Edition du jeudi 8 mars 2012

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LES ANNONCES DE LA SEINE Jeudi 8 mars 2012 - Numéro 17 - 1,15 Euro - 93e année

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Chantal Arens et François Molins

Tribunal de Grande Instance de Paris Rentrée solennelle - 16 janvier 2012 RENTRÉE SOLENNELLE

Tribunal de Grande Instance de Paris Précurseur de mutations par Chantal Arens ....................................... Le sens du service de la justice par François Molins...........................

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Tribunal de Commerce de Paris

8 11 13 AGENDA ......................................................................................5 CHRONIQUE

Maintenir une culture d’apaisement par Christian de Baecque.......... Exigence de rigueur par François Molins......................................... Des pistes de progrès par Frank Gentin ..........................................

Historiens réinvestis de leur mission Citoyens assurés d’une libre expression

Commentaire de la Décision n° 2012-647 DC du 28 février 2012 par Floriane Beauthier .....................................................................

TRIBUNE

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La société d’exercice libéral « Vingt ans après » la loi du 31 décembre 1990 et les décrets par Rémi Dumas...............................................................................

DROITS DE L’HOMME

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La situation des Droits de l’Homme en France ...............19

ANNONCES LÉGALES ...................................................23 ADJUDICATIONS................................................................30 DÉCORATION William Nahum, Commandeur du Mérite .........................31 IN MEMORIAM Jacqueline Favreau-Colombier ..............................................32

l’occasion de la rentrée solennelle du Tribunal de Grande Instance, la Présidente Chantal Arens a dressé le traditionnel bilan d’activité qui se caractérise par une stabilisation tant en matière civile que pénale, avant de rappeler que de nouvelles compétences « nationales et régionales très spécifiques et complexes » viennent d’être confiées à la juridiction parisienne. Elle a souligné que la création d’un pôle de traitement des procédures en matière de génocides et de crimes contre l’humanité, celle d’un pôle régional spécialisé dans le traitement judiciaire des grandes catastrophes ou encore le transfert des compétences de l'ancien Tribunal aux Armées de Paris « nécessitent des moyens adaptés, tant sur le plan humain, que matériel et financier, notamment en matière de frais de justice ». La Présidente du Tribunal parisien s’est par ailleurs réjouie des avancées du projet de construction du nouveau Palais de Justice qui offrira un cadre de travail « adapté aux exigences de la justice du 21ème siècle » à partir de 2017, même si « quitter l’actuel Palais, chargé d’histoire, où la justice est rendue depuis plus de mille ans, ne se fera pas sans regrets ». Le devenir de la justice dans le contexte de mondialisation était au cœur du propos de Chantal Arens. La crise conduit à de profondes mutations et « questionne le contour des institutions ».

A

Pour la Présidente du Tribunal de Paris, il est dès lors très important que la « justice soit un pôle de stabilité ». Cela étant, les évolutions ne doivent pas être rejetées, bien au contraire puisque la justice est le « réceptacle d’aspirations du corps social au changement », et peut ainsi « être le précurseur de mutations » Le Procureur de la République François Molins qui a été installé à la tête du Parquet parisien en décembre dernier (Les Annonces de la Seine, numéro 71 du 15 décembre 2011) a évoqué les nombreux objectifs qu’il s’est fixés pour cette année 2012 parmi lesquels figurent une action publique lisible et cohérente ainsi que le renforcement de la lutte contre la criminalité organisée. Il a souhaité que l’arrivée de Cassiopée, la nouvelle application informatique pénale dès le mois de mai prochain, soit mise à profit afin d’« engager une démarche interactive » permettant d'adapter et de rationaliser les organisations et les méthodes de travail et ainsi « les mettre à l'unisson de la modernité ». « Entre le passé où sont nos souvenirs et l'avenir où sont nos espérances, il y a le présent où vont nos devoirs », cette pensée de Saint Exupéry fut prononcée par François Molins en conclusion de son propos, estimant qu’elle indique « le chemin à suivre : celui de la mobilisation et de la responsabilité ». Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

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Rentrée solennelle

LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr

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par Chantal Arens

Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05

(…)

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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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omme chaque année, la juridiction rend compte de son activité et de son fonctionnement aux autres acteurs de la Cité. Cette audience donne également l’occasion d’aborder des thèmes, en lien avec l’actualité, qui intéressent l’institution judiciaire. La plaquette mise à votre disposition vous permettra d’appréhender dans le détail l’activité des différents services du tribunal de grande instance et des tribunaux d’instance de l’arrondissement judiciaire et je n’en aborderai que les traits les plus saillants. A l’instar de l’année 2010, l’année écoulée a été marquée par une activité soutenue du siège civil et pénal. En matière civile, le nombre des affaires nouvelles et terminées s'est stabilisé depuis deux ans, sauf en matière familiale où le nombre d'affaires continue de progresser. L’âge moyen du stock qui est de 13,8 mois, poursuit une diminution entamée en 2007 et la durée de traitement des affaires est de 6,5 mois. L’activité pénale, tant au service correctionnel qu’à l’instruction connaît également une stabilisation, bien que la complexité des affaires ne cesse de croître, de lourdes procédures en matière de criminalité organisée étant notamment jugées. En vue d’améliorer l’effectivité des peines, un contrat d’objectifs, signé avec la direction des services judiciaires, a conduit au renforcement du service de l’application des peines d’un magistrat et de fonctionnaires de justice. L’activité du tribunal pour enfants est en hausse, et nécessiterait un poste de juge des enfants supplémentaire. Enfin, le juge des libertés et de la détention continue d’avoir une activité intense. Le nouveau contentieux des hospitalisations sans consentement a nécessité de renforcer le service de deux magistrats et de quatre fonctionnaires. Les audiences se tiennent au tribunal de grande instance. Préparée dans le cadre d’un groupe de travail associant magistrats, greffe, médecins, préfecture, avocats, experts, l’entrée en vigueur de ce nouveau contentieux a pu se faire sans heurt et dans de bonnes conditions malgré l’indéniable surcroît de travail qu’elle a causée. L’an dernier, j’é voquais les contentieux particuliers que connait cette juridiction dont l’activité ne peut être comparée à aucune autre en France. Sauf à constituer plusieurs pôles régionaux ou interrégionaux dans des domaines particuliers et à la condition que le tribunal de grande instance de Paris perde sa compétence de fait en matière par exemple de presse, de propriété intellectuelle, de banque, voire de construction, ces propos sont toujours d’actualité. Le législateur vient en effet de confier de nouvelles compétences nationales et régionales au tribunal de grande instance de Paris : création d’un pôle de traitement des procédures en matière de génocide et crimes contre l’humanité, suppression du tribunal aux armées de Paris au profit du tribunal de grande instance de Paris, création annoncée d’un pôle régional

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Chantal Arens

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Précurseur de mutations

spécialisé dans le traitement judiciaire des grandes catastrophes. Ces nouvelles compétences très spécifiques et complexes, nécessitent des moyens adaptés, tant sur le plan humain, que matériel et financier, notamment en matière de frais de justice. S’agissant des frais de justice, un important travail de rationalisation du circuit de la dépense a été effectué, la régie a été dotée d’une nouvelle organisation plus efficace. L’installation d’un nouveau logiciel est attendue. Néanmoins, ces mesures ne pourront tout à fait suffire à permettre une fluidité optimale dans le paiement des mémoires de frais, et des délais de traitement totalement satisfaisants. En effet, le tribunal de grande instance de Paris traite chaque année 140 000 mémoires de frais pouvant représenter une somme de près de 10% du montant total des dépenses nationales de frais de justice. Cette volumétrie quelque peu vertigineuse rend compte de l’ampleur des besoins. Aux magistrats de cette juridiction, je veux témoigner une nouvelle fois de ma profonde reconnaissance. J’ai pu constater votre préoccupation constante d’allier efficacité, professionnalisme, célérité, qualité et attention à autrui dans votre délicate mission. J’ai pu apprécier votre capacité de travail et votre volonté de participer à des projets communs qui mobilisent l’ensemble de la juridiction. Vos conditions de travail ne sont pas toujours faciles. A cet égard, je ne peux que me réjouir des avancées du projet de construction du nouveau palais de justice. Le conseil d’administration de l’établissement public pour le palais de justice de Paris a en effet exprimé sa préférence pour un des deux projets en lice. Avec ce choix, le futur palais de justice devient presque une réalité, bien que son ouverture ne

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Rentrée solennelle soit prévue qu’en 2017. Quitter l’actuel palais, chargé d’histoire, où la justice est rendue depuis plus de mille ans, ne se fera pas sans regret mais la perspective de siéger dans un bâtiment conçu par un architecte de renommée internationale, adapté aux exigences de la justice du 21ème siècle, est à bien des égards exaltante. Grâce au soutien sans faille des premiers viceprésidents, des chefs de service et de la direction du greffe, grâce à l’implication forte des magistrats et fonctionnaires, de grands projets ont pu être poursuivis ou menés à bien. Je citerai pour mémoire, le transfert des tutelles des mineurs vers le tribunal de grande instance avec la création d’un nouveau service, la création d’un pôle enfance/famille en matière pénale spécialisé dans le traitement des violences intrafamiliales, le transfert du surendettement vers

structures à taille plus réduite, cette analyse n’est pas partagée par les magistrats et fonctionnaires de cette juridiction. Ainsi, pour objectiver ces éléments, des groupes de travail sur l’étude des flux et de la nature des contentieux traités au tribunal de grande instance de Paris en matière civile et pénale se sont réunis, leurs travaux devant être achevés dans les tous prochains mois. Ces groupes ont également des déclinaisons en ce qui concerne l'instance, l’instruction, le tribunal pour enfants et l'application des peines. Le travail de réflexion mené en leur sein vise tout à la fois à permettre à chacun, magistrat ou fonctionnaire, de mesurer et d’appréhender pleinement les contentieux qu’il traite, d’avoir une vision globale de l’activité et aussi de dégager des critères de nature qualitative objectivables

Mais il paraît aussi indispensable qu’une certaine stabilité et qu’une continuité puissent toujours être envisagées. La justice me paraît ressortir de cette notion de stabilité qui rejette l’immuabilité Chantal Arens mais qui doit conserver une identité. et quantifiables afin de faire partager cette analyse par la Chancellerie. Monsieur le procureur, dès votre arrivée à la tête de ce parquet, j’ai pu mesurer votre hauteur de vue et votre esprit de dialogue. Notre dyarchie fonctionne déjà de manière harmonieuse. Je suis persuadée que tel sera toujours le cas et qu'au cours des prochains mois, nous aurons des échanges fructueux pour un traitement toujours plus fluide des procédures correctionnelles, notamment dans le domaine de la criminalité organisée, et ainsi que pour la mise en place de l’application pénale Cassiopée qui va beaucoup nous mobiliser. Monsieur le bâtonnier Jean Castelain, Monsieur le vice-bâtonnier Jean-Yves Le Borgne, je veux

Après ce très bref panorama de l’activité de l’année écoulée, je souhaiterais évoquer les profondes mutations en cours dans notre société et le rôle de la justice face à celles-ci.

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les tribunaux d’instance avec la création d’un pôle du surendettement au tribunal d’instance du 19ème arrondissement, le développement de la médiation en matière civile, le recours accru à une dématérialisation des procédures d’instruction. Par ailleurs, la réflexion sur la capacité de jugement de la juridiction commencée lors du dernier trimestre 2010, s’est poursuivie en 2011, l’étude portant sur ce que l’on juge, comment l’on juge et avec quels moyens. Alors que de l’extérieur, l’on pourrait penser que la taille de la structure serait surdimensionnée au regard des contentieux traités et que quelques magistrats ou fonctionnaires en plus ou en moins seraient sans effet au regard des autres

vous rendre un hommage appuyé. Vous vous êtes montrés particulièrement attentifs aux préoccupations et aux projets présentés au nom de la juridiction. Des progrès décisifs ont été accomplis en matière de communication électronique civile sous votre impulsion. A compter du mois d’avril 2012, l’ensemble des chambres civiles utilisera exclusivement cette voie pour la mise en état des procédures civiles. Je ne peux que saluer cette formidable mobilisation du barreau en lien étroit avec les chambres civiles, magistrats et fonctionnaires. Le même succès est en passe d’être atteint pour la structuration des écritures, projet déjà finalisé par la cour d’appel de Paris. J’é voquais tout à l’heure la réforme des hospitalisations sans consentement. La forte implication du barreau de Paris a permis qu’un avocat soit désigné et présent dans la quasitotalité des dossiers. Les premiers contacts noués avec vos successeurs, Maître Christiane Féral-Schuhl et Maître Yvon Martinet laissent augurer d’une poursuite des travaux accomplis dans un esprit de dialogue riche et constructif auquel vous le savez, je suis très attachée. Madame le Bâtonnier, Monsieur le vice-Bâtonnier, je vous félicite chaleureusement pour votre élection à la tête du barreau de Paris et suis certaine que nous continuerons d’améliorer encore le fonctionnement de cette juridiction. Madame le directeur de greffe, vous savez combien je suis attentive à la situation des fonctionnaires de justice. J’ai pleinement conscience de leur dévouement, de leur implication, de la difficulté de leurs tâches, de leurs conditions de travail qui ne sont pas toujours idéales. Je salue leur implication quotidienne et sans faille pour donner une image valorisée et humaine de la justice. Je leur renouvelle toute ma gratitude et ma reconnaissance.

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Rentrée solennelle Il est presque devenu un lieu commun d’aborder la grande crise systémique auquel notre société fait face. Cette crise revêt plusieurs visages et il serait vain de vouloir les aborder tous. La crise devient en quelque sorte un état continu. Elle est naturellement économique, mais également politique, écologique, morale, voire elle porte sur les valeurs. C’est aussi une crise de l’histoire européenne. Marcel Gauchet indique que « Nous ne sommes pas à la fin de l’Histoire mais dans une impasse de l’Histoire ». L’an dernier je rappelais que notre époque est en quelque sorte prise et éprise de vitesse. Celleci envahit tous nos modes de vie : intensification des échanges, réduction voire abolition des distances, communication immédiate. Cette

traduisent la réalisation d’un ordre rationnellement désirable, juridiquement à un ensemble d’institutions chargées de veiller à l’application de règles qui permettent la vie commune. Il est également possible de dire que la justice est un idéal, s’accomplit dans la norme et qu'elle est une institution. Les bouleversements actuels et plus généralement de ces dernières années m’inspirent trois séries de réflexions, dans le prolongement de ces distinctions. S’agissant de l’institution, il peut être relevé que la crise actuelle qui présente un caractère transnational invite à reconsidérer la notion même d’Etat et par la même la justice qui en fait

Chassons immédiatement le fantôme du gouvernement des juges, il n’est question que d’interpréter le droit et non pas de l’instituer. La justice est le réceptacle d’aspirations du corps social au changement et peut accompagner, voire être le précurseur de Chantal Arens mutations.

situation peut conduire à un sentiment d’accélération de l’histoire, voire à une perte de la représentation du futur. Ces évolutions ne sont toutefois pas vécues au même rythme par tous. Elles peuvent aussi être un facteur de repli sur soi. Par ailleurs, à ces évolutions, qui peuvent être regroupées sous le terme commode de mondialisation marquée par une forte interdépendance entre les économies et les peuples, s’ajoutent de profondes remises en cause de notions que l’on croyait, à tort, éternelles. Il me paraît dès lors pertinent de s’interroger sur le devenir de la justice dans ce contexte particulier. Naturellement, tout changement, même rapide, ne peut être perçu comme en soi négatif. Sans doute et sans incertitude il ne pourrait y avoir de création, de nouveauté. D'ailleurs, d'un point de vue étymologique, les traditions grecques et orientales se rejoignent, puisque le mot grec de crise signifie décider et trancher, alors que dans le mandarin classique, l'idéogramme crise signifie opportunité. Toute crise est donc un facteur de changement et d'évolution. Mais il paraît aussi indispensable qu’une certaine stabilité et qu’une continuité puissent toujours être envisagées. La justice me paraît ressortir de cette notion de stabilité qui rejette l’immuabilité mais qui doit conserver une identité. Il n’est pas aisé pour le citoyen de définir la justice. Comme l’é crit Paul Ricœur : « C’e st d’abord à l’injustice que nous sommes sensibles. […] La justice est plus souvent ce qui manque, et l’injustice ce qui règne. Et les hommes ont une vision plus claire de ce qui manque aux relations humaines que de la manière droite de les organiser ». Les auteurs distinguent souvent trois sens : le juste renvoie subjectivement à une disposition morale de l’individu, objectivement à la qualité de certains actes ou de certaines situations qui

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partie. A cet égard, cette crise vient renforcer un phénomène en cours depuis quelques décennies. Dès les années 1970 et 1980, d’éminents philosophes, sociologues mettaient en exergue un point d’inflexion de la raison d’Etat dans la courbe de son développement. Ils développaient les notions de « raison du moindre Etat », de « gouvernement frugal » ou « d’Etat modeste ». Plus récemment, un auteur a souligné un trait dominant de notre époque : le repli stratégique de l’Etat. Ce phénomène peut engendrer un problème d’identité pour la justice et questionne le contour des institutions. A une période de crise, pour que la justice soit un pôle de stabilité, sans rejeter le changement ni les évolutions, la justice devant même pour une part les accompagner, il peut être souhaitable qu’on donne à la justice les moyens de cette stabilité, à tous points de vue. La justice participe de la légitimité démocratique. Une prise en considération de la justice en tant qu’institution, qui ne serait pas à la hauteur des enjeux, peut s'avérer périlleuse. S’agissant de la norme, la justice peut en période de mutation, accompagner le changement. Souvenons-nous d’Aristote et de « L’éthique à Nicomaque », « le juste, donc, est ce qui est conforme à la loi et ce qui respecte l’égalité, et l’injuste ce qui est contraire à la loi et ce qui manque à l’égalité ». Le Conseil constitutionnel a rappelé dans deux décisions des 6 et 14 octobre 2010, que le juge donne une portée effective aux lois, par leur interprétation. Chassons immédiatement le fantôme du gouvernement des juges, il n’est question que d’interpréter le droit et non pas de l’instituer. La justice est le réceptacle d’aspirations du corps social au changement et peut accompagner, voire être le précurseur de mutations. L’importance croissante du droit européen et le rôle de la Cour européenne des droits de

l’homme en fournissent une illustration. La primauté accordée par le juge aux droits fondamentaux apparaît nécessaire et contribue à cette stabilité que j’évoquais à l’instant. Le juge met en avant des normes supérieures, repères en temps de crise et de mutations, normes qui permettent de renforcer les garanties offertes aux justiciables. S’agissant de l’idéal, et j’en terminerai par-là, Platon ne fait-il pas de la justice la vertu supérieure : « Je crois que dans la Cité le complément des vertus que nous avons examinées, tempérance, courage et sagesse, est cet élément qui leur a donné à toutes le pouvoir de naître, et après leur naissance, les sauvegarde autant qu’il est présent ». La crise et les changements doivent inviter les acteurs de la justice à une réflexion collective sur notre manière d’agir, afin de s’efforcer de réaliser cette exigence éthique et de redonner tout son sens à notre mission. C’est d’ailleurs la perte de sens qui conduit à la perte de repères et à l’affadissement des valeurs mêmes qui structurent l’institution judiciaire. Dans la troisième partie du « Discours de la méthode », Descartes déclinait quelques maximes de sa « morale par provision ». Il nous invitait tout à la fois à la modération, à la résolution et à travailler à promouvoir les conditions du bonheur. Dans une période de profond changement nous mettant en présence de situations pouvant être inédites, il peut être intéressant de revenir aux fondamentaux cartésiens : modération, résolution qui permettront de dépasser le doute, pour parvenir à une action éclairée, tout en pensant le monde complexe qui est le nôtre, de façon ouverte, pluraliste, argumentée. Prolongeons cette réflexion avec Edgar Morin dans « Mes démons » : « L'éthique doit mobiliser l'intelligence pour affronter la complexité de la vie, du monde, de l'éthique elle-même. C'est une éthique de la compréhension, qui n'impose pas une vision manichéenne du monde [...] C'est une éthique qui rencontre sans cesse l'incertitude et la contradiction en son sein. Une éthique sans fondement autre qu'elle-même, mais qui a besoin d'appuis à l'e xtérieur d'elle-même ». Pour la justice qui est au fondement même de notre existence individuelle et collective et qui est inséparable de la vie de l’homme en société, il me semble qu’il convient de répondre à l’invitation de ces penseurs. Conserver une juste place, une juste distance, prendre du recul, penser la complexité tout en se montrant ferme et résolu. Face à l’accélération du temps, la justice doit toujours être considérée comme une temporalité en soi, un moment singulier, symbolique, une rupture dans le temps pour se donner le temps de la réflexion et ainsi retrouver une finalité longue. La justice doit conserver l’esprit de son institution en se référant à ses valeurs fondamentales : indépendance, impartialité, juste distance, respect du contradictoire, valeurs de nature à garantir le recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable. Si l’interdépendance des systèmes et des hommes rend encore plus complexe toute évolution de notre système juridique, soyons toutefois résolument confiants en notre capacité qui a toujours été la nôtre, à nous adapter aux grands défis mondiaux de demain tout en gardant notre identité.

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Rentrée solennelle

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François Molins

Agenda

EXPOSITION

Albert Gallatin Un Genevois aux sources du rêve américain 1761-1849 jusqu’au 17 mars 2012 Bibliothèque de Genève BGE Parc des Bastions - Genève (Suisse)

Le sens du service de la justice par François Molins (…) l y a très exactement un mois et deux jours, je prenais la parole dans cette même enceinte lors de mon audience d'installation en qualité de procureur de la République. Je n'aurai donc pas l'impudeur de prétendre aujourd'hui dresser le bilan de mon action au cours de ces trente deux derniers jours et je me concentrerai sur une double logique : parler du travail et de l'action des membres de ce parquet au cours de l'année 2011 et vous dire quels seront nos objectifs pour cette année 2012. Monsieur le Premier président de la cour d'appel, monsieur le procureur général, dans le cadre de ces objectifs, nous savons pouvoir compter sur votre soutien pour que soient reconnues les spécificités de cette juridiction, à nulle autre pareille et pour qu'elle soit dotée des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions au service du justiciable. Toute compétence nouvelle doit donc nécessairement être accompagnée de moyens nouveaux. Mais nous devons aussi conduire une réflexion critique et constructive sur notre organisation et nos modes de travail. Ce travail de réflexion et de modernisation de l'organisation et du fonctionnement de notre juridiction constitue pour madame le Président et moi-même un objectif prioritaire de notre action. (…) Je voudrais enfin, non par une clause de style mais parce que la réalité l'exige, rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui, dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris, magistrats, fonctionnaires, et collaborateurs occasionnels de la justice, ont contribué à l'œuvre de justice au cours de l'année qui vient de s'écouler. J'ai trouvé dans ce parquet une volonté de servir l'intérêt général, en un mot, un sens du service public qui me donne espoir dans la poursuite de la marche ascensionnelle vers un objectif d'excellence qui doit être l'idéal commun de tous les magistrats et

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les fonctionnaires de ce parquet quelle que soit la division ou la section ą laquelle ils appartiennent. Ce sens du service public de la Justice je l'ai perçu à l'occasion de ma visite de l'ensemble des services du parquet. Je l'ai perçu à travers la volonté de mes collègues d'occuper toute la place qui revient à l'autorité judiciaire au sein de la cité et qui se manifeste au quotidien : transport sur les lieux à l'occasion des infractions les plus graves, participation aux instances de concertation et du contrat parisien de sécurité, resserrement des liens avec les administrations de l'Etat partenaires et avec les collectivités territoriales, recherche d'une effectivité accrue dans la direction et le contrôle de l'exercice de la police judiciaire, volonté de communiquer et d'expliquer ses décisions. Tout cela démontre la réalité de l'investissement de chaque membre de ce parquet au service d'une ambition commune. Mes chers collègues, gardez intacte votre foi dans les progrès pour notre justice que peut apporter, votre action quotidienne, même la plus obscure. Soyez assurés de ma détermination pour la soutenir. Sachez que je ferai tout pour ne pas décevoir vos attentes tout comme je sais pouvoir compter sur votre dynamisme, votre compétence et votre dévouement. Ce même sens du service public, je l'ai trouvé chez mes collègues du siège dont je n'ignore pas le poids des sujétions. Mais je sais aussi qu'ils comprennent de plus en plus que le recours aux procédures rapides est imposé par la volonté de donner à la réponse judiciaire toute la réactivité et l'immédiateté qu'attendent légitimement nos concitoyens. Ce sens du service de la justice, je l'ai enfin trouvé chez les fonctionnaires de cette juridiction. Il faut leur rendre hommage car sans la conscience professionnelle de nombre de fonctionnaires de justice, souvent les plus discrets, nombreux seraient au sein de ce tribunal les services en difficulté ! Enfin, c'est ce même souci de l'intérêt collectif qui se décline en terme de sécurité publique qui existe derrière l'engagement des policiers et des gendarmes parisiens.

Renseignements : +41(0)22 418 28 00/14 www.ville-ge.ch/bge

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COLLOQUE CYCLE HISTOIRE ET JUSTICE 2012 LES ÉCRIVAINS EN JUSTICE

Le procès de Socrate : mourir pour la loi 15 mars 2012 Cour de cassation - Paris 1er Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-181

CONFÉRENCE ET SIGNATURE DE L’OUVRAGE

Gambetta, le commisvoyageur de la République par Jean-Philippe Dumas 21 mars 2012 Mairie du XXème - Paris Renseignements : http://ahav.free.fr

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ÈME

37 COLLOQUE DE DEAUVILLE ASSOCIATION DROIT ET COMMERCE

Loyauté et impartialité en droit des affaires 31 mars et 1er avril 2012 Deauville Renseignements : Téléphone/télécopie : 01 46 28 38 37 isabelle.aubard@droit-et-commerce.org www.droit-et-commerce.org

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COLLOQUE DROIT ET ÉCONOMIE DE L’ENVIRONNEMENT

L’information des marchés sur la politique environnementale des entreprises 14 mai 2012 Cour de cassation - Paris 1er Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-184

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Rentrée solennelle Les données chiffrées en ma possession m'indiquent qu'au cours de l'année 2011, 232 797 faits ont été constatés à Paris par les services de police ce qui représente une baisse de 2,1% des faits constatés. A cette évolution positive que l'on ne peut que saluer, je veux ajouter celle qui constitue le véritable baromètre de l'activité des services enquêteurs : je veux parler du taux d'élucidation,

technique et scientifique, à la génétique et à l'utilisation intelligente de la vidéo-protection dont l'exemple parisien présenté le mois dernier au commissariat du 20ème arrondissement constitue un bel exemple. Je ne commenterai pas ici les réponses judiciaires apportées par le parquet. Elles figurent sur la plaquette qui vous a été distribuée. J'évoquerai simplement le taux de

L'application de cette réforme doit maintenant s'accompagner d'une évolution des mentalités pour sortir définitivement de la culture de l'aveu et développer toujours plus une police d'investigation comme nous le permettent de plus en plus les évolutions technologiques, je pense notamment à la police technique et scientifique, à la génétique et à l'utilisation intelligente François Molins de la vidéo-protection.

du pourcentage des faits dont les auteurs ont été identifiés par rapport à ceux constatés. Lorsque je relève que ce taux d'élucidation a encore progressé pour atteindre le chiffre de 38,5% (je rappelle qu'il était d'environ 15% il y a une douzaine d'années), je me fais un agréable devoir d'exprimer ma satisfaction ą l'ensemble des officiers et agents de police judiciaire parisiens pour la qualité du travail effectué. Tous savent à quelle hauteur nous plaçons nos exigences tant au niveau de l'efficacité que pour tout ce qui touche à la rigueur procédurale et à une déontologie sans faille. Une réforme importante a concerné en 2011 le fonctionnement de notre justice pénale : la réforme de la garde à vue. Après un processus jurisprudentiel extrêmement rapide et enchevêtré, après un conflit de normes entre notre loi nationale et la Convention européenne des droits de l'homme et l'évolution des jurisprudences de la Cour de Strasbourg et de la Cour de cassation, la loi du 14 avril 2011 est entrée en vigueur le 1er juin 2011. Quelques enseignements peuvent d'ores et déjà être tirés de son application à Paris : - le nombre de gardes à vue a peu baissé (- 3,3%), - la réforme n'a pas véritablement eu d'incidences sur le taux d'élucidation des affaires mais la faiblesse de cette incidence doit aussi être relativisée compte tenu de la faible diminution des gardes à vue, - cette réforme était indispensable mais elle a engendré un surcroît de travail pour les services enquêteurs, pour le parquet et pour le barreau. Je veux encore une fois rendre hommage à tous les acteurs de cette procédure pour avoir mis en œuvre avec beaucoup de loyauté et de compétence ces nouvelles dispositions voulues par le législateur. L'application de cette réforme doit maintenant s'accompagner d'une évolution des mentalités pour sortir définitivement de la culture de l'aveu et développer toujours plus une police d'investigation comme nous le permettent de plus en plus les évolutions technologiques, je pense notamment à la police

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réponse pénale qui s'est maintenue à un haut niveau avec un taux de réponse pénale de 78,40% et un taux de réponse pénale encore en augmentation pour les mineurs puisqu'il atteint le chiffre record de 93,60%. Ces réponses pénales sont à mettre au crédit de l'ensemble des magistrats du parquet qui, par leur compétence et leur dévouement quotidien, dans tous les domaines, pénal, civil, commercial, ont eu à cœur de poursuivre le même objectif, celui de développer une politique judiciaire ambitieuse et cohérente, à la hauteur des enjeux hors normes de cette juridiction. Les priorités seront multiples au cours de cette année 2012 qui promet d'être riche. En 2012, nous développerons : - une action publique lisible et cohérente, - le renforcement de la lutte contre la criminalité organisée, - une action publique de proximité, - l'exécution rapide et dynamique des peines. Nous nous attacherons en 2012 à faire progresser la transversalité et la cohérence qui sont essentielles dans un tel parquet composé je le rappelle de 123 magistrats. Nous y parviendrons en développant la communication interne et en nous dotant, avant octobre 2012 grâce à un travail collectif, d'un mémento de politique pénale, document de référence qui formalisera notre politique pénale et garantira son application par l'ensemble des magistrats de cc parquet, quelle que soit la division ou la section à laquelle il appartient. Un outil qui sera partagé et appliqué par l'ensemble des magistrats de ce parquet. Plus que jamais, l'action publique doit être lisible et attentive à un contexte, à la personnalité des mis en cause, à la nature et à l'importance du trouble à l'ordre public généré par l'infraction : en un mot, elle doit faire montre d'une intelligence aiguë des hommes et des situations. C'est par ce critère que se mesure l'intelligence et la qualité d'une politique pénale. Un travail important a été lancé dans ce tribunal en 2010 par vous-même Madame le président,

et par Jean-Claude Marin : il doit être poursuivi au regard des données d'activité de ce tribunal et des possibilités qui nous sont données par la loi du 13 décembre 2011 sur la répartition des contentieux et la simplification des procédures. Nous poursuivrons ce travail au regard de trois exigences : - Renforcer le contradictoire, qui est synonyme de justice et qui, seul, permet l'exercice effectif des droits de la défense et assure la qualité de la justice. Les citations directes qui donnent lieu dans près de 60% des cas à des jugements rendus par défaut donc en l'absence du prévenu, sont encore beaucoup trop nombreuses. Elles doivent être limitées au profit de procédures assurant davantage la présence du prévenu telles que les convocations par officier de police judiciaire, convocation par procès-verbal ou comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, et ce en développant davantage dans les sections qui le pratiquent peu, le recours au traitement en temps réel qui permet au parquet, grâce au signalement téléphonique des infractions élucidées par les services de police, de développer des réponses rapides et contradictoires. - Diminuer le taux de renvoi qui affecte, le mot n'est pas trop fort, ce tribunal quand on sait qu'il peut concerner jusqu'à 30% des affaires dans certaines chambres correctionnelles et qui diminue d'autant sa capacité de jugement. - Dans le respect des droits de la défense, d’avoir encore davantage recours aux procédures simplifiées que sont l'ordonnance pénale et la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui ont démontré toute leur utilité et dont le législateur vient d'étendre le domaine, et nous permettre de mieux les utiliser pour réserver l'audience aux affaires auxquelles elle peut apporter une véritable valeur ajoutée. Ceci nous imposera de remettre à plat notre politique pénale pour voir comment mieux exploiter ces procédures et améliorer la qualité et la crédibilité de nos réponses pénales. Je voudrais à cet égard rendre un hommage appuyé au barreau de Paris pour le positionnement qui a été le sien face à la procédure de plaider coupable. Il n'a fait le choix ni de l'obstruction, ni du refuge sur l'Aventin et a accompagné le tribunal de Paris dans l'application de cette nouvelle procédure qui s'est traduite en 2011 par près de 4 000 homologations. Dans le même souci de la concertation et du respect des droits de la défense, je souhaite madame le Président que nous poursuivions ce travail pour traduire dans la réalité de cette juridiction les apports de la loi du 13 décembre 2011. La lutte contre la criminalité organisée et le trafic de stupéfiants doit rester une priorité, à l'unisson avec les objectifs du plan stupéfiants de la préfecture de police qui connaît des résultats fructueux. Sans moyen nouveau et donc au prix de redéploiement interne, j'ai augmenté il y a quelques jours les effectifs en magistrats de la section C 2 compétente pour ces dossiers et dont la charge avait considérablement augmenté ces dernières années. Ils sont désormais 10 magistrats dans cette section spécialisée. J'évoquais ici il y a tout juste un mois mon souci de développer une action publique de proximité dans les quartiers qui connaissent des problèmes plus aigus de délinquance et en

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Rentrée solennelle renforçant nos relations avec les élus notamment en leur expliquant mieux la politique pénale que nous menons. (…) Enfin nous poursuivrons nos efforts pour parvenir à une exécution rapide et dynamique des peines qui je le répète doit constituer l'objectif ultime de toute procédure pénale. 2011 aura constitué à cet égard une réelle avancée puisque grâce à l'effort des magistrats et des fonctionnaires du service de l'exécution des peines et grâce aux moyens supplémentaires dont nous avons bénéficié dans le cadre du contrat d'objectifs conclu en février 2011 avec le ministre de la Justice, le délai moyen d'exécution des peines a pu être réduit de 10,45 mois à 7,72 mois. Les moyens obtenus dans le cadre de ce contrat d'objectif ont permis d'exécuter 6 444 extraits de jugements de plus que nous en avions reçus ce qui a permis de diminuer d'autant le stock de peines à exécuter. Que l'ensemble des magistrats et fonctionnaires du service de l'exécution des peines soient ici remerciés pour l'implication qu'ils ont manifestée à cette occasion. Cet effort, nous allons le poursuivre en systématisant la purge des situations pénales de l'ensemble des personnes déférées devant le parquet de Paris. Cela signifie que le défèrement de toute personne (cela concerne près de 9 000 personnes chaque année) sera désormais, à compter de ce lundi 16 janvier, mis profit pour ramener à exécution toutes les peines qui avaient été prononcées contre lui, qu’elles soient déjà diffusées aux services de police ou qu'elles soient en cours de formalisation au service de l'exécution des peines, et lui notifier les jugements qui auraient été rendus en son absence. Ce nouveau protocole de travail renforcera encore davantage la crédibilité et l'effectivité des décisions de justice rendues à Paris. Comme vous Madame le Président, j'appelle de mes vœux en cette nouvelle année une meilleure prise en compte des spécificités de cette juridiction. Ceux qui me connaissent savent que je n'ai pas la culture du Miserere. J'appelle seulement de mes vœux que cette juridiction fonctionne avec la totalité des moyens qui lui sont affectés car elle est plus que d'autres sujette aux aléas des mises à disposition, et parce que, plus que toute autre, elle doit répondre à des enjeux spécifiques, nationaux, voire internationaux. Cette spécificité passe certainement par la valorisation des actions menées ici et qui parfois, ne sont peut-être pas suffisamment connues. J'en veux pour preuve l'action conduite dans cette juridiction à l'égard des mineurs par le parquet et par le tribunal pour enfants et qui justifie largement que la justice des mineurs à Paris soit renforcée par la création d'un 14ème poste de juge des enfants au tribunal pour enfants. Après une année 2010 qui avait déjà connu une augmentation très importante de l'activité du parquet des mineurs et du tribunal pour enfants, l'année 2011 s'est traduite par une véritable explosion. Afin de faire face à l'accroissement exponentiel de la délinquance des mineurs issus de l'Europe de l'Est, mineurs parfois très jeunes et sous la coupe d'adultes qui retirent les fruits de leur activité, et qui représentent la moitié des mineurs déférés au parquet de Paris, la section

des mineurs a été renforcée et fonctionne en autonomie totale depuis le 1er avril 2011. Elle a été accompagnée de la création d'une permanence des délégués du procureur de la République qui permet d'organiser un rappel à la loi après défèrement pour les mineurs les plus jeunes, âgés de 10 à 13 ans. La réorganisation de la section des mineurs a permis de conduire une politique pénale particulièrement offensive à l'égard des mineurs âgés de 13 à 18 ans et qui, soit font l'objet de réquisitions de jugement dit à bref délai (entre 1 et 3 mois) devant le tribunal pour enfants, soit sont poursuivis dans le cadre de la présentation immédiate devant le tribunal pour enfants lorsque les conditions légales sont réunies. A l'audience, lorsqu'une peine d'emprisonnement est prononcée, le parquet requiert systématiquement l'exécution provisoire de la décision. Depuis le mois d'octobre, afin d'assurer une exécution effective et rapide des peines prononcées, la section des mineurs en liaison avec la section de l'exécution des peines, a mis en place un circuit court de mise à exécution des peines prononcées avec exécution provisoire. Ce dispositif qui constitue une véritable innovation a d'ores et déjà permis dans une vingtaine de cas, la mise à exécution dans un délai très accéléré puisque cette mise à exécution a pu intervenir dès la prochaine garde à vue du mineur condamné, parfois seulement

Celles de l'ancien tribunal aux armées de Paris pour les infractions militaires à l'étranger et la création d'un pôle génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Ces nouvelles compétences qui ont donné lieu à la création de deux nouvelles sections au sein du parquet doivent pouvoir compter sur un effectif propre et suffisant. Je sais que la Chancellerie l'a compris et que la montée en charge de ces pôles sera accompagnée progressivement de l'arrivée des moyens nécessaires pour nous permettre de développer des stratégies d'action publique à la hauteur des objectifs du législateur. La réussite est à ce prix ! L'année 2012 constituera pour l'ensemble de notre juridiction un enjeu considérable puisqu'elle verra l'arrivée de Cassiopée, la nouvelle application informatique pénale à compter du mois de mai. Cette installation, pour laquelle nous allons bénéficier d'un engagement important de la direction des services judiciaires, va concentrer tous nos efforts pendant une année. Sa réussite n'est pas seulement conditionnée par l'aide dont nous allons bénéficier même si elle nous est indispensable, mais aussi je le crois, par le degré de notre mobilisation à toutes et à tous, magistrats et fonctionnaires. En ce début d'année, je ne formulerai qu'un vœu : sachons relever ce défi. Sachons mettre à profit l'arrivée et l'installation de ce nouveau système informatique qui a fait ses preuves ailleurs pour savoir nous remettre en cause,

L'année 2012 constituera pour l'ensemble de notre juridiction un enjeu considérable puisqu'elle verra l'arrivée de Cassiopée, la nouvelle application informatique pénale à compter du mois de mai. Cette installation, pour laquelle nous allons bénéficier d'un engagement important de la direction des services judiciaires, va François Molins concentrer tous nos efforts pendant une année.

quelques jours après la condamnation avec exécution provisoire. Dans le cadre de cette politique, 2 848 mineurs, dont près de la moitié sont des mineurs roumains ou sont issus de l'ex-Yougoslavie ont été déférés au parquet de Paris au cours de cette année 2011, ce qui représente 50,7% de plus qu'en 2010 et place ce parquet dans une situation hors norme. Pour répondre à ce défi, le traitement de la délinquance de voie publique ne suffit pas. Il doit s'articuler avec une lutte contre les réseaux criminels. Il convient en effet d'identifier et de réprimer ceux qui incitent et provoquent à cette délinquance et en retirent des profits. Plusieurs enquêtes et informations sont en cours sur ce point afin d'identifier ces réseaux qui constituent une véritable criminalité organisée autour de la commission de vols, de la mendicité ou de l'escroquerie. La spécificité de notre tribunal passe aussi par une juste perception de ses enjeux. Le premier jour de cette année 2011 aura vu l'arrivée de nouvelles compétences pour cette juridiction.

pour savoir engager une démarche inter active nous permettant d'adapter et de rationaliser nos organisations et nos méthodes de travail pour les mettre à l'unisson de la modernité qui nous est proposée. « Entre le passé où sont nos souvenirs et l'avenir où sont nos espérances, il y a le présent où vont nos devoirs ». Cette pensée de Saint Exupéry pleine de sagesse nous indique le chemin à suivre : celui de la mobilisation et de la responsabilité.

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Rentrée solennelle

Tribunal de Commerce de Paris Audience Solennelle de Rentrée et d’Installation - 13 janvier 2012 La Rentrée Solennelle de la première juridiction consulaire de France s’est tenue le 13 janvier dernier en présence des hautes personnalités du monde politique, économique et judiciaire au premier rang desquelles Vincent Lamanda et Jean-Claude Marin, respectivement Premier Président et Procureur Général près la Cour de cassation. L‘année judiciaire 2012 s’est ouverte avec une nouvelle présidence puisque Frank Gentin a été installé à la tête de ce Tribunal. C’est aussi la première fois que le Procureur de la République François Molins occupe le siège du Ministère Public auprès de cette juridiction. A cet égard il a rappelé que le Procureur de la République « n'est jamais dans un Tribunal de Commerce un acteur de troisième rang, qui « représenterait les pouvoirs publics », mais un magistrat qui veille constamment à l'application de la loi. Frank Gentin succède ainsi à Christian de Baecque dont les quinze années au sein de ce tribunal, les quatre dernières à sa tête, ont été caractérisées par un souci du « progrès permanent. » Il a d’ailleurs mis en place un système ayant conduit à l’obtention de la certification qualité remise par Garde des Sceaux. Il laisse en outre une juridiction se trouvant en bon état de marche, affichant un faible taux d’appel des décisions (8%) comme un très faible taux d’infirmation (3%). Président d’un groupe de distribution et de services automobiles Bernis depuis vingt-deux ans, Frank Gentin conjugue un riche parcours de chef d’entreprise avec une expérience très complète de juge consulaire puisqu’il a exercé de nombreuses fonctions depuis son entrée dans ce Tribunal parisien en janvier 2003 : juge de contentieux, juge délégué aux référés, juge dans les chambres de traitement des difficultés des entreprises, puis juge dans la chambre spécialisée en sauvegarde. Le nouveau Président de la juridiction consulaire parisienne a présenté quelques-unes des pistes de travail qu’il entend explorer au cours de cette année 2012, concernant la formation continue, le rebond des entrepreneurs défaillants, les échanges électroniques avec les avocats ou encore de l’effectivité de l’e xécution des décisions. Il a souligné que « Cette recherche des améliorations s’inscrit parfaitement dans la lignée du travail accompli » depuis plusieurs siècles dans ce Tribunal avant de rendre hommage à ses prédécesseurs Gilbert Costes, Perrette Rey et Christian de Baecque. Jean-René Tancrède

Christian de Baecque

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Premier objectif : effectuer dans la sérénité les quatre missions qui sont confiées à un tribunal de commerce 1. première mission : du contrôle du registre du commerce et des sociétés à la nomination des commissaires aux apports.

Cette activité n’est pas médiatique, donc on en parle très peu. Elle est pourtant fondamentale pour le bon fonctionnement de l’économie, car en fait toutes les entreprises, sans exception, sont concernées par ces formalités légales. Elle fonctionne fort bien ; ceci est dû à la qualité du travail accompli par les greffiers et par tous les employés du greffe. (…) 2. deuxième mission : la résolution de litiges

Maintenir une culture d’apaisement par Christian de Baecque uel est le bilan de l’activité du tribunal de commerce de Paris en 2011 ? Je ne vous imposerai pas une fastidieuse énumération de chiffres, puisqu’ils figurent dans le rapport d’activité qui vous a été remis, mais je souhaite formuler quelques observations sur les trois objectifs que nous nous étions fixés, c’est-à-dire : - effectuer dans la sérénité les quatre missions qui nous sont confiées, - faire partager nos réflexions citoyennes, - promouvoir les services de justice que nous rendons aux entreprises.

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Si nous laissons aux professeurs de droit ou à la presse, selon le cas, le soin de commenter les décisions que nous avons prises, je souhaite cependant insister sur deux points : Le premier concerne notre volonté de maintenir une culture d’apaisement, et notamment la conciliation par le juge. Et à ce titre, je me réjouis que quatre anciens juges de ce tribunal aient été agréés par vous, Monsieur le Premier président de la cour d’appel, comme conciliateurs de justice ; une cinquième candidature est également en cours d’examen. Le second concerne un sujet sur lequel je voudrais attirer solennellement votre attention. En effet, nous constatons depuis deux ans un développement important de litiges que nous définissons, globalement, comme portant sur la location financière. Ils représentent aujourd'hui plus de 17% des litiges que nous avons à examiner au fond. Or il s’agit de moins en moins de location financière de matériels, mais de plus en plus du financement de prestations de service. Nous nous interrogeons pour savoir s’il s’agit

encore de location financière, et ce d’autant plus que certaines sociétés qui accordent ces financements ne sont pas agréées comme des établissements de crédit. Nous avons donc entamé une réflexion avec l’Association des sociétés financières, mais ce sujet concerne également d’autres fournisseurs ainsi que les sociétés de service. Nous avons aussi attiré l’attention, tant du secrétariat d’Etat aux PME que de la CGPME, car ces litiges concernent essentiellement des petites et des moyennes entreprises. Nous avons été écoutés, mais, semble-t-il, pas encore entendus. 3. troisième mission : traiter les difficultés des entreprises

Sujet sensible s'il en est, dans cette période d'économie de crise ! Nous constatons aujourd’hui que malgré les difficultés économiques générales, le nombre d’entreprises qui ont obtenu une procédure de négociation ou d’observation a diminué à nouveau en 2011. Cela est certainement dû aux dispositions de la loi concernant la sauvegarde des entreprises, qui entérinent les actions menées depuis de nombreuses années par les tribunaux de commerce, et en premier lieu par mes prédécesseurs, dont je salue la présence à mes côtés. A mes yeux, c’est le signe manifeste de l'efficacité du texte de loi dans sa version actuelle. Mais c’est également le fruit des autres initiatives prises par les pouvoirs publics, et notamment la mise en place de la médiation du crédit. Je voudrais enfin dire que même si aucune sauvegarde financière accélérée n’a été demandée devant notre tribunal, nous espérons qu’une réflexion se portera sur la prétendue égalité de créanciers, et permettra de faciliter l’ouverture de procédures qui ne concernent plus tous les créanciers, certains ayant des privilèges ou d’autres étant des professionnels du crédit. Il conviendrait de favoriser les créanciers qui sont essentiels à l’activité des entreprises à côté

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Rentrée solennelle des actionnaires et des salariés, c'est-à-dire les fournisseurs de l’entreprise. On éviterait ainsi le risque de faillites en chaîne. 4. quatrième mission : contrôler la liquidation judiciaire des entreprises

Une fois n'est pas coutume, nous avons, en 2011, enregistré le plus faible nombre de liquidations judiciaires depuis 1993. Je voudrais saluer tout particulièrement l’action des mandataires judiciaires, qui appliquent la charte qu’ils ont signée avec les tribunaux de commerce de la région parisienne pour améliorer la publicité et la transparence de la cession des actifs des entreprises en liquidation.

Deuxième objectif : faire partager nos réflexions citoyennes En effet, les juges consulaires ont la particularité d’être des professionnels de l’entreprise ; ils possèdent l’expérience du fonctionnement de l’entreprise tout en exerçant une activité judiciaire. Ils sont ainsi en mesure d’avoir une vue concrète des problèmes qui se posent aux

sociétés et qu’elles viennent soumettre au tribunal, qu’il s’agisse de sujets relevant de la vie courante des affaires ou mettant en cause leur survie. En 2011, le tribunal de commerce de Paris a pu faire avancer trois types de réflexions. 1. Première réflexion : la simplification du droit

Les mesures concrètes de simplification que nous avions proposées en 2009 à la Chancellerie, ont pu être exposées en 2011 à Monsieur Warsmann, président de la commission des lois, qui a repris la plupart d’entre elles dans son « Rapport au Président de la République sur la simplification du droit au service de la croissance et de l’emploi », puis dans le projet de loi actuellement en cours de discussion au Parlement. Un vaste chantier, dont le principe a été retenu par ce rapport, nous tient particulièrement à cœur : la caution donnée par les chefs d’entreprises. En effet, ce type de cautionnement se trouve régi par quatre codes : le Code civil, le Code de commerce, le Code de la consommation et le Code monétaire et financier. Le regroupement et l’harmonisation de ces quatre codes apparaît indispensable.

2. Deuxième réflexion : le rebond des entreprises

Depuis une trentaine d’années, à l’initiative de notre tribunal, les tribunaux de commerce se préoccupent de développer une culture d’anticipation auprès des dirigeants d’entreprises. Depuis plusieurs années, j’ai eu l’occasion de répéter, dans divers colloques ou manifestations, qu’il convenait de se préoccuper de « l’après », la convalescence des entreprises et le rebond du chef d’entreprise. Nous venons d’organiser un colloque avec l’association RECREER, au cours duquel le Directeur des affaires civiles et du sceau est venu nous exposer le projet de création d’un fichier national de sanctions, que nous souhaitions depuis plusieurs années, et qui nous permettra, on peut l’espérer, de mettre fin à la scandaleuse exception française que constitue l’« indicateur dirigeants » de la Banque de France. Nous sommes en effet, actuellement, le seul pays parmi nos grands partenaires qui, par cet indicateur, condamnons sans les avoir écoutés les dirigeants d’une entreprise en liquidation judiciaire. Mon expérience professionnelle passée me permet de témoigner personnellement des méfaits que cela comporte, non seulement pour les dirigeants quand ils veulent obtenir un crédit à titre personnel, mais aussi pour les entreprises dont ils sont de simples administrateurs.

Etre le dirigeant d’une société qui est mise en liquidation judiciaire ne signifie pas obligatoirement que l’on est incompétent ou que l’on soit un escroc. L’activité de sanction exercée par les tribunaux de commerce est justement là pour faire la différence, et il serait souhaitable que seuls les dirigeants qui ont fait l’objet de sanction puissent être affectés d’une mauvaise cote personnelle.

D.R.

Christian de Baecque

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Rentrée solennelle Etre le dirigeant d’une société qui est mise en liquidation judiciaire ne signifie pas obligatoirement que l’on est incompétent ou que l’on soit un escroc. L’activité de sanction exercée par les tribunaux de commerce est justement là pour faire la différence, et il serait souhaitable que seuls les dirigeants qui ont fait l’objet de sanction puissent être affectés d’une mauvaise cote personnelle. J’avoue que nous sommes stupéfaits de constater, sur cette question, une indifférence qui va totalement à l’encontre du discours habituel sur le droit à l’erreur ; et ce alors que l’expérience que nous avons tous, c'est que bien souvent « l’échec fortifie les forts. » 3. troisième réflexion : l’écoute des TPE

Nous avons constaté que les dirigeants des toutes petites entreprises ont toujours peur des tribunaux de commerce et ne bénéficient pas des multiples procédures préventives qui existent, soit par crainte, soit à cause des coûts. La Mairie de Paris, le Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables et l’Association des anciens juges de ce tribunal ont signé une convention pour assurer des permanences dans les Maisons de l’entreprise et développer ainsi l’action commencée en 2010. Nous nous réjouissons, Monsieur le viceBâtonnier, dont j’ai grand plaisir à saluer ici l’élection, que le barreau de Paris se joigne à cette action, ainsi qu’à celle que nous envisageons d’entreprendre pour accompagner les dirigeants de petites entreprises.

Troisième objectif : promouvoir le service de la justice

1. En premier lieu, la réalisation de ce que j’appellerai une exposition permanente, dans la salle des Pas Perdus où nous avons installé non seulement dix panneaux qui présentent le tribunal de commerce de Paris et nos activités, mais également des vitrines contenant une documentation et des objets illustrant l’histoire de notre tribunal 2. Par ailleurs, nous avons signé avec l’Association française des juristes d’entreprise, l’AFJE, à la fin de l’année 2010, une convention de partenariat qui nous a permis de mener des actions communes au cours de l’année 2011. Nous avons notamment pu faire avec eux un premier bilan de l’action de notre Chambre internationale qui applique les dispositions de l’article 23 du Code de procédure civile, selon lesquelles « le juge peut ne pas demander la traduction des pièces quand les parties et lui comprennent la signification ». Cette disposition nouvelle commence à être connue des avocats, et appliquée. 3. Enfin, pour renforcer les actions que nous menons depuis des années avec différentes écoles, nous avons passé des conventions de partenariat avec HEC, « ESCP EUROPE » l’Ecole supérieure de commerce Europe et l’ENSAM « Ecole nationale supérieure des arts et métiers ». Nous avons accueilli la promotion de l’Ecole de formation du barreau de Paris pour que les élèves suivent un cours dans nos locaux, même si ceux-ci ne sont pas très adaptés. C’est en effet une occasion de leur faire connaître non seulement ce bâtiment solennel, où certains exerceront leur profession, mais surtout nos activités, et leur expliquer qui sont les juges consulaires, et ce qu’ils font. (…)

Une nouvelle année commence, et avec elle une nouvelle présidence, celle de Monsieur Frank Gentin, qui a été élu le 20 octobre dernier à une très large majorité pour assurer la présidence de ce tribunal entre 2012 et 2015. Frank Gentin est un homme jeune, et nous savons tous, depuis les bancs de l’école, que : « aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années ». Diplômé de l’ESSEC, Monsieur Frank Gentin a effectué une brillante carrière dans le groupe Bernis dont il assure la présidence depuis vingt-deux ans ; il s’agit d’un groupe de distribution et de services automobiles, entreprise florissante qui a réalisé, en 2010, un résultat bénéficiaire de 2 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 170 millions d’euros. Entré au tribunal de commerce en janvier 2003, Frank Gentin a exercé, durant neuf années, de nombreuses activités : juge de contentieux, d’abord, puis juge dans les chambres de traitement des difficultés des entreprises, avant d’être, ces deux dernières années, un juge dans la chambre spécialisée en sauvegarde. Il a également été juge délégué aux référés. Fort de son expérience de chef d’entreprise dans un secteur économique particulièrement difficile, de son expérience très complète de juge consulaire, de ses qualités personnelles et notamment de sa grande aptitude à écouter avant d’agir, de son incarnation du changement tout en maintenant une continuité, comme le manifeste le maintien à la vice-présidence du très remarquable, compétent et apprécié Denis Vilarrubla. C’est, certes, avec un peu de nostalgie, mais avec une totale confiance et un sincère enthousiasme, que je vous demande, Monsieur le Procureur de la République, de bien vouloir, en prononçant de nouvelles réquisitions, nous permettre de procéder à l’installation, comme président du tribunal de commerce de Paris, de Monsieur Frank Gentin.

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Le tribunal de commerce de Paris accueille, depuis de nombreuses années, et pratiquement chaque semaine, des visiteurs, et particulièrement des délégations étrangères, des syndicats professionnels ou des élèves de

grandes écoles ou d’universités. C’est dans cet esprit d’ouverture que nous avons, en 2011, mené à bien plusieurs projets, je vous en citerai trois :

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Rentrée solennelle François Molins

Exigence de rigueur par François Molins (…) ’est avec un réel plaisir que j’occupe pour la première fois, en qualité de procureur de la République, le siège du ministère public devant le premier tribunal de commerce de France, dont le nouveau président entame simultanément sa mandature. Je voudrais d’abord présenter mes chaleureuses félicitations aux 18 nouveaux juges pour cette élection qui consacre leurs mérites professionnels et leur engagement citoyen. (…) Votre nouveau statut de juge consulaire vous confère des pouvoirs dont l’importance est d’autant plus grande qu’ils vont s’exercer dans un contexte économique et financier de turbulences fortes et parfois irrationnelles qui n’épargne personne même les entreprises présentant des bilans sains et des performances plus que satisfaisantes. L’importance de vos pouvoirs est d’autant plus grave qu’elle va s’exercer dans le premier tribunal de commerce de France qui joue donc un rôle majeur d’observation et d’action. Quels sont ces pouvoirs ? Vous devrez apaiser les conflits et trancher les litiges, dire le droit, prévenir et gérer les défaillances d’entreprises, préserver les intérêts des créanciers ainsi que des salariés. Mais ce statut de juge consulaire vous impose surtout des devoirs. Vigilance et rigueur, exigence d’humanité et d’humilité. Vous serez j’en suis sûr, des magistrats dignes et loyaux. Ce statut de juge consulaire impose en effet le strict respect d’une déontologie, d’une éthique judiciaire qui s’applique à tout magistrat, qu’il soit professionnel ou non, qu’il appartienne à une juridiction pénale, civile, commerciale ou prud’homale. La robe que vous portez aujourd’hui est la marque visible de cette différence, de cette exigence, tout comme elle est la marque de la distance égale qui doit vous séparer de tout justiciable sur le sort duquel vous allez statuer. Je voudrais insister sur l’une des composantes essentielles de cette éthique judiciaire: l’obligation de loyauté. Elle résulte du statut du nouveau magistrat. Elle est au cœur de ce statut.

C

La loyauté fait partie de ce qu’on pourrait appeler les obligations fondamentales de tout magistrat. Sous la quatrième République, la circulaire du président Auriol contresignée par le garde des Sceaux Martinaud Duplat était très explicite à cet égard. Elle indiquait : « Investis d’une fonction éminente qui leur confère des pouvoirs hors du commun, les magistrats, plus que tous des autres, sont tenus à une réserve nécessaire à l’impartialité de la décision et à la confiance des justiciables. Le devoir de loyauté leur en fait une obligation professionnelle. » En réalité, la loyauté pour le magistrat passe d’abord par la fidélité à la loi, dans sa lettre et dans son esprit, qu’il s’agisse d’une loi de fond ou d’une loi de procédure. Quelles que soient les circonstances, le magistrat ne doit jamais tricher ni transiger avec cette exigence. Une loyale application de la loi implique donc que le comportement du juge soit rigoureux et limpide, qu’il ne crée pas d’équivoque et qu’il soit non seulement impartial mais encore qu’il donne aussi, à l’image de la comptabilité des entreprises, une image fidèle, mais ici une image fidèle d’impartialité. C’est là, sans doute, l’honneur et la probité du juge. L’équité, bien souvent à la base de nombreux jugements rendus par les tribunaux de commerce comme par d’autres juridictions, est aussi source de droit. L’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ne proclamet-il pas que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement. » Mais l’équité suppose aussi et d’abord un strict respect du contradictoire et du traitement réservé aux parties qui doivent être placées à même distance du juge par celui-ci. Le juge doit donc toujours, à tout moment,

responsable et avisé de la section commerciale du parquet de Paris, représentant des intérêts généraux de la société et toujours soucieux de la défense de l’ordre public économique et social. Vous aurez pour référence les magistrats consulaires auxquels vous succédez et dont le départ laissera un grand vide dans cette juridiction. Je laisse au président De Baecque qui les connaît bien mieux que moi le soin de leur rendre l’hommage qui leur est dû. Monsieur le Président De Baecque, au moment où vous quittez la présidence de ce tribunal après quatre années de mandat, je me dois avant tout de vous exprimer la reconnaissance de l’institution judiciaire, et de rendre hommage au travail que vous avez accompli. Sous votre impulsion, cette juridiction a dû faire face à des temps difficiles marqués par une grave crise économique. Pour cela, vous avez su fédérer les efforts et les bonnes volontés. Vous avez entretenu des relations courtoises et constructives avec les magistrats du parquet. Comme vous, nombre de présidents de chambre et de juges quittent aujourd'hui le tribunal où perdurera le souvenir de femmes et d'hommes dévoués à l'œuvre de justice. Monsieur le président Frank Gentin, Je suis convaincu que notre collaboration professionnelle sera riche et fructueuse dans le respect de nos responsabilités respectives. Aussi, c'est avec confiance que je salue votre arrivée à la tête de ce tribunal et de ses quelques 172 juges. Véritable entrepreneur, dirigeant de sociétés employant plusieurs centaines de personnes, vous connaissez la réalité du terrain et vous avez mesuré les enjeux économiques et sociaux que représentent les dossiers qu'examine notre juridiction. Vous siégez depuis 2003, en particulier dans des chambres de procédures collectives, et tout récemment encore à la chambre de sauvegarde,

Une loyale application de la loi implique donc que le comportement du juge soit rigoureux et limpide, qu’il ne crée pas d’équivoque et qu’il soit non seulement impartial mais encore qu’il donne aussi, à l’image de la comptabilité des entreprises, une image fidèle, mais ici une image fidèle d’impartialité. C’est là, sans François Molins doute, l’honneur et la probité du juge.

veiller à garder à distance égale chacune des parties et à ne jamais consentir à l’une d’entre elles un traitement différent. C’est l’une des exigences fondamentales du procès. Enfin, pour le magistrat, le respect des règles de procédure est encore plus impérieux que celui des dispositions de fond : la forme protège les libertés. En pure théorie, le droit processuel n’est pas susceptible d’interprétation. Il s’impose absolument au magistrat dont le devoir de loyauté doit être à cet égard sans défaillance et ce, qu’elles qu’en soient les conséquences. Vous serez, j’en suis sûr, des magistrats consulaires dignes et loyaux et vous pourrez toujours compter sur le concours actif, objectif,

où, fort de votre expérience, vous exerciez vos qualités d'analyse et d'autorité, sans jamais vous départir d'une grande courtoisie et d'un humour apprécié. Homme d’expérience, de pragmatisme et de décision, je ne doute pas que vous aurez toujours un œil très attentif sur ce qui focalise l’attention des citoyens et des médias, à savoir les procédures collectives. (…) Une tâche lourde mais passionnante vous attend dans le contexte économique et financier que nous connaissons. L'activité du tribunal en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises avait jusqu'ici poursuivi la tendance à l'amélioration constatée ces dernières années.

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Rentrée solennelle

Au stade de la prévention, le nombre de mandats ad'hoc et de conciliations, a baissé en 2011 par rapport à 2010. Cette diminution est particulièrement sensible en ce qui concerne les conciliations, et ce pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, loi qui a fait le succès de cette procédure d'anticipation des difficultés. Ainsi, seulement 55 conciliations ont été ouvertes contre 84 en 2010, soit une baisse de 35 pour cent. Plus classiquement, les procédures plus tardives et plus contraintes par la survenance de l'état de cessation des paiements que sont les redressements et les liquidations judiciaires ont également décru. 367 redressements judiciaires ont été ouverts, contre 414 en 2010, tandis que 2 840 entreprises ont été liquidées contre 3 207 l'année précédente, donc une réduction dans les mêmes proportions d'environ 12 pour cent. Dans le même temps, les ouvertures de procédures de sauvegarde ont augmenté de près de 10 pour cent pour atteindre le nombre de 48. Cette valeur absolue doit cependant être relativisée car plusieurs sociétés appartenant à un même groupe peuvent être concernées par autant d'ouvertures. Cette accalmie en matière de difficultés et de défaillances d'entreprises, également constatée au niveau national, aurait dû être mise à profit pour renforcer la rigueur et la vigilance des acteurs de ces procédures : quand la tempête fait rage, chacun pare au plus pressé pour sauver l'essentiel, lorsqu'elle se calme, on exige à nouveau le meilleur. Le tribunal de commerce de Paris est la première juridiction consulaire de France, et ne doit pas se contenter de satisfaire une exigence de qualité. Il a une tradition et une exigence d’excellence dans l'application de la loi et dans

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le traitement des difficultés des entreprises. Vous me permettrez, monsieur le président Gentin, puisque nous occupons tous les deux pour la première fois, respectivement la présidence, et le siège du ministère public de cette juridiction, de rappeler quelques principes et de dessiner quelques pistes. Le procureur de la République n'est jamais dans un tribunal de commerce un acteur de troisième rang, qui « représenterait les pouvoirs publics ». Il ne siège pas non plus de manière aléatoire et occasionnelle. Magistrat, il veille constamment à l'application de la loi, et peut agir, pour la défense de l'ordre public, devant toutes les juridictions, en particulier devant le tribunal de commerce dans le domaine des procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires, et de responsabilité pécuniaire ou personnelle des dirigeants d'entreprise, comme le rappelle l'article 425 du Code de procédure civile. Le législateur, encore récemment à l'occasion de la loi de sauvegarde des entreprises, a entendu renforcer son rôle, en rendant sa présence obligatoire pour les entreprises les plus importantes, et en multipliant les cas où son avis préalable est nécessaire. Lorsqu'il est partie jointe, le ministère public a la parole en dernier, et le président de délibéré y veille puisqu'il doit diriger les débats et exercer la police de l'audience. Il est donc essentiel que l’on mette systématiquement les magistrats du parquet en mesure de donner un avis informé, ou d’être présent à l’audience d’autant plus si sa présence est obligatoire. L'exigence de rigueur que j'évoquais à l'instant ne s'arrête pas aux portes de la salle d'audience. Je prendrai un exemple, tiré de l'actualité, celui des frais de procédure, et en particulier ceux dont le Trésor public assure l'avance dans les procédures impécunieuses.

Là encore, le législateur à travers l'article L.663-1 du Code de commerce, confie un rôle essentiel au procureur qu'il convient de consulter avant toute désignation de technicien ou d'expert, comme le rappelle régulièrement la Chancellerie. Un contrôle a posteriori est également exercé de manière vigilante par les magistrats et les fonctionnaires des services compétents. La question de la dépense publique, dont nous sommes tous comptables, juges, parquet, greffe, administrateurs et mandataires judiciaires, est une priorité nationale. Elle s’impose à tous. Vous avez montré monsieur le président Gentin, en chambre de procédures collectives et en particulier à la chambre de sauvegarde, que vous partagiez, avec le ministère public et nombre de présidents de délibérés, cette exigence de rigueur et cette vigilance. Je ne doute pas qu'ensemble nous veillerons à ce que toutes les chambres, et tous les délibérés, appliquent la procédure et la loi dans le respect absolu de l'indépendance des juges sur le fond de leur décision. J'évoquais la chambre de sauvegarde et je voudrais vous suggérer, au risque de répéter une observation déjà faite les années précédentes, de mieux organiser le suivi des dossiers après l'adoption des plans, au besoin par des retours en audience sur rapport du juge commissaire. Il me paraît que, pour avoir toute la réactivité nécessaire, le tribunal doit absolument rester informé, lorsque des événements importants surviennent, changement de dirigeant, modification du capital, nouvelles difficultés, voire quand des acquisitions sont réalisées, ce dont les créanciers pourraient s'étonner. Je voudrais terminer par un autre domaine d'activité dans lequel juges consulaires et magistrats du parquet doivent jouer un rôle éminent, celui de la lutte contre la fraude sous tous ses aspects. Je pense notamment aux abus qui peuvent être commis en matière de domiciliation des entreprises, pour la détection desquels une réflexion me semble devoir être menée en concertation avec les juges chargés de la surveillance du registre du commerce, et bien entendu le greffe du tribunal. L'ordre public économique et social suppose que soient sanctionnés sans faiblesse les comportements qui lui sont contraires et qui provoquent des préjudices collectifs parfois considérables. Une fois encore, il est indispensable que les juges et le ministère public assument leurs responsabilités avec discernement et rigueur. Quelques chiffres suscitent mon inquiétude : 379 décisions de sanctions seulement ont été prononcées en 2011, contre 569 en 2010,et plus de 600 en 2009. Je n’ai pourtant pas le sentiment que le nombre de comportements répréhensibles ait diminué dans de telles proportions. Je suis naturellement prêt à engager avec vous une réflexion sur ce point qui me paraît capital au regard de la mission d'assainissement des professions commerciales que le législateur a voulu confier aux tribunaux de commerce. Soyez assuré, Monsieur le président, du soutien sans faille du parquet de Paris pour mener à bien vos nouvelles missions, dans la voie d'une justice consulaire d'excellence.

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Rentrée solennelle contribuer à la promotion du droit continental, socle de notre pacte social. J’observe un consensus général sur le bon fonctionnement du tribunal de commerce de Paris. Le faible taux d’appel de nos décisions (8%) et le très faible taux d’infirmation (3%) illustrent le crédit que ses décisions inspirent aux justiciables. Christian de Baecque a mis en place une démarche permanente de progrès : c’est dans cette perspective que je vous livre quelques-unes des pistes de travail que j’entends explorer en 2012.

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Frank Gentin

Des pistes de progrès Par Frank Gentin (…) e mon expérience d’entrepreneur, j’ai retenu que l’innovation et la recherche permanente du progrès sont des conditions essentielles de la pérennité de toute organisation. C’est dans cet état d’esprit que je prends aujourd’hui les responsabilités qui m’ont été confiées par mes collègues. Avec un souci d’exigence que partagent tous les juges de ce tribunal. C’est au prix de cette exigence que, à la place modeste qui est la nôtre, nous pourrons

Parmi ses missions, vous savez que le tribunal de commerce traite également des liquidations judiciaires. Il contrôle le travail des mandataires qui doivent (1) licencier les salariés, (2) réaliser au mieux les actifs des entreprises liquidées et (3) dédommager les créanciers. Cela a concerné près de 3 000 sociétés en 2011. Ce tribunal a donc une mission de contrôle des flux financiers. Il l’exerce avec précision et détermination. Je souhaite donc pouvoir en rendre compte de manière explicite. C’est-à-dire chiffrée ! Je forme donc le vœu qu’avec les mandataires nommés par ce tribunal, nous trouvions le moyen de mesurer précisément cette activité en rendant publiques, outre le nombre de salariés concernés : - les montants recouvrés lors de la réalisation des actifs,

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Monsieur le Premier président, il y a deux jours, lors de l’audience solennelle de la cour d’appel de Paris, vous avez demandé à toutes les juridictions de votre ressort un plan ambitieux de diminution de leurs stocks. Je vous ai entendu. Ici, Monsieur le Premier président, quasiment toutes les procédures traitées par ce tribunal le sont dans des délais satisfaisants et cohérents avec les contraintes de la vie économique. C’est le cas des injonctions de payer, des référés, des ouvertures des procédures de prévention ou de traitement des difficultés des entreprises. Mais nous devons améliorer les délais de traitement des affaires de contentieux qui viennent pour un examen au fond : nous en sommes tous conscients. Christian de Baecque a mené une action permanente sur le délai de traitement de leurs dossiers par les juges. Cette action a été efficace. Avec la même détermination, nous devons maintenant agir sur le délai de la mise en état. Ce délai est encore trop long, plus de 13 mois en moyenne si on en juge par le stock que vous nous avez demandé de réduire. Ce délai n’est plus en phase avec le rythme de la vie des affaires. Je reprends vos mots, Monsieur le Premier président : il faut aller le plus rapidement au cœur du débat judiciaire.

Je forme le vœu que nous utilisions les possibilités offertes par le décret du 1er octobre 2010 pour un meilleur service aux justiciables. Il permet aux tribunaux de commerce de mieux encadrer la mise en état et de limiter les actions dilatoires. Je forme le vœu que nous définissions sans délai un nouveau protocole avec le barreau pour développer la pratique du calendrier de procédures. Je sais que Mme le Bâtonnier y est favorable. Certains juges ont déjà anticipé cette pratique avec des résultats probants. Certains tribunaux de commerce, c’est le cas de Versailles, c’est le cas de Nanterre, dont je salue le président, mon ami Yves Lelièvre, nous ont précédés avec efficacité sur ce terrain. Dès lundi, je confierai au futur président de la chambre de placement la mission de mener une expérience pilote dans ce domaine. Et je souhaite qu’elle puisse être étendue à toutes les chambres de contentieux de ce tribunal.

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Le 8 décembre dernier, une convention a été signée entre le Conseil national des barreaux et le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce. Elle vise à étendre puis à systématiser les échanges électroniques entre les tribunaux de commerce et les avocats via le RPVA. Je forme le vœu qu’avec le greffe de ce tribunal, dont je salue les greffiers et les collaborateurs, nous mettions en place avec le barreau de Paris ce système dématérialisé qui permettra une meilleure efficacité au bénéfice des entreprises. Sous l’impulsion de Christian de Baecque, les outils électroniques mis à la disposition des juges se sont considérablement développés. Poursuivons son travail. Ce système d’échanges dématérialisés fonctionne déjà au tribunal de grande instance de Paris ; Mme Arens, sa présidente, que je remercie de sa présence, m’a récemment exposé en détail l’enjeu de ce projet pour sa juridiction. Ce système fonctionne également au tribunal de commerce de Lyon qui est une des juridic-

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- les sommes effectivement reversées aux créanciers, - le délai de paiement aux créanciers des sommes qui leur sont dues, - les sommes en attente de distribution. La publication de ces informations illustrera l’efficacité de notre institution et de tous les auxiliaires de justice qui coopèrent avec elle. Elle développera la confiance du justiciable dans l’institution. Voilà la première mission du délégué aux procédures collectives que je nommerai lundi.

décisions de cette juridiction en matière de plans, notamment en termes de délais. Cela renforcera la confiance des créanciers dans les plans arrêtés par ce tribunal. Voilà une nouvelle mission du futur délégué aux procédures collectives. Autre piste d’amélioration, celle du rebond des entrepreneurs défaillants. Sur les quelques 3 000 procédures de liquidation qui sont traitées chaque année, moins de 15% des dirigeants sont poursuivis pour une interdiction de gérer, une faillite personnelle ou, beaucoup plus rarement, une responsabilité à l’insuffisance d’actif (en comblement de passif ). Dans 85% des cas, il n’y a pas matière à poursuite des dirigeants. Je forme le vœu que nous puissions disposer d’un acte juridictionnel ayant l’autorité de la chose jugée. Cela nous permettrait de dégager

Il y a longtemps que s’est engagé le processus de sortie de l’économie de butin fondée sur la violence pour y substituer une économie pacifique de l’échange marchand. C’est à ce processus que le juge du commerce contribue modestement chaque jour. C’est le fondement de son rôle dans notre conception du pacte Frank Gentin social.

tions leader en matière de délais. Profitons de leurs expériences et poursuivons notre effort d’adaptation permanent. Dès lundi, je chargerai un juge de cette mission. Le 14 décembre dernier, Monsieur le procureur, lors de l’audience solennelle du tribunal de grande instance de Paris au cours de laquelle vous étiez installé dans vos nouvelles fonctions, vous déclariez : « Il n’y a pas pire discrédit sur l’acte de juger que son inexécution ou son exécution dans un délai déraisonnable ». Mesdames et Messieurs, vous savez qu’en matière de plans de redressement et des plans de sauvegarde, le tribunal de commerce est son propre « juge de l’exécution ». Mes chers collègues, je forme le vœu que nous retenions le conseil de Monsieur le procureur. Il convient qu’avec les commissaires à l’exécution des plans, les juges commissaires de cette juridiction soient plus attentifs encore au respect des délais d’exécution des décisions prises par notre juridiction. Leur contrôle doit être permanent. L’an prochain, je souhaite être en mesure de rendre compte de l’effectivité de l’exécution des

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la responsabilité du dirigeant défaillant qui n’a pas commis de faute. Cela pourrait être fait dans un délai de 12 mois. Et les dirigeants qui n’ont pas à être sanctionnés ne seraient plus fichés et paralysés dans l’attente de la prescription triennale. Un juge de ce tribunal sera chargé de la promotion de ce projet auprès de nos interlocuteurs institutionnels. Il y a 10 ans, Gilbert Costes, très attentif à l’enjeu de la compétence, instaurait un examen pour sanctionner la formation initiale dispensée aux juges nouvellement élus. Il visait à crédibiliser l’effort de formation qui leur était imposé. Le 14 janvier 2004, lors de son installation à la tête de cette juridiction, Mme Perrette Rey citait Balzac et nous déclarait : la qualité, le sentiment du juste ne suffisent pas : hors la compétence économique et juridique, point de justice commerciale. Depuis 4 ans, Christian de Baecque a œuvré inlassablement dans ce domaine : c’est maintenant un module de 130 heures de formation qui est dispensé aux nouveaux juges. Je salue Isabelle Rohart-Messager. Grâce

notamment à son concours, le tribunal peut bénéficier des formations de l’Ecole nationale de la magistrature. Je forme le vœu, mes chers collègues, que nous apportions le même soin à notre formation continue. C’est la condition de notre adaptation à un environnement juridique toujours plus complexe. Ce sera la mission de délégué à la formation continue que je nommerai lundi. Voici quelques-unes des pistes de progrès qui me tiennent à cœur. La liste n’est pas exhaustive. Cette recherche des améliorations s’inscrit parfaitement dans la lignée du travail accompli par les juges qui nous ont précédés depuis plusieurs siècles dans ce tribunal. Comme entrepreneurs, ils ont cherché en permanence à l’adapter aux besoins des justiciables. Nous devons poursuivre leur œuvre. Dans son dernier rapport, la Banque mondiale identifiait la confiance comme le premier facteur de développement. Dans votre discours du 11 janvier, Monsieur le procureur général près la cour d’appel de Paris, vous souligniez que les Français étaient 55% à avoir confiance en la justice de notre pays. J’espère que la justice commerciale française contribue de manière significative à cette confiance. Et j’ambitionne une justice commerciale reconnue de tous. Il y a longtemps que s’est engagé le processus de sortie de l’économie de butin fondée sur la violence pour y substituer une économie pacifique de l’é change marchand. C’est à ce processus que le juge du commerce contribue modestement chaque jour. C’est le fondement de son rôle dans notre conception du pacte social. Cette mission est très gratifiante. 449 ans après la création de notre juridiction par Michel de l’Hospital, au moment où s’ouvre donc une 450ème année judiciaire, au moment où je prends la responsabilité de cette maison, ma pensée va naturellement vers ceux qui l’ont dernièrement assumée et qui m’ont guidé : Gilbert Costes, Perrette Rey et Christian de Baecque. Je leur dis mon respect pour le chemin parcouru. Je leur dis aussi la profonde affection et la reconnaissance de tous mes collègues. C’est en leur nom, aujourd’hui, que je prends l’engagement de faire preuve chaque jour d’exigence, de transparence et de coopération dans l’exercice de la délégation de souveraineté qui nous est confiée.(…)

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Chronique

Historiens réinvestis de leur mission Citoyens assurés d’une libre expression Commentaire de la Décision n° 2012-647 DC du 28 février 2012 Loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi par Floriane Beauthier*

« Memory, the warder of the brain »(1) - la mémoire préserve notre intelligence de reproduire l’odieux, l’innommable, l’inhumain. ssues d’une longue tradition commémorative, les lois dites « mémorielles » « semblent procéder d’une même volonté : “dire” l’histoire, voire la qualifier, en recourant à des concepts juridiques contemporains comme le génocide ou le crime contre l’humanité pour, d’une manière ou d’une autre, faire œuvre de justice au travers de la reconnaissance de souffrances passées » (2) La justice que veulent ainsi rendre les représentants de la Nation relève naturellement du symbole : la France tient, par les représentants de son peuple, à affirmer son rejet de la barbarie et à en condamner fermement toutes les formes - holocauste, esclavage, génocide (I). Ce symbole législatif trouve toutefois des limites incontournables tenant à des exigences constitutionnelles, mais aussi politiques. Dans sa décision n° 2012-647 DC du 28 février 2012, déclarant inconstitutionnelle la loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, le Conseil constitutionnel a rappelé que le Parlement n’est ni un juge, ni un historien, ni un pénitent, et qu’il ne pouvait porter à la liberté d’expression une atteinte disproportionnée. Il permet ainsi, au terme d’un raisonnement parfaitement rigoureux, d’é viter par la voie juridique une très probable crise diplomatique (II). D’autres voies demeurent qui permettraient toutefois de reconnaître l’existence de ce génocide, et d’en sanctionner la contestation ou la minimisation (III).

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I. La reconnaissance législative, symbolique mais problématique, de souffrances passées 1.1. L’immixtion du Parlement dans l’Histoire depuis les années 1990

Le rapport du Sénat définit les lois mémorielles comme une « notion créée en 2005 afin de désigner un ensemble de lois disparates, adoptées au cours des vingt dernières années, par lesquelles le législateur a, au nom du devoir de mémoire, porté une appréciation sur des périodes ou des acteurs de l’Histoire. »(3)

Ce devoir de mémoire s’illustre essentiellement, depuis les années 2000, par la reconnaissance d’é vénements que le Parlement qualifie de crimes contre l’humanité ou de génocides. Il s’est manifesté par la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 ; par la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 dite « loi Taubira » relative à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité ; enfin, par la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, dont un des articles mentionnait que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer ». Après avoir été déclassée par le Conseil constitutionnel, cette disposition a été abrogée par le décret n° 2006-160 du 15 février 2006(4). Quant à la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 dite « loi Gayssot » tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, elle a créé une incrimination pénale tendant à protéger l’histoire et la mémoire de la Shoah du négationnisme et de l’antisémitisme. L’Allemagne, l’Autriche et la Belgique ont également adopté une législation tendant à réprimer pénalement la négation de la Shoah. Mais, à ce jour, aucun Etat n’a prévu des sanctions pénales réprimant la contestation de l’existence du génocide arménien de 1915. 1.2. L’adoption difficile de la proposition de loi « Boyer »

a) L’objectif de la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915 était de « redonner une place à la mémoire collective de l’humanité »(5). Cette reconnaissance demeurait toutefois purement déclaratoire. Formellement, la loi « Boyer » devait transposer la décision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal. Substantiellement, elle devait permettre, à l’occasion de cette transposition, d’aller au-delà de la reconnaissance symbolique du génocide arménien en réprimant la contestation de son existence. Le texte déféré au Conseil constitutionnel comportait deux articles modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. L’article

1er proposait la création d’un article 24 ter, aux termes duquel « Les peines prévues à l’article 24 bis sont applicables à ceux qui ont contesté ou minimisé de façon outrancière, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide défini à l’article 211-1 du code pénal et reconnu comme tels par la loi française(6). / Le tribunal peut en outre ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. » L’article 2 modifiait l’article 42 de la loi de 1881, en étendant le droit reconnu à certaines associations de se porter partie civile, en particulier pour tirer les conséquences de la création de cette nouvelle incrimination. La transposition de la décision-cadre par la proposition de loi « Boyer » était ainsi très imparfaite. En effet, la décision-cadre demandait aux Etats membres d’incriminer les comportements « exercés d’une manière qui risque d’inciter à la violence ou à la haine » : dès lors, « sa finalité n’est donc pas de protéger la mémoire mais de lutter contre la discrimination » (7). Or, seule la protection de la mémoire a été envisagée par la proposition « Boyer ». b) Les conditions d’adoption de la proposition de loi « Boyer » témoignent de ce qu’elle n’a pas pu recueillir un consensus, loin s’en faut. Seule une cinquantaine de députés sur les 577 était présente le jour du vote à l’Assemblée nationale le 22 décembre 2011, dont douze ont voté contre l’adoption du texte ; 236 sénateurs étaient présents sur les 348, dont 126 ont voté pour, le 23 janvier 2012. Bien plus, le texte a été adopté au Sénat contre l’avis de la Commission des lois. Dans son rapport(8), Jean-Pierre Sueur indique qu’« il s’est interrogé sur la légitimité de l’intervention du législateur dans le champ de l’Histoire », et que « la création d’un délit pénal de contestation ou de minimisation outrancière des génocides reconnus par la loi encourait un fort risque d’être en contradiction avec plusieurs principes reconnus par notre Constitution ». La Commission des lois avait par la suite adopté la proposition de son rapporteur tendant à opposer à la proposition de loi une motion d’exception d’irrecevabilité. Puis le texte (finalement) voté par le Sénat été transféré au Conseil constitutionnel, au titre de son contrôle a priori, par 66 députés et 82 sénateurs. Ainsi que le relève le commentaire

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Chronique de la décision n° 2012-647 DC par le Conseil constitutionnel, il s’agissait d’une « “double” première » pour le Conseil : il n’avait jamais eu à connaître d’une loi mémorielle dans le cadre de son contrôle de conformité des lois à la Constitution, ni d’une loi organisant la pénalisation d’une loi mémorielle française.

II. Les limites constitutionnelles d’un symbole législatif Les députés et les sénateurs signataires des saisines du Conseil constitutionnel ont invoqué l’inconstitutionnalité de la proposition de loi « Boyer » au regard de nombreux principes et libertés de valeur constitutionnelle : libertés de communication et d’expression, principe de légalité criminelle, domaine de compétence du législateur, séparation des pouvoirs, liberté de la recherche, et objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 février 2012, motivera essentiellement sa déclaration de nonconformité à la Constitution sur le fondement de la compétence du Parlement (combinaison des articles 34 de la Constitution et 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789), et sur la liberté d’expression et de communication (article 11 de la Déclaration).

2.1. L’encadrement constitutionnel strict du rôle du Parlement

a) Illustration la plus considérable parce qu’emblématique de la rationalisation de l’activité parlementaire voulue par les rédacteurs de la Constitution du 4 octobre 1958, l’article 34 restreint le domaine de compétence du pouvoir législatif. Cette compétence d’attribution figure essentiellement dans la liste limitative des matières réservées à la loi par l’article 34 de la Constitution. Il est prévu que celle-ci « fixe les règles concernant : […] - les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias. » Si large, finalement, soit le champ d’action du pouvoir législatif, il est désormais borné. Or, la reconnaissance de vérités historiques n’en fait pas partie. Et pour cause. « L’histoire n’est en effet pas un sujet juridique et elle ne peut donc être un sujet législatif. (…) La loi n’a pas à “faire” l’histoire, ni à la définir, ni à la protéger. » La portée symbolique d’une telle reconnaissance est d’ailleurs, « en soi, contraire à l’article 34 » (9) Dans sa décision n° 2012-647 DC, le Conseil constitutionnel rappelle (10) ainsi qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale… ». C’est de cet article, « comme de l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi », que le Conseil déduit « que, sous réserve de dispositions particulières

prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative. » Or, le Conseil constitutionnel affirme ensuite expressément qu’« une disposition législative ayant pour objet de “reconnaître” un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s’attache à la loi ». b) La décision n° 2012-647 DC a ainsi le premier mérite de rappeler le rôle du Parlement en général - édicter des lois ayant un contenu normatif - et son champ d’action en particulier les lois mémorielles qui se bornent à énoncer une certaine vérité historique ne sont pas conformes à la Constitution. Elle donne ainsi raison aux arguments de Robert Badinter(11) comme aux intuitions des députés et sénateurs auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel. Selon ces derniers en effet, « La loi ne peut pas “reconnaître” un génocide, puisque cette disposition par elle-même est dénuée de toute force opératoire : la loi ne “reconnaît” pas, elle dispose, ordonne, prohibe, détermine, et doit posséder une valeur impérative. » Cette position était d’ailleurs déjà celle défendue par la mission parlementaire chargée de la rédaction d’un rapport d’information sur les questions mémorielles. La mission considérait « que le rôle du Parlement n’est pas d’adopter des lois qualifiant ou portant une appréciation sur des faits historiques, a fortiori lorsque cellesci s’accompagnent de sanctions pénales. Mais

JURISPRUDENCE

Conseil constitutionnel - 28 février 2012 Décision n° 2012-647 DC Le Conseil constitutionnel, 1. Considérant que les députés et sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi ; 2. Considérant que l’article 1er de la loi déférée insère dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse un article 24 ter ; que cet article punit, à titre principal, d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui « ont contesté ou minimisé de façon outrancière », quels que soient les moyens d’expression ou de communication publiques employés, « l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide défini à l’article 211-1 du Code pénal et reconnus comme tels par la loi française » ; que l’article 2 de la loi déférée modifie l’article 48-2 de la même loi du 29 juillet 1881 ; qu’il étend le droit reconnu à certaines associations de se porter partie civile, en particulier pour tirer les conséquences de la création de cette nouvelle incrimination ;

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3. Considérant que, selon les auteurs des saisines, la loi déférée méconnaît la liberté d’expression et de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que le principe de légalité des délits et des peines résultant de l’article 8 de cette Déclaration ; qu’en réprimant seulement, d’une part, les génocides reconnus par la loi française et, d’autre part, les génocides à l’exclusion des autres crimes contre l’humanité, ces dispositions méconnaîtraient également le principe d’égalité ; que les députés requérants font en outre valoir que le législateur a méconnu sa propre compétence et le principe de la séparation des pouvoirs proclamé par l’article 16 de la Déclaration de 1789 ; que seraient également méconnus le principe de nécessité des peines proclamé à l’article 8 de la Déclaration de 1789, la liberté de la recherche ainsi que le principe résultant de l’article 4 de la Constitution selon lequel les partis exercent leur activité librement ; 4. Considérant que, d’une part,

aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale... » ; qu’il résulte de cet article comme de l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative ; 5. Considérant que, d’autre part, aux termes de l’article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; que l’article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant... les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » ; que, sur ce fondement, il est loisible au législateur d’édicter des règles concernant l’exercice du droit de libre communication et de la

liberté de parler, d’écrire et d’imprimer ; qu’il lui est également loisible, à ce titre, d’instituer des incriminations réprimant les abus de l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui portent atteinte à l’ordre public et aux droits des tiers ; que, toutefois, la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ; que les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ; 6. Considérant qu’une disposition législative ayant pour objet de « reconnaître » un crime de génocide ne saurait, en ellemême, être revêtue de la portée normative qui s’attache à la loi ; que, toutefois, l’article 1er de la loi déférée réprime la contestation ou la minimisation de l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide « reconnus comme tels par la loi française » ; qu’en réprimant ainsi la contestation de

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l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 1er de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ; que son article 2, qui n’en est pas séparable, doit être également déclaré contraire à la Constitution, Décide : Article 1er- La loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi est contraire à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 février 2012, où siégeaient : Jean-Louis Debré, président, Jacques Barrot, Claire Bazy Malaurie, Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Valéry Giscard d’Estaing et Pierre Steinmetz.


Chronique le Parlement est dans son rôle quand il édicte des normes ou des limitations destinées à défendre des principes affirmés par le Préambule de la Constitution, notamment pour lutter contre le racisme et la xénophobie. »(12) On ne peut que souscrire à ces raisonnements. Il ne revient pas au Parlement de se substituer à l’historien, quand bien même celui-ci aurait peu étudié la question. Ce n’est donc pas au Parlement de dire une vérité historique. Sa fonction est de garantir le respect de notre norme fondamentale et des principes qui y sont consacrés. Mais ce n’est pas sur le fondement de l’article 6 de la Déclaration de 1789 que le Conseil constitutionnel a estimé que la pénalisation de la contestation de génocide reconnus, de manière anticonstitutionnelle, par une loi, était elle-même contraire à la Constitution. Le Conseil a en effet considéré « qu’en réprimant ainsi la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait luimême reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication » (cons. 6). 2.2. Les garanties constitutionnelles et conventionnelles puissantes de la liberté d’expression et de communication

C’est au regard de la liberté d’expression et de communication que le Conseil constitutionnel a censuré les articles 1 et 2 de la loi « Boyer ». Ce choix a une double portée. D’une part, en ne formulant aucune appréciation sur la question en cause, le Conseil constitutionnel s’est ainsi gardé – comme le législateur aurait dû le faire – d’entrer dans le domaine de compétence des historiens. D’autre part, ce faisant, le Conseil s’est également abstenu de se prononcer sur d’autres dispositifs répressifs visant d’autres formes de « négationnisme »(13). a) La liberté d’expression et de communication est consacrée à l’article 11 de la Déclaration des droits de 1789. Le Conseil constitutionnel affirme de manière récurrente que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas prévus par la loi. » La protection de cette liberté fondamentale, « d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés », permet au Conseil constitutionnel d’opérer un contrôle renforcé sur les limitations éventuelles apportées par le législateur à l’exercice de cette liberté. Le Conseil vérifie en effet que celles-ci sont bien « nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. »(14) Le législateur peut certes limiter l’abus de la liberté d’expression, mais seulement « en vue de rendre l’exercice d’un droit ou d’une liberté constitutionnels plus effectif ou de la concilier avec d’autres règles et principes à valeur constitutionnelle »(15) Une disproportion a ainsi récemment été censurée par le Conseil constitutionnel, à propos d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’exception de

vérité des faits diffamatoires de plus de dix ans. Le Conseil relevait que la restriction à la liberté d’expression qui résulte de la disposition contestée poursuit un objectif d’intérêt général de recherche de la paix sociale. Il considérait toutefois que « cette interdiction vise sans distinction… tous les propos ou écrits résultant de travaux historiques ou scientifiques ainsi que les imputations se référant à des événements dont le rappel ou le commentaire s’inscrivent dans un débat public d’intérêt général ; que, par son caractère général et absolu, cette interdiction porte à la liberté d’expression une atteinte qui n’est pas proportionnée au but poursuivi. »(16) Dans sa décision n° 2012-647 DC, le Conseil constitutionnel a jugé que, sortant de son champ de compétence pour s’arroger le droit d’énoncer une vérité qui, malgré la réalité des faits, s’inscrit dans un débat historique, le Parlement avait porté une atteinte non nécessaire et disproportionnée à la liberté d’expression et de communication des historiens, des journalistes, comme de l’ensemble des citoyens français. b) La liberté d’expression et de communication est par ailleurs également garantie par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Il est à peu près certain que, quand bien même la loi aurait été déclarée conforme à la Constitution, son application aurait dû être écartée par le juge national en raison de son inconventionnalité. La jurisprudence de la Cour, dont le juge national doit s’inspirer lorsqu’il applique la Convention, est en effet très protectrice de la liberté d’expression et de communication. Dans sa célèbre décision Handyside, la Cour synthétise l’interprétation qu’elle donne de l’article 10 de la Convention : « sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10, [la liberté d’expression] vaut non seulement pour les “informations” ou les “idées” accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique. Il en découle notamment que toute “formalité”, “condition”, “restriction” ou “sanction” imposée en la matière doit être proportionnée au but légitime poursuivi. »(17) La décision n° 2012-647 DC a cependant permis d’apporter une réponse nationale et forte à la question de la conformité de la pénalisation de la contestation de l’existence du génocide arménien. Les débats qui pourraient perdurer à ce propos sont ainsi restitués aux justiciables et aux historiens.

III. La mémoire collective à préserver par d’autres instruments 3.1. Instruments internes

Dans un communiqué, l’Élysée indique que le Président de la République avait « chargé le gouvernement de préparer un nouveau texte, prenant en compte la décision du Conseil constitutionnel. » La décision du Conseil

constitutionnel est pourtant parfaitement rigoureuse : en tant que véhicule normatif, une loi ne peut proclamer que la France « reconnaît » une vérité historique. Or, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Parlement a la possibilité d’adopter des résolutions. Sur le fondement d’un nouvel article 34-1 de la Constitution, le Parlement peut adopter une position formalisée sur un sujet qu’il estime essentiel. Entrée en vigueur avec la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009, ces dispositions ont déjà reçu application avec l’adoption, le 11 mai 2010, à l’unanimité des députés présents, de la résolution sur « l’attachement au respect des valeurs républicaines face au développement de pratiques radicales qui y portent atteinte » (voile intégral, burqa). Pour Guy Carcassonne, « Pour contourner l’interdit, [les assemblées politiques] ont pris l’habitude de donner forme législative à des sujets qui ne s’y prêtent pas. Ainsi sont nées celles que l’on a appelées des lois mémorielles par lesquelles le législateur s’érige en historien, en juge ou en pénitent. Cette confusion des genres devrait disparaitre grâce à la résurrection des résolutions. » (18) Par ailleurs, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse n’incrimine que la contestation de l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité commis pendant la Deuxième Guerre mondiale, tels que définis par l’article 6 du statut du Tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945. Dans son arrêt en date du 7 mars 2007(19), la Cour d’appel de Paris a confirmé qu’en dehors de cette loi spéciale, le droit commun de la responsabilité fondé sur l’article 1382 du Code civil peut être appliqué, notamment s’agissant d’un génocide perpétré en 1915. Pourquoi enfin ne pas reprendre une proposition de la Commission des lois du Sénat(20) qui suggérait l’organisation de commémorations pour préserver la mémoire du génocide de 1915 ? 3.2. Instruments internationaux : faire entrer ce génocide dans l’histoire universelle

Robert Badinter prédisait, à propos de la proposition de loi « Boyer », que « cette démarche, qui veut apaiser les douleurs des uns, entraînera inévitablement la fureur des autres »(21). Heureusement, à l’annonce de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, le vice-premier ministre turc Bülent Arinç a déclaré que « Le Conseil constitutionnel a rendu une décision juste, éloignée des considérations politiques. Cette décision a évité une probable grave crise entre la France et la Turquie. » Robert Badinter a également évoqué l’idée d’une commission qui pourrait être désignée par l’UNESCO, composée d’historiens de renom international. « Cette commission, à laquelle toutes les archives seraient ouvertes et les informations communiquées, rédigerait un livre blanc sur les conditions et l’ampleur du génocide arménien de 1915. Au regard d’un tel livre blanc, les autorités turques pourraient alors prendre la voie de la reconnaissance de ces crimes anciens commis dans l’Empire ottoman. Ainsi les passions pourraient s’apaiser enfin et les voies d’un avenir commun et fécond entre Turcs et Arméniens s’ouvrir sans arrière-pensée ni passion mémorielle. »(22)

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Chronique Le député Dominique Raimbourg confirme cet objectif : « Ce qui est important, c’est que les auteurs du génocide en reconnaissent euxmêmes l’existence, parce qu’il fait partie de leur histoire. », de leur histoire nationale, mais aussi de l’Histoire universelle. La mémoire collective sera ainsi assurée par l’universalité de la reconnaissance. Pour l’heure, il convient de rendre hommage au Conseil constitutionnel : conformément à la théorie de l’é quilibre des pouvoirs telle que conçue sous la Vème République, c’est à une juridiction suprême que le Parlement français devra la préservation de l’essence de sa mission. * Floriane Beauthier est avocat au Barreau de Paris, Cabinet Delaporte, Briard & Trichet Notes : 1 - William Shakespeare, Macbeth, acte I scène 7, v. 546. 2 - Rapport « Rassembler la Nation autour d’une mémoire partagée », Assemblée nationale (XIIIe législature), 18 novembre 2008, n° 1262, p. 34.

3 - Rapport du Sénat n° 269 précité, p. 13. 4 - Dans sa décision n° 2006-203 L du 31 janvier 2006, le Conseil constitutionnel a déclassé l’expression selon laquelle « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer : notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit », constatant qu’elle ne ressortissait pas du domaine de la loi. 5 - Rapport n° 4035 de Mme Valérie Boyer, député, fait au nom de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, déposé le 7 décembre 2011, p. 7. 6 - Il s’agit uniquement de la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. Son article unique dispose : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. » 7 - Rapport du Sénat n° 269 précité, p. 21. 8 - Rapport fait au nom de la Commission des Lois du Sénat par JeanPierre Sueur sur la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, n° 269, p. 5. 9 - Saisine du Conseil constitutionnel par 60 députés, et leur mémoire en réplique aux observations du Gouvernement. 10 - Le Conseil constitutionnel avait déjà posé ce principe dans ses décisions n° 2005-516 DC du 7 juillet 2005, Loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique ; n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (dispositions « manifestement dépourvues de portée normative ») ; et

n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. 11 - Robert Badinter, intervention au Sénat, séance du 4 mai 2011 ; article “Le Parlement n’est pas un tribunal” in « Le Monde », édition du 14 janvier 2012 ; article “Génocide arménien : la pitié dangereuse” in « Huffington Post », édition du 25 janvier 2012. 12 - Rapport d’information n° 1262 précité, p. 181. 13 - Voir le commentaire du Conseil constitutionnel précité, p. 12. 14 - Trois conditions rappelées notamment dans la décision n° 2009580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, cons. 15. 15 - Décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994, Loi relative à l’emploi de la langue française, cons. 5. 16 - Décision n° 2011-131 QPC du 20 mai 2011, Mme Térésa C. et autre, cons. 6. 17 - CEDH (Plénière) 7 décembre 1976, Handyside c/ Royaume-Uni, req. n° 5493/72, point 49. 18 - La Constitution introduite et commentée par Guy Carcassonne, Points, 9ème édition, 2009. 19 - Voir le commentaire de cet arrêt par Jean-Baptiste Racine, “Le caractère licite de la « relativisation » du génocide des Arméniens”, Recueil Dalloz 2007 p. 2513. 20 - Rapport du Sénat n° 269 précité, p. 5 21 - Robert Badinter, “Génocide arménien : la pitié dangereuse” précité. 22 - Robert Badinter, “Le Parlement n’est pas un tribunal” précité. 2012-186

Tribune

La société d’exercice libéral « Vingt ans après » la loi du 31 décembre 1990 et les décrets par Rémi Dumas* lors que l'on vent récemment de commémorer les 200èmes anniversaires du Code civil, du Code de commerce, que la première loi sur les sociétés anonymes date de 1867, celle relative aux SARL de 1925, celle relative aux sociétés civiles professionnelles de 1966, les sociétés d'exercice libéral (SEL) créées le 31 décembre 1990 sont toujours dans l'adolescence. Les SEL ont évolué ces 20 dernières années, sous l’impulsion des libéraux, notamment des avocats, qui veulent perfectionner un outil de gestion professionnel moderne sous la pression de Bruxelles, pourfendeur des monopoles, des corporatismes et des freins à la concurrence, et ultime défenseur des consommateurs. En matière fiscale, il est bon de rappeler que l'un des trois principaux objectifs de la loi du 31 décembre 1990 était de donner l'accès à tous les libéraux à la fiscalité plus favorable des sociétés commerciales (l'impôt sur les sociétés). L'impôt sur les sociétés est resté remarquablement stable ces vingt dernières années. Là aussi, la salutaire concurrence fiscale entre les 27 pays de l'Union européenne protège les contribuables français de certaines lubies de Bercy. Les récentes mesures de matraquage fiscal prises au cours du 2ème semestre 2011 ont épargné les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, à l’exception de celles réalisant un chiffre d'affaires supérieur å 250 millions d'euros. L'ensemble, de ces dernières, grâce à l'habileté fiscale de leurs conseils, avalent en réalité un taux effectif d'imposition très largement inférieur à 33,1/3%. Les SEL, qui rentrent dans la catégorie des PME, peuvent bénéficier de certains avantages, notamment des réductions d'impôt pour souscription au capital, avec des hauts et des bas.

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Mais ces avantages risquent d'être éphémères sous la pression des rabotages successifs des niches fiscales. Cela n'a pas été le cas en matière sociale, car le législateur en 1990 a oublié de statuer explicitement sur le régime social des libéraux qui choisissent l'exercice professionnel en SEL. Cela a créé une période d'incertitude d'une quinzaine d'années, avec débats et procédures, picrocholinesques qu'il parait superflu de résumer. Comme il fallait tôt ou tard en finir, c'est le Conseil constitutionnel qui a mis tout le monde d'accord en consacrant un « apartheid social » pour les libéraux. Ces derniers, en leur qualité de nantis, réels ou supposés, n'ont pas eu droit à la mansuétude des sages du Palais Royal. Ces péripéties n'ont nullement perturbé l'ancrage progressif de la SEL dans le paysage des professions libérales. Les SEL progressent lentement mais sûrement chez les libéraux. Signe encourageant, de jeunes libéraux adoptent de plus en plus la SEL dès le début de leur première installation, sans passer par la phase transitoire en « nom propre BNC ». Le législateur, toujours prolixe vient de créer un statut nouveau : l'auto-entrepreneur. Du fait de la limitation du chiffre d'affaires (32 600 euros environ par an), ce statut est trop étriqué pour les libéraux réglementés, pour être une alternative sérieuse. Au printemps 2011, on assiste à l'enfantement laborieux de l'EIRL (Entreprise individuelle à responsabilité limitée). La question en débat, se situe au niveau de la rédaction de l'instruction administrative par l’administration fiscale, qui risque de vider de son contenu ce nouveau texte, et de le rendre peu attrayant. Certes, l'EIRL doit permettre l'accès à la fiscalité de l'impôt sur les sociétés, sans créer une personne morale distincte de l'exploitant.

Il est à craindre qu'il s'agisse d'un accès au rabais à l'impôt sur les sociétés, tant l'EIRL sera probablement dépourvue de la très grande souplesse de la SEL/IS, dans le cadre de la gestion globale du patrimoine du libéral et de sa famille. Un regret vis-à-vis de la SEL, c’est le manque d’homogénéité entre les Ordres. Pourtant, de nombreux Ordres auraient intérêt à s'inspirer des avocats notamment de l'AARPi (Association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle). A titre d'exemple, la « LME », (Loi sur la modernisation des entreprises), a prévu l'ouverture du capital des SEL à 49% à des personnes extérieures à la société. En l'absence de décrets d'application, cette disposition pourtant favorable dans une optique patrimoniale, risque de rester lettre morte pendant longtemps. Début 2012, les fondations de la SEL sont solides, et il reste à finir, à améliorer l'ensemble. Certains ordres devraient respecter la liberté patrimoniale de leurs membres, et cesser de leur imposer une tutelle aussi pesante qu'inutile et/ou spoliatrice. Quel paradoxe pour des libéraux d'être privé de liberté de gérer au mieux de leurs intérêts leur patrimoine professionnel. * Rémi Dumas est expert-comptable diplômé, chargé d'enseignement Université Paris I Panthéon - Sorbonne. Il est l’auteur de : Moins d'impôts pour les professions libérales grâce à la SEL, 3ème édition, Maxima - Laurent du Mesnil Editeur. Moins d'impôts grâce à la société micro-holding familiale, 2ème édition, Maxima - Laurent du Mesnil Editeur. Faculté de visionner gratuitement des conférences sur la SEL et la gestion du patrimoine des professions libérales sur : http://www.buzdig.com/ lcd/gpm Faculté de poser des questions à l'adresse E-mail : icd92380@hotmail.fr Prochaine conférence le 28 avril 2012 à Montpellier, sur le thème : « SEL et gestion du patrimoine familial », organisée par le CRDS Languedoc Roussillon; présidé par le Docteur Jean-Jacques Delord.

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Droits de l’Homme

Droits de l’Homme : la situation en France Des fiches ont été élaborées par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour chacun des 47 pays ayant ratifié la Convention européenne : elles donnent des informations complètes sur les questions de droits de l’homme, les arrêts importants rendus par la Cour, les affaires pendantes ainsi que des statistiques pour les années 2008 à 2011. S’agissant de la France, la Cour de Strasbourg avait rendu fin 2010, 815 arrêts, dont 604 concluant au moins à une violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et 116 n’en constatant aucune.

Affaires marquantes, arrêts et décisions rendus Grande chambre Fressoz et Roire c. France 21.01.1999

Condamnation de l’ancien directeur de la publication et d’un journaliste de l’hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné, suite à la publication en 1989 de photocopies des avis d’imposition du président de Peugeot de l’époque. Violation de l’article 10 (liberté d’e xpression). Selmouni c. France 28.07.1999

Torture (physique et mentale) sur une personne en garde à vue en 1991. Violation des articles 3 (interdiction de la torture) et 6 § 1 (droit à un procès dans un délai raisonnable).

Violation de l’article 1 du Protocole no1 (protection de la propriété). Non-violation des articles 13 (droit à un recours effectif) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale).

Violation de l’article 6 § 1 (droit d’accès à un tribunal).

Ramirez Sanchez c. France 04.07.2006

Mazurek c. France 01.02.2000

Maintien prolongé en isolement du terroriste « Carlos », condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Non-violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et violation de l’article 13 (droit à un recours effectif).

Réduction des droits, dans la succession de sa mère, d’un enfant adultérin par rapport à un enfant légitime. Violation de l’article 1 du Protocole no1 (protection de la propriété) combiné avec l’article 14 (interdiction de la discrimination).

Lindon Otchakovsky-Laurens et July c. France 02.10.2007

Koua Poirrez c. France 30.09.2003

Condamnation pour des publications jugées diffamatoires. Non-violation de l’article 10 (liberté d’expression)

Refus des autorités françaises d’octroyer une allocation d’adulte handicapé à un Ivoirien résidant en France. Violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 1 du Protocole no1 (protection de la propriété). Nonviolation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable).

E. B. c. France (n°43546/02) 22.01.2008

Refus de faire droit à une demande d’agrément pour adopter en raison de l’orientation sexuelle de la requérante. Violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale). Depalle c. France et Brosset et autres c. France 29.03.2010

Vo c. France (n°53924/00) 08.07.2004

Avortement thérapeutique suite à une rupture accidentelle de la poche des eaux due à un examen médical pratiqué sur la mauvaise personne (homonymie). Refus des autorités de qualifier d’homicide involontaire l’atteinte à la vie du foetus. Non-violation de l’article 2 (droit à la vie). Draon c. France et Maurice c. France 06.05.2005

Naissance d’enfants atteints de graves handicaps congénitaux, non décelés au stade prénatal en raison d’erreurs médicales. Impossibilité pour les parents d’obtenir une indemnisation pour les charges découlant du handicap des enfants, du fait de l’application immédiate d’une loi (« loi anti-Perruche ») entrée en vigueur alors que leurs recours étaient pendants.

Obligation faite aux requérants, en vertu de la loi littoral, de quitter leurs maisons et de mettre les biens domaniaux en l’état primitif, à leur frais et sans indemnisation préalable. Non-violation de l’article 1 du Protocole no1 (protection de la propriété) et pas de nécessité d’un examen séparé de l’article 8 (droit au respect du domicile). Medvedyev et autres c. France 29.03.2010

Interception en haute mer puis détournement vers la France, par la marine nationale, d’un navire étranger (utilisé pour un trafic de stupéfiants) et des membres de son équipage. Violation de l’article 5 § 1 et non-violation de l’article 5 § 3 de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté). Sabeh El Leil c. France 29.06.2011

Impossibilité, pour un comptable renvoyé par une ambassade à Paris, de contester son licenciement.

Chambre

Siliadin c. France 26.07.2005

Protection insuffisante de la requérante, esclave domestique. Violation de l’article 4 (interdiction de la servitude). Gebremedhin c. France 26.04.2007

Maintien en zone d’attente de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle d’un demandeur d’asile érythréen et absence d’un recours suspensif de plein droit contre les décisions de refus d’admission sur le territoire et de réacheminement. Violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) combiné avec l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et nonviolation de l’article 5 § 1 f) (droit à la liberté et à la sûreté). Tremblay c. France 11.09.2007

Prostituée alléguant être contrainte de continuer la prostitution à cause d’un organisme de recouvrement de cotisations d’allocations familiales. Non-violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants).

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Droits de l’Homme Sultani c. France 20.09.2007

Darraj c. France 04.11.2010

Raffray Taddei c. France 21.12.2010

Risques encourus par un demandeur d’asile en cas de renvoi vers l’Afghanistan. Non-violation des articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 4 du Protocole no4 à la Convention (interdiction des expulsions collectives d’étrangers).

Emploi d’une force disproportionnée à l’encontre d’un mineur lors d’une vérification d’identité au commissariat. Violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants).

Manquement à fournir des soins médicaux adéquats à une détenue anorexique. Violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants).

Maumousseau et Washington c. France 06.12.2007

Retour d’une jeune enfant chez son père aux Etats-Unis où il avait sa résidence habituelle, ordonné par les juridictions nationales, après que la mère ait gardé l’enfant suite à des vacances en France. Non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), et violation de l’article 6 (droit à un procès équitable). Kearns c. France 10.01.2008

Impossibilité pour une mère biologique de se voir restituer son enfant né sous X en raison de l’expiration du délai de rétractation prévu par les textes. Non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale).

En garde à vue, la requérante n’a pas été « aussitôt traduite » devant « un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires ». Violation de l’article 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté). La Cour ne se prononce qu’à l’égard de la notion spécifique d’« autorité judiciaire » au sens de l’article 5 § 3, et non au sens national. Il ne lui appartient pas de prendre position dans le débat concernant le statut du ministère public en France. Bouchacourt c. France, Gardel c. France, M.B. c. France 17.12.2009

Inscription des requérants au fichier judiciaire national des délinquants sexuels. Non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale).

Payet c. France 20.01.2011

Les conditions de détention d’un « détenu particulièrement signalé » étaient inhumaines mais ses transfèrements répétés étaient justifiés. Violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) concernant les conditions de détention du requérant en quartier disciplinaire ; violation de l’article 13 (droit à un recours effectif ) ; nonviolation de l’article 3 concernant les transfèrements du requérant. El Shennawy c. France 20.01.2011

Fouilles corporelles intégrales, répétées et filmées, par des hommes cagoulés des forces de sécurité. Violation des articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 13 (droit à un recours effectif). Liberté d’expression

Ravon c. France 21.02.2008

Défaut d’accès à un recours effectif pour contester les perquisitions menées par l’administration fiscale. Violation de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable). André et autre c. France 24.07.2008

Perquisition et saisies dans un cabinet d’avocats. Violation des articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale). Grifhorst c. France 26.02.2009

Confiscation de l’intégralité d’une somme non déclarée au passage de la frontière francoandorrane et amende équivalant à la moitié de cette somme. Violation de l’article 1 du Protocole no1 (protection de la propriété). Daoudi c. France 03.12.2009

Risque encouru par le requérant, condamné en France pour des activités terroristes, en cas de renvoi vers l’Algérie. Violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) en cas de mise en œuvre de la décision de renvoi du requérant. Brusco c. France 14.10.2010

L’avocat du requérant n’a pu l’assister que 20 heures après le début de sa garde à vue (en vertu du code de procédure pénale) et n’a donc pu ni l’informer sur son droit de garder le silence et de ne pas s’auto-incriminer avant son premier interrogatoire ni l’assister lors de cette déposition. Violation de l’article 6 §§ 1 et 3 (droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence).

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Moulin c. France 23.11.2010

Messier c. France 30.06.2011

Editions Plon c. France 18.05.2004

Concerne la procédure ayant mené à la condamnation de Jean-Marie Messier par l’Autorité des marchés financiers. Non-violation de l’article 6 §§ 1 et 3 (droit à un procès équitable).

Interdiction de diffusion d’un livre (le Grand Secret) écrit par le médecin personnel du Président Mitterrand, relatant les difficultés rencontrées par le praticien pour dissimuler la maladie du chef de l’Etat. Non-violation de l’article 10 (liberté d’expression) pour l’interdiction de diffusion à titre conservatoire ; violation de l’article 10 du fait du maintien de cette interdiction par la suite.

Association Les Témoins de Jéhovah c. France 30.06.2011

Les dons perçus par l’association Les Témoins de Jéhovah ont été taxés en vertu d’une loi trop imprécise. Violation de l’article 9 (droit à la liberté de religion). Conditions de détention Frérot c. France 12.06.2007

Fouille intégrale d’un détenu avec inspection systématique après chaque visite au parloir, durant deux ans. Violation des articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 13 (droit à un recours effectif) et 6 § 1 (droit à un procès équitable). Renolde c. France 16.10.2008

Suicide en détention provisoire d’un homme souffrant de graves problèmes mentaux et présentant des risques suicidaires. Violation des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants). Khider c. France 09.07.2009

Conditions de détention et mesures de sécurité imposées à un détenu. Violation des articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 13 (droit à un recours effectif).

Mamère c. France 07.11.2006, July et SARL Libération c. France 14.02.2008, Chalabi c. France 18.09.2008, Orban et autres c. France (15.01.2009), Renaud c. France 25.02.2010, Haguenauer c. France 22.04.2010, Fleury c. France 11.05.2010, Dumas c. France 15.07.2010

Violations de l’article 10. Leroy c. France 02.10.2008

Non-violation de l’Article 10. Décisions d’irrecevabilité Garretta c. France et Karchen c. France 04.03.2008

Affaire dite « du sang contaminé ». Griefs tirés du droit à ne pas être jugé ou puni deux fois, et du droit à la vie. Requêtes irrecevables. Ould Dah c. France 17.03.2009

Condamnation pour des faits commis en Mauritanie, en application de la « compétence universelle » par la France. Grief concernant le principe « pas de peine sans loi ». Requête irrecevable. Hakkar c. France 07.04.2009

Le requérant formulait plusieurs griefs relatifs à la procédure pénale en réexamen de son cas,

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© CEDH

Droits de l’Homme

ouverte après une première procédure ayant violé la Convention. Requête irrecevable.

Griefs concernant l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants et le droit au respect de la vie privée et familiale.

Affaires relatives au port de signes religieux ostensibles 30.06.2009

Conditions de détention

Requêtes irrecevables. Rinck c. France 17.11.2010

Contestation d’une contravention routière. Requête irrecevable (absence de préjudice important - nouveau critère introduit par le Protocole n°14).

Affaires marquantes pendantes Expulsions d’étrangers Plusieurs affaires concernent le renvoi de requérants étrangers suite à l’application par la Cour de l’article 39 de son règlement.

Alboreo c. France Communiquée le 02.12.2009

Griefs relatifs aux : rotations de sécurité imposées aux requérants, conditions de détention en cellule disciplinaire, indépendance et impartialité de la commission de discipline, atteintes à la vie familiale du fait des rotations, atteintes aux droits de la défense pour les mêmes motifs, effectivité des recours. Mourmand Cazin c. France Communiquée le 30.11.2009

Liberté d’expression Condamnation de « Paris Match » pour atteinte à la vie privée et à l’image du Prince de Monaco par un article révélant l’existence de son fils naturel.

Soros c. France Déclarée recevable le 31.08.2010

Condamnation pénale de Georges Soros pour délit d’initié (griefs tirés des articles 6 et 7).

A. c. France n°34420/07 - 03.12.2007

Condamnation civile d’Arnaud Lagardère en sa qualité d’héritier d’une personne déclarée pénalement coupable post-mortem.

H.R.c. France n°64780/09

Audience tenue le 12.04.2011 (retransmission) Refus d’adoption opposé à un couple homosexuel. Grief tiré des articles 8 et 14.

Equité de la procédure

Lagardère c. France Communiquée le 24.11.2009

Communiquée le 30.04.2010

Gas et Dubois c. France Déclarée recevable le 31.08.2010

Couderc et Hachette Filipacchi c. France (n°3) Communiquée le 30.03.2009

I.M. c. France n°9152/09

Risques encourus par des individus, condamnés pour terrorisme, en cas de renvoi vers le Maroc ou l’Algérie Beghal c. France (communiquée le 02.09.2009)

Evacuation de Roms d’un terrain ordonnée par les juridictions nationales, sans proposition de relogement. Les requérants, y compris le « Mouvement ATD Quart Monde », invoquent les articles 8 et 3, pris isolément et combinés avec l’article 14, ainsi que l’article 1 du Protocole no1.

Décès en détention d’un des accusés d’Outreau.

Déclarée recevable le 14.12.2010. Audience tenue le 17.05.2011 (retransmission).

J.Z. c. France n°43341/09 et R.Z. c. France n°43342/09 10.02.2010

Winterstein et autres c. France Communiquée le 29.09.2008

Droit au respect de la vie privée et familiale Chapin et Charpentier c. France Communiquée le 27.04.2009

Affaire concernant le mariage entre deux personnes homosexuelles célébré à la mairie de Bègles et annulé par les juridictions françaises en raison de l’identité de sexe. Les requérants invoquent les articles 8 et 12 combinés avec l’article 14.

Ressiot et Issartel c. France & Labbé et autres c. France Communiquées le 25.03.2010

Mise en examen de journalistes pour recel du secret de l’instruction. Compétence de la Cour à l’égard d’organisations internationales Atallah c. France Communiquée le 03.11.2009

Affaire concernant un avocat libanais mortellement blessé à Beyrouth par un soldat du contingent français de la FINUL ou de la FMS. Article 2 de la Convention à la fois sous ses volets obligation positive et absence d’enquête effective.

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Au fil des pages

Femmes & Justice par Diane Rondot « La justice c’est l’exécutoire des maux de notre société », Marie-Louise Desgranges, Conseiller à la Cour de cassation. « La justice est l’un des derniers points de repère de notre société », Catherine Chadelat, Conseiller d’Etat.

uelques jours avant la huitième Journée de la Femme (voir Les Annonces de la Seine du 5 mars 2012 page 9 : « 8 mars, Journée de la Femme » par Annabel Boccara et Pierre-Olivier Sur), l’ouvrage Femmes & justice vient de paraître aux Editions LexisNexis. Un ouvrage album, d’une qualité exceptionnelle tant en la forme qu’au fond. Imaginé par une photographe de renom Diane Rondot, qui a souhaité le réaliser à la suite du déclic qu’elle a éprouvé en assistant au cérémonial d’une prestation de serment d’une amie avocat devant le Première Chambre de la Cour d’Appel de Paris. La préface de Madame le Premier Président Honoraire de la Cour de cassation Simone Rozès nous en dit l’intérêt. « Le grand mérite de l’ouvrage de Diane Rondot est de présenter les portraits de ces femmes qui, chacune dans leur domaine, exercent leurs fonctions en les assumant avec naturel, exposant leur point de vue sur ce métier choisi, ses conditions d’exercice, son attrait ou ses difficultés ». Le regard de ce haut magistrat est suivi de celui croisé sur le Barreau de la part des deux femmes du Barreau de Paris : Dominique de La Garanderie (1998-1999) et Christiane FéralSchuhl actuellement en exercice. Si elles ont constaté que la profession s’est largement ouverte aux femmes à parité à 50% et demain davantage, l’Ecole du Barreau comptant sept femmes sur dix, de même dans la magistrature ; en revanche au Barreau de Paris, les avocates sont quasiment absentes dans les cabinets de droit des affaires, en particulier anglo-saxons, mais elles ont une place prépondérante,

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dominante, par leur compétence en droit de la famille ou de la défense des mineurs. Dans la magistrature où elles dépassent le seuil de la parité, elles accèdent également progressivement aux postes de la haute hiérarchie. Chantal Arens, Présidente du Tribunal de Grande Instance de Paris en est la brillante illustration. Les regards échangés et l’objet du livre nous ouvrent les pages des portraits de près de quatre-vingt-dix magistrats et avocats de tous rangs et conditions, bien que ceux-ci soient majoritaires, ceux qui contribuent également par leurs fonctions à l’œuvre de justice ne sont pas oubliés : greffiers, huissiers de justice, avocats aux Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, capitaines pénitentiaires, commissaires de police, experts judiciaires, lieutenants de police, lieutenants pénitentiaires, employés des services pénitentiaires d’insertion et probation, gardiens de la paix. Mais également deux Gardes des Sceaux, Rachida Dati et Elisabeth Guigou. Ces portraits sont présentés sur deux pages. L’une de droite : photo, l’autre de gauche où la personne concernée exprime ce qu’elle pense de sa fonction, un titre résume son opinion (voir exergues en tête de rubrique). C’est l’emblématique Conseiller à la Cour de cassation, Françoise Kamara, Présidente des clauses abusives, qui ouvre cette galerie des portraits avec pour titre : « Les magistrats accomplissent une œuvre de pacification ». Ensuite c’est une succession de portraits d’avocats (notamment Julia Katlama qui illustre la couverture de l’ouvrage) du Barreau de Paris, ou des Antilles, soit plus de trente portraits

d’avocats, mais également d’une ancienne Bâtonnière du Barreau de Seine-Saint-Denis, Nathalie Barbier et de sa Secrétaire Générale Eliane Moore. En nos institutions, Conférence des Bâtonniers, Conseil National des Barreaux, les femmes ne les ont guère investies. A la Conférence des Bâtonniers, une seule femme fut Présidente à ce jour : Huguette André-Coret, actuellement Vice-Présidente du Sénat International des Avocats. Au Conseil National des Barreaux, jeune institution d’une vingtaine d’années, on ne compte pas encore de présidente mais une Secrétaire du Conseil, Patricia Savin. « Il n’y a pas de sexe sous la robe », DidnerSergent, 1968. C’est vrai, cet adage de la célèbre avocate, repris par l’Editeur LexisNexis, témoigne que les titres des exposés de chacun, réunis sont reliés par un fil conducteur de la communauté des gens de justice : magistrats, hommes ou femmes, comme l’exprime si bien Anne Caron Déglise, Conseiller à la Cour d’Appel de Paris : « On relie les fils de la communauté des hommes ». Ce livre est une belle page d’histoire de la justice, de sa grandeur, de ses servitudes. Un beau livre merveilleusement illustré et passionnant. 2012-189 A. Coriolis

A PROPOS DE « FEMMES & JUSTICE » « Sous la robe, point de sexe », dit le célèbre adage, et pourtant... ujourd'hui, plus de la moitié des avocats en France sont des femmes. La progression s'est accélérée ces dernières années : en neuf ans, leur effectif a augmenté de plus de 50%. Une répercussion logique lorsque l'on sait que sept élèves sur dix dans les écoles de formation du barreau sont des femmes. Pourtant, c'est seulement en 1900 que plaide une femme pour la première fois. Les caricatures misogynes de l'époque foisonnent, moquant des femmes en porte-jarretelles

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et corset dans des professions d'homme. Il faut attendre un siècle, en 1998, pour qu'une femme soit élue bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris ! La magistrature, elle, ne s'ouvre au principe d'égalité qu'après la Seconde Guerre mondiale. En 2003, la féminisation atteint un sommet avec plus de 80% de représentation féminine à l'Ecole nationale de la magistrature. Signe d'une évolution remarquable, cette entrée en masse des femmes au sein du monde juridico-judiciaire interroge. Avocat, conseiller, greffier, gardien de la paix... qui sont ces femmes qui, chacune à

leur manière, œuvrent pour un meilleur exercice de la justice ? A travers le portrait et le témoignage d'une centaine d'entre elles, cet ouvrage révèle une justice incarnée, vibrante, terriblement humaine. Des femmes qui n'hésitent pas à prendre la parole et exprimer librement leur ressenti et la vision qu'elles ont de leur métier, de leur pouvoir aussi. Des femmes remarquables, passionnées et passionnantes, qui s'exposent telles qu'elles sont. Travail en studio sur feuille d'or, plexiglas ou aluminium, Diane Rondot est d'abord une photographe attachée à la

forme. Avec sa série « Identité », l'artiste sort de son activité solitaire pour se rendre dans l'atelier d'artistes et réalise alors des portraits intimes, frontaux, où les couleurs surgissent. Avec Femmes & Justice, la photographe explore un monde très éloigné de son univers, fondement de notre société. Le fond supplante la forme. Comme si l'image ne se suffisait plus, elle ressent la nécessité de faire appel aux mots. Donner la parole à ses sujets, les écouter attentivement, pour qu'au-delà de leur chair et leurs atours, elle capte leur esprit. A chaque portrait s'accrochent des vocables livrés tels quels, dans

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l'énergie de la rencontre. Des paroles vraies, brutes, entières, qui s'entrechoquent face à une image posée, chaque modèle étant revêtu, sur son lieu de travail, de sa robe solennelle ou de son uniforme. Une facture résolument classique, formelle, où les couleurs explosent. A travers ce couple mots-image, l'artiste explore une nouvelle forme d'expression, tentant d'atteindre au plus près la vérité de ses sujets.

194 pages - 48 € LexisNexis SA 141, rue de Javel - 75015 PARIS www.lexisnexis.fr


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Annonces légales

Adjudications SEINE-SAINT-DENIS 93

Vente aux enchères publiques au Palais de Justice de Bobigny 173, avenue Paul Vaillant-Couturier

Le mardi 10 avril 2012 à 13 heures 30 en un seul lot

BIENS IMMOBILIERS à SAINT-DENIS (93) 39-47, rue Jean Jaurès 1/ DROIT AU BAIL À CONSTRUCTION 2/ LOCAL COMMERCIAL DE 29,70 M² au 43, rue Jean Jaurès, au rez-de-chaussée, à gauche du passage (exploité à usage de salon de coiffure) comprenant : grande pièce, placards, WC.

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Mise à Prix : 51 000 € Pour tous renseignements, sʼadresser : - à Maître Brigitte MARSIGNY, Avocat, 58 rue du Docteur Jean Vaquier, NOISY LE GRAND (93) - Téléphone : 01 43 05 67 36 - au Greffe du Juge de lʼexécution du Tribunal de Grande Instance de Bobigny, où le cahier des conditions de vente est déposé. - sur internet : www.vlimmo.fr - sur les lieux où une visite sera organisée le mercredi 4 avril 2012 de 14 heures à 15 heures. Consignation pour enchérir : 5 100 € 02100

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Vente aux enchères publiques sur réitération, au Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES 5, place André Mignot

Le mercredi 11 avril 2012 à 9 heures en un seul lot jr.tancrede@jrtservices.fr 12, rue Notre-Dame des Victoires 75002 PARIS

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12, rue Notre-Dame des Victoires 75002 PARIS

Mise à Prix : 296 000 € - LIBRE (Précédemment vendue 612 000 €)

Pour tous renseignements, sʼadresser à : - la SCP SILLARD & ASSOCIES avocats, 73 bis rue du Maréchal Foch, VERSAILLES (78) - Téléphone : 01 39 20 15 75 e-mail : cabinet@avocats-sillard.com Le cahier des conditions de la vente peut être consulté au Greffe du Juge de lʼexécution du Tribunal de Grande Instance de Versailles et au cabinet de lʼavocat. - VISITE SUR PLACE MARDI 3 ET MERCREDI 4 AVRIL 2012 DE 10 HEURES À 12 HEURES. Consignation pour enchérir : Chèque de banque de 29 600 € à lʼordre du bâtonnier séquestre, outre une somme pour les frais et émoluments dont le montant sera indiqué par lʼavocat chargé de porter les enchères. On ne peut enchérir que par le ministère dʼun avocat du Barreau de Versailles. 02101

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Les Annonces de la Seine - jeudi 8 mars 2012 - numéro 17


Décoration

William Nahum, Commandeur dans l’Ordre National du Mérite Paris - 6 mars 2012

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Décorer un ami comme toi est un réel plaisir. Et c'est le bonheur de pouvoir le partager comme cela avec tes amis et ta famille. Je constate d'ailleurs qu'ils sont nombreux. Alors que nous aurions dû nous retrouver rue Cognacq-Jay, au siège de l'ordre des experts-comptables, tu as vite réalisé que nous serions très à l'étroit. Car il en faut de la place pour célébrer dignement William Nahum ! Pour tes invités, mieux valait décaler un rendezvous que ne pas en être... Je reconnais çà et là de nombreux visages proches. La qualité et le nombre des présents attestent bien de la sympathie et de l'affection que chacun veut te témoigner aujourd'hui. Tu sais également la profonde amitié que je te porte, toute l'affection que j'ai pour toi depuis si longtemps. Merci de me donner ce soir une si belle occasion d'en témoigner. Le protocole républicain exige cependant que je commence par rappeler tes mérites. Et si tu reçois les insignes de Commandeur dans l'Ordre National du Mérite, c'est qu'ils sont nombreux. Le Président de la République est visiblement bien informé... (…) Mon cher William, tu t'es présenté plus de 20 fois au suffrage universel lors des élections régionales

René Ricol et William Nahum Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

ans les salons Hoche à Paris, René Ricol, Commissaire Général à l’Investissement et Président d’Honneur de l’Ordre Mondial des Experts-Comptables, face à un aéropage de personnalités issues des mondes politique, universitaire, du chiffre et du droit, a remis les insignes de Commandeur dans l’Ordre National du Mérite à son confrère William Nahum, Président d’Honneur du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables. L’Officiant s’est notamment exprimé en ces termes :

de l'Ordre et de la Compagnie... et tu as toujours été brillamment élu. C'est encore le cas aujourd'hui à la Compagnie des commissaires aux comptes, où tu bats un record de longévité absolu. Parmi les innombrables postes que tu as occupés, citons au moins les présidences : - président de l'Ordre régional des expertscomptables, pendant 10 ans - c'est également un record - président de la Compagnie des commissaires aux comptes pendant 2 ans tout en étant… c'est un cas unique... président de l'Ordre régional, - et bien sûr, poste suprême, tu as été président du Conseil supérieur de l'Ordre des expertscomptables, élu à l'unanimité ! Chacun reconnait que tu as fait une présidence nationale brillante en faisant bouger les lignes, en particulier tu as obtenu, fait rare, une modification favorable des articles 2 et 22 qui définissent les champs

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

William Nahum entouré de ses deux filles et René Ricol

d'intervention de l’expert-comptable. Et autre fait unique : un Premier ministre s'est déplacé en personne pour l'annoncer à la profession. J'y étais ! Tu as par ailleurs créé et présidé la Fédération des comptables méditerranéens ainsi que la Fédération latine Europe Amérique des experts comptables. En 2004, tu as créé et tu animes encore l'Académie des sciences et techniques comptables et financières. En moins de dix ans, elle s'est imposée comme une référence sur le plan national et international puisqu'elle rassemble 40 000 personnes en France et 20 000 à l'étranger. Une Académie européenne est en cours de constitution. Tu n'arrêtes pas ! (…) Mon cher William, je ne me lasse pas d'é voquer les souvenirs communs mais par égards pour tes amis et ta famille je m'arrêterai là. Cela étant, j'ai fait l'e xpérience à de nombreuses reprises de ton dynamisme légendaire et je sais que ce n'est pas fini. Mais s'il est une qualité qui te caractérise tout particulièrement, c'est cette intuition étonnante qui t'ouvre à une vraie compréhension des autres, qui te donne un sens aigu des relations humaines et qui suscite cette créativité toujours constructive. C'est probablement pour cela qu'il est si agréable de travailler avec toi. Merci pour ton amitié, tu sais que la mienne t'est acquise. Qu’ajouter aux propos du talentueux orateur ? Le parcours professionnel du récipiendaire est exemplaire, il était légitime que la République mette en lumière les nombreux mérites de William Nahum dont la clairvoyance n’a pour rivale que son infinie gentillesse. Nous présentons nos amicales et chaleureuses félicitations à celui qui sait conjuguer avec droiture intelligence et humanisme. Jean-René Tancrède 2012-190

Les Annonces de la Seine - jeudi 8 mars 2012 - numéro 17

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In memoriam

Jacqueline Favreau-Colombier Le dernier avocat de Marie Besnard - 31 août 1917 - 17 février 2012

J

Marie Besnard et Jacqueline Favreau-Colombier

D.R.

acqueline Favreau-Colombier, qui vient de disparaître à Bordeaux, à l'âge de 94 ans, avait été une figure du Barreau de Bordeaux où elle exerça pendant plus de cinquante ans. Elle fut, dès 1938, une des premières femmes pénalistes de la ville et commença sa carrière aux côtés de Jean Odin, le sénateur de la Gironde, qui fut un des 80 parlementaires à refuser les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain, le 10 juillet 1940. Avocate de 1938 à 1994, elle fut un avocat pénaliste en vue après 1945, participant à tous les grands procès criminels de l’après-guerre à Bordeaux. Le dossier de sa vie aura été l'affaire Marie Besnard, accusée de l’empoisonnement de treize des membres de sa famille, dans trois procès successifs qui passionnèrent l’opinion publique française pendant quinze ans et eu un retentissement considérable auprès de l'opinion publique. De 1950 à 1961, elle y œuvra aux cotés de deux « ténors » du Barreau parisien, René Hayot et Albert Gautrat, et il se termina par un acquittement, le 12 décembre 1961. Le procès est aujourd'hui reconnu pour avoir fait avancer la toxicologie et son rôle au pénal. Jacqueline Favreau-Colombier se consacra par la suite à la défense de l’innocence de Marie Besnard et on lui doit notamment, outre de nombreux articles, Marie Besnard la force de l’innocence (Robert Laffont 1985), repris en livre de poche dans la collection J'ai lu et Marie Besnard, le procès du siècle (Privat 1999). Menant de front une triple carrière d'avocat, d'écrivain et de conférencière, elle se consacra de 1960 à 1990 à des tournées de conférences en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en Italie ou ailleurs, où elle évoquait notamment, outre les grands procès d'assises et les hautes figures du Barreau, les destins hors-série comme celui

de Madame de Staël à Marie Curie ou de François Mauriac à Roland Dorgelès. Car cette lettrée avait été en 1954, la créatrice du « Cercle d'information et d'études sociales féminines » où, de Paris à Bordeaux en passant par Cannes, elle recevait académiciens, universitaires et auteurs à succès.

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Par son activité professionnelle, ses activités littéraires et ses engagements multiples, elle a contribué à maintenir haut la renommée et l'éclat du barreau de Bordeaux pendant cinquante-six ans de carrière. Jacqueline Favreau-Colombier était la mère du bâtonnier Bertrand Favreau. 2012-191 Jean-René Tancrède

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Les Annonces de la Seine - jeudi 8 mars 2012 - numéro 17


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