Edition du jeudi 2 février 2012

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LES ANNONCES DE LA SEINE Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Jeudi 2 février 2012 - Numéro 9 - 1,15 Euro - 93e année

Conférence des Bâtonniers Assemblée Générale - 27/28 janvier 2012 Martine Gout, Jean-François Mortelette, Jean-Luc Forget, Louise-Hélène Bensoussan, Michel Mercier et Alain Pouchelon

VIE DU DROIT Conférence des Bâtonniers Partenaire de l'adaptation de l'Etat de droit par Jean-Luc Forget......

Participation des Citoyens assesseurs à la justice Cour d'Appel de Dijon ..........................................................................

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Baptême de la passerelle Albert Viala

10 AGENDA ......................................................................................5 JURISPRUDENCE

Baptême de la passerelle Albert Viala .............................................

Discipline des notaires Conseil constitutionnel - 27 janvier 2012 Décision n° 2011-211 QPC ...............................................................

12 ANNONCES LEGALES ...................................................13 PALMARÈS

Prix Jean Carbonnier Cérémonie de remise du Prix 2011 Cour de cassation.............................................................................

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a séance d’ouverture de l’Assemblée Générale statutaire de la Conférence des Bâtonniers s’est déroulée le 27 janvier en présence du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés, Michel Mercier. Les travaux se sont poursuivis dans l’après-midi et la matinée du lendemain. Après avoir rendu hommage à son prédécesseur Alain Pouchelon, aujourd’hui Président honoraire de la Conférence pour le travail accompli au cours de son mandat, le Président Jean-Louis Forget a accueilli Dominique Baudis, Défenseur des Droits. Sa communication sur cette nouvelle institution qui regroupe les missions du Médiateur de la République, du Défenseur des Enfants, de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) et de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS), fut d’un intérêt et d’une qualité exceptionnels. Cette autorité constitutionnelle indépendante qui permet aux citoyens de mieux connaître leurs droits et qui ouvre aux avocats une niche nouvelle d’activité a suscité l’enthousiasme et de nombreuses questions au sein de l’assistance. Le Président Forget a ensuite exposé le deuxième sujet à l’ordre du jour, la gouvernance, laissant le soin de conclure au Bâtonnier Christian Charrière Bournazel, Président du Conseil National des Barreaux pour la mandature 2012-2014. Après les élections de janvier dernier, il compte 27 membres élus dans le collège ordinal. Il a aussi souligné l’élection de Francis Poirier à la présidence de la Commission « Règles et usages » où se sont d’ailleurs illustrés le Bâtonnier Henri Ader et Jean-Michel

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Braunschweig. Sur ce sujet, la Conférence s’en tiendra aux décisions prises au cours de ses assemblées générales antérieures et sera intransigeante sur le maintien d’un Ordre et d’un Bâtonnier là où il y a un tribunal, ce qui n’exclut pas la mutualisation des services et les regroupements des CARPA. Ce fut une allocution précise, riche de propositions, de réflexions, dites avec clarté et autorité. Avec la fougue et l’éloquence qu’on lui connaît, le Président Charrière Bournazel, a clôturé le débat avec un bref rappel historique sur l’origine religieuse des ordres, la représentation ordinale réunissant le Barreau de Paris à la Conférence des Bâtonniers. Il pense, avec le Président Forget, qu’une modification de son mode de scrutin serait souhaitable. Il ne semble pas en revanche favorable à une gouvernance par un Ordre national, thèse soutenue notamment par Michel Bénichou. Des évolutions sont cependant nécessaires de concert entre le Conseil National des Barreaux, le Barreau de Paris, la Conférence des Bâtonniers, comme celle du règlement arbitral des conflits entre avocats, et donc entre les Bâtonniers de leurs Barreaux respectifs. Il conviendrait à cet égard de finaliser l’institution d’un Bâtonnier tiers arbitre. En homme de lettres à la culture incontournable, le Président Charrière Bournazel a conclu : « le CNB, c’est une proue pour le Barreau et un phare pour la liberté ». En effet la Cour de cassation en 2010 et mieux encore, dans un arrêt du 15 décembre 2011, a réaffirmé que la règle déontologique ne pouvait faire échec à celle de procédure. A. Coriolis et Jean-René Tancrède

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Vie du droit

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Copyright 2012 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2011 ; des Yvelines, du 20 décembre 2011 ; des Hauts-deSeine, du 28 décembre 2011 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 décembre 2011 ; du Val-de-Marne, du 20 décembre 2011 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.

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COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président de la Chambre des Notaires de Paris Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

Partenaire de l'adaptation de l’Etat de droit par Jean-Luc Forget onsieur le Garde des Sceaux, Voici les bâtonniers ! Voici les bâtonniers des 160 barreaux des régions de France. Ce ne sont pas vos bâtonniers. Ce ne sont pas les miens. Ce sont les bâtonniers de France. Ils président aux destinées des ordres garants de l'indépendance des avocats. Vous n'êtes pas le premier bâtonnier de France. Moi non plus. Vous êtes le représentant du pouvoir exécutif, garant de l'autorité et de la neutralité de l'Etat. Les bâtonniers sont les autorités de l'exercice d'un contre-pouvoir judiciaire indispensable à l'état de droit et garant d'une république démocratique. Ils sont honorés et heureux de vous recevoir. Ils ont respect et considération pour l'Etat que vous représentez. Ils savent que vous avez respect et considération pour les ordres, ces structures particulières qui viennent de fêter le bicentenaire de leur rétablissement, ces structures organisées pour garantir et contrôler l'exercice d'une profession particulière, essentielle à la démocratie, une profession qui assure la défense des droits - et donc l'assistance et le conseil - à tout moment, à tout instant, en tout lieu au bénéfice de toutes personnes, associations, entreprises, collectivités.

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Les avocats exercent avec les seuls moyens du droit la liberté de dire, de s'exprimer, de s'opposer, pour justifier ce qu'il est possible de faire et signifier, ce qu'il est impossible d'imposer. Avec la franchise et la loyauté qui caractérisent et qui doivent présider à nos relations, les avocats ont mesuré les avancées que vous avez su concrétiser ou confirmer en cette année 2011. - La question prioritaire de constitutionnalité est désormais entrée dans notre système de droit et est intégrée par ses acteurs. Les avocats se la sont appropriée. Elle est garante de l'équilibre, de la cohérence et de la stabilité de l'état de notre droit. - L'acte contresigné par avocat est, depuis le mois d'avril, un nouvel outil de notre droit positif. Les avocats se l'approprient non pas parce que ce serait leur acte, mais parce qu'il consacre, dans l'intérêt des justiciables, un nouvel acte sécurisé entre l'acte sous-seing privé et l'acte authentique. - Et désormais, depuis le décret de ce 20 janvier 2012 pris en application de la loi du 22 décembre 2010, la procédure participative devient réalité. Les avocats peuvent s'approprier ce nouvel instrument d'exercice du conseil et de la défense parce que l'assistance, le conseil et la défense s'imaginent aussi dans des solutions non conflictuelles et négociées. Les avocats mesurent ces évolutions. Ils s'en réjouissent car elles développent, adaptent et confortent notre système judiciaire français. Ils s'en réjouissent mais ils doivent aussi déplorer, dans d'autres domaines, la multiplication des lois de circonstances au gré des faits divers, ces

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Vie du droit textes qui viennent fragiliser la sécurité juridique, condition de la sécurité tout court dans le respect des libertés publiques et individuelles.

Les ordres d'avocats, indissociables de l’état de droit républicain

- Connaissez-vous une autre profession qui, du jour au lendemain - ce n'est pas ici une expression, ce fut notre réalité - qui du 14 au 15 avril 2011, puisse être en mesure d'assurer sa présence, son nouveau rôle - encore insuffisant mais déjà essentiel - dans tous les lieux de gardes à vue ? Connaissez-vous une autre profession qui puisse assumer dans l'instant ces nouvelles obligations réclamées depuis tant d'années sans

présente. Elle n'a pas été prise en défaut. Les avocats, les jeunes avocats bien souvent, les ordres et leurs bâtonniers ont assuré. - Quelques semaines plus tard, par l'effet de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques, cette loi étant consécutive à une QPC, c'est cette même profession qui a encore répondu présent. Dés le 1er août 2011, elle a assuré la présence de l'avocat et organisé l'assistance et la défense des personnes devant le JLD dés lors qu'il s'agit de décider de leur maintien en hospitalisation sans leur consentement. Connaissez-vous une autre profession qui dispose de cette capacité, de cette réactivité à faire ? - Et encore aujourd'hui, les bâtonniers que vous avez devant vous se battent pour assumer 4 réformes qui ont, dans la réalité, pris effet ensemble au 1er janvier 2012 : . la suppression des avoués, . conjuguée à la réforme de la procédure civile d'appel, . conjuguée à la dématérialisation de cette procédure, . conjuguée à l'obligation que vous nous avez imposée, que l'Etat a imposé aux justiciables,

Cette entreprise exige de l'Etat la considération pour nos fonctions et le respect de notre identité car nous sommes partenaires de l'édification et de l'adaptation de l'état de Jean-Luc Forget droit.

savoir pendant quelques jours si elle en sera rétribuée, sans savoir pendant plusieurs semaines comment elle sera indemnisée, sans savoir pendant quelques mois quand cette indemnisation lui sera effectivement versée ? Comme tous les acteurs du processus pénal, mais dans cette situation caractérisée par les incertitudes, la profession d'avocat a répondu

d'assumer une fiscalité nouvelle pour contribuer à l'aide juridique et au fonds d'indemnisation des avoués. Quatre réformes cumulées dans un même temps. Les avocats, les ordres et les bâtonniers vous démontrent par les faits la présence et la réactivité d'une profession.

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Les 161 ordres indépendants de France sont les garants en tous lieux, à tout instant du respect de l'état de droit par les citoyens, par les acteurs économiques et sociaux et par l'Etat. Ils sont indissociables de l'état de droit républicain. Les 161 ordres de France constituent une richesse, un véritable atout de notre système judiciaire. Ils assurent par leur proximité, son autorité, sa lisibilité, et l'effectivité de l'accessibilité aux droits. Ils prouvent chaque jour leur capacité à s'adapter, à intégrer la multiplicité des évolutions dictées par l'Etat ou les exigences européennes. Ils sont aussi en tout temps et en tous lieux les sentinelles de notre identité professionnelle, de l'indépendance des avocats qui caractérise et fonde la démocratie. Lorsque vous évoquez la nécessité d'une justice de proximité, ils vous applaudissent. Les 161 ordres de France participent de cette proximité. Ils contribuent ainsi à l'autorité de notre Justice, garante de l'état de droit et ainsi véritable régulateur social. Alors bien sûr, nous pourrions, vous pourriez, des âmes bien pensantes pourraient, imaginer quelque représentation professionnelle plus simple, plus facile à appréhender et peut-être à contrôler qui, par un postulat non vérifié et à vrai dire, très contestable, serait source d'efficacité, de rapidité, de cohérence et d'économie. Ces conjectures fragilisent les ordres en particulier et notre institution judiciaire en général. Gardons nous d'imaginer des reconstructions sans lien avec notre histoire, avec notre culture et avec notre identité et de nous appli-

quer des slogans simplificateurs et donc réducteurs de ce que nous sommes. « Notre avenir passera par le respect de ce que nous avons reçu du passé ». Appliquons-nous déjà à faire en sorte que ce maillage territorial de proximité issu de notre histoire, garantie de notre indépendance, indispensable à nos exercices professionnels se trouve renforcé dans son efficacité, dans sa cohérence, dans sa réactivité constructive. Telle est la mission de la Conférence des bâtonniers. La Conférence est là pour signifier qu'au procureur doit répondre un bâtonnier et qu'un Ordre est indissociable d'un tribunal de grande instance. Mais d'ailleurs, vous savez ce que font les ordres. Vous les avez mis à contribution, peut-être même à l'épreuve, en cette année 2011.

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Vie du droit

La considération pour les fonctions et obligations de l'avocat

Ce sont les chiffres accumulés par les retards, par l'oubli, par la longue déconsidération dans laquelle l'Etat a tenu, non pas sa justice, mais la Justice de notre pays. Nous savons que grâce à votre implication, le budget de la Justice est l'un des rares à trouver encore crédit dans les arbitrages budgétaires contraints et douloureux de notre pays. Un peu tard, l'Etat mesure financièrement la priorité qu'il doit donner à la Justice. Mais dans cette priorité, nous savons que ce n'est pas le budget général de la Justice mais celui de l'administration pénitentiaire qui bénéficie essentiellement de ces efforts. Je viens simplement vous dire que la considération que l'on doit avoir, que vous avez, que vous pouvez avoir pour les avocats, doit s'exprimer autrement que par les mots mais par une considération financière qui tienne compte de leurs réelles sujétions. - J'évoquais tout à l'heure la garde à vue. Je n'évoquerai pas ici la rémunération de la prestation de l'avocat parce que nous devons nous rencontrer pour confronter nos retours d'une expérience réussie. En effet, à la communication non contradictoire qui s'est exprimée récemment doit répondre la communication des avocats sur ce qui se fait, sur ce qui se fait bien et sur ce que cela impose à chacun des professionnels que nous sommes. La Conférence dispose aussi de chiffres et ses chiffres doivent être confrontés à ceux que le ministère de l'Intérieur communique. Mais comment justifier qu'aucune disposition spécifique n'ait, encore à ce jour, pu être présentée s'agissant des sujétions de nuits et de déplacements qui sont imposées à nos confrères. Il y a là des mesures à l'impact financier réduit, déjà compensé par l'heureuse diminution du nombre des gardes à vue dans notre pays, et susceptibles d'être abondées par la perception du droit de timbre mis en place. De telles dispositions consacreraient la simple considération de la réalité, des particularités et des difficultés rencontrées par les avocats dans

l'exercice de leur présence en tous lieux et en tous temps. - De même, comment imaginer que la rétribution de la défense des personnes hospitalisées d'office se limite à 4 UV ce qui après déduction du droit de plaidoirie perçu par l'Etat, représente la somme de 79 euros. Il faut mesurer le temps passé, les difficultés si particulières rencontrées, la formation spécifique mise en œuvre par les ordres, les impacts déontologiques de ces difficultés, autant de sujétions nouvelles qui impliquent de la part des ordres, de la part des avocats des efforts considérables et financièrement parfaitement déterminables. - Enfin, comment expliquer à nos confrères que leurs nouvelles activités, leurs nouvelles responsabilités, conséquences de la représentation désormais assumée par les avocats devant les cours d'appel depuis ce 1er janvier n'aient toujours pas été considérées financièrement. Et plus précisément encore, qu'en est-il du projet de décret relatif à la rétribution des missions d'aide juridictionnelle accomplies désormais par les avocats devant la cour d'appel ? Il est des situations où l'Etat en vient à se décrédibiliser, dés lors qu'il n'accompagne pas en temps et heures les évolutions qu'il impose ou qu'il fait valoir de prétendues économies sans commune mesure avec les nouvelles missions et obligations qui s'imposent aux avocats. C'est à de tels signes - et à l'absence de tels signes - qu'une profession mesure la considération dans laquelle elle est tenue au regard de ses efforts. Et demain, nous savons que nous devrons à nouveau ouvrir le chantier du « domaine assisté » - sans parler exclusivement de l'aide juridictionnelle - mais du domaine des assistances dues aux plus pauvres, aux plus démunis dans notre société, travail qui devra se conclure par la mise en place d'un nouveau système digne de l'état de droit afin de remplacer un système à bout de souffle. La Conférence des bâtonniers a été de tous les combats. Elle a été de toutes les propositions.

La considération de l'Etat pour ce que les bâtonniers, les ordres et les avocats réalisent doit s'exprimer dans les modalités de mises en œuvre des obligations et sujétions nouvelles qui leurs sont imposées par des évolutions souvent indispensables. Un peu plus d'anticipation, de préparation, de cohérence, de pédagogie seraient utiles aux évolutions. La considération, c'est aussi prendre l'exacte mesure des efforts faits par une profession en général et par ses acteurs en particulier. Elle consiste à ne pas abuser du dévouement, de l'abnégation, du désintéressement, qui constituent des ressorts de l'avocat surtout lorsqu'on évoque devant lui et lorsqu'on l'invite à assurer la défense des libertés publiques et individuelles. Il y a urgence pour l'Etat à prendre la mesure des contraintes financières qu'il fait peser sur chacun, sur chacun de ces individuels libéraux qui assument ainsi financièrement un service public au service de l'état de droit, au service de nos concitoyens, et déjà parmi eux, au service des plus démunis. Je ne vais pas rappeler des chiffres qui nous font honte. Ce ne sont pas les chiffres de l'instant. Ce ne sont pas vos chiffres.

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Michel Mercier

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Ils doivent exprimer leurs difficultés car il en existe. Ils peuvent exiger des réponses pour pouvoir expliquer à nos confrères les évolutions incontournables que notre profession assume. Quels que soient les temps de l'Etat, ses précipitations, parfois ses contradictions, ses ambigüités et ses difficultés que nous appréhendons, les bâtonniers et les ordres réalisent, construisent, s'adaptent et invitent sans cesse les avocats à réaliser et à s'adapter. Il ne faut jamais compter sur l'incapacité d'un avocat à s'adapter. L'adaptation fait partie de sa fonction, fait partie de son identité. Elle assure l'effectivité de l'assistance, du conseil et de la défense. Les avocats réagissent : ils sont là pour cela. Mais les avocats réalisent. C'est parce qu'il y a 161 ordres d'avocats indépendants dans notre pays, du plus grand - du plus prestigieux devrais-je dire - au plus petit - au plus modeste devrais-je dire - que ces réformes, que ces évolutions, que ces nouvelles obligations, que ces fonctions ont été effectivement assumées. En entamant ce propos, j'exprimais combien l'indépendance de l'avocat et l'indépendance des ordres était constitutives de l'identité d'une profession. J'aime ce mot de Vaclav Havel qui nous rappelle que « l'indépendance n'est pas un état de chose, c'est un devoir ». Pour les avocats, c'est un devoir et une exigence. L'indépendance, c'est une liberté qui n'a d'autre limite que notre serment et notre conscience. Etre indépendant est une démarche de tous les instants au point d'en devenir un réflexe. Cette entreprise exige de l'Etat la considération pour nos fonctions et le respect de notre identité car nous sommes partenaires de l'édification et de l'adaptation de l'état de droit.


Vie du droit L'Etat peut compter sur elle pour proposer. Elle doit pouvoir compter sur l'Etat pour imposer, y compris aux acteurs économiques qui ont trouvé dans l'assistance et la protection juridique des marchés lucratifs, une participation à un véritable système d'assistance juridique digne du pays que nous prétendons être.

Le respect de notre identité et de notre indépendance Il est des discussions, il est des perspectives qui fragilisent une profession. Aujourd'hui, parmi les avocats, parmi leurs représentants, des mots suscitent immédiatement une réaction négative, comme toute réaction. « Gouvernance » est peut-être un mot incompatible avec l'avocature. Mais « Entreprise » n'est pas un mot incompatible avec les avocats : tous les jours, les avocats de France travaillent avec, aux côtés, au profit des entreprises. Tous les jours, les entreprises font appel aux compétences extrêmes et diversifiées des avocats et mesurent leur intérêt à s'en remettre à une profession indépendante. Il y a bien longtemps que les avocats ont dit « Oui » à l'entreprise. Pour autant, les juristes d'entreprises ne sont pas et ne peuvent pas être des avocats. C'était notre débat, il y a 6 ans. Et les avocats ne peuvent pas être des salariés de l'entreprise. C'était notre débat, il y a encore dix huit mois. C'était de bien mauvais débats issus de bien mauvaises questions. Nous avons donc refusé ces deux perspectives parce qu'elles venaient irrémédiablement affecter ce que nous sommes, notre identité consacrée par le secret professionnel, la confidentialité de nos échanges et la gestion des conflits d'intérêts. Je n'ai pas dit "notre" secret professionnel, « notre » confidentialité ou « notre » gestion. En réalité, ces identifiants de l'avocat ne nous appartiennent pas. Cette confidentialité, ce secret et cette gestion des conflits d'intérêt appartiennent à nos clients et donc aux acteurs économiques. Ils sont exclusivement de leur intérêt. C'est parce que les entrepreneurs reconnaissent notre éthique, nos principes, notre déontologie affirmée, autant de valeurs contrôlées et donc garanties par les ordres, qu'ils s'en remettent à l'avocat indépendant, critique, libre de son conseil et de la défense, cette indépendance constituant une authentique plus-value et sécurité pour l'entreprise. Nous n'opposerons pas l'indépendance de l'avocat et l'intérêt de l'entreprise : l'intérêt de l'entreprise est dans l'indépendance de l'avocat. Cela nécessitera peut-être que nous soyons plus présents, que nous réfléchissions aux contraintes et limites de cette présence dans l'entreprise, mais nous y serons toujours comme des avocats à part entière rassemblés par une déontologie unique et donc forte. Il y a un an, ici même, vous indiquiez aux bâtonniers rassemblés que le gouvernement attendrait les propositions de la profession avant d'imaginer quelques évolutions.

Depuis lors, un rapport nous a fait craindre des cheminements différents. Il n'en a rien été. Vous avez tenu parole. Comment aurait-on pu imaginer autre chose ? Mais vous nous avez également rappelé il y a quelques semaines que le statu quo ne serait pas acceptable. La peur de découvrir soudainement, subrepticement, quelque texte nous fragilise tous. Elle fragilise les avocats qui encore une fois, pourraient penser que la défensive et la réaction constituent une défense pertinente et pourquoi pas une évolution. Je souhaite que la Conférence des bâtonniers, celle qui a dit « non », celle qui, aujourd'hui encore dit « non » et qui dira toujours « Non » à ces fusions incompatibles que l'on voulait imposer à la profession, imagine d'autres solutions, formule ses propositions pour conforter, renforcer et en définitive assurer la place des avocats indépendants, rassemblés dans une même profession par une même déontologie, auprès des entreprises. Nous devons dépasser les peurs suscitées par de mauvaises questions pour proposer. Et pour cela nous pourrions en appeler à un dialogue confiant, serein, constant, dépassionné mais vigilant sur la base non pas d'un projet, non pas d'un avant-projet de loi - autant de termes qui nous signifieraient à nouveau que le débat est abordé par sa conclusion - mais peutêtre sur la base de documents de travail et de quelques réflexions que nous pourrions échanger en cette année 2012. 2012, c'est maintenant et il est - pour certains d'autres préoccupations qui rendront ce temps encore plus proche. Oui, je voudrais que la Conférence des bâtonniers tente de porter dans la profession, et déjà au Conseil national des barreaux, une proposition qui consacre l'identité, l'indépendance des avocats, le respect d'une déontologie forte conjugués avec les intérêts bien compris des entreprises et non de quelques juristes intéressés au démembrement de notre identité. Nous ne serons pas porteurs d'intérêts catégoriels ou de quelques privilèges. Nous n'avons pas de privilèges à revendiquer. Nous n'avons pas d'intérêts catégoriels à défendre et nous le démontrons chaque jour. Nous sommes mobilisés soit par l'intérêt général, soit par l'intérêt de nos clients et donc des entreprises. Je sais qu'en vous exprimant cela, je serai discuté et critiqué mais je sais aussi qu'une profession qui n'imagine pas, qui ne s'adapte pas, qui ne propose pas, qui reste dans la peur et sur la défensive est une profession qui subit et qui perd. Je sens aussi combien ces débats auxquels nous n'avons pas apporté de solutions fragilisent aujourd'hui les bâtonniers, les ordres, et les avocats. Je veux vous dire, je veux leur dire, que nous n'avons que des motifs et des raisons d'espérer à la condition non plus simplement de nous adapter aux contraintes qui sont celles des autres, mais en proposant des solutions, en imaginant des droits, en conquérant des places qui soient autant d'assurances et de perspectives pour cette profession qui participe de l'état de droit.

Agenda

3ÈME FORUM NATIONAL DES ÉCO-ENTREPRISES

Les rendez-vous d’affaires & table ronde des Eco-entreprises 9 février 2012 Paris Bercy Renseignements : www.advancity.eu

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EXPOSITION

Albert Gallatin Un Genevois aux sources du rêve américain 1761-1849 jusqu’au 17 mars 2012 Bibliothèque de Genève BGE Parc des Bastions - Genève (Suisse) Renseignements : +41(0)22 418 28 00/14 www.ville-ge.ch/bge

2012-088

6ÈME ÉDITION

Salon de l’Apprentissage à la CCI 2 et 3 mars 2012 Lyon Renseignements : 04 72 40 58 39 hussona@lyon.cci.fr

2012-089

COLLOQUE DROIT ET ÉCONOMIE DE L’ENVIRONNEMENT

Le règlement REACH, enjeux juridiques, enjeux de gestion et enjeux concurrentiels 19 mars 2012 Cour de cassation - Paris 1er Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-090

18ÈME ÉDITION DU « SKIOPEN COQ D’OR »

La formule de détection des futurs champions du ski français du 28 au 31 mars 2012 Megève Renseignements : 01 47 10 08 30 aheger@revolutionr.com

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Les Annonces de la Seine - jeudi 2 février 2012 - numéro 9

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Vie du droit

Participation des Citoyens Assesseurs à la justice Cour d'Appel de Dijon, 26 janvier 2012

Le Président de la République, accompagné de Michel Mercier, Garde des Sceaux, et de François Sauvadet, Ministre de la Fonction publique et Président du Conseil Général de Côte-d'Or, s’est rendu le 26 janvier dernier à la Cour d’Appel de Dijon, lieu d’e xpérimentation de la réforme des citoyens assesseurs depuis le 1er janvier dernier, avant une généralisation à tout le territoire prévue d'ici à la fin de l'année 2013. Accueilli par les Chefs de la Cour de Dijon, Dominique Gaschard et Jean-Marie Beney, respectivement Premier Président et Procureur Général, Nicolas Sarkozy s’est entretenu avec quelques-uns des 210 assesseurs qui ont été formés dans ce ressort. Il a rappelé l’importance qu’il attache à cette ouverture progressive de la justice à la participation des citoyens, convaincu qu'elle va profondément changer le regard des Français sur leur justice. Il a ensuite évoqué l'indépendance de la justice : après avoir rappelé que le Conseil Supérieur de la Magistrature n’est plus présidé par le Chef de l’Etat mais par le Premier Président de la Cour de cassation pour les magistrats du siège, et pour les magistrats du Parquet par le Procureur Général de la Cour de cassation, il a annoncé qu’il sera appelé à rendre un avis conforme, et non plus seulement consultatif, pour toutes les nominations au Parquet. Jean-René Tancrède

Démocratisation de la justice par Nicolas Sarkozy

e suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui à Dijon. Quel plus beau symbole que l'ancien Parlement de Bourgogne, au sein duquel la justice est rendue depuis plus de cinq siècles, pour évoquer avec vous l'ouverture progressive de la justice à la participation des citoyens ? Comme vous le savez, la réforme des « citoyens assesseurs » est expérimentée à la Cour d'appel de Dijon depuis le 1er janvier. Elle l'est également à la Cour d'appel de Toulouse. Depuis près d'un mois, plusieurs centaines de nos compatriotes ont été tirés au sort à partir des listes électorales pour siéger, en qualité d'assesseurs, au sein des juridictions pénales. Ils participent au jugement de délits graves, en première instance comme en appel, et sont associés aux décisions de libération conditionnelle pouvant concerner des criminels lourdement condamnés. J'attache la plus grande importance à cette réforme, parce que je suis convaincu qu'elle va profondément changer le regard des Français sur leur justice. Que n'ai-je entendu à l'annonce de ce projet ? C'était une idée « populiste » ; c'était une attaque contre les magistrats ; c'était un gadget inutile et coûteux, qui allait rien moins que paralyser la justice pénale.

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Faisons le point en posant quelques questions : est-il populiste de vouloir rapprocher le peuple des institutions qui le représentent ? Je rappelle que la justice est rendue au nom du peuple français. Comment peut-on dire que le peuple français serait illégitime au sein d'une institution qui rend des décisions en son nom ? Est-il inutile de vouloir refonder le lien de confiance entre les Français et leur justice ? Qui oserait dire que cette question ne se pose pas, que tout va bien ? Que les magistrats ne s'interrogent pas sur leur métier et que les citoyens ne s'interrogent pas

confiance à son sens des responsabilités, à son sens civique, à sa capacité d'engagement ? J'ai la conviction que cette réforme des citoyens assesseurs constitue une avancée démocratique majeure. Vous pouvez être fiers d'en être les précurseurs. Magistrats, greffiers, avocats, vous préparez ce changement. A vous tous, je veux aujourd'hui exprimer ma reconnaissance. 210 assesseurs ont été formés à Dijon, et sont désormais capables d'exercer pleinement le rôle que la République leur a confié.

Je vous annonce que, comme pour les magistrats du siège, le Conseil supérieur de la magistrature sera appelé à rendre un avis conforme, et non plus seulement consultatif, pour toutes les nominations au parquet. Comprenez-moi bien, cela veut donc dire que désormais, pour les magistrats du siège comme pour les magistrats du parquet, c'est le Conseil Supérieur de la Magistrature, qui n'est plus présidé par le Président de la République, qui décidera Nicolas Sarkozy en dernière analyse de toutes les nominations.

sur leur justice ? Est-il invraisemblable de penser que l'institution judiciaire, face à toutes les difficultés qu'elle rencontre, peut trouver avantage à la participation des citoyens ? Est-ce si choquant de faire confiance aux citoyens, de faire confiance au peuple français, de faire

L'expérimentation en cours fera l'objet d'une évaluation qui permettra de généraliser la réforme à toutes les cours d'appel d'ici à la fin de l'année 2013. Je viens de m'entretenir avec des magistrats, des citoyens assesseurs. Ces échanges me

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Nicolas Sarkozy confortent dans l'idée que l'introduction des citoyens assesseurs permettra de replacer la justice au cœur de notre pacte républicain. La société a évolué, le rapport des Français à leur institution a profondément changé. Les Français attendent beaucoup de leur institution judiciaire et ne s'y reconnaissent pas suffisamment. Dès lors, puisque les décisions de justice sont rendues au nom du peuple, n'est-il pas légitime d'inscrire dans la loi que les plus significatives d'entre elles seront désormais rendues par le peuple, pas simplement au nom du peuple mais par le peuple, aux côtés de magistrats professionnels ? Cette évolution ne fait que poursuivre le mouvement de démocratisation de la justice

engagé dès l'avènement de la République dans notre pays. Depuis plus de deux siècles, les Français participent au jugement des infractions les plus graves que sont les crimes, en siégeant dans les jurys des cours d'assises. Depuis plus de deux siècles, les Français participent aux jurys des cours d'assises. A-t-on jamais entendu dire que cette participation mette en cause l'institution judiciaire ? En vérité, c'est un héritage précieux que nous a légué la Révolution : faire participer les citoyens à la justice, voilà ce qui a permis aux fondateurs de la République de nourrir leur attachement à la démocratie et de rompre définitivement avec l'Ancien régime. Depuis plus de deux siècles, nous avons conservé cette tradition en la faisant évoluer. Depuis

2000, il est possible de faire appel des condamnations prononcées par les cours d'assises et depuis le 1er janvier de cette année, les cours d'assises sont obligées de motiver leurs arrêts. Rendez-vous compte, il y a dix ans les cours d'assises décidaient sans qu'il soit possible de faire appel et l'année dernière encore, les cours d'assises rendaient leurs décisions sans les motiver ! Imaginez ce que cela représentait que d'être condamné sans connaître le raisonnement qui avait conduit à sa condamnation. Vous le savez tous ici, le verdict d'un jury citoyen est incontestablement marqué d'un sceau qui inspire le plus profond respect à nos concitoyens. Il est évidemment légitime, dans une société démocratique, que la justice pénale soit un objet de débat. Des questions essentielles sont en jeu. Il est très compréhensible que nos concitoyens expriment des revendications au sujet de la politique pénale. J'entends souvent ces revendications. Que dit le peuple français ? Il demande une plus grande sévérité. Mais ne perdons pas cela de vue : si nos compatriotes demandent cela, c'est souvent parce qu'ils ne connaissent pas les subtilités de l'organisation judiciaire, parce qu'ils ne comprennent pas certaines décisions et ont parfois le sentiment qu'elles ne sont pas appliquées avec la rapidité qu'ils en attendent. Il y a un lien entre l'incompréhension de certaines décisions et l'éloignement entre les Français et l'institution judiciaire, qui explique les jugements injustes qui sont parfois portés sur elle. Aujourd'hui, dans le contexte d'une crise économique sans précédent, qui ébranle nos repères traditionnels, les Français se demandent si la justice entend leurs préoccupations. Dire cela, ce n'est mettre en cause personne, c'est simplement décrire une situation que chacun pourrait exprimer à ma place, dans les mêmes termes. Nous devons donc impérativement veiller à ce que les interrogations des Français ne demeurent pas sans réponse, à ce que leurs inquiétudes ne les conduisent pas progressivement vers un sentiment de défiance, qui serait une catastrophe pour l'institution judiciaire. Vous savez comme moi que de l'incompréhension au rejet, il n'y a qu'un pas. C'est pour cette raison que la justice doit s'ouvrir. Dire cela, ce n'est pas remettre en cause la compétence de ceux qui rendent la justice. Je l'ai dit à de nombreuses reprises, je veux le répéter devant vous avec force, les magistrats sont des femmes et des hommes compétents, travailleurs, honnêtes. Ils ont toute ma confiance, ma considération et mon estime. Ils œuvrent avec une grande conscience professionnelle, en ayant constamment le souci du bien public, malgré des conditions de travail de plus en plus difficiles. C'est plus difficile de rendre la justice aujourd'hui que cela ne l'était il y a 30 ans. Associer des citoyens à l'œuvre de justice, ce n'est pas mettre en cause la professionnalisation du corps judiciaire. Loin d'y porter atteinte, la réforme des citoyens assesseurs met cette professionnalisation en valeur. Elle permettra aux Français de mieux connaître le fonctionnement quotidien de nos cours et de nos tribunaux. La justice a beaucoup à y gagner : c'est une occasion sans précédent de changer le regard

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Réunion de travail du 26 janvier 2012 à huis clos avec les Citoyens Assesseurs

que portent les Français sur l'institution judiciaire, de leur faire partager la complexité des situations que les tribunaux doivent juger chaque jour. C'est une occasion sans précédent de montrer à nos compatriotes avec quel sérieux la justice est rendue dans notre pays. C'est la légitimité même des décisions rendues par les magistrats qui sera renforcée. J'ai aussi entendu dire que la présence de jurés non professionnels allait déstabiliser la justice correctionnelle. Je ne sache pourtant pas que la présence de citoyens dans les jurys d'assises ait jamais affaibli leur rôle. Les nouveaux assesseurs avec lesquels je me suis entretenu m'ont tous fait part de leur profond respect pour la charge qui leur était confiée par la République, et de l'attention avec laquelle ils l'avaient remplie. De même, les magistrats que j'ai rencontrés ont souligné le sérieux et la grande conscience avec lesquels nos concitoyens se sont appropriés les termes de la loi et ont abordé les affaires qu'ils devaient juger. Je comprends que la sélection et la formation des nouveaux assesseurs représentent des charges de travail supplémentaires pour les magistrats et les juridictions concernés. La présence de citoyens implique inévitablement un allongement des délais d'audience. C'est pourquoi, avec le Garde des Sceaux, nous avons voulu limiter cette participation au jugement des violences les plus graves, afin de ne pas surcharger la justice correctionnelle. C'est ce qui a conduit le Gouvernement à prévoir des mesures budgétaires d'accompagnement que nous allons poursuivre, en termes de postes de magistrats et de postes de greffiers. C'est bien pour cette raison que Michel Mercier a organisé des concours exceptionnels de recrutement, afin que les juridictions reçoivent des effectifs supplémentaires dès le

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mois de septembre. Parce qu'un magistrat ou un greffier, ça ne se forme pas comme cela. Au fond, c'est le lien entre justice et citoyenneté que nous voulons renforcer et c'est pour cela que j'attache une grande importance à cette réforme. J'ajoute qu'en matière de justice, nous allons continuer à prêter attention aux sujets qui préoccupent nos concitoyens et les magistrats. Un projet de loi de programmation relatif à l'exécution des peines a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et va l'être au Sénat. Il faut en effet faire exécuter les peines plus rapidement, mais aussi plus intelligemment, grâce à l'augmentation du nombre de places en détention. Il faut dire les choses comme elles sont, la France a besoin de 80 000 places de détention. Avec aujourd'hui 68 000 détenus et 60 000 places, l'institution ne peut pas fonctionner normalement et la création de ces 20 000 places de détention supplémentaires est une priorité. La justice, qui est un facteur de cohésion nationale, doit veiller à ce que les peines qu'elle prononce soient exécutées. Comment voulezvous que nos concitoyens comprennent que 100 000 peines d'emprisonnement n'étaient pas exécutées ? Comment expliquer qu'un condamné dangereux n'était pas correctement suivi et traité pendant sa détention, alors que chacun sait qu'il retrouverait la liberté un jour ou l'autre ? Ce sont des questions essentielles. Les efforts engagés par le Garde des Sceaux et les juridictions ont permis de réduire de 15 % le nombre de peines en attente d'exécution. 15 000 peines ont ainsi été exécutées et nous allons continuer. C'est pour cela que j'ai proposé le vote de cette loi de programmation. Un mot enfin sur la question centrale de l'indépendance de la justice. On me disait : plutôt

que de créer les citoyens assesseurs, préoccupez-vous de donner plus d'indépendance à la justice. La justice est totalement et complètement indépendante, j'ai veillé à ce qu'il en soit ainsi. La révision constitutionnelle de 2008 a donné une autonomie totale au Conseil supérieur de la magistrature. Je suis le chef de l'État qui a mis un terme à soixante-cinq années de présidence, par le Président de la République, de l'instance la plus importante de la magistrature ! Ceux qui se préoccupent tant de l'indépendance n'étaient donc pas choqués de voir le Président de la République, quand il était l'un de leurs amis, présider le Conseil supérieur de la magistrature ? Ça c'était une indépendance totale, ça ne posait pas de problème... J'ai mis un terme à cette situation. Le Conseil supérieur de la magistrature est désormais présidé par le Premier président de la Cour de cassation pour les magistrats du siège, et pour les magistrats du parquet par le Procureur général de la Cour de cassation. Ce n'est plus le Président de la République qui le préside. Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait avant ? Comment un tel mélange entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire pouvait-il inspirer confiance aux Français ? Dans le même esprit, j'ai souhaité étendre à la nomination des procureurs généraux la consultation du Conseil Supérieur de la Magistrature. Les avis qu'il rend en matière de nomination des magistrats du parquet, mes chers compatriotes, ont été systématiquement suivis par le Garde des Sceaux et par moi-même. Mais nous allons aller plus loin. Je vous annonce que, comme pour les magistrats du siège, le Conseil supérieur de la magistrature sera appelé à rendre un avis conforme, et non plus seulement consultatif, pour toutes les

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Vie du droit fracture que représente la rencontre avec le crime ou le délit, doivent être davantage pris en compte. Je sais bien qu'il m'est reproché parfois d'être « compassionnel », mais je crois qu'il n'est pas absurde dans notre société de faire preuve d'un peu d'humanité. C'est même nécessaire, mais on ne doit pas simplement en faire preuve à l'endroit du coupable, on doit en faire preuve aussi à l'endroit de la victime. La victime n'est pas l'empêcheur de tourner en rond, elle a des choses à dire, la victime a des droits à faire valoir. La victime attend de la justice réparation, elle n'attend pas vengeance. Elle attend une prise en considération de sa douleur. Je comprends que bien lors d'une audience correctionnelle avec 30, 40, ou 50 affaires, on n'a pas toujours le temps de prendre cela en compte. Mais pour celle ou celui qui est victime de crime ou de délit, pour sa famille, ce n'est pas un acte banal que de se trouver à la cour ou au tribunal. Attacher de l'importance à la victime, ce n'est pas faire preuve de compassion à bon marché. L'institution judiciaire est d'abord l'institution des victimes et vous les magistrats, vous travaillez d'abord pour elles. D'autres professionnels, en prison ou ailleurs, accompagneront le prévenu, le condamné, sur le chemin nécessaire de la réinsertion. Mais quand la victime sort du tribunal, elle sort avec sa douleur et votre décision. Et elle pourra

s'apaiser si elle a le sentiment que votre décision est juste et que vous avez pris en compte sa souffrance. Si elle n'a pas ce sentiment, elle ressentira colère et humiliation. C'est pour cela que le métier de magistrat est si difficile, non pas parce qu'il faut trancher entre deux vérités - c'est là un travail de professionnel que vous faites avec beaucoup d'expérience et beaucoup de compétence - mais parce qu'il faut à la fois faire preuve de sévérité à l'endroit du coupable et d'humanité à l'endroit de la victime. Cela doit se faire dans une même décision, au même moment, par des femmes et des hommes surchargés de travail et de responsabilités. Mesdames et Messieurs, j'espère que vous avez compris qu'il est très important pour moi d'être avec vous à Dijon. Je veux dire aux citoyens assesseurs qu'ils font honneur au mot citoyen, qu'ils lui donnent un contenu. Ils sont beaucoup plus regardés qu'ils ne l'imaginent et, bientôt, partout en France, il y aura des femmes et des hommes comme eux qui pourront dire : « l'espace d'une ou plusieurs journées, nous avons été juges. C'est un grand honneur, c'est une grande responsabilité et c'est également une grande difficulté ». Dans quelques années, l'institution judiciaire aura été considérablement renforcée pour une raison simple : on est toujours renforcé lorsque l'on fait confiance au peuple.

Dominique Gaschard, Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Beney

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nominations au parquet. Comprenez-moi bien, cela veut donc dire que désormais, pour les magistrats du siège comme pour les magistrats du parquet, c'est le Conseil supérieur de la magistrature, qui n'est plus présidé par le Président de la République, qui décidera en dernière analyse de toutes les nominations. Qu'on ne vienne plus me dire qu'il y a un problème d'indépendance de la justice, ou alors que l'on prenne le temps de travailler ses dossiers. Nous devons également voir la réalité en face : dans un contexte de crise sans précédent, nous avons fait un immense effort budgétaire pour la justice. Mesdames et Messieurs, entre 2007 et 2012, le budget du ministère de la Justice a progressé de 20%, passant de 6,2 milliards d'euros en 2007 à 7,4 milliards d'euros en 2011. Des emplois de magistrats et de greffiers ont été créés chaque année, soit au total 450 magistrats de plus et 1200 greffiers de plus, alors que dans le même temps je devais imposer à l'Etat le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Mesdames et Messieurs les magistrats, je ne dis pas que cela est suffisant. Je vous demande, en hommes et femmes responsables, de regarder la situation de votre ministère. Pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l'Etat ont diminué l'an passé. Le budget de la justice a augmenté de 20%. J'ai dû supprimer 160 000 emplois de fonctionnaires depuis 2007 et il y a 450 magistrats et 1 200 greffiers de plus. Que personne ne vienne me dire que la justice n'a pas été une priorité pour l'Etat. Je ne suis pas en train de vous dire que vous êtes des privilégiés. Cet effort est normal : vous rendez plus de décisions, la société se judiciarise et l'appel aux juges est maintenant quasi systématique dès qu'il y a un problème. Je n'ignore nullement que, dans certaines juridictions, vous êtes confrontés à une explosion des contentieux civils et pénaux, que la situation des magistrats et des greffes est encore très délicate. Nous allons poursuivre cet effort. Mes derniers mots seront pour les victimes. La justice est certes une institution, mais elle n'est pas que l'affaire des professionnels. Nous ne travaillons pas en cercle fermé. La justice - et je pense en particulier à la justice pénale, c'est d'abord les victimes. L'enjeu est immense, parce qu'il ne s'agit pas simplement d'accorder à la victime les dommages et intérêts auxquels elle a droit, il s'agit de considérer sa souffrance et de répondre à son humiliation. Et il s'agit de lui donner le sentiment qu'elle est le cœur de nos préoccupations. Il y a une forme de double peine particulièrement scandaleuse qui frappe une victime, dont la première peine est l'infraction, le délit, parfois le crime, le viol, qu'elle a subi. Mais sa deuxième peine est le sentiment qu'elle peut ressentir, que la société accorde plus d'importance au coupable qu'à elle-même. Je sais bien que c'est très difficile pour vous, les magistrats, et pour l'institution. J'appelle votre attention sur ce point. Le procès, qu'il soit criminel ou correctionnel, met en son cœur le coupable, sa personnalité, ses motivations, son histoire, pour essayer de comprendre comment un homme ou une femme en est arrivé à ce point. La victime, son histoire, sa personnalité, la

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Baptême de la passerelle Albert Viala Toulouse - 19 janvier 2012

Le 19 janvier 2012, Monsieur Pierre Cohen, Député-Maire de Toulouse, en présence de la fille du Bâtonnier Albert Viala, décédé le 18 décembre 2003, a dévoilé la plaque d’une passerelle de la ville portant son nom. Cette cérémonie s’est déroulée en présence de nombreuses personnalités civiles et judiciaires : Conseil Municipal de Toulouse, Conseil Régional, Général, de Madame Marie-France Baylet, Présidente de la Fondation de la Dépêche du Midi, de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de Toulouse Dominique Vonau, de Monsieur Patrice Davost, Procureur Général, du Président de la Conférence des Bâtonniers Jean-Luc Forget, ancien Bâtonnier du Barreau de Toulouse en exercice au décès d’Albert Viala, d’anciens Bâtonniers de son Barreau, notamment Jean-Henri Farné, Jean-Paul Cottin, Thierry Carrère, Monsieur Jean-Louis Nadal, Procureur Général Honoraire de la Cour de cassation, neveu d’Albert Viala, Jean-Gaston Moore, Directeur Honoraire de la Gazette du Palais, le Bâtonnier de Toulouse Pascal Saint Geniest ont évoqué tour à tour la personnalité d’Albert Viala. Sa culture, ses connaissances encyclopédiques, juriste, défenseur des libertés, sociologue, philosophe humaniste, homme de bien, de lettres, dont témoignent cinquante chroniques à la Gazette des Tribunaux du Midi et à la Gazette du Palais. Ses vertus exceptionnelles ont été reconnues par sa ville. Le Conseil Municipal, à la demande notamment de Jean-Luc Forget, luimême Conseiller Municipal, ainsi qu’à celle de personnalités civiles dont Madame Marie-France Baylet ont concouru à la décision du Conseil Municipal toulousain à faire entrer Albert Viala dans l’éternité de sa cité. Nous les en félicitons. Jean-René Tancrède

Photo © Jean-René Tancrède

Jean-Louis Nadal

Albert Viala L’intelligence et le cœur de l’« honnête homme » par Jean-Louis Nadal

I. L’intelligence uit ans après son décès, voici qu’Albert Viala nous réunit une fois encore dans l’amitié et, pour beaucoup d’entre nous, l’affection à sa mémoire. Amitié et affection dont il rayonnait. C’est à l’homme de cœur que je voudrais ici rendre hommage.

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Cela n’enlève rien aux nombreux hommages qui ont été rendu, à ses dons et à sa grande carrière. Des hommages remarquables rendus à un homme remarquable ont salué un grand du Barreau, du barreau de Toulouse, mais aussi du barreau au niveau national en mémoire de celui qui fut un grand président de la Conférence des bâtonniers. Hommage de l’Université à son ancien étudiant et enseignant brillant qu’elle éleva au grade de docteur en droit pour une thèse préparée pendant sa captivité en Autriche à Lienz dans le Tyrol à l’Oflag XVIII A sous la direction du maître et de l’ami de toujours Georges Vedel comme étudiant à la faculté de Toulouse, agrégé en 1936, et qu’il retrouve dans ce même Oflag. Oflag où il fait la connaissance d’un autre maître de l’Université, Jean Rivero, le théoricien inoubliable des droits de l’homme. Jean Rivero qui se retirera près de Toulouse où Albert Viala lui apportera jusqu’au bout un soutien et une amitié de tous les jours. L’hommage de l’Université allait aussi à celui qui a entretenu les liens étroits et profonds entre la Faculté de droit et le Barreau, dans le sillage et à l’exemple des maîtres illustres de cette Université qui furent aussi inscrits au barreau de Toulouse - certains n’ayant pas ou peu plaidé comme René Couzinet et Paul Ourliac - d’autres y ayant fait une carrière d’avocat éblouissante, je pense évidemment à Gabriel Marty. Je cite le nom de ces maîtres avec émotion et gratitude car ils ont été mes propres maîtres inoubliables. Hommage de la presse au chroniqueur, au style rapide et incisif, qui a collaboré cinquante ans à la Gazette des Tribunaux du Midi, a collaboré à la Gazette du Palais et a reçu, à l’occasion du jubilé de ces cinquante ans, des témoignages

magnifiques de Madame Marie-France Baylet, de Madame le bâtonnier Monique Brocard, en la présence chaleureuse de Monsieur JeanGaston Moore, du président Henri Roussilon et de tant d’autres qui lui étaient si chers, particulièrement ses collaborateurs et anciens collaborateurs qui me pardonneront de ne pas tous les citer ici. Hommage à l’homme de culture, au membre éminent de l’Académie des Jeux floraux, au secrétaire perpétuel de l’Académie de législation. Tous ces hommages rappellent l’intelligence, les dons, le talent de Maître Viala. Permettez à son neveu de vous parler de l’homme de cœur.

II. L’homme de cœur Parler de l’homme de cœur oblige d’abord au respect d’un trait marquant d’Albert Viala : sa grande pudeur, sa grande réserve pour luimême, surtout pour les peines et les blessures de sa vie. L’homme rayonnant que nous avons connu s’est forgé en transcendant deux épreuves. Orphelin, il n’a pas connu son père. Certes, son enfante a été heureuse. Mais il a mesuré avec la sensibilité d’un enfant le sacrifice de sa mère, veuve à 34 ans, après cinq ans de mariage, sans ressources du côté de son mari décédé à 39 ans. Cette mère qui a repris l’enseignement avec beaucoup de difficulté après son veuvage et qui lui a tout donné ; l’affection mais aussi son éducation et une formation dont il a dit la douceur mais aussi l’intransigeance.

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Pascal Saint Geniest, Marie-Françoise Viala, Jean-Louis Nadal, Jean-Gaston Moore et Pierre Cohen

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La seconde épreuve, magnifiquement dépassée, celle qui l’a façonné au plus profond de luimême (est, je crois, comme de tous ici) : la captivité. Cinq ans de captivité, dont un peu plus de trois ans en Autriche, pour se terminer après octobre 1944 en Allemagne du NordOuest à l’Oflag x B. Ce temps de captivité et de rigueur matérielle a été pour Albert Viala un temps de travail, de réflexion, de motivation intenses qui l’on marqué à tout jamais. Il écrit sa thèse (dont le sujet à lui seul montre la résistance sinon la provocation à l’égard des geôliers : les rapports entre le Parti et l’Etat dans l’Allemagne nazie), mais il participe et bénéficie de l’extraordinaire conjonction des talents et des brillantes personnalités de ses camarades de captivité dont deux iront à l’Académie française : Georges Vedel et Jacques de Bourbon Busset.

Jean-Gaston Moore

Cette épreuve qui aurait pu l’aigrir, lui communiquer un grand pessimisme sur la nature humaine - comme ce fut le cas de beaucoup, qui aurait pu le rendre définitivement sceptique sur les régimes et les institutions, va

donner un homme d’une richesse intérieure, d’une acuité et d’une vigilance intellectuelles, d’un attachement aux beautés de la vie et d’une ouverture aux autres exceptionnelle. C’est cet homme que j’ai eu le privilège de connaître dans l’intimité chaleureuse de sa maison lorsque j’étais étudiant à Toulouse. Cette grande maison de l’Allée des Soupirs, c’était débord une ruche bourdonnante d’activité du cabinet d’avocats dont l’énergie était communicative. C’était ensuite, à l’étage du dessus, l’accueil de ma tante, Madame Viala (tant Marthe), l’âme de cette maison. Chacun des repas était une fête. Ma tante était excellente cuisinière, les vins délicieux. Albert Viala qui venait de passer des heures au Palais, qui avait consulté longuement, qui avait sûrement recueilli des confidences douloureuses et décortiqué des problèmes difficiles, invitait à passer à table avec une chaleur, une disponibilité, un allant, irrésistibles. Tout de suite, la conversation s’animait. Il avait un grand art de la conversation, le contraire de la conversation qui aurait pu être un peu pontifiante ou décalée vis-à-vis d’un garçon de mon âge. Il était de plain-pied avec chacun, de la personnalité la plus éminente au plus humble des étudiants. Les sujets les plus divers étaient abordés avec un souci de précision et d’expression qui faisaient qu’aucun propos n’était banal ou futile. Mais, surtout, il avait un art du portrait prodigieux. Servi par une mémoire sans faille et par une acuité d’observation toujours en éveil, il faisait vivre ou survivre tant de personnes que nous avions connu ou pas, des maîtres de l’Université, des confrères, des magistrats, des camarades du club Alpin. Si le trait était d’une rapidité et d’une précision parfaites, l’évocation était toujours bienveillante. Car, Albert Viala avait le don d’admirer, de reconnaître le meilleur et la richesse chez chacun et d’en parler avec tact et amitié. Cette table était un lien privilégié d’amitié où j’ai reçu l’exemple d’une maison - car j’associe

ici le rôle identique de Madame Marie-Marthe Viala, d’une maison, d’une famille, mettant au plus haut le devoir de fidélité et l’attention aux autres. Albert Viala était d’une exactitude exemplaire dans la fidélité. Ce n’était pas pour lui l’accomplissement d’un devoir mais l’expression vivante et vibrante de l’amitié qu’il portait à ses amis, ses confrères, ses collègues, ses prédécesseurs comme ses successeurs dans les nombreuses charges qu’il avait assumées, sans oublier les cérémonies, les réunions des nombreuses associations dont il était un membre toujours présent et toujours prêt à manifester son engagement. Permettez-moi, chers amis, à ce stade de mon propos, de citer au cœur du cercle privilégié de témoins de la stature humaine, de fidélité, d’intelligence de cœur, permettez-moi de citer le nom de Mario Amadio, Maître Amadio, qui fut choisi intuitu personnae par Albert Viala pour être son compagnon de combat pour les libertés, la dignité, la justice au sens plein du terme. Il n’a pu être des nôtres aujourd’hui mais je tenais à évoquer son nom car Mario Amadio est sûrement l’héritier le plus remarquable des valeurs qui incarnait Albert Viala. Oui, comme quelques-uns parmi nous, j’ai été, Jean-Louis Nadal, le témoin émerveillé de la mémoire que Monsieur et Madame Viala avaient de leurs proches, de leurs amis, des enfants de leurs nombreux amis, bientôt des petits-enfants… Ils étaient de cœur avec les événements importants de la vie de chacun et ils en gardaient un souvenir précis. Lorsque Monsieur et Madame Viala ne pouvaient pas se déplacer, il y avait toujours une lettre, de cette écriture fine et serrée, qui apportait félicitations, compréhension, réconfort puisé au plus profond de la chaleur humaine. Intelligence et cœur. Intelligence du cœur. Que dire de plus en votre hommage Albert Viala ?

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Jurisprudence

Discipline des notaires Conseil constitutionnel - 27 janvier 2012 - Décision n° 2011-211 QPC Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 octobre 2011 par la Cour de cassation, d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels. L'alinéa 3 de l'article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945 prévoit que les notaires et les officiers ministériels destitués sont frappés d'une interdiction définitive d'inscription sur les listes électorales. Cette sanction, qui revêt un caractère définitif et résulte automatiquement de la décision de destitution, sans que le juge ait à la prononcer, méconnaît le principe d'individualisation des peines. 1. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels : « Les peines énumérées ci-dessus sous les numéros 1 à 4 peuvent être accompagnées de la peine complémentaire de l'inéligibilité temporaire, pendant dix ans au plus, aux chambres, organismes et conseils professionnels. « L'interdiction et la destitution entraînent, à titre accessoire, l'inéligibilité définitive aux chambres, organismes et conseils professionnels. « Les notaires et les officiers ministériels destitués ne sont pas inscrits sur les listes électorales dressées pour l'e xercice des droits civiques » ; 2. Considérant que, selon le requérant, les sanctions instituées par les deuxième et troisième alinéas de cet article portent atteinte aux principes de nécessité et d'individualisation des peines ; 3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère d'une punition ; 4. Considérant, en premier lieu, que l'inéligibilité définitive aux chambres, organismes et conseils, prévue par le deuxième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945 susvisée est attachée de plein droit au prononcé d'une peine d'interdiction ou de destitution ; que, toutefois, cette inéligibilité tend non pas à assurer une répression supplémentaire des professionnels ayant fait l'objet de sanctions disciplinaires mais, d'une part, à tirer les conséquences de la perte du titre d'officier public ou d'officier ministériel et, d'autre part, à garantir l'intégrité et la moralité des professionnels siégeant dans les organes représentatifs de la profession en en excluant ceux qui ont fait l'objet des condamnations disciplinaires les plus sévères ; que, par suite, l'inéligibilité prévue par le deuxième alinéa

NOTE e Conseil constitutionnel a été saisi le 27 octobre 2011 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Eric M. Cette question était relative à l'article 4 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels. L'alinéa 2 de cet article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945 prévoit que, pour les notaires et certains officiers ministériels, le prononcé d'une peine d'interdiction ou de destitution entraîne, à titre accessoire, l'inéligibilité définitive aux chambres, organismes et conseils professionnels. Les requérants soutenaient que cette inéligibilité constituait, de manière inconstitutionnelle, une sanction ayant le caractère d'une punition. Cependant, le Conseil constitutionnel a relevé que cette inéligibilité tend non pas à assurer une répression supplémentaire des professionnels ayant fait l'objet de sanctions disciplinaires mais, d'une part, à tirer les conséquences de la perte du titre d'officier public ou ministériel et, d'autre part, à garantir l'intégrité et la moralité des professionnels siégeant

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dans les organes représentatifs de la profession en excluant ceux qui ont fait l'objet des condamnations disciplinaires les plus sévères. Par suite, l'inéligibilité prévue par le deuxième alinéa ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition. Elle n'est pas contraire à la Constitution. L'alinéa 3 de l'article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945 prévoit, quant à lui, que les notaires et les officiers ministériels destitués sont frappés d'une interdiction définitive d'inscription sur les listes électorales. Le Conseil a relevé que cette disposition n'a pas pour objet de garantir l'intégrité ou la moralité indispensables à l'exercice des fonctions d'officiers publics et ministériels. Elle constitue donc une sanction ayant le caractère d'une punition soumise au principe d'individualisation des peines. Or l'interdiction d'inscription sur les listes électorales, qui revêt un caractère définitif, résulte automatiquement de la décision de destitution, sans que le juge ait à la prononcer. Ainsi, cette interdiction méconnaît le principe d'individualisation des peines. Le Conseil a donc déclaré contraire à la Constitution l'alinéa 3 de l'article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945.

ne constitue pas une sanction ayant le caractère d'une punition ; que, dès lors, les griefs tirés d'une méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 sont inopérants à son égard ; 5. Considérant, en second lieu, que l'interdiction définitive d'inscription sur les listes électorales prévue par le troisième alinéa de la disposition contestée n'a pas pour objet de garantir l'intégrité ou la moralité indispensables à l'exercice des fonctions d'officier public ou d'officier ministériel ; que, par suite, elle doit être regardée comme une sanction ayant le caractère d'une punition ; 6. Considérant que le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789 implique qu'une peine privative de droits civiques ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ; 7. Considérant que l'interdiction d'inscription sur les listes électorales prévue par le troisième alinéa de la disposition contestée résulte automatiquement de la décision de destitution, sans que le juge ait à la prononcer ; que cette interdiction, qui revêt un caractère définitif, ne peut, au surplus, faire l'objet d'aucune mesure de relèvement ; que, par suite, le troisième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945 méconnaît le principe d'individualisation des peines et doit être déclaré contraire à la Constitution ; 8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration ; 9. Considérant que l'abrogation du troisième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance du 28 juin 1945 prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle permet aux intéressés de demander, à compter du jour de publication de la présente décision, leur inscription immédiate sur la liste électorale dans les conditions déterminées par la loi ; 10. Considérant que les premier et deuxième alinéas de la disposition contestée ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, Décide : Article 1er - Le troisième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels est contraire à la Constitution. Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées au considérant 9. Article 3. - Les premier et deuxième alinéas de l'article 4 de la même ordonnance sont conformes à la Constitution. Article 4. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Jean-Louis Debré, Président, Jacques Barrot, Claire Bazy Malaurie, Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Jacqueline de Guillenchmidt, Hubert Haenel et Pierre Steinmetz. 2012-094

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Prix Jean Carbonnier Cérémonie de remise du Prix 2011 Cour de cassation, 26 janvier 2012 Le Prix Jean Carbonnier a été remis le 26 janvier dernier à Mathieu Jacquelin, pour sa thèse intitulée « L’incrimination de génocide : étude comparée du droit de la Cour Pénale Internationale » dirigée par Madame le Professeur Giudicelli-Delage. Il s’agit de la première thèse de droit pénal à recevoir cette prestigieuse distinction. Jacques Commaille, Professeur des Universités émérite à l’Ecole Normale Supérieure (Cachan) et membre du Jury du Prix Jean Carbonnier, a souligné le caractère novateur de ces travaux qui établissent une comparaison originale entre le droit de la Cour Pénale Internationale et le droit français. Jean-René Tancrède

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Jacques Commaille

Les quatre sciences du droit par Jacques Commaille onsieur Mathieu Jacquelin, après un examen attentif de votre thèse intitulée L’incrimination de génocide : étude comparée du droit de la Cour pénale internationale, dirigée par Madame le Professeur Giudicelli-Delage, les membres du Jury du Prix Jean Carbonnier ont décidé de vous faire lauréat de ce Prix pour l’année 2011. Ainsi que vous l’avez-vous-même écrit, votre thèse est fondée sur une comparaison, portant sur le crime de génocide, entre le droit de la Cour pénale internationale et le droit français. C’est précisément cette comparaison qui situe votre thèse comme novatrice par rapport à l’abondante littérature

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internationale sur le génocide et son traitement institutionnel, juridique et judiciaire. Ce qui vous amène à entreprendre cette comparaison, c’est le problème de la concordance entre les dispositifs énoncés à l’article 211-1 du Code pénal français et celles énoncées à l’article 6 du Statut de Rome, adopté le 17 juillet 1998 et qui a institué la Cour pénale internationale. Il vous semble d’autant plus nécessaire de se préoccuper de cette concordance que la Cour pénale internationale a mission d’intervenir de façon subsidiaire en cas de défaillance des juridictions nationales compétentes. Or, comme vous le soulignez, « l’absence de conformité des dispositions répressives d’une législation nationale au Statut de Rome pourrait être considérée par les autorités de la Cour pénale internationale comme témoignant d’une carence de l’Etat concerné ». Elle conduirait alors à « signaler une situation d’incapacité autorisant la Cour pénale internationale à se saisir de l’affaire », ce qui aurait pour effet de stigmatiser « l’Etat concerné sur la scène internationale ». Soucieux donc de cette concordance pour le prestige de l’Etat français et de son droit, vous vous livrez à cette comparaison originale suivant deux axes principaux : les fondements de l’incrimination et le champ de la répression. Vous êtes guidé dans la démonstration que vous nous offrez par le souci de prendre en considération la protection des groupes minoritaires et par celui de déterminer en quoi existe une intention d’inscrire un comportement individuel dans l’exécution d’un projet collectif. L’objectif est alors pour vous de ne pas réduire le génocide à une infraction de droit commun, comme cela est conçu

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Mathieu Jacquelin entouré des membres du Jury du Prix Jean Carbonnier dans le droit pénal français, en particulier, parce que ces comportements de génocide ne sauraient être rapportés à la volonté d’un individu. Ils sont fortement susceptibles de s’inscrire dans l’exécution d’un projet collectif de destruction d’un groupe, dans des logiques d’affrontements politiques et d’être accomplis par des personnes détentrices de pouvoirs. A la suite des membres de votre Jury de thèse et d’éminents personnalités qui ont soutenu votre candidature à ce Prix, les membres du Jury du Prix Jean Carbonnier ont été particulièrement sensibles à la qualité de votre raisonnement juridique, à la clarté et à la maîtrise de la démonstration proposée.

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Mais ce qui mérite peut-être plus encore d’être souligné, c’est l’ampleur d’une réflexion, votre aptitude à nourrir une question relevant du registre juridique en ne négligeant pas les dimensions philosophique, anthropologique, sociologique et même politologique ou encore d’ordre éthique si l’on se réfère à votre insistance concernant le droit à l’existence des minorités. L’historien Fernand Braudel rêvait d’ « abaisser les droits de douane entre les différentes disciplines »(1). Le fait que ce soit un juriste qui le fasse ici mérite, de mon point de vue, d’être particulièrement souligné. Le sociologue canadien Immanuel Wallerstein prône l’avènement d’une « culture de science sociale », avènement qui lui paraît absolument nécessaire face à l’ampleur des enjeux auxquels nos sociétés sont désormais confrontées(2). Vous contribuez à cet avènement dans votre thèse tout en répondant à l’exigence de nourrir le savoir juridique et de le respecter. L’une des membres de votre Jury de thèse a usé de cette belle formule : « [Dans votre thèse], la philosophie et la sociologie innervent le droit ». Enfin, la richesse de votre réflexion vous conduit à faire œuvre de législateur, de politique législative. Vous le faites sans céder à la facilité qui consisterait en la matière à « importer » les dispositifs juridiques d’une législation à l’autre : du niveau supra-national au niveau national et réciproquement. Dans le cadre de ce que j’appellerai l’économie complexe des relations entre la Cour pénale internationale et les législations nationales, vous vous exercez plus à l’hybridation qu’à l’importation. Vous êtes ainsi

dans votre conclusion générale un législateur justement austère qui se confronte avec gravité et rigueur à l’ampleur des enjeux au cœur de l’histoire de l’humanité, enjeux si brillamment et, je dirai, si passionnément présentés dans votre introduction. Au cours d’une exceptionnelle série d’entretiens que le Doyen Jean Carbonnier avait accordée et qui vont être réédités(3), celui-ci parlait de quatre sciences du droit : une science des systématisations, une science de l’interprétation, une science de la création normative, une science sociologique justifiée par le fait que « le droit pouvait être étudié d’une autre manière, de l’e xtérieur ». Vous avez pratiqué avec bonheur ces quatre sciences du droit et il nous a semblé que vous aviez été ainsi fidèle dans votre thèse à cette conception savante de l’approche du droit promue par le Doyen Jean Carbonnier. Votre thèse, première thèse de droit pénal à se voir décerner le Prix Jean Carbonnier, fait honneur à ce dernier et à l’esprit de son œuvre. Compte tenu du sujet qu’elle aborde, votre thèse devrait connaître une notoriété non seulement nationale mais internationale, et ce mérite, qui doit vous revenir, constituera également un bienfait pour le Prix lui-même puisque cette notoriété que nous vous souhaitons ne pourra que rejaillir sur le Prix Jean Carbonnier luimême. Notes : 1-Fernand Braudel, Ecrits sur l’histoire, Paris, Flammarion, 1969, p. 90. 2-Immanuel Wallerstein, « The Heritage of Sociology, the Promise of Social Science”, Current Sociology, vol. 47, n° 1, p. 1-37. 3-André-Jean Arnaud, Jean Carbonnier. Un juriste dans la cité, LGDJLextenso éditions, coll »Droit et Société Classics », à paraître.

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