Edition du lundi 6 février 2012

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LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 6 février 2012 - Numéro 10 - 1,15 Euro - 93e année

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Dominique Le Bras, Nicole Maestracci et Florence Gouache

Cour d’Appel de Rouen Rentrée solennelle -10 janvier 2012

RENTRÉE SOLENNELLE Cour d’Appel de Rouen

2 6 AGENDA ......................................................................................5 CULTURE

Concert judiciaire par Dominique Le Bras ........................................... Vision commune par Nicole Maestracci ..............................................

Cercle culturel Henner Les perspectives de croissance pour 2012 par Denis Kessler..................................................................................

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AU JOURNAL OFFICIEL

Commissaire-priseur judiciaire salarié Décret n° 2012-121 du 30 janvier 2012 relatif aux commissaires-priseurs judiciaires salariés JORF n°0026 du 31 janvier 2012 .....................................................

DIRECT

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Distribution alimentaire à Paris

12 ANNONCES LEGALES ...................................................14 VIE DU CHIFFRE

Avis de l'Autorité de la Concurrence - 11 janvier 2012 ...................

Experts-comptables et Commissaires aux Comptes de France Jean-Luc Mohr élu Président ...........................................................

DÉCORATION

Henriette Walter Officier de la Légion d’Honneur .......................................................

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a rentrée solennelle de la Cour d’Appel de Rouen qui s’est déroulée le 10 janvier dernier en présence des hautes personnalités de la région Haute Normandie, fut aussi l’occasion d’installer deux nouveaux magistrats du siège, François-René Aubry, Président de Chambre et Laurence Delahaye, Conseiller. Le Procureur Général Dominique Le Bras a exposé le bilan de l’activité de la juridiction au cours de l’année écoulée, soulignant que la qualité du fonctionnement de la justice pénale, loin d’être réduite à la quantité des affaires traitées, doit plutôt être entendue comme « la bonne orientation donnée à une affaire poursuivable » par les procureurs qui définissent le traitement qu’il convient d’appliquer à chaque type d’affaires. Les magistrats du Ministère Public disposent à cet égard d’une panoplie répressive qui a été considérablement diversifiée au cours des récentes années. « Le concert judiciaire gagne en nuance mais requiert plus d’attention pour éviter la fausse note » a ainsi souligné le Procureur Général de Rouen. Aux quatre options traditionnelles de classement sans suite pur et simple, information judiciaire, citation directe et poursuite en flagrant délit, ont notamment été ajoutées la comparution immédiate, la composition pénale ou encore la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui présente la particularité de ne pas nécessiter de passage en audience publique. Les magistrats du Parquet doivent désormais arbitrer entre des considérations judiciaires, pratiques et budgétaires, le coût unitaire d’une procédure étant fonction des temps de traitement et des moyens humains requis. « Petit à petit se dessine donc un paysage judiciaire où le passage à l’audience publique de la juridiction correctionnelle, avec tout le déroulement classique d’un procès, pourrait ne concerner que les affaires contestées, ou nécessitant un débat public

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à raison de la gravité ou de la nature des faits ou bien encore pouvant conduire à des réquisitions sévères. » a ainsi constaté le Procureur Général de Rouen Le Premier Président Nicole Maestracci, est ensuite revenue sur le rôle du juge « nécessairement et résolument distinct de celui du Procureur », rappelant que la décision du juge pénal « se situe dans l'espace étroit entre, d'une part, la politique pénale conduite par le Parquet sous l'autorité du Garde des Sceaux, d'autre part, les exigences de la loi et, enfin, la singularité de chaque situation individuelle. » Les nombreux textes adoptés récemment en matière pénale, qu’il s’agisse du droit des mineurs, de l’exécution des peines, de la hiérarchie des sanctions ou de l’instauration de nouvelles mesures de sûreté, mériteraient qu’une réflexion plus globale soit engagée afin d’éviter « une accumulation un peu désordonnée et sectorielle » qui ne satisferont ni les justiciables, ni les professionnels de la justice. » Elle a ensuite évoqué le difficile climat d’inquiétude qui touche le monde de la justice, rappelant que l’insuffisance des moyens matériels et humains conjuguée à la multiplication et la précipitation des réformes a été dénoncée tant par la Conférence des Procureurs de la République, que par la Conférence des Présidents de Tribunaux de Grande Instance. Depuis le 1er décembre 2011, pas moins de 14 circulaires ont été adressées aux juridictions. Nicole Maestracci a enfin déploré la transposition des modèles du privé au service public de justice, concluant avec optimisme : « il ne nous est pas interdit, dans le ressort de cette Cour, en lien avec les organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires, de réfléchir à d’autres modes de management et d’autres définitions de la performance, plus collective et partagée qu’individuelle. C’est dans tous les cas la voie dans laquelle je souhaite que nous nous engagions. » Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE


Rentrée solennelle

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Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01.42.60.36.35 - Télécopie : 01.47.03.92.15 Internet : www.annonces-de-la-seine.com e-mail : as@annonces-de-la-seine.com / as@annonces-de-la-seine.fr

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Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01.34.87.33.15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01.42.60.84.40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01.42.60.84.41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01.45.97.42.05 Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède

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Concert judiciaire par Dominique Le Bras

Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 558 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS

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Copyright 2012 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2011 ; des Yvelines, du 20 décembre 2011 ; des Hauts-deSeine, du 28 décembre 2011 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 décembre 2011 ; du Val-de-Marne, du 20 décembre 2011 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.

- Tarifs hors taxes des publicités à la ligne A) Légales : Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,43 € Yvelines : 5,22 € Hauts-de-Seine : 5,48 € Val-de-Marne : 5,41 € B) Avis divers : 9,75 € C) Avis financiers : 10,85 € D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 € Seine-Saint Denis : 3,80 € Yvelines : 5,22 € Val-de-Marne : 3,83 € - Vente au numéro : 1,15 € - Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels

COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président de la Chambre des Notaires de Paris Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

’article R 111-2 du Code de l’organisation judiciaire que les habitués entendent évoquer rituellement chaque année, sans pour autant que le contenu leur en ait été révélé, nous prescrit deux choses et nous en autorise une troisième. Nous respectons en général la première et nous accomplissons toujours scrupuleusement la seconde. Quant à la troisième, nous vous l’épargnons la plupart du temps. Il nous est donc prescrit : 1°) De tenir chaque année une audience solennelle « pendant la première quinzaine du mois de janvier » (Toutefois, l'audience solennelle est tenue à la cour d'appel de Saint-Denis-de-laRéunion et dans les tribunaux de grande instance du ressort de cette cour pendant la première quinzaine du mois de février). 2°) De faire un exposé de l’activité de la juridiction durant l’année écoulée. 3°) Il nous est enfin permis (à la cour seule) de faire précéder cet exposé d’un discours portant sur un sujet d’actualité ou sur un sujet d’intérêt juridique ou judiciaire. Craignant d’abuser de votre attention, nous ne le faisons que rarement. L’exposé de l’activité trouve ses racines dans les mercuriales prescrites par de nombreuses ordonnances royales du 16ème siècle. L’objet des mercuriales, ainsi dénommées parce qu’elles se tenaient les mercredis, de mois en mois, était, par la bouche du ministère public, de rappeler aux magistrats du siège assemblés les devoirs de leur profession. On y examinait ainsi « si les ordonnances étaient exécutées, s’il n’y avait pas irrévérence ou désobéissance au roi, à la cour ou aux présidents, s’il n’y avait pas négligence, défaut de résidence, choses dérogeantes à l’honneur et gravité de la cour ».

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Henrion de Pansey(1), Premier président de la Cour de cassation sous le premier empire, décrivait les mercuriales comme des, jours solennels, dans lesquels se déployait surtout l’importance du ministère public ; jours de courage et de justice, où les juges se soumettaient à leurs propres jugements, où les censeurs publics se censuraient eux-mêmes, où les négligences les plus légères étaient relevées comme des fautes graves ; où celui dont les habitudes étaient peu compatibles avec l’honneur et la gravité de la magistrature était signalé sans ménagements, enfin, pour nous servir des expressions de Daguesseau, où le juste venait rendre compte de sa justice même ». L’empire avait en 1810 repris quelque peu cette pratique disparue au 18ème siècle. Tous les ans à la rentrée, devant toutes les chambres de la cour assemblées en chambre du conseil, le procureur général devait prononcer un discours sur la manière dont la justice avait été rendue dans l’étendue du ressort pendant l’année précédente, remarquer les abus et faire ses réquisitions. La cour en délibérait ensuite et le discours et les arrêts intervenus étaient renvoyées au grand juge (le ministre de la Justice), avec une liste des juges du ressort qui ne s’étaient pas distingués par leur exactitude et par une pratique constante des devoirs de leur état. Certains d’entre vous aimeraient peut-être, par simple curiosité sans doute, que je leur fasse un tel discours. Désolé. Cela n’est plus prévu et puis le contenu, je vous l’ai indiqué, en était réservé aux seuls magistrats de la cour et au grand juge. Par ailleurs, mes collègues du siège, à raison soucieux d’égalité, ne manqueraient pas de me demander pourquoi ils ne pourraient pas, eux aussi, remarquer mes abus ? Enfin, comme nous sommes tous membres d’un même corps et tenus à un devoir de délicatesse les uns envers les autres, ces manières anciennes, brutales mais franches, n’ont plus cours.

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Rentrée solennelle A vrai dire, c’est collectivement que nous nous sentons responsables de la bonne marche de la Justice. Réduire le bon fonctionnement de la justice aux défaillances de tel ou tel serait réducteur. Certes, chaque magistrat dans sa sphère de compétence assume seul et pleinement la responsabilité de ses décisions mais la bonne marche de l’ensemble d’une juridiction, d’un ressort, et donc le bon fonctionnement de la justice dépendent d’un grand nombre de paramètres aux premiers rangs desquels figurent non seulement les moyens humains et matériels mais aussi la qualité de l’organisation mise en place. Les chefs de cour, dont je suis, en sont responsables. Chaque chef de juridiction l’est. Chaque magistrat, chaque fonctionnaire y contribue. Il nous est donc imposé de vous faire un exposé de l’activité de la juridiction au cours de l’année écoulée. Cette activité s’exprime au

que la justice. Elle n’a que l’âge du Consulat mais, depuis, ce sont des flots de chiffres que chaque année nous produisons. Abrial, ministre de la Justice sous le consulat, affirmait à propos de ces chiffres que leur but était « d’éclairer la sollicitude du Gouvernement sur l’état de la République ». Vu ce qui s’est passé au cours des deux siècles précédents, j’ai l’impression que l’éclairage n’a pas toujours été puissant et qu’en ce qui concerne l’état de la Justice, il a plutôt été du niveau de la bougie. Et pourtant chaque année, dès le début de la troisième République, le Président de la République recevait du garde des Sceaux deux rapports, très instructifs, sur l’administration de la justice criminelle et de la justice civile et commerciale en France et en Algérie. Je ne résiste pas au plaisir, pour l’anecdote mais aussi pour votre édification de citoyens, de vous faire part d’étonnants détails que l’on peut y relever.

Petit à petit se dessine donc un paysage judiciaire où le passage à l’audience publique de la juridiction correctionnelle, avec tout le déroulement classique d’un procès, pourrait ne concerner que les affaires contestées, ou nécessitant un débat public à raison de la gravité ou de la nature des faits ou bien encore pouvant conduire Dominique Le Bras à des réquisitions sévères.

Ainsi, la Corse se signale en 1876 par un taux d’acquittement aux assises de 42%, chiffre que le garde des Sceaux commente en écrivant : « Malgré l’augmentation du nombre des attentats contre la vie, le jury reste sans énergie, et, quand il ne répond pas aux accusations d’assassinat et de meurtre par des verdicts négatifs, il admet avec trop de facilité l’e xcuse de provocation » (Dufaure). Est-ce dépassé ? Petit détail complémentaire : l’île a même droit à un paragraphe particulier dans les rapports

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travers de statistiques qui figurent dans le document qui vous a été remis mais il nous appartient de vous les traduire pour vous les rendre compréhensibles et vous permettre alors de porter un jugement sur notre activité. Vous pourrez ainsi apprécier, comme le disait si bien un garde des Sceaux de la belle époque, si « la magistrature n’a pas cessé d’apporter la même activité que par le passé dans l’accomplissement de sa tâche de chaque jour ». La statistique judiciaire n’est pas aussi ancienne

annuels sur l’administration de la justice criminelle. Je rassure tout de suite les Corses. Il y a eu pire. En 1902, le taux d’acquittement aux assises de la Lozère atteignait le chiffre record de 82%. La Corse, elle, n’en était qu’à 62%, derrière l’Ariège (77%), les Basses-Pyrénées (76%), le Gers (67%) et suivie de près par tout le reste du Sud-Ouest ! Aussi curieux que cela paraisse, dans son rapport, le garde des Sceaux de ce temps-là ne se laissait aller à aucun commentaire indigné sur le sujet. Il est vrai que la moyenne nationale était à 31%. Imaginons cela aujourd’hui ! On ne manquerait pas d’interroger la politique de poursuite pénale des procureurs. Peut-être même qu’on supprimerait les jurés aux assises ? J’arrête-là l’é vocation historique et je vous propose maintenant de faire un saut d’un siècle pour examiner ce qu’a été la politique pénale des parquets en 2011. L’exposé de l’activité qui doit vous être fait vise donc à vous permettre d’apprécier objectivement si le fonctionnement de la justice ici, en Haute-Normandie, a été satisfaisant. Plus donc que de litanies de chiffre, c’est de quelques points qu’il me faut vous parler. De toutes façons, s’agissant de l’année 2011, j’aurais quelques difficultés à vous donner des chiffres sûrs. Nos données sont en effet traitées par un système informatique national dénommé Cassiopée. L’infocentre Cassiopée m’a livré pour l’un des quatre tribunaux du ressort des chiffres manifestement inexacts. En bref, l’un des parquets aurait reçu, en 2011, 50% d’affaires de plus qu’en 2010. C’est Impossible puisque les magistrats du parquet en question, tout en ne manquant pas de travail, ne se sont plaints de rien de tel. Comme de toutes façons on observe une stabilisation si ce n’est un tassement des volumes d’affaires reçues, je peux m’appuyer sur les données 2010 pour vous commenter l’activité actuelle des parquets du ressort. Et plus que de vous parler de ce qui augmente et de ce qui baisse, ce qui d’une année sur l’autre n’a pas grande signification, je m’attacherai surtout à vous brosser à grands traits les évolutions observées sur les dix dernières années. Pour bien comprendre l’activité des parquets, il faut avoir en tête quelques notions simples.

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Un parquet reçoit des plaintes, des procèsverbaux et des dénonciations relatifs à des crimes, délits et contraventions de la 5ème classe et : - soit les traite lui-même c’est-à-dire les classe sans suite ou les poursuit, - soit les adresse pour traitement à un autre parquet (à raison de sa compétence territoriale en général). En gros, les quatre parquets de HauteNormandie traitent 105 000 affaires par an. 105 000 affaires à diviser par un effectif théorique de 40 magistrats. Cela leur donne 2 625 affaires à traiter chacun par année. Comment font-ils ? Je vous rassure, ils n’y arrivent pas. Ou plus exactement, plus de la moitié des 105 000 affaires (60%) ne donne pas de travail parce que l’auteur de l’infraction n’a pas été identifié et ne peut l’être. Ces affaires ne peuvent être que classées sans suite, quasi automatiquement. La charge est donc ramenée à 1 050 affaires par magistrat du parquet et par an. Ce qui reste tout de même conséquent. Sur les 42 000 affaires restantes une autre part (environ 12 000 affaires) ne pourra être poursuivie pour des raisons juridiques (absence d’infraction, prescription, irresponsabilité de l’auteur, etc.). Il reste donc actuellement un peu plus de 30 000 affaires poursuivables et c’est le traitement réservé à ces affaires qui vous permet de porter un jugement sur l’activité des parquets. Sous réserve cependant de ne pas réduire la qualité du fonctionnement de la justice pénale à la seule quantité des affaires traitées. La qualité c’est en effet, de mon point de vue, la bonne orientation donnée à une affaire poursuivable que ce soit vers le classement sans suite pur et simple, vers le classement sous condition, vers la composition pénale ou vers la poursuite pénale. La qualité de l’orientation révèle, en fait, tout le talent d’un parquet sous la conduite de son procureur. Et du talent, aujourd’hui il en faut face à la diversité des instruments de traitement des affaires offerts aux magistrats des parquets. Pour prendre une image, il y a 30 ans le magistrat du parquet disposait pour traiter les affaires correctionnelles concernant des auteurs majeurs d’un piano à 4 touches : une touche pour le classement sans suite pur et simple, une touche pour l’ouverture d’une information judiciaire, une touche pour la citation directe devant le tribunal et une dernière pour la poursuite en flagrant délit. Avec cela, il n’y avait pas trop de risques de couac mais la mélodie était rudimentaire. Désormais, ce même magistrat a devant lui dix touches : - le classement sans suite pur et simple encore qu’il puisse y avoir des dièses et des bémols selon que le classement est fait pour un motif juridique, pour défaut d’élucidation ou pour inopportunité des poursuites, - le classement sans suite sous condition, - la composition pénale, - la citation directe, - la convocation par officier de police judiciaire, - la convocation par procès-verbal du procureur de la République, - la comparution immédiate, - l’ordonnance pénale, - l’ouverture d’information judiciaire,

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- la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Le concert judiciaire gagne en nuance mais requiert plus d’attention pour éviter la fausse note. Et même si la mélodie est juste, les citoyens n’aiment pas toujours l’air qui leur est joué. Ils auraient sans doute préféré nous voir appuyer plus souvent sur certaines touches que sur celles que nous avons choisies. La préoccupation des procureurs est donc aujourd’hui de définir, dans le cadre de leur politique d’action publique, le traitement qu’il convient d’appliquer à chaque type d’affaires, étant observé que cette définition implique un dialogue et même un accord avec les présidents de tribunaux puisque les divers modes de traitement utilisables influent sur le fonctionnement de la juridiction. Quant au procureur général, chargé de coordonner l’action des procureurs de la République et la conduite de l’action publique par les parquets de son ressort, il lui incombe de veiller à la cohérence du traitement des affaires pénales afin que le justiciable de Dieppe, pour une même infraction, ne soit pas fondamentalement traité différemment de celui d’Evreux, du Havre ou de Rouen. Ceci vous fait aussi mesurer la difficulté que les citoyens peuvent avoir à comprendre la réponse donnée par le parquet à une affaire judiciaire. Le grand public en est resté bien souvent à la seule poursuite devant une juridiction pénale alors que celle-ci n’est plus qu’une mesure, certes majeure, parmi les autres. Les parquets du ressort de la cour d’appel de Rouen, et ce qu’elle que soit leur taille, sont désormais engagé dans un traitement diversifié des affaires pénales. La loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles est venue étendre une nouvelle fois les domaines de l’ordonnance pénale délictuelle et de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Désormais ces deux types de procédures sont applicables à la quasi-totalité des délits et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité peut même être appliquée aux affaires sortant d’un cabinet d’instruction. La caractéristique majeur de ces deux types de procédure est qu’elles ne passent pas par l’audience correctionnelle publique. Petit à petit se dessine donc un paysage judiciaire où le passage à l’audience publique de la juridiction correctionnelle, avec tout le déroulement classique d’un procès, pourrait ne concerner que les affaires contestées, ou nécessitant un débat public à raison de la gravité ou de la nature des faits ou bien encore pouvant conduire à des réquisitions sévères. Cette évolution se place au moment même où, à l’audience correctionnelle, apparaissent les jurés citoyens. Paradoxe pourriez-vous penser. En fait, pas tant que cela. L’intervention des jurés citoyens au sein des formations de jugement correctionnel se traduit nécessairement, à l’image des cours d’assises, par un temps d’examen plus long des affaires. Comme il n’est pas possible à moyens constants d’augmenter le nombre d’audiences correctionnelles ou de les prolonger tard dans

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la soirée et que le traitement des affaires ne peut souffrir un allongement des délais d’audiencement, le recours plus important aux procédures sans audience (OP et CRPC) est offert pour contourner la difficulté. Cette évolution est à l’œuvre depuis quelques années puisque l’ordonnance pénale est apparue en 2003 et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en 2004. L’observation de l’activité pénale des parquets du ressort de la cour de Rouen au cours des dix dernières années permet de mettre en évidence cette évolution. Les affaires reçues chaque année dans l’ensemble des parquets de Haute-Normandie ont diminué sensiblement. 120 000 contre plus de 140 000 il y a moins de dix ans. Les affaires traitées, non poursuivables et poursuivables ont, bien évidemment, suivi la même pente. En revanche, alors qu’ils avaient moins d’affaires poursuivables et qu’ils ont donc exercé moins de poursuites (15 000 poursuites par an aujourd’hui contre un peu plus de 21 000 il y a quelques années), les parquets ont cependant augmenté leur taux de poursuites pénales. Pour ce faire, ils ont beaucoup moins classé en opportunité, après alternatives aux poursuites ou après composition pénale. Très clairement, les parquets de HauteNormandie ont durci la répression des infractions pénales poursuivables. Cette répression pénale s’est exercée en usant de toute la panoplie répressive et notamment en recourant à l’OP et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité mais dans des proportions variables selon les parquets, puisque les taux vont de 34 à presque 50% des poursuites. Cependant au plan régional, les poursuites pénales correctionnelles classiques, avec passage en audience, demeurent en fait largement majoritaires (61%). Il est vrai que la diminution du volume des poursuites pénales rend moins crucial l’orientation d’une partie des affaires vers des procédures sans audience.

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Rentrée solennelle Pour autant, le choix de l’orientation ou non vers l’audience conduit à arbitrer entre des considérations judiciaires (rôle et symbolique de l’audience publique), et des considérations pratiques (l’audience nécessite (au moins) un juge, un greffier, un parquetier, un huissier audiencier et un travail du greffe en amont et en aval; le travail du substitut n’est pas le même). L’aspect budgétaire lui-même, RGPP oblige, ne peut être évacué : le coût unitaire d’une procédure avec ou sans audience n’est pas le même compte tenu des temps de traitement et des moyens humains requis. Comme vous le voyez, procédure pénale peut rimer avec gestion des deniers publics. Je dirais même que le coût du fonctionnement de la justice pénale a été une préoccupation constante de notre ministère. Nos gardes des Sceaux, notamment ceux du XIXème siècle, étaient particulièrement attentifs à ce qu’une dépense excessive ne vienne déséquilibrer le budget de l’Etat. Il est vrai qu’alors, les impôts ne pesant pas plus de 10% du PIB, les moyens de l’Etat étaient limités. Dans son souci d’é conomie, la Chancellerie allait jusqu’à détailler dans une circulaire la liste des produits consommables dans une exécution capitale. La sciure du panier l’était. Pas le panier. Les frais de Justice qui nous soucient beaucoup (à titre d’information notre cour dépense plus de 10 millions d’euros par an au titre des frais de justice) souciaient déjà tout autant autrefois les gardes des Sceaux ainsi que cela ressort d’une circulaire : « Justement préoccupé de leur augmentation toujours croissante, je vous ai adressé, [le 16 août 1842], une circulaire dont la stricte exécution devait avoir pour résultat de les diminuer sans nuire à la bonne administration de la justice. Dès la même année ils ont subi une réduction. [En 1843, leur diminution a été de 227,781 Francs comparativement à 1841, (...)] mais, malgré votre active surveillance, que je me plais à reconnaître, l’augmentation n’a pas tardé à se reproduire progressivement. [Déjà, en 1844, la dépense est montée presque au même chiffre qu’en 1841 (...)] Elle dépasse les prévisions du budget. » Ca fait très 21ème siècle et c’est pourtant écrit le 26 décembre 1845. Les transfèrements et extractions de détenus, voilà un sujet très actuel. Il est prévu, dans un souci de meilleure utilisation des moyens de la puissance publique que ces transfèrements et extractions ne soient plus exécutés à l’avenir par la police ou la gendarmerie mais par les fonctionnaires de la pénitentiaire. Des économies en sont attendues. Ce souci-là, le ministère de la justice l’avait déjà au XIXème siècle. Le 27 juin 1857, le garde des Sceaux écrivait : « D’après des renseignements qui m’ont été fournis, les médecins délivrent parfois avec une abusive facilité des certificats au moyen desquels on élude la disposition formelle (de l’article 4 du décret du 18 juin 1811) qui ne permet la translation en voiture que lorsque des infirmités réelles empêchent de voyager à pied. Il résulte que la dépense relative au transport des prévenus et accusés se trouve plus élevée qu’elle ne devrait l’être. » Il suggérait même des solutions à la gendarmerie qui avait semble-t-il tendance à employer beaucoup de militaires à l’exécution des transfèrements.

Circulaire du 6 octobre 1858 : « Je crois devoir aussi vous adresser mes recommandations au sujet du nombre de gendarmes employés pour escorter les prévenus transférés en chemin de fer. Déjà, par sa circulaire du 30 juin 1855, mon prédécesseur avait demandé, pour diminuer la dépense, de subordonner le nombre de gendarmes aux besoins réels, et il avait prescrit de ne requérir qu’un seul gendarme quand le prévenu ne devait inspirer de craintes d’aucune espèce. » Voilà de la RGPP avant l’heure. Je pourrais multiplier les exemples tant ils abondent. L’impression qui en ressort est que dans notre pays la justice a toujours fonctionné à l’économie, que l’on soit sous la monarchie, l’Empire ou la République. Et puis comment ne pas être étonné de voir qu’après tant d’années les mêmes préoccupations budgétaires demeurent : frais de justice, transfèrements, frais postaux, frais de communication... Je vous ai fait grâce d’exemples mais je puis vous assurer que les bulletins officiels du ministère de la Justice de 1790 à nos jours abondent en circulaire sur ces sujets. Il y a quand même eu quelques progrès depuis. Par exemple à propos de l’expédition des discours de rentrée. Elle s’effectuait en franchise postale mais ce droit n’était pas concédé à tous ainsi que le rappelle le garde des Sceaux en 1860 : « Il n’y a d’ailleurs pas de motifs sérieux pour étendre aux premiers présidents le privilège qui n’a été concédé qu’aux procureurs généraux ou à leurs substituts, et qui s’e xplique, à l’égard de ces magistrats, par la mission qui leur est exclusivement réservée de prononcer les mercuriales et les discours de rentrée. Si donc il paraît convenable d’adresser à tous les premiers présidents un exemplaire de chacun de ces discours, vous n’hésiterez pas à reconnaître, Monsieur le Procureur général, que cet envoi ne peut, en présence des décisions restrictives cidessus rappelées, se faire qu’aux frais de l’expéditeur, [et que, dans tous les cas, il ne saurait être question, pour éviter une dépense aussi minime, de demander à M. le ministre des Finances la révision d’une décision prise d’un commun accord entre nos deux départements]. Vous admettrez avec moi, madame le premier président, que les temps ont quand même heureusement bien changé. Vous pouvez aujourd’hui m’adresser votre discours sans frais et je puis en faire de même à votre égard mais soucieux des deniers publics, je m’abstiendrai d’adresser une expédition de mon discours à tous les premiers présidents. Voilà quelques considérations, peut-être pas suffisamment sérieuses jugerez-vous, que je voulais vous livrer, mais ce faisant je pense avoir observé les dispositions de l’article R.111-2 du Code de l’organisation judiciaire même celles concernant le sujet juridique ou judiciaire car je crois que l’étude de l’histoire judiciaire nous permet souvent de prendre la distance critique nécessaire face aux aléas du temps.

Note : 1 - Henrion de Pansey (1742-1829). Premier président de la Cour de cassation en 1813.

Agenda

COMMISSION DROIT PÉNAL COMMUNAUTAIRE ET ENVIRONNEMENT, EN COLLABORATION AVEC LE CSDPE ET L’OLAF

Lutte contre la contrefaçon et protection des intérêts financiers de l’Union européenne 29 mars 2012 Milan - Italie Renseignements : +39 02 58 30 39 74 info.studiobana.it

2012-097

EXPOSITION

Albert Gallatin Un Genevois aux sources du rêve américain 1761-1849 jusqu’au 17 mars 2012 Bibliothèque de Genève BGE Parc des Bastions - Genève (Suisse) Renseignements : +41(0)22 418 28 00/14 www.ville-ge.ch/bge

2012-098

SÉMINAIRE UIA

Gouvernance d’entreprise, regulation et litiges connexes du 26 février au 2 mars 2012 Whisltler Mountain - Canada Renseignements : 01 44 88 55 66 www.uianet.org

2012-099

COLLOQUE CYCLE HISTOIRE ET JUSTICE 2012 : LES ÉCRIVAINS EN JUSTICE

Le procès de Socrate : mourir pour la loi 15 mars 2012 Cour de cassation - Paris 1er Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-100

CONFÉRENCE SCIENTIFIQUE ET PROFESSIONNELLE

Actualité de la Maîtrise des risques industriels 29 et 30 mars 2012 Sophia-Antipolis Renseignements : www.master-mri.org

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Rentrée solennelle Vision commune

Nicole Maestracci

par Nicole Maestracci (…) «

uisque tout juge finit un jour pénitent, dit Camus dans La Chute, il faudrait faire la route en sens inverse et faire métier de pénitent pour pouvoir finir en juge ». Des générations de normaliens se sont penchées sur cette figure du juge dont la bonne conscience est prise en défaut et qui devient « juge pénitent » et je ne me risquerai pas à en faire une interprétation définitive. Dans l'esprit du récit de Camus, être « juge pénitent », c'est faire l'expérience du doute, de la lucidité et de la culpabilité, se réinterroger, dans chaque situation, sur les frontières floues qui séparent le bien du mal, le courage de la lâcheté, les coupables des victimes, les délinquants des honnêtes gens. Est-ce que la figure du « juge pénitent » nous éclaire aujourd'hui, sur le rôle du juge ? Alors que de multiples réformes sont généreusement annoncées, rapidement votées et difficilement mises en œuvre, l’audience solennelle est l’occasion de revenir sur le rôle du juge, nécessairement et résolument distinct de celui du procureur. C’est d'autant plus important que les textes successifs ont parfois brouillé les frontières aux yeux de nos concitoyens. Evidemment, l'action du juge est d'abord déterminée par la loi, ce qui n'est déjà pas facile tant les lois se sont multipliées et superposées, de manière parfois contradictoires et sans que les conditions de leur mise en œuvre soient toujours prévues. Mais la loi nationale n'est plus son seul horizon. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la charte des droits fondamentaux constituent aujourd'hui des références directement applicables par le juge national. Elles déterminent le droit de chacun à un procès équitable, à un débat contradictoire et à un juge impartial. Depuis l’année dernière, la conformité à la Constitution d’une loi peut, en outre, être soulevée devant le juge à l’occasion d’un cas d'espèce. C’est la question prioritaire de constitutionnalité qui a donné lieu, en 2011, à 76 saisines, par la Cour de cassation, du Conseil constitutionnel qui, s’il n’a pas souvent censuré les textes qui lui étaient soumis, a posé de nombreuses réserves d’interprétation, se transformant ainsi, à bas bruit, en une nouvelle cour suprême. Mais, chacun le sait, ni la loi, ni les sources qui viennent d’être évoquées, ne suffisent à définir l'action du juge. Il appartient à celui-ci d’appliquer la règle de droit à ce que Max Weber appelle « l’irrationalité substantielle du cas particulier. » S’il ne traite que des situations individuelles, le juge ne se désintéresse pas pour autant, bien sûr, de l'intérêt général. Simplement, il n'est pas, contrairement au parquet, comptable d'une politique publique. Ainsi, la décision du juge pénal se situe dans l'espace étroit entre, d'une part, la politique pénale conduite par le parquet sous l'autorité du garde des Sceaux, d'autre part, les exigences de la loi et, enfin, la singularité de chaque situation individuelle. C'est la prise en compte de cette singularité qui confère à la décision son caractère subjec-

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tif, par opposition à l'automaticité parfois souhaitée, et peut donner l'impression d'aléa et d'imprévisibilité, parfois mal comprise. Pourtant, l'indépendance du juge, que personne ne songerait explicitement à remettre en cause, ne peut se concevoir sans cette part irréductible d'aléa. L’extension du plaider coupable et du recours aux ordonnances pénales, telle que prévue par la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, poursuit une évolution déjà engagée depuis plusieurs années qui tend à limiter le rôle du juge pénal à l’homologation ou la validation de décisions déjà prises par un parquet qui, quelle que soit la qualité des hommes et des femmes qui le composent, reste placé sous l'autorité du pouvoir exécutif. Certes, toutes les réformes engagées ces dernières années dans le domaine pénal, qu’il s’agisse du droit des mineurs, de l’exécution des peines, de la hiérarchie des sanctions ou de l’instauration de nouvelles mesures de sûreté, ont été votées au nom de plus d’humanité, plus de protection pour les victimes, plus de prévention de la récidive, plus de proximité avec les attentes supposées de la société. Et, sans doute, chacune d’entre-elles, prise isolément, trouve une justification rationnelle. Mais, l’ensemble de ces réformes dessine un nouveau paysage judiciaire dont le sens mériterait un débat plus explicite, plus large et plus approfondi sur l’équilibre des pouvoirs et les garanties qu’il implique pour nos concitoyens. C'est le rôle de l'audience solennelle de contribuer à faire partager ces inquiétudes et à faire comprendre l'importance des enjeux des réformes en cours, au-delà du cercle étroit des spécialistes que nous sommes.

L’audience solennelle de rentrée est aussi l’occasion de rendre compte de l’activité des juridictions du ressort pour l’année écoulée. Vous trouverez dans les plaquettes qui vous ont été diffusées l’essentiel des données chiffrées. Elles permettent de constater que les performances des juridictions sont satisfaisantes, les délais de jugement ayant été réduits dans toutes les juridictions, malgré l’insuffisance et l’imprévisibilité des effectifs de greffe. Vous verrez également que le nombre des affaires traitées est globalement stable depuis 3 ans, à l’exception du contentieux civil de l’instance qui est en augmentation, et traduit sans doute les premiers effets judiciaires de la crise économique. A la cour, les deux contentieux qui ont augmenté concernent la chambre des tutelles et la chambre sociale. La situation de la chambre des tutelles résulte de la mise en œuvre de la réforme issue de la loi du 12 mai 2009, qui a donné compétence à la cour d’appel pour statuer sur les recours des décisions des juges des tutelles. S’agissant de la chambre sociale, cette situation n’est pas la conséquence d’une augmentation des affaires traitées par les conseils de prud’homme mais seulement d’une augmentation des recours contre leurs décisions, ce qui est probablement le signe d’une tension accrue des rapports sociaux. Les délais de traitement des affaires sont passés, à la cour, de plus de 11 mois en 2006 à un peu plus de 7 mois en 2011. Ce progrès mérite d’être souligné car je sais l’importance que les justiciables y attachent. Mais, il est important de rappeler que ces données ne sont que des chiffres bruts qui ne rendent compte que de la partie immédiatement visible et la plus aisément mesurable de l’activité. Elles ne disent pas grand-chose de la qua-

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Rentrée solennelle pertinence d’un contrôle juridictionnel sur les hospitalisations sans consentement. Au cours du premier semestre, viendra le temps d’un premier bilan de la mise en œuvre de ce nouveau texte, en collaboration avec l’agence régionale de santé. Les chiffres ne rendent pas compte non plus des profonds bouleversements qui affectent la justice des mineurs. Les mineurs difficiles, qu’ils soient délinquants ou en danger, ou parfois les deux, sont à juste titre au cœur des préoccupations des élus, des services de l’Etat

mineurs délinquants. » Cette même loi, tirant les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel, interdit également à partir du 1er janvier 2013, au juge des enfants qui a mis en examen un mineur de présider la juridiction de jugement. C’est une autre spécificité du droit des mineurs qui est ainsi abandonnée, alors qu’elle avait pourtant été jugée conforme à la Convention européenne des droits de l’homme par la cour de Strasbourg, celle-ci estimant que l’impératif de spécialisation de la juridiction des mineurs justifiait qu’il

Doit-on continuer à laisser croire que l'augmentation continue de la sévérité des peines joue un rôle dissuasif, alors qu’avec plus de 65 000 personnes incarcérées, les prisons n’ont jamais été aussi pleines ? Dès lors que nous savons qu’une sortie de prison en libération conditionnelle réduit presque de moitié le risque de réitération, pourquoi le nombre de ces mesures continuetNicole Maestracci il à stagner à près de 8 000 par an ?

et de la société tout entière. Les textes applicables ont été modifiés à plusieurs reprises ces dernières années - et un énième projet de loi est en cours d’examen. La répartition des compétences entre les juges et les conseils généraux a été clarifiée. L’activité de la protection judiciaire de la jeunesse a été recentrée sur la prise en charge des mineurs délinquants, mettant fin à une spécificité française qui conduisait à déterminer les modalités de suivi des mineurs en fonction de leurs besoins éducatifs plus qu’en fonction de leur qualité de mineur en danger ou de mineur délinquant. Mais ces réformes ont eu surtout pour objectif de rapprocher la justice pénale des mineurs de celle des adultes. La loi du 11 août 2011 a créé le tribunal correctionnel des mineurs, chargé de juger les jeunes récidivistes de 16 ans, et une procédure rapide de convocation devant le tribunal. Enfin, la loi du 26 décembre 2011 a créé une mesure supplémentaire de « service citoyen pour les

soit prévu que le même juge ait à connaître de la situation d’un mineur tout au long de la procédure. Ce mouvement qui tend à rapprocher la justice des mineurs de celle des majeurs part du présupposé que les adolescents d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier. Il n'est pourtant pas si loin le temps où nous pensions que l'enfant n'était qu'un adulte en miniature, ainsi que l'explique l'historien Philippe Ariès dans un ouvrage qui a fait référence pour des générations de juge des enfants. Et l’inquiétude suscitée par la délinquance des mineurs n’est guère nouvelle. Ainsi, en 1897, le grand Durkheim écrivait, par exemple, comme une évidence : « L’appétit sexuel de l’adolescent le porte à la violence, à la brutalité, au sadisme. Il a le goût du sang et du viol. » Il a fallu attendre le 20ème siècle pour comprendre que les adolescents étaient des personnalités inachevées, en construction, en devenir... Est-il légitime de retourner en arrière ? Leur

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lité de la justice, qui ne peut s’apprécier qu’en évaluant la cohérence de l’ensemble des acteurs qui vont intervenir non seulement au cours du procès mais également en amont et en aval, toutes choses pour lesquelles nous ne disposons d’aucun instrument d’évaluation. Ainsi, même si cela ne se traduit pas immédiatement en statistique judiciaire, nous savons que la crise économique a aggravé la situation de nombreuses personnes et rendu plus difficile la recherche de solutions négociées et acceptables, qu'il s'agisse du contentieux de l'exécution, du surendettement, du contentieux locatif, des conflits du travail ou des procédures collectives. Au tribunal correctionnel, au tribunal pour enfants, au service de l'application des peines, au tribunal d'instance, au service des affaires familiales, on doit tenir compte des difficultés accrues d'accès au logement social, de la précarité croissante des situations d'emploi, de l'absence de ressources et de perspectives de jeunes majeurs qui ne peuvent bénéficier ni du RSA ni du soutien de leur famille. Et cela change nécessairement, de manière largement invisible, les pratiques judiciaires. Il est également vraisemblable que l’exigence nouvelle d’un droit d’accès de 35 € en première instance et de 150 € en appel aura un effet sur l’accès à la justice, au moins pour les personnes qui, sans pouvoir bénéficier de l’aide juridictionnelle, ont des ressources limitées. Ces chiffres ne rendent pas davantage compte des conditions difficiles dans lesquelles se mettent en place des réformes aussi importantes que celles de la protection des majeurs et de l’hospitalisation sans consentement. Faut-il rappeler que cette dernière réforme a été adoptée sans analyse préalable des moyens nécessaires, et qu’elle est mise en œuvre, depuis le 1er août 2011, à moyens constants, tant pour les juridictions que pour les hôpitaux, alors que, pour des tribunaux comme Rouen ou Evreux, elle exige que les juges des libertés et de la détention tiennent deux ou trois audiences supplémentaires par semaine ? Dans ce contexte, il est d’autant plus remarquable de souligner la collaboration exemplaire qui s’est instaurée entre les magistrats et les médecins qui, à aucun moment, n’ont remis en cause la

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grande taille ou la largeur de leurs épaules n'y changent rien. Les adolescents ne sont pas des adultes et nous n’avons pas d’autres choix que l'éducation, qui n'est évidemment pas exclusive de sanctions ou d'un cadre contraignant. Elle exige, quels que soient les lieux et la forme des murs à l’intérieur desquels elle s’exerce, des équipes éducatives compétentes, solides et disponibles, capables d’accompagner des parcours chaotiques et d’assurer un suivi dans la durée. On peut appeler les mesures éducatives et les formes de placement ouverts ou fermés de diverses façons, multiplier les lois, changer à l’envi les acronymes qui désignent les mesures de suivi de ces jeunes - et de ce point de vue, l’imagination administrative est sans limite - l’adolescence restera ce que Paul Ricoeur appelle le lieu du « paradoxe de l’autonomie et de la vulnérabilité », dont seule l’éducation permet de sortir. Je sais bien que ces réflexions ne convaincront pas ceux qui estiment que les mesures éducatives n’ont pas eu l’effet préventif escompté et qu’il faut, au contraire, faire preuve d’une plus grande sévérité. Ce débat ne devrait-il pas nous inciter à développer des évaluations plus rigoureuses et plus exigeantes de l'efficacité à long terme de l'activité judiciaire ? Doit-on continuer à laisser croire que l'augmentation continue de la sévérité des peines joue un rôle dissuasif, alors qu’avec plus de 65 000 personnes incarcérées, les prisons n’ont jamais été aussi pleines ? Dès lors que nous savons qu’une sortie de prison en libération conditionnelle réduit presque de moitié le risque de réitération, pourquoi le nombre de ces mesures continue-t-il à stagner à près de 8 000 par an ? Quelle est l’efficacité d’une incarcération pour les 75% d’entrants en prison dont on sait qu’ils n’y resteront que pour une durée inférieure à 6 mois ? Fallait-il attendre une décision de la Cour européenne des droits de l'homme pour se poser la question de l'efficacité du doublement des mesures de garde à vue sur la sécurité publique ? A quelles conditions les mesures de placement sous surveil-

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lance électronique ou les mesures de sursis avec mise à l'épreuve ont-elles un impact sur la récidive ? Quels sont les effets des mesures de prévention des expulsions locatives ? Quels sont les effets des mesures de médiation familiale sur la bonne exécution des jugements de divorce ? Quel avenir pour les familles surendettées ayant fait l'objet de décisions de rétablissement personnel ? A quelle condition une mesure éducative est-elle efficace auprès d'un adolescent ou d'une famille? Quel est le poids des déterminismes sociaux ? Comment peuvent-ils être utilement pris en compte dans la décision judiciaire ? Sur toutes ces questions, qui sont au cœur même de l'action de juger, nous disposons de peu de connaissances objectives. Il faudrait, pour en savoir plus, intéresser des chercheurs, mettre en place des études longitudinales qui permettraient d'observer les parcours et de mesurer l'influence des décisions judiciaires. Faute de telles données, faute d'une réflexion plus globale et partagée sur les objectifs que nous poursuivons, nous risquons d'assister, pendant encore longtemps, à une accumulation un peu désordonnée et sectorielle de réformes qui ne satisferont ni nos concitoyens, ni les professionnels de la justice. Je voudrais terminer sur le climat social difficile qui n’épargne pas le monde de la justice. En quelques semaines, on a pu lire successivement un communiqué de la conférence des procureurs de la République, puis un autre de la conférence des présidents de tribunaux de grande instance, expliquant qu’ils n’étaient plus en mesure d’assurer leurs missions dans des conditions acceptables. Ils mettaient notamment en avant la multiplication des réformes précipitées et sans préparation et l’insuffisance des moyens matériels et humains. Il est vrai, s’agissant de la multiplication des textes, que, depuis le 1er décembre 2011, nous n’avons pas reçu moins de 14 circulaires, sans compter les notes administratives qui concernent la gestion des juridictions. Mais, les présidents relevaient en outre

« le désenchantement et la souffrance généralisée chez les acteurs de terrain, qu’ils soient magistrats ou fonctionnaires ». Des termes aussi forts venant de magistrats de la hiérarchie judiciaire habituellement peu enclins à s’exprimer publiquement et de manière aussi radicale, doivent retenir l’attention. Certes, cette inquiétude n’est pas propre au service public de la justice et les ouvrages sur la souffrance au travail remplissent les librairies. Dans son dernier ouvrage, « La société du malaise », le sociologue Alain Ehrenberg explique comment l’exigence de performance individuelle, qui renvoie chacun à la crainte de ne pas atteindre les objectifs fixés, crée de l’angoisse et affaiblit le lien social. C’est sans doute l’une des explications de la situation présente. La transposition des modèles du privé, qui fascinent tant les décideurs publics, trouve aujourd’hui ses limites. Pour que le management soit efficace, il faut faire partager des valeurs et des objectifs à une communauté humaine. Or, si les objectifs d'une entreprise privée sont clairement identifiables, celles d'institutions publiques censées poursuivre l'intérêt général, ne sont pas si simples à définir. Faute de vision commune, faute de concertation préalable, faute de méthode d’association systématique des magistrats et fonctionnaires aux décisions supposées améliorer l’efficacité de l’institution, toutes les réformes entreprises courent le risque de l’é chec, associé à une aggravation du climat social. Les remèdes à cette situation préoccupante dépassent le cadre du ressort de la cour. Mais, nous ne sommes pas condamnés à l’impuissance ou à la résignation. Et, il ne nous est pas interdit, dans le ressort de cette cour, en lien avec les organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires, de réfléchir à d’autres modes de management et d’autres définitions de la performance, plus collective et partagée qu’individuelle. C’est dans tous les cas la voie dans laquelle je souhaite que nous nous engagions. (…)

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Culture

Cercle Culturel Henner Déjeuner / conférence - Paris, 11 janvier 2012

Le Cercle Culturel Henner, présidé par Rémy Robinet-Duffo, s’est fixé pour objectifs d’engager régulièrement des réflexions stratégiques autour de personnalités exceptionnelles. Le public visé est constitué d’acteurs économiques et sociaux et d’Ambassadeurs. Après avoir invité, Raymond Soubie, Conseiller du Président de la République, Jean-Paul Betbeze, économiste, Christian de Boissieu, Président du Conseil d’Analyse Economique, Rémy Pflimlin, Président Directeur Général de France Télévisions, Henri de Castries, Président Directeur Général d’AXA, Benoît Roger-Vasselin, Directeur des Ressources Humaines de Publicis Groupe, Président de la Commission Relations du Travail, Emploi et Formation du Medef, et Frédéric Oudéa, Président Directeur Général de la Société Générale, Thierry Saussez, Conseil en communication, ancien Délégué Interministériel à la Communication. Le Cercle culturel Henner a reçu le 11 janvier 2012, Denis Kessler, Président Directeur Général de SCOR ; le résumé de sa passionnante intervention est publié ci-après. Jean-René Tancrède

Les perspectives de croissance pour 2012 par Denis Kessler

a zone euro aura connu en 2011 une crise majeure et plus que jamais il apparaît nécessaire de mettre en place rapidement des mesures efficaces pour restaurer la confiance dans notre monnaie, nos banques et notre économie. Les moteurs de la croissance sont certes affaiblis mais l’économie européenne garde de nombreux atouts. Il

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appartient aux gouvernements en place de mettre à l’œuvre des mesures visant à réduire les déficits tout en préservant la croissance. Pendant ce temps, les pays émergents gardent un rythme de croissance élevé et nos voisins allemands ont assaini leurs finances et retrouvé une dynamique de croissance. La France devrat-elle réviser à la baisse ses taux de croissance pour 2012 et aussi au-delà ou a-t-elle les moyens de rebondir ? Comment retrouver des marges de compétitivité ? Que faut-il mettre en place pour que la France retrouve son dynamisme industriel ? En novembre 2002, Denis Kessler a été appelé à la Présidence de SCOR. Compte tenu de la

situation très difficile du Groupe à ce momentlà, il a été nécessaire de réaliser deux augmentations de capital, de mettre en place un plan de souscription orienté vers les produits et les marchés les plus rentables, de mieux maîtriser l’activité du Groupe, enfin de renforcer la gouvernance de l’entreprise. Neuf ans après, le succès est au rendez-vous. Scor est devenu un acteur majeur du marché mondial de la réassurance. Le chiffre d’affaires est passé de 2,5 à 8,5 milliards d’euros, dont plus de 90% à l’international. Le résultat net, qui était de - 455 millions d’euros en 2002 a atteint 418 millions d’euros en 2010, sous l’effet de solides performances dans toutes les entités du Groupe.

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Charles Robinet-Duffo, Denis Kessler et Rémy Robinet-Duffo

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Culture

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Denis Kessler

Un opéra tragique en trois actes Selon Denis Kessler, les crises se déroulent comme un opéra tragique, où s’affrontent familles de pensées. Nous sommes à la première scène du troisième acte. Rien n’est définitivement joué - même si les forces du destin semblent irrépressibles. Qui va l’emporter : les hétérodoxes ou les orthodoxes ? Réponse en 2012. Le prologue est la période de la belle époque, celle des années 2001-2007 ; l’argent n’est pas là mais le crédit est illimité, le maître du ballet est M. Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale américaine (la Banque centrale des Etats-Unis), les taux d’intérêts réels sont négatifs. Avec en toile de fond, pour justifier cette politique, les retombées du 11 septembre, la menace d’une récession, les efforts budgétaires pour lutter contre les terroristes… Puis, les doutes grandissent : l’endettement massif, le problème des subprimes. Les premières difficultés bancaires arrivent, et le 15 septembre 2008, Lehman Brothers est en situation de faillite. Le G20 est créé dans la foulée. Acte I : Ceux qui ont cru à une crise conjoncturelle ont recouru aux remèdes traditionnels de la politique économique keynésienne : relancer la consommation, en gonflant les dépenses publiques et sociales, et en laissant filer les déficits. Les déficits vont réguler la conjoncture, il faut éviter la contraction de la consommation, certains vont même jusqu’à envisager la dévaluation compétitive… La croissance revient, le chômage se résorbe et les rentrées fiscales comblent le déficit. Mais, cette mécanique macroéconomique s’est vite complètement enrayée. Les dépenses collectives ont progressé, le déficit s’est emballé et l’économie a connu un double plongeon. A la place du retour espéré de la croissance, on va connaître une stagnation ou une récession. What went wrong ? Acte II : La crise n’était pas conjoncturelle mais structurelle. Le recours à une thérapie inadaptée, conçue en économie fermée, a

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déclenché des effets pervers multiples et durables : déficit du commerce extérieur spectaculaire - la relance de la consommation intérieure s’est traduite par une augmentation des importations -, déficit explosif et dette publique insoutenable, augmentation de ses coûts de refinancement… Le hasard a voulu que les agences de notation expriment des doutes sur la qualité de la signature de l’Etat emprunteur. On aurait pu l’anticiper, mais la croyance dans l’alchimie économique a fait qu’on l’a ignoré. Conséquence : il a fallu rapidement endiguer le déficit public et enrayer la croissance des dépenses. On augmente les prélèvements, ce qui ralentit l’activité et freiné la contraction du déficit. Ceci se traduit par une hausse des taux d’intérêts qui renchérit le coût de la dette… et ralentit l’ajustement budgétaire. La baisse des dépenses sociales et publiques a été écartée en raison de la crise ! La hausse des prélèvements de toute nature fait que la compétitivité se dégrade davantage, ce qui freine l’autre moteur asthmatique de la croissance : les exportations. On a oublié que l’on appartient à une zone monétaire et que le taux de change est donné. Acte III : Il existe trois solutions pour s’acquitter de ses dettes : faire défaut, baisser les dépenses pour dégager du cash flow et rembourser ou jouer sur l’inflation (comme le font en partie les Etats-Unis et le Royaume Uni). Il est, donc, envisagé de monétiser les dettes publiques massives accumulées au cours des années passées, en considérant que si la banque centrale achète tous les titres publics pour les loger dans son bilan, il n’y a plus de problème de déficit, puisque son refinancement est assuré à bon prix. Et on court-circuite les marchés qui exigent des primes de risque compte tenu de la dégradation de la qualité de la signature.

Quel épilogue ? Cette solution permettrait de continuer à dépenser en rond sans avoir à faire les efforts pénibles de réformes structurelles. Les mêmes

qui appelaient hier de leurs vœux le déficit comme remède à la crise - avant-hier la réduction du temps de travail comme remède au chômage - demandent aujourd’hui à grands cris la monétisation de la dette. Qu’on qualifie de politique monétaire « non orthodoxe », cela passe mieux que politique hétérodoxe. Loger les dettes publiques - dont la qualité se dégrade dans le bilan de l’institut d’émission peut créer un risque majeur pour sa solvabilité : son bilan grossit et ses ratios se détériorent. A terme, cela peut évidemment créer un risque d’inflation. La multiplication des signes monétaires, dont la contrepartie est des titres de dette publique, sera tôt ou tard inflationniste. La politique monétaire hétérodoxe considère implicitement que l’inflation est un « benign neglect ». Dévalorisons toutes les créances, remboursonsles en monnaie fondante, spolions les déposants et les épargnants. Plutôt que de réduire les déficits et les dépenses publiques et sociales, plutôt que de privilégier l’épargne et l’investissement pour préparer le long terme et restaurer la compétitivité, laissons faire la taxe d’inflation, sournoise, invisible, qui frappe aveuglément. Pratiquons « l’euthanasie de rentiers » comme le voulait Keynes, des naïfs qui ont fait confiance à l’Etat en souscrivant bêtement ses titres. Nous allons vers des années difficiles : le désendettement est la pire des périodes, cela devrait se traduite par une augmentation des impôts, des difficultés à financer les investissements et l’apparition d’un « credit crunch ». Avant de dégager du cash- flow il faudra du temps. L’argent a été utilisé à mauvais escient : en finançant des dépenses courantes. La seule solution est de donner la priorité à la production et de privilégier tous les mécanismes d’accumulation : l’investissement, l’épargne, restaurer la capacité de production, la connaissance, les savoirs, l’innovation et la recherche… La réforme des retraites a été insuffisante, le maintien des 35 heures a coûté depuis 2 000, 125 milliards d’euros pour simplement accompagner le dispositif. Le Code du travail français atteint une complexité invraisemblable, là où le code du travail suisse ne comporte que quelques pages… L’Etat qui emprunte pour payer ses salaires ne donne pas le bon exemple. Dans le grand mouvement de désendettement en cours ou à venir, les Etats-Unis ont pris de l’avance, avec déjà un désendettement significatif du secteur privé. L’épargne en France, qui est élevée, est stérilisée car elle sert surtout à refinancer de la dette publique et donc des emplois improductifs. L’é conomie de désendettement est une économie de fonds propres sur le plan familial, institutionnel et public. Restaurer la confiance permettrait de dégager de l’épargne préalable, la suppression de l’ISF aurait pour avantage de développer l’économie familiale et de freiner les délocalisations (plus de 2 000 ETI sont parties de France). La simplification de la carte des collectivités territoriales reste une des priorités, avec la réduction des dépenses de l’Etat. La loi des 3 V doit être mise en place : une Vision, une Volonté et des Valeurs. Les américains ont cette règle exemplaire de fonctionnement : « we need a story ». 2012-102

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Au Journal Officiel

Commissaire-priseur judiciaire salarié Décret n° 2012-121 du 30 janvier 2012 relatif aux commissaires-priseurs judiciaires salariés JORF n°0026 du 31 janvier 2012

Ce décret définit les conditions selon lesquelles les commissaires-priseurs judiciaires salariés exercent leurs fonctions au sein d’un office et participent aux délibérations et aux votes des chambres de discipline. Il prévoit les modalités de nomination et d’entrée en fonctions du commissaire-priseur judiciaire salarié. CHAPITRE IER Dispositions générales Article 1

Les commissaires-priseurs judiciaires salariés sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’exercice des fonctions de commissaire-priseur judiciaire par des personnes physiques, à la déontologie et à la discipline des commissaires-priseurs judiciaires ainsi qu’aux dispositions du présent décret. Article 2

Sauf lorsqu’il est employé par un commissaire-priseur judiciaire titulaire de deux offices, le commissaire-priseur judiciaire salarié ne peut exercer ses fonctions qu’au sein d’un seul office. Il ne peut avoir de clientèle personnelle. Il peut procéder seul aux ventes de meubles aux enchères publiques prescrites par la loi ou par décision de justice, ainsi qu’aux inventaires et prisées correspondants. Le commissaire-priseur judiciaire titulaire de l’office ou, si cet office a pour titulaire une société, l’un des commissaires-priseurs judiciaires associés ne peut se rendre adjudicataire des biens qu’un commissairepriseur judiciaire salarié exerçant au sein de l’office est chargé de vendre. Le commissaire-priseur judiciaire salarié ne peut se rendre adjudicataire des biens qu’un commissaire-priseur judiciaire exerçant au sein de l’office est chargé de vendre. Article 3

Dans tous les actes et procès-verbaux dressés par lui et dans toutes les correspondances, le commissaire-priseur judiciaire salarié doit indiquer son nom, son titre de commissaire-priseur judiciaire, le nom ou la dénomination de la personne physique ou morale titulaire de l’office au sein duquel il exerce ainsi que le siège de cet office. Son sceau comporte les mêmes indications. Les minutes des actes et procès-verbaux établis par le commissairepriseur judiciaire salarié sont conservées par le titulaire de l’office. Article 4

Le commissaire-priseur judiciaire salarié investi d’un mandat à la chambre de discipline des commissaires-priseurs judiciaires ne peut pas participer aux délibérations et aux votes relatifs aux réclamations, aux différends, aux avis ou aux questions disciplinaires concernant le commissairepriseur judiciaire titulaire de l’office ou les commissaires-priseurs judiciaires associés exerçant leurs fonctions au sein de la société titulaire de l’office dans lequel le commissaire-priseur judiciaire est employé. Ceux-ci ne peuvent, lorsqu’ils sont investis d’un tel mandat, participer aux délibérations et aux votes relatifs aux réclamations, aux différends, aux avis ou aux questions disciplinaires concernant un commissairepriseur judiciaire salarié de l’office. Article 5

Le titulaire de l’office est civilement responsable du fait de l’activité professionnelle exercée pour son compte par le commissaire-priseur judiciaire salarié. Article 6

Le contrat de travail est établi par écrit, sous la condition suspensive de la nomination du salarié en qualité de commissaire-priseur judiciaire et de sa prestation de serment. La condition est réputée acquise à la date de la prestation de serment.

Il ne peut comporter aucune clause susceptible de limiter la liberté d’établissement ultérieur du salarié ou de porter atteinte à son indépendance. Il précise les conditions de sa rémunération. Une copie du contrat de travail est adressée, dès sa signature, au président de la chambre de discipline ; il en est de même pour toute modification à ce contrat. Article 7

Lorsque le nombre de commissaires-priseurs judiciaires en exercice au sein de l’office devient inférieur au nombre de commissaires-priseurs judiciaires salariés, le titulaire de l’office a un délai d’un an pour se mettre en conformité avec les dispositions de l’article 3 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 susmentionnée. CHAPITRE II Nomination du commissaire-priseur judiciaire salarié Article 8

Le commissaire-priseur judiciaire salarié est nommé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. L’arrêté précise le nom ou la dénomination sociale du titulaire de l’office au sein duquel le commissairepriseur judiciaire salarié exerce ses fonctions. Article 9

La demande est présentée conjointement par le titulaire de l’office et le candidat à la nomination aux fonctions de commissaire-priseur judiciaire salarié au procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle est situé l’office. Elle est accompagnée d’une copie du contrat de travail et de toutes pièces et documents justificatifs nécessaires. Article 10

Le procureur général recueille l’avis motivé de la chambre de discipline des commissaires-priseurs judiciaires, notamment sur la moralité, les capacités professionnelles du candidat et sur la conformité du contrat de travail avec les règles professionnelles. Si, quarante-cinq jours après sa saisine, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la chambre n’a pas adressé au procureur général l’avis qui lui a été demandé, elle est réputée avoir émis un avis favorable. Article 11

Le procureur général transmet le dossier au garde des sceaux, ministre de la justice, avec son avis motivé. Chapitre III Entrée en fonctions Article 12

Dans le mois de sa nomination, le commissaire-priseur salarié prête le serment prévu à l’article 35 du décret du 19 juin 1973 susvisé. Il ne peut exercer ses fonctions qu’à compter du jour de sa prestation de serment. Tout commissaire-priseur judiciaire salarié qui n’a pas prêté serment dans le mois suivant la publication de l’arrêté prévu à l’article 8 est réputé, sauf cas de force majeure, avoir renoncé à sa nomination. Le commissaire-priseur judiciaire salarié qui devient titulaire de l’office de commissaire-priseur judiciaire où il exerçait ou associé de la personne morale titulaire de cet office est nommé en sa nouvelle qualité par un

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Au Journal Officiel arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, qui met fin également à ses fonctions de commissaire-priseur judiciaire salarié. Cet arrêté prend effet à la date de sa publication au Journal officiel. Le commissaire-priseur judiciaire ainsi nommé n’a pas à prêter à nouveau serment. CHAPITRE IV Cessation des fonctions de commissaire-priseur judiciaire salarié en cas de rupture du contrat de travail Article 13

L’exercice de ses fonctions d’officier public par le commissaire-priseur judiciaire salarié, ainsi que celui de ses mandats professionnels, sont suspendus à compter du jour de la rupture du contrat de travail quelle qu’en soit la cause. Pendant cette suspension, il ne peut plus se prévaloir de la qualité d’officier public ou du titre de commissaire-priseur judiciaire. Pendant une période d’un an, l’intéressé peut reprendre, sans attendre qu’intervienne l’arrêté prévu au troisième alinéa et sans nouvelle nomination, des fonctions de commissaire-priseur judiciaire salarié en déposant une simple déclaration, accompagnée d’une copie de son contrat de travail, auprès du procureur général qui en informe le garde des sceaux, ministre de la justice. L’intéressé adresse une copie de cette déclaration à la chambre de discipline des commissaires-priseurs judiciaires. Le procureur général peut, dans le délai d’un mois, faire opposition, par décision motivée, à l’effet de cette déclaration. Dans ce cas, l’intéressé doit, pour exercer ses fonctions, solliciter une nouvelle nomination dans les conditions prévues aux articles 8 à 11. Il peut être dispensé de cette

procédure par le garde des sceaux, ministre de la justice. En l’absence d’opposition du procureur général ou en cas de dispense de suivre la procédure de nomination, le garde des sceaux, ministre de la justice, constate par arrêté que le commissaire-priseur judiciaire salarié a repris l’exercice de ses fonctions. L’arrêté mentionne le nom ou la dénomination sociale du titulaire de l’office au sein duquel celles-ci sont désormais exercées. Le commissaire-priseur judiciaire salarié qui reprend des fonctions dans le ressort du même tribunal de grande instance peut les exercer à compter de l’expiration du délai d’un mois prévu au troisième alinéa, en l’absence d’opposition du procureur général, ou de la décision de dispense prise par le garde des sceaux, ministre de la justice, en vertu de cet alinéa. S’il reprend des fonctions dans le ressort d’un autre tribunal de grande instance, il doit prêter le serment prévu à l’article 35 du décret du 19 juin 1973 susmentionné. Article 14

La démission du commissaire-priseur judiciaire salarié, la rupture conventionnelle de son contrat de travail ou sa retraite est portée par l’intéressé ou par la personne titulaire de l’office au sein duquel il exerçait à la connaissance du procureur général qui transmet le dossier au garde des sceaux, ministre de la justice, avec son avis motivé et à celle de la chambre de discipline des commissaires-priseurs judiciaires. Article 15

Le présent décret n’est pas applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Moselle, de Mayotte et dans la collectivité de SaintPierre-et-Miquelon. 2012-103

Direct

Distribution alimentaire à Paris Avis de l'Autorité de la Concurrence - 11 janvier 2012 Saisie par la ville de Paris, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis dans lequel elle constate que le marché parisien est extrêmement concentré. Pour pouvoir agir sur la structure du marché, elle suggère un instrument nouveau : l’injonction structurelle, dont les conditions de mise en œuvre doivent être revues. A ' utorité de la concurrence a été saisie par la Ville de Paris le 8 février 2011 au sujet de la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire à Paris. Pour mémoire, l'Autorité avait déjà rendu un premier avis en décembre 2010 (avis 10-A-26), dans lequel elle mentionnait le niveau particulièrement élevé de concentration du marché de la distribution à dominante alimentaire dans Paris intra-muros.

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Diagnostic : à Paris, le groupe Casino possède une part de marché en surface supérieure à 60 % La distribution alimentaire généraliste est particulièrement concentrée dans Paris intramuros, le groupe Casino détenant, grâce à sa participation au capital de Monoprix, une part de marché en surface supérieure à 60% et plus de trois fois supérieure à celle de son principal concurrent, le groupe Carrefour.

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Le rythme d'ouverture soutenu de nouveaux magasins ces dernières années n'a pas entraîné de remise en cause de la concentration du marché, dans la mesure où ces ouvertures concernent principalement des supérettes de moins de 400m2 et qui sont pour la plus grande part exploitées par le groupe Casino (pour plus de détails, se reporter à la page 11 de l'avis). - Le groupe Casino détient ainsi plus de la moitié des magasins dans 54 quartiers sur 80, et même plus de 80 % des magasins dans 11 quartiers. Il exploite 375 points de ventes, notamment les enseignes Franprix et Leader Price, Casino Supermarché, Marché d'à coté, Petit Casino, Spar, Vival. Il détient par ailleurs depuis 2000 les magasins Monoprix, conjointement avec le groupe Galeries Lafayette (53 Monoprix, 31 Monop' et 5 Daily Monop'sur Paris). - Sa part de marché intra-muros est de 61,7 % en part de plancher (part de marché en surfaces de vente) et se situe entre 50 et 70 % en part de chiffre d'affaires, y compris lorsqu'est prise en compte la concurrence des hypermarchés de périphérie. Le suiveur immédiat, le groupe Carrefour, ne détient, depuis la cession des

magasins à enseigne Ed et Dia, qu'une part de marché de 12,5 % si l'on raisonne en surfaces et comprise entre 10 % et 20 % si l'on raisonne en chiffre d'affaires. Les autres groupes ont une part de marché inférieure à 10%, et inférieure à 5 % dans le cas des principaux groupements coopératifs. L'Autorité de la concurrence a par ailleurs observé que l'implantation de magasins concurrents provoque une réduction des résultats nets des magasins Franprix, du fait, vraisemblablement, d'une diminution de la fréquentation de ces magasins et d'une hausse de leurs coûts pour répondre à la concurrence accrue dans leur quartier. En revanche, ces implantations concurrentes n'entraînent pas une perte de clientèle suffisante pour conduire les magasins Franprix à diminuer de manière significative leurs prix, alors même que les marges nettes réalisées en amont, au niveau de la centrale d'achat, ou en aval, au niveau des magasins de détail, rendraient possible une diminution des prix si la concurrence était plus intense (pour plus de détails, se reporter aux pages 41 à 43 de l'avis).

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Direct REPÈRES

Les spécificités du secteur de la distribution alimentaire à Paris e paysage parisien, pour le commerce alimentaire généraliste, se caractérise par de nombreuses spécificités : - un secteur d’activité important : Le chiffre d’affaires du commerce alimentaire à Paris est de 3,7 milliards d’euros ; - une forte densité commerciale : (tous commerces confondus) 280 commerces pour 10 000 habitants soit une densité 2 fois plus importante que dans les grandes villes de province (Nice, Lyon, Toulouse, Marseille) et nettement supérieure à celle de Londres et Milan ;

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- des magasins à dominante alimentaire nombreux mais de petite taille : Alors que la surface de vente moyenne d’un supermarché en France est de 1 100 m2, elle est de 430 m2 pour les magasins parisiens ; - une demande parisienne particulière : Un revenu plus élevé que la moyenne nationale : 23 100 € contre 18 200 € au niveau national en ce qui concerne le niveau de vie annuel médian par unité de consommation. Une taille des ménages plus

Recommandations : fluidifier le marché et agir sur les structures 1) En premier lieu, l'Autorité estime qu'il est nécessaire de poursuivre l'abaissement des barrières à l'installation de grandes surfaces alimentaires et de fluidifier le marché.

L'Autorité de la concurrence est favorable, comme elle l'a dit à plusieurs reprises, à la suppression de la procédure d'autorisation administrative d'installation pour les commerces de plus de 1 000 m2. De son point de vue, cette suppression faciliterait l'acquisition des emplacements nécessaires et le développement de commerces de plus grande taille, ce qui aurait pour conséquence d'animer le jeu concurrentiel, compte-tenu du grand nombre de petites surfaces déjà exploitées à Paris. Dans cette même perspective, l'Autorité estime qu'il serait souhaitable que la ville de Paris veille, dans le cadre des projets de zones d'aménagement commercial, à délimiter des surfaces suffisamment importantes pour permettre l'installation de grands supermarchés, voire d'hypermarchés.

Par ailleurs, conformément à ce qu'elle avait déjà exprimé dans son avis de décembre 2010 (avis n° 10-A-26), l'Autorité de la concurrence estime qu'un assouplissement des conditions d'affiliation renforcerait la concurrence entre opérateurs de la grande distribution à dominante alimentaire. S'il est vrai que les contrats de franchise des magasins à enseigne Franprix avec le groupe Casino sont, du point de vue de leur durée, compatibles avec les recommandations émises dans le cadre de l'avis

restreinte : 1,9 personne par ménage contre 2,3 au niveau national. Un panier d’achat moyen plus faible qu’au niveau national. Des logements plus petits réduisant les capacités de stockage des ménages. Des ménages faiblement motorisés qui privilégient les commerces de proximité : 58 % des ménages parisiens n’ont pas de véhicules alors que 75 % des ménages français disposent d’un véhicule.

n° 10-A-26, la part de marché importante du groupe Casino sur ce marché accroît le risque d'effets restrictifs de concurrence si les obstacles à la mobilité des magasins franchisés notamment au travers de droits de préemption ou de clauses de non-concurrence postcontractuelles - sont trop importants. 2) En second lieu, l'Autorité constate qu'elle ne dispose pas de réels moyens d'intervention lorsque les préoccupations de concurrence identifiées, résultent des structures de marché et non des comportements des opérateurs.

L'abaissement des barrières à l'entrée ou à la mobilité sera insuffisant, à lui seul, pour modifier la structure du marché du commerce alimentaire à Paris. La concentration observée sur le marché parisien de la distribution à dominante alimentaire découle d'une part, des investissements effectués par le groupe Casino, qui lui ont permis d'agrandir et d'améliorer son parc de magasins, et d'autre part, du désintérêt relatif longtemps manifesté par les concurrents de ce groupe à l'égard du marché parisien. Entre 1998 et 2000, le groupe Casino a ainsi, avec l'assentiment des autorités de concurrence, racheté le réseau Franprix/ Leader Price, historiquement très présent à Paris, et acquis le contrôle conjoint du groupe Monoprix, au moment où celui-ci était menacé dans son développement. Par la suite, le groupe Casino a continué d'investir pour ouvrir de nouveaux magasins, de rénover les points de vente existants (4 % du chiffre d'affaires de Casino y étant consacré chaque année) et d'adapter son modèle commercial à la demande (différenciation des enseignes, élargissement des horaires d'ouverture, etc.). La réussite du groupe Casino peut donc être imputée à sa stratégie et à ses mérites propres. Elle a également été facilitée par les comportements des groupes de distribution concurrents, qui ont quant à eux privilégié l'ouverture de magasins de grande taille en périphérie des grandes villes, l'ouverture de tels formats de vente étant difficile à réaliser dans Paris intra-muros. Ce n'est que sur une période récente que certains opérateurs, notamment les groupements coopératifs ont manifesté leur intérêt pour ce marché.

Cependant, la position aujourd'hui détenue par cet opérateur sur le marché parisien de la grande distribution à dominante alimentaire constitue un obstacle à la concurrence qui pourrait s'y exercer. Elle paraît en outre difficilement réversible, à moins qu'une intervention significative sur la structure du marché et la répartition du parc de magasins puisse être lancée. La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a effectivement confié à l'Autorité de la concurrence un tel pouvoir d'imposer des injonctions structurelles dans le secteur du commerce de détail(1). Cependant, celui-ci est subordonné à des conditions extrêmement difficiles à satisfaire : d'une part, la constatation d'un abus de position dominante ou de dépendance économique, d'autre part et surtout la persistance de l'abus malgré une décision de l'Autorité condamnant ce dernier. En l'état, cette disposition ne permet pas à l'Autorité de la concurrence d'agir sur la structure de marché et de remédier à la concentration élevée du marché constaté à Paris ou dans d'autres zones de chalandise. Pourtant, des dispositions législatives permettant à une autorité nationale de concurrence, lorsque la situation de la concurrence le rend nécessaire et au terme d'un débat contradictoire approfondi, d'enjoindre à des entreprises de revendre des actifs à des concurrents existe dans d'autres pays, notamment au RoyaumeUni et, plus récemment, en Grèce. Le débat est également ouvert en Allemagne. Ce pouvoir d'injonction structurelle, qui offre des garanties procédurales similaires à celles encadrant le contrôle des concentrations, apparaît comme le moyen le plus efficace d'agir sur la structure de marché au bénéfice du consommateur. En modifiant à brève échéance la structure du marché dans le sens d'une plus grande diversité des groupes de distribution présents sur des zones de chalandise concentrées, une injonction de cessions de magasins - si elle était prononcée - accroîtrait rapidement la pression concurrentielle sur les opérateurs et modifierait ainsi leurs comportements de prix ou d'assortiment dans le sens souhaité par les consommateurs.

Note : 1 - L'article L. 752-26 du Code de commerce prévoit en effet qu'«en cas d'exploitation abusive d'une position dominante ou d'un état de dépendance économique de la part d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail, l'Autorité de la concurrence peut procéder aux injonctions et aux sanctions pécuniaires prévues à l'article L. 464-2. Si les injonctions prononcées et les sanctions pécuniaires appliquées n'ont pas permis de mettre fin à l'abus de position dominante ou à l'état de dépendance économique, l'Autorité de la concurrence peut, par une décision motivée prise après réception des observations de l'entreprise ou du groupe d'entreprises en cause, lui enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui a permis ces abus. Elle peut, dans les mêmes conditions, lui enjoindre de procéder à la cession de surfaces, si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective dans la zone de chalandise considérée ».

Source : Communiqué de l’Autorité de la concurrence du 11 janvier 2012.

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Annonces légales

Vie du chiffre

Experts-comptables et Commissaires aux Comptes de France Jean-Luc Mohr élu Président 16 décembre 2011

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Jean-Luc Mohr ean-Luc Mohr, 54 ans, président du cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptes SECAL SA, a été élu à l’unanimité, le 16 décembre dernier, président de la Fédération des experts-comptables et Commissaires aux comptes de France (ECF), syndicat majoritaire de la profession depuis 2008. Inscrivant son mandat dans la continuité de ses prédécesseurs, Joseph Zorgniotti et Philippe Arraou, Jean-Luc Mohr estime que la mutation profonde que connaît la profession impose à ECF de se réinterroger aujourd’hui sur les fondements des métiers d’expertise comptable et de commissariat aux comptes. « Je souhaite que ce travail d’adaptation de l’identité et des valeurs de notre profession libérale règlementée se fasse sans tabou mais dans le respect de notre histoire professionnelle et de notre savoir-faire », indique Jean-Luc Mohr. Et de préciser le rôle qu’entend jouer la Fédération pour accompagner cette mutation : « ECF est viscéralement attaché aux valeurs humaines, éthiques et professionnelles, reprises dans le serment professionnel dont nous sommes les garants. Nous sommes, à ce titre, le syndicat le mieux placé pour mener cette réflexion ».

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Le projet défendu par le nouveau président d’ECF poursuivra quatre objectifs prioritaires : - Préserver l’unité de la profession et aider les cabinets à retrouver de la sérénité dans leur exercice professionnel, face à certaines dynamiques centrifuges à l’œuvre entre expertise comptable et commissariat au compte. - Elargir les horizons des professionnels libéraux, en leur donnant les moyens de s’approprier les récents élargissements du périmètre professionnel, comme éléments de valorisation et de renforcement de l’attractivité pour les jeunes. - Rassembler les adhérents et tous les professionnels qui partagent nos valeurs autour d’un projet commun devant permettre de poursuivre l’action de modernisation de la profession comptable, engagée en 2008 au Conseil supérieur de l’Ordre. - Poursuivre la mutation de la Fédération ECF en véritable institut professionnel à même d’assumer une veille professionnelle, économique et technique de haut niveau. Cet effort se fera ressentir par le développement de formations de haut niveau, la défense du diplôme, des métiers et des professionnels libéraux qui l’exercent, et davantage de pragmatisme dans la négociation collective afin de satisfaire au mieux les besoins des cabinets et, le cas échéant, les attentes des collaborateurs. Source : Communiqué d’ECF - Experts-comptables et Commissaires aux comptes de France du 1er février 2012. 2012-105

REPÈRES ean-Luc Mohr, marié et père de quatre enfants, est ingénieur IECS (Sup de Co Strasbourg), Expert-comptable et Commissaire aux comptes diplômé depuis 1987. Adhérent à ECF depuis cette époque, il fut président d’ECF Alsace de mars 2001 à décembre 2011 et viceprésident de la Fédération de décembre 2007 à décembre 2011. Très engagé dans la vie associative alsacienne, Jean-Luc Mohr est également président de l’Institut protestant pour enfants déficients auditifs « Bruckhof ».

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Décoration

Henriette Walter, Officier de la Légion d’Honneur Professeur émérite de linguistique à l'Université de Haute Bretagne (Rennes) et Directrice du Laboratoire de Phonologie à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne, le parcours professionnel de cette femme hors du commun est exceptionnel, pour le décrire l'Officiant s'est notamment exprimé en ces termes :

Henriette Walter e 3 février, le Ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a remis à Henriette Walter les insignes d'Officier de la Légion d'Honneur dans le Salon des Maréchaux de la rue de Valois à Paris. Amis et personnalités ont entouré la récipiendaire pour cette cérémonie empreinte d'émotions sous les plafonds lambrissés du Palais Royal. Cette éminente linguiste a publié de nombreux ouvrages et a animé régulièrement des colloques internationaux ;

C

Votre long et riche parcours universitaire vous a amenée à vous spécialiser dans la phonétique et la phonologie, dont vous êtes une spécialiste mondiale, mais en vous intéressant également à tous les autres champs du savoir linguistique, et particulièrement la linguistique appliquée, la linguistique fonctionnelle, l'étymologie, la politique linguistique également, à laquelle vous avez la générosité d'apporter votre concours. Je voudrais m'arrêter un moment sur ce dernier point, qui me touche particulièrement, puisque en tant que Ministre de la Culture, j'ai également en charge la politique de la langue française, pour laquelle je m'appuie sur la délégation générale à la langue française et aux langues de France. Conséquence directe et naturelle de votre expertise scientifique, vous avez beaucoup travaillé avec la délégation générale : vous étiez, entre autres, membre du Conseil Supérieur de la Langue Française, et vous êtes aujourd'hui Présidente de la Commission Spécialisée de Terminologie et de Néologie de l'Education Nationale.

Vous êtes également membre du groupe restreint de la Commission Générale de Terminologie et de Néologie, là où l'on délibère dans une certaine urgence des choix à faire quand des mots étrangers, par un effet soudain d'actualité ou de mode, surgissent dans notre espace langagier, et auquel il nous faut chercher un équivalent français pour permettre à notre langue de rester « en exercice ». Vous avez toujours accepté avec la meilleure grâce de travailler avec la délégation générale , de répondre à ses nombreuses sollicitations, ici pour participer à un colloque, là pour lui fournir un livret, là encore, comme je le disais, pour travailler sur le fond de l'enrichissement de notre langue. (…) Votre travail scientifique et de vulgarisation en faveur de la diversité linguistique rejoint donc l'engagement de la France pour la pluralité des cultures et des langues ; votre oeuvre vient le légitimer, elle vient sensibiliser les Française avec un talent unique qui dépasse de loin le public des seuls spécialistes. Nous présentons nos amicales et chaleureuses félicitations à Henriette Walter, grande spécialiste de la phonétique et de la phonologie, telle une savante, elle a porté porté haut les couleurs de la France et ainsi contribué à son prestige. Jean-René Tancrède

Henriette Walter et Frédéric Mitterrand

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Les Annonces de la Seine - lundi 6 février 2012 - numéro 10

2012-106

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Paris - 3 février 2012


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