LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 13 février 2012 - Numéro 12 - 1,15 Euro - 93e année
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Dominique Bur, Dominique Lottin, Eric Négron, Frédéric Fèvre et Olivier de Baynast
Tribunal de Grande Instance de Lille Rentrée solennelle - 20 janvier 2012 RENTRÉE SOLENNELLE
Tribunal de Grande Instance de Lille
2 5 AGENDA ......................................................................................5 IN MEMORIAM
Un magistrat à part entière par Frédéric Fèvre ................................... Une crise de la perception du droit par Eric Négron...........................
Hommage à un grand arbitre international français, Serge Lazareff par Benoît Le Bars ..................................................8
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Rapport d'activité de la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet .........9
JURISPRUDENCE
Respect de la vie privée de personnalités et liberté d’expression Cour Européenne des Droits de l’Homme - 7 février 2012 Springer AG c. Allemagne (requête n°39954/08) et Von Hannover c. Allemagne (n°2) (requêtes nos 40660/08 et 60641/08) ................
12 ANNONCES LÉGALES ...................................................14 AVIS D’ENQUÊTE..............................................................19 ADJUDICATIONS................................................................23 ILE-DE-FRANCE
Recrutement des jeunes
Favoriser l’embauche d’un jeune en alternance .............................
DÉCORATION
23
Caroline Toby, Chevalier du Mérite .....................................24
’Audience Solennelle de Rentrée du Tribunal de Grande Instance de Lille s’est déroulée le 20 janvier dernier en présence des autorités civiles et judiciaires régionales. Le Procureur de la République Frédéric Fèvre a évoqué les fonctions et le statut des magistrats du Parquet, déplorant que ceux-ci soient parfois assimilés à des « agents de poursuites, à la solde d’un gouvernement qui leur dicterait leur conduite quotidienne. ». Il a ainsi réaffirmé avec force que « le magistrat du Parquet n’est pas un magistrat aux ordres, un magistrat à l’obéissance servile. » Il est le premier défenseur des libertés individuelles dans le temps procédural, intervenant à tous les stades depuis l’interpellation jusqu’au jugement, ce qui constitue « une véritable chance que l’on ne mesure pas toujours en France ». Evoquant ensuite ce « lien naturel qui unit le Procureur de la République au Garde des Sceaux, à travers le Procureur Général », il a notamment souligné que les instructions individuelles qui ne peuvent avoir pour objet que de poursuivre, jamais de classer, sont très strictement encadrées puisqu’elles sont écrites et versées au dossier et désormais motivées. De plus, l’argument tiré des conditions de nomination du magistrat du parquet par le Garde des Sceaux « a désormais perdu toute pertinence », puisque le Président de la République a exprimé, le 13 janvier dernier à l’o ccasion de ses vœux aux hautes juridictions, sa volonté de mettre en conformité le droit avec la pratique en les alignant sur celles des magistrats du siège. Pour le Procureur de la République de Lille, supprimer ce lien reviendrait à « refuser à tous les gouvernements quels qu’ils soient la possibilité de définir les grands
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axes d’une politique pénale, dont ils sont comptables devant la nation, et de la mettre en application grâce aux Procureurs Généraux. » Le Président de la juridiction lilloise Eric Négron a ensuite analysé l’année judiciaire 2011 à la lumière de la révision générale des politiques et de la logique de responsabilité induite par la LOLF. A cet égard, il a souligné que le Tribunal de Grande Instance de Lille est une juridiction performante connaissant des délais de traitement conformes aux objectifs nationaux, une capacité de gestion dans le domaine civil de 18 à 20 000 dossiers civils par an dont 40% pour les affaires familiales. Un audit complet des services de la juridiction mené au cours de l’année écoulée a d’ailleurs permis de constater que les magistrats et fonctionnaires sont prêts à réfléchir sur leurs méthodes de travail et donc à se remettre en cause comme le préconise la RGPP. Ils s’interrogent néanmoins sur le sens de leur mission et sur les objectifs qui leur sont assignés, l’affaire de Pornic en janvier 2011 ayant en outre déclenché une tempête judiciaire illustrant la crise profonde « de la perception du droit », selon la formule d’Antoine Garapon. Eric Négron a ainsi affirmé que « le métier des juges, c’est le droit, pas l’évaluation de la dangerosité ». Il a conclu en rendant un hommage appuyé au CDAD du Nord (Conseil Départemental de l’Accès au Droit) qui a reçu le 8 décembre 2011 des mains du ministre de la Justice Michel Mercier le Prix Initiatives Justice pour le projet ayant pour objectif d’améliorer l’accès au droit des patients hospitalisés en psychiatrie et de leurs proches. Jean-René Tancrède
J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
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Rentrée solennelle
LES ANNONCES DE LA SEINE
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Fréderic Fèvre
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2011
Un magistrat à part entière par Frédéric Fèvre
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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président de la Chambre des Notaires de Paris Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International
(…) esdames et messieurs, les amateurs de scoops seront déçus car je ne reviendrai pas sur les différentes affaires qui nous ont beaucoup occupés ces mois derniers. Au-delà de leur traitement quotidien elles ont été pour moi l’occasion de prendre un peu de recul sur les fonctions du parquet et de m’interroger sur leur devenir. Depuis quelques années, les magistrats du parquet constatent avec tristesse qu’ils sont assimilés par quelques Cassandre à de simples agents de poursuites, à la solde d’un gouvernement qui leur dicterait leur conduite quotidienne. Le statut du ministère public entacherait nécessairement ses décisions d’un doute insidieux. Au risque de décevoir celles ou ceux qui tiennent des propos réducteurs, je souhaite vous dire aujourd’hui combien je suis fier, combien nous sommes fiers d’exercer ces fonctions. Non, le parquet n’est pas le bras armé d’une force invisible qui ne serait pas légitime pour défendre les libertés individuelles. Contrairement à une idée reçue, le magistrat du parquet est un magistrat qui décide en toute impartialité. A cet égard je rappellerai que le parquet dispose de l’opportunité des poursuites et qu’il traite en amont plus de 95% des enquêtes pénales sans recourir à un juge d’instruction. En France, l’article 66 de la Constitution précise que l’autorité judiciaire est gardienne des libertés individuelles. Le Conseil constitutionnel, quant
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à lui, a rappelé que l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet. Le premier défenseur des libertés individuelles, dans le temps procédural, c’est le parquet, car c’est lui qui intervient le premier. Depuis une vingtaine d’années, ses prérogatives se sont accrues notablement. Quand un individu est placé en garde à vue, quelle est la première personne a en être informée, y compris au milieu de la nuit, pour vérifier qu’une liberté d’aller et de venir n’a pas été bafouée ? C’est le magistrat du parquet. Qui se rend très régulièrement dans les hôpitaux psychiatriques depuis plusieurs années pour vérifier que l’internement n’est pas arbitraire ? Le magistrat du parquet. Croyez-vous vraiment que le législateur aurait laissé autant de pouvoirs au parquet si celui-ci n’avait pas offert un minimum de garanties ? Le magistrat du parquet est un magistrat à part entière, ce qui est essentiel à mes yeux. Essentiel, car les garanties dont je parlais à l’instant nous les tenons de notre serment, le même que celui des magistrats du siège, de notre formation, la même que celle des magistrats du siège, de notre éthique et de notre déontologie commune. C’est une véritable chance que l’on ne mesure pas toujours en France. En effet nous vivons dans un pays où c’est un magistrat qui intervient à tous les stades de la procédure depuis l’interpellation jusqu’au jugement. Ce n’est pas le cas partout, dans de nombreux pays l’enquête n’est pas faite sous le contrôle des magistrats. Bien évidemment je ne méconnais pas le grief tiré du manque d’indépendance statutaire du parquet. Mettons fin au phantasme judiciaire de la dépendance coupable du parquetier. Non, le magistrat du parquet n’est pas un magistrat aux ordres, un magistrat à l’obéissance servile.
Les Annonces de la Seine - lundi 13 février 2012 - numéro 12
Rentrée solennelle En effet, il est traditionnellement reproché aux magistrats du parquet de ne pas être nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, comme les magistrats du siège. Une première évolution est apparue avec la révision constitutionnelle de 2008 et la loi organique de 2010. Désormais toutes les propositions de nomination au parquet, y
Je suis convaincu que ces évolutions mettront enfin un terme aux soupçons infondés portés sur le parquet en France. A nos ultimes détracteurs je souhaite également dire que contrairement à une idée reçue, les magistrats du parquet, comme les magistrats du siège, sont responsables de leurs décisions et ont des comptes à rendre. Ils le font, bien
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Supprimer le lien qui unit le garde des Sceaux au parquet n’a pas de sens. Comment concevoir une politique pénale cohérente sur l’ensemble du territoire national si chaque procureur de la Frédéric Fèvre République fait ce qu’il veut dans son parquet.
compris celles des procureurs généraux, sont soumises à l’avis préalable du CSM, institution totalement indépendante. La deuxième évolution réside dans l’annonce faite par le garde des Sceaux, dès sa prise de fonction, qu’il se conformerait toujours à l’avis du CSM. Le 9 janvier 2012, lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation Monsieur Jean-Claude Marin, son procureur général a, devant le garde des Sceaux, appelé de ses vœux, je le cite : « La réforme des conditions de nomination des magistrats du parquet en les alignant sur celles des magistrats du siège… » La dernière évolution, et non des moindres, réside dans le discours prononcé par le Chef de l’Etat, le 13 janvier, il y a une semaine très exactement, lors des vœux aux hautes juridictions. A cette occasion le Président de la République qui, je le rappelle, ne siège plus au CSM, a exprimé sa volonté d’aligner les conditions de nomination des magistrats du Parquet sur celles du Siège. Le droit sera ainsi mis en conformité avec la pratique.
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entendu, par le recours sur les classements sans suite et par le philtre avisé de la juridiction de jugement. En France les magistrats, qui ne sont pas élus, rendent la Justice au nom du peuple français. C’est la raison pour laquelle j’estime qu’au-delà des murs de ce tribunal, j’ai le devoir d’aller à la rencontre de nos concitoyens pour leur rendre compte du fonctionnement au quotidien de leur Justice, pour laquelle ils payent des impôts. C’est ainsi que dans le courant de l’année 2011 je me suis rendu dans plusieurs communes. A l’occasion de ces manifestations publiques, et ouvertes à la presse, j’ai pu rencontrer des personnes très différentes comme les scolaires, les anciens, et, en soirée un très large public. Les débats sont toujours très riches, parfois passionnés, et me permettent de prendre directement le pouls des préoccupations des habitants sur le ressort de la juridiction lilloise. A chaque fois, à la fin de la réunion, quelqu’un me dit « On ne pensait pas qu’un procureur de la République était accessible », ce qui en dit long sur le chemin qu’il nous reste à parcourir à nous magistrats.
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Au risque d’en décevoir certains je vous dirai qu’en plus de 6 ans de pratique des fonctions de Procureur de la République, je n’ai jamais reçu la moindre demande d’un garde des Sceaux concernant le traitement d’une affaire pénale. A cet égard je rappellerai simplement que le législateur a encadré très strictement les instructions individuelles. Elles ne peuvent être que de poursuivre, et jamais de classer. Elles sont désormais motivées. Elles doivent être écrites et versées au dossier, gage de leur transparence dans le débat contradictoire. Supprimer le lien qui unit le garde des Sceaux au parquet n’a pas de sens. Comment concevoir une politique pénale cohérente sur l’ensemble du territoire national si chaque procureur de la République fait ce qu’il veut dans son parquet. C’est oublier d’abord le rôle du procureur général : la loi lui demande de veiller à l’application de la loi pénale et au bon fonctionnement des parquets. Il anime, il coordonne, c’est ce qui garantit l’égalité des citoyens devant la loi. Ensuite supprimer totalement ce lien naturel qui unit le Procureur de la République au garde des Sceaux, à travers le procureur général, c’est refuser à tous les gouvernements quels qu’ils soient la possibilité de définir les grands axes d’une politique pénale, dont ils sont comptables devant la nation, et de la mettre en application grâce aux procureurs généraux. Pour illustrer ce propos il suffit d’exposer un exemple concret tiré de l’actualité. Le 12 janvier dernier le garde des Sceaux a demandé à l’ensemble des parquets de transmettre au pôle de santé publique de Marseille toutes les procédures pénales relatives aux implants PIP. Le regroupement de ces procédures est une condition d’efficacité de la Justice et permet aux victimes, plusieurs milliers sont déjà recensées, de faire entendre leur voix dans de bien meilleures conditions que si chaque parquet avait suivi ses propres dossiers. L’argument tiré des conditions de nomination du magistrat du parquet par le garde des Sceaux a désormais perdu toute pertinence.
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Rentrée solennelle Le sujet qui revient systématiquement dans les questions qui me sont posées, la préoccupation majeure de nos concitoyens, c’est la délinquance des mineurs. Je rappelle toujours que l’institution judiciaire ne doit pas être rendue responsable de tous les maux de notre société et qu’il s’agit d’un véritable problème qui concerne aussi les parents, le système éducatif et les services sociaux. J’expose ensuite l’action du parquet en ce domaine. S’agissant des mineurs je suis convaincu que la rapidité de la réponse pénale conditionne son efficacité. Pour un mineur qui vit au jour le jour, une Justice différée est bien souvent une Justice virtuelle, facteur de récidive. Pour un mineur, plus que pour tout autre individu, le principe de réalité contribue à la structuration de sa personnalité. Il doit intégrer les règles sociales et se voir opposer rapidement les interdits qu’ils soient de nature éducative ou répressive. Depuis 2009 le nombre de mineurs déférés au parquet a augmenté de 34%. La lutte contre la délinquance des mineurs c’est aussi une action pro active en faveur de la prévention dès que des situations à risques apparaissent. C’est ainsi qu’en 2011 j’ai créé, en étroite concertation avec le préfet de Région, un groupe de travail réunissant plusieurs maires de l’arrondissement judiciaire, destiné à institutionnaliser la procédure du rappel à l’ordre, créée par la loi sur la prévention de la délinquance de 2007. Il s’agit de mieux traiter les petits actes de délinquance, souvent appelés incivilités, commis par les mineurs, et d’intervenir le plus en amont possible pour leur éviter de se retrouver impliqués dans la spirale de la délinquance. Les travaux de ce groupe de travail ont permis de déboucher sur la rédaction d’une convention type, que je signerai prochainement avec les maires intéressés par le dispositif. La prise en compte de la spécificité de la délinquance des mineurs réside également dans la création à Lille, comme sur l’ensemble du territoire national, du tribunal correctionnel des mineurs entré en application le 1er janvier 2012.
Cette juridiction composée de juges pour enfants et de magistrats non spécialisés, juge désormais les mineurs de 16 à 18 ans pour les délits commis en récidive et punis d’au moins 3 ans d’emprisonnement. A cet égard je pense sincèrement qu’il ne faut pas craindre les évolutions législatives récentes qui visent à mieux prendre en compte les attentes des Français en ce qui concerne le fonctionnement de la Justice. Je ne citerai que trois exemples : Le premier c’est celui de la création des assesseurs citoyens devant le tribunal correctionnel pour le jugement des délits les plus graves. Deux expérimentations sont actuellement en cours sur le ressort des cours d’appel de Toulouse et Dijon. Ce qui m’a frappé dans les interviews des premiers citoyens assesseurs, c’est l’expression de leur satisfaction d’avoir pu contribuer au fonctionnement de la Justice. L’un d’entre eux s’est déclaré « rassuré sur le fonctionnement de la Justice » et a conclu, je le cite, « la Justice c’est très sérieux ». Nos concitoyens qui critiquent le fonctionnement de la justice ont là une occasion inespérée de se l’approprier et de se rendre compte de la difficulté du métier de juge. Le deuxième exemple est celui de la motivation des arrêts de cour d’assises désormais rendue obligatoire. Il était quand même paradoxal de constater qu’en France les décisions rendues pour les infractions les moins graves, comme de simples contraventions étaient motivées, mais que les arrêts de cour d’assises rendus pour les crimes, c’est-à-dire les infractions les plus graves, n’étaient jamais motivés au motif de l’infaillibilité des jurys, notion largement remise en cause avec l’introduction de l’appel en ce domaine. Le troisième exemple c’est, depuis le 1er juin 2011, celui de la possibilité pour une personne d’être assistée par un avocat pendant toute la durée de la garde à vue et non plus seulement pendant 30 minutes au début de celle-ci. La France a rallié les standards européens et c’est une bonne chose. (…)
La solution du « tout répressif » ne me semble pas la meilleure pour concilier les attentes légitimes de la population et la nécessité de rechercher la réinsertion du condamné. A cet égard je suis convaincu que le travail d’intérêt général peut apporter des réponses satisfaisantes. C’est la raison pour laquelle, en 2011, j’ai initié un groupe de travail réunissant les juges d’application des peines, le SPIP et des élus pour créer un véritable laboratoire du TIG prenant appui sur les communes du CISPD de la vallée de la Lys. Une expérimentation va bientôt débuter pour initier une dynamique nouvelle en ce domaine. A terme elle débouchera, je l’espère, sur une généralisation du dispositif. Avant de conclure je souhaite aborder deux sujets pour lesquels Monsieur le procureur général a demandé à l’ensemble des parquets d’être particulièrement vigilants en 2012. S’agissant tout d’abord de la protection de l’environnement, j’ai demandé au parquet d’agir avec efficacité en matière d’ordre public environnemental. En 2011 le parquet de Lille a traité 416 dossiers en ce domaine. En 2012, avec le concours de la DREAL, les actions prioritaires concerneront, notamment : - le respect de la réglementation européenne sur les produits chimiques, afin de s’assurer que les risques qu’ils représentent pour l’environnement et la santé sont maîtrisés ; - le contrôle des installations de tri, transit et regroupement des déchets ; - le contrôle des rejets atmosphériques des installations industrielles ; - la prévention des risques liés au vieillissement des installations industrielles. S’agissant enfin de l’Europe judiciaire, que je vous sais chère, Monsieur le procureur général, la présence à cette audience solennelle de Mme Marie-Claude Maertens, procureur du Roi à Tournai est le meilleur témoignage des relations étroites qui unissent nos parquets. En 2012 nous poursuivrons les rencontres régulières des parquets de Tournai, Courtrai et Lille car si il y a une région où la délinquance n’a pas de frontière c’est bien la nôtre. (…)
Une crise de la perception du droit
nique relative aux lois de finances du 1er août 2001), 63% considérant que la LOLF a mieux défini les responsabilités des gestionnaires publics, 55% qu’elle a modernisé la gestion publique et dans le même temps 69% estimant que la LOLF n’a pas amélioré la qualité du service rendu aux citoyens et 74% concluant que la LOLF n’a pas amélioré l’organisation et le fonctionnement des services publics ; - le troisième est la publication au mois de novembre 2011 du rapport de la Cour des Comptes sur la LOLF qui souligne que la RGPP (révision générale des politiques publiques) s’est substituée au défi portée par la LOLF en se focalisant sur la réorganisation de l’administration et sur les suppressions de postes de fonctionnaires en négligeant l’examen des politiques publiques. La Justice n’a pas vécu en 2011 à l’é cart des conséquences induites par la LOLF et la RGPP.
Cette triple grille de lecture va nous permettre d’analyser l’année judiciaire 2011 :
par Eric Négron (…) rois évènements méritent d’être mis en perspective à l’occasion du bilan judiciaire de l’année 2011 : - le premier est le rapport d’étape de la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) présenté le 14 décembre 2011 au Conseil des ministres qui met l’accent sur le mouvement durable de réforme de l’Etat, l’amélioration de la qualité de service, les économies substantielles sur les dépenses de l’Etat ; - le deuxième avec les résultats d’un sondage IPSOS effectué auprès des agents de l’Etat de catégories A et B au sujet de la LOLF (loi orga-
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1. les magistrats et fonctionnaires ont parfaitement intégré la logique de responsabilité et de performance induite par la LOLF. L’indicateur privilégié que représente le taux de couverture (ratio du nombre d’affaires terminées sur le nombre d’affaires nouvelles) est positif avec un ratio de 100% et il en est de même pour l’âge moyen du stock qui reste inférieur à 12 mois et pour la durée moyenne de traitement des dossiers qui est inférieur à 7 mois. 2. les magistrats et fonctionnaires sont prêts à réfléchir sur leurs méthodes de travail et sur l’organisation des services et donc à se remettre en cause comme le préconise la RGPP : ainsi, en cette année 2011, j’ai procédé avec le Procureur de la République et le directeur de
Les Annonces de la Seine - lundi 13 février 2012 - numéro 12
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Eric Négron
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GALA ANNUEL
La nuit du droit 10 mars 2012 Bastion des Hospices de Beaune Renseignements : 06 59 55 10 53 nuitdudroit@corpordroitdijon.com
2012-121
CONFÉRENCE UNIVERSITÉ PANTHÉON ASSAS
Diffusion de la haine et liberté d’expression : « Mein Kampf » dans le domaine public en 2016 greffe à un audit complet des services de la juridiction à travers 12 réunions qui se sont déroulées durant les mois de mai, juin et juillet, qui ont conduit à définir en commun, deux programmes d’action : un en matière civile et un en matière pénale. Ces plusieurs mois d’audit ont permis de dégager trois éléments majeurs : - le TGI de Lille est une juridiction performante avec des délais de traitement conformes aux objectifs nationaux, une capacité de gestion dans le domaine civil de 18 à 20 000 dossiers civils par an dont 40% pour les affaires familiales et dans le secteur pénal de 18 à 20 000 affaires poursuivables ; - les réunions d’audit associant magistrats du siège et du parquet et fonctionnaires des greffes ont favorisé une circulation de la parole et des opinions avec un dialogue constructif tourné vers l’amélioration des conditions de travail et l’efficacité du fonctionnement des services ; - la juridiction lilloise comme d’autres services publics de notre département telle la police nationale, souffre de façon structurelle d’un déficit de poste de fonctionnaires de greffe comparé à des juridictions de taille équivalente avec un ratio fonctionnaire/magistrat de 2,06 pour Lille contre 2,42 pour Bordeaux, 2,43 pour Créteil et 2,57 pour Lyon. Des préconisations résultant de cet audit dont le rapport a été diffusé à l’ensemble des magistrats et fonctionnaires au mois de septembre 2011 ont déjà été mises en œuvre après concertation avec le Barreau, comme la nouvelle gestion des dossiers de référés mise en place le 30 août 2011 à la satisfaction générale. Un comité de suivi se réunira deux fois au cours de l’année 2012 afin d’étudier l’état d’avancement des plans d’action et faire évoluer leur contenu en fonction des éléments nouveaux pouvant résulter de projets de service, mais aussi des conséquences des réformes législatives.
3. les magistrats et fonctionnaires de Justice doutent de l’utilité de la LOLF et de la RGPP et de leurs conséquences positives sur le fonctionnement des services judiciaires. La rationalisation des moyens budgétaires et humains a conduit la juridiction lilloise à des difficultés extrêmes avec à la fin du premier semestre 2011, 30 postes de greffe vacants, la conséquence étant la fermeture de service ainsi que des retards considérables dans le traitement de certaines procédures. Dans cette période particulièrement éprouvante, je tiens à rendre hommage à notre directeur de greffe et à son équipe pour leur sang-froid et leur soutien permanent à leurs magistrats pour maintenir à l’étiage le radeau judiciaire. A ce jour, les actions de la Chancellerie et des chefs de cour ont amené l’arrivée de nouveaux fonctionnaires qui ont permis de réduire le déficit à 6 postes soit pour 210 postes localisés, 204 pourvus. Une aide précieuse nous a été également apportée par la cour d’appel avec les personnels placés, les vacataires et trois greffiers réservistes à compter du mois de novembre 2011. Ce renfort en personnel a permis de commencer à rétablir la situation des services en difficulté et il ne pourra porter ses fruits qu’avec une stabilité des effectifs dans la durée. Au-delà des questions d’effectif, les finances des tribunaux sont le reflet de l’aporie de la LOLF confrontée aux conséquences de la RGPP, la rationalisation et la professionnalisation de la gestion ayant pour corollaire la réduction drastique des crédits ou leur insuffisance chronique en rapport avec la progression inéluctable des dépenses liées à des réformes législatives rendant obligatoires des actes synonymes de dépenses. Le montant réglé des frais de Justice a nettement progressé passant en 2010 de 4 818 531 euros à la somme de
14 mars 2012 Université Panthéon Assas - Paris 5ème Renseignements : 01 44 41 56 55 sophie.gesret@laposte.net
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COLLOQUE DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE
Le marché intérieur II : les libertés de circulation 29 mars 2012 Cour de cassation - Paris 1er Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-123
RENCONTRE / JUMELAGE
Cours d’appel jumelées : France - Algérie 17 février 2012 Nouveau Palais de Justice de Lyon Renseignements : 04 72 77 30 75 jean-michel.etcheverry@justice.fr karine.jarlier@justice.fr 2012-124
SÉMINAIRE UIA
Football : contrats joueurs partage des droits et valeur économique 9 et 10 mars 2012 Buenos Aires - Argentine Renseignements : 01 44 88 55 66 uiacentre@uianet.org - www.uianet.org
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Rentrée solennelle 5 979 915 euros en 2011, soit une augmentation de 24%. Parallèlement, le montant des arriérés de frais de justice a progressé avec 50 053 mémoires en attente de paiement pour un montant de 4 099 503 €. Nous remercions tous les professionnels et experts qui concourent à l’œuvre de justice et nous leur présentons nos excuses pour les retards de paiement qui sont indépendants de notre volonté : nous espérons avec l’aide des chefs de la cour d’appel pouvoir bénéficier d’un contrat d’objectifs qui nous permettra d’abonder les crédits de notre régie des paiements et pouvoir régler rapidement les mémoires de frais des médecins intervenant en garde à vue, des médecins psychiatres et des psychologues, ainsi que des interprètes, des délégués du procureur et autres sapiteurs. 4. les magistrats et fonctionnaires de Justice s’interrogent sur le sens de leur mission et sur les objectifs qui leur sont assignés. L’affaire relative à la mort d’une jeune femme à Pornic disparue le 18 janvier 2011 et son instrumentalisation a entraîné une tempête
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question des moyens est centrale pour permettre d’adapter l’intensité du suivi des condamnés. Dans une tribune intitulée « Justice pour les magistrats » publiée par le journal Le Figaro du 17 février 2011, le professeur François Terré lançait cette objurgation à laquelle la magistrature ne peut qu’apporter son soutien : « Les magistrats ne sont pas les valets d’un pouvoir qui doit au contraire assurer leur protection et leur indépendance ». 5. les magistrats et fonctionnaires de Justice sont conscients de leur responsabilité et des comptes qu’ils doivent rendre à la Nation en exécution de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Mais l’année 2011 a confirmé que la nécessaire responsabilité du juge dans une démocratie devenait de plus en plus périlleuse avec l’ancrage d’une profonde insécurité juridique qui est devenue en quelques années la doublure de l’inflation législative. Qu’il est loin le temps où le professeur Henri Capitant pouvait affirmer dans sa préface aux
Mais l’année 2011 a confirmé que la nécessaire responsabilité du juge dans une démocratie devenait de plus en plus périlleuse avec l’ancrage d’une profonde insécurité juridique qui est devenue Eric Négron en quelques années la doublure de l’inflation législative.
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dans le monde judiciaire qui illustre le testament politique de Richelieu : « Il est plus facile de dénoncer les maux de la justice que d’en prescrire les remèdes. » Cette tempête nationale est aussi partie des côtes de la Deûle avec dès le 7 février 2011 la tenue d’une assemblée générale des magistrats du siège et du parquet avec la décision de renvoyer tous les dossiers des audiences civiles et pénales sauf urgence. Un état des lieux de la juridiction a été dressé par un groupe de travail mis en place suite à une assemblée plénière magistrats et fonctionnaires du 18 février 2011 et une journée nationale d’action a été organisée le 29 mars 2011 avec les personnels des services judiciaires, de l’administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse, de la police nationale ainsi que les membres du barreau. Ce mouvement d’une longueur et d’une ampleur exceptionnelles est le révélateur d’une crise profonde que notre collègue et chercheur Antoine Garapon a dénommé une crise de la perception du droit, les juges assistés des services sociaux devant porter des jugements en droit sur des faits passés, non pour donner des jugements de fait sur l’avenir. Le métier des juges, c’est le droit, pas l’é valuation de la dangerosité. Saisi le 22 février 2011, le Conseil supérieur de la magistrature a émis son avis le 21 mars 2011 en notant que la lutte efficace contre la récidive nécessite une stabilité législative et que la
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grands arrêts de la jurisprudence civile : « La Cour de cassation a pour mission d’assurer l’unité de l’interprétation judiciaire des lois. Tant que la Cour de cassation ne s’est pas prononcée sur un point de droit controversé, la jurisprudence n’est pas fixée ». Aujourd’hui, le juge doit être sur un qui-vive permanent, scrutant les décisions du Conseil constitutionnel qui a retrouvé une nouvelle jeunesse depuis le 1er mars 2010 avec la totale réussite de la question prioritaire de constitutionnalité, de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg et de la Cour de justice de l’Union européenne de Luxembourg. Il en a été ainsi en l’année 2011 avec la question de la compatibilité de l’article L.621-1 du CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) avec la directive européenne du 16 décembre 2008 dite directive retour. La Cour de Luxembourg a rendu en 2011 deux décisions les 28 avril et 6 décembre avec des réponses juridiques différentes aux questions posées et un raisonnement juridique abscons qui laisse le juriste averti désemparé face à des situations humaines délicates et parfois désespérées. Le paradoxe de notre époque est la cohabitation de cette insécurité juridique permanente avec des avancées significatives des droits et libertés individuels et un levier précieux et efficace avec la QPC qui fait évoluer et quelquefois même exploser nos cadres juridiques. Depuis le 15 avril 2011, l’intervention d’un avocat en garde à vue en est l’illustration de
même que la loi du 5 juillet 2011 sur le contrôle des hospitalisations sous contrainte. Ces deux réformes d’ampleur ont été mises en œuvre avec efficacité et humanité à Lille grâce : - au travail commun des différents acteurs desdites réformes à travers des réunions préparatoires et de suivi ; - aux échanges enrichissants entre des cultures différentes mais égales comme celles du monde judiciaire et de l’univers psychiatrique. Cette découverte de l’autre, cette écoute indispensable et cette heureuse bienveillance ont été en 2011 synonyme d’excellence avec l’attribution le 8 décembre par le ministre de la Justice Michel Mercier du Prix Initiatives Justice au CDAD du Nord (Conseil départemental de l’accès au droit) pour le projet ayant pour objectif d’améliorer l’accès au droit des patients hospitalisés en psychiatrie et de leurs proches. Il s’agit de créer des Points d’accès au droit dans les hôpitaux psychiatriques, permettant aux patients de bénéficier de consultations juridiques gratuites d’avocats au sein de l’hôpital. Les premiers Points d’accès au droit ouvriront début 2012 dans les arrondissements de Lille et de Dunkerque. Cette récompense rejaillit sur les acteurs judiciaires, mais également sur les personnels administratifs et soignants des EPSM (Etablissements publics de santé mentale) d’Armentières et de Bailleul. Cette récompense collective illustre le dynamisme de la politique de l’accès au droit dans notre département du Nord avec le soutien précieux du Conseil général, des mairies, des 6 barreaux, des chambres départementales des notaires et des huissiers de justice et du tissu associatif qui est d’une rare richesse. En cette année 2011, l’action du CDAD du Nord a ainsi permis : - La création de Points d'Accès au Droit (lieux gratuits permettant d’obtenir une information juridique) à Merville, Haubourdin et Saint André. - La création de Points d’Accès au Droit dans les établissements pénitentiaires du département du Nord (Sequedin, Annœullin, Maubeuge, Dunkerque et Douai). - Le financement de plus de 4 000 heures de permanences juridiques gratuites tenues par des avocats, des huissiers de justice et des notaires. - L’organisation de permanences d'avocats accessibles aux sourds et malentendants. - L’édition d'un Guide pratique de l'accès au droit. - L’organisation de diverses conférences d'information juridique notamment une journée de l’accès au droit en juin 2011 et une conférence sur le surendettement en novembre 2011. - L’organisation de rencontres entre professionnels du droit et 3 000 élèves des lycées et collèges sur le thème : « Droits et Devoirs des jeunes ». Pour l’année 2012, les axes de travail de la juridiction lilloise seront les suivants : 1°) la création du tribunal correctionnel des mineurs à compter du 1er janvier 2012 ( loi 2011939 du 10 août 2011 ) compétent pour juger les mineurs de plus de 16 ans en récidive pour des infractions punies d'une peine supérieure ou égale à 3 ans d'emprisonnement. Ce tribunal, présidé en 2012 par un juge des enfants
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Rentrée solennelle comportera un premier assesseur juge des enfants et un deuxième assesseur magistrat non spécialisé, et se réunira dans un premier temps au rythme d’une audience par mois. 2°) La création à compter du 1er mars 2012 d’un septième cabinet de juge de l’application des peines compétent pour les procédures d’aménagement des courtes peines d’emprisonnement avant leur mise à exécution (article 723-15 du Code de procédure pénale) et le milieu ouvert pour les condamnés domiciliés à Wasquehal, Hem, Croix et Wattrelos. 3°) La finalisation du pôle famille créé par la loi du 12 mai 2009 : le pôle famille après avoir récupéré le 29 août 2011 la gestion des 3 500 dossiers de tutelle mineurs de notre arrondissement, s’est vu renforcer par l’arrivée d’un 11ème juge aux affaires familiales. A compter du 2 avril 2012, les compétences suivantes en matière de droit de la famille et droit des personnes actuellement distribuées à la première chambre seront transférées à la 3ème chambre : état civil, disparition, absence, nullité de mariage, mainlevée d'opposition à mariage, filiation, adoption et exequatur des actes et décisions étrangères en matière d'état et de capacité des personnes. Ne soyez pas troublés par ces trois créations de postes de juges au tribunal de grande instance de Lille sans création concomitante de postes de greffiers : ce n’est que l’illustration de la règle de trois inverse qui décrit des grandeurs qui diminuent à proportion d’un accroissement de données. Avec seulement un seul poste localisé supplémentaire de juge (86 à 87), le TGI de Lille a dû faire face à ces charges supplémentaires par des redéploiements internes et par des sacrifices de contentieux dont la principale victime en 2011 a été le TASS (tribunal des
affaires de Sécurité sociale) dont les effectifs de juge sont passés de 3,5 à 1,5 avec des effets immédiats sur le nombre d’affaires traités qui a chuté de 1 000 dossiers en une année. 4°) Notre priorité en 2012 sera le bon fonctionnement de cette juridiction sociale avec le retour en février d’un plein effectif pour 3,1 équivalents temps plein de magistrat, ce travail s’effectuant en équipe, avec la bonne humeur et l’entrain du secrétariat greffe composé de personnels de la direction régionale de la jeunesse et des sports et de la cohésion sociale. 5°) 2012 sera également l’année préparatoire à la disparition de la juridiction de proximité supprimée par la loi du 13 décembre 2011. Ainsi, le tribunal d’instance retrouvera à compter du 1er janvier 2013 sa plénitude de juridiction. En application de l'article R.212-58 du Code de l'organisation judiciaire, je procéderai avec le procureur de la République à l’inspection des trois tribunaux d’instance de notre ressort, à commencer par la juridiction tourquennoise au mois de février. Ces inspections seront l’occasion de valoriser le travail important et précieux des juridictions d’instance au profit de nos concitoyens et de préparer avec nos juges de proximité cette transition fondamentale, étant précisé que les juges de proximité seront maintenus dans leur fonction. Cette réforme sera un gage d’une plus grande compréhension et d’une meilleure lisibilité de l’action de l’institution judiciaire. 6°) 2012 sera aussi une grande année électorale. Il n’y a pas de démocratie sans juges : les juges sont les garants du respect de la loi électorale et de l’impartialité de traitement des élus et des électeurs par l’appareil d’Etat. Ce rôle primordial du juge dans la vie et la protection de la République est trop souvent méconnu. Or
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le juge est un des piliers de notre République : après avoir dirigé les opérations électorales sénatoriales du 25 septembre 2011 avec l’élection de 11 sénateurs dans notre département dans un climat de grande sérénité, les juges lillois seront grandement mis à contribution avant, pendant et après les élections présidentielles des 22 avril et 6 mai 2012 et les élections législatives des 10 et 17 juin 2012. Des dizaines de juges siègeront dans les commissions de propagande, les commissions de contrôle, les commissions de recensement et en qualité de délégués du Conseil constitutionnel afin que la vie démocratique de notre pays permette une communion des citoyens autour des valeurs républicaines. Ainsi, le juge apparaît hors de son Palais de Justice comme un protecteur de la vie démocratique de notre République. Enfin, en guise de conclusion et à propos de la loi du 10 août 2011 relative à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, je citerais le passé procureur général près la Cour de cassation Jean-Louis Nadal qui dans son dernier discours à l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation le 7 janvier 2011 proclamait : « Je crois d’abord aux mérites du professionnalisme. Combien de fois ai-je dit à mes collègues et tout spécialement aux jeunes magistrats issus de l’Ecole nationale de la magistrature, que juger c’e st un métier, métier auquel comme toute activité professionnelle, il est indispensable de se former. C’est pourquoi j’ai la conviction qu’à la base de toute activité juridictionnelle, doit impérativement se trouver une solide formation juridique et judiciaire, dispensée par l’Université et l’Ecole nationale de la magistrature ». […] 2012-120
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In Memoriam
Hommage à un grand arbitre international français, Serge Lazareff
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8 novembre 1926 - 21 janvier 2012
Serge Lazareff on très cher Serge, Les hommages qui vous ont été rendus ces derniers jours sont si nombreux, que se trouve mesuré aujourd’hui tout ce que vous avez fait pour l’arbitrage international, la Place de Paris et notre Ordre. Au-delà des confrères et amis qui sont venus vous accompagner avec votre chère famille lors de la cérémonie à Avon, près de Fontainebleau, les messages reçus des quatre coins du monde permettent de prendre la mesure de l’ampleur de ce que vous avez su transmettre. Vous êtes né le 8 novembre 1926 à Paris. Après des études à la Faculté de droit de Paris, dont vous sortez Lauréat et Docteur en droit, vous êtes le premier juriste français à être diplômé d’Harvard en 1949, où vos Professeurs vous retiennent pendant un an supplémentaire en qualité d’assistant de recherche (John Harvey Gregory Fellow). Un résultat déjà impressionnant pour quelqu’un qui confiait avoir appris l’anglais sur le bateau qui le menait de Paris à New York. Admis au barreau de Paris en 1946 - devenant ainsi le plus jeune avocat de France - votre carrière prend une tournure étonnante. Vous êtes appelé sous les drapeaux et devenez,
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presque par hasard - vous êtes alors le seul aspirant juriste parlant américain - traducteur puis conseiller juridique du Général Eisenhower pendant deux ans alors qu’il dirige le SHAPE (la future OTAN). A vos amis, vous expliquiez que ce poste ne vous intéressait pas, tout au moins au début, et que vous aviez répondu au Général Eisenhower que vous étiez un juriste et non un traducteur. Il vous aurait alors rétorqué qu’il avait néanmoins besoin de vous et qu’il vous trouverait un « job ». A partir de 1952, ce « job » sera celui de conseiller juridique du commandant en chef de l’Etat-major Centre Europe de l’OTAN. Quelle surprise pour bien des militaires de carrière qui vous ont vu passer, en un jour, du statut d’appelé de première classe à celui de général (un cas assez exceptionnel de promotion de grade en temps de paix…). En 1967, vous donnez une nouvelle orientation à votre carrière en devenant directeur des accords et contrats internationaux du Groupe Péchiney. En pleine période de tensions entre la France et les Etats-Unis, autour de ce que l’Histoire retiendra comme l’affaire du « Pacte de l’uranium », vous trouvez le temps de suggérer à votre Président de s’intéresser à l’Asie. C’est le début de l’aventure de Péchiney en Corée, dont vous accompagnerez les succès en qualité de directeur Asie-Pacifique. En 1983, vous demandez la possibilité de revenir vers le barreau. Soutenu par la direction de Péchiney, vous reprenez alors la brillante carrière d’avocat et commencez celle d’arbitre international que nombre d’entre nous connaisse. Vous conseillerez, entre autres, le Gouvernement français et le département de Seine-et-Marne dans le projet Euro Disney, tout en menant de front votre activité d’arbitre dans presque 200 affaires institutionnelles ou ad hoc. Mais ces activités ne vous suffisent pas. Vous souhaitiez transmettre et contribuer à la formation des jeunes confrères et de vos pairs. Enseignant à HEC et auprès des facultés de Versailles et de Montpellier - dont vous soutenez les programmes et concours organisés en arbitrage -, vous dirigez aussi l’ICC Institute of World Business Law et la Commission d’arbitrage d’ICC France. En votre qualité de président de ces deux instances, vous avez œuvré pendant des années pour l’évolution du statut d’arbitre, initié de très nombreux groupes de travail, jusqu’à vos toutes récentes initiatives en matière de financement des petites affaires, d’accès au juge ou d’assurance, sans oublier votre rôle dans l’élaboration du nouveau
décret sur l’arbitrage adopté en 2011. Vous avez également milité pour la reconnaissance de la « jurisprudence arbitrale » française et revendiqué son rôle structurant dans l’élaboration des grands principes contemporains de l’arbitrage, tel qu’il se pratique aujourd’hui, reconnaissant ainsi la fonction primordiale du juge d’appui et de nos juridictions supérieures. Vos nombreuses publications et vos ouvrages contribuent aussi au rayonnement de la place de Paris et de la pratique arbitrale française sur la scène internationale. Vous défendiez encore récemment cette place avec toute votre énergie pour maintenir le siège de la Cour internationale d’arbitrage à Paris. Elevé à la distinction de Commandeur de la Légion d’honneur pour l’ensemble de votre parcours vous étiez donc, Cher Serge, l’un des éminents porte-parole de notre Ordre, comme du milieu de l’arbitrage international. En tant qu’homme, vous vous êtes battu pour des principes, souvent de bon sens, que nous appliquons au quotidien. Vous aviez aussi un franc parler en même temps qu’un sens aigu de la négociation et deux valeurs suprêmes, la loyauté et la famille. A chacun vous racontiez des anecdotes et saviez la valeur des vrais amis, auxquels vous avez toujours su rester fidèle jusqu’au dernier jour. Moins nombreux sont, sans doute, ceux qui auront fait les frais de ces plaisanteries qui vous mettaient à l’œil cette lumière du garnement que vous êtes toujours resté. Serge, vous nous quittez dans la discrétion afin que nous conservions de vous l’image d’homme d’action et de conviction que vous avez toujours été. Nous perdons un ami et un grand arbitre, mais nous conservons un modèle. Comme le disait il y a quelques jours un ami journaliste des Echos en parlant de vous, « il y a des personnes qui quand elles partent, ne doivent pas inspirer le chagrin de les perdre, mais la joie de les avoir connues ». Serge, vous en faites partie. Benoît Le Bars
* Benoît Le Bars est avocat associé du Cabinet Lazareff Le Bars.
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Nouvelles technologies
Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet Rapport d’activité 2010 du bénéfice effectif des exceptions qui leur sont reconnues. Tout en conduisant la construction intrinsèque de la structure et en remplissant les missions institutionnelles classiques (contacts avec les élus français et européens, auditions, contributions, participation à des colloques et séminaires, etc.), l’Hadopi a travaillé dans trois directions : - la mise en œuvre raisonnable du dispositif dit de « réponse graduée » ; - l’engagement pragmatique des missions relatives à l’encouragement des offres légales ; - la mise en place d’une politique intensive de concertation et de proximité la plus élargie possible, en particulier avec le dispositif des Labs mis en place par le Collège de l’Hadopi. Il s’est agi pour l’Hadopi dans ces 18 premiers mois d’écrire la pratique de la théorie définie par la loi Création et Internet. Où en est-on aujourd’hui ?
Bilan d’activité Extraits u premier trimestre 2010, date de son lancement, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet était une page blanche à écrire. L’ambition des 18 premiers mois d’existence de l’Hadopi a été de s’engager dans une mise en œuvre de la totalité de la loi création et Internet, en d’autres termes embrasser tout le domaine créatif et traduire au mieux, dans les faits, les différents équilibres prévus par le législateur, dont deux en particulier : face au risque de sanction, la promesse d’une offre « légale » satisfaisante ; dans la défense des droits des métiers de la création, le respect de la vie privée des utilisateurs, de leurs droits et
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La réponse graduée, un « rappel à la loi » bien accepté, qui fonctionne, et peut évoluer La « réponse graduée » est bien installée même si son dispositif technique est encore « en rodage ». Il s’agit d’une tendance mondiale : des dispositifs proches se déploient dans plusieurs autres pays et il faut reconnaître à celui adopté par la France qu’il est sans doute l’un des plus protecteurs des droits des internautes en cela qu’il crée une étanchéité totale entre les données personnelles des abonnés et les relevés d’infractions effectués par les ayants droit. Elle est bien acceptée. Deux sondages conduits par l’Hadopi, selon un mode d’enquête renforcé et entouré de sérieuses garanties méthodologiques, ont montré que 40% à 50%
des internautes français considèrent que sa mise en place est « une bonne initiative ». Ces résultats ne doivent, pour autant, pas occulter que, dans une même proportion de 40% à 50%, les internautes expriment des inquiétudes face à l’Hadopi, en particulier en matière d’intérêt général, de protection de la vie privée ou encore d’efficacité au bénéfice de la création. Elle fonctionne. Si les résultats sont encore à prendre avec précautions, plusieurs indicateurs témoignent d’une tendance positive. Au vu des sondages précités, on voit notamment que 16% des internautes français indiquent s’être tournés vers les offres légales durant les 6 premiers mois de la réponse graduée, que 50% d’entre eux sont incités par l’Hadopi à consommer plus régulièrement des œuvres culturelles sur des sites respectueux du droit d’auteur, que 41% des internautes interrogés connaissant l’Hadopi déclarent que celle-ci les incite à changer leurs habitudes de consommation sur Internet, et 44% des internautes ayant déclaré un usage illicite et connaissant l’Hadopi se disent « tout à fait » ou « plutôt » incités par l’Hadopi à changer leurs habitudes de consommation de biens culturels sur Internet. Les données montrant la baisse des échanges français de fichiers non-autorisés sur les réseaux pair à pair publiées par les ayants droit tendent à corroborer ces résultats, même s’il ne faut pas méconnaître les éventuels effets de bord tels que la dissimulation, ou encore le déplacement des usages non-autorisés vers d’autres solutions que le pair à pair (streaming, direct download). L’Hadopi a engagé des travaux de recherche qui devraient permettre une approche quantitative de ces phénomènes, et compte être en mesure d’en publier les premiers résultats avant son second rapport d’activité. En revanche il apparaît clairement au terme de ces 18 mois que la réponse graduée ne saurait,
REPÈRES
Rendez-vous en juin 2012 par Marie-Françoise Marais* es 18 mois qui se sont écoulés ont permis tout à la fois de construire l’institution, de lancer la mission de protection des droits, et de poser les premiers jalons de l’encouragement au développement de l’offre légale. Les 12 mois à venir permettront de consolider et d’élargir les résultats d’ores et déjà obtenus. Les conditions dans lesquelles s’est conduit ce travail sont inédites : rarement nouvelle institution s’est trouvée confrontée au refus opposé par certains, qu’ils soient politiques, fonctionnaires, chercheurs ou
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encore membres de la société civile, de travailler avec elle. Et nombre de commentaires ont révélé une méconnaissance totale de l’institution et de son action. Loin d’être une généralité, ces difficultés n’ont pas pour autant entamé notre détermination. Et je salue et remercie toute l’équipe qui, engagée à mes côtés, a su faire naître le projet « Hadopi » et lui donner le sens que j’ai choisi : à savoir une institution indépendante mobilisée sur ses missions et ouverte au dialogue.
Nous avons entrepris un travail de longue haleine, prenant « à bras le corps » la plénitude de nos missions, qu’il s’agisse des œuvres - musicales, audiovisuelles, livresques, photographiques, etc… - ou qu’il s’agisse de la dimension de ces missions, allant de la protection des droits à la valorisation des usages responsables et à la mise en exergue des services innovants respectueux des droits auteurs. Si les résultats obtenus doivent être pris avec précaution, il est possible d’ores et déjà de
constater, de façon certaine, que le paysage s’est modifié. Une voie s’ouvre. Des signes d’évolution positive des comportements des internautes se manifestent tandis que sur le front des offres légales, des métiers qui s’ignoraient jusqu’alors commencent à se parler pour construire ensemble. Une expertise approfondie se développe au service de la recherche de solutions pour que le droit d’auteur et les nouvelles libertés numériques ne soient pas en opposition mais bien en complémentarité.
Les Annonces de la Seine - lundi 13 février 2012 - numéro 12
Internet a bouleversé nos repères. Il ne peut être réduit à une seule donnée ; économie, ou réseau, ou contenu ou code. Il est tout à la fois : miroir de ce que nous sommes et de nos aspirations. Les 10 années qui viennent de s‘écouler ont vu s’affronter la liberté du créateur de disposer de son œuvre et celle de « l’être connecté » d’accéder à la connaissance, à la culture. Dans ce conflit les intermédiaires ont été mis en accusation quand ils sont l’un des maillons indispensables d’une chaine qui
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Nouvelles technologies garantit l’égalité des chances et la diversité des contenus. Ce n’est qu’un faux combat et, surtout, un combat archaïque. Ce qui se construit en ce moment, c’est un système de protection des droits et libertés de tous dans un contexte international et sociétal complètement nouveau. Au simplisme des solutions toutes faites, nous opposons la rigueur d’un travail de fond réalisé dans la durée. Notre feuille de route est chargée. D’ici à notre second rapport, il sera possible de poser un diagnostic sur le dispositif actuel de protection des droits afin de pouvoir le faire évoluer et gagner en efficacité. Nous aurons suffisamment de recul pour nous permettre de
mesurer les effets de la réponse graduée. Notre connaissance de l’offre et de la demande illicites d’œuvres sur internet, en particulier au-delà des réseaux pair à pair, se sera affinée. La possibilité d’élargir et de simplifier les modalités de saisine par les titulaires de droits aura été expertisée. L’encouragement au développement des offres légales franchira une nouvelle étape par la valorisation de la diversité des offres, notamment celles peu connues de catalogues gratuits, partageables, et non sécurisés, comme une alternative aux comportements illicites, ainsi que par l’analyse des usages des biens culturels acquis légalement. Si les mesures
à elle-seule, remplir la mission de protection des droits sur Internet. Le dispositif gagnerait à être renforcé pour mieux couvrir l’étendue des infractions, d’une part, et mieux répondre aux attentes de certains créateurs qui n’y ont pas accès actuellement, d’autre part. Dans le même temps, l’analyse détaillée des cas des internautes en 3ème étape de procédure telle qu’elle sera conduite par la Commission de protection des droits de l’Hadopi dans les mois à venir permettra d’é valuer les éventuelles adaptations nécessaires à son socle juridique, l’infraction de négligence caractérisée.
Les offres légales, un vaste chantier protéiforme loin de la maturité et encore à encourager La situation des offres légales est profondément disparate selon qu’il s’agisse de musique, de films, de séries, de livres, de jeux ou encore de photos, pour ne citer que ces exemples. Chaque catalogue répond à des règles de droit et de diffusion différentes, leur mise à disposition est, elle aussi, plus ou moins avancée selon le type d’œuvres. Pratiquement achevée pour la musique, elle est encore au stade embryonnaire pour d’autres œuvres. La labellisation prévue par la loi constitue un premier pas vers l’encouragement des offres légales. Elle permet aux utilisateurs de mieux se retrouver dans la profusion d’information disponible sur Internet. Son lancement s’est accompagné d’une campagne de communication d’ampleur nationale destinée à dispenser massivement une première information sur son existence. Bien accueillie par le public, cette campagne a suscité une vive polémique au sein des communautés qui scrutent l’activité de l’institution. La polémique s’est concentrée sur le rejet d’une certaine forme de culture de divertissement symbolisée, selon elle, par l’un des 3 clips diffusés. In-fine, elle n’a pas impacté l’efficacité de la campagne, globalement positive, mais a livré des indications intéressantes à analyser pour une meilleure compréhension des motivations de l’é change non-autorisé d’œuvres via Internet et l’étude des questions qui y sont liées. La mise en œuvre de la labellisation n’a pas été exempte de difficultés. Timides au début, les
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techniques de protection ont pratiquement disparu de la musique, elles restent très présentes sur l’audiovisuel et les offres naissantes des livres numériques, donnant tout son sens à la mission de veille et de régulation de ces mesures dont l’Hadopi est investie. La réflexion sur les moyens de sécurisation se poursuivra dans le sens indiqué par le Collège de l’Hadopi, à savoir le contrôle absolu de ces moyens par l‘utilisateur, sur lequel travaille désormais le « Lab » dédié aux questions techniques. Elle impliquera d’emblée la réflexion autour de propositions multi-terminaux. L’émergence des TV connectées, pour ne citer qu’elles, montre bien à quel
point ces questions dépassent désormais largement le seul ordinateur de l’abonné. Nous resterons très vigilants quant aux questions de filtrage ou de blocage tant ces sujets soulèvent de questions en termes de libertés publiques. Nous irons vers encore plus de transparence. Les Labs sont ouverts à tous et nous allons en assouplir les modalités de participation. Dès la rentrée sera lancé un groupe de travail pour la mise en « Open Data » des données de l’Hadopi. Nous estimons en effet que ce principe, auquel nous adhérons pleinement, sera le moyen le plus efficace de répondre aux importantes attentes d’information que suscite notre activité.
demandes de label atteignent désormais un rythme soutenu de l’ordre de 5 à 6 nouvelles demandes par mois. Plusieurs demandes ont fait l’objet d’objections de la part d’ayants droit, qui ont pu être réglées par voie de médiation informelle entre la plateforme, l’Hadopi et les ayants droit concernés mais ont requis un engagement fort de la part de l’institution. L’Hadopi a d’emblée cherché à labelliser des offres diversifiées, tant en termes d’œuvres (musique, films, séries, livres, etc.) qu’en termes de modalités d’accès (gratuit, payant, avec ou sans DRM, etc.). Tout l’enjeu désormais sera d’accroître la visibilité de ces offres sans pour autant interférer avec le paysage concurrentiel. C’est en particulier l’objectif de la seconde mission héritée de la loi, le portail de référencement des offres légales dont l’Hadopi a dès l’origine souhaité qu’il soit conçu comme un « outil Internet » orienté utilisateurs et non comme un simple catalogue d’enseignes. Ce chantier a fait l’objet d’un marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage encore en cours. La traduction technologique du label peut, de surcroît, être pensée plus avant. Actuellement simple logo apposé sur les offres labellisées, appuyé par un site Internet dédié, il pourrait avantageusement évoluer vers un outil plus à même d’appuyer la visibilité de ces offres dans les résultats de recherche des internautes. Enfin, l’Hadopi s’est engagée dans un travail approfondi d’analyse et de résolution des différents obstacles à l’émergence d’une large diversité d’offres légales. La mission de suivi des 13 engagements pour la musique en ligne qui lui a été confiée par le Gouvernement a fait l’objet de multiples auditions et entretiens avec les signataires ainsi que d’une étude économique approfondie sur le partage de la valeur. D’autres chantiers relatifs au bénéfice des exceptions, aux usages en ligne ou encore aux modèles économiques émergents sont en passe d’être lancés. Le travail sur les objections aux demandes de labellisation comme sur la mission relative aux 13 engagements a mis en évidence l’utilité du mode de concertation quasi-permanente sous l’égide des Pouvoirs publics. L’expérience montre désormais que cette méthode de concertation professionnelle continue est réellement de nature à apporter des solutions permettant de surmonter les différents obstacles à la généralisation des offres légales. Elle est à pérenniser et à développer.
Telle est la compréhension que nous avons de la loi que le législateur nous a chargé de mettre en œuvre. Loi d’équilibre et de responsabilité, loi de liberté. Nous partageons cette compréhension tout au long de ce rapport avec le seul souci de conduire au mieux la mission qui nous a été confiée. Et parce que nous sommes convaincus que le monde de la culture et celui d’internet doivent agir ensemble et non s’opposer en querelles stériles, nous vous disons : rendez-vous en juin 2012.
* Marie-Françoise Marais est Présidente de l’Hadopi.
Ecouter, dialoguer, agir. Un cycle de production administrative nouveau à l’heure d’Internet Internet a rendu caduques les méthodes de concertation classiques de la production administrative. L’activité permanente sur les réseaux sociaux, l’accroissement des sources d’information ont créé un contexte où désormais chaque citoyen doit pouvoir accéder à l’information, exprimer son opinion et en débattre, notamment en ligne. Ce qui est un défi pour toute la fonction publique a d’emblée été un impératif pour l’Hadopi, conduite par ses missions à être au contact direct des citoyens utilisateurs d’Internet. Si le dialogue avec les ayants droit et les fournisseurs d’accès s’est installé naturellement, l’Hadopi a cherché le moyen de l’élargir à l’ensemble des parties concernées par son action, dont en particulier les internautes, qu’ils soient experts ou non. Maintenir un équilibre dans l’écoute et la prise en compte des opinions
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Nouvelles technologies conduite des missions de l’institution. Les Labs réunissent actuellement une centaine d’inscrits et travaillent dans un temps long. Appuyés par un groupe de chargés d’étude salariés de l’Hadopi, ils alternent échanges électroniques et réunions physiques. Leurs premiers travaux portent sur le livre numérique, l’encadrement juridique du « streaming », le concept d’auteur dans l’univers numérique, la sécurisation numérique. Fait notable, la méthode des Labs permet d’apaiser certaines tensions qui se manifestent tant que le dialogue reste très en surface et ne prend pas le temps d’approfondir les sujets et de confronter les opinions.
Une institution française de l’Internet
de chacune des parties est une condition essentielle de l’action de l’institution et de la recherche de l’intérêt général.
La complexité des questions relatives aux œuvres et droits sur Internet ne supporte ni l’approximation, ni l’irrégularité des travaux, ni l’exclusion de ceux qu’elle passionne. Il fallait donc imaginer un dispositif ouvert, dé-hiérarchisé, permettant d’écouter et de travailler de façon durable afin de pouvoir penser en permanence les missions de l’institution au regard des multiples évolutions qui s’enchaînent à un rythme toujours plus soutenu. C’est cette volonté qui a guidé la conception et la mise en œuvre des Labs Hadopi. Les Labs sont une plate-forme ouverte et transparente de recherche et d’é change permanents. Ils sont animés par 7 experts indépendants. Cinq d’entre eux sont spécialistes de l’une ou l’autre des 5 disciplines nécessaires à une approche globale : le droit, l’économie, la sociologie, la technique et la philosophie ; 2 sont issus de l’Internet et apportent leur vision des changements sociétaux à l’œuvre du fait du réseau. Les Labs ont vocation à contribuer à enrichir le débat et la réflexion publique, ainsi qu’à proposer au Collège de l’Hadopi des orientations quant à la
Autorité publique indépendante, unique institution française exclusivement dédiée à l’Internet, l’Hadopi aborde son 2ème exercice avec sérénité, conviction et le souci d’enrichir continûment sa compétence. Aux approches « réseaux », « contenus » ou « libertés » préexistantes elle apporte le complément indispensable d’une approche globale fondée sur la compréhension et la pratique de l’Internet et de ses utilisateurs. Elle a conscience que la réponse graduée n’est pas une fin en soi mais bien le moyen de procéder à un rappel à la loi massif, et qu’il s’agit d’œuvrer, d’une part à combler les carences qui ont conduit certains utilisateurs à ne pas la respecter et, d’autre part, à réfléchir, avec le temps nécessaire, à des propositions d’évolution législatives qui devront, le moment venu, apporter des solutions pérennes aux tensions qui se manifestent encore aujourd’hui. Sur la durée, seule une institution dédiée peut conduire un tel travail. Avoir permis qu’une telle institution existe est sans conteste le très grand mérite de la loi création et Internet qui, partant d’un constat, a à la fois posé les jalons des premières solutions mais surtout installé l’outil qui permettra de les faire évoluer en tenant compte des transformations à l’œuvre. 2012-128
QUELQUES CHIFFRES
Données clés (1 janvier 2010 au 30 juin 2011) er
près un premier décret publié en juillet 2009, 13 décrets d’application publiés (dernière publication en avril 2011). 25 délibérations du Collège de l’Hadopi relative à l’organisation interne de l’institution. 33 avis de la Commission de protection des droits.
A
PROTECTION DES DROITS Août 2010 : premières saisines exploitables transmises par les ayants droit. Septembre 2010 : premières demandes d’identification adressées par la CPD aux fournisseurs d’accès. 1er octobre 2010 : envoi des premières recommandations aux
abonnés Internet (courrier électronique). Février 2011 : envoi des premières secondes recommandations aux abonnés Internet (courrier électronique complété de lettre remise contre signature). 1 023 079 demandes d’identification adressées par l’Hadopi aux fournisseurs d’accès. 911 970 identifications reçues de la part des fournisseurs d’accès, soit un taux de 89%. 470 935 premières recommandations envoyées aux abonnés. 20 598 secondes recommandations envoyées aux abonnés.
35 003 échanges avec les abonnés concernés (courrier / téléphone) dont 76% portant sur la demande de détail des œuvres. DIFFUSION DES ŒUVRES 28 demandes de labellisation publiées. 21 objections reçues sur 14 demandes, dont 7 recevables. 19 labels attribués (les autres demandes restant en instruction à la date du 30 juin 2011). 6 marchés étudiés pour la préparation du portail des offres légales prévu à l’article L.331-23 du Code de la propriété intellectuelle.
2 enquêtes approfondies conduites à 6 mois d’intervalle sur les « biens culturels et usages d’Internet, pratiques et perceptions des internautes français ». RELATIONS AVEC LE PUBLIC 26 425 conversations téléphoniques. 82 membres inscrits aux Labs. 6 conférences de presse, 18 communiqués ou dossiers de presse. 4 « chats » avec les internautes. 2 consultations publiques sur les spécifications fonctionnelles des moyens de sécurisation. Mise en rédaction de 25 fiches pédagogiques « sécurité et Internet ».
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FONCTIONNEMENT 12 millions d’euros de budget annuel (minoré de 5% de gel annuel). Clôture de l’exercice 2010 avec un taux d’exécution global de 48%. 59 agents en fonction (81% contractuels / 19% fonctionnaires, 68% femmes / 32% hommes). 66% des effectifs se situent dans la tranche 20-35 ans. 1 042 m2 de bureaux représentant une Surface Utile Nette de 640 m2. Loyer économique de 403 euros / m2 HT/HC. Ratio Surface Utile Nette par agent : 10,86 m2.
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Jurisprudence
Respect de la vie privée de personnalités et liberté d’expression Cour Européenne des Droits de l’Homme - Grande Chambre - 7 février 2012 Springer AG c. Allemagne (requête n°39954/08) et Von Hannover c. Allemagne (n°2) (requêtes nos 40660/08 et 60641/08)
La Cour Européenne des Droits de l’Homme a rendu le 7 février 2012, dans les affaires Axel Springer AG c. Allemagne (requête n° 39954/08) et Von Hannover c. Allemagne (n°2) (requêtes nos 40660/08 et 60641/08), deux arrêts de Grande chambre qui sont définitifs. Ces deux affaires concernaient la parution d’articles dans la presse. La seconde portait en outre sur le publication de photographies représentant des scènes de la vie privée de personnalités. La Cour a estimé que la couverture médiatique de la vie privée de personnalités est acceptable si elle correspond à l’intérêt général et s’il y a un équilibre raisonnable avec le droit au respect de la vie privée.
La Cour,
Von Hannover (n°2)
Principaux faits
Les requérants sont la princesse Caroline von Hannover - fille de feu le prince Rainier III de Monaco - et son mari, le prince Ernst August von Hannover. Depuis le début des années 90, la princesse Caroline s’efforce de faire interdire la publication dans la presse de photographies sur sa vie privée. Deux séries de photographies, publiées respectivement en 1993 et 1997 dans des magazines allemands, avaient donné lieu à trois procès devant les juridictions allemandes et débouché sur des arrêts de principe respectivement rendus par la Cour fédérale de justice en 1995 et par la Cour constitutionnelle fédérale en 1999, déboutant l’intéressée de ses demandes. Ces procédures firent l’objet d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme le 24 juin 2004 (Caroline von Hannover c. Allemagne (n°59320/00), constatant que les décisions judiciaires litigieuses avaient porté atteinte au droit de la princesse Caroline au respect de sa vie privée tel que garanti par l’article 8 de la Convention. Se prévalant de cet arrêt de la Cour, la princesse Caroline et le prince Ernst August engagèrent ultérieurement plusieurs procédures devant les juridictions civiles en vue de faire interdire la publication d’autres photographies qui avaient été prises à leur insu pendant leurs vacances au ski et publiées dans les magazines allemands Frau im Spiegel et Frau Aktuell entre 2002 et 2004. Par un arrêt du 6 mars 2007 (VI ZR 51/06), la Cour fédérale de justice accueillit la requête présentée par la Princesse Caroline en vue de faire interdire la publication de deux de ces photographies - au motif qu’elles ne contribuaient à aucun débat d’intérêt général - mais la débouta concernant une troisième photographie publiée dans Frau im Spiegel en février 2002. La photographie en question représentait le couple se promenant pendant leurs vacances à la station de ski de Saint-Moritz et s’accompagnait d’un article faisant état, entre autres, de la dégradation de l’état de santé du prince Rainier de Monaco. La Cour fédérale de justice jugea que la maladie du prince régnant constituait un événement d’intérêt général et que la presse était par conséquent en droit de rapporter la manière dont ses enfants conciliaient leur devoir de solidarité familiale avec les exigences légitimes de leur vie privée, notamment le souhait de prendre des congés. Par un arrêt du 26 février 2008, la Cour constitutionnelle fédérale rejeta le recours constitutionnel introduit par la princesse Caroline, en écartant notamment la thèse de la méconnaissance ou de la mauvaise prise en compte de la jurisprudence de la Cour européenne par les tribunaux allemands. Le 16 juin 2008, la Cour constitutionnelle fédérale, sans motiver ses décisions, refusa d’ad-
La requérante, Axel Springer AG (« Springer »), est une société de droit allemand. Elle édite le Bild, un quotidien national à grand tirage. En septembre 2004, le Bild publia à sa une un article concernant l’arrestation pour possession de cocaïne de X., un acteur de télévision connu, dans un chapiteau du festival de la bière de Munich. L’article en question était suivi d’un autre article plus détaillé publié en pages intérieures et était assorti de trois photographies de X. Il révélait que X., qui jouait depuis 1998 le rôle d’un commissaire de police dans une série télévisée populaire, s’était vu infliger auparavant, en juillet 2000, une peine d’emprisonnement avec sursis pour possession illégale de stupéfiants. En juillet 2005, le Bild publia un second article d’où il ressortait que X. avait été reconnu coupable de possession illégale de stupéfiants et condamné à une amende après s’être livré à des aveux complets. Aussitôt après la parution du premier article, X. assigna Springer en référé devant le tribunal régional de Hambourg, qui fit droit à sa demande et interdit toute nouvelle publication de l’article et des photographies l’accompagnant. L’interdiction de publier l’article fut confirmée par la cour d’appel de Hambourg en juin 2005, et l’arrêt concernant les photographies ne fut pas contesté par Springer. En novembre 2005, le tribunal régional de Hambourg interdit toute nouvelle publication de la quasi-totalité de l’article sous peine d’astreinte et infligea une pénalité conventionnelle à Springer. Il jugea en particulier que le droit de X. à la protection de sa personnalité l’emportait sur l’intérêt du public à être informé, même si la véracité des faits relatés par le quotidien n’était pas contestée. Relevant que l’infraction commise par X. n’était pas d’une gravité particulière, il considéra que sa révélation ne revêtait pas une importance particulière pour le public. Cette décision fut confirmée par la cour d’appel de Hambourg, puis, en décembre 2006, par la Cour fédérale de justice. A l’issue d’une autre procédure concernant la publication du second article relatif à la condamnation de X., le tribunal régional de Hambourg donna gain de cause à ce dernier essentiellement pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le jugement concernant le premier article. Cette décision fut confirmée par la cour d’appel de Hambourg puis, en juin 2007, par la Cour fédérale de justice. En mars 2008, la Cour constitutionnelle fédérale refusa d’examiner les recours constitutionnels introduits par Springer contre les décisions judiciaires en question.
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Jurisprudence mettre les autres recours constitutionnels formés par les requérants concernant la même photo et une photo similaire publiée dans Frau Aktuell. Griefs et procédure
Springer se plaignait, sur le terrain de l’article 10, de l’interdiction de publier à nouveau les articles litigieux. La princesse Caroline et le prince Ernst August von Hannover dénonçaient, sous l’angle de l’article 8, le refus des juridictions allemandes d’interdire toute nouvelle publication des photographies litigieuses. Ils alléguaient en particulier que les tribunaux internes n’avaient pas suffisamment tenu compte de l’arrêt rendu par la Cour européenne en 2004 en l’affaire Caroline von Hannover c. Allemagne. La requête en l’affaire Axel Springer AG a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 18 août 2008. L’affaire Von Hannover c. Allemagne (n°2) a pour origine deux requêtes introduites respectivement les 22 août et 15 décembre 2008 et jointes le 24 novembre 2009. Le 30 mars 2010, la chambre à laquelle les trois affaires avaient été attribuées s’est dessaisie au profit de la Grande chambre après avoir joint les trois requêtes. Une audience de Grande chambre dans ces deux affaires a eu lieu le 13 octobre 2010. Les organisations suivantes ont été autorisées à présenter des observations écrites : Dans les deux affaires : Media Lawyers Association, Media Legal Defence Initiative, International Press Institute, World Association of Newspapers and News Publishers. Dans l’affaire Von Hannover (n°2) : Association des éditeurs de presse allemands (Verband Deutscher Zeitungsverleger) Maison d’édition Ehrlich & Sohn GmbH & Co. KG. Décision de la Cour
Axel Springer AG Il ne prête pas à controverse entre les parties que les décisions judiciaires allemandes rendues en l’espèce ont constitué une ingérence dans le droit de Springer à la liberté d’expression, tel que garanti par l’article 10 de la Convention. Il n’est pas contesté non plus que l’ingérence était prévue par la loi allemande et poursuivait un but légitime, à savoir la protection de la réputation d’autrui. Pour ce qui est de savoir si l’ingérence était nécessaire dans une société démocratique, la Cour note que les articles litigieux portent sur l’arrestation et la condamnation d’un acteur, c’est-à-dire sur des faits judiciaires publics dont le public a un intérêt à être informé. Il revient en principe au juge interne d’apprécier le degré de notoriété d’une personne, surtout lorsque celle-ci, comme l’acteur en question, est principalement connue au niveau national. La cour d’appel a conclu que le rôle de commissaire de police joué par l’acteur pendant longtemps l’avait rendu célèbre et très populaire. La Cour estime donc qu’il était suffisamment connu pour être qualifié de personnage public, un élément qui renforce l’intérêt du public à être informé de son arrestation et de la procédure pénale le concernant. Si elle souscrit pour l’essentiel à l’analyse du juge allemand selon laquelle l’intérêt de Springer à la publication des articles litigieux tenait uniquement au fait que l’acteur était l’auteur d’une infraction qui, si elle avait été commise par un inconnu, n’aurait probablement jamais fait l’objet d’un reportage, la Cour rappelle que l’arrestation de l’acteur a eu lieu en public, au cours de la fête de la bière à Munich. De plus, l’espérance pour l’acteur de voir sa vie privée effectivement protégée était réduite par le fait qu’il avait auparavant révélé des détails sur sa vie privée dans un certain nombre d’interviews. Selon la déclaration de l’un des journalistes concernés, dont la véracité n’a pas été contestée par le gouvernement allemand, les informations publiées dans Bild en septembre 2004 concernant l’arrestation de l’acteur avaient été obtenues de la police et du parquet de Munich. Elles avaient donc une base factuelle suffisante, et les parties n’en contestent pas la véracité. Rien n’indique que Springer n’ait pas mis en balance son intérêt à publier l’information et le droit de l’acteur au respect de sa vie privée. Ayant obtenu la confirmation des informations par les autorités de poursuite, Springer n’avait pas de raisons suffisamment fortes de croire qu’elle devait
préserver l’anonymat de l’acteur. Il n’a donc pas été démontré qu’elle a agi de mauvaise foi. A cet égard, la Cour note également que toutes les informations révélées par Springer le jour de la publication du premier article ont été confirmés par le procureur à d’autres magazines et chaînes de télévision. La Cour observe en outre que les articles n’ont pas révélé de détails de la vie privée de l’acteur, mais ont principalement porté sur les circonstances de son arrestation et l’issue de son procès. Ils ne comportaient aucune expression injurieuse ni aucune allégation dépourvue de base factuelle et le Gouvernement n’a pas démontré que la publication des articles a eu de réelles répercussions sur l’acteur. Bien que légères, les sanctions imposées à Springer ont pu exercer un effet dissuasif sur elle. La Cour conclut que les restrictions imposées à Springer n’étaient pas raisonnablement proportionnées au but légitime de la protection de la vie privée de l’acteur. Il y a donc eu violation de l’article 10. Von Hannover (n°2) La Cour n’est pas appelée à examiner si l’Allemagne a satisfait à ses obligations en ce qui concerne l’exécution de l’arrêt Caroline von Hannover rendu par elle en 2004, cette tâche incombant au Comité des ministres du Conseil de l’Europe(1). La présente affaire ne porte que sur de nouvelles procédures engagées par les requérants. La Cour relève les modifications apportées, suite à l’arrêt Von Hannover de 2004, par la Cour fédérale de justice à sa jurisprudence antérieure. Cette juridiction a notamment souligné qu’il faut attacher de l’importance à la question de savoir si le compte rendu médiatique litigieux contribue à un débat factuel et si son contenu va au-delà d’une simple volonté de satisfaire la curiosité du public. A cet égard, elle a indiqué que plus la valeur de l’information pour le public est grande, plus l’intérêt d’une personne à être protégée contre sa diffusion doit céder le pas et vice versa, et que l’intérêt des lecteurs à être divertis a en règle générale un poids inférieur à celui de la protection de la sphère privée. La Cour constitutionnelle fédérale a confirmé ce raisonnement. Le fait que la Cour fédérale de justice allemande a apprécié la valeur informative de la photo litigieuse - la seule qu’elle n’avait pas interdite en référé - à la lumière de l’article l’accompagnant ne prête pas le flanc à la critique au regard de la Convention. La Cour peut accepter que cette photo, considérée à la lumière des articles l’accompagnant, a apporté, au moins dans une certaine mesure, une contribution à un débat d’intérêt général. La qualification donnée à la maladie du prince Rainier d’événement de l’histoire contemporaine par les juridictions allemandes ne peut passer pour déraisonnable. Il n’est pas sans intérêt de relever que le juge allemand a interdit la publication de deux autres photos montrant les requérants dans des circonstances comparables, précisément au motif que leur publication ne servait qu’à des fins de divertissement. Par ailleurs, indépendamment de la question de savoir dans quelle mesure la princesse Caroline assume des fonctions officielles pour le compte de la principauté de Monaco, on ne saurait prétendre que les requérants, compte tenu de leur degré de notoriété incontestable, sont des personnes privées ordinaires. Ils doivent être considérés comme des personnes publiques. Les juridictions allemandes ont conclu que les requérants n’avaient apporté aucune preuve que, comme ils l’alléguaient, les photos avaient été prises dans un climat de harcèlement général ou clandestinement. Dans les circonstances de l’espèce, la question de savoir comment les photos avaient été prises ne commandait pas un examen plus approfondi par le juge, faute d’indications pertinentes de la part des requérants. En conclusion, les juridictions nationales ont procédé à une mise en balance circonstanciée du droit des sociétés d’é dition à la liberté d’expression avec le droit des requérants au respect de leur vie privée. Ce faisant, elles ont expressément tenu compte de la jurisprudence de la Cour, notamment de l’arrêt rendu par elle en 2004 en l’affaire Von Hannover c. Allemagne. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 8. Article 41 (satisfaction équitable)
La Cour dit que l’Allemagne doit verser à Axel Springer AG 17 734,28 euros (EUR) pour dommage matériel et 32 522,80 EUR pour frais et dépens.
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Ile-de-France
Recrutement des jeunes Favoriser l’embauche d’un jeune en alternance
epuis le 1er mars 2011, dans le cadre de la mobilisation pour l’emploi, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé a mis en place un nouveau dispositif pour favoriser le recrutement des jeunes par la voie de l’alternance. Ainsi, le préfet des Yvelines informe les entreprises que pour toute embauche supplémentaire d’un jeune en alternance, réalisée avant le 30 juin 2012, les entreprises de moins de 250 salariés
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pourront bénéficier, d'une aide financière de l’Etat, qui se traduit par une compensation des charges patronales pendant un an. Cette mesure concerne aussi bien les contrats d'apprentissage que les contrats de professionnalisation pour les jeunes de moins de 26 ans. Pour en bénéficier, une démarche simplifiée a été mise en place, le formulaire est téléchargeable sur le site de pôle-emploi www.pole-emploi.fr
Les Annonces de la Seine - lundi 13 février 2012 - numéro 12
Pour en savoir plus, les renseignements sont consultables sur :
- www.emploi.gouv.fr, www.alternance. emploi. gouv.fr les sites dédiés aux politiques de l’emploi et de la formation professionnelle, - www.net-entreprises.fr le portail des déclarations sociales. Source : Communiqué du Préfet des Yvelines du 13 février 2012. 2012-126
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Décoration
Caroline Toby, Chevalier du Mérite Paris - 7 février 2012
e mardi 7 février, dans la salle haute de la Bibliothèque de l'Ordre des Avocats à la Cour de Paris, Francis Szpiner a remis à sa consoeur et associée les insignes de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite, de nombreuses personnalités, au premier rang desquelles François Baroin, Ministre de l'Economie, se sont retrouvées pour cette cérémonie émouvante au cours de laquelle l'Officiant s'est notamment exprimé en ces termes : (…) Votre gentillesse naturelle dissimule à merveille votre autorité et votre volonté de faire. Il ne faut pas s’y méprendre, il y a du Margaret Thatcher en vous. Vous avez fait vôtre cette phrase de Las Cases : « Il faut chercher dans le doute et agir avec la foi. » Associée, vous tenez à démontrer votre volonté d’être utile. Vous décidez de vous présenter au Conseil de l’Ordre après 7 ans de barreau. Vous serez élue, j’allais dire bien sûr ! Elue, et bien élue, dès votre première tentative en 2001, et vous siègerez au Conseil sous le bâtonnat de Francis Teitgen et de Paul-Albert Iweins. Vous êtes partout : au cabinet, en prison, dans les prétoires, à l’Ordre, dans votre famille. (…) De votre passage au Conseil, je n’ai recueilli que des échos flatteurs. Et beaucoup se souviennent encore avec émotion du voyage que vous avez organisé à Essaouira. Le Maroc, toujours ! En 2003, vous obtenez le prix Taittinger, ce qui est votre manière de vous faire pardonner de ne pas avoir sérieusement présenté le concours de la Conférence. Vous êtes heureuse d’e xercer le métier que vous aimez. Vous le faites avec rigueur et passion. Vous le faites aussi avec une force de caractère qui force mon admiration. Je me souviens vous avoir vue traverser la foule hostile, lors du procès du Temple Solaire, et avancer imperturbable sous les insultes, faisant rempart pour protéger Michel Tabachnik, qui sera finalement relaxé ! J’ai pu mesurer votre force d’âme au moment de la douloureuse affaire d’Ilan Halimi. J’admire votre profonde humanité, l’attention que vous portez aux autres, la manière dont vous savez redonnez espoir et confiance. Que le dossier concerne un simple quidam ou un ancien ministre, un gamin des cités ou un PDG, vous êtes la même, attentive, apaisante, disponible. Vous avez beaucoup vu : la bassesse avec l’affaire Baudis, côtoyé dans l’épreuve les puissants, qu’ils soient Président ou Premier ministre.
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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
C
Francis Szpiner et Caroline Toby Vous avez l’art de désarmer l’agressivité, de concilier, de rassembler. Vous avez ce talent qui me laisse rêveur : je ne vous connais ni ennemi, ni détracteur ! Vous cultivez la discrétion, c’e st une qualité appréciée de nombreux clients. C’est pour ça, sans doute, que vous avez Free. Vous avez tout compris ! C’est sans tapage que vous vous investissez dans la vie de la cité, membre de la LICRA, membre du Comité directeur de l’Association des avocats pénalistes présidé par Corinne Dreyfus-Schmidt, car vous savez que l’avocat doit veiller à la défense des droits. Vous avez la volonté de servir notre profession pour lui rendre ce qu’elle vous a donné ! Vous êtes une associée rêvée et tous ceux que vous avez formés vous en sont reconnaissants. Vous m’avez dit : j’ai la chance d’e xercer le métier que j’aime ! Je vous comprends. Nous avons le plus beau métier du monde ! Mais ce qui me rend le plus admiratif, c’est votre sens de l’équilibre : vous savez mener de front une vie professionnelle et familiale réussie. C’est qu’être mère de famille et avocat pénaliste est toujours difficile à concilier. Les audiences qui finissent dans la nuit, les gardes à vue aux aurores, les déplacements plusieurs jours en province sont monnaies courantes ! Vous avez réussi la quadrature du cercle. Ne manquer ni à ses obligations professionnelles, ni à ses obligations familiales. Je sais ce que je dois à mon épouse Scarlett, à ma fille Clara-Bella. Notre métier exige l’équilibre. Le vôtre, c’est Alex, Ilan, Abel et Solal.
Alex d’abord. Lui aussi mène une vie professionnelle intense, heureuse. Mais il trouve toujours le moyen de vous faciliter la vie. Vous êtes retenue une semaine aux Assises d’Aixen-Provence. Alex gère. Vous êtes retenue presque deux semaines à Rennes. Alex gère. Le partage des tâches est bien rare. Et cette décoration récompense certes votre personne, mais elle distingue toute une famille. Ma Chère Caroline, Vous êtes une avocate exemplaire. Votre droiture, votre courage, votre dévouement, votre passion de la défense, contribuent à la garantie d’une bonne justice, qui ne peut exister que si la défense est forte et respectée. Il était donc naturel que la République récompense votre talent ! Spécialisée en droit pénal, Caroline Toby est reconnue par ses pairs pour sa clairvoyance ; cette jeune avocate, discrète et efficace, ne doit sa réussite professionnelle qu'à son courage et à son pragmatisme. Son ouverture d'esprit et sa droiture reflètent son sens de l'engagement et de l'honneur. Nous adressons nos chaleureuses félicitations à celle qui est appréciée tant pour sa haute exigence éthique que pour l'amour qu'elle porte à sa famille. Jean-René Tancrède
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