LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 20 février 2012 - Numéro 14 - 1,15 Euro - 93e année
Cour des comptes
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Rapport public annuel
VIE DU CHIFFRE
Cour des comptes
2 AGENDA ......................................................................................5 CHRONIQUE
Etre maître de sa souveraineté par Didier Migaud..............................
La spécificité du produit net bancaire
par François Schwerer..........................................................................
VIE DU DROIT
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Ordre des Avocats à la Cour d’Appel de Caen 23ème concours international de plaidoiries 2ème concours de plaidoiries des élèves avocats .............................. La médiation face à l’action judiciaire................................ Cercle de la Médiation .............................................................
DROIT SOCIAL
Congés payés
par Jacques Brouillet........................................................................
JURISPRUDENCE
Hébergement d'urgence des personnes sans-abri Conseil d’Etat - ordonnance du 10 février 2012 - n°356456 - M. A.....
AU FIL DES PAGES
11 12 12 11 13
Croquis et dessins d’audience de l’Affaire Caillaux .......14
ANNONCES LEGALES ...................................................15 ADJUDICATIONS .....................................18, 19 et 22 ILE-DE-FRANCE Préfecture des Yvelines ...........................................................24
’édition 2012 du rapport public annuel de la Cour des comptes a été présentée le 8 février dernier par le Premier Président Didier Migaud. Ce document rassemble 44 contributions issues du travail de magistrats, rapporteurs extérieurs et experts de la Cour et des chambres régionales des comptes, qui ont été coordonnées par le rapporteur général, Jean-Marie Bertrand. Comme chaque année depuis 2006, ce rapport a d’abord analysé la situation des finances publiques. Si le Premier Président de la juridiction financière a qualifié d’encourageant l’effort engagé de réduction du déficit structurel, c’est-à-dire corrigé des effets de la crise économique, qui a représenté environ 0,5 point de PIB en 2011, il a cependant estimé qu’« il aurait fallu le double pour s’inscrire dans le processus de redressement ». En effet, « à ce rythme, dix ans seront nécessaires pour revenir à l’équilibre, au lieu des cinq préconisés par la Cour. » Ainsi, même inférieur à sa prévision de 5,7% du PIB, et moindre qu’en 2009 et 2010, le niveau du déficit total de 2011 demeure trop élevé pour déclencher une diminution du montant de la dette publique qui avoisinait 85% du PIB en décembre dernier. Dans le contexte économique actuel, « le redressement doit donc être conduit aussi vite que possible et selon un programme détaillé, crédible, fondé sur des hypothèses réalistes, condition essentielle de la confiance ».
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« A défaut, notre pays demeurera exposé à un risque d’augmentation des taux d’intérêt de la dette qui priverait notre Etat de toutes ses marges de manœuvre budgétaires, déjà plus que sérieusement entamées. » a ainsi estimé Didier Migaud. Le Premier Président de la Cour a d’ailleurs souligné que « les pays qui réussissent le mieux aujourd’hui sont ceux qui ont engagé le plus tôt le redressement de leurs comptes publics ». Pour contribuer à cette amélioration indispensable de nos finances publiques, la question de la maîtrise des dépenses demeure essentielle. Les « sages de la rue Cambon » recommandent notamment de réduire fortement les dépenses fiscales, c'est-à-dire les mesures dérogatoires au versement de l’impôt, « qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, au regard de leur coût ». Cette édition 2012 donne par ailleurs une large place au suivi des recommandations de la Cour des comptes dont 72,5 % ont été totalement ou partiellement prises en compte : la gestion des juridictions administratives a par exemple été sensiblement améliorée, de même que le statut du Conseil des Ventes Volontaires de meubles aux enchères publiques a été précisé et ses pouvoirs renforcés. Jean-René Tancrède
J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
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Vie du chiffre
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par Didier Migaud
Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05
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Didier Chotard Frédéric Bonaventura
Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 480 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS
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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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’abord, compte tenu des circonstances actuelles, je souhaite préciser devant vous le message de la Cour sur les finances publiques. Ensuite, je vous présenterai le reste du rapport, en insistant sur le suivi de certaines recommandations de la Cour, qui conduisent le plus souvent à des réorganisations administratives. Et j’aborderai cinq thèmes proches des préoccupations des Français, auxquels la Cour apporte un éclairage particulier : l’emploi et la cohésion sociale, la lutte contre la fraude, la santé, l’enseignement supérieur et la recherche, enfin, l’action publique dans les territoires.
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Didier Migaud
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Etre maître de sa souveraineté
I. Finances publiques et sujets associés Analyse des finances publiques Il y a un mois, à l’occasion de la séance solennelle de début d’année, j’ai rappelé quatre orientations et principes fondamentaux à l’aune desquels la Cour examine la situation des finances publiques, et qu’elle a clairement dégagés dans ses précédentes publications : - le premier est qu’il faut que notre pays s’éloigne aussi rapidement que possible de la zone dangereuse dans laquelle il est entré, en raison de son niveau d’endettement ; - le deuxième est qu’il importe d’assurer la crédibilité des engagements de la France en matière de finances publiques, ce qui suppose de préciser le plus possible les modalités retenues pour les tenir ; - le troisième est que les déficits récurrents de nos régimes de protection sociale, sans équivalent dans les autres pays d’Europe, sont des anomalies et doivent être éliminés ; - enfin, le dernier est que l’effort de redressement doit concerner toutes les entités publiques - Etat, sécurité sociale, collectivités territoriales - et à la fois les dépenses et les recettes, mais davantage les dépenses que les recettes, en raison du niveau déjà atteint par les prélèvements obligatoires dans notre pays. L’objectif n’est pas d’assurer l’équilibre budgétaire pour lui-même. L’enjeu fondamental est que nous puissions rester maîtres de nos décisions, et en définitive du destin de notre pays. Permettez-moi de rappeler cette phrase de Paul Valéry : « La plus grande liberté naît de la plus grande rigueur ». Bien des peuples en Europe le mesurent aujourd’hui. Pour rester maître de sa souveraineté, un pays doit être maître de ses finances publiques. Comme chaque année depuis 2006, la Cour analyse au début de son rapport la situation des finances publiques. Elle s’appuie, pour l’exercice 2011, sur des données encore provisoires, susceptibles d’être révisées. Elle livrera un audit complet sur les finances publiques et leur évolution en juin, au lendemain des élections législatives, dans son rapport au Parlement sur
la situation et les perspectives des finances publiques. En juin dernier, la Cour avait à nouveau relevé l’importance du déficit structurel de la France, c'est-à-dire le déficit corrigé de l’impact des variations conjoncturelles, autrement dit, corrigé des effets de la crise économique. Nous avions conclu que la crise expliquait de l’ordre du tiers du déficit de 2010. Il était, pour le reste, donc pour l’essentiel, de nature structurelle. Ce déficit structurel représentait 5% du PIB en 2010, c'est-à-dire bien davantage que la moyenne des pays européens. Traduit en euros, le déficit structurel s’élève à environ 100 Md€, puisque notre PIB est de l’ordre de 2 000 Md€. Notre pays est entré dans la crise avec un déficit structurel qui était déjà de 3,7% du PIB en 2007, comme un marathonien entrerait dans sa course lesté d’un sac de pierres ; il n’en est pas encore délesté. Pendant plus de trente ans auparavant, le déficit public avait presque toujours été supérieur aux moyennes communautaires, quel que soit le gouvernement en place, y compris pendant les périodes de reprise de la croissance. Dans ses précédents rapports, la Cour a montré la nécessité de faire disparaître ces cinq points de déficit par un effort structurel de redressement, suffisamment rapide et vigoureux, d’un point de PIB par an, soit 20 Md€ par an pendant cinq ans. Analysant les résultats provisoires de l’année 2011, la Cour confirme, dans le présent rapport, qu’un effort de réduction du déficit structurel a été engagé. Alors qu’il avait été quasi-nul en 2010, cet effort structurel a représenté environ 0,5 point de PIB en 2011. Ce résultat est encourageant, mais il aurait fallu le double pour s’inscrire dans le processus de redressement dont la Cour a montré la nécessité. A ce rythme, il faudrait dix ans pour revenir à l’équilibre, au lieu des cinq préconisés par la Cour. Un élément nouveau de l’année 2011 a été le ralentissement de la dépense. Sur la base de son analyse, la Cour conclut que la dépense publique a augmenté de 1,4% en volume. Sur la période qui va de 2000 à 2010, elle avait cru en moyenne de 2,2% par an. Toutefois, ce rythme ralenti de la dépense publique a peu contribué à la réduction du déficit structurel, puisque
Les Annonces de la Seine - lundi 20 février 2012 - numéro 14
Vie du chiffre l’accroissement de la dépense a encore été du même ordre que la croissance du PIB. En fait, la quasi-totalité de l’amélioration structurelle a reposé en 2011 sur les hausses de prélèvements obligatoires, qui ont apporté 11,5 Md€ de mesures pérennes, soit 0,6 point de PIB. Selon les annonces les plus récentes du Gouvernement, le déficit total de 2011 serait inférieur à sa prévision, qui était de 5,7% du PIB. Dans son rapport de juin, la Cour n’avait pas mis en doute la possibilité pour le Gouvernement de respecter un tel objectif, voire de faire mieux. Il est cependant encore trop tôt, à ce stade, pour connaître précisément le niveau du déficit public, compte tenu des incertitudes importantes qui entourent encore les comptes des administrations publiques et l’estimation du niveau du PIB en 2011. En toute hypothèse, ce niveau de déficit, même un peu inférieur à 5,7% et moindre qu’en 2009 et 2010, demeure trop élevé. Cela signifie que 110 Md€ de dépenses n’ont pas été couvertes par des recettes, soit, par exemple, l’équivalent de l’ensemble des dépenses du budget de l’Etat effectuées pour l’enseignement scolaire, la justice et la défense.
Avec un tel déficit, le montant de la dette publique continue d’augmenter à un rythme dont la prolongation serait difficilement soutenable : fin 2011, la dette publique avoisinait 85% du PIB. En Allemagne, ce même ratio, a commencé à refluer. Alors qu’il était, il y a quelques années, un peu plus élevé que celui de la France, il se situe désormais en-dessous. En Italie, la dette s’élève à 120% du PIB mais le déficit est mieux maîtrisé, il serait de 4,0% en 2011. La Belgique connaîtrait un déficit de 3,6 du PIB, les Pays-Bas de 4,3%. La Suède quant à elle serait en excédent de 0,9% du PIB pour une dette de 36% du PIB. Percevons bien aussi que les étapes qu’il nous reste à franchir pour la réduction de notre déficit structurel seront à la fois plus importantes et plus difficiles que celle déjà accomplie. Après la réduction de l’ordre de 0,5 point de PIB du déficit structurel en 2011, la réduction programmée en 2012 par la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale est de l’ordre de 1,25 point. Au total, si ce dernier objectif est atteint, ce ne serait pourtant que 1,75 point de déficit structurel qui aurait été résorbé, sur les 5 points que j’évoquais, ce qui
REPÈRES
La politique d’aide aux victimes d’infractions pénales Les droits de la victime ont considérablement évolué depuis les années 1980, la loi lui a notamment donné une place au sein du procès pénal. Des victimes insuffisamment connues et peu au fait de leurs droits a faiblesse des dépôts de plaintes, accentuée par l’absence de définition juridique de la victime en droit français, et par l’hétérogénéité des outils statistiques, conduisent à une évaluation insuffisante du nombre de victimes. Face à l’empilement et la multiplicité des textes les concernant, souvent indirectement, les victimes peinent à connaître leurs droits. Bien que ses droits se soient consolidés, la victime rencontre, en particulier dans la phase d’exécution des peines, des difficultés, notamment pour obtenir l’indemnisation et accéder à l’information relative au suivi pénal de l’auteur de l’infraction.
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Un accompagnement confié à un réseau associatif vulnérable Pour pallier la complexité des dispositions juridiques et des procédures judiciaires, le ministère de la Justice a confié au secteur associatif l’accompagnement des victimes, en contrepartie de subventions. Un réseau de près de 180 associations contribue à la définition et à l’animation de la politique d’aide aux victimes. Ce réseau présente néanmoins des vulnérabilités, liées aux incertitudes quant à la situation financière des associations. Elles sont dépendantes de différents bailleurs de fonds insuffisamment
coordonnés, et leur maillage territorial est incomplet et inégal. L’animation générale du réseau, malgré la signature de contrats pluriannuels d’objectifs entre les cours d’appel et les associations est faible et l’évaluation systématique de la qualité du réseau relève de la compétence des magistrats délégués à la politique associative, mais ceux-ci ne consacrent à l’aide aux victimes que 5 à 15% de leur temps compte tenu de leur charge de travail, ce qui est largement insuffisant. Un accès inégal à la réparation La réparation des dommages causés peut se faire par le tribunal pénal, si l’auteur des faits est identifié, jugé et solvable ou par l’Etat, sous certaines conditions, mais elle reste aléatoire. En l’absence de barèmes harmonisés, le niveau d’indemnisation peut varier considérablement selon les juridictions. En outre, la victime doit faire l’avance de charges dont la récupération est incertaine. Le dispositif d’indemnisation par l’Etat est relativement complet et efficace. La création en 2008, du service d’aide au recouvrement des victimes d’infraction (SARVI) a facilité l’accès à des avances au bénéfice des victimes, sans que celles-ci aient à engager des procédures complexes. Le fonds de garantie des victimes du terrorisme et d’autres infractions joue le rôle de débiteur complémentaire pour
assurer la réparation intégrale des victimes, mais sa situation financière reste incertaine. Recommandations La Cour recommande : - Dans le domaine de la connaissance des victimes, de procéder régulièrement à des enquêtes conduites par le ministère de la Justice. - Dans le domaine de l’accompagnement : . de procéder à l’évaluation régulière de la qualité des services rendus par les associations ; . de mesurer l’activité des magistrats délégués à la politique associative dans le domaine de l’aide aux victimes ; . de mieux définir les actions des associations qui relèvent de l’accompagnement strictement judiciaire ; . d’évaluer la situation financière des associations pour s’assurer de la pérennisation de leurs actions ; . de relancer la coopération interministérielle, et de s’assurer de la visibilité et de l’emploi de la totalité des financements publics destinés aux associations. - Dans le domaine de l’indemnisation : . de faciliter la demande d’indemnisation des victimes, en améliorant leur information sur les démarches à entreprendre ; . de proposer des barèmes de référence pour l’indemnisation des victimes en vue d’éviter les trop grandes disparités d’indemnisation.
signifie que la plus grande part du chemin restera à parcourir en 2013 et 2014. Ce message, la Cour le renouvelle pour que chacun en prenne la mesure. C’est d’ailleurs au cours des deux années à venir que doit être accompli l’essentiel de l’effort de redressement des comptes publics, selon le programme de stabilité remis à la Commission européenne. Il prévoit un déficit public de 4,5% en 2012 et de 3% en 2013. Les prévisions sur lesquelles est fondé ce programme reposent sur le cumul d’hypothèses favorables et les moyens qui seront mis en œuvre pour assurer la maîtrise des dépenses sont insuffisamment explicités. La Cour avait jugé en juin trop optimiste les hypothèses de croissance retenues pour 2012 et les années suivantes. Le Gouvernement les a progressivement réduites depuis septembre, notamment pour 2012. Cette prévision vient encore d’être révisée, ce qui est plus conforme à l’analyse de la Cour et confirme, si besoin en était, que les budgets doivent être préparés à partir d’hypothèses suffisamment prudentes. Dans le présent rapport, la Cour met en évidence l’impossibilité de mobiliser, pour ajuster le niveau des dépenses à la diminution des recettes en conséquence de la révision de la croissance, la totalité de la réserve de précaution, car celle-ci correspond, pour une grande part, à des dépenses obligatoires de l’Etat. Le projet de loi de finances rectificative conforte ce constat : seule une partie de cette réserve a pu être mobilisée et d’autres mesures ont dû être trouvées. Cette opération a par ailleurs pour conséquence que presque toutes les marges de gestion du budget 2012 ont désormais disparu. Ce que souligne aussi le rapport, c’est que la question de la maîtrise des dépenses demeure essentielle. Le Gouvernement s’est fixé pour 2012 un objectif de limitation de la croissance de la dépense publique à 0,8%, ce qui constitue une inflexion supplémentaire. Certaines dépenses de l’Etat, notamment sa masse salariale, pourraient cependant se révéler plus élevées que prévu. Pour respecter l’objectif fixé, les dépenses des collectivités locales doivent aussi ralentir, ce qui n’est pas certain. Des mesures complémentaires pourraient être nécessaires en cours d’année. Le solde primaire en 2012, c'est-à-dire après versement des intérêts de la dette, demeurerait négatif en France, de 1,7% du PIB, alors qu’en Allemagne, il serait positif à hauteur de 1,3% du PIB. La décroissance du ratio de dette sur PIB de l’Allemagne se poursuivrait donc, revenant à 81% du PIB, alors que la dette française poursuivrait encore son augmentation, à presque 90% du PIB. L’ajustement doit donc se poursuivre. La mobilisation de nouvelles recettes atteignant ses limites, le volet des dépenses devrait apporter une contribution beaucoup plus importante au redressement des comptes publics. La limitation de la croissance des dépenses à 0,2% en volume en 2013, prévue par l’actuel programme de stabilité, constituerait un effort très important. Il implique inévitablement la réduction de la dépense publique dans certains domaines qu’il convient d’identifier. Les mesures envisagées pour l’atteindre doivent être explicitées. Le recours à des règles générales relatives à la dépense publique ou à la réduction des effectifs
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L’incertitude et l’absence de visibilité sont les ennemies de l’investissement et de l’initiative, donc de la croissance. Un redressement rapide est en tout état de cause moins lourd de conséquences qu’une poursuite Myriam Picot de l’endettement.
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ne suffiront pas à cet effort sur la dépense. L’application d’un rabot uniforme par type de dépenses n’est pas recommandée par la Cour. L’effort doit être ciblé : les dépenses inefficaces doivent être identifiées et réduites voire supprimées. A lui seul, l’Etat finance aujourd’hui plus de 1 300 dispositifs d’intervention. Qui peut dire qu’il n’y en a pas d’inutiles ? La mise en œuvre d’une revue triennale des politiques publiques, le développement de l’é valuation des politiques publiques permettraient de faire porter les efforts sur l’argent public mal dépensé en préservant les dépenses essentielles. La Cour contribue à ce travail et continuera à le faire. Cet effort devra pleinement concerner les collectivités locales, ainsi que les dépenses de protection sociale, ces secteurs ayant été jusqu’ici relativement moins concernés par la maîtrise des dépenses que l’Etat et ses opérateurs. Certes, les finances locales pèsent peu dans la dégradation globale des finances publiques et leur endettement apparaît dans l’ensemble bien maîtrisé. Toutefois, dans beaucoup de collectivités, la dynamique des dépenses locales retient l’attention : si l’on écarte les transferts de compétence, elles ont augmenté en volume chaque année de 3,6% en moyenne entre 1999 et 2009. Symétriquement, la fiscalité locale a augmenté elle aussi pour suivre la progression des dépenses : les prélèvements obligatoires locaux sont ainsi passés de 4,9 à 6,2% du PIB entre 2002 et 2009. Même s’il a connu une inflexion en 2010, la poursuite d’un tel rythme n’apparaît pas compatible avec la poursuite de l’effort structurel de redressement, qui impose de recourir le moins possible à de nouvelles recettes et de ralentir nettement la progression des dépenses publiques. La masse salariale constitue un facteur important de croissance de la dépense qui devrait être davantage maîtrisé. Le chapitre du présent rapport sur la gestion prévisionnelle des ressources humaines dans les collectivités locales illustre les bénéfices que peuvent tirer celles-ci d’une meilleure adéquation entre besoins et ressources humaines. Une meilleure articulation entre les moyens dont disposent les communes et ceux dont disposent les structures intercommunales pourrait être recherchée. Des contraintes fortes doivent aussi peser sur les dépenses de sécurité sociale. Elles représentent 46% des dépenses publiques et ne peuvent plus être financées à crédit. Ces dépenses continuent d’augmenter à un rythme trop rapide qui exclut le retour à l’équilibre avant un terme très éloigné. Mettre en œuvre des
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réformes structurelles pour infléchir durablement la progression des dépenses sociales, sans remettre en cause la qualité de la protection sociale, est un impératif premier et essentiel. Cet effort doit porter en priorité sur l’assurance maladie. Ce n’est en effet que par des mesures d’une ampleur à la hauteur des enjeux qu’elle représente que sera préservé le haut degré de protection sociale de notre pays. Dans le contexte économique actuel, marqué par des incertitudes et des inquiétudes, il importe d’assurer, de façon rapide, crédible et documentée, la résorption du déficit structurel. A défaut, notre pays demeurera exposé à un risque d’augmentation des taux d’intérêt de la dette qui priverait notre Etat de toutes ses marges de manœuvre budgétaires, déjà plus que sérieusement entamées. Le redressement doit donc être conduit aussi vite que possible et selon un programme détaillé, crédible, fondé sur des hypothèses réalistes, condition essentielle de la confiance. L’incertitude et l’absence de visibilité sont les ennemies de l’investissement et de l’initiative, donc de la croissance. Un redressement rapide est en tout état de cause moins lourd de conséquences qu’une poursuite de l’endettement. Les pays qui réussissent le mieux aujourd’hui sont ceux qui ont engagé le plus tôt le redressement de leurs comptes publics. Il faut bien entendu l’assortir de mesures de nature à renforcer la compétitivité du pays et assurer un juste partage des efforts.
Dépenses fiscales Pour contribuer à ce redressement, la Cour recommande depuis plusieurs années la réduction des dépenses fiscales, c'est-à-dire des mesures dérogatoires au versement de l’impôt. Elle avait formulé en 2011 des recommandations dont elle assure cette année le suivi, dans le tome 2 du présent rapport public annuel. Le coût des dépenses fiscales recensées en 2010 était d’environ 73 Md€, soit presqu’un tiers des recettes fiscales nettes de l’Etat, en hausse de plus de 60% depuis 2004. S’y ajoutent des dépenses fiscales non recensées que la Cour a identifiées comme telles. La définition de ces dépenses fiscales a été précisée mais l’inventaire demeure incertain. Le chiffrage de leur coût est en moyenne plus robuste mais sous-estime leur croissance d’une année sur l’autre. Une règle a été établie en loi de programmation des finances publiques, pour stabiliser leur coût. Elle sera vraisemblablement respectée en 2011 et 2012, mais les mesures nouvelles de réduction procurent des gains qui sont pour l’essentiel neutralisés par la croissance spontanée des autres dépenses fiscales. La Cour recommande de réduire fortement le coût de ces niches en réduisant celles qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, au regard de leur coût. En 2013, les mesures votées par le Parlement, qui représentent 11 Md€ de réduction des niches par rapport à 2010, conduiront à une réduction du coût d’ensemble des niches de 5 Md€, puisqu’entre temps, le coût des niches fiscales a progressé. L’effort doit être amplifié, et viser une réduction de 15 Md€, car les rapports de la Cour comme ceux de l’Inspection générale des finances ont identifié de nombreuses niches dont l’inefficacité est avérée.
Niches outre-mer J’en prendrai un exemple qui figure dans le rapport public annuel : les défiscalisations dites « Girardin » en faveur de l’outre-mer. Le recours aux défiscalisations constitue depuis de nombreuses années une des voies privilégiée d’intervention de l’Etat en outre-mer. Au lieu d’investir directement, l’Etat accorde une réduction d’impôt à un particulier ou à une entreprise qui en tire un bénéfice fiscal. La Cour adresse de très sévères critiques à ce dispositif. En premier lieu, les résultats ne sont pas à la mesure des moyens engagés. Pour les investissements productifs, environ seulement 60% des réductions d’impôt reviennent aux entreprises d’outre-mer et 40% bénéficient aux seuls « contribuables-investisseurs », alors qu’ils ne courent presqu’aucun risque. En deuxième lieu, par la complexité de ces dispositions dérogatoires et l’absence d’agrément pour la majorité d’entre elles, les risques de fraude sont élevés. En effet, celles-ci sont difficiles à déceler et requièrent des moyens administratifs importants pour les réprimer, là encore source de coûts pour l’Etat. En troisième lieu, les effets sont souvent contraires à ceux recherchés. L’Etat s’en remet aux choix d’investissements des contribuables qui ne répondent pas toujours à l’intérêt économique des territoires d’outre-mer. Ainsi, des logements ne répondant pas aux besoins de la population, des surcapacités hôtelières, des flottes inutilisées de bateaux de plaisance ont été relevés. Le coût de ces niches a quasiment doublé de 2005 à 2010, passant de 0,7 à 1,2 Md€. Pour toute ces raisons, et dans le contexte très dégradé de nos finances publiques, la Cour préconise de supprimer les défiscalisations « Girardin ». Si le Gouvernement estime nécessaire de soutenir l’investissement productif et le logement social outre-mer, d’autres modes d’intervention, moins coûteux pour le budget de l’Etat, doivent être recherchés.
Banque de France Les questions de finances publiques sont inséparables des problématiques de financement de l’économie nationale, en particulier dans le contexte macroéconomique incertain que nous connaissons. La Banque de France a deux types d’activités : d’une part, elle joue un rôle essentiel en tant que banque centrale nationale et que composante de l’Eurosystème, notamment pour exécuter des décisions de politique monétaire prise par la Banque centrale européenne. D’autre part, elle mène une partie de ses activités pour son compte propre, notamment à travers la gestion d’un portefeuille de titres. Depuis 2004, la taille de son bilan a triplé et sa situation financière s’est améliorée considérablement. Elle a constitué des portefeuilles d’investissement qui sont sources de revenus financiers élevés et croissants. Ses bénéfices lui ont permis de distribuer à l’Etat 1,55 Md€ de dividendes à son actionnaire principal, l’Etat, en 2010. La Cour estime cependant que, dans l’univers financier incertain où elle se situe désormais, la gestion financière de la Banque devrait donner plus d’importance au long terme et à la sécurité par rapport à la rentabilité à court terme. Un exemple cité dans le rapport est celui de la vente d’un cinquième des réserves d’or, soit
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Vie du chiffre 589 tonnes, pour un produit de 9,2 Md€. Cette opération a été lancée en 2004, notamment pour que la Banque de France diversifie ses réserves mais aussi pour que les actifs en devises qu’elle constituerait, dégagent une rentabilité lui permettant d’augmenter le dividende servi à l’Etat. Dans le contexte où elle a été lancée, cette opération pouvait se justifier. Cependant, elle s’est échelonnée sur plusieurs années, jusqu’en 2009. La remontée considérable du cours de l’or n’a pas conduit la Banque à interrompre son programme de vente, comme l’ont fait d’autres banques centrales. L’objectif d’assurer à l’Etat un dividende élevé a donc conduit à une gestion patrimoniale qui n’est pas vraiment satisfaisante si l’on regarde le long terme. Sur la gestion de la Banque de France, la Cour constate des progrès intervenus à la suite de son rapport de mars 2005, jugé à l’époque sévère par la Banque. Mais son réseau territorial demeure trop étendu, avec une succursale par département et de nombreuses implantations infra-départementales. Elle dispose d’importants réservoirs de gains de productivité. Elle a par ailleurs continué à mener une politique salariale onéreuse, alors que ses agents bénéficient systématiquement de rémunérations supérieures à ceux du reste de la fonction publique, à poste équivalents. Le coût salarial moyen s’élève à 100 000 € par agent. La Cour recommande à la Banque de modérer les augmentations générales de salaires, d’accélérer la baisse des dépenses sociales et culturelles, d’améliorer la gestion du parc locatif et d’examiner la possibilité de ne pas remplacer deux départs à la retraite sur trois.
II. La Cour utile : suivi des recommandations J’en viens maintenant aux autres sujets du rapport. Cette année, nous avons prolongé une tendance forte du rapport annuel qui consiste à donner presque autant d’importance au suivi des recommandations de la Cour qu’aux nouveaux sujets d’investigations. Le suivi dans le temps des effets de nos contrôles est une priorité que traduit le contenu du tome 2 du présent rapport intitulé « les suites ». Vous y trouverez 20 sujets sur lesquels la Cour est revenue, deux ou trois ans après une première enquête, constater les suites données par les administrations à ses constats. Vous verrez que, sur de nombreux sujets, les recommandations de la Cour ont été entièrement suivies ou presque. J’en prendrai quatre exemples : - Les inspecteurs de l’académie de Paris, autrefois au nombre de 22, étaient nommés le plus souvent sans qualifications parmi les collaborateurs des ministres et rémunérés par l’éducation nationale pour des missions qu’ils n’exerçaient pas. A la suite des recommandations de la Cour, le corps a été supprimé et les inspecteurs de Paris ont soit quitté le service de l’Etat, soit sont devenus de vrais inspecteurs pédagogiques régionaux dont il faudra veiller à s’assurer qu’ils remplissent leurs fonctions. La Cour de discipline budgétaire et financière a par ailleurs sanctionné le 13 juillet 2011 deux responsables administratifs pour
leurs négligences dans la nomination et le suivi des membres de ce corps. - La gestion des juridictions administratives, c’est-à-dire des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, s’est très sensiblement améliorée. Ces progrès ont permis de faire face à un accroissement important du contentieux tout en réduisant le délais de jugement et en réduisant le stock de requêtes à traiter. - Le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a vu son statut précisé et ses pouvoirs renforcés. - La création d’un important syndicat intercommunal en Nouvelle-Calédonie a été accompagnée par la chambre territoriale des comptes. Sur d’autres sujets, qui sont les plus nombreux, la Cour a constaté que ses recommandations avaient été prises en compte mais encore insuffisamment suivies. C’est pourquoi elle « insiste ». J’en prendrai quelques exemples : - La réforme portuaire de 2008 était nécessaire : après le transfert, à la suite de la réforme de 1992, des dockers, il fallait traiter de la question des grutiers et des portiqueurs. - La mise en l’utilisation des crédits du Fonds social européen est meilleure, mais les financements sont trop dispersés pour que la stratégie du FSE soit lisible. - Sur les industries publiques d’armement, les restructurations engagées doivent être poursuivies. L’Etat doit veiller à bien conserver le contrôle effectif des nouvelles structures. - La Cour a examiné les grands chantiers culturels les plus récents mis en œuvre par le ministère de la Culture et relève que leur suivi administratif et financier a connu de nets progrès. Cependant, les résultats en termes de coûts et de délais sont médiocres : en moyenne, les objectifs de coûts sont dépassés de 25% et les retards sont supérieurs à 30 mois. La gestion de ces projets doit encore se professionnaliser, les programmations initiales doivent être plus réalistes et les arbitrages doivent intervenir à temps. - Le redressement financier de France Télévisions reste à consolider ; l’entreprise doit accélérer ses recherches d’é conomies et de synergies, notamment dans le secteur de l’information et des rédactions. - Le retard dont souffre le redressement du budget de la commune de Pont-Saint-Esprit dans le département du Gard met en évidence les limites actuelles du contrôle budgétaire assuré par les chambres régionales et territoriales des comptes, ce qui appelle des évolutions pour en renforcer l’effectivité. Pour chaque recommandation émise dans un rapport public de la Cour, un suivi est effectué après quelques années. Les résultats de ce suivi sont résumés dans un indicateur qui fait apparaître que 72,5% des recommandations émises sont totalement ou partiellement prises en compte. Cet indicateur a légèrement progressé depuis l’an dernier. Cela montre que les sujets sur lesquels la Cour constate une prise en compte insatisfaisante de ses recommandations sont minoritaires. Elle revient régulièrement sur ces sujets et alertera les citoyens et les décideurs publics aussi longtemps que nécessaire.
Agenda
SÉMINAIRE UIA
Gouvernance d’entreprise, regulation et litiges connexes du 26 février au 2 mars 2012 Whisltler Mountain - Canada Renseignements : 01 44 88 55 66 www.uianet.org
2012-145
6ÈME ÉDITION
Salon de l’Apprentissage à la CCI 2 et 3 mars 2012 Lyon Renseignements : 04 72 40 58 39 hussona@lyon.cci.fr
2012-146
COLLOQUE
L’expertise judiciaire : espace de compréhension 8 mars 2012 Cour de cassation - Paris 1er Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-147
18ÈME ÉDITION DU « SKIOPEN COQ D’OR »
La formule de détection des futurs champions du ski français du 28 au 31 mars 2012 Megève Renseignements : 01 47 10 08 30 aheger@revolutionr.com
2012-148
COLLOQUE DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE
Le marché intérieur II : les libertés de circulation 29 mars 2012 Cour de cassation - Paris 1er Renseignements : www.courdecassation.fr
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Vie du chiffre Le rapport vous présente quatre sujets pour lesquels la situation a peu ou pas évolué depuis les recommandations de la Cour, voire s’est détériorée. Je voudrais insister sur deux exemples : - Le régime des intermittents du spectacle connaît une dérive persistante. Les règles très favorables applicables aux intermittents n’ont pas évolué depuis 2007 et la situation financière du régime géré par l’assurance chômage est donc restée lourdement déficitaire : son déficit, d’1 Md€, représente comme en 2007 un tiers de celui de l’assurance chômage dans son ensemble au profit de 3% seulement des demandeurs d’emploi indemnisés. Des abus permettent à certains employeurs de dissimuler des emplois permanents sous des statuts d’intermittence. (…) - Enfin, un service unique de gestion des pensions des fonctionnaires de l’Etat a été créé comme la Cour l’avait préconisé mais il risque de voir ses missions doublonnées par le maintien de services des pensions dans les ministères, ce qui viderait de sa substance la réorganisation menée et empêcherait les économies d’emplois possibles. La Cour s’efforce d’être le plus utile possible dans ses travaux : elle n’est pas qu’un facteur de transparence au service de l’information du citoyen, elle est aussi un déclencheur et un accompagnateur de réformes. Elle s’efforce d’associer à ses constats et critiques des recommandations formulées en des termes les plus opérationnels possible. Son travail systématique de suivi des recommandations illustre aussi cette attention à être pleinement utile et constructive.
III. La Cour proche des préoccupations des citoyens : approche par thèmes La Cour ne choisit pas les sujets de ses travaux au hasard : elle les programme en fonction des risques qu’elle évalue dans la gestion des différentes administrations publiques, mais aussi en fonction des préoccupations des citoyens. Je vais l’illustrer en abordant cinq thèmes traités dans le rapport annuel de cette année.
L’emploi et la cohésion sociale Tout d’abord, les sujets de l’emploi et de la cohésion sociale qui préoccupent naturellement les Français. La Cour a relevé avec satisfaction que ses recommandations ont été suivies à travers la fusion des deux contrats existants en matière de reclassement professionnel qui étaient en concurrence l’un avec l’autre et tous deux insuffisamment ciblés sur les salariés les plus fragiles. Depuis la loi du 28 juillet 2011, le contrat de sécurisation professionnelle est devenu l’instrument unique d’accompagnement des reclassements, gérés par un seul opérateur : Pôle Emploi. Cependant, il n’est pas encore assez ciblé sur les personnes les plus éloignées de l’emploi, et le manque à gagner que le recours
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REPÈRES
Le régime des intermittents du spectacle : une dérive massive e régime d’indemnisation des intermittents du spectacle au titre du chômage s’entend de deux dispositifs distincts : - Le premier est financé par l’assurance chômage et géré par Pôle emploi. Il fait l’objet de deux annexes à la convention générale d’assurance chômage, l’annexe 8 relative aux techniciens et l’annexe 10 relative aux artistes du spectacle vivant. - Le second a été créé par l’Etat en 2004 pour les intermittents ne satisfaisant plus aux conditions d’accès aux annexes 8 et 10. Au cours des dix dernières années, la Cour a examiné à plusieurs reprises le régime d’indemnisation des intermittents du spectacle, mettant notamment en lumière le déséquilibre financier récurrent de ce dispositif ainsi que sa grande fragilité face aux comportements de fraude. La Cour avait également appelé une disparition du régime provisoire financé par l’Etat. Le contrôle de suivi récemment effectué montre que ces dérives se sont poursuivies.
L
Un déficit chronique d’un milliard d’euros pour environ 100 000 bénéficiaires Les dépenses au titre des annexes 8 et 10 représentent 1,2 milliard d’€ pour environ 250 millions d’€ de recettes seulement. En 2010, le déficit d’un milliard d’euros représentait un tiers du déficit total de l’assurance chômage alors que les intermittents du spectacle ne constituaient que 3% des demandeurs d’emploi. Le maintien de règles d’indemnisation particulièrement favorables Au motif de la nature discontinue de leur activité, les artistes et techniciens du spectacle bénéficient de règles d’indemnisation très favorables au regard du droit commun de l’assurance chômage. Ces règles sont également plus favorables que celles applicables aux travailleurs intérimaires alors même que certains intermittents (notamment techniciens) connaissent des conditions d’emploi proches de ces derniers. En outre, alors que la convention générale d’assurance chômage a été adaptée à la situation résultant de la crise, les règles applicables
aux intermittents n’ont pratiquement pas évolué depuis 2006. De ce fait, les indemnités versées aux intermittents sont élevées : elles s’établissaient en moyenne à 11 844 € par an en 2010. Ce montant est toutefois très variable : il atteint 39 867 € pour les 10% d’intermittents dont les indemnités sont les plus élevées contre 4 812 € pour les 10% dont les indemnités sont les plus faibles. Une progression régulière du nombre de bénéficiaires Le nombre des intermittents indemnisés au moins une fois dans l’année continue de croître au rythme annuel de 1% environ. A la fin de 2010, le nombre d’allocataires intermittents s’élevait à 106 619 contre 102 223 en 2007. Cette évolution s’accompagne d’un recul du nombre total d’heures travaillées, passé de 65,9 millions en 2007 à 59,5 millions en 2009. Une inertie face aux abus et aux fraudes La pratique de la « permittence » (qui désigne la situation dans laquelle des intermittents sont employés de manière permanente ou quasi permanente par un même employeur) reste répandue. Elle concerne environ 15% des bénéficiaires des annexes 8 et 10, et est favorisée par un cadre juridique peu contraignant (le contrat à durée déterminée dit « CDD d’usage ») et par l’intérêt convergent des salariés et des employeurs à utiliser un emploi de « permittent » de préférence à un contrat à durée indéterminée. En effet, le recours à ce type d’emploi permet de majorer les revenus des salariés grâce à des allocations nettement plus favorables que celles résultant du droit commun, tout en minorant les coûts salariaux directs des employeurs. Dans ce contexte, l’assurance chômage est quasiment dépourvue de moyens de lutte contre les abus et les fraudes : si un service de « prévention et lutte contre la fraude » a bien été créé au sein de Pôle emploi en 2009, ses résultats restent modestes (800 000 euros de fraudes évitées). La consolidation du régime d’indemnisation financé par l’Etat L’intervention financière de l’Etat dans l’indemnisation du chômage
à ce type de contrat entraîne pour le financement de la sécurité sociale devrait être compensé. Concernant le logement social, l’indispensable recentrage de l’effort de construction que la situation actuelle des finances publiques rend nécessaire a produit des résultats décevants. En 2009, 75% des logements sociaux étaient construits là où n’existaient pas de besoins manifestes, et seuls 25% l’étaient dans les zones
des intermittents a fait suite aux troubles qui ont accompagné en 2003 la réforme de leur régime d’assurance chômage. Les conditions d’accès au régime des annexes 8 et 10 ayant alors été rendues plus restrictives, un régime financé par l’Etat a été créé pour amortir l’impact de la réforme sur les intermittents exclus par les nouvelles règles de l’assurance chômage. Un « fonds spécifique provisoire » est ainsi entré en vigueur en 2004. Alors que son fonctionnement devait être limité à six mois, ce fonds a été reconduit par l’Etat, d’abord sous le nom de « fonds transitoire » puis, à compter du 1er avril 2007, sous l’appellation de « fonds de solidarité et de professionnalisation ». En dépit des recommandations de la Cour demandant qu’il soit mis fin à un dispositif initialement présenté comme temporaire, le choix a été fait de le pérenniser. Le fonds de solidarité et de professionnalisation a cependant vu ses dépenses maîtrisées, celles-ci n’ayant concerné que 968 personnes de 2007 à 2010, pour un résultat qui n’a pas pu faire l’objet d’une appréciation, faute d’un suivi adéquat. Recommandations La Cour formule trois recommandations : - Augmenter les cotisations des employeurs et les rendre variables en fonction du recours de chacun d’entre eux au travail intermittent. - Poursuivre la démarche initiée en 2003 de différenciation du traitement des techniciens et des artistes ; en effet les conditions d’activité et de rémunération des artistes apparaissent significativement moins favorables que celles des techniciens dont la situation justifie difficilement le maintien de règles aussi éloignées de celles applicables, par exemple, aux travailleurs intérimaires. - En ce qui concerne le « fonds de solidarité et de professionnalisation » géré par l’Etat, cibler les actions de formation et de reconversion sur les allocataires dont les perspectives d’emploi dans le secteur du spectacle vivant apparaissent faibles et mesurer les résultats obtenus.
les plus tendues. Ces résultats médiocres s’expliquent en partie par les faiblesses dont souffre le système de zonage sur lequel repose les incitations à la construction. Les instruments utilisés sont mal adaptés, parfois même contreproductifs. La connaissance nationale du parc social de logements et son évolution doit s’améliorer, et un nouveau zonage, adapté aux enjeux du recentrage et révisé tous les trois ans, doit être adopté.
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Vie du chiffre La lutte contre la fraude J’aborde maintenant un deuxième sujet : la lutte contre la fraude. La Cour a examiné le fonctionnement de la cellule de renseignement financier française chargée de la lutte contre le blanchiment, Tracfin. 20 ans après sa création, le travail d’évaluation de ce phénomène n’a pas suffisamment progressé, notamment la typologie des circuits de l’argent sale. Tracfin doit définir une stratégie claire, lisible par tous les acteurs. Toutes les professions financières n’ont pas intégré les dispositifs anti-blanchiment. Les mutuelles, les intermédiaires en assurance et conseillers en investissement financier, ainsi que les avocats sont peu voire pas du tout impliqués. Les suites pénales demeurent peu nombreuses et sont mal connues ; les sanctions prononcées par des instances professionnelles sont rares. Dans son ensemble, l’appareil répressif demeure trop peu efficace. La Cour s’est penchée spécifiquement sur un cas de fraude spectaculaire qui a couté 1,6 Md€ de perte fiscale à l’Etat entre l’automne 2008 et le printemps 2009 : la fraude à la TVA sur les marchés de quotas carbone, c'est-à-dire les droits à émettre du dioxyde de carbone. Ces quotas peuvent être échangés de gré à gré ou sur des bourses, dont la principale se situe à Paris et qui est gérée par la société BlueNext. Les fraudeurs ont appliqué le système classique du « carrousel » entre des entreprises situées dans différents Etats membres de l’Union européenne pour facturer de la TVA à des acheteurs sans jamais la reverser au Trésor public. C’est parce que ce marché était jeune et non soumis à une régulation externe que cette fraude a pu massivement prospérer. Alors que la Caisse des dépôts et des consignations et l’entreprise Bluenext ont détecté des opérations suspectes et ont adressé à Tracfin des déclarations de soupçons, elles n’ont jamais suspendu d’opérations, ni prononcé de mises en demeure ou de suspensions de membres du marché. Tous deux ont quelque peu tardé à percevoir l’ampleur systémique de la fraude. Au sein du ministère de l’Economie et des Finances, des erreurs et des cloisonnements entre services ont entraîné un manque de réactivité. Une telle fraude révèle en outre l’insuffisance de la régulation d’un marché dont les potentialités frauduleuses ont été négligées et l’inadaptation des méthodes de contrôle de l’administration fiscale. Enfin, le sujet de la fraude a été traité par la Cour à travers un chapitre consacré aux services centraux de l’Etat chargés du contrôle fiscal. Leur organisation n’a pas été revue de longue date. Ils doivent évoluer pour assurer l’égalité des citoyens et des entreprises devant le contrôle fiscal. Ils doivent aussi prendre la mesure des nouveaux enjeux présentés par une fraude de plus en plus dématérialisée, internationale et complexe, comme l’illustre l’exemple de la fraude à la TVA sur les quotas de carbone.
Santé La Cour aborde un troisième sujet : la santé. Je prendrai deux exemples, l’un pour marquer des progrès, l’autre pour mettre en évidence des insuffisances.
La Cour avait évalué la mise en œuvre du premier plan cancer et formulé 26 recommandations pour améliorer sa cohérence, son impact et son pilotage. Dans l’élaboration et la mise en œuvre du second plan cancer, la plupart des recommandations ont été prises en compte. Ainsi, la connaissance des facteurs de risque a progressé, les moyens consacrés à la prévention ont été renforcés et l’organisation des soins est en voie d’amélioration, même si malheureusement le nombre de cancers continue d’augmenter. La gestion de l’Institut national du cancer (INCa), dont la création était une des mesures les plus symboliques du premier plan, a été significativement améliorée. A l’inverse, la Cour dresse un bilan critique de la périnatalité, c'est-à-dire les événements survenant pendant la grossesse, l’accouchement et les premiers jours de la vie des nouveau-nés, qui représente un enjeu majeur de santé publique. En 2006, la Cour avait dressé un bilan en demi-teinte des efforts entrepris qui n’avaient pas suffi à amener notre pays au niveau de ceux qui lui sont comparables. Cinq ans plus tard, loin des améliorations espérées, la situation a plutôt eu tendance à se détériorer : la mortalité infantile stagne en France alors qu’elle poursuit sa baisse dans d’autres pays européens. Les causes de cette dégradation ne sont pas suffisamment connues. Pour cela, une amélioration du suivi statistique de la mortalité infantile est nécessaire. Les recommandations de la Cour non mises en œuvre sont principalement celles concernant les populations en situation de précarité ou de handicap, alors que c’est pour ces personnes que se situent l’essentiel des marges d’amélioration des résultats de la périnatalité. Ceci suppose une remobilisation des acteurs locaux, en particulier des agences régionales de santé et des services départementaux de protection maternelle et infantile. Vous trouverez aussi dans le rapport trois autres chapitres portant sur des sujets de santé : des progrès trop lents dans la prise en charge des personnes âgées, l’é chec du projet d’informatisation du dossier du patient à l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille et le patrimoine immobilier des hôpitaux non affectés aux soins.
Enseignement supérieur et recherche Avant-dernier thème que je voudrais aborder avant de répondre à vos questions, celui de l’enseignement supérieur et de la recherche. En analysant les comptes et la gestion de sept grandes universités parisiennes, ayant chacune pris leur autonomie, la Cour a relevé que si la fiabilité des comptes a progressé, des lacunes inquiétantes demeurent dans les procédures comptables, en particulier dans la connaissance et la gestion du patrimoine, et les dispositifs de maîtrise des risques, notamment l’évolution prévisionnelle de la masse salariale. Les améliorations attendues sur ces sujets sont pour la Cour une condition indispensable de l’autonomie budgétaire et financière dont dispose désormais ces universités. Dans le rapport figurent également quatre autres sujets d’enseignement et de recherche, les écoles normales supérieures, les réseaux
thématiques de recherche avancée, le plan réussite en licence et la formation initiale et continue des enseignants.
Territoires Enfin, je voudrais terminer mon intervention en abordant brièvement plusieurs sujets en lien avec l’intervention de l’Etat et des collectivités locales sur les territoires. S’agissant de l’intervention de l’Etat, la Cour a examiné le réseau des sous-préfectures. Leurs missions principales, notamment la délivrance des titres et le contrôle de légalité, sont en train de disparaitre, laissant la plupart d’entre elles sans activités administratives précises. Le souspréfet conserve un rôle de représentation et de mission mais cette vocation se détache progressivement du ressort territorial de l’arrondissement pour assister les préfets de département et de région. La gestion courante est défaillante : les ressources humaines restent sans perspective, la mutualisation des moyens humains et des tâches est insuffisante, les charges immobilières surdimensionnées et pesantes. Pourtant les marges d’évolution sont très nombreuses pour faire évoluer ce réseau étatique de proximité, auquel le pays est souvent attaché, sans que la présence de l’Etat disparaisse pour autant. Le réseau doit se moderniser et s’adapter : son découpage devrait être amélioré, les perspectives d’évolution des sous-préfectures les plus petites doivent être clarifiées, la recherche d’é conomies doit être amplifiée, notamment au plan immobilier. Le parc actuel doit être rationalisé en fonction des missions restantes et des modes de vie actuels. Par ailleurs, la Cour évoque deux sujets sur lesquels des économies pourraient être avantageusement être obtenues : d’une part, la prime à l’aménagement du territoire, versée par l’Etat, dont le rôle est devenu marginal et que la Cour propose de supprimer, et, d’autre part, les aides d’urgence à l’agriculture dont l’usage doit être rationalisé. La Cour a effectué un premier bilan de la décentralisation routière, c'est-à-dire du transfert aux départements de 18 000 km de routes nationales d’intérêt local décidé en 2004. Il apparaît que la réforme est plus coûteuse qu'il n'était prévu, à la fois pour l’Etat, avec des indemnités et des sureffectifs temporaires, et pour les collectivités, qui ont supporté des coûts de remise en état du réseau. Le caractère assez marginal du réseau transféré au regard du réseau départemental existant n’a pas incité les départements à préciser leur politique routière, que ce soit en stratégie générale ou programmation pluriannuelle. En matière ferroviaire, l’analyse des deux premières expériences d’autoroutes ferroviaires se révèle à-demi concluante. Enfin, la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes évoquent la situation de certaines collectivités territoriales, en particulier la gestion des communes balnéaires en Languedoc-Roussillon, ou le parc minier Tellure du Val d’Argent en Alsace. Je n’ai pas pu évoquer tous les sujets, la gestion des ouvriers d’Etat au ministère de la Défense, les contrats de professionnalisation, la politique d’aide aux victimes d’infractions pénales et le système de retraites de la fonction publique de Nouvelle-Calédonie. (…) 2012-144
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Chronique
La spécificité du produit net bancaire par François Schwerer*
e plan comptable général définit le chiffre d’affaires comme le total des produits d’exploitation (marchandises vendues ; biens et services vendus), à l’exclusion de tout autre produit. C’est un chiffre brut. (cf. Code de commerce, art. R.123-193). Le plan comptable des banques ne connaît pas la notion de chiffre d’affaires bancaire ; il ne connaît que les notions de produits et de charges d’exploitation bancaires (cf. CRBF n°91 01 modifié). Il ne reconnaît pas de chiffre d’affaires bancaire en tant qu’agrégat. Le solde du compte de résultat conduit à un produit net bancaire qui est bien obtenu à partir des intérêts perçus (y compris sur des éléments de hors bilan) diminué des intérêts versés (y compris sur des éléments de hors bilan). Le produit net bancaire n’a rien à voir avec le chiffre d’affaires. En effet, le plan comptable général n’intègre pas les produits financiers dans le chiffre d’affaires des entreprises. L’article R.123-193 du Code de commerce exclut même expressément les produits financiers du chiffre d’affaires. Le chiffre d’affaires correspond à la vente d’un produit ou d’un service alors que les produits financiers sont le résultat de l’évolution de la valeur des actifs détenus. Dès lors, si la variation de la valeur de l’actif net (bénéfice) d’une entreprise industrielle ou commerciale résulte essentiellement de son chiffre d’affaires, il n’en est pas de même des banques où l’essentiel de la variation de cette valeur est indépendante dudit chiffre d’affaires. A proprement parler, le chiffre d’affaires des banques devrait donc être limité au montant total de « la valeur des services explicitement facturés sous forme de commission » à la clientèle qu’elle soit financière ou non. Cette vision étroite du chiffre d’affaires des banques est celle qui découle directement de la conception transactionnelle de l’activité bancaire. En effet, l’analyse découlant de la conception transactionnelle de l’activité bancaire conduit à dissocier totalement toutes les prestations de services telles que la présentation des chèques à l’encaissement, le paiement des chèques, l’émission de cartes bancaires, l’« acquisition » de paiements par cartes bancaires, l’accès aux automates bancaires, l’émission de prélèvements(1), etc. de tout mouvement financier sous-jacent. Ces prestations doivent dès lors être facturées à ceux qui les consomment à un prix tel qu’il permette d’absorber les charges et de générer une marge normale… sans que les établissements concurrents ne puissent s’entendre pour influencer ces prix. Les prix auxquels sont fac-
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turés ces prestations constituent donc le chiffre d’affaires. Mais dès lors, puisqu’il n’y a plus de lien avec le sous-jacent financier, les banques étant considérées comme des entreprises banales, les produits financiers générés par la gestion de la trésorerie de la banque n’ont aucune raison d’être considérés différemment qu’ils ne le sont par le Code de commerce pour toutes les entreprises commerciales. Cette conception transactionnelle devrait aboutir à considérer que le produit net bancaire des banques ne peut en aucun cas être considéré comme un succédané de chiffre d’affaires. En 2011, malgré un effort considérable des banques françaises pour substituer aux intérêts qui sont fonction de taux en diminution constante, un matelas suffisant de commissions moins volatiles, le produit net bancaire demeure très largement supérieur au chiffre d’affaires des banques (matérialisé par le total des commissions perçues). De plus, il faut constater que les commissions perçues ne sont pas toutes de même nature. On peut, en effet, en distinguer trois types : les commissions destinées à rémunérer une prestation de service bien individualisée (commissions pour la délivrance d’une carte bancaire, commission d’intervention, commission pour location de coffre-fort, etc.) ; les commissions ayant un caractère de pénalité (commission pour chèque impayé…) ; enfin les commissions interbancaires qui ne sont pas, à proprement parler des commissions mais des répartitions de frais entre banques qui coopèrent pour rendre chacune à leurs propres clients des prestations de service que nul ne peut rendre seul (opérations de paiement, c’est-à-dire participation à la circulation de la monnaie scripturale). C’est d’ailleurs bien parce que la notion de chiffre d’affaires n’est pas pertinente pour déterminer la fraction des bénéfices réalisés par une banque dans une implantation étrangère que les principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert (Rapport du 22 juillet 2010) ont retenu que la référence à appliquer pouvait être fondée « sur toute autre base » que le chiffre d’affaires si cette autre base s’avérait plus pertinente. Et, pour les banques cette référence est le produit net bancaire. Selon les principes de l’OCDE, le produit net bancaire n’est pas assimilable au chiffre d’affaires, mais le chiffre d’affaires des banques n’est pas pertinent pour appréhender leur bénéfice. Si, maintenant, l’on se rattache à une conception relationnelle du métier, alors on doit
abandonner la notion de chiffre d’affaires au profit de la notion de produit net bancaire, ou intégrer les produits financiers dans un « chiffre d’affaires » spécifique correspondant à l’activité courante normale de l’entreprise bancaire car « la valeur des différents services rendus par les banques et effectivement payés par leur clientèle ne se réduit pas à ces facturations. En particulier, la part des services d’intermédiation financière liés à la gestion de dépôts de la clientèle et à la distribution de crédits ne sont pas appréhendés de cette manière, ces services étant en fait principalement rémunérés par la marge d’intérêts que dégagent les banques en prêtant à un taux supérieur à celui auquel elles se procurent les fonds »(2). Lorsque le plan comptable des banques a été élaboré, les taux d’intérêt étaient plus élevés qu’ils ne le sont en ce début de XXIème siècle et les banques françaises - contrairement à leurs consœurs anglo-saxonnes - ne prélevaient quasiment aucune commission. Ce n’est qu’avec la baisse des taux d’une part et la diversification marketing des opérations de caisse d’autre part - ainsi que sous la pression de la concurrence de banques étrangères - que les banques ont été contraintes de revoir l’équilibre de leur compte de résultat. Que, du fait de l’obligation actuelle de posséder un compte en banque qui a rendu les clients captifs de l’ensemble de la profession et de l’exacerbation de la concurrence qui a poussé les services marketing à faire plus preuve d’imagination dans la tarification que dans la transparence, il y ait eu des abus, c’est possible, voire certain. Seulement, ces abus ne sont pas le résultat d’une entente entre banques ; ils sont plutôt la conséquence d’une réaction vis-à-vis de textes législatifs et réglementaires de plus en plus complexes qui, en voulant protéger tout le monde contre tous les risques possibles, ont rendu incompréhensible le métier de banquier. Ils sont aussi le résultat de la démission de la banque centrale de son rôle naturel de régulateur bancaire. De plus, ces textes législatifs et réglementaires ont aussi imposé aux banques de rendre des prestations de service à d’autres « agents » que leurs clients sans qu’elles puissent les faire payer ; ainsi en est-il par exemple des coûts élevés de la lutte contre le blanchiment, de la participation au contrôle de l’impôt, de la lutte contre la fraude fiscale ou encore de la participation à la lutte contre le terrorisme. Sans entrer ici dans l’analyse de ces prestations rendues gratuitement pas les banques aux autorités étatiques, une chose est sûre : on ne
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peut pas se référer à une conception relationnelle et assimiler le chiffre d’affaires au produit net bancaire ; on ne peut pas, corrélativement assimiler le chiffre d’affaires au produit net bancaire et ignorer que le principal service rendu par les banques à leur clientèle est le service d’intermédiation financière dont les opérations transactionnelles ne sont que des modalités secondes et les commissions des produits accessoires. L’Autorité de la concurrence remarque que le chiffre d’affaires repose sur un montant « brut » alors que le produit net bancaire repose, comme son nom l’indique, sur une rémunération nette. Ceci ne permet pas pour autant d’assimiler le produit net bancaire à une simple valeur ajoutée(3). En effet, « les flux concernant le capital et les éléments de flux représentatifs du loyer pur de l’argent ne sont pas à considérer comme faisant partie de la valeur ajoutée »(4), tandis que ceux faisant partie de la rémunération des services en font partie. Il faut donc, dans les flux financiers qui intéressent le résultat des banques distinguer entre ceux qui sont la rémunération d’un service et ceux qui concernent des opérations sur capital ou le loyer de l’argent. La rémunération perçue par les banques est en grande partie constituée, non d’une activité de « production » économique mais d’une gestion financière. Si l’on sépare la « production » des banques (dans le cadre d’un modèle transactionnel) de la gestion des actifs financiers et donc la « vente » d’instruments de paiement de la circulation monétaire sousjacente, alors il faut réduire le chiffre d’affaires des banques aux seules commissions encaissées au titre de cette activité de « production ». « Conceptuellement, les intérêts et dividendes sont considérés en comptabilité nationale comme des revenus de la propriété liés à la détention d’actifs financiers, et les plus-values ou moins-values comme des gains ou pertes retracés dans d’autres comptes (réévaluation des actifs). En d’autres termes, les revenus financiers et les plus-values ou moins-values sur titres constituent des flux de richesse faisant varier le patrimoine des banques. Ce ne sont pas des services produits et ils ne concourent donc pas à la formation du PIB, alors qu’ils sont pris en compte par les banques lorsqu’elles mesurent leur activité »(5). Cette spécificité de l’activité bancaire se révèle
encore par un autre aspect : les services d’intermédiation financière sont, en fait, indirectement mesurés. Ces services, qui supposent que la « matière première » des banques (ou leurs « inputs ») est exclusivement constituée des actifs financiers qu’elles se procurent auprès de leur clientèle (dépôts) ou des institutions financières et que leur « produit fini » (ou leurs « outputs ») est essentiellement constituée des actifs financiers qu’elles placent auprès de leur clientèle (crédits) ou des institutions financières. Dès lors les « produits » bancaires sont soit des accessoires (rémuné-
compliqué de celles-ci, qui sont extérieures très souvent au cycle de production et de commercialisation ». Et le rapporteur de la loi, Louis Vallon, a résumé la portée de la nouvelle taxe : « Cette taxe portera sur les services que peut rendre la banque à l’occasion d’encaissements de chèques, d’ouvertures de comptes, de virements, d’opérations sur titres, d’opérations de crédit, d’opérations de change(6), mais elle ne portera pas sur les intérêts débiteurs, les escomptes, les commissions d’endos ». Les intérêts et agios perçus par les banques à l’occasion de ces opérations n’étant pas, à proprement parler, constitutifs de leur chiffre d’affaires. Pour des raisons économiques, et en particulier le caractère pervers du régime spécifique des banques qui, en frappant des rémunérations brutes et non des valeurs ajoutées, conduisait à des impositions en cascade, le législateur a supprimé la TAF en 1979 et a assujetti les banques à la TVA… sur la seule partie qui correspondait alors à leur chiffre d’affaires. Les intérêts, c’est-à-dire la majeure partie de leur produit net bancaire n’était toujours pas soumis à la TVA puisque ne participant pas de la nature d’un chiffre d’affaires, d’où un taux de récupération très faible d’une part et un assujettissement des banques à la taxe sur les salaires pour combler le manque à gagner fiscal. « Sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux… » précise l’article 256 du CGI. Cet article prend soin d’expliciter, en ce qui concerne les banques, que « sont
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Que, du fait de l’obligation actuelle de posséder un compte en banque qui a rendu les clients captifs de l’ensemble de la profession et de l’exacerbation de la concurrence qui a poussé les services marketing à faire plus preuve d’imagination dans la tarification que dans la transparence, il y ait eu des abus, c’est François Schwerer possible, voire certain.
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rés) à leur activité, soit des conditions (plus ou moins indemnisées) de leur accès au marché. Ceci illustre simplement le fait que s’il y doit toujours y avoir une certaine concordance (en tout cas une cohérence certaine) entre la comptabilité générale et la comptabilité analytique de toute entreprise, la comptabilité analytique des banques ne peut pas ignorer l’incidence sur les produits financiers de chaque opération élémentaire. La spécificité de l’activité bancaire a aussi été prise en considération par le législateur fiscal. Ainsi, lorsqu’en 1965 il a assujetti en France l’ensemble de l’activité de production au régime de la TVA, il a instauré, pour les banques un impôt spécial : la Taxe sur les activités financières (TAF). Lors de la discussion à l’Assemblée nationale, le 23 juin 1965, le Ministre des Finances et des Affaires économiques s’en est expliqué ainsi : « si, finalement, nous n’avons pas retenu l’application de la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations financières, c’e st en raison du caractère
considérées comme des prestations de services, les opérations, y compris la négociation, portant sur les devises, les billets de banque et les monnaies qui sont des moyens de paiement légaux… ». Lors du vote de la loi de finances pour 2010, le législateur s’est à nouveau trouvé confronté à la difficulté lorsqu’il a substitué une Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à l’ancienne Taxe professionnelle (TP). Il a donc été obligé de donner, pour la circonstance et à titre dérogatoire, une définition spéciale - uniquement valable pour cette seule cotisation - de ce qu’il fallait entendre par chiffre d’affaires des établissements de crédit et des entreprises d’investissement : « Le chiffre d’affaires comprend l’ensemble des produits d’e xploitation bancaires et des produits divers d’e xploitation autres que les produits suivants : a) 95 % des dividendes sur titres de participation et parts dans les entreprises liées ; b) plus-values de cession sur immobilisation figurant dans les produits divers d’e xploitation
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Chronique autres que celles portant sur les autres titres détenus à long terme ; c) reprises de provisions spéciales et de provisions sur immobilisations ; d) quotes-parts de subventions d’investissement ; e) quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun »(7). Mais, si le législateur a bien éprouvé le besoin de donner une définition du chiffre d’affaires des banques afin de définir pour cet impôt spécifique une matière imposable, il n’a pas donné à cette définition un caractère général. Il en résulte que la définition de la valeur ajoutée des banques n’est pas la même pour asseoir la TVA que pour asseoir la CVAE. Cela provient du fait que la valeur ajoutée est définie à partir de la notion de chiffre d’affaires et que le chiffre d’affaires des banques n’exprime pas la réalité de leur activité économique. Cette difficulté se retrouve aussi en matière sociale. L’article L.651-5 du Code de la sécurité décide que la contribution Organic est assise sur le chiffre d’affaires global déclaré à l’administration. Mais, pour les banques, le législateur a décidé d’ajouter au chiffre d’affaires les autres « produits de leur exploitation n’entrant pas dans le champ d’application des taxes sur le chiffre d’affaires ». En ce qui concerne l’application du droit de la
Elle prend soin d’ailleurs de justifier cette référence au chiffre d’affaires imposée par la loi : « La valeur de ces ventes constitue en effet une référence appropriée et objective pour déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire, dans la mesure où elle permet d’en proportionner au cas par cas l’assiette à l’ampleur économique de l’infraction ou des infractions en cause, d’une part, et au poids relatif, sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s), de chaque entreprise ou organisme qui y a participé, d’autre part » (point 23). Cette référence à la seule valeur des ventes réalisées sur le produit objet de l’accord est même « retenue par l’Autorité, à l’instar des autres autorités de concurrence européennes, de préférence au chiffre d’affaires total de chaque entreprise ou organisme en cause, qui peut ne pas être en rapport avec l’ampleur de ces infractions et le poids relatif de chaque participant sur le(s) secteur(s) ou marché(s) concerné(s) » (point 23). Ce n’est que dans un deuxième temps que l’Autorité de la concurrence prend en considération « le chiffre d’affaires total de l’organisme ou de l’entreprise en cause » parce qu’il est « de nature à donner des indications de sa taille, de sa puissance économique et de ses ressources globales ». Le cas échéant, l’Autorité de la concurrence retient enfin le « chiffre
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On ne peut pas, corrélativement assimiler le chiffre d’affaires au produit net bancaire et ignorer que le principal service rendu par les banques à leur clientèle est le service d’intermédiation financière dont les opérations transactionnelles ne sont que des modalités François Schwerer secondes et les commissions des produits accessoires.
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concurrence aux banques, et plus spécifiquement des sanctions qui pourraient être décidées par l’Autorité de la concurrence, le législateur n’a pas voulu imposer un texte dérogatoire. Seul le chiffre d’affaires peut servir de base à la sanction. Or, l’article L.464-2 du Code de commerce fixe le montant maximum de la sanction que peut infliger l’Autorité de la concurrence à « 10% du chiffre d’affaires(8) mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’e xercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre… ». Et, dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, l’Autorité de la concurrence explique que pour apprécier la gravité des faits et l’importance du dommage causé à l’économie, « elle retient, pour chaque entreprise ou organisme en cause, une proportion de la valeur des produits ou services en relation avec l’infraction, vendus pendant une année de référence ». Et d’ajouter, « cette proportion est définie au cas par cas, dans une fourchette comprise entre 0 et 30% », étant entendu que la fourchette 15 à 30% est réservée aux cartels puisque ce sont les pratiques anticoncurrentielles considérées comme les plus graves.
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d’affaires total du groupe auquel appartient l’entreprise en cause » (point 24). Ce communiqué ne fait donc nulle référence aux revenus tirés par les entreprises de leurs placements financiers. Ce qui est en cause c’est bien le chiffre d’affaires, c’est-à-dire le montant de leurs ventes : « Les ventes en cause sont toutes celles réalisées en France » (point 34). « Leur valeur correspond au chiffre d’affaires de l’entreprise ou de l’organisme concerné relatif aux produits ou services en cause » (point 35). Et tant le critère de dommage à l’économie que celui de proportionnalité doit être examiné à l’aune du seul chiffre d’affaires du produit concerné par le comportement fautif. C’est pourquoi l’Autorité indique que « l’entreprise ou l’organisme concerné fournit la valeur de ses ventes » (point 36). L’Autorité prévoit toutefois que la valeur des ventes en France peut ne pas être pertinente dans tous les cas. Elle identifie deux hypothèses et deux seulement : « Lorsque : - l’infraction consiste à s’entendre sur des commissions par lesquelles des entreprises se rémunèrent à l’occasion de la vente de certains produits ou services, auquel cas l’Autorité peut retenir ces commissions comme référence ; - l’infraction consiste, pour une entreprise, à s’entendre avec d’autres pour s’abstenir d’effectuer
des ventes en France, auquel cas l’Autorité peut tenir compte des ventes réalisées ailleurs dans l’Espace économique européen (EEE) » (point 39). Si donc l’Autorité peut retenir, en plus de la valeur des ventes d’un produit ou d’un service, les commissions accessoires à ces ventes encore faut-il que les commissions concernées soient bien directement liées aux ventes du produit ou service objets de l’accord litigieux. L’Autorité de la concurrence, dans son communiqué, dissocie donc clairement, la détermination de la sanction, qui est fonction du chiffre d’affaires relatif au produit ou service concerné, de la vérification de la faculté contributive qui, elle, repose sur le chiffre d’affaires total, consolidé du groupe auquel appartient l’entreprise sanctionnée. Or, pour la détermination de cette faculté contributive totale, le Conseil de la concurrence avait, dans sa décision 00-D-28 du 19 septembre 2000 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier, retenu non le produit net bancaire mais le produit brut. Cette décision avait été approuvée par la Cour de cassation le 23 juin 2004 qui avait considéré que le produit brut bancaire, « constitué de la somme des postes de produit d’e xploitation bancaire, représente l’activité économique des établissements de crédit ». Notes : 1 - Dans sa décision 10-D-28 du 20 septembre 2010, l’Autorité de la concurrence a même isolé le service indépendant d’annulation d’opérations compensées à tort et a considéré qu’elles faisaient l’objet d’un marché sur lequel le prix ne devait pas excéder le total des coûts auxquels parvient la banque la plus efficace. 2 - « La mesure de l’activité des banques en France », J.M. Fournier et D. Marionnet, Bulletin de la Banque de France n° 178, 4ème trimestre 2009. 3 - En 2006 le produit net bancaire représentait plus du double de la valeur ajoutée bancaire d’après les chiffres de la Banque de France (cf. étude de J.M. Fournier et D. Marionnet précitée). En particulier, les intérêts des refinancements interbancaires, quoique participant à la détermination du produit net bancaire, ne génèrent pas de valeur ajoutée au sens de la comptabilité nationale. C’est pourquoi, « dans ce que la comptabilité bancaire retient pour le calcul du produit net bancaire, la comptabilité nationale distingue la création de richesse proprement dite (valeur ajoutée), de la répartition de celle-ci (sous forme de revenus) et des gains ou pertes de valeur des actifs financiers détenus par les banques » (Bulletin de la Banque de France n° 178 précité, p.15). Il est à noter par ailleurs que cette spécificité a été prise en compte par le droit fiscal. La banque a toujours connu un régime spécifique en matière de taxe sur le chiffre d’affaires. Autrefois assujettie à une taxe spécifique, la taxe sur les activités financières, elle n’est pas aujourd’hui assujettie à la TVA sur son produit net bancaire mais uniquement sur une partie (souvent inférieure à 20%), celle qui correspond à son chiffre d’affaires. 4 - F. Laureau, « Banque et TVA : la troisième voie », Marchés et techniques financières, n°66, décembre 1996. 5 - J.M. Fournier et D. Marionnet, « L’activité bancaire mesurée par les banques et la comptabilité nationale », INSEE Première, n°1285, février 2010). 6 - Et, dans le cas des opérations de change, la rémunération - taxable perçue par la banque « est constituée par la commission perçue et le profit de change réalisé. C’est cette rémunération et non le prix total des devises échangées, qui constitue, pour l’établissement bancaire qui procède à l’opération, la recette, au sens de l’article 212 de l’annexe II au Code général des impôts » (Conclusions du Commissaire du Gouvernement, M. Fouquet, C.E. 26 février 1993, n°149039). 7 - CGI, art. 1586 sexies III-1°. 8 - Pour le Code général des impôts la valeur ajoutée se déduit du chiffre d’affaires, lequel est constitué « pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations… » (art. 266). Les intérêts perçus - qui constituent l’essentiel du produit net bancaire - n’entrent pas dans cette base de la valeur ajoutée car ne faisant pas partie du chiffre d’affaires. * François Schwerer est directeur juridique.
Les Annonces de la Seine - lundi 20 février 2012 - numéro 14
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Vie du droit
Ordre des Avocats à la Cour d’Appel de Caen 23ème concours international de plaidoiries - 2ème concours de plaidoiries des élèves avocats Mémorial de Caen, Caen - 28 et 29 janvier 2012 e 23ème concours international de plaidoiries du Barreau de Caen et le 2ème des élèves avocats, se sont tenus les samedi 28 janvier et dimanche 29 janvier 2012, sous la présidence de Madame le Bâtonnier Ariane Weben. Son succès d’année en année ne se dément pas. Lieu de rencontres des avocats du monde, la sélection des candidats, la qualité de leurs interventions, répondent au souhait de ses créateurs le sénateur-maire de Caen Maître Jean-Marie Girault et à Maître Bernard Blanchard, ancien bâtonnier du Barreau de Caen. Nous l’avons rappelé en notre compte rendu de 2011 (Les Annonces de la Seine du 24 mars 2011, page 10). C’est ainsi que depuis 23 ans se tient à Caen au Mémorial, une grande journée consacrée à la défense des droits de l’homme. Les plaidoiries que nous y entendons d’avocats du monde sont le témoignage le plus significatif que ces droits dans tous les pays en dépit de solennelles déclarations de la Cour pénale internationale et autres sont violés. Le recueil des plaidoiries réunies, prononcées chaque année en sont l’illustration.
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Dix avocats sélectionnés y ont concouru : de la République du Congo, de la Côte d’Ivoire, de la Martinique, et de la Métropole (Barreaux de Melun, Marseille, Paris et Rouen). Le jury était présidé par Abderrazak Kilani, Ministre auprès du Chef du Gouvernement de Tunisie, chargé de relations avec l’Assemblée Nationale constituante, après délibération de celui-ci : Le premier prix a été accordé à Maître Ophélie Kirsch du Barreau de Marseille pour un sujet intitulé : « Un héros ordinaire », traitant du nécessaire refus d’obéissance des soldats de l’armée syrienne confrontés à un ordre qu’ils considèrent comme étant manifestement illégal. « Lorsque l’individu s’érige contre l’inacceptable en refusant de se réfugier derrière le déterminisme, et le confort de la fatalité par des formules telles que “je n’ai pas eu le choix… j’ai été contraint… je suis responsable mais pas coupable…” on quitte le cercle vicieux pour rentrer dans le cercle vertueux. Un refus en entrainant un autre… c’est la liberté qui triomphe ! Le virage est pris pour plus de libertés individuelles ».
Le second prix ainsi que celui du public a été attribué à Maître Gisèle Ngungua Sangua du Barreau de Lubumbashi en République démocratique du Congo pour un sujet intitulé : « Fatuma : le malheur d’être née femme en République démocratique du Congo », traitant des violences faites aux femmes et particulièrement aux fillettes en République démocratique du Congo. Lauréats du stage en leur prestation éblouissante ont cité deux plaidoiries prononcées au Mémorial. Madame le Bâtonnier Ariane Weben peut être fière du succès de ce 23ème concours international de plaidoiries et du 2ème concours de plaidoiries des élèves avocats, mais également de celui des lycéens. Elle s’est adressée à l’assemblée à la reprise des travaux après le déjeuner en une allocution dont les propos rappellent ceux exprimés avec pénétration, finesse et pertinence en 2011. Ce 23ème concours a été clôturé après la remise des prix par une allocution de Philippe Duron, Maire de Caen. 2012-151 A. Coriolis
Droit social
Congés payés par Jacques Brouillet* orsque la Cour de justice européenne se mêle des droits à congés payés… Les entreprises doivent s’apprêter à gérer des situations qui ne sont pas de tout repos… !!! Par trois arrêts récents, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) vient de préciser les modalités d’attribution des droits à congés payés, qui bouleversent les idées acquises en droit français !
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1. Ce fut d’abord un arrêt du 20 janvier 2009 (affaire 277/08) précisant celui du 26 juin 2001 qui a posé le principe (usuel en droit européen) de la finalité d’une loi, pour affirmer qu’un salarié qui est malade, après son départ en congés payés, ne pouvant donc profiter du repos tel que prévu par le droit du travail, conserve ses droits à congés payés. - Ceux-ci doivent par conséquent être reportés à l’issue de son arrêt de travail pour maladie. - En tout cas ils ne peuvent être « décrétés » comme perdus après une certaine période, généralement prévue par les règles ou usages propres à l’entreprise. - Cette décision allait à l’encontre des pratiques du droit français, pour lequel il est d’usage de considérer que : . seule la maladie survenant avant le départ en congés, et donc privant le salarié de son droit
(théorie de la « cause première ») permet de prétendre au report du congé ; . par contre, la maladie survenant après le départ en congés, ne devait pas avoir d’incidence sur celui-ci …et ce, toujours en application du principe de la « cause première » cf. cassation soc. 8 novembre 1984 n°82-42.372 ; . d’autant que ce salarié peut cumuler ses indemnités de congés payés et les indemnités de la sécurité sociale (cf. cassation soc. 26 novembre 1964 n°64-40.165) sans toutefois pouvoir prétendre à l’indemnité complémentaire conventionnelle (cass.soc. 2 février 1989 n°86-42.426) ; - De nombreuses entreprises, en France, prévoient actuellement par accord collectif… ou par usage, la perte des droits à congés après un certain délai au-delà de la « période de congés », à savoir du 1er mai au 31 octobre de l’année en cours. - Le plus souvent, il est exigé de « solder » les congés payés avant le 31 décembre de cette même année, faute de quoi ils seront perdus. - Cette pratique semble désormais condamnée par la CJUE comme étant trop restrictive. 2. En effet, par un nouvel arrêt de la CJUE du 22 novembre 2011, affaire C-214/10, la CJUE a admis qu’il convenait de poser des limites à ce report… notamment en cas de maladie prolongée !
- Ainsi, cet arrêt admet « qu’une réglementation nationale peut fixer une limite temporelle au cumul des droits au congé annuel payé, non pris, acquis durant une période d’incapacité du travail ». - Tout en précisant que « cette limite doit dépasser substantiellement la durée de période de référence à laquelle elle se rattache ». - En l’espèce la CJUE a considéré qu’une législation qui limite le cumul des droits au congé payé à une période de 15 mois est légitime au regard de la finalité du droit au repos. 3. Enfin (!) par un arrêt du 24 janvier 2012 Aff. C-282/10, la CJUE vient de juger que la législation française qui exige une « durée minimum de 10 jours de travail effectif » pour prétendre à l’ouverture des droits à congés payés est contraire au droit communautaire (cf. Avis de l’Avocat général dans le Flash de septembre 2011). Ainsi, par ces trois décisions, la CJUE invite très clairement les entreprises à réviser leurs pratiques y compris lorsqu’elles estiment être conformes à la législation et/ou la jurisprudence française actuelle. Il y a là une source non négligeable de contentieux qu’il convient, par conséquent, de prévenir en renégociant les modalités d’attribution des droits à congés payés. * Jacques Brouillet est avocat au Barreau de Paris, Cabinet ACD.
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Vie du droit
La médiation face à l’action judiciaire e lundi 9 février 2012, le Tribunal de Commerce de Versailles dont le nouveau Président élu est Dominique Olivier, organisait une conférence dont le thème était le suivant : « La Médiation face à l'Action Judiciaire ». Gilles Duverger-Nédellec, Président de chambre honoraire du Tribunal de commerce de Paris, Président d'honneur de l'Institut d'Expertise, d'Arbitrage et de Médiation (IEAM), ancien Directeur d’Esso SAF, chargé de cours à l’Ecole Nationale de la Magistrature et à HEC, arbitre, médiateur, était le conférencier qui s’est notamment exprimé en ces termes : « Face à un médiateur neutre, impartial et indépendant, les parties sont reçues dans un lieu neutre et convivial, assistées de leurs
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conseils. Il y a, en effet, responsabilisation des parties. Le temps des débats est, dans la plupart des dossiers, limité à une période de trois mois. Les débats revêtent un caractère rigoureusement confidentiel et peuvent être non contradictoires. Le médiateur n'est ni un juge, ni un arbitre et la solution transactionnelle devant émaner des parties, et s'appuyant sur l'article 2044 du Code Civil. Il y a, dans la très grande majorité des cas, préservation des relations commerciales. Une homologation est possible pour donner « la force exécutoire » à cette transaction. Le taux de réussite se situe entre 70 et 80%. » 2012-154 Jean-René Tancrède
Gilles Duverger-Nédellec
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Tribunal de Commerce, Versailles - 9 février 2012
Cercle de la Médiation
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Paris - 10 février 2012
e Cercle de la Médiation s'est réuni pour son premier dîner de 1'année 2012, à la Villa Modigliani à Paris, avec près de 80 participants. Quinze « structures » de médiations participaient à ce dîner, avec un invité d'honneur : le Président Daniel Tricot.
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Le Président Gilles Duverger-Nédellec avait convié de prestigieuses personnalités parmi lesquelles la Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance de Paris, Danièle Ganancia ainsi que Béatrice Brenner, Gabrielle Planès, JM. Benoist, C. Jacquiot, Gilles de Courcel, G.F. Rousseau, Claude Duvernoy, Maurice-
Antoine Lafortune, Fred Scetbon-Didi, et un invité marocain de Rabat, Ryiad Fakhri. Ce dîner a été l'occasion de nombreux et riches échanges sur la médiation, après 1'intervention du Président Tricot sur l’importance de la formation pour devenir médiateur. 2012-153 Jean-René Tancrède
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Jurisprudence
Hébergement d'urgence des personnes sans-abri Conseil d’Etat - ordonnance du 10 février 2012 - n°356456 - M. A.
Le Conseil d'Etat précise que la méconnaissance des obligations prévue par la loi en matière hébergement d’urgence des personnes sans-abri peut constituer une atteinte grave à une liberté fondamentale. Le Conseil d’Etat, Vu la requête, enregistrée le 4 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Karamoko A, élisant … ; M. A demande au juge des référés du Conseil d’Etat : 1°) d’annuler l’ordonnance n°1201897 du 3 février 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l’article L.521-2 du Code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant, d’une part, à la suspension de l’exécution de la décision implicite du 25 janvier 2012 par laquelle le préfet de la région d’Ile-de-France a rejeté sa demande d’hébergement en urgence et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint au préfet de la région d’Ile-de-France de lui assurer un hébergement d’urgence, jusqu’à ce qu’il soit orienté vers une structure d’hébergement stable ou de soins ou vers un logement adaptés à sa situation, conformément aux dispositions de l’article L.345-2-3 du Code de l’action sociale et des familles ; 2°) de faire droit à sa demande de première instance ; Il soutient que sa requête est recevable ; que la condition d’urgence est remplie, dès lors que l’immeuble où il habitait a été entièrement détruit le 17 janvier 2012 par un incendie ; qu’étant sans-abri et dans une situation de grande détresse reconnue par les agents de la ville de Gentilly, il ne peut se protéger des intempéries et des agressions ; qu’en ayant méconnu les dispositions des articles L.345-2, L.345-2-2 et L.345-2-3 du Code de l’action sociale et des familles, l’administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d’accéder à tout moment à une structure d’hébergement d’urgence ; que la décision attaquée méconnaît le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation ; qu’en ayant méconnu le principe d’interdiction des traitements inhumains et dégradants énoncé à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’administration a entaché d’illégalité la décision attaquée ; que, dès lors qu’elle porte atteinte à son droit à mener une vie privée normale, garanti par l’article 8 de la même convention, la décision litigieuse est entachée d’illégalité manifeste ; Vu l’ordonnance attaquée ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 février 2012, présenté par le ministre des Solidarités et de la cohésion sociale, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le droit du requérant à un hébergement d’urgence n’a pas été méconnu dans des conditions qui constitueraient une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que l’accès au dispositif de veille sociale étant ouvert de droit et à tout moment, il n’est nullement nécessaire de solliciter le préfet de région pour bénéficier de plein droit d’un accueil en structure d’hébergement ; que l’absence de réponse de l’administration ne pouvait empêcher le requérant de s’adresser directement à une structure d’hébergement d’urgence ; que, dans un contexte de demande particulièrement forte, rien n’interdit à l’administration d’établir une hiérarchie dans les situations d’urgence en fonction des dispositions relatives à la maîtrise des entrées, des personnes placées dans des situations différentes pouvant être traitées différemment ; que, dès lors, l’administration doit pouvoir établir un ordre de priorité d’accès à l’hébergement d’urgence, au regard duquel les hommes seuls et
sans difficulté de santé peuvent être considérés comme étant les moins vulnérables ; Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, M. A et, d’autre part, le ministre des Solidarités et de la cohésion sociale ainsi que le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ; Vu le procès-verbal de l’audience publique du 8 février 2012 à 16 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus : - Me Chevallier, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ; - M. A ; - le représentant de M. A ; - les représentants du ministre des Solidarités et de la cohésion sociale ; et à l’issue de laquelle le juge des référés a prolongé l’instruction jusqu’au 9 février à 15 heures ; Vu le nouveau mémoire, enregistré le 9 février 2012, présenté par le ministre des Solidarités et de la cohésion sociale, qui précise les conditions de mise en œuvre du dispositif de la veille sociale, et indique que les services de l’Etat ont, à la suite de l’audience du 8 février 2012, fait le nécessaire pour trouver une place d’hébergement pour M. A ; le ministre soutient qu’aucun refus de prise en charge n’a été opposé au requérant ; que le droit d’hébergement n’a pas été méconnu ; qu’il n’a été porté atteinte à aucune liberté fondamentale ; Vu le nouveau mémoire, enregistré le 9 février 2012, présenté pour M. A, qui reprend les conclusions et les moyens de sa requête ; il soutient qu’il a été privé du bénéfice de l’hébergement d’urgence ; que la hiérarchie des priorités définie par l’administration méconnaît les exigences qui découlent de la loi ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Vu le Code de l’action sociale et des familles ; Vu le Code de justice administrative ; Considérant qu’en vertu de l’article L.521-2 du Code de justice administrative : Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Considérant que l’article L. 345-2 du Code de l’action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l’autorité du préfet un dispositif de veille sociale chargé d’accueillir les personnes sans abri ou en détresse ; qu’en vertu de l’article L.345-2-1, un dispositif unique de veille sociale est mis en place en Ile-de-France sous l’autorité du préfet de région ; que l’article L.345-2-2 précise que : Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès,
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Jurisprudence à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence (…) ; qu’aux termes enfin de l’article L.345-2-3 : Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée (…) ; Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. Karamoko A, ressortissant de Côte d’Ivoire, réside en France depuis de nombreuses années ; que l’immeuble où il habitait à Gentilly (Val-de-Marne) a été détruit par un incendie dans la nuit du 17 au 18 janvier ; qu’après avoir été hébergé une nuit par la mairie de Gentilly puis une nuit par le service de veille sociale de la région d’Ile-de-France, il s’est retrouvé sans abri et n’a pas pu obtenir d’hébergement avant sa saisine du juge des référés du tribunal administratif de Paris ; Considérant qu’il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale ; qu’une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette tâche peut, contrairement à ce qu’a estimé le juge des référés de première instance, faire apparaître, pour l’application de l’article L.521-2 du Code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ; qu’il incombe au juge des référés d’apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée ; Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que les services de l’Etat ont mis en place un dispositif de veille sociale qui comprend un numéro d’appel téléphonique à partir duquel les orientations appropriées peuvent être données, assure la mise en réseau des différents partenaires, publics et privés, qui interviennent en matière d’hébergement d’urgence, et comprend des équipes mobiles ainsi que des structures d’accueil ; qu’il
a été précisé au cours de l’audience publique que le nombre de places disponibles pour assurer l’hébergement d’urgence a été accru de manière significative au cours des dernières années et que des moyens supplémentaires, comprenant, le cas échéant, un hébergement en hôtel, sont mobilisés durant les périodes de grand froid ; que, d’autre part, il appartient aux services chargés, sous l’autorité du préfet, de prendre en charge les demandes qu’ils reçoivent et de déterminer, parmi les différents moyens d’intervention dont ils disposent, les modalités de prise en charge adaptées à chaque cas, compte tenu notamment de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée ; Considérant qu’en l’espèce, M. A a été pris en charge, après l’intervention d’une équipe mobile, la veille de l’audience devant le juge des référés du Conseil d’Etat ; qu’à la suite de l’audience, et durant la prolongation de l’instruction décidée, à l’issue de celle-ci, par le juge des référés, des possibilités d’hébergement journalières lui ont été ouvertes dans le département du Val-de-Marne ; que les services de l’Etat assurent, avec le concours de partenaires associatifs, le suivi de sa situation ; que, dans ces conditions, les conclusions tendant à la prescription par le juge des référés de mesure de sauvegarde dans les conditions d’urgence particulière définies par l’article L.521-2 du Code de justice administrative ont perdu leur objet ; qu’il n’y a pas lieu, en conséquence de statuer sur l’appel introduit par M. A ; Ordonne : Article 1er : Il n’y pas lieu de statuer sur la requête de M. A. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Karamoko A et au ministre des Solidarités et de la cohésion sociale. Copie en sera adressée au préfet de la région d’Ile-de-France.
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Au fil des pages
Croquis et dessins d’audience de l’Affaire Caillaux Louis Hanny - Préface de Dominique Jamet - Synthèse historique établie par Marc Bleurvacq Sous la direction de Brigitte Lainé, conservateur en chef honoraire du Patrimoine
a direction des services d'Archives de Paris a entrepris la publication de l'ensemble des dessins et croquis d'audience de « l'Affaire Caillaux », réalisés par l'avocat Louis Hanny, présent lors du procès qui passionna l'ensemble des Français, en juillet 1914. Cet ouvrage constitue à cet égard une œuvre unique puisque ces documents n'ont jamais été diffusés auprès du grand public. Il invite le lecteur à découvrir le dernier procès mondain de la Belle Epoque, et les dessins de Louis Hanny nous en font revivre les moments de manière spectaculaire. Bien entendu, derrière ce procès, il y a le drame ; celui d'un journaliste, Gaston Calmette, assassiné par l'épouse du ministre des Finances. Mais surtout, en toile de fond, les prémices de la Grande Guerre où s'affrontèrent pendant plus de quatre années, dans les conditions terribles
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que nous savons, les armées de la Triple-Entente et celles des empires allemand et austrohongrois. Car ce procès marque la fin de l'ascension politique de Joseph Caillaux que le geste criminel de son épouse empécha de parvenir aux plus hautes fonctions et d'éviter - peut-étre - le premier conflit mondial. Ainsi « l'Affaire Caillaux » scella, sans doute, audelà du destin d'un homme, celui de tout un peuple qui entra presque immédiatement dans l'horreur de la guerre. De fait, ce procès fait aujourd'hui partie de notre histoire. Danièle Pourtaud Adjointe au Maire de Paris, chargée du Patrimoine 199 pages - 10 € Département de Paris 2012-156
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Régime matrimonial franco-allemand : prémices d’un code civil européen ? Rectificatif au numéro 6 du lundi 23 janvier 2012 (article 2012-062 page 13) dans l’article intitulé « Régime matrimonial franco-allemand : prémices d’un code civil européen ? », il a été dit en colonne 2, paragraphe 3 : « En France, les fruits produits par les biens appartiennent à celui qui est propriétaire des biens concernés tandis qu’en Allemagne, les fruits sont considérés comme des acquêts, quel que soit celui des époux qui est propriétaire du bien dont proviennent ces fruits ». Or, il convenait de dire que selon le régime légal français, la communauté d’acquêts, les fruits des biens propres, comme ceux provenant des biens communs, sont des biens communs. 2012-158
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Préfecture des Yvelines Versailles - 16 février 2012
e jeudi 16 février 2012, le Préfet des Yvelines Michel Jau a remis en présence du Ministre des Sports, David Douillet, les diplômes des médaillés de la jeunesse et des sports, promotion 2011, à 80 bénévoles exerçant leur action dans le département. Le Ministre a salué l'action des bénévoles qu'il a déclaré d'utilité publique. Etaient présents, Gerard Durozoy, Président du Comité des médaillés des Yvelines, Ethel Carasso-Roitman, directrice départementale de la cohésion sociale. Les médailles de la Jeunesse et des Sports, échelons bronze, or et argent ont été créées en
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1969 pour récompenser les bénévoles qui s'investissent tout particulièrement dans les associations sportives, les mouvements de jeunesse et activités sociaux-éducatives, les colonies de vacances et œuvres de plein air. Dans le département, la Direction départementale de la cohésion sociale, sous l'autorité du Préfet, instruit les dossiers proposés par les différentes instances associatives du département, et propose au ministère des Sports, les personnes qu'elles souhaitent voir reconnues par l'Etat, pour leur mérite. Les bénévoles du département sont très attachés à cette cérémonie qui les valorisent et leur apportent une reconnaissance. Une
cérémonie de remise de diplôme pour tous les récipiendaires de l'année, a lieu une fois par an, en préfecture, et en présence de Monsieur le Préfet. Les conditions requises pour en bénéficier sont également liées à l'ancienneté pratiquée dans l'activité du bénévolat. Le nombre d'années a justifier selon l’échelon est le suivant : - 8 ans pour le Bronze, - 4 ans supplémentaires pour l'Argent, - et 8 ans encore pour l'Or (ce qui porte à 20 ans d'ancienneté pour une médaille d’Or). Tous les ans, le ministère des Sports fixe un contingent par département. Pour les Yvelines, cette année, ce contingent est composé comme suit : - 73 médailles pour le Bronze, - 29 médailles pour l'Argent, - 9 médailles pour l'Or. Une grande majorité des médailles remises concernent des bénévoles sportifs (rugby, football, basket, pétanque, gymnastique, ...) et quelques mouvements de jeunesse comme les scouts. Depuis quelques années, une attention particulière est également portée au respect de la parité homme-femme. Pour cette année 2011, il a été retenu : - 64 médaillés en bronze (26 femmes 38 hommes), - 17 médaillés en argent (3 femmes 14 hommes), - et 9 médaillés en or (2 femmes - 7 hommes). Nous félicitons les lauréats. Source : Communiqué du Préfet des Yvelines du 14 février 2012.
Michel Jau et David Douillet entourés de quelques lauréats
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Jean-Pierre Uréna, David Douillet, Alain Lagarde, Denis Bénard et Michel Jau