupage des cantons dont le nombre sera divisé par deux. Circonscription d’élection des conseillers généraux puis, à compter de 2015, des conseillers départementaux, le canton est aussi la référence en matière de carte judiciaire et de compétence territoriale des juridictions tant en matière civile qu’en matière pénale. En effet, en application des articles D.211-1 et D.221-1 du code de l’organisation judiciaire, le siège et le ressort des tribunaux de grande instance et d’instance sont fixés par référence aux cantons. Au-delà du redécoupage déjà évoqué qui est de dimension nationale et concernera l’ensemble des juridictions, nous savons déjà que la création de la future métropole de Lyon entraînera la disparition des cantons dans l’ensemble de son périmètre. Si l’arrondissement de Villefranche-sur-Saône qui sera entièrement situé dans le futur département du Rhône, ne subira pas les contrecoups de cette disparition, il en est tout autrement des juridictions de l’arrondissement de Lyon (TGI de Lyon, tribunaux d’instance de Lyon et de Villeurbanne, tribunal de police de Lyon) dont l’assise territoriale elle-même deviendra pour partie caduque au 1er janvier prochain. Troisième exemple : les juridictions dont le ressort territorial est expressément rattaché à un département. Outre la cour d’assises déjà évoquée dont il est prévu qu’elle doit être tenue dans chaque département, bien d’autres juridictions moins connues mais plus importantes encore pour nos concitoyens, notamment parmi les plus fragiles, qui y recourent quotidiennement, sont instituées par référence au département au chef-lieu duquel il est généralement précisé qu’elles ont leur siège. Pour chacune d’elles, devra être posée et solutionnée avant le 1er janvier prochain la question de leur ressort et de son articulation avec le fait que partie de ce ressort, sur le territoire de la future métropole de Lyon, sera situé hors département. Ainsi en est-il du tribunal des affaires de sécurité sociale, du tribunal du contentieux de l’incapacité, du juge de l’expropriation

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président du conseil général, la création de la métropole entraînera en effet à la fois la fusion de la communauté urbaine et de la partie du département du Rhône correspondant à son périmètre alors que, hors des limites de cette collectivité sui generis, prendra place un nouveau département du Rhône à la superficie certes plus réduite dont la population le placera néanmoins au 51ème rang parmi les départements français. La création, dans moins de douze mois, de ces deux nouvelles entités nécessitera d’adapter tant l’organisation générale des services de l’Etat que l’organisation judiciaire dans les ressorts des tribunaux de grande instance de Lyon et de Villefranche-sur-Saône. Dans le cadre des travaux préparatoires dont vous avez pris l’initiative et auxquels notre cour a pris part, sous le regard de la direction des services judiciaires, vous avez préconisé, Monsieur le préfet, que la circonscription d’Etat correspondant actuellement au territoire du Rhône continuera de correspondre à ce territoire et s’étendra alors tant au nouveau département du Rhône qu’à la métropole de Lyon. Ainsi, à compter du 1er janvier prochain, le préfet de la région Rhône-Alpes serait aussi préfet du département du Rhône et de la métropole de Lyon. De même les services de la préfecture et les directions départementales et les unités territoriales seraient compétentes sur les deux territoires. Nul n’ignore ici que l’organisation judiciaire a ses spécificités. La création de la métropole de Lyon en rappelle la singularité et chacun pourra mesurer l’importance des adaptations qu’il nous faudra mettre en œuvre, y compris par voie législative ou réglementaire, d’ici au 1er janvier 2015. L’enjeu est simple et de taille à la fois : il s’agit de permettre à nos juridictions de continuer de fonctionner au-delà du 31 décembre de cette année. Trois exemples suffiront à illustrer mon propos. Premier exemple : celui de la Cour d’Assises du Rhône. L’article 232 du Code de procédure pénale dispose qu’il est tenu des assises à Paris et dans chaque département. Qu’en sera-t-il dans le Rhône et dans la métropole de Lyon à compter du 1er janvier

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Rentrée solennelle mais aussi du conseil départemental de l’accès au droit ou encore du comité départemental d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dont la compétence est adossée au département. Ajoutez à cela que le ressort du tribunal de grande instance de Lyon et de ses juridictions « satellites » sera partagé entre la métropole de Lyon et le futur département du Rhône, lesquels pourront exercer les mêmes compétences chacun pour son territoire – je pense notamment à l’aide sociale à l’enfance – et vous comprendrez la difficulté à laquelle notamment les juges des enfants seront exposés, confrontés qu’ils seront à des partenaires et à des financeurs différents selon que la résidence des parents des mineurs concernés sera située dans l’une ou l’autre des entités.

Plus qu’un chantier, il s’agit d’un rendez-vous auquel les services judiciaires et notre ministère ne pourront se dérober. Notre société toute entière se trouve à l’aube de bouleversements majeurs, chacun le devine, chacun le pressent. Le temps n’est plus à perpétuer, telles des vulgates, d’anciennes certitudes ni à nous réfugier dans des références usées. Alfred de Musset, cet enfant d’un autre siècle, nous l’annonçait déjà à sa façon : « Tout ce qui était n’est plus, tout ce qui sera n’est pas encore ». La Justice n’échappera pas au grand basculement qui déjà pointe à l’horizon. Ayons à l’esprit en ces temps de réflexion et d’action, cette belle pensée d’André Gide, pleine d’audace et de mesure : « Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu’écrit la raison ».

Monsieur le directeur des services judiciaires, nous vous avons saisi de l’ensemble de ces problématiques et vous nous avez déjà assurés de votre écoute et de votre détermination. Nous vous redisons - et je sais que je peux me faire l’interprète de Monsieur le procureur général - que nous sommes non seulement disposés mais plus encore nous demandons instamment à inscrire l’institution judiciaire dans la dynamique de la création de la métropole de Lyon. Le Rhône et ses juridictions peuvent être le laboratoire d’une Justice du 21ème siècle et des nouvelles organisations – chacun pense ici bien entendu au tribunal de première instance ou à toute autre forme d’intégration des juridictions dans ce nouveau territoire – qu’il nous faudra mettre en œuvre dès avant le 1er janvier prochain.

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Jacques Beaume

Justice participative par Jacques Beaume

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n récent sondage, dont les résultats ont été exposés lors des deux Journées sur la Justice du 21ème siècle organisées en cette fin de semaine par la Garde des Sceaux, nous offre quelque espoir. Si l’ensemble de la population en reste toujours sur ses représentations classiques (compétence et indépendance des magistrats, mais lenteur, complexité, obscurité, fonctionnement suranné...), les mêmes questions posées à des citoyens ayant eu recours à la justice au cours des dix dernières années, nous donnent meilleur espoir : sans aucun triomphalisme du fait de la fragilité des résultats, notons de modestes mais constants progrès entre 2001 et 2013 sur toutes les questions posées : qualité de l’information préalable donnée, locaux, accueil des fonctionnaires et des magistrats, déroulement de l’audience et délais de décision, respect et courtoisie, compétence et compréhension, efficacité, humanité et disponibilité, y compris, avec évidemment plus de nuance, de la part de ceux qui sont insatisfaits de la décision. Si ces résultats ne nous valent pas absolution de nos péchés, peut-être progressonsnous vers le purgatoire.... L’année dernière, nous fêtions, en grande solennité notre Palais de justice rénové. Je ne peux cette année qu’avoir un pincement au cœur à prendre la parole devant vous alors que

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cette année m’appellera à d’autres activités plus privées...Vous pourriez dès lors vous attendre à l’exercice prophétique de celui qui s’estime investi de la mission de livrer son héritage. Vous serez, selon le cas, rassurés ou déçus... Une anecdote, qui me vaut philosophie définitive à cet égard : Lorsque je dirigeais dans ces murs au cours des années 70 le parquet économique et financier, mon procureur général fut M. Truche, à qui j’adresse un salut chaleureux, fidèle, et judiciairement filial : lorsque, prenant ses fonctions, il vint visiter notre section, dont je rappelle, car tout le sel est là, qu’il en fut l’inventeur, il me dit en partant : « Ce que vous faites est bien, d’autant mieux que vous ne faites pas comme j’ai fait moi-même » Héritage mais changement. Mes chers Procureurs, Mes chers collègues des parquets, qui exercez un métier qui ne pourra jamais vous décevoir, je suis heureux, bien plus, je vous demande, que vous ne fassiez pas comme j’ai fait, car l’avenir du ministère public, c’est vous. La « Justice du 21ème siècle », c’est vous qui la concevrez et la mettrez en œuvre, dans et pour une société qui n’est plus celle pour laquelle nous avons œuvré dans la justice du 20ème siècle. Saisissez cette occasion avec enthousiasme. J’aborderai, aujourd’hui, pour ne pas doublonner ce qui vient de vous être dit par le Premier Président, trois thèmes, en vous renvoyant à la plaquette retraçant une année d’activité, à nouveau intense, de notre Cour d’appel. Mesdames et Messieurs puisque j’en suis à

vous entretenir de l’activité pénale de nos juridictions, plutôt que de décliner une litanie de chiffres d’activité, j’ai choisi de faire devant vous aujourd’hui, un focus, comme on dit aujourd’hui, depuis sa création il y a dix ans, d’une procédure pénale particulière, qui nous a obligé à une réflexion nouvelle mais qui a désormais conquis toute sa place : La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC, comme nous disons quotidiennement, le « plaider coupable » à la française. Cette procédure a été créée par la loi du 9 mars 2004, d’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « Perben II », modifiée par la loi du 13 décembre 2011, et figure désormais aux articles 495-7 à 495-16 du Code de procédure pénale. La CRPC est applicable aux personnes majeures, ayant commis des délits punis d’une peine d’une durée supérieure à 5 ans (à l’exception d’atteintes graves involontaires ou volontaires à l’intégrité physique, notamment les délits sexuels). Elle permet au Procureur de proposer à cette personne d’effectuer une peine, y compris d’emprisonnement ferme, d’une durée maximale d’un an ou de la moitié de la peine encourue. En cas d’acceptation, cette proposition du parquet sera (ou non) homologuée par le président du tribunal ou son juge délégué, au cours d’une audience très simplifiée sans débat, où le juge n’effectue qu’une espèce de « contrôle de l’erreur manifeste » : la réalité et la qualification des faits, l’acceptation éclairée de l’auteur, et le caractère « justifié » de la peine au regard de la gravité et de la personnalité. Deux conditions essentielles accompagnent cette CRPC : L’auteur doit reconnaître les faits, et, pour garantir la totale liberté de son acceptation de la sanction, cette procédure ne peut en aucun cas se dérouler sans la présence d’un avocat. Accueillie fraîchement par certains, « comme une procédure qui fait souffler un vent de common law sur notre procédure pénale ancrée sur ses bases de droit latin », qui institue une « prime à l’auto incrimination au centre du déséquilibre entre la défense et le parquet », la CRPC peut, lui concédaiton, avoir une utilité dans le contentieux de masse. D’autres y voyaient au contraire la panacée définitive à nos difficultés pénales. Je formulerai quelques observations, qui permettront, je pense, de tempérer aussi bien l’excès d’honneur qu’on lui accorde que l’excès de défaveur dont on 1’affuble : l Il n’est pas douteux que cette procédure comporte une dimension juridictionnelle moins aboutie, à travers le rôle cantonné qu’elle accorde

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Rentrée solennelle probabilité suffisante de l’homologation, une concertation en amont entre parquet et siège, en un mot, dans le respect des attributions de l’un et de l’autre, une forme de politique pénale de juridiction, dont chacun notera qu’elle figure en bonne place dans les préconisations des divers rapports Marshall ou Delmas-Goyon, évoqués il y a quelques instants par le Premier Président, ou Nadal, dont je parlerai brièvement plus avant. Elle place ensuite procureur et juge dans un rôle nouveau : le premier, moins dans un imperium supérieur que dans le rôle pédagogique de replacement du citoyen devant sa responsabilité ; le second, dès lors que l’apaisement de l’ordre public, la réparation de la victime et la restauration de l’auteur sont acquis, dans un rôle moins de « punisseur » que « valideur » d’une paix retrouvée. Elle induit enfin, en incluant la présence obligatoire de l’avocat, un nouveau rapport de l’auteur d’une infraction avec la justice pénale, non pas en ce que « l’aveu devient dans la CRPC la seule charge probante ». Mais en ce que la reconnaissance éclairée de la responsabilité associée à l’admission de la sanction et à la considération portée à la victime comportent une réelle vertu de restauration d’un citoyen. Il faut noter que ces modes de justice participative, outre que de nombreux pays la pratiquent avec succès, figurent parmi les préconisations de modernisation de notre institution figurant dans les divers rapports que je viens de citer. Après le domaine, pénal, permettez-moi, sans effort littéraire de transition, d’aborder, en cette seconde partie de mon propos, un autre aspect, bien plus méconnu de l’activité de nos parquets. Il s’agit de leur rôle en matière commerciale, dont chacun, dans le contexte économique et social actuel, comprend aussitôt à la fois la nécessité et l’importance. Au sein de la contribution du parquet à la matière civile, qu’on a pu qualifier de « point aveugle » de son activité, car à ce jour dépourvu de tout instrument quantitatif et qualitatif de mesure, et alors même que 2 000 références à l’action non-

pénale du ministère public ont été relevés dans les textes civils, sociaux, commerciaux par une étude de l’université de Saint-Etienne menée en 2011, nos parquets consacrent une part significative de leur travail à la matière commerciale, pas du reste autant qu’ils l’estimeraient nécessaire : deux quasitemps pleins au parquet de Lyon, un tiers de temps de magistrat à Bourg et Saint-Etienne, un quart de temps à Villefranche et Roanne, auxquels s’ajoute un gros mi-temps au parquet général. On peut estimer à ce jour que presque 4 magistrats sur les 70 présents dans le ressort, se consacrent en totalité au droit commercial auprès des cinq tribunaux de commerce et de la chambre commerciale de la cour. Il est cependant regrettable que les parquets soient contraints trop souvent de faire de leur contribution à l’action commerciale une variable d’ajustement de leurs effectifs. Trois grand champs sont couverts par les parquetiers, dans le cadre de la sauvegarde de l’ordre public économique, « cœur de métier » confié par la loi au parquet, ordre public constitué d’un savant équilibre entre les intérêts des actionnaires, des salariés, des créanciers, des fournisseurs, de l’Etat, ou encore les intérêts nationaux. Trois domaines d’action: l La prévention des difficultés des entreprises : Outre les diverses sources propres d’information dont les parquets bénéficient (commissaires aux comptes, salariés, syndicats, administrations, procédures parentes des CPH ou autres...), tous les parquets sont présents dans les cellules, aux dénominations diverses mais à la composition assez commune, de veille et de prévention des difficultés des entreprises. Meilleure connaissance globale et locale du tissu économique, de ses forces et de ses fragilités, connaissance de certaines entreprises dont la situation, par une autre de ses sources propres, peut venir à être évoquée devant la justice et où la cohérence des traitements administratifs et judiciaire doit être assurée, fondent la participation importante des

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au juge du siège. On notera cependant que le juge peut en tout état de cause provoquer une audience « normale » en refusant son homologation. Au demeurant, la vérité est de dire que des audiences surchargées ne donnent guère meilleur rôle à nos juges. l Le déséquilibre invoqué entre le parquet et le prévenu n’est pas spécial à la CRPC : Toute procédure pénale instaure un tel écart. Outre que, contrairement à la procédure britannique qui instaure de jure une « prime à la baisse » de la peine qui peut effectivement ouvrir à un chantage, ce qui n’est pas le cas de la CRPC, une telle imputation paraît triplement injurieuse, à l’égard du parquet à qui on dénie ainsi l’impartialité et la loyauté de sa proposition, au défenseur, à la présence obligatoire qui serait ainsi considérée comme inutile, et au juge qui ne contrôlerait rien. l Rechercher, ce qui est un objectif avoué du législateur Perben II, une simplification et une accélération de la procédure pénale, et donc une amélioration des flux pénaux de nos juridictions, ne constitue pas un barbarisme judiciaire si horrible, tant la célérité et le délai raisonnable sont aujourd’hui unanimement considérés comme des objectifs de performance et de qualité de la justice pénale. l La place de la victime est également assurée, en tout cas par le droit, de manière moins aisée dans le déroulé concret de la procédure. C’est une des limites de son utilisation que se sont assignée nos parquets. l On comprendra ensuite, dès lors que la peine est consentie, sinon négociée, le caractère plus immédiatement exécutable de la sanction pénale. Avantage considérable, à un moment où nous savons tous les retards de nos juridictions dans le processus de l’exécution des peines; l Enfin, cette procédure revêt divers caractères innovants qui me paraissent déjà s’inscrire dans un processus de modernisation qui augure la Justice du 21ème siècle: Elle introduit d’abord, pour assurer une

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Rentrée solennelle

parquets à des rythmes variables selon la situation locale : mensuel, bi­mensuel, bimestriel....Il me semble du reste souhaitable, par souci du respect de l’impartialité du juge de commerce, que le parquet y représente en principe seul l’autorité judiciaire à ces instances. Par ailleurs, même si la confidentialité, assez mal comprise du ministère public dont la discrétion est une vertu cardinale et qui devrait du reste être atténuée par le projet de texte législatif en préparation, même si donc la discrétion doit s’attacher à ces procédures, les parquets, qui entretiennent avec les présidents et juges de leurs juridiction consulaire des relations loyales et libres, ne sont pas totalement ignorants des mandats ad hoc (environ 400 cette année) et des conciliations (de l’ordre de 500), surtout quand des interventions publiques sont envisagées. Par ailleurs, quand on sait le droit exclusif du ministère public à saisir le tribunal d’une procédure collective, ce partage d’information devient une vraie garantie pour l’entreprise, pour éviter toute initiative intempestive. Au demeurant, le parquet général et les parquets ont instauré des relations fluides et transparentes avec le Commissaire au redressement productif, qui, chacun dans son ressort et sa compétence, partagent en temps utiles les informations nécessaires. l Les procédures collectives : j’ai évoqué le pouvoir de saisine de la juridiction consulaire par le parquet. La contribution des parquets aux audiences d’ouverture et de suivi est très importante : trois audiences par semaine à Lyon, une audience hebdomadaire à Saint-Etienne, une par quinzaine à Bourg en Bresse, à Roanne et à Villefranche (avec possibilité d’audience spéciale dans l’intervalle si nécessaire). Les parquets sont aussi présents, de manière quasi-systématique, aux audiences de procédures collectives du tribunal de grande instance (compétent notamment pour les associations, dont on sait le poids social et économique et les professions libérales). Préparation des dossiers et des réquisitions à

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l’audience s’ajoutent évidemment aux charges des parquetiers. Pour autant, tous nos procureurs regrettent, faute de disponibilité suffisante, leur absence aux audiences du juge-commissaire dont l’importance dans le processus quotidien du traitement des difficultés est souvent encore plus important que les audiences collégiales. Outre un avis, toujours attendu, sur le fond des dossiers, une des missions du ministère public, assignée par la Garde des Sceaux, est de veiller à l’impartialité des juridictions. La simple situation d’entrepreneur de chaque juge, impliqué légitimement dans son réseau professionnel, est de nature à l’exposer à des situations ambiguës. Aux très gros efforts de formation, de pédagogie déontologique et de surveillance que pratiquent déjà la communauté consulaire, et notamment nos présidents, que j’apprécie hautement, s’ajoute l’attention soutenue des parquetiers, tant dans l’évocation des dossiers, que dans les processus de reprise ou de suivi, tant aussi dans le choix impartial des professionnels désignés : le principe d’une répartition équitable des missions entre les administrateurs et mandataires judiciaires doit présider aux désignations - à cet égard, le projet de loi en cours ouvrira au parquet le droit de solliciter une désignation nominative - , corrigé, le cas échéant, des compétences spéciales ou des moyens particuliers que tel ou tel dossier peut rendre nécessaires. •Enfin, le parquet, par nature, joue un rôle contrôleur, voire sanctionnateur. Plusieurs registres à cet égard : la surveillance des administrateurs et mandataires judiciaires, qui incombe à l’avocat général désigné en qualité de « magistrat inspecteur régional », lequel visite les études avec les organes professionnels nationaux , la surveillance des émoluments de ces professionnels, qui, par la voie de sondages périodiques et aléatoires rend parfois nécessaire un rappel vigoureux du parquet ou du parquet général à la régularité mais aussi à la mesure, enfin, domaine restant d’autant plus

à défricher par les Procureurs, qu’il connaît un accroissement constant et significatif : les frais de justice commerciaux (890.000 € en 2012), dont le maquis de textes rend le contrôle très complexe. Les procureurs ont aussi pour mission, qu’ils exercent, là aussi avec les organes professionnels nationaux, l’inspection des greffes de commerce. Rôle enfin bien classique de nos parquets : les sanctions commerciales contre les débiteurs, non pas défaillants, j’insiste sur ce point, mais fautifs. Les sanctions pécuniaires (contributions au passif) relèvent plutôt, sur la sollicitation des parquets, de l’initiative des mandataires, les sanctions personnelles (faillite, interdiction de gérer...) de la saisine du ministère public. Par an, c’est un peu plus d’une centaine de décisions de cette nature qui sont prononcées par nos diverses juridictions consulaires. Je souhaite que nos parquets, malgré leurs moyens comptés et les difficultés procédurales et de preuve, manifestent encore plus de pugnacité dans ce domaine. Sans plus de transition que tout à l’heure, je souhaite clôturer ce propos déjà trop long, par l’évocation de quelques perspectives pour 2014-2015 : Perspective locale d’abord, sur laquelle je ne m’étendrai pas plus, malgré son grand enjeu pour notre institution judiciaire, car Monsieur le Premier Président en a déjà parlé : C’est la création, Monsieur le sénateur-Maire, Monsieur le Ministre, de la Métropole de Lyon, où je verrai, pour ma part, une fort belle occasion de nous conduire, dans le droit fil des évolutions envisagées par le groupe de travail présidée par notre collègue Marshall, à moderniser notre organisation judiciaire, avec le double objectif essentiel, que Madame la Garde des Sceaux nous a encore hier rappelé, d’une rationalisation indispensable qui s’accorde avec une proximité encore meilleure avec nos concitoyens. Monsieur le Directeur des Services judiciaires, je vous remercie de nous aider à assurer, dans ce cadre territorial nouveau, à nos juridictions de Lyon et

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Agenda

Rentrée solennelle politique pénale et de l’action publique, assorties d’une clarification des rôles des divers acteurs (Garde des Sceaux, procureur général, procureur de la République), l Modernisation de la chaîne hiérarchique et de la gouvernance de la fonction pénale dans nos juridictions, l Amélioration du contrôle de la police judiciaire, l Recentrage du parquet sur ses « cœurs de métier » (affaires individuelles, qualité des enquêtes pénales, traitement plus simplifié donc plus efficient de contentieux de masse, contributions plus « judiciaires » aux politiques publiques), l Réflexion sur l’organisation des parquets (pertinence d’un parquet départemental, fonction de traitement en temps réel, création d’assistants des parquets, nouvelles technologies, gestion plus motivante des ressources humaines...) Vous aurez compris que mon survol trop rapide n’épuise pas la richesse de nos travaux. Reste, car l’attente de nos collègues est considérable, et leur déception serait ruineuse, à les traduire en avancées concrètes. Mais, pour une profonde modernisation du ministère public du 21ème siècle, je veux ajouter, ce sera sans doute mon seul message, que, en parallèle, et avec la même impériosité que la question statutaire, il devient pour moi indispensable de revoir les fondations de notre procédure pénale, encore trop inspirée de l’héritage inquisitoire, alors même que plus de 90 % des enquêtes pénales diligentées dans notre pays le sont sous le seul contrôle du parquet. Cet avenir passe par un accroissement de l’intervention de l’avocat et du juge, à des moments opportuns, dans des limites à définir, avec des précautions techniques et, disons-le sans fard, déontologiques et éthiques, de nature à éviter de compromettre l’efficacité de la lutte contre la délinquance et la criminalité. Outre que toute une série de Directives européennes vont nous y conduire, pour éviter de dire contraindre, je pense qu’il est souhaitable, pour le progrès de notre démocratie, non pas de basculer dans un système qui n’est pas culturellement le nôtre, mais bien d’accompagner nos propres procédures, qui n’ont pas démérité, vers un progrès maîtrisé et une efficacité nouvelle. Mais, Mesdames et Messieurs mes collègues des parquets, cette réflexion, mais surtout ce progrès, seront désormais de votre responsabilité. Je ne doute que vous saurez l’exercer avec inventivité et talent. 2014-45

Palais de Justice historique de la Cour d’appel de Lyon «des 24 colonnes»

CLUB ÉNERGIE & DÉVELOPPEMENT Énergies : la nouvelle donne Colloque le 28 janvier 2014 Maison de la Chimie 28, rue Saint-Dominique 75007 PARIS Téléphone : 01 43 43 24 23 mcoulon@decision.eu

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ORDRE DES AVOCATS DE NANTES « Les avocats vous répondent » Journée consacrée au droit de la famille Le 5 février 2014 Maison de l’avocat 25, rue de la Noüe Bras de Fer 44200 NANTES Téléphone : 02 40 20 48 45 www.barreaunantes.fr

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Panorama des sanctions ACPR/AMF Formation le 10 février 2014 18, rue La Fayette 75009 PARIS Téléphone : 01 48 00 54 04 contact@revue-banque.fr

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ASSOCIATION DES AVOCATS CONSEILS D’ENTREPRISES Clauses contractuelles et cessions de sociétés Le 12 février 2014 Maison du Barreau 2, rue de Harlay 75001 PARIS Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

de Villefranche, à la fois leur pérennité mais aussi leur ouverture à une nouvelle coordination. Perspective plus globale pour notre ministère public : Je vous ai suffisamment alerté ici, au cours des années précédentes, sur les menaces nationales, de la Cour de cassation, encore récemment à propos des techniques de géolocalisation, et européennes, de la Cour de Strasbourg, sur notre qualité de « magistrat » du ministère public, pour ne pas me réjouir, après les progrès de la loi du 25 juillet 2013 relative aux attributions du Garde des Sceaux et des magistrats du ministère public, de l’annonce solennellement renouvelée avant-hier par le Premier ministre, au cours des Journées sur la justice du 21ème siècle, de la reprise de la réforme constitutionnelle sur le statut du parquet. Mesdames et Messieurs les parlementaires, je vous demande très instamment de comprendre qu’aucune modernisation de notre « parquet à la française », premier protecteur des libertés individuelles dans le déroulé des procédures pénales, juste avant le juge, ne pourra se faire sans le préalable, relevé avec force par la Commission Nadal, de l’affirmation d’un statut plein de magistrat. Monsieur le Ministre Michel Mercier, qui connaissez si bien notre institution parquetière et dont je sais la conviction à cet égard, je vous en prie, aidez-nous, non pas pour la satisfaction d’un privilège personnel, mais bien, pour replacer l’action publique hors de la sphère du soupçon et redonner confiance à nos concitoyens dans l’impartialité de leurs procureurs. Quelques mots, bien sûr, sur la « Commission Nadal », à laquelle les lyonnais ont apporté une contribution importante puisque quatre des quarante-deux membres venaient de notre ressort : Pour la police, Monsieur l’Inspecteur général Doutre, dont la contribution a été essentielle pour la réflexion sur l’approfondissement des liens entre le parquet et la police judiciaire, et pour la justice, Monsieur Michard, substitut à Roanne, Monsieur Cimamonti et moi-même, qui avons travaillé pendant trois mois pour élaborer les 67 propositions formulées à Madame la Garde des Sceaux, souvent cohérentes, parfois divergentes avec celles évoquées par le Premier Président issues des travaux des commissions Delmas-Goyon et Marshall. Quelques grands thèmes : l Statut, évidemment, mais aussi, et je dirai désormais surtout, l Raffermissement et meilleure lisibilité de la

Téléphone : 01 47 66 30 07 ace@avocats-conseils.org

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CAMPUS DE LA MER La protection de l’environnement littoral et marin par le juge judiciaire Séminaire le 18 février 2014 Université du Littoral-Côte d’opale Centre Universitaire du Musée 34, Grand Rue 62200 BOULOGNE-SUR-MER Téléphone : 03 21 99 45 23 contact@campusdelamer.fr

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Ecole de Formation des Barreaux (EFB) Promotion Jean-Yves Le Borgne Maison de la Mutualité - Paris, 9 janvier 2014 Pour sa première sortie officielle de son mandat de Vice-Bâtonnier de Paris, le nouveau Président de l’Ecole de Formation du Barreau de Paris (EFB), Laurent Martinet, accueillait ses jeunes confrères élèves-avocats de la « Promotion Jean-Yves Le Borgne 2014/2015 » à la Maison de la Mutualité ce jeudi 9 janvier 2014. Ce fut l’occasion pour Jean-Louis Scaringella, Directeur de l’EFB de Paris depuis le 1er janvier dernier, date à laquelle il a succédé à Elizabeth Ménésguen, de présenter, dans ses grandes lignes, le nouveau programme d’enseignement désormais en vigueur à l’EFB d’Issy-Les-Moulineaux : la déontologie et l’environnement de la profession d’avocat, la défense et le conseil, le management d’un cabinet, le développement personnel, la pratique d’une langue étrangère et la gestion de sa carrière ainsi que les enseignements électifs. Comme l’an passé (Les Annonces de la Seine du 7 janvier 2013 pages 1 et suivantes), la Cour d’appel de Paris s’est déplacée afin de recueillir simultanément les prestations de serment des 1 860 filleuls de Jean-Yves Le Borgne ; le Premier Président Jacques Degrandi a tenu, pour sa dernière audience solennelle foraine, à livrer quelques messages forts en direction des élèves-avocats qui devront notamment prendre conscience que face à « une judiciarisation excessive des rapports sociaux et à la baisse des effectifs de magistrats et de fonctionnaires », il devient nécessaire de « rétablir d’autres régulateurs des conflits ». Jean-René Tancrède Jean-Louis Scaringella

Apprendre à exercer le plus beau métier du monde par Jean-Louis Scaringella

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ompant avec les bons usages du protocole, c’est d’abord à vous tous les élèves avocats entrant à l’EFB, que je m’adresse pour vous souhaiter la bienvenue à l’École, dans votre École. Félicitations d’avoir été admis à entreprendre le parcours qui vous conduira à exercer le plus beau métier du monde : conseiller, représenter, défendre les droits de ceux qui sont confrontés à un ordre social de plus en plus pressant et complexe. Merci de rejoindre la longue lignée de nos prédécesseurs, garants de la liberté et du droit, dans le cadre de la grande famille judiciaire. Je forme pour vous tous et chacun de vous des vœux de succès et de pleine réalisation de vos aspirations. Vous êtes l’avenir de notre profession, sa perpétuation et votre réussite sera aussi la nôtre. (...) Pour nos nouveaux élèves, ce 9 janvier 2014 est le premier jour de leur vie professionnelle. Et en vérité, je les en préviens, lorsque l’on entre à l’EFB... l’on n’en sort plus !!! L’École a en effet pour mission, non seulement de vous initier aux métiers de l’avocat mais aussi de vous accompagner toute votre vie grâce à la formation continue. Celle-ci est obligatoire dans notre profession, garantissant ainsi à nos clients a compétence que nous leur apportons, toujours à la pointe du savoir et des pratiques. Vous n’en sortirez donc jamais tout à fait et peut-être y reviendrez-vous aussi à votre tour pour former vos futurs jeunes confrères ! Au nom des Barreaux de notre ressort, en celui des responsables d’enseignement et des équipes pédagogiques, je prends l’engagement

que les plus-values professionnelles que vous recherchez à l’EFB vous seront apportées. Mais il doit être clair et entendu, dès aujourd’hui, que nous aurons chacun notre partition à jouer pour votre réussite. (...) Vous devez avant tout mettre à profit les mois qui viennent pour vous forger un projet professionnel et notamment celui des premières années de votre exercice. C’est là que réside la mission fondamentale de l’École. Vous avez choisi un métier exaltant et donc périlleux. De nombreuses options vous seront ouvertes : choisirez-vous de vous spécialiser ou de débuter en tant que généraliste ? Dans le premier cas, quelle spécialité ? Démarrerez-vous en tant que collaborateur

et dans quel type de cabinet ? Mettrez-vous d’emblée l’international au centre de votre exercice ? Il vous faudra arrêter bien d’autres choix encore… A vous d’utiliser les moyens de l’École pour vous y préparer. Les services de l’École sont là pour vous accompagner mais ne sauraient se substituer à vous ! « Enseigner, ce n’est pas remplir des vases, c’est allumer des feux ». Nous faisons nôtre cette citation attribuée à Montaigne, à Socrate ou à Rabelais ! Mais à l’EFB nous penchons pour Montaigne qui fut un juriste et … un grand magistrat ! Pour nous, l’apprentissage loin d’être une accumulation de connaissances doit être un

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Rentrée solennelle processus de progrès global de la personne. Pour ce faire, il faut partir de ses dispositions, de sa personnalité et susciter l’esprit d’exploration et de coopération. C’est dire que votre participation active à votre propre formation est requise, ce qui implique travail lourd, initiatives et investissement de soi et sur soi. Vous entrez en effet dans une École d’apprentissage où, si vous préférez, dans une École d’application. L’EFB est aux Facultés de droit ce que les Ponts ou les Mines sont à Polytechnique ! Vous n’y apprendrez pas le droit puisque vous avez réussi un examen d’entrée sanctionnant vos connaissances juridiques. Si vous constatez des lacunes dans ce domaine à vous de vous mettre à niveau et de les combler. Pour notre part, nous nous concentrons sur le métier, les métiers de l’avocat c’est-à-dire sur la pratique professionnelle. Et pour ce faire, nous faisons appel aux méthodes de l’apprentissage qui s’inscrivent dans l’esprit même de notre profession où l’initiation des successeurs est inscrite dans nos gènes. L’appellation de « confrère » n’est chez nous pas un vain mot. Les enseignements sont pour l’essentiel assurés par des avocats qui vont vous transmettre avec générosité leur savoir et leur savoir faire, en s’appuyant naturellement sur des contributions et des interventions de magistrats et d’experts. La multiplication des cas pratiques et des mises en situations sera la règle. Les stages PPI et en cabinet ou la participation aux permanences gratuites des avocats vous permettront de faire vos armes et de tester vos compétences et vos dispositions dans différents contextes professionnels, guidés par vos maîtres de stages. (...) Un avocat qui réussit déploie et doit cultiver les qualités d’un entrepreneur : l être visionnaire, pour anticiper sur les besoins des clients et pour ce faire se tenir à l’écoute des changements perpétuels dans la société, l rester en permanence ouvert aux nouveaux

horizons de la pensée et capable de comprendre les grands mouvements d’un monde global et décompartimenté, l aimer le risque calculé qui permet d’avoir un temps d’avance sur les concurrents car si nous sommes confrères nous n’en sommes pas moins concurrents et désormais la concurrence est européenne et internationale. C’est dire si votre ouverture sur les autres et sur le monde est une condition nécessaire au succès du projet que chacun de vous doit faire émerger. Un avocat, manager de sa carrière et de son cabinet, se doit de développer des avantages concurrentiels. A cet égard, l’École est pour vous un remarquable terrain d’expérience. Vous y serez entourés de vos futurs confrères, vos camarades de cours mais aussi vos enseignants, que vous rencontrerez ensuite pendant toute votre vie professionnelle. Ne l’oubliez pas. C’est dans les salles de cours et dans les couloirs de l’École mais aussi dans la vie sociale et associative de celle-ci, que s’établiront les images et se noueront des liens durables. Mais si un avocat est un entrepreneur, il est évidemment un entrepreneur d’un type particulier. Notamment parce qu’il exerce son métier dans le cadre spécifique d’un système ordinal, garant d’un code déontologique, marque de notre profession qui emporte des responsabilités particulières vis-à-vis des personnes, de la Société et de l’environnement. Je vous invite à vous concentrer sur ces principes dont vous verrez très vite qu’ils sont la source de la valeur ajoutée des avocats. Dès aujourd’hui, premier jour de votre vie professionnelle, vous vous devez de les intérioriser pour les mettre en œuvre à l’École et au cours de vos stages. C’est d’ailleurs la raison d’être du premier serment que vous prêterez en fin de matinée devant la Cour. C’est pour assurer la réalisation de ces objectifs que le conseil d’administration de l’EFB, sur la proposition de notre Président, le ViceBâtonnier Laurent Martinet, a adopté un

nouveau programme d’enseignement pour votre promotion. Je ne vous le présenterai pas ici, laissant au Directeur des Études, Mme Martine Kloepfer-Pelese, le soin de le faire cet après-midi. Sachez qu’il est structuré en 5 blocs dont l’ensemble vous permettra de vous préparer à toutes les dimensions de notre métier : l la déontologie et l’environnement de notre profession, l la défense et le conseil, l le management d’un cabinet, l le développement personnel, la pratique d’une langue étrangère et la gestion de sa carrière, l les enseignements électifs. Ce programme a été conçu et sera assuré pour vous par une équipe de 25 responsables d’enseignement et près de 600 intervenants, confrères que je remercie pour leur éminent concours à Issy, à Bobigny et à Créteil. C’est dire si le Barreau de Paris et l’ensemble des Barreaux de notre Cour d’Appel sont investis dans votre formation et mobilisés pour votre future intégration à notre profession. Je tiens à assurer de notre engagement total les Bâtonniers Pierre-Olivier Sur et Laurent Martinet qui ont décidé d’assurer eux-mêmes l’enseignement de la déontologie, marquant ainsi la priorité qu’ils donnent à votre École. Je souhaite enfin remercier chaleureusement le Bâtonnier Jean-Yves le Borgne d’avoir accepté d’être le parrain de votre promotion et de vous consacrer, tout au long de votre parcours professionnel et personnel, attention et conseils. Avec un tel parrain, vous démarrez bien, chers tous, le premier jour de votre vie professionnelle qui se présente donc sous les meilleurs auspices. A chacune et à chacun, je souhaite une vie heureuse et féconde à l’EFB et une lancée réussie dans notre profession, belle et exigeante. Je vous souhaite aussi et surtout de cultiver la jeunesse et la générosité qui sont en vous et qui en retour assureront votre réussite. Je veux dire votre réussite professionnelle mais aussi votre réussite personnelle, celle de votre vie, l’une et l’autre étant indissociables pour un avocat.

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Prestation de serment de la Promotion 2014/2015 Jean-Yves Le Borgne en audience solennelle foraine

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Rentrée solennelle

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Laurent Martinet

Un nouveau modèle d’enseignement entre tradition et modernité par Laurent Martinet

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ompant également avec les usages du protocole, c’est d’abord à vous tous, les élèves avocats entrant à l’EFB, que je m’adresse pour vous souhaiter la bienvenue à l’école, dans votre école !

I - L’école est pour nous un projet fondamental : il est un des socles de notre programme ! Ce projet a présidé à toute notre campagne, ainsi qu’à toute notre année de Dauphinat. Le barreau est un univers dans lequel la transmission des valeurs et des pratiques est essentielle. C’est pourquoi il investit très significativement dans la formation des successeurs. Il représente une culture séculaire de la confraternité et de l’apprentissage. Et vous savez, et vous verrez, l’importance des stages, du maître de stage, de la collaboration.

II - Un investissement particulièrement vrai pour le Barreau de Paris L’EFB est non seulement la plus grande école d’avocats de France, mais également la plus grande … du monde. Ainsi : l l’EFB est le plus important des 11 centres régionaux de la formation professionnelle des avocats de France ; l l’EFB assure la formation, non seulement du Barreau de Paris, mais également des 8 autres Barreaux du ressort de la Cour d’appel de Paris (Auxerre, Seine Saint Denis, Val de Marne, Essonne, Fontainebleau, Meaux, Melun, Sens) ; l l’EFB forme près de la moitié des futurs avocats en France. l L’EFB est ainsi un modèle unique, alliant tradition et modernité, que je souhaite - avec le Bâtonnier Pierre-Olivier Sur - résolument tournée vers l’international et ouverte aux métiers de demain.

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Le barreau de Paris y a ainsi dédié une attention toute particulière au cours de ces dernières années : l Notamment, sous l’impulsion du Bâtonnier Jean Castelain, l’EFB est désormais abritée dans des locaux adaptés à vos besoins, à Issy-lesMoulineaux. Notre souhait, Monsieur le Président du Conseil national des Barreaux, c’est que cette école soit un laboratoire de ce que pourrait être la formation de demain, de l’ensemble de la profession. l L’EFB conçue par Jean-Michel Vilmotte est en phase avec nos ambitions : 2 une surface de 10.000 m , 30 salles de cours, 4 salles de conférence de 100 à 200 places, un auditorium de 370 places, un service audiovisuel, un atelier d’imprimerie, une bibliothèque (Jean-Claude Woog), l des espaces de détente qui vous sont dédiés. l L’enseignement y est assuré par 600 confrères hautement spécialisés.

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III - Une profession en mouvement et en transformation accélérée, que ce soit sur le plan de l’international, des nouveaux métiers et des nouveaux concurrents l La profession que vous allez embrasser est en pleine mutation. l Elle doit plus encore s’ouvrir au droit européen et à l’international. l De nouveaux champs d’activité ont vu le jour : avocat et fiduciaire, tiers de confiance, avocat et agent sportif, avocat et mandataire en transactions immobilières, avocat et agent artistique, avocat et correspondant Informatique et libertés, avocat lobbyiste. l Notre profession s’inscrit dans un vaste débat actuel sur l’inter professionnalité, les professions voisines… l Une dimension nouvelle est apparue : la dématérialisation des procédures. Confirmant ce que Robert Badinter avait souligné au Congrès de la FNUJA de 2013: « la profession sera internationale, judiciaire et dématérialisée. » Ces « bouleversements » constituent incontestablement des défis à relever.

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A vous, à nous : l d’apprivoiser, d’appréhender l’élargissement de ces nouveaux champs d’activité de la profession ; l d’œuvrer pour une profession moderne, tournée davantage encore vers l’extérieur, très attentive aux besoins des clients (personnes physiques, personnes morales et justiciables). Conscients de ces mutations, et pour revenir sur la genèse des choses, la formation a constitué l’une de nos préoccupations majeures tout au long de notre campagne et pendant l’année de dauphinat passée. A ce titre : l nous avons mis en place une caravane : un groupe indépendant de jeunes confrères qui ont évolué de cabinets en cabinets pour recueillir les préoccupations des plus jeunes ; l il nous a ensuite été remis un livre blanc qui a fait apparaître des questions telles que : le numerus clausus, les interrogations quant au demain, les visions de ce que serait ou devrait être la profession de demain. C’estdanscecontexteparticulierquenousavonsinitié un certain nombre d’actions qui vous est destiné : l l’instauration d’un comité scientifique dont la mission a consisté à rendre votre formation, votre apprentissage plus pragmatique, plus pratique, davantage ancrée dans les réalités de la vie juridique, économique, sociétale. Ce comité scientifique est varié. Il est composé de : Louis Vogel (Président de l’Université PanthéonAssas), David Capitant (Professeur de droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Jean-Claude Magendie (Ancien Premier président de la Cour d’appel de Paris), Chris Baker (ancien Managing Partner de Skadden Arps), Bernard Ramanantsoa (Directeur Général du Groupe HEC Paris), Christophe Jamin (Professeur des Universités à Sciences Po et Directeur de l’Ecole de Droit), Anne-Sophie Le Lay (General Counsel / Directeur Juridique de Renault), tous issus d’univers professionnels différents. l Leproposestd’appréhenderetredéfiniruneformation nouvelle, rénovée, dépourvue de toute redondance avec l’université (qui est en charge de l’examen d’entrée), répondant aux préoccupations posées par la profession, notamment sur le numerus clausus. l Une formation d’excellence est de toute évidence la meilleure réponse à apporter aux préoccupations des jeunes et de nos Confrères, qu’il s’agisse de : la formation initiale, ou de la formation continue que nous avons, là aussi, revisitée avec Sandrine Burbure. L’EFB doit être : l une école d’application, une école d’application pratique, répondant aux attentes de la profession et aux besoins des clients et justiciables ; l une école de savoir et de faire savoir. Nous avons nommé Jean-Louis Scaringella à la direction de l’EFB qui a dirigé les plus grandes écoles de notre nation (HEC, ESCP-EAP, CCI Paris et Paris Ile-de-France). C’est également un confrère ! Il allie ainsi la connaissance de la Société civile, économique et de la profession. Ensemble avec Jean-Louis Scaringella, nous avons redéfinileprogrammepédagogiqueetdesétudesavec: l des enseignements obligatoires, l des enseignements électifs, l trois fils directeurs : déontologie, dimension européenne, dimension internationale.

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Rentrée solennelle Une dimension fondamentale qui doit présider à tout cela dans un environnement extrêmement concurrentiel, la relation avec le client (particuliers ou entreprises) et le justiciable. IV - Une école de savoir et de faire savoir Comme vous le savez, une école produit de la connaissance et la diffuse au travers des colloques et des publications qu’elle réalise. A ce titre, a été mise en place une Fondation du Droit. Le propos est d’instaurer un partenariat avec les grandes écoles et universités françaises et étrangères, sur la base d’une réciprocité. Tel est précisément l’objet de la Fondation qui est également de : l centraliser l’ensemble des travaux scientifiques de la profession, l ceci lecture faite de la Grande bibliothèque du droit et du Wikipédia que nous mettons parallèlement en place. C’est fort de cette Fondation du Droit que nous pourrons parvenir, ce que nous avons commencé à faire : à procéder à des accords français et étrangers qui nous permettent de nous positionner dans le classement international des écoles de formation, des universités, des grandes écoles. Cette fondation du Droit dont la Présidente est Madame Janine Franceschi-Bariani. V - Les objectifs stratégiques de l’EFB l L’EFS doit être une école d’application à dimension éminemment pratique (absence de redondance avec l’université). l Elle doit être une école ouverte sur l’international. l Les besoins des clients doivent être au centre de l’enseignement. Cette ouverture internationale est essentielle ! Il sera mis à la disposition 500 stages à l’étranger pour vous. Cette ouverture constitue une véritable obligation de résultat ! Comme j’ai eu l’occasion de le dire, « Le barreau de Paris a toujours été un modèle pour les avocats de toute les nations ». Allons à leur rencontre ! Exprimons notre souhait de travailler avec eux. L’EFB est une école diplômante qui doit offrir à tous ceux que le souhaitent la possibilité de passer une partie de leur formation à l’étranger avec bien évidemment, si nécessaire, un accompagnement financier. C’est dans ce contexte qu’a lieu la désignation « d’ambassadeurs » (Gérard Nicolay, ancien Directeur de l’Ecole, et Yves Huyghé de Mahenge, ancien Managing Partner de Freshfields). Durant notre année de dauphinat, nous avons signé des partenariats, des MOU, des accords de principe avec un certain nombre d’universités à l’étranger, notamment : l National Law University à Delhi, l National Law School of India University à Bengalore, (1ère université en Inde), ème ère l Fudan (2 université en Chine et la 1 à Shanghai), Huadong, Jiao Tong (qui a signé des accords de réciprocité avec Polytechnique et Centrale), à Shanghai. Pour exemple, la formation pourrait être un cursus de 4 mois à l’université et de 2 mois en stage en cabinet, ce qui est en cours pour le Brésil, les EtatsUnis et le Canada. Cela n’est qu’un début ! l Nous accueillerons également à Paris des étudiants étrangers dans le cadre du Stage International. l Chaque invité d’honneur du barreau de Paris ou du Conseil passera nécessairement par l’école pour une conférence ou une intervention, comme

cela a été le cas pour le Conseil de Mandela lorsqu’il avait été accueilli par notre Conseil. Dans le même esprit, il a été mis en place des Campus internationaux, tant en Asie qu’en Afrique ou en Amérique du Sud et au Brésil et ce, au service et avec nos confrères : pour les aider à s’y installer, à exporter notre droit, à confirmer la place unique de Paris, comme 1ère Place de Droit. l Le premier campus international se tiendra au Cambodge, à Phnom Penh, du 16 au 18 février prochain. l Le deuxième en Afrique pour participer notamment à la reconstruction du Mali, sous la haute bienveillance et avec la participation de Madame le Ministre Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement. l Le troisième au Brésil à l’automne après la Coupe du Monde. Il nous a paru essentiel d’associer l’école, dans le cadre de la fondation du droit, notamment au Mali pour participer à la reconstruction de ce pays par le droit. Vous serez invités à y participer, pour ceux qui le souhaitent, dans le cadre de vos travaux scientifiques respectifs.

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VI - Le programme pédagogique Le moment est venu de vous donner un aperçu du programme pédagogique que nous avons conçu pour vous, afin de répondre à vos attentes. Ce programme a trait : l à la déontologie et à la culture judiciaire : statut et déontologie de l’avocat, l au métier de l’avocat : conseil et défense, (pratiques du contentieux, pratiques de la rédaction des actes juridiques et du conseil, expression orale, expression en audience, foisonnement), l au management et au développement des cabinets : management des cabinets, gestion de la carrière professionnelle, l’avocat connecté, les nouveaux métiers de l’avocat, management stratégique des cabinets, l au développement professionnel et aux langues étrangères bien évidemment ! l l’entreprise et l’univers juridique. En outre : l Homme de contentieux, je suis très attaché à une relation harmonieuse et nourrie avec les magistrats (en prenant un peu en cela comme modèle le Canada). Cette relation doit être appréhendée par vous tous, dès votre entrée à l’EFB et se poursuivre tout au long de votre vie professionnelle. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Jean-Claude Magendie, ancien Premier Président de la Cour d’appel de Paris de prendre en charge l’enseignement sur le foisonnement, lequel est également l’un des fondamentaux pratiques de l’Ecole. J’ai souhaité également, à ce titre, la mise en place de formations communes, conjointes, avec les magistrats et ce, dans le cadre de relations à mettre en place avec l’ENM et son Directeur, Xavier Ronsin. VII - Je voudrais vous adresser un message très personnel. Nous avons ensemble, le Bâtonnier, le ViceBâtonnier, le Comité Scientifique, le Directeur de l’Ecole, la Présidente de la Fondation du Droit, préparé un programme nouveau qui est un parcours obligé pour le CAPA. Nous avons totalement revisité l’école, son programme, ses enseignements. Mais ce que j’attends de vous, de chacun d’entre

vous, c’est que vous prépariez votre projet d’intégration professionnelle qui passe par votre volontarisme, vos initiatives (stages, PPI, électif, expériences). Votre destin est absolument entre vos mains. Chacun de vous est unique. N’hésitez pas à vous l’approprier, à utiliser les moyens que vous offre l’EFB, à enrichir de vos suggestions ce programme, ces lignes directrices que nous avons initiées. Car cette Ecole … c’est vous ! J’insiste donc sur un point : l L’EFB est une école d’application pratique. l C’est aussi une école de la découverte, d’où les enseignements électifs. Le propos n’est pas de vous spécialiser aujourd’hui (il y a pour cela les mentions de spécialisation, mais après), mais de découvrir le champ des possibles, notre profession, votre profession, ses divers domaines d’activité, d’où les enseignements électifs … de découverte. Conclusion Mais au-delà de la technique du droit, au-delà des petits soucis terre-à-terre qui ne manqueront pas d’émailler votre scolarité et votre vie professionnelle, dans ces petits moments de doute, d’incertitude, dites-vous que vous avez la chance de vous préparer à exercer le plus beau métier du monde, dans la plus belle ville du monde. Qu’importent vos spécialités de demain, vous serez avant tout unis par des valeurs communes, par une déontologie protectrice et par la volonté de les porter toujours plus haut, toujours plus loin. Ces valeurs, c’est aujourd’hui même que nous commencerons à vous les inculquer. Vous allez prêter le petit serment qui vous fera entrer dans cette famille, dans notre famille, dans la famille des avocats. (...). C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai assisté à votre première prestation de serment. Et je vous ai vu là, comme une armée, prête à défendre demain les intérêts de nos concitoyens, de nos entreprises, de nos institutions et, avant tout, de nos libertés. Car elle est là, l’âme de notre profession, dans la défense des libertés et dans la défense de votre propre liberté, de votre indépendance, de l’honneur qui s’attache à la robe que, demain, vous porterez. Cette liberté, vous devrez la placer au dessus de tout, que vous exerciez : l le droit des affaires, où il faudra savoir ne pas céder à la pression de vos interlocuteurs… et de vos clients, l le droit de la famille où il vous faudra surmonter les passions qui se déchaîneront autour de vous, l ou le droit pénal où vous devrez vous démarquer de ceux que vous défendrez tout en leur offrant la meilleure des défenses possibles. Je vous promets des nuits d’insomnie, des semaines d’abattement et des fatigues extrêmes, mais aussi des minutes et heures de gloire incomparables qui vous feront oublier toutes les vicissitudes. C’est pour ces instants là, ces minutes, ces instants intenses qu’il vous aura fallu vous astreindre à des années d’études, parfois arides. Si par bonheur, et je vous le souhaite, vous devriez connaître, grâce aux enseignements de notre école, tout cela dans votre futur, alors je me dis que les 18 mois qui s’annoncent auront servi à quelque chose. Je vous souhaite bonne chance. Comme le disait Talleyrand : « On ne croit qu’en ceux qui croient en eux » Et bien moi, soyez en assurés, je crois en vous !

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Rentrée solennelle Jean-Yves Le Borgne

Etre prêts au combat par Jean-Yves Le Borgne

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Photo © Chloé Grenadou - Téléphone : 01.42.60.36.35

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ous me faites un bien grand honneur, Messieurs les Bâtonniers, en inscrivant mon nom, comme un repère tutélaire, sur l’arrivée parmi nous de cette belle jeunesse. La simple bienséance et aussi l’amitié me conduisent à vous en remercier. Mais, en même temps que je vous dis ma gratitude, je ressens comme une esquisse de réticence liée à la pensée que la transfiguration d’un être en icône résonne souvent comme le glas d’une existence et que le rappel des faits d’armes ponctue habituellement les oraisons du dernier hommage. Remercie-t-on d’un éloge pré-funèbre ? Applauditon un requiem quand on en est le bénéficiaire, ou du moins l’occasion ? A la vérité je vis ce questionnement avec un sourire, car si les années ont passé, mon enthousiasme reste entier et j’ai du mal à croire à l’hypothèse d’une fin. C’est d’ailleurs au prix de cette croyance insensée à un soi éternel qu’on peut consacrer sa vie à une tâche unique: la défense – sans avoir jamais le sentiment d’avoir raté des perspectives plus séduisantes. Folie ? pensera-t-on. Sans doute. Mais nous avons ,vous aurez, mes chers quasi-confrères, le privilège insigne, au-delà de l’exercice d’un métier, d’épouser un état et d’en connaître chaque jour le poids et le bonheur. Le parrainage dont on m’honore ne saurait à mes yeux se limiter à une convention formelle et au mieux -vous jugerez- décorative. Je ne pourrai bien sûr m’installer au chevet professionnel de chacun de vous. Le nombre ne tue pas l’affection, mais il en rend la manifestation rare et malaisée. Ce doit être la raison de la disparition de la polygamie. Je tâcherai néanmoins de répondre à vos appels et de trouver une solution à vos questionnements. La gestion des flux étant un souci que le réalisme impose, il suffira que vous me réserviez pour les interrogations qui vous sembleront les plus graves. Lorsque l’on doute à un moment de ses choix, de ses aptitudes, voire de soi-même, il faut pouvoir confier, sous le sceau du secret, ce vacillement existentiel à un vieux sage. Je n’ai pas – Dieu merci ! - car la charge serait lourde – de vérité absolue à transmettre, mais il est quelques recettes de vie qui apparaissent à l’homme, quand il n’en a plus besoin. Et ce sera pour moi une profonde joie que de vous les faire connaître par anticipation. Vous allez être avocat. Qu’est-ce que cela veut dire ? A s’en tenir aux apparences, ce métier du droit a plusieurs facettes et d’aucuns soutiendront qu’entre une mission de conseil et une action de défense, deux mondes distincts s’expriment sans se rejoindre. C’est à la fois vrai et faux. Car dans ces deux cas, l’avocat est la voix de celui qui ne sait pas et qui demande assistance avec, il est vrai, un état d’ignorance dont le degré diffère et une détresse ou une inquiétude dont l’intensité n’est pas la même. En matière judiciaire et surtout pénale – mieux vaut parler de ce que l’on connaît – l’accusé est souvent culturellement démuni et celui qui le défend doit substituer discrètement son savoir et son savoir-faire à l’impuissance d’un homme simple confronté à une dialectique qui le dépasse. Votre client serait-il assez intelligent pour tenir tête aux juges et aux procureurs, qu’on ne l’autoriserait pas à ferrailler avec eux. Il y a dans la polémique judiciaire une sorte d’égalité

entre les protagonistes qu’on n’offre pas au suspect. Même quand on le questionne, il est muselé par la déférence à laquelle il ne peut échapper sans risquer l’outrecuidance. Très vite la protestation d’innocence apparaît comme une arrogance, comme un défi à l’hypothèse procédurale de la culpabilité qui, qu’on le veuille ou non, est dans notre système toujours la plus probable. Les journalistes n’ont pas tort, même s’ils ne le font pas exprès, de parler de présumé coupable lorsqu’ils veulent avoir l’air de respecter la présomption d’innocence. Je dis souvent aux juges qu’ils n’aiment les prévenus qu’en robe de bure et la corde au cou. Ils prennent le propos pour une boutade et sourient, peut-être pour éviter de rougir. Au moins me laissent-ils leur dire une pensée qui est au fond une mise en cause. Me le permettent-ils d’ailleurs ou ai-je conquis le droit qu’il ne soit plus possible de me l’interdire ? C’est une question sur laquelle je reviendrai. Mais vous n’aurez pas toujours la chance de défendre un faible ou un misérable. Avec le temps, viendra l’obligation de défendre les riches qui sont les vrais incongrus de la poursuite pénale, les ovnis de la correctionnelle, les E.T. de la Cour d’Assises. Le laissé pour compte peut agacer, indigner, il reste que ce déshérité trouve, même sans l’avoir cherché, le talon d’Achille du juge qui culpabilise toujours d’être plus ou moins un nanti. Avec le riche, la défense est autrement handicapée. Il avait tout – on se demande d’ailleurs comment il l’avait obtenu – et il en voulait plus encore. Il n’a pas su résister, malgré la culture qu’il avait reçue et la morale qu’on lui avait transmise. C’est avec un implicite goguenard qu’on vous dit que « La parole est à la défense », un peu comme on vous dirait : « Il est indéfendable, montre-nous ce que tu sais faire ! ». La Justice de classe, ce n’est plus aujourd’hui un juge bourgeois qui sanctionne un voleur illettré, c’est un juge de la classe moyenne qui rétablit une hiérarchie usurpée par les privilégiés en les clouant au pilori. Car l’argent est le symptôme de la faute et à la place du Christ qui jadis dominait le Tribunal, on pourrait inscrire, comme une épigraphe, la vieille formule balzacienne : « A l’origine de toute fortune sans cause apparente, se dissimule un crime caché ».

Ce sera votre devoir de dénoncer cette inclination idéologique sournoise car souvent inconsciente. Ce sera votre devoir de dénoncer la phobie de l’argent, la motivation politique insinuée dans la Justice, le marxisme rampant qui se sera emparé de l’esprit des Justes. Tâche ardue, presque impossible que de mettre le juge en face de ses propres démons. Entreprise risquée qui peut susciter la colère, le rejet, l’hostilité envers la défense. Et pourtant, il faut tout dire. Mais pas n’importe comment. Le discours, pour être accepté, devra respecter les formes, glisser de la métaphore à la fausse interrogation, de l’allégorie au trait d’humour. Bannissez la brutalité qui donne un juste sentiment d’agression et suscite un rejet avant même qu’on ait pu s’interroger sur le sens des mots et la pensée de celui qui parle. Vous avez le devoir de séduire par une forme maîtrisée, par une culture qui fait la connivence et aussi par une respectabilité qu’il faut savoir tisser et assurer au fil du temps. Car si plaider est un droit, être entendu est une conquête. La respectabilité de l’avocat, disais-je, est une nécessité. Vous n’aurez pas toujours à plaider l’innocence. Le plus souvent, vous serez confrontés à l’inadmissible, à un inadmissible reconnu, évident et non discuté. Il vous reviendra alors de faire comprendre que l’intolérable fait aussi partie de l’ordinaire des jours, qu’il existe en chacun une zone d’ombre et que, parfois, elle peut prendre le dessus. Lorsque j’avais votre âge , c’était il y a longtemps, les magistrats n’arrivaient à Paris qu’au crépuscule de la carrière. Ils étaient donc très vieux à mes yeux puisqu’ils avaient l’âge que j’ai aujourd’hui. Ils avaient bien connu la deuxième guerre mondiale et son cortège d’horreurs. Cette expérience leur avait donné une capacité à relativiser la délinquance et même les actes criminels. L’un d’eux me dit un jour : « J’ai dû tuer pas mal de civils quand j’étais dans la R.A.F. et que nous bombardions l’Allemagne. Alors une rixe entre ivrognes, même si l’un d’eux finit à l’hôpital… ». Les choses ont bien changé. Les magistrats d’aujourd’hui se sont rarement compromis avec le quotidien du vulgaire. Ils ont le regard fixé sur

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Rentrée solennelle un monde idéal dont ils tirent le modèle de ce qui doit être. Je ne dis pas qu’ils aient tort. Mais toute faute, tout désordre, toute dérogation à la loi s’apparentent désormais au scandale. En quelques décennies, les peines ont à peu près été multipliées par deux pour des faits identiques. Il va pourtant falloir continuer de défendre les assassins et les violeurs, les escrocs et autres auteurs d’abus de biens sociaux. Le moins que l’on puisse dire, c’est que vous nagerez à contre-courant. Pour bénéficier d’un peu d’attention, pour ne pas être l’alibi d’une condamnation acquise d’avance, vous devrez acquérir l’autorité qu’à celle ou celui qu’on écoute et dont, parfois, on suit les sollicitations. L’âge ne fait rien à l’affaire et la jeunesse n’est en rien un obstacle à la crédibilité. L’autorité morale est, elle, en revanche impérative. Elle fait admettre un discours que le juge n’a pas envie d’entendre ; elle fait exister l’explication de celui auquel n’était plus permis que le silence, le repentir et les yeux baissés. Sur quoi fondera-t-on la légitimité de la défense de celui qu’on regarde avec réprobation, parfois avec dégoût, si ce n’est sur le respect qu’on a pour l’avocat qui plaide. Le juge doit voir en lui un alter-ego, il doit entendre son discours comme celui qu’il aurait pu lui-même tenir, si la distribution des rôles avait été différente. Convaincre, c’est aller chercher l’auditoire là où il est, même s’il est bien loin de soi, et l’amener doucement à faire sienne une pensée très éloignée de son inclination première. Cette évolution presque miraculeuse n’est possible que si celui qui parle est admis, respecté, considéré, estimé, perçu comme porteur potentiel d’une part de vérité qu’il faut savoir entendre. Sans doute un peu de talent et de travail ne nuit-il pas à cette entreprise ; mais c’est d’abord la rectitude morale, c’est-à-dire la déontologie, qui constitue le socle de ce positionnement en dehors duquel nous ne serions que des pantins. Songez à cette haute finalité, quand vous étudierez dans les mois qui viennent les principes essentiels qui nous gouvernent. Pris isolément, ils pourraient vous apparaître désuets, surannés, relevant de postures vieillies appartenant à des siècles révolus. Il n’en est rien. Ils sont la condition de notre efficacité, de notre existence dans le débat. Car, il faut se rappeler sans cesse que l’avocat, dans la tradition française

heureusement peu à peu corrigée par l’Europe, est une sorte de composante facultative, et d’ailleurs tardive, du débat judiciaire et qu’il doit tout au long de sa vie, dossiers après dossiers, craindre qu’on ne lui donne la parole sans véritablement l’entendre. Je vous l’ai déjà dit, avant d’espérer qu’on vous suive, il faut avoir obtenu d’être écouté, pris en compte. C’est là notre premier devoir. Je ne vous ai pas encore dit l’essentiel. Je m’interroge même : il est possible que je ne vous aie entretenus que de l’accessoire ? Bien sûr, le travail incessant est inévitable : je n’ai jamais plaidé sans me dire que 2 ou 3 jours de plus m’auraient enfin permis d’être au point, de posséder mon dossier comme il convenait. Pour cette raison, j’ai souvent vécu les renvois comme des victoires ou plutôt comme des soulagements. Bien sûr le respect des principes est lui aussi fondamental. Mais je crains fort que ces exhortations, par trop traditionnelles, ne vous incitent au conformisme ; qu’elles ne vous enferment dans le confort douillet et illusoire du bon élève qui croit que tout lui est dû parce qu’il a fait tout ce qu’on lui demandait. Il faut, comme le disait Malraux, savoir allier les valeurs de permanence et les valeurs de métamorphose. Et pour y parvenir, l’avocat a besoin d’une capacité de révolte. Il faut toutefois savoir domestiquer cette pulsion qui porte certains à une sorte d’indignation permanente, un peu ridicule, comme si tous les matins ils replaidaient l’affaire Dreyfus. Mais même si elle est vaine, et parfois contre-productive, cette révolte permanente vaut mieux que l’apathie, mieux que la tristesse et la résignation. Celui qui se soumet trop vite, parce que dire non lui fait peur ou – pire – parce que s’opposer serait trop fatigant n’est pas digne d’être avocat. Car défendre c’est combattre. Combattre pour celui dont vous êtes le dernier recours, le dernier appui, le dernier espoir. Combattre pour que ne soient pas écrasés comme indésirables ceux que le hasard a jetés dans le gouffre de trajectoires infernales ou perdus sur les voies de la grandeur tragique. Pour remplir ce contrat-là, il faut de l’audace, de l’imagination et la capacité de voir le monde autrement. Il faut aussi savoir et admettre qu’on sera montré du doigt, moqué, tenu pour original ou peut-être pour fou.

Certains – le croirez-vous ? – pensent encore que le vice-Bâtonnat, dans l’apparition duquel j’ai quelque responsabilité, est une erreur tragique qui perdra le Barreau ! Et pour peu - je l’ai aussi douloureusement expérimenté - qu’on initie une Question Prioritaire de Constitutionnalité ébranlant les habitudes et la toutepuissance de la jurisprudence, on s’entend dire que l’on n’est pas sérieux. Parce que c’est là le meilleur moyen d’éviter que le Conseil constitutionnel ne donne raison à l’égaré qui conteste la loi. Mais est-il raisonnable de croire avoir raison contre tous ou du moins contre l’ordre établi ? Vous recevrez, à ce sujet, des conseils de modération et de prudence. Vous recevrez aussi des rappels à la modestie. Ah ! La modestie. Méfiez-vous en comme de la peste, même s’il faut admettre que les avocats bénéficient souvent d’une parfaite immunité contre ce risque rare dans la profession. La modestie à laquelle on vous rappellera ne sera le plus souvent que l’habillage en vertu d’une préférence pour la médiocrité qui n’a jamais le souffle de bousculer le statu quo. S’il y a une inévitable arrogance dans la certitude d’avoir raison, cette démarche orgueilleuse vaut la peine d’être tentée. La défaite, la vraie, l’irrémédiable, l’échec dont on ne se console pas, ne sont pas dans la tiédeur des soutiens qu’on reçoit, non plus que dans le refus de l’autorité qu’on saisit. La déroute est dans l’abstention, dans cette idée que je n’ai jamais osé proposer au monde, dans cette réforme qui s’imposait d’évidence et que j’ai gardée enfouie au fond de moi, parce que j’ai vu dans les regards de quelques imbéciles une réprobation et une préférence pour l’immobilité qu’ils confondaient avec la vertu. Sachez braver ces sinistres tenants du conformisme. Assumez les audaces de votre intelligence, même si certains y voient de mauvaises manières. Le respect est, certes, parfois une attitude louable, mais il ne faut pas en faire un dogme. L’immobilisme n’est pas autre chose qu’une forme sournoise et édulcorée de la mort s’insinuant dans la vie. Peut-on imaginer une carrière heureuse sans un parfum d’héroïsme qui lui donne sens et saveur? Peut-on être avocat sans une envie de destin? Cultivez la, cette envie. Nourrissez la de défis sans cesse renouvelés. Allez ! Le monde s’offre à vous. En avant !

D.R.

Pierre-Olivier Sur

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Rentrée solennelle Jacques Degrandi

Devenir partenaires de justice par Jacques Degrandi

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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

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otre serment donne à la Cour l’occasion d’attirer solennellement votre attention sur son importance à travers quelques observations sur la justice que vous me permettrez de vous livrer. Vous allez exercer, à l’issue de votre scolarité, l’un des plus beaux métiers qui soit. Un de ces métiers qui demande à la fois une expertise, en l’occurrence une expertise juridique, un savoir-faire consistant essentiellement à articuler du fait et du droit, avec pour objectifs de défendre l’honneur et la liberté de personne accusées, ou de construire, à partir de données factuelles, la thèse de ceux dont vous porterez les intérêts civils, commerciaux ou sociaux, ou encore de rédiger un acte qui fasse utilement coïncider les buts de cocontractants au droit positif en vigueur. Les enjeux de toute nature attachés à ces fonctions seront parfois considérables. Vous découvrirez toute sorte d’hommes. Votre maturité prendra rapidement une nouvelle dimension parce que vous aurez à côtoyer, en un temps record, toutes les facettes de l’humanité. C’est une tâche aussi exaltante que difficile qui vous attend. Vous serez des partenaires, mot que je préfère à celui d’auxiliaire. Partenaires de justice tout d’abord, soit parce que vous contribuerez avec les juges à l’œuvre de justice, soit parce que vous appliquerez vous-mêmes ce qu’on appelle aujourd’hui le droit participatif qui vous placera purement et simplement dans la situation du juge pour parvenir à des décisions qui ne nécessitent pas l’intervention de ce dernier. Je vous encourage à devenir des spécialistes de la procédure participative. Elle a été introduite par la loi du 22 décembre 2010 entrée en vigueur le 1er septembre 2011. Elle permet à des parties adverses, assistées de leurs avocats, de conclure une convention aux termes de laquelle elles s’engagent à tenter de régler amiablement leur différend. Cette convention définit l’objet du litige et le terme de la négociation, avant l’arrivée duquel aucune juridiction ne peut être saisie par l’une ou l’autre des parties. Ces dernières peuvent avoir recours à un technicien. La procédure prend fin à l’issue du délai fixé, en cas de résiliation de la convention ou en cas d’accord conclu entre les parties. Dans cette dernière hypothèse, l’accord peut être soumis pour homologation à la juridiction. Dans les autres cas, les parties retrouvent la liberté de saisir ou non une juridiction pour faire trancher leur litige. Je vous renvoie aux articles 2062 et suivants du code civil et 1542 et suivants du code de procédure civile qui régissent cette procédure. Je suis convaincu qu’elle va prendre une importance singulière dans les années qui viennent. Le rapport que M. Pierre Delmas-Goyon, conseiller à la Cour de cassation, vient de remettre au Garde des Sceaux sur le juge du XXIème siècle propose même de créer un « acte de procédure d’avocat », qui consisterait à permettre aux avocats de deux parties qui sont d’accord, de procéder à des mesures d’instruction avant toute saisine d’une juridiction ou dans le cadre d’une instance pendante. Les avocats pourraient ainsi dresser des constatations, procéder à des auditions, certifier des pièces, désigner des sachants ou un médiateur.

Ayez résolument à l’esprit de telles perspectives avec la conviction qu’une justice négociée vaut mieux qu’une justice imposée. Recherchez donc toujours, dans l’exercice de vos futures fonctions, les possibilités de déboucher sur un accord. Adhérez aussi aux procédures de conciliation et de médiation pour aboutir au même résultat. N’oubliez jamais qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès. N’oubliez pas non plus que le bon avocat fait le bon juge. N’oubliez pas enfin que, parce que vous êtes un partenaire de justice, vous serez soumis à des règles éthiques et déontologiques apparentées à celles du juge, ce qui vous vaudra, à l’issue de votre scolarité, de prêter le serment d’exercer les fonctions d’avocat avec « dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ». L’éthique et la déontologie vous distingueront et feront la différence avec d’autres professions. L’attachement que vous leur porterez préservera la crédibilité indispensable d’une profession au cœur de l’intimité de nos concitoyens et au service de leurs activités et de leurs libertés fondamentales. Partenaires de justice, certes, mais aussi partenaires des acteurs économiques et sociaux soucieux de sécuriser leurs relations contractuelles dans un cadre légal. Profitez de votre scolarité pour apprendre la rédaction des actes d’avocats qui vont désormais bénéficier d’un mode centralisé et performant de conservation, similaire à celui de la conservation des actes authentiques. Je pense en particulier à la rédaction de mandats de protection future, de dispositions testamentaires ou de pactes civils de solidarité, mais encore de baux de toute nature, d’actes de cautionnement, de promesses de vente, de cessions de parts sociales, de reconnaissances de dette, d’actes de constitution de société, de contrats commerciaux, de contrats de travail, d’actes de rupture conventionnelle du contrat de travail. Vous devez absolument et résolument conquérir cet espace encore trop délaissé par la profession. Vous ne regretterez pas d’avoir consenti les efforts nécessaires à cette spécialité qui, si difficile et lourde de responsabilité qu’elle soit, répond à des besoins

croissants dans un monde qui ne cesse de se complexifier et ne peut plus se dispenser de la sécurité juridique que seuls des professionnels avisés peuvent apporter. Partenaires enfin des administrés dans leurs relations avec les administrations. L’article 6 de la loi du 31 décembre 1971 dispose que l’avocat peut représenter ou assister son client devant les administrations publiques sans que celles-ci ne puissent s’y opposer. Le Conseil d’État a très clairement jugé, le 27 octobre 1999 puis le 5 juin 2002, que, « sous réserve des dispositions législatives et réglementaires excluant l’application d’un tel principe dans les cas particuliers qu’elles déterminent, les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant les administrations sans avoir à justifier du mandat qu’ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu’ils déclarent agir pour leur compte ». Cette faculté d’assister ou de représenter devant les administrations est assortie du droit d’accéder directement aux informations détenues par ces dernières ainsi que cela résulte d’un arrêt du 3 octobre 2003 de cette haute juridiction. Elle concerne aussi bien la matière contentieuse que la matièregracieuse.Toutunchacunpenseleplussouvent à sa mise en œuvre devant l’administration fiscale, mais le champ de ce type d’intervention est beaucoup plus large. Pensez au domaine du travail, à celui de la consommation, à toutes les autorités administratives indépendantes,àl’éducation,auxinstancesdisciplinaires, y compris en établissement scolaire. Voilà un champ d’intervention de votre profession qui reste aussi en grande partie à conquérir car les administrés sont rarement conscients de ce qu’ils peuvent faire appel à l’avocat en dehors d’une action devant les juridictions administratives. Enfin, je ne pense pas inutile, à l’aube de votre scolarité, d’attirer votre attention sur la faculté de l’avocat d’être membre du conseil de surveillance d’une société commerciale ou administrateur de société sous certaines conditions, notamment celle de l’ancienneté dans la profession et celle que la mission concernée ne confère pas la qualité de commerçant car elle est incompatible avec l’indépendance de l’avocat. Je vous renvoie sur ces questions aux

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Rentrée solennelle dispositions législatives et réglementaires qui régissent votre future profession. C’est en tout cas à une révolution culturelle que je vous invite. Il peut vous paraître curieux que le juge qui va recueillir votre serment d’élèves avocats évoque d’autres missions que la mission judiciaire traditionnellement impartie à la profession. L’objectif est à vrai dire de vous sensibiliser d’emblée aux évolutions dont vous devez être conscients et que vous devrez porter dans les années qui viennent. Trop d’avocats ont encore du mal à concevoir leurs fonctions hors des juridictions. Cette prise de conscienceestàmonsensnécessaireàlasauvegarde de l’institution judiciaire. Cette institution n’échappe pas à la crise que connaît actuellement notre pays. Elle se traduit par une baisse des effectifs de magistrats et de fonctionnaires, un accroissement corrélatif des délais moyens de jugement, un vieillissement des dossiers en stock, l’obligation de définir des contentieux prioritaires tant au niveau des politiques de juridiction qu’à celui de chacune des formations juridictionnelles. Les difficultés sont telles que la Conférence des premiers présidents, lors de son séminaire annuel au mois de mai 2013, tout en réaffirmant le caractère essentiel de l’accès au droit et à la justice, a considéré qu’il était désormais impératif de recentrer le juge sur son cœur de métier, son rôle n’étant plus que de trancher des litiges lorsque d’autres procédures n’ont pas permis de parvenir à une solution acceptée. Elle a donc préconisé des transferts de charges vers d’autres professionnels ou structures compétents : officiers d’état civil, notaires, huissiers, administrations, assureurs. Elle a recommandé également de développer les modes alternatifs de traitement des conflits, spécialement la médiation, obligatoire mais gratuite dans certaines matières, rémunérée mais éligible à l’aide juridictionnelle dans d’autres. Elle a enfin préconisé des ajustements techniques, notamment le retour à la tradition française de l’appel réformation, la codification de l’obligation de

structurer les écritures en numérotant les demandes, les moyens et les pièces, avec présomption d’abandon de ce qui n’est pas numéroté, pour permettre à tous les acteurs du procès de circonscrire facilement et rapidement le périmètre du litige et de fiabiliser le processus judiciaire. Ces prescriptions ont été mal reçues par les barreaux que vous composerez demain. Elles ont été formulées sur le constat d’une judiciarisation excessive des rapports sociaux et de la nécessité de rétablir d’autres régulateurs des conflits. Que les avocats fassent partie de ces régulateurs et soit étroitement associés à cette évolution a paru évident et indispensable à la Conférence des premiers présidents. Elle l’a exprimé, probablement de manière insuffisante, en préconisant une réforme de la représentation ou de l’assistance obligatoire. Partant du principe que la loi autorise déjà la représentation et l’assistance devant les administrations ainsi que je viens de le souligner, les premiers présidents ont souhaité imposer la présence de l’avocat au côté des administrés et des justiciables en la rendant obligatoire, dès lors que la nature du contentieux ou l’enjeu du problème le justifie, là où, la plupart du temps, elle n’est actuellement que facultative. Il s’est agi dans leur esprit de renforcer le rôle de l’avocat dans la société, qu’ils estiment indispensable, et non de l’amoindrir. Je souhaite profondément que le malentendu soit dissipé et que l’École de formation du plus grand barreau de France vous prépare efficacement à ces nouveaux champs d’intervention de l’avocat. Il m’a donc paru important de vous alerter dès aujourd’hui sur le fait que vous ne devez plus miser sur « le tout judiciaire ». Vous verrez alors que la question d’un éventuel numerus clausus sera évacuée. D’autant que les avocats devraient aussi dans mon esprit être associés à l’activité juridictionnelle bien plus qu’ils ne peuvent l’être aujourd’hui. Actuellement, les avocats peuvent compléter une formation collégiale du tribunal de grande instance et de la cour d’appel. Mais, d’une part, cette suppléance est ponctuelle et décidée par le président d’audience.

D’autre part, elle n’est pas rémunérée. Je forme à nouveau le souhait qu’en cette période de grande difficulté, soit codifiée la faculté pour les chefs de cour et de juridiction de compléter les audiences collégiales par des avocats ayant un statut de magistrats associés moyennant le règlement de vacations horaires. Outre que ce serait un nouveau facteur de rapprochement des professions, de telles dispositions permettraient de faire face à la restriction des moyens humains des juridictions que je viens d’évoquer et de traverser la crise en offrant un débouché supplémentaire aux avocats que cela intéresse. J’espère vous avoir convaincus, même si je n’ignore pas la relative technicité de ce discours, que l’avenir qui s’offre à vous est plein de perspectives. De la crise actuelle peut sortir des bouleversements auxquels nous n’aurions pas pensé dans le confort routinier d’une certaine opulence. Vous avez plein de projets à porter dans l’intérêt de votre future profession, des justiciables et de la justice, des citoyens dans l’exercice de leurs activités et des administrés. Soyez convaincus que vous êtes en capacité, grâce à votre accès à l’École de formation du barreau, de contribuer à forger l’avenir de l’institution judiciaire dont vous êtes l’une des parties essentielles. Sachez aussi que vous pourrez compter sur le soutien actif des nombreux magistrats parisiens qui ont également à faire face aux évolutions en cours. La Justice est au carrefour de défis qu’elle relèvera par la volonté commune de servir l’intérêt général. Elle doit se lancer dans l’avenir avec réalisme, inventivité et courage. Je ne doute pas que les élèves avocats de la promotion « Jean-Yves Le Borgne », un parrain qui m’inspire une haute et très cordiale considération, et les avocats que vous allez devenir vont y contribuer de manière significative. Donnez-vous pleinement au métier singulier auquel vous vous destinez. Il vous le rendra au-delà de vos espérances. 2014-51

D.R.

Prestation de serment de la Promotion 2014/2015 Jean-Yves Le Borgne en audience solennelle foraine

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Vie du droit

Ministère de la Justice

Transposition de la directive « accès au dossier » et création de la mission Beaume

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a Garde des Sceaux a présenté hier en Conseil des Ministres un projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales. La Ministre de la Justice a précisé qu’elle tenait tout particulièrement à cette transposition. D’abord parce qu’elle renforce les droits de la défense au cours des procédures, mais aussi parce qu’elle permet de sécuriser celles-ci. Ce projet crée notamment un statut des personnes suspectées lors de l’enquête, qui, dans certains cas, peuvent être entendues librement sans être placées en garde à vue. Le projet de loi améliore également les droits des personnes gardées à vue : celles-ci seront

plus précisément informées de l’infraction reprochée ainsi que des motifs de la garde à vue. Elles recevront un document écrit énonçant leurs droits. Enfin, les personnes poursuivies, si elles sont citées directement ou convoquées par un officier de police judiciaire, pourront obtenir la copie de leur dossier en un ou deux mois et demander des actes supplémentaires au tribunal. Ce projet de loi constitue une première étape dans le renforcement des droits de la défense au cours de la procédure pénale, qui devront en effet encore être améliorés, notamment pour introduire du contradictoire dans les enquêtes de flagrance ou préliminaires. A cette fin, la Garde des Sceaux a confié une mission au Procureur Général Jacques Beaume pour redéfinir, de façon pérenne,

l’architecture de l’enquête pénale, en renforçant les droits de la défense, dans le respect des exigences européennes, tout en préservant l’efficacité des enquêtes. La Ministre de la Justice anticipe ainsi la transposition de la directive du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat, qui doit intervenir avant décembre 2016. Elle favorise surtout la conception d’une réforme cohérente et concertée, ne voulant pas réitérer les erreurs de la gouvernance passée, qui consistait à répondre au coup par coup, aux nouveaux impératifs imposés par le droit européen et les Cours suprêmes. C’est dans un tel état d’esprit que la sécurité des procédures pénales pourra être garantie. 2014-52 Communiqué du 22 janvier 2014

Syndicat de la Magistrature

Accès au dossier et droits de la défense : en attendant 2016...

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ors du Conseil des Ministres du 22 janvier 2014, la Garde des Sceaux a présenté un projet de loi « portant transpositiondeladirective2012/13/UEdu Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales ». Cette directive, qui prévoit notamment pour la personne « suspecte » ou « poursuivie » le droit « d’être informé de ses droits » et « de l’accusation portée contre soi », ainsi que le droit d’avoir « accès aux pièces du dossier », doit être transposée au plus tard le 2 juin 2014. La Ministre a par ailleurs annoncé, dans la perspective de la nécessaire transposition avant 2016 d’une directive sur « le droit d’accès à l’avocat », l’installation prochaine d’une mission chargée de mener une réflexion plus ample sur l’enquête pénale et confiée à « de hautes personnalités judiciaires ». Cela fait maintenant trois ans que les professionnels de justice attendent que la France – après avoir, sous la pression, permis à l’avocat d’être présent lors des auditions de la personne en garde à vue se dote enfin d’une législation pénale pleinement respectueuse des droits de la défense, tels que définis par la jurisprudence et les textes européens. Le pas franchi en 2011 avec la loi sur la garde à vue est certes important mais reste insuffisant. Notamment parce que l’avocat ne peut toujours pas avoir accès à l’intégralité des pièces du dossier, et ne peut ainsi « assister » de manière efficiente la personne mise en cause pendant cette phase essentielle de la procédure. La décision récente du tribunal correctionnel de Paris annulant, sur le fondement de la CEDH, des procès-verbaux

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de garde à vue au motif que l’avocat n’avait pas eu connaissance des pièces de la procédure, démontre, s’il en était besoin, l’urgence d’une réforme aboutie. Or si le texte présenté, établi dans la précipitation et sans réelle concertation, contient des avancées significatives, nous sommes encore loin du compte. Nous ne pouvons ainsi que nous féliciter, notamment, que le gouvernement prenne conscience de la nécessité de mettre fin – même si c’est a minima - au caractère totalement secret de l’enquête dirigée par le procureur en prévoyant la possibilité pour la défense de présenter des demandes d’acte au tribunal avant toute audience au fond. Ou qu’il se préoccupe enfin de « l’audition libre » de la personne suspectée, en lui reconnaissant le droit d’être assisté d’un avocat, ce que le Syndicat de la magistrature réclame… depuis 2010 ! Il est cependant regrettable que cette préoccupation ne soit pas allée à son terme puisque le projet ne limite pas la durée de l’audition – rendant ainsi possibles toutes les dérives – et restreint de façon injustifiée le droit à l’assistance aux auditions concernant les crimes et les délits punis d’emprisonnement. Mais nous ne pouvons en revanche que déplorer le manque d’ambition patent du Gouvernement dans la transposition des dispositions de la directive concernant le droit de la personne mise en cause et de son avocat d’accéder au dossier. Choisissant de transcrire a minima la directive qui indique que cette mise à disposition doit intervenir « en temps utile pour permettre l’exercice effectif des droits de la défense et au plus tard, lorsqu’une juridiction est

appelée à se prononcer », le texte n’élargit en rien le droit d’accès à la procédure durant la garde à vue et prévoit juste que la communication du dossier doit être complète durant l’instruction – ce qui est déjà le cas – et avant l’audience au fond. Contrairement à ce qu’impose la jurisprudence européenne, notamment dans ses arrêts « Dayanan c. Turquie » ou « Brusco c. France », l’avocat n’est donc toujours pas mis en capacité d’exercer sa mission d’assistance durant l’intégralité de la procédure, et notamment dans la phase essentielle qu’est la garde à vue. Encore une fois, le Gouvernement, à la traîne de la jurisprudence et des textes européens et attendant d’être mis au pied du mur par une prochaine directive, a choisi de procéder à une réforme a minima, au prétexte qu’il s’agirait là d’une « première étape dans le renforcement des droits de la défense au cours de la procédure pénale » et qu’une amélioration interviendrait « au vu des conclusions d’une mission confiée à de hautes personnalités judiciaires ». Permettre l’accès au dossier dès la garde à vue est pourtant une évidence, une nécessité. Attendre les conclusions d’une énième mission - peut-être utile par ailleurs - pour mettre en œuvre ce droit essentiel ne fera qu’aggraver le retard injustifié de notre procédure en la matière. Les débats parlementaires devront être l’occasion de donner à ce texte l’ambition qui lui manque en consacrant ce droit, et il sera ainsi une réelle « première étape dans le renforcement des droits de la défense au cours de la procédure pénale. » 2014-58

Les Annonces de la Seine - Jeudi 23 janvier 2014 - numéro 5

Communiqué du 22 janvier 2014


Vie du droit

Barreau de Paris

Géolocalisation : vers un « Patriot Act » à la française ? Paris, 21 janvier 2014 Pour le bâtonnier de Paris, les techniques d’enquête propres au terrorisme et à la grande délinquance ne peuvent pas être étendues à tous les citoyens. Le 20 janvier dernier, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi du Gouvernement sur la géolocalisation dans les enquêtes judiciaires. Il prévoit la possibilité pour un procureur de localiser un téléphone mobile sans contrôle d’un juge pour une durée de huit jours. L’Ordre des Avocats de Paris regrette que cette disposition initialement prévue pour la grande délinquance organisée et le terrorisme, ait été ouverte à la poursuite d’autres infractions, banalisant ainsi un dispositif conçu pour ne s’appliquer que de façon très exceptionnelle... Il se montrera donc vigilant contre toute atteinte portée aux libertés publiques.

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Pierre-Olivier Sur

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our Pierre-Olivier Sur, Bâtonnier de Paris, « le danger est de voir s’immiscer dans notre système juridique une sorte de Patriot Act à la française. Avec la loi de programmation militaire, adoptée en décembre 2013, tout citoyen peut désormais être “tracé”, par exemple par l’administration fiscale avec un minimum de gardes fous. Ce nouveau projet de loi “géolocalisation” ajoute de nouvelles formes d’enquête hors de tout contrôle du juge. Il est donc urgent de rétablir dans ce projet de loi le rôle du Juge des Libertés et de la Détention qui, seul, car parfaitement indépendant, doit pourvoir autoriser en amont et contrôler en aval la procédure de géolocalisation ». Avec ce projet de loi, un procureur pourrait en effet autoriser les enquêteurs à intercepter des communications et à localiser un téléphone mobile sans contrôle d’un juge pour une durée de huit jours. Le Barreau de Paris constate que les sénateurs ont fait preuve de sagesse en adoptant un amendement ramenant la durée pour la géolocalisation arbitraire

Ministère de l’économie

d’un téléphone mobile de 15 à 8 jours – contre l’avis du Gouvernement. Il regrette en revanche que le Gouvernement ait à nouveau ouvert la localisation en temps réel pour les délits prévus au livre II du Code pénal (atteinte aux personnes) punis de plus de 3 ans d’emprisonnement alors que le projet de loi la réservait aux délits susceptibles de plus de 5 ans. Pour Pierre-Olivier Sur, « il faut être extrêmement vigilant. Le principe légitime de la “sécurité nationale” ne saurait justifier un tel recul des libertés publiques grâce aux moyens numériques de surveillance des citoyens. » L’Ordre des Avocats de Paris suivra avec attention la suite des débats sur le projet de loi “Géolocalisation”, qui devrait être transmis prochainement à l’Assemblée nationale et maintiendra sa demande forte de confier à un magistrat du Siège le contrôle de cette nouvelle procédure d’enquête. De même, l’Ordre des Avocats de Paris s’impliquera dans le débat qui s’ouvre sur les libertés numériques et leur valeur constitutionnelle. Communiqué du 21 janvier 2014

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Vie du chiffre

Rencontre entre Pierre Moscovici et Jacob J. Lew Pierre Moscovici et Jacob J. Lew

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ierre Moscovici, Ministre de l’économie, a accueilli à Bercy le 7 janvier dernier Jacob J. Lew, Secrétaire américain au Trésor, lors de son passage à Paris. L’occasion pour Pierre Moscovici de déclarer que : « la France et les Etats-Unis, depuis mai 2012, tiennent un langage extraordinairement proche » et que « nous avons une approche très convergente sur la nécessité d’avoir une reprise qui soit solide ». « Priorité doit être donnée à la croissance et à la création d’emplois », a-t-il ajouté. « Cela nécessite d’avoir une approche équilibrée entre le redressement des finances publiques, qui reste une nécessité, et les politiques de soutien à la croissance ». Le Président de la République François Hollande a ensuite reçu Monsieur Lew à l’Elysée où ils se sont félicités du redémarrage confirmé de l’activité économique en Europe et aux Etats-Unis. 2014-54 Jean-René Tancrède

Les Annonces de la Seine - Jeudi 23 janvier 2014 - numéro 5

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Paris, 7 janvier 2014

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Vie du droit

Installation et réforme du Tribunal des conflits Paris, 20 janvier 2014 Christiane Taubira, Ministre de la Justice a procédé lundi 20 janvier, à la Chancellerie, à l’installation du Tribunal des conflits qui règle les conflits de compétence entre les juridictions de l’ordre administratif et les juridictions de l’ordre judiciaire.

L

e fonctionnement actuel de ce tribunal conserve encore les traces d’une justice retenue d’antan, avec la présence du Garde des Sceaux comme membre permanent et président du Tribunal, ce qui est la marque, même si elle est théorique, d’une confusion des pouvoirs et d’une ingérence de l’exécutif dans l’activité juridictionnelle. La Ministre de la Justice a souhaité mettre un terme à cette anomalie héritée du passé. Elle a confié à un groupe de travail présidé par Monsieur Gallet, vice-président du Tribunal des conflits, le soin de mener une réflexion dont les conclusions lui ont été remises le 11 octobre 2013. Le rapport préconise notamment de mettre fin à la présidence de cette juridiction par le Garde des Sceaux et de moderniser les dispositions en vigueur pour en accroître l’accessibilité et la lisibilité au profit des justiciables. Il propose également de réformer les attributions et le fonctionnement du Tribunal des conflits en

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Christiane Taubira

permettant de régler par ordonnance les affaires dont la solution s’impose et en évitant de réunir la formation plénière du tribunal des conflits dans ce cas. Cette réforme sera en outre l’occasion de mettre en cohérence les textes souvent très anciens qui régissent cette juridiction. Ces dispositions visent à renforcer le Tribunal des conflits, juridiction essentielle à la bonne administration de la justice et à l’accompagnement des citoyens dans la reconnaissance de leurs droits. C’est pourquoi la Ministre a souhaité que le projet de loi de simplification du droit et des procédures qui a été discuté au Sénat en 1ère lecture, ce mardi 21 janvier, comporte une habilitation permettant au gouvernement de réformer la composition et le fonctionnement de cette juridiction. Cette réforme s’inscrit dans la démarche de modernisation de l’institution judiciaire engagée par la Garde des Sceaux et dans sa volonté d’offrir aux citoyens les garanties d’une justice impartiale, plus efficace et plus accessible. 2014-55

Communiqué du 20 janvier 2014

Tribunaux de commerce : une nécessaire réforme ? Commission Justice du « Club des juristes Paris, 8 janvier 2014 » Alors que la Garde des Sceaux vient d’annoncer « qu’elle enterrait définitivement » le projet d’échevinage des tribunaux de commerce, le Club des juristes, quant à lui, estime nécessaire une redéfinition de la juridiction commerciale. Depuis quelques années, la juridiction économique est l’objet de remises en question (critique de la compétence des juges et de leur impartialité, des professionnels du droit des procédures collectives et du rôle des greffiers). Le projet de loi sur la justice commerciale, attendu au premier semestre 2014, doit être l’occasion d’une discussion publique ouverte et constructive. Le rapport de la Commission Justice du Club des juristes se propose, quant à lui, de réformer la juridiction « afin d’assurer une justice de qualité au secteur économique », souligne Jean-Claude Magendie, Premier Président Honoraire de la Cour d’appel de Paris et président de la commission. 22 PROPOSITIONS TRACENT LES PLANS DE LA RÉFORME. ELLES S’ORGANISENT AUTOUR DES 5 AXES SUIVANTS : 1. Repenser l’attribution des compétences de la juridiction commerciale : conférer à la juridiction commerciale les seuls litiges dont la spécificité justifie une compétence particulière (les baux commerciaux et l’ensemble des affaires relevant des procédures collectives). 2. Rationaliser et renforcer les moyens de la juridiction commerciale : suppression d’une part

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des greffes des tribunaux de commerce en leur forme actuelle et leurs intégration à la juridiction et, d’autre part, rénovation des relations avec les mandataires judicaires. 3. Professionnaliser la juridiction consulaire : dispenser une formation labellisée et obligatoire aux juges siégeant dans les tribunaux de commerce et faciliter la circulation entre les juges professionnels et non professionnels. Mettre en place un « magistrat référent » afin de combler les besoins de certains tribunaux et assurer la rémunération des juges consulaires.

4. Réformer la carte judiciaire commerciale : par la réduction du nombre des tribunaux de commerce et le rattachement des tribunaux de moins de quinze juges à de grands pôles. (Il rejoint sur cette idée le rapport d’information parlementaire du 24 avril 2013.) 5. Mieux appréhender les situations de conflit d’intérêts : par l’utilisation du magistrat référent comme pilier de la prévention et par la formation des juges consulaires. 2014-56

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Source : Communiqué du 8 janvier 2014


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Vie du droit

Le Cercle Maison de l’Amérique latine - Paris - 16 janvier 2014

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e Cercle a ouvert son cycle de dînersdébats pour 2014, autour d’une centaine de participants, par une invitée de marque, Madame Nathalie Kosciusko Morizet, ancienne Ministre et candidate à la Mairie de Paris. Rappelant le parcours politique et l’histoire personnelle de Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean Castelain, a évoqué sa lignée politique familiale et son engagement personnel particulièrement sur les questions environnementales. La sécurité, première des libertés (appréhendée dans sa globalité) a fait l’objet d’un débat nourri, l’invitée d’honneur a renouvelé ses engagements de garantir la tranquillité dans les rues de Paris, évoquant de nombreux exemples d’atteintes à celle-ci, elle a souhaité, reprenant l’exemple de New York, avoir comme objectif la tolérance zéro, seule susceptible de faire bouger les lignes. Elle s’est interrogée sur le maintien de la spécificité, liée à des raisons historiques, de l’absence d’une police municipale à Paris. Favorable à une modification législative sur ce sujet ,elle s’engage, dans l’attente de celle-ci, à apporter des solutions par une meilleure gestion des moyens humains, comme en matière de propreté.

Ainsi propose-t-elle la création d’une police de quartiers, le rattrapage du retard en matière de vidéoprotection. Cette meilleure gestion des moyens humains doit d’ailleurs être appréhendée dans sa globalité. Une nouvelle gouvernance sera mise en place, permettant de réaliser des économies et de réinsuffler de l’énergie. En matière de logements, sa priorité est de maintenir et de faire revenir les classes moyennes et leur famille dans la capitale. Répondant à une question sur la place économique de Paris, et son décrochage, moins 4 places, de la compétition avec les autres grandes capitales, Londres détrône Paris en matière touristique, elle s’est engagée à promouvoir l’excellence parisienne. Sujet sensible de la campagne éléctorale, la circulation automobile et la qualité environnementale ont fait l’objet de plusieurs questions : la ville de Paris est de plus en plus polluée avec 53 jours de mauvaise qualité de l’air en 2000 pour 117 en 2012. En réponse, Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM) s’est déclarée favorable à la limitation de l’automobile dans Paris et au développement des véhicules électriques.

Des solutions doivent être trouvées à la présence de cars de tourisme trop polluants et certains quartiers devraient être interdits à la circulation, celle-ci y étant devenue impossible. NKM a confirmé son souhait de créer une véritable continuité entre Paris et les municipalités qui l’entourent notamment par la couverture du périphérique. Des lieux culturels seront développés aux cinq portes de Paris qui doit retrouver sa dimension culturelle. Elle s’est enfin étonnée, de façon humoristique, du reproche qui lui est fait par l’équipe municipale en place sur son parachutage de Longjumeau à Paris ! Estimant que son expérience de maire d’une ville de la couronne était au contraire une chance pour Paris et son développement. « Paris ne s’hérite pas, Paris se mérite » aime t’elle à rappeler. « Paris, gloire de la France est l’un des plus beaux ornements du monde » pour Montaigne, est donc l’enjeu de cette campagne électorale. « Le Cercle » se voulait être au cœur du débat autour de l’avenir de Paris, en invitant les deux candidates à la Mairie. 2014-57 Danielle Monteaux Déléguée Générale du Cercle

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Jean Castelain, Nathalie Kosciusko-Morizet et Danielle Monteaux

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