Edition du jeudi 7 mars 2013

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LES ANNONCES DE LA SEINE Jeudi 7 mars 2013 - Numéro 17 - 1,15 Euro - 94e année

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Jean-Bertrand Drummen, Philippe Ingall-Montagnier, Thierry Solere, Robert Gelli, Jean-Christophe Fromantin, Long Yun, Yves Lelièvre et Jean-Michel Hayat

Tribunal de commerce de Nanterre Audience Solennelle de Rentrée - 11 janvier 2013 RENTRÉE SOLENNELLE

Tribunal de commerce de Nanterre L’institution consulaire au cœur de la vie économique française par Yves Lelièvre .................................................................................. Les réponses pénales aux infractions révélées au cours des procédures collectives par Robert Gelli ........................................

2 6 Cour d’appel de Lyon Lyon, grande ville de justice par Jacques Beaume..............................9 Les magistrats du 21 siècle par Jean Trotel.................................11 AGENDA ......................................................................................5 PALMARÈS Université Paris 2 Panthéon-Assas ......................................12 Diplôme d’Université « La médiation » - Promotion Boutros Boutros-Ghali 24 concours international de plaidoiries.......................34 VIE DU DROIT ème

ème

Bilan 2012 du droit de la concurrence et de la distribution par l’Equipe du Cabinet Fourgoux...........14 Réforme de la justice commerciale Installation des groupes de travail ..................................................

SOCIÉTÉ

Actualité Versus Eternité

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15 ANNONCES LEGALES ...................................................16 ADJUDICATIONS................................................................31

par Jean-Luc A. Chartier...................................................................

on nombre d’acteurs économiques et de hautes personnalités du département altoséquanien avaient répondu favorablement à l’invitation du Président Yves Lelièvre et du Procureur de la République Robert Gelli pour assister à l’Audience Solennelle de Rentrée du Tribunal de commerce de Nanterre ce vendredi 11 janvier 2013. Ce fut l’occasion pour le grand banquier, qui a succédé à Jean-Bertrand Drummen le 10 janvier 2011 à la tête de la juridiction consulaire, de dresser le bilan de l’activité de l’année écoulée puis de fixer des objectifs pour l’avenir. Après avoir rappelé les missions essentielles du magistrat consulaire, constamment à la recherche de la vérité dans les litiges commerciaux et dans le droit des entreprises en difficultés, il s’est déclaré légitimement inquiet de « voir les apports de l’institution consulaire au droit à la vie économique de notre pays mis à mal ». Il a relevé également une « profonde incompréhension devant les critiques d’incompétence, de conflits d’intérêt, de destructeurs d’entreprises qui nous atteignent tous profondément dans notre honneur ». Déclarant que les magistrats de l’é conomie ne faisaient qu’appliquer la loi, il a cité un vieux proverbe chinois : « l’Empereur, lorsqu’il était malade, faisait décapiter son médecin ».

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Ouvert à la concertation sur le délicat dossier de l’é chevinage des Tribunaux de commerce, il a toutefois conclu sa brillante intervention par « si l’e xpérience et la connaissance de l’entreprise ne devaient plus être considérées comme les qualités premières du juge du commerce, l’appel à des juges venant du monde de l’économie perdrait, alors, son sens et nous renoncerions ». Quant au Procureur de la République, il s’est plu à reconnaître la qualité du soutien du Tribunal de commerce aux entreprises en difficulté tout en rappelant que la prévention des difficultés des entreprises était un objectif commun et qu’il convenait donc de ne pas écarter une éventuelle réforme imposant l’échevinage. Dans ce contexte, il a déclaré que le juge du commerce « garant de la continuité de l’activité économique » avait la charge de « rechercher la responsabilité des dirigeants peu scrupuleux » et que son Parquet mettrait tout en œuvre, dans la continuité des actions de ses prédécesseurs, pour « assurer la répression des infractions révélées au cours des procédures collectives ». Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE


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Yves Lelièvre

Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05

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Rentrée solennelle

Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :

par Yves Lelièvre Didier Chotard Frédéric Bonaventura

Les missions

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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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L’institution consulaire au cœur de la vie économique française

otre Tribunal est en état de marche. Nous pouvons aborder, dans les meilleures conditions l’ensemble de nos missions. L’application de la loi est la première d’entre elle : Dans la crise économique, financière, mais plus encore sociale, que nous traversons, nous devons préserver l’état de droit dans lequel nous vivons. Et l’application de la loi peut nécessiter que soient tirées les conséquences de la situation dégradée et quelquefois sans issue d’une entreprise dont les difficultés peuvent être multiples, souvent anciennes et quelquefois difficilement détectables. « Felix qui potest conoscere rerum causas » se souviennent les vieux latinistes qui peuvent sommeiller en nous. « Heureux celui qui peut connaitre les causes des choses. » Alors l’émotion et la passion ne doivent pas se substituer à la raison. Reconnaissons, tout en le regrettant, qu’il est parfois, et malheureusement, tentant de faire du Tribunal ayant appliqué la loi, un bouc émissaire. Face à cette situation de crise, j’ai vu, et je vois chaque jour, des Juges, des Administrateurs, des Mandataires, des Greffiers, des Avocats, des Experts, unis, mobilisés comme jamais pour faire en sorte que les conséquences sociales, économiques et industrielles de la situation actuelle soient les plus justes et les plus équilibrées possibles, en suivant le fil conducteur de la loi : La protection de la pérennité de l’entreprise, de son activité et de ses salariés. Soyez-en tous très vivement et très sincèrement remerciés.

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Cette dynamique, cette cohésion seront poursuivies. Je voudrais, aussi, associer, dans la recherche constante de solutions pérennes, le Parquet. Monsieur le Procureur Robert Gelli, poursuivant une très brillante carrière, vous venez de rejoindre le Parquet de Nanterre. Soyez le bienvenu. Malgré votre arrivée récente, nos premiers contacts laissent présager d’une excellente coopération. Permettez-moi de remercier très vivement le Procureur adjoint Marie Christine Daubigney, le premier ViceProcureur Philippe Bourion ainsi que Christine Deleau et Deborah Coricon. Le Ministère public est le gardien de la loi. Votre rôle, essentiel, dans le fonctionnement des Tribunaux de commerce s’est accru, en particulier, avec la loi Badinter de 1985. Vous êtes présents à nos audiences de procédures collectives et de sanctions, Des relations de confiance réciproques se sont nouées entre nous ; Lorsqu’une difficulté juridique survient, un dialogue s’instaure et, généralement un consensus se dégage. Ce fut le cas, notamment, lorsqu’il s’agit de déterminer le Tribunal compétent dans le cas d’un groupe de sociétés. Vous nous apportez un autre regard. Vous avez autorité sur les Administrateurs et Mandataires judiciaires. Vous disposez des voies de recours comme du pouvoir d’attraire en sanction le chef d’entreprise ayant manqué à ses obligations. Votre présence appréciée est toujours souhaitée, elle pourrait être développée, notamment dans le cadre des conciliations, et rendue obligatoire dans certaines circonstances. Durant l’année écoulée, nos missions ont évolué : En contentieux : Si le nombre des litiges commerciaux, portés devant notre juridiction, reste globalement stable, la tendance à la complexité et au caractère communautaire et international des dossiers s’accroit chaque année. Dans le même temps, la conciliation et la médiation judiciaire ont, fortement progressé.

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Rentrée solennelle La délégation, composée de trois Juges, fonctionne. Quatre anciens Présidents ou Juges de notre Tribunal ont prêté serment en tant que conciliateurs de Justice devant la Cour d’appel de Versailles. Une permanence est assurée, dans nos locaux, à la disposition des Juges, des justiciables et de leurs conseils. Depuis le lancement de cette délégation, nous avons ouvert 23 conciliations et 20 médiations. 35, sur les 43, sont terminées et 19, soit plus d’une sur deux, ont débouché sur un accord. C’est un premier succès. Il mérite d’être confirmé et développé. Nous allons mieux définir la place et le rôle respectifs du médiateur judiciaire et du conciliateur de Justice. Le conciliateur de Justice est un auxiliaire de Justice, formé aux techniques de conciliation, agréé par la Cour d’appel et son intervention est bénévole. Le médiateur judiciaire est un spécialiste de la médiation, il est, en général, inscrit auprès d’un centre de médiation et son intervention est payante. Nous sommes conscients que la conciliation et la médiation judiciaire ne peuvent concerner qu’un nombre limité d’affaires. C’est un service proposé aux parties, qui répond à un souci d’apaisement et d’humanisation des relations, de célérité et d’efficacité dans les solutions. A ce double titre nous ferons tout ce que nous pouvons pour les développer.

Le droit des entreprises en difficultés Si le droit des entreprises en difficultés ne repose que sur 60 articles du code de commerce, son application est source d’enjeux considérables : - Parce qu’il entretient de multiples liens avec les autres branches du droit. - Parce qu’il prend en charge des situations très variées à travers le prisme déformant des problèmes de l’entreprise, qui bouscule le droit commun sur bien des points. - Parce qu’il doit s’appliquer dans une période de grave crise économique, où le phénomène de financiarisation aboutit à rendre plus complexe la structure de l’endettement des débiteurs et partant son traitement. Mais ce droit, façonné par la crise, traverse, luimême une crise, une crise d’identité, une crise existentielle. Il ne sait plus à qui il s’adresse et ne sait plus quels sont les intérêts qu’il protège. La sécurité juridique indispensable s’en trouve, inévitablement, affectée. C’est le deuxième des thèmes visés par les questions prioritaires de constitutionnalité, après la procédure pénale, plus d’une trentaine à ce jour : Je pense, ici, à l’action spéciale en réunion, à l’actif des biens du conjoint achetés avec des valeurs fournies par le débiteur. Je pense à la compensation des dettes connexes, à l’interdiction faite aux créanciers d’agir individuellement ; et tout récemment à la saisine d’office du Tribunal en vue de l’ouverture d’une procédure de Redressement Judiciare qui vient d’être déclarée contraire à la constitution avec effet immédiat.

REPÈRES

Procédures collectives

Source : Tribunal de commerce de Nanterre

C’est aussi la confrontation de plus en plus fréquente avec le droit communautaire : Nous souhaitons l’élaboration d’un droit européen des entreprises en difficultés, seul moyen d’harmoniser les procédures : Le règlement d’insolvabilité n° 1346/2000 du 29 mai 2000 est en cours de révision. Il est, actuellement, structuré autour des solutions liquidatives de l’entreprise et il ne prend pas en compte les difficultés avant la cessation des paiements. Sans attendre cette harmonisation, le législateur français, faisant suite aux initiatives des Tribunaux de commerce, avait institué deux procédures amiables permettant à l’entreprise de trouver des solutions aux problèmes qu’elle rencontre, avant qu’il ne soit trop tard. Les techniques utilisées, le mandat ad hoc et la conciliation, sont aujourd’hui inscrits dans le livre 6 du code de commerce. Je l‘ai dit, nous avons ouvert l’an dernier 113 procédures amiables qui concernent plus de 48 000 salariés. Elles sont ouvertes par le Président du Tribunal à la demande du chef d’entreprise et dans la plus stricte confidentialité. Elles témoignent de la prise en compte de l’anticipation des difficultés. C’est un réel bouleversement culturel. Et c’est un succès évident qu’il nous faut, là aussi, conforter : Juste trois observations : - La première est générale, l’introduction, dans la boite à outil, des procédures amiables a fait évoluer l’architecture du droit des entreprises en difficultés. La conciliation est ouverte aux entreprises qui se trouvent en cessation des paiements depuis moins de 45 jours. De ce fait, la date de cessation des paiements n’est plus l’unique point d’entrée des procédures collectives et une réflexion sur son rôle doit être menée. La situation de trésorerie doit-elle demeurer le critère pertinent pour dissocier les procédures collectives et les procédures

amiables ? Les débats en cours, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, au Ministère du redressement productif sont très importantes. - La seconde observation concerne l’ouverture d’une procédure amiable par le Président, à la demande du chef d’entreprise. Il lui revient de s’assurer de la cohérence de la demande du dirigeant avec la situation réelle de l’entreprise. Or nous rencontrons des situations de plus en plus complexes dans lesquelles conciliation et mandat ad hoc se succèdent. Il s’est trouvé des cas dans lesquels la situation financière était plus obérée qu’indiquée et relevait davantage d’une procédure collective de traitement que d’une procédure amiable de prévention. Si le dirigeant est le plus souvent accompagné de son conseil juridique il pourrait l’être plus fréquemment d’un homme du chiffre dont l’analyse objective est indispensable. Les petites et moyennes entreprises doivent, aussi, pouvoir bénéficier de l’accès à ces procédures. Les honoraires doivent être compatibles avec la situation de l’entreprise. La mise en place d’assurances prévention à l’initiative du Conseil national des experts comptables doit être encouragée. - La troisième observation concerne la confidentialité, Son principe est inscrit à l’article L 611-15 du code de commerce. C’est la condition même du succès de ces procédures. Les conséquences d’une rupture de cette confidentialité, par la transmission, par exemple, d’un rapport confidentiel aux concurrents de l’entreprise, peuvent être d’une exceptionnelle gravité. Nous connaissons, dans ce tribunal, des cas récents et sérieux de rupture : - Sur le plan social, les salariés et les managers peuvent ainsi apprendre, par une source extérieure, l’ouverture d’une procédure concernant leur entreprise avant que leur

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Rentrée solennelle information ne soit assurée dans le cadre de l’obligation légale. - Sur le plan commercial et financier, les clients, les fournisseurs et les banques risquent de modifier sensiblement leur relation voir les rompre, entraînant ainsi l’entreprise dans un engrenage qui risque de lui être fatal. Aucune sanction pénale n’est prévue par les textes pour les contrevenants non soumis au secret professionnel et l’action en responsabilité civile ne constitue pas une sanction dissuasive en cas de manquement. Le préjudice porté à l’entreprise sera déjà consommé lorsque l’action en réparation sera engagée. La confidentialité répond à la volonté de protéger l’entreprise affaiblie, mais elle répond également à la nécessité de permettre la diffusion, dans un cercle limité, de l’information transparente, indispensable à une négociation loyale et équitable. Au même titre que le secret des affaires, elle constitue un enjeu économique majeur, créateur de valeur. Elle devrait être confortée, renforcée et protégée. Mesdames et messieurs, Etre Juge consulaire, ce n’est pas un métier, ce n’est pas une profession, c’est une fonction, bénévole, limitée dans le temps. C’est aussi une passion ! Mais, être Juge consulaire ne s’improvise pas. Il faut du savoir-faire, du savoir, du savoir être, le tout irrigué d’une forte dose d’éthique. Le savoir-faire nous l’avons : Il nous permet : - D’appréhender les moyens des parties dans un litige commercial, - D’apprécier la solidité stratégique de la société, - D’apprécier le réalisme des solutions de redressement proposées et de leurs effets dans la durée, - De rechercher et de retenir la solution la plus juste et la mieux équilibrée en cas de liquidation, Nous sommes compétents pour traiter de

l’échec entrepreneurial, ce qui est d’un enjeu beaucoup plus important que la somme des cas particuliers que nous gérons. « L’expérience de chacun est le trésor de tous », écrivait Gérard de Nerval. Pour le savoir être et le savoir Je rappelle que notre judicature d’une durée maximum de 14 ans assure un renouveau permanent des Juges. Et ce renouveau nous permet de disposer des meilleures compétences, en phase avec l’évolution de la technicité de nos dossiers. Et nous ne cessons pas de progresser : En matière de formation : La formation initiale est suivie par l’ensemble des nouveaux Juges, La formation continue progresse chaque année, il faut, maintenant, un texte pour l’encadrer, la rendre obligatoire et assurer le remboursement des frais de déplacement. Mais la formation s’est, aussi, la collégialité. Délibérer à trois avec des Juges seniors constituent une formation permanente extrêmement riche. Ceux d’entre nous qui n’étaient pas, au départ, des juristes confirmés, acquièrent ainsi la compétence qui leur permet d’appliquer dans le respect de la procédure, les solutions juridiques les plus adaptées. En matière de déontologie, Les valeurs d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité sont au cœur de notre engagement. Nous avons institué, à Nanterre, un comité de déontologie. A la demande du Garde des Sceaux, le Conseil National des Tribunaux de commerce achève l’élaboration d’un Guide des obligations déontologiques du Juge consulaire. Très largement inspiré de celui dédié aux Magistrats professionnels il prend en compte les multiples aspects des conflits d’intérêts auxquels nous pouvons être exposés. Ces savoirs trouvent leur traduction en matière d’efficacité :

Dans l’état actuel de nos tableaux de bord, et en retenant les pourcentages les plus élevés, pour les affaires contentieuses, notre taux d’appel est de 12 % et d’infirmation de 3 %. Et la durée moyenne de traitement d’une affaire contentieuse est de 6,12 mois, que nous travaillons à réduire sans pour autant porter atteinte au débat et à la sécurité juridique de nos décisions.

Et l’avenir ? Nous sommes, à nouveau, l’objet de critiques sérieuses. Elles suscitent, en chacun de nous, une légitime inquiétude et une profonde incompréhension : - Une légitime inquiétude de voir les apports de l’institution consulaire au droit et à la vie économique de notre pays mis à mal. - Une profonde incompréhension devant les critiques d’incompétence, de conflits d’intérêt, de « destructeurs d’entreprise » qui nous atteignent tous profondément dans notre honneur. Sur ce dernier point, puis-je simplement rappeler que nous ne faisons qu’appliquer la loi et la jurisprudence en matière de difficultés des entreprises et que ce n’est qu’au sein de la Chine ancienne que l’empereur, lorsqu’il était malade, faisait décapiter son médecin. Jean-Bertrand Drummen, Président de la conférence générale, disait, il y a quelques semaines, à l’occasion de notre congrès national : « Notre tradition, notre culture séculaire n’interdit nullement l’é volution. Bien au contraire, c’est parce qu’elle n’est pas chancelante, que ses fondements sont solides, que son ancrage est historique, que l’institution consulaire ne craint jamais de s’engager dans la voie du progrès. » Nous sommes ouverts à toutes les concertations,

REPÈRES

Long Yun, Procureur du Parquet suprême de Pékin Stagiaire dans le cadre du programme “100 magistrats chinois en France”

Photo © Jean-René Tancrède

Le Président Yves Lelièvre a invité Madame Long Yun à participer à l’audience solennelle du Tribunal de commerce le 11 janvier 2013.

Long Yun e Tribunal de commerce de Nanterre a reçu le 10 janvier 2013 Madame Long Yun, Procureur du Parquet Suprême de Pékin.

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Madame Long Yun suit un stage qui s’inscrit dans le cadre du programme « 100 magistrats chinois en France » initié par l’Ecole Nationale de la Magistrature, l’Ambassade de France et l’Ecole Nationale des Procureurs en Chine. Ce programme permet chaque année à six Procureurs et six Juges chinois sélectionnés de suivre huit mois de cours de français à l’Alliance française de Pékin, avant de se rendre en France pour six mois afin de comprendre le droit et le système judiciaire français ainsi que la

pratique et la procédure françaises. La dernière partie de la formation est organisée par l’Ecole Nationale de la Magistrature à Paris où les Magistrats chinois effectuent un stage d’une semaine en Cabinet d’Avocats, avant de suivre un enseignement théorique sur la Justice française sur le thème « connaissance de la Justice française ». Compte tenu de ses connaissances juridiques, linguistiques et culturelles de la Chine, le Cabinet Rothpartners (Maitre Violaine Motte) a été sollicité pour accueillir

Madame Long Yun. Des conventions de coopération ont été signées entre la Cour Supérieure de Pékin, le Tribunal de commerce de Paris (1996) et le Tribunal de Grande Instance de Paris (2006). Un protocole de coopération a également été signé en octobre 2006 entre le Parquet populaire suprême de Chine et le Parquet Général près la Cour de cassation. La pratique quotidienne du cabinet Rothpartners le porte régulièrement devant notre juridiction, qu’il s’agisse de procédures contentieuses ou de

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procédures collectives. C’est pourquoi, afin que Madame Long Yun puisse justifier d’une connaissance complète des spécificités de la pratique française des Juges consulaires, celle-ci a été reçue au Tribunal de commerce de Nanterre pour une présentation discussion le jeudi 10 janvier 2013. Le Président du Tribunal était alors entouré de ses Vice-Présidents et résidents délégués, en présence du 1er Vice-Président du Parquet de Nanterre, Philippe Bourion et de Maître Christophe Basse mandataire judiciaire.


Rentrée solennelle Nous sommes favorables à ce que nos pratiques, nos résultats soient soumis à des audits périodiques dont les rapports constitueraient une source de progrès et d’amélioration de notre fonctionnement. Sur ce point la Cour d’appel de Versailles vient de conduire un audit au sein de notre Tribunal. Il relève, je le cite, « une impression d’ensemble très favorable » et nous incite à développer des outils de contrôle interne et tableaux de bord pour nous permettre de mieux mesurer notre performance et nos délais. Ceci rejoint nos préoccupations sur notre évolution et notre modernisation. Nous sommes favorables à un ancrage renforcé des juridictions consulaires dans la hiérarchie judiciaire. La création d’un Magistrat référent dans chaque Cour d’appel, interface des Tribunaux de commerce y contribuerait. Il en serait de même de l’instauration du dialogue annuel de gestion sur la performance. Mais au même titre, et avec la même unanimité qui s’est exprimée à l’occasion du Congrès national, l’esprit d’ouverture qui nous anime va de pair avec la nécessaire fermeté que nous affichons. Nous sommes, ici, opposés à toute forme d’é chevinage parce qu’il va exactement à l’opposé du but qu’il est censé poursuivre : - l’amélioration de l’efficacité de la Justice commerciale. La haute estime et le profond respect que nous portons aux Magistrats professionnels ne sont, en aucune manière, concernés par cette opposition. Nous avons eu, Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance, l’occasion d’échanger sur ce sujet. La volonté de s‘accrocher contre vents et marées à notre fonction, dont je rappelle qu’elle est temporaire et bénévole, ne fonde pas non plus cette opposition. Nous ne sommes pas crispés pour la défense d’un intérêt. Ce qui fonde notre opposition : C’est, d’abord, notre volonté de faire respecter notre raison d’être Juge du commerce. Nous sommes légitimes dans notre fonction, Nos décisions sont prises dans un cadre collégial, Nos responsabilités sont directement liées à notre expérience de l’entreprise, Notre indépendance et notre impartialité sont garanties par l’encadrement légal de notre mission, la présence du Ministère public et les voies de recours, Nous apportons, bénévolement et au prix de réels sacrifices touchant à notre vie personnelle, nos connaissances et nos expériences professionnelles Nous dispensons une justice de qualité contrôlée par la Cour d’appel. Mais, ce qui fonde, aussi, notre opposition, ce sont les effets gravement négatifs de la mise en place de l’échevinage dans deux domaines essentiels de la Justice économique : la qualité des Juges et le fonctionnement des Tribunaux : Le recrutement de Juges consulaires de haute qualité serait définitivement tari si les candidats Juges avaient l’impression d’être appelés, non à statuer en toute liberté d’action, mais sous le contrôle de Magistrats ne disposant pas des qualifications requises en matière commerciale et financière. Si le Juge consulaire n’est plus qu’un Juge assesseur, on recrutera des assesseurs (bons ou

mauvais, telle n’est pas la question) et non plus des décideurs. Nous avons des exemples en France et en Europe. Le fonctionnement des Tribunaux serait aussi touché car l’homogénéité des Juges est l’une des clefs, essentielle, de notre fonctionnement. L’arrivée au sein du Tribunal de Magistrats de carrière aurait pour effet immédiat de mettre à mal cette harmonie, source d’efficacité. L’alliage entre les compétences des uns en matière d’économie et d’industrie et celle des autres en ce qui concerne la procédure et l’exercice professionnel de la Justice est certes une belle idée de principe. Dans la réalité elle ne peut que révéler ce qu’elle sera, c’est-à-dire une utopie. Je ne peux, ici, m’empêcher d’é voquer les conclusions de l’Institut Montaigne dans son ouvrage récent : « les Juges et l’économie, une défiance française » Il souligne la distance des Magistrats vis-à-vis des entreprises et de l’é conomie de marché, et l’impact de cette position sur leurs décisions. Outre cette approche différente entre les Magistrats professionnels et les Juges consulaires, les organisations quelles qu’elles soient s’accommodent très mal de la coexistence de personnels ayant des statuts différents et ce d’autant plus, que nous sommes bénévoles et qu’à ce jour nous n’avons même pas de statut. Si l’expérience et la connaissance de l’entreprise ne devaient plus être considérées comme les qualités premières du Juge du commerce, l’appel à des Juges venant du monde de l’économie perdrait, alors, son sens et nous renoncerions. Nous espérons ne pas en arriver à ce qui amènerait nombre d’entre nous à suspendre les audiences ou à démissionner. L’esprit d’ouverture, le sens du devoir nous animent mais nous voulons, aussi, préserver les valeurs d’une institution au service de notre pays, toujours perfectible, auxquelles nous croyons.

Conclusion Avant de conclure, je veux rappeler que le fonctionnement d’un Tribunal de commerce, avec ses professions rattachées, se rapproche de celui d’une entreprise : Aux Greffières d’audience, je tiens à renouveler la gratitude du Tribunal pour votre efficacité, votre professionnalisme, votre soutien et l’accueil que vous réservez au justiciable auquel vous donnez, souvent, la première image du Tribunal. Aux Greffiers associés, vous avez su mettre en place une organisation qui fonctionne bien. Il nous appartient, ensemble, de la faire évoluer vers des pratiques à la pointe des juridictions consulaires, comme l’audit de la Cour d’appel nous y incite. Aux Administrateurs et Mandataires de Justice, vous nous apportez votre compétence, votre capacité à vous adapter aux situations les plus difficiles. La gestion des dossiers nécessite des relations régulières. Nous savons aussi qu’elles peuvent faire naître le sentiment, vu de l’extérieur, que s’installe, entre nous, une trop grande proximité.

Agenda

SOCIÉTÉ DE LÉGISLATION COMPARÉE INSTITUT DE DROIT COMPARÉ

Toward a functional and transnational view of specific performance Les ateliers de droit comparé Le 14 mars 2013 Salle du laboratoire de droit comparé Institut de droit comparé 28 rue Saint Guillaume - 75007 PARIS Renseignements : 01 44 39 86 24 caroline.lafeuille@legiscompare.com

2013-185

COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L’HOMME

La discrimination pour cause de pauvreté ou de précarité : Comment la combattre ? Université populaire Quart Monde Le 19 mars 2013 Université Paris 1 - Panthéon -Sorbonne Amphithéâtre 3 12, place du Panthéon - 75005 PARIS Renseignements : 01 46 33 35 31 upqmidf@atd-quartmonde.org

2013-186

UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS

5ème édition de la Job Fair d’Assas Les 19 et 20 mars 2013 Centre Assas 92, rue d’Assas - 75006 PARIS Renseignements : Laureen Sorreda 01 44 41 55 57 laureen.sorreda@u-paris2.fr

2013-187

UNION INTERNATIONALE DES AVOCATS

2nd Advanced MediationTraining Mediating Emotive and Complex Cases, Family Business Mediation Formation les 21 et 22 mars 2013 Maison du Barreau 2, rue de Harlay - 75001 PARIS Renseignements : 01 44 88 55 66 uiacentre@uianet.org - www.uianet.org 2013-188

CONSEIL D’ÉTAT

La décentalisation des politiques sociales Colloque le 29 mars 2013 Conseil d’Etat 1, Place du Palais-Royal 75001 PARIS Renseignements : Xavier Cayon 01 72 60 58 31 sre-colloques@conseil-etat.fr

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Rentrée solennelle Il nous faut, en permanence, trouver la juste distance. Aux Avocats, nous pouvons parfois être surpris par la lenteur que mettent certains dossiers à trouver un rythme convenable de mise en état mais ensuite quel plaisir de vous entendre plaider et nous laisser, en toute humilité, le soin de trancher ! Aux Experts, aux Commissaires aux comptes, votre présence est essentielle et devrait être encore développée ainsi que je m’en suis encore récemment ouvert à vos organismes représentatifs. Mes remerciements vont aussi aux Commissaires-priseurs, aux Huissiers, aux Conciliateurs et aux Médiateurs. L’œuvre de Justice est, plus que jamais, œuvre commune. Enfin c’est à vous, mes chers collègues, qu’iront mes derniers remerciements. Des remerciements pour le temps et l’énergie que vous consacrez au service public de la Justice, Mais des remerciements tout particulier, cette année, parce que vous avez, tout à la fois, réagi avec sérieux et sérénité aux attaques dont nous faisons l’objet et vous présentez un front uni pour justifier notre position et proposer des voies de progrès pour une plus grande efficacité. Mon intervention de ce soir, devant vous, en vous remerciant de votre présence si nombreuse, est le fruit des réflexions du Tribunal et non celle de son seul Président. Une nouvelle année s’ouvre. Nous savons tous qu’elle ne sera pas facile mais Bossuet dans ses sermons se demandait ce qu’était l‘espérance et il répondait par ce fragment d’Aristote :

Les réponses pénales aux infractions révélées au cours des procédures collectives par Robert Gelli e sais, Monsieur le Président, avec quel professionnalisme vous oeuvrez à la tête de ce Tribunal, avec quel discernement, pragmatisme et prudence vous soutenez les entreprises en difficulté. Je sais aussi que vous pratiquez la politique d’un dialogue constant avec les chefs d’entreprises notamment lorsque vous agissez en matière de prévention ou dans le cadre de procédures amiables. Ces qualités alliées à votre autorité sont déterminantes dans le traitement de dossiers de plus en plus complexes que votre Tribunal a à traiter. Sachez, Monsieur le Président, que mon attachement à la juridiction commerciale est grand et que je serai très attentif à son fonctionnement et aux affaires qui lui sont soumises. Mon Parquet est régulièrement représenté à vos audiences de procédures collectives et est très régulièrement en relation avec vous et les Juges de votre juridiction. Les arrivées de nouveaux Juges de nous font pas oublier les Juges présents et ceux qui ont quitté

J

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REPÈRES

Décisions rendues

Source : Tribunal de commerce de Nanterre

L’espérance? C’est le rêve d’un homme éveillé. Alors restons, plus que jamais, éveillés !! En ce début d’année permettez- moi de formuler deux vœux : Nous nous sommes engagés avec détermination dans cette fonction, alors puissions-nous continuer à servir les justiciables,

dont nous avons la charge, dans les conditions les meilleures. Le second est plus personnel et s’adresse au cœur de chacun d’entre nous, ne cherchons pas le chemin du bonheur car le bonheur c’est le chemin.

la juridiction, et qui donnent ou ont donné de leur temps, de leur compétence pour accomplir bénévolement l’oeuvre de Justice. Qu’ils en soient remercié. Au nom du Parquet, je voudrais saluer deux d’entre eux, qui sont partis, avec lesquels les Magistrats ont entretenu des relations plus fréquentes et très confiantes, Madame Richez d’une compétence appréciée de tous et d’une grande disponibilité ainsi que Monsieur Boucly, homme de dialogue très attentif à la mise en oeuvre de stratégies globales préservant l’ensemble des intérêts en présence. Je vous souhaite à tous un plein succès dans l’accomplissement de vos fonctions dont on mesure toute l’importance notamment dans le contexte économique difficile que nous connaissons depuis plusieurs années. C’est bien sûr aussi grâce à la compétence, à la disponibilité et à l’inventivité de Madame et Messieurs les Greffiers et de leurs collaborateurs que votre juridiction a un fonctionnement sans faille. Pour mener à bien leurs missions, les Procureurs attendent beaucoup des greffes des Tribunaux de commerce et ces derniers répondent à leur attente. En ma qualité de Président de la Conférence Nationale des Procureurs de la République, j’ai été associé à l’élaboration du référentiel d’inspection des greffes des Tribunaux de commerce établi avec le Conseil National des greffiers de commerce, l’Inspection générale des services judiciaires et la Direction des

Affaires Civiles et du Sceau. Jusqu’alors, les Procureurs avaient une approche inégale de la mission qui leur incombe de diriger les inspections des greffes des Tribunaux de commerce. Ils ne disposaient d’aucun outil, le référentiel diffusé en 2011, en ciblant un certain nombre de points de contrôle, d’alertes sur les dysfonctionnements potentiels, est venu combler cette lacune à la satisfaction générale des chefs de parquet. J’ai eu l’honneur et le plaisir d’être invité au 123ème congrès des greffiers des Tribunaux de commerce qui s’est tenu à Nice le 6 octobre 2011. A l’occasion de ce Congrès dont le thème central était l’amélioration de la qualité du service public et de la confiance dans ce service, avait été évoquée l’expérience de Nanterre de la mise en place d’un coffre fort électronique permettant au Parquet d’accéder en temps réel à toutes les informations sur la situation et l’état des procédures commerciales et d’é changer avec la juridiction commerciale. J’ai pu constater en arrivant ici que ce projet était quasiment mené à bien. Les Magistrats du Parquet ont pu, à cette occasion, apprécier la capacité d’innovation de Madame et Messieurs Doucède à travers le projet de dématérialisation totale des échanges avec le Parquet. Il sera opérationnel dès que la question des certificats électroniques sera levée. En cette période de voeux, je forme celui d’une installation très rapide de ces certificats dans ma juridiction.

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Rentrée solennelle

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Robert Gelli

La bonne connaissance des dossiers et la parfaite liaison avec le greffe sont des gages d’une action éclairée du Parquet devant le Tribunal de commerce. Les relations régulières avec les mandataires de Justice sont aussi nécessaires pour cette action. Je souhaite, à l’occasion de cette audience solennelle, saluer le travail des mandataires de Justice, administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises qui exercent une mission difficile, très souvent exposée à la critique et qui sont, fréquemment compte-tenu de la situation économique dégradée que nous connaissons, amenés à prendre des décisions extrêmement difficiles écartelés entre l’intérêt de l’entreprise en difficulté et l’intérêt des salariés. Leur professionnalisme et le sens de la mission de service public qu’ils remplissent sont fondamentaux dans la recherche des solutions économiques et sociales optimales. A l’heure où plusieurs réflexions sont menées sur l’organisation des juridictions commerciales, la confiance entre nos deux institutions est primordiale. Ces réflexions et analyses nous parviennent de toutes parts: - le Conseil constitutionnel qui a rendu deux décisions importantes à la suite de questions prioritaires de constitutionnalité qui lui ont été transmises : . La première le 4 mai 2012 qui, sur l’essence même du mandat des Juges consulaires a jugé que « les dispositions relatives au mandat des Juges des Tribunaux de commerce instituent une garantie prohibant qu’un Juge d’un Tribunal de commerce participe à l’examen d’une affaire dans laquell il a un intérêt, même indirect ; que l’ensemble de ces dispositions ne portent atteinte ni aux principes d’impartialité et d’indépendance des juridictions ni à la séparation des pouvoirs ». Cette décision a

conforté votre légitimité. . La seconde du 7 décembre 2012 a dénié au Juge consulaire le pouvoir de s’auto-saisir. Nous nous sommes d’ailleurs immédiatement concertés pour pouvoir faire face à ces nouvelles dispositions et mon parquet assurera la saisine des Juges consulaires; - Le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux qui, dans une dépêche du 21 juin 2012, a demandé aux Magistrats du Parquet d’être particulièrement attentifs aux procédures menées devant le Tribunal de commerce. Les préconisations de cette dépêche sont, pour la plupart mises en oeuvre par mon Parquet. En particulier je continuerai à assister aux réunions de la commission de suivi du financement de l’économie présidée par Monsieur le Préfet et auxquelles vous participez également, Monsieur le Président tout comme le Commissaire au redressement productif pour la région Ile-deFrance ; Vous avez annoncé, Monsieur le Procureur général, lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour d’appel, la tenue prochaine d’une réunion du Ministère public avec le Commissaire au redressement productif. - Enfin, le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi prévoit dans sa 33ème proposition de rénover le fonctionnement de la Justice commerciale pour la rendre plus efficace. Pour ce faire, des décisions relativement rapides pourraient être prises comme une formation renforcée des Juges consulaires ou une spécialisation des Parquets. Une réforme plus fondamentale devrait être engagée dans le courant de l’année 2013 visant à spécialiser les juridictions commerciales - et nul doute que dans cette perspective votre Tribunal aura son rôle à jouer - ou à recourir, pour les juridictions principales, à un éventuel échevinage.

La spécialisation de juridictions commerciales peut conduire à la création de JIRS - juridictions interrégionales spécialisées - à compétence commerciale dont le modèle pourrait être calqué sur les JIRS pour la criminalité organisée ou les JIRS financières. Dans cet esprit, il ne fait pas de doute que votre juridiction peut, et doit, être désignée comme JIRS tant ses atouts sont importants : complexité des affaires traitées, diversité des contentieux et des entreprises placées sous votre protection, qualité des Juges consulaires, professionnalisme du greffe et des mandataires et administrateurs. Cette JIRS, qui peut paraître paradoxale compte-tenu de sa proximité avec Paris, pourrait s’ouvrir vers les juridictions relevant de notre Cour d’appel et la région centre. La spécialisation de Tribunaux de commerce peut être utile pour traiter des affaires les plus importantes et complexes. Il ne s’agit pas là d’une idée nouvelle. Le décret pris en application de l’ordonnance du 23 septembre 1967 déterminait la liste des juridictions appelées à connaître des la procédure de suspension provisoire des poursuites et d’apurement collectif du passif. Il y avait ainsi 9 tribunaux de commerce spécialisés en France, pas Nanterre à l’époque mais la juridiction n’existait pas encore. Quant à l’échevinage, je connais vos réticences pour ne pas dire plus. Vos arguments sont tout à fait recevables. Le professionnalisme, le souci de déontologie et les précautions prises pour éviter les conflits d’intérêt qui caractérisent votre juridiction sont évidents. Dans ce débat, je crois que la question majeure qu’il faut se poser est de savoir quelle doit être pour le justiciable l’organisation la meilleure pour une juridiction traitant des affaires les plus importantes. En tout état de cause, l’année 2013 sera, sans aucun doute, une année importante pour les juridictions commerciales et vous savez compter sur notre soutien pour vous accompagner dans ces différents projets. Quels constats pouvons-nous tirer de l’année judiciaire qui s’achève ? Si l’année 2011 avait marqué une hausse de 3 % des ouvertures de procédures collectives semblant ainsi s’inscrire dans le droit fil de notre activité économique, l’année 2012 a vu les ouvertures de procédures collectives diminuer de façon sensible passant de 1226 à 1063 soit une baisse de plus de 15 %. Ces chiffres ne doivent cependant pas être lus avec optimisme. En effet, deux autres indices méritent d’être soulignés : - Le premier est celui du nombre de salariés concernés par ces procédures : en 2010, 5 650 salariés étaient concernés par ces procédures, ce chiffre passe à 6 300 en 2011 et 6 500 en 2012 ce qui constitue un impact considérable en terme social ; - Le second est celui des procédures de prévention : si le nombre de procédures de sauvegarde reste relativement étalé au cours des trois dernières années, les procédures amiables sont en sensible augmentation puisque les mandats ad hoc passent de 21 à 47 entre 2011 et 2012 et les conciliations de 30 à 66. Mais surtout, le nombre de salariés concernés par ces procédures passe de 29 700 en 2011 à 48 500 en 2012. Ces procédures sont ainsi de plus en plus significatives au regard des enjeux

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Rentrée solennelle économiques et sociaux qui sont les nôtres. Cet indice est aussi un indicateur indéniable d’une plus grande fragilité de nos entreprises et, parfois d’entreprises de très grande taille et le rôle de votre juridiction est dans ce domaine essentiel. Faut-il rappeler que que vous avez créé une cellule de prévention composée de 10 Juges qui bénéficie de la collaboration des greffiers particulièrement investis dans la détection des entreprises en difficulté. En utilisant un logiciel permettant la détection des entreprises pouvant être en difficulté, par l’analyse de leurs comptes annuels, la sensibilisation des chefs d’entreprise sur la fragilité de leurs résultats est plus rapide et plus efficace. Il faut aussi constater à travers ces chiffres que les dirigeants d’entreprise envisagent sereinement, avec lucidité et pragmatisme les difficultés de leurs entreprises et viennent se placer sous votre protection. Ces procédures sont celles qui mettent en jeu le nombre de salariés le plus important et les dettes financières les plus lourdes et les plus complexes. Elles ne peuvent aboutir qu’avec une véritable collaboration des entreprises, des créanciers et des mandataires et nous vous savons gré, Monsieur le Président, de nous associer fréquemment à des réunions préparatoires aux audiences d’homologation d’accords de conciliations. La prévention des difficultés des entreprises est un objectif commun. Les procédures de mandat ad hoc ou de conciliation, pour être efficaces, sont confidentielles. Cette confidentialité préserve les intérêts de chacun : l’entreprise mais aussi ses créanciers et fournisseurs. Les tentatives de plus en plus fréquentes pour rompre cette confidentialité doivent être fermement et vigoureusement combattues. S’agissant des mesures de sauvegarde, lors de l’analyse des projets de plan de sauvegarde, les Magistrats du Parquet veillent, au nom de l’intérêt général, au respect de l’équilibre des

efforts demandés aux partenaires de ces entreprises avant la décision du Tribunal. L’aspect social fonde tout particulièrement notre intervention au nom de l’Ordre public. Les sacrifices des créanciers doivent néanmoins être mesurés à l’aune des perspectives réelles et sérieuses de redressement de l’entreprise. Au-delà des chiffres, la tendance constatée en 2011 s’est poursuivie en 2012 à savoir l’accroissement sensible de situations entrepreunariales qui démontrent l’influence de la mondialisation de l’économie sur notre paysage industriel. A plusieurs reprises cette année encore, votre Tribunal a eu à connaître des situations délicates de sociétés holding ne pouvant plus assurer le maintien de l’activité sur leur site de production qui eux se situent, hors de notre ressort. Nous portons une attention particulière à ces affaires en raison de leurs enjeux sociaux, puisque le plus souvent ce sont plusieurs centaines d’emplois qui sont en cause, et de leur impact sur le tissu industriel français. Dans le cadre d’un souci constant et bienvenu de simplification du Droit, il serait opportun de réfléchir à un mode de regroupement de ces procédures ou de dessaisissement des Tribunaux de commerce plus satisfaisant que le passage obligé par la Cour de cassation qui alourdit un contentieux traité dans l’urgence et qui s’accomode mal de ces strates de décision. J’ai évoqué la mission d’aide et de soutien du Tribunal de commerce aux entreprises en difficulté qui est le garant de la continuité de l’activité économique, mais nous avons, vous comme moi, la charge de rechercher la responsabilité personnelle de dirigeants peu scrupuleux qui parfois n’hésitent pas à piller l’actif des sociétés qu’ils dirigent au préjudice et de leurs salariés et de leurs créanciers ou à commettre de graves fautes de gestion. Ces comportements doivent être sanctionnés. Vous avez rendu en 2012, 105 jugements de sanctions celles-ci consistant soit à des

comblements de tout ou partie des insuffisances d’actifs soit à des interdictions de gérer. Dans ce domaine, l’aide des mandataires judiciaires nous est particulièrement précieuse dans la détection de ces dirigeants peu scrupuleux. Mon Parquet est toujours particulièrement vigilant dans la recherche de responsabilités pénales des dirigeants et exerce pleinement son rôle en assurant la répression des infractions révélées au cours des procédures collectives. Le nombre d’enquêtes préliminaires diligentées à partir d’infractions décelées à l’occasion de procédures collectives a été de 80 en 2012, étant précisé que ces enquêtes sont réservées aux cas les plus graves de dilapidation de patrimoine. Nous avons initié l’an passé une cellule de détection des interdits de gérer qui comprend les Magistrats de votre juridiction, les Greffiers du Tribunal de commerce, les services de l’Urssaf, de la Banque de France et de la Direction départementale des finances publiques qui a pour objet de mutualiser les informations pour débusquer les dirigeants qui refusent de se soumettre aux décisions de Justice que celles-ci soient prononcées par le Tribunal de commerce ou par le Tribunal correctionnel. Cette cellule poursuit ses activités. Les quelques 230 enquêtes portant sur des dirigeants qui ne respectent pas ces décisions de Justice leur ayant interdit de gérer ou de diriger une entreprise ou une personne morale sont sur le point d’être achevées et donneront lieu à des réponses pénales adaptées à chaque situation. Ces réponses pénales devront également avoir un rôle de pédagogie vis-à-vis de l’ensemble des chefs d’entreprises du ressort. Je suis convaincu que nous pouvons travailler de façon encore plus étroite avec votre juridiction, analyser les décisions rendues par le Tribunal de commerce afin de mieux détecter les diverses fraudes susceptibles d’être commises. Je souhaite pouvoir progresser sur cet objectif en 2013. 2013-184

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Charles-Henri Doucède, Jacques Doucède et Caroline Château-Doucède

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Rentrée solennelle

Cour d’appel de Lyon Lyon - 14 janvier 2013

D.R.

Christiane Taubira a inauguré le Palais de Justice de Lyon ce 14 janvier 2013 lors de la Rentrée Solennelle de la Cour d'appel. Après quatre années de travaux, le Premier Président Jean Trotel et le Procureur Général Jacques Beaume ont donc accueilli leurs invités aux « 24 colonnes », surnom familier du Palais depuis sa construction en 1847. Pour cette opération immobilière d'envergure, les services de l'État, dont le Ministère de la Justice,et le Département du Rhône ont conduit les travaux en deux phases de deux ans. La réhabilitation historique a été menée avec des entreprises et des artisans spécialisés, afin de permettre à la vie judiciaire de suivre son cours. Les « 24 colonnes » abritent désormais tous les services de la Cour d'appel et de la Cour d'assises du Rhône. Les chefs de Cour ont dressé le traditionnel bilan de l'activité juridictionnelle de l'année écoulée après avoir "comté" l'histoire du célèbre Palais de Justice de 1300 à nos jours. Saluant la qualité des travaux réalisés, qui ont notamment permis d'améliorer les conditions de travail des magistrats et l'accueil des justiciables, la Garde des Sceaux a déclaré que la rénovation des « 24 colonnes» inscrivait la Justice dans la modernité. Jean-René Tancrède

Lyon, grande ville de justice par Jacques Beaume esdames et Messieurs, en vos titres, grades, fonctions et qualités, Votre présence traduit l’estime dans laquelle vous tenez l’institution judiciaire et les Magistrats et Fonctionnaires qui servent leurs concitoyens . Elle manifeste aussi la place immense « des 24 colonnes » dans le cœur des lyonnais, dont ont pu témoigner les 3 000 visiteurs des Journées du patrimoine. Nous vous en remercions très chaleureusement. Permettez-moi, à cette date, et au moment où notre pays se voit confronté à de grands défis, de vous présenter, à vousmêmes, à vos proches et à vos institutions, mes vœux les plus sincères d’espoir, de courage, de sérénité et de santé pour 2013.

M

Sully-Prudhomme, dans un long poème philosophique consacré à la Justice en 1876 - trente ans après la finition de notre Palais de justice -, le dédicaçait en ces termes à un ami : « La raison et le cœur sont divisés . Ce grand procès est à instruire dans toutes les questions morales ; je m’en tiens à celle de la Justice. Je

voudrais montrer que la Justice ne peut sortir ni de la science seule qui suspecte les intuitions du cœur, ni de l’ignorance généreuse qui s’y fie exclusivement ; mais que l’application de la Justice requiert la plus délicate sympathie pour l’homme, éclairée par la plus profonde connaissance de sa nature ; qu’elle est, par conséquent, le terme idéal de la science étroitement unie à l’amour ». Alors, d’abord, le registre du cœur : Que d’émotions pour le Procureur général qui récolte ce matin, dans cette salle splendide, les fruits d'un arbre que d'autres ont planté, à regarder le chemin parcouru par notre Palais de Justice où, dans les années 70, il traitait le courrier pénal dans des bureaux préfabriqués édifiés dans une des Cours et qu’on appelait « la soute » ; que d’émotion à l’évocation des cagibis de 8 m² accueillant chacun deux collègues du Parquet économique et financier, dans ces combles où on pouvait toucher le plafond en levant le bras et qui avait fait dire à un auteur d’abus de biens sociaux, un peu célèbre, que, je le cite, « celui des deux qui vit en prison, Monsieur le Procureur, c’est bien vous » ! ; Et que dire des geôles historiques de la rue de la Bombarde où l’on notifiait les flagrants délits et dont vous imaginez l’état de l’époque ! Mais surtout, que d’émotions à exercer aujourd’hui ma mission à la tête du Parquet général en un lieu où les Justices civile et pénale

ont été rendues sans interruption sur le même emplacement depuis le Moyen-Age, sur la rive droite de la Saône, à proximité, peut-être en contre-point, de la justice divine. Alors, au jour de la renaissance de ces lieux historiques, et sans prétendre à la science de très nombreux auteurs lyonnais, je vous propose de poser quelques jalons pour vous expliquer notre indéfectible attachement au lieu qui nous accueille aujourd’hui. Curieusement, la ville de Lyon, malgré son importance, ne fut jamais dotée d’un Parlement. Dombes et Forez lui faisaient de l’ombre. Lyon n’accéda au rang de grande ville de Justice qu’à compter de la création de sa Cour d’appel au début du 19ème siècle, couronnée par la construction du Palais Baltard . Ce fut d’abord, de 1300 à 1600, la première « maison de Roanne », aux tours crénelées et à la Cour centrale dotée d’un grand escalier, qu’on aperçoit sur le fameux plan scénographique de Lyon de 1550, conservé au Musée Gadagne. Pendant trois siècles, ce bâtiment d’aspect féodal accueillit le Sénéchal, représentant judiciaire du Roi, sorte d’ancêtre du Parquet, puis diverses autres juridictions, ainsi que la prison de Lyon. Malgré quelques « accomodements » - c’est-àdire réparations - que le Roi y apporta pour la doter « d’une fort belle salle pour les Procureurs » ou « de belles et grandes salles d’audiences bien ornées et illustrées d’armoiries royales ou de tapisseries », la « maison de Roanne » ne cessa de se dégrader, jusqu’à l’incendie de 1622. L’inconfort du lieu avait conduit les Greffiers et Procureurs à s’installer dans la rue Saint-Jean, « comme s’il eussent été marchands, au très grand scandale et à la diminution de l’autorité de la justice ». « La situation du palais [étant] en un lieu le plus incommode de la ville, étroitement retrait par une montagne et la rivière de Saône, entre deux rues fort étroites » qui causent « un si grand embarras de charrettes et de chevaux qu’on ne peut passer pour aller audit palais qu’avec de grandes incommodités »…amène certains à proposer le transfert de la Justice aux Terreaux ou à Bellecour, à quoi s’oppose avec vigueur le monde judiciaire. La reconstruction sur place du « Palais de

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Rentrée solennelle

Photo © Jean-René Tancrède

Jacques Beaume

Roanne », premier vrai Palais de Justice de Lyon, terminée autour de 1640, offrit à la ville un bâtiment classique, juxtaposant juridiction et prison. Il hébergeait « la Chambre du Conseil, la Chambre Criminelle, le Parquet des gens du Roi, le Parquet des enquêtes, les greffes civils et criminels, la Salle des Procureurs… ». Il était décoré de peintures de Blanchet, de Cretey et de Chabry, peintres lyonnais, dont certaines oeuvres sont encore dans notre Palais Baltard, qui inscrivent le Palais de Justice dans la grande époque architecturale de Lyon des 17ème et 18ème siècles… Très vite trop à l’étroit, une première annexe s’installe dans l’hôtel mitoyen de Fléchères, puis à l’époque révolutionnaire, une seconde annexe s’ouvre dans des locaux de l’Archevêché. En même temps, le 8 janvier 1785, est posée la première pierre d’une nouvelle prison accolée : « un véritable lieu de peines et de terreurs », « un théâtre qui ne présente rien de plus sinistre aux yeux des spectateurs », dira un contemporain. L’é clatement sur trois sites obérant le fonctionnement de la Justice impériale, la décision est prise en 1804 d’un relogement unifié, qui rassure la communauté des hommes de loi. Mais s’ouvre alors une nouvelle période de vives controverses, des voix s’élevant à nouveau pour proposer le déplacement du Palais vers la Place Louis XVIII (aujourd'hui place Carnot). Divers projets lyonnais traînent en longueur. Devant l’impatience des gens de Justice, attachés aux bords de Saône, le choix est définitivement fait en 1823 de construire sur « l’antique site » un nouveau Palais de Justice, réunissant Cour d’assises, Cour d’appel et Tribunal de première instance. Intervient alors Louis-Pierre Baltard, architecte parisien, d’abord comme « expert », dirait-on aujourd’hui, en sa qualité d’Inspecteur des Bâtiments civils, envoyé à Lyon par le Ministre. Il confirme, à ce moment de 1823, la nécessité de construire un Palais entièrement nouveau sur une place de Roanne agrandie jusqu’à la rue Saint-Jean, et de déplacer la prison, reportée dans le quartier de Perrache en devenir. Au concours de 1827, organisé pour le plus grand bien des finances publiques par le département, pour le compte des trois maîtres d’œuvre, le département, l’Etat et la Ville, le projet du parisien Baltard, déjà choisi pour l’édification de la prison Saint-Joseph, l’emporta sur ses confrères lyonnais, lui valant de définitives inimitiés. La construction aurait dû suivre son cours naturellement. C’était sans compter avec l’esprit

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bouillonnant du vainqueur du concours, qui, loin de se concentrer sur la place de Roanne, vagabonde d’abord sur une île artificielle à créer au milieu de la Saône au pont au change (où, dit-il, circulerait « un courant vivifiant et salubre »…), puis qui défend à nouveau l’idée d’installer le Palais de Justice place Louis XVIII, « étrange projet d’exiler la Justice à Perrache », diront ses détracteurs. En 1831, après de nouvelles et vives disputes, la place de Roanne est définitivement imposée à Louis-Pierre Baltard. « Parti peintre à Rome en 1787, il en est revenu architecte » en 1791, nous dit un de ses biographes, profondément et définitivement habité par la romanité antique. Il conçut ainsi, entre 1828 et 1833, sept ou huit projets, tous « néo-classiques », avec une façade à colonnes, d’un nombre variable, six, huit, quatorze, dixhuit, enfin, ce fut définitivement vingt-quatre ! La première pierre du Palais Baltard fut posée le 28 juillet 1835. Les travaux se déroulèrent relativement lentement, en raison surtout de ses graves dissensions avec son confrère lyonnais Dumont, dont les maîtres d’œuvre, inquiets des débordements imaginatifs et surtout financiers de Baltard, avaient voulu le coiffer …. L’arrière du bâtiment, consacré à un simple dépôt, est terminé en 1837, la colonnade érigée en 1839, sa décoration complétée en 1842, la salle des pas perdus, où nous sommes assemblés aujourd’hui, terminée en 1843. Dès 1842, l’achèvement de la partie nord du bâtiment permet l’installation du Tribunal de première instance ; la Cour d’assises est ouverte en 1845, la Cour d’appel achevée en 1847, un an après le décès de Baltard, qui ne verra pas la cérémonie d’achèvement organisée le 30 juillet 1847. Les hauts-reliefs situés à chaque fronton de la salle des pas perdus sont posés en 1847 et 1860. Décorations, mobiliers, luminaires, tout est de Louis-Pierre Baltard, « artiste total », à la fois, architecte, peintre, graveur, décorateur, plasticien. Il y a ajouté les nombreux lions de la ville et d’innombrables symboles judiciaires : faisceaux de licteurs, œil de Caïn, Livre de la Loi, couronnes de chêne et d’olivier, sceptre royal et main de Justice, pomme de pin, sans parler des facétieux trèfles à quatre feuilles pour invoquer la chance dans la salle d’assises…. Son œuvre entière fut consacrée par un classement total au titre des monuments historiques puis une inscription au patrimoine de l’Unesco. Mesdames et Messieurs, c’est ici, sur le bord de Saône, en 1642, dans le tout nouveau Palais de Roanne, que fut prononcée la sentence mortelle de Cinq-Mars et de Thou, dont Alfred de Vigny nous fit une description apocalyptique. C’est ici, sur le bord de Saône, dans le palais Baltard, depuis cent soixante dix ans, que furent rendues d’innombrables décisions de la justice lyonnaise. C’est dans cette salle d’assises qu’a été jugé en 1894, Caserio, assassin du Président Carnot, mais avant lui que s’y sont tenus, sous un Christ redoutable aujourd’hui retiré, d’innombrables procès criminels, aux verdicts à l’époque souvent capitaux, dont les historiens lyonnais retrouvent avec jubilation la mise en scène spectaculaire dans l’Illustration (dont le premier numéro, paru en 1843, est parfaitement contemporain de notre Cour d’assises), mais aussi Le Petit Journal ou d’autres gazettes à

sensation : Le meurtre du théâtre des Célestins (1851), la tuerie de Saint-Cyr au Mont-d’Or (1859), le triple meurtre de Montplaisir (1873), les assassins de la Villette (1893), l'Affaire des femmes découpées (1899) et tant d’autres . C’est aussi ici que l’Histoire, avec un grand H, a rejoint l’histoire judiciaire : la vilenie, parmi d'autres Justices d'exception, du procès intenté au Maréchal de Lattre de Tassigny dans la 2ème Chambre civile (aujourd’hui la salle Domat) et le procès de Charles Maurras devant les assises du Rhône en 1945, exorcisme judiciaire de l’époque de Vichy. C'est ici, bien sûr, dans cette salle des pas perdus, aménagée par le même architecte que celui qui conduisit la restauration, que, devant le monde entier attentif, se tint en 1987 le premier procès pour crimes contre l'humanité, contre Klaus Barbie, dont, selon le mot lourd de sens de P. Truche, « nul n’est sorti comme il y est entré ». Mais c'est encore ici, que l’histoire judiciaire a connu certaines des accélérations du droit auxquelles les juridictions lyonnaises ont pris une grande part : le procès de la catastrophe de Feyzin, premier grand procès de catastrophe technologique, le « Cinq-Sept », première traduction judiciaire du principe de précaution, « les fausses factures », une des premières procédures pénales à appliquer le droit pénal commun à la délinquance financière, « la caisse noire des Verts », premier procès du monde footballistique, le jugement de la branche lyonnaise d’Action Directe, seul procès terroriste de province (1989) …tous moments forts que, récemment, le Musée Gadagne a eu la bonne idée de faire revivre. C'est enfin ici, dans les combles de l'arrière du bâtiment, que naquirent, au tournant du 20ème siècle, la médecine légale et la police technique et scientifique françaises, très vite de renommée internationale, sous la direction des professeurs Locart et Lacassagne. Mesdames et Messieurs, c’est donc ce Palais de Justice, à l’emplacement périodiquement contesté, depuis le 17ème siècle et au 19ème siècle encore par Baltard lui-même, qui a été à nouveau défendu et sauvé, dans les années 1990, d’une conception excessive de la modernité, de celle qui, reniant le passé au lieu de s’en nourrir, aurait voulu transférer toute l’activité judiciaire lyonnaise à la Part-Dieu, dans la construction nouvelle de Messieurs Lion et Levitt . Je

REPÈRES

Rénovation du Palais de Justice de Lyon en quelques chiffres Coût : 44,85 millions d'euros financés par le Ministère de la justice ; 4,8 millions d'euros financés par le Conseil général du Rhône Durée des travaux : quatre ans Date de livraison : mai 2012 Classement par l'Unesco comme monument historique : 1998 Source : Communiqué du Ministère de la justice du 15 janvier 2013

Les Annonces de la Seine - jeudi 7 mars 2013 - numéro 17


Rentrée solennelle remercie, pour ma part, avec une grande reconnaissance, ceux qui, avant nous, non pas passéistes mais lucides, Hommes politiques, Historiens, Magistrats, au nombre desquels nos prédécesseurs, Jean-Louis Nadal, François Falletti ou Jean-Olivier Viout, ont soutenu qu’histoire et modernité peuvent heureusement se marier, et conquis le maintien des Cours d’assises et d’appel à « leur » place, et l’installation du Tribunal dans le Nouveau Palais de Justice. Nos remerciements vont aussi à ceux, ministres et élus qui ont choisi, parfois contre leurs conseillers, d’en assurer le financement. Beaucoup sont aujourd’hui parmi nous, et nous en sommes heureux. Au demeurant, l’un et l’autre bâtiments étant aujourd’hui pleinement occupés, on peut se demander comment le regroupement de toutes les juridictions sur le site de la Part-Dieu eût été possible ! J’aimerais du reste être convaincu que, dans cent cinquante ans, le nouveau Palais de justice pourra supporter la même restauration !

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Jean Trotel

Les magistrats du 21ème siècle par Jean Trotel e 14 janvier 2013 est à l’évidence un jour d’exception pour la Cour d’appel de Lyon. Un jour exceptionnel dans l’agenda annuel de notre juridiction, dès lors que l’on veut bien considérer que l’audience solennelle de début d’année constitue un temps fort en terme de communication de l’institution judiciaire, à l’attention des élus nationaux et locaux, des hauts responsables des administrations de l’Etat et des collectivités locales de Lyon, et, par le vecteur des médias, à l’ensemble des habitants du ressort de la Cour La préoccupation constante des Magistrats, quelque soit l’époque, aussi bien au 19ème qu’au 21ème siècle, a été prioritairement de rendre un justice de qualité, mais aussi de bénéficier de moyens et de conditions d’exercice de leurs fonctions, de nature à leur permettre d’accomplir dignement et sereinement leurs missions, non pour la satisfaction de leur confort personnel mais pour le bien du justiciable.

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C’est à ce palais de justice historique, vilipendé par ses contemporains, qualifiée sans mesure « d’œuvre vicieuse,... dépourvue de convenance et de confort, dont tout le monde se plaint…. où les pièces et salles sont froides, sombres et humides comme des caves », c’est à ce Palais, que, avec science et patience, les architectes restaurateurs, Messieurs Eyraud et Repellin, et leurs équipes, les quelques mille Compagnons de tous les métiers du bâtiment, les Artisans et Artistes du pinceau, du ciseau et du marteau, du bois, du plâtre, du métal, de l’électronique ou de la couleur, dans un subtil mélange de respect et d’audace, de conservation et de modernité, ont redonné une seconde vie. J’y associe ceux qui, de notre juridiction, de tous grades, parmi lesquels Messieurs Roussel et Lacombe, ont accompagné les quatre ans de travaux pour permettre une activité judiciaire la plus normale possible pendant leur déroulement. Qu’ils soient tous très profondément assurés de notre gratitude.

Sachez, Mesdames et Messieurs, que, contrairement aux Cassandres de 1840, les Magistrats, Fonctionnaires et Avocats sont fiers de travailler, non pas dans un musée, mais dans une œuvre d’art qui bénéficie des prestations les plus fonctionnelles pour le meilleur service au justiciable, que Monsieur le Premier Président vous déclinera dans un instant. Ils en ressentent un grand sentiment de responsabilité : Ils n’ont pas le droit de rendre une médiocre Justice dans un tel environnement. Ils savent aussi compenser la grandeur du lieu par une « sympathie » encore plus « délicate » à l’égard des justiciables, selon les mots de Sully-Prudhomme. un salut particulier à « mes » Parquetiers, le « mes » manifestant moins la possession que je n’ai évidemment pas, que la proximité que je revendique avec eux et la reconnaissance que nous leur devons, pour leur engagement, leur attention, leur inventivité, leur efficacité mais aussi parfois, leur lassitude. (…)

Déjà, le 9 novembre 1842, lors de l’audience d’installation en ce lieu du Tribunal civil de Lyon, le Président de Vienne insistait sur ces exigences, en présence de toutes les autorités civiles et militaires. Il s’exprimait en ces termes : « Ainsi, Messieurs, tout se réunit pour alléger notre fardeau et seconder notre bonne volonté. Et n’est-ce pas pour nous un encouragement que cette noble demeure offerte à l’administration de la Justice par la munificence de l’Etat, du département, de la commune ? Le Magistrat pourrait-il mesurer son zèle, quand il voit ses concitoyens, pour assurer la dignité de son Ministère, ne pas mesurer les sacrifices ? (…) Qu’il nous soit permis (…) de dire que notre cité acquiert un monument digne d’elle. C’est avec un légitime orgueil que ses habitants porteront leurs regards sur ces murs, œuvre d’un talent qui, par un rare privilège, unit une expérience déjà longue à toute la richesse d’une imagination pleine d’une juvénile ardeur. De tels édifices consacrés à l’un des plus élevés des besoins sociaux, celui de la Justice, n’embellissent pas seulement un pays, ils l’honorent. Ils sont là pour répondre aux esprits chagrins qui parlent de décadences des arts, de déclin de la fortune publique, ou qui nous représentent comme absorbés par l’industrie et les intérêts matériels. Ces vastes entreprises n’appartiennent qu’aux peuples qui vivent sous d’heureuses lois, sous des princes sages et amis de la paix, et elles marquent dans l’avenir la date de la grandeur et de la prospérité des nations… » Dans la même tonalité, le procureur du Roi, Monsieur Gilardin, précisait : « Au pied de quelque grand édifice nouveau, c’est le vif sentiment des choses présentes qui nous assiège et une sorte de curieux augure que nous cherchons à étendre sur l’avenir. Aussi, Messieurs, en prenant possession de ce nouveau palais de justice, un mouvement naturel ne nous porte-t-il pas à pressentir la vie qui doit s’y répandre?» Comment ne pas être frappé par la similitude des préoccupations actuelles des magistrats quant à la place de la justice dans la société contemporaine avec celles formulées par nos illustres prédécesseurs il y a 170 ans ? Depuis l’achèvement de sa construction en 1847, ce palais de justice, communément appelé

« Palais des 24 colonnes », fut le Siège de la Cour d’appel de Lyon, de la Cour d’assises du Rhône et du Tribunal de grande instance jusqu’en 1995, année d’installation de cette dernière juridiction dans le nouveau Palais de Justice, édifiée par Yves Lion et Alan Levitt, dans le quartier de la Part-Dieu. A l’image et au rythme de l’é volution de la société, les tâches dévolues à l’institution de la justice ne cessant de croître, la construction d’un nouveau palais s’était en effet avérée indispensable, aucune possibilité d’extension du palais Baltard ne paraissant possible. Il fut décidé à cette époque, dans les conditions qui viennent d’être relatées, que la Cour d’appel conserverait son Siège aux « 24 colonnes ». L’ensemble des services de la Cour d’appel, confiné dans l’aile sud du Palais put se déployer dans la totalité de l’édifice, donnant à tous de meilleurs conditions de travail et un accueil de qualité pour les justiciables. Pour autant, le niveau d’entretien et d’équipement du palais demeurait insuffisant et obsolète à bien des égards, à l’image de ses façades, dégradées par l’outrage du temps et la pollution. Une réhabilitation de l’édifice s’imposait, conjointement avec une mise aux normes des installations techniques et la création de circulations horizontales et verticales, afin de satisfaire aux fonctionnalités et dispositifs de sécurité exigés d’un bâtiment moderne, par nature destiné à l’accueil d’un public très diversifié. Après quatre années de travaux complexes et délicats, la pérennité architecturale et fonctionnelle du palais est désormais assurée et de la plus belle manière. Il s’agit d’un grand motif de satisfaction pour nous, juristes, de constater qu’un édifice aussi prestigieux et symbolique ait pu préserver son identité fonctionnelle. D’ailleurs pouvait-on imaginer « le Vieux-Lyon » sans son palais de justice ? Il appartient maintenant aux magistrats, à tous « les gens de Justice » de faire vivre ce Palais du 19ème siècle, de s’y sentir bien dans l’exercice de leurs missions, afin que les justiciables du 21ème siècle puissent y trouver l’expression d’une Justice humaine et efficace à laquelle ils pourront soumettre avec confiance la résolution de leurs différends. (…)

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Rentrée solennelle Il a été décidé d’attribuer à chaque galerie, escalier d’honneur, salle d’audience et Chambre du conseil, le nom d’une personnalité ayant porté au plus haut niveau les valeurs du droit et de la Justice. Tous ont en commun soit d’être lyonnais pour y être nés ou y avoir exercé leur office, soit, de par la volonté de Baltard lui-même, d’orner de leurs effigies, telles des figures tutélaires, l’une des salles les plus remarquables de ce palais, celle de l’ancienne première Chambre de la Cour. Parmi eux : - les grands anciens, jurisconsultes : Domat, Pothier, Cujas. - les plus grands penseurs : d’Aguesseau, Michel de l’Hospital, Portalis, Montesquieues professeurs les plus réputés de la Faculté de Droit de Lyon : Josserand, Garraud, Roubier, quelques magistrats ayant marqué la juridiction lyonnaise : le Procureur général Fernand Davenas dont je salue le fils, Avocat général honoraire à la Cour de cassation, présent aujourd’hui parmi nous. - des Avocats lyonnais parmi les plus renommés : Fauconnet, Cohendy. - le premier Avocat lyonnais de l’histoire : Epagathus.

- la première femme Avocate du Barreau de Lyon : Germaine Madier (il fallut attendre 1922 …). - des Scientifiques lyonnais de réputation mondiale, pionniers en police scientifique ou médecine légale : Locard et Lacassagne. - un chroniqueur judiciaire parmi les plus reconnus : Jean-Marc Theoleyre, Louis Pierre Baltard bien évidemment. Ainsi conçu, le Palais des « 24 colonnes » doit aussi devenir un lieu véritablement public, un lieu de visite permettant d’apprécier la valeur patrimoniale de l’édifice mais aussi d’appréhender, à travers les symboles et les décors qui l’ornent, le rôle et le fonctionnement de la Justice dans le règlement des conflits privés, dans la protection des libertés individuelles. Plus généralement, le Palais de Justice peut être aussi un lieu de culture et d’enrichissement dans la connaissance des institutions de la République et des principes qui gouvernent l’organisation des pouvoirs. Soyez convaincue, Madame la Ministre, Mesdames, Messieurs les Elus, de notre volonté d’ouvrir à nos concitoyens les portes de ce Palais et de partager avec eux ce patrimoine exceptionnel.

Mesdames, Messieurs, le Procureur du Roi, Monsieur Gilardin, que je citais au début de mon intervention, invitait son auditoire, le 9 novembre 1842, lors de l’installation du Tribunal dans le nouveau Palais édifié par Baltard à pressentir la vie « qui devait s’y répandre ». J’ai tenté, modestement, par mes développements, de vous faire partager ce supplément de vie que nous, Magistrats du 21ème siècle, entendons répandre en ces lieux. J’ignore si Paul Valéry, dont les biographes ont retenu qu’il était passionné d’architecture et qu’il s’exerçait à traduire dans ses dessins, à l’instar de Louis-Pierre Baltard, l’harmonie des colonnes grecques, eut l’occasion un jour de se promener sur les rives de la Saône. Sans doute, découvrant la façade de notre Palais et ses 24 colonnes, aurait-il pu, admiratif, leur clamer l’un de ses plus célèbres vers : « Douces colonnes, que portez-vous si haut ? » Elles portent au plus haut non seulement les valeurs de la Justice et avec elles les principes qui fondent notre Etat de droit, mais encore la plus belle des promesses : celle de la liberté et de l’égalité, la promesse même de nos idéaux démocratiques. 2013-190

Palmarès

Université Paris 2 Panthéon-Assas Diplôme d’Université “La médiation” - Promotion Boutros Boutros-Ghali Paris, 21 février 2013 La cérémonie de remise des diplômes a été présidée par Monsieur le Professeur Sur représentant la Présidence de l’Université de Paris 2, à ses côtés, on a relevé la présence de Madame la Professeure Favennec-Hery et de l’Equipe du Centre de Formation Permanente représentée par Mesdames Névine Chalakany et Patricia Waelkens. Nous adressons nos chaleureuses félicitations aux lauréats réunis pour l’occasion dans l’appartement Décanal de la Place du Panthéon à Paris ce 21 février 2013 où Michèle Guillaume-Hofnung les accueillait en sa qualité de directrice et de créatrice en 2000 de ce diplôme. Jean-René Tancrède

Un besoin prioritaire de formation et de légitimité par Michèle Guillaume-Hofnung

e remercie les deux autorités universitaires : mon collègue Monsieur Serge Sur, représentant la Présidence de l’Université de Paris 2 et ma collègue Madame Favennec-Hery, Directrice du Centre de Formation Permanente, de marquer par leur présence l’intérêt que Paris 2 veut bien porter à ce diplôme « La Médiation » que j’ai créé en 2001, et que je dirige. Je l’ai créé à l’issue du Séminaire gouvernemental de l’Union européenne de 2000, pour lequel j’avais reçu mission de définir la Médiation

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sociale. Les Médiateurs rencontrés à cette occasion m’avaient fait part de leur besoin prioritaire de formation et de légitimité. Ils l’attendaient de l’Université. Il m’a dès lors semblé important que la formation des médiateurs dont la société en général, les organisations, les entreprises, les professions du droit, les professions de la santé ont un impérieux besoin ait lieu dans le cadre d’une Université publique d’excellence : Paris 2

Panthéon-Assas. J’ai pu le faire grâce au soutien du Président Guinchard. La 10ème promotion est particulièrement honorée d’avoir un parrain tel que Boutros Boutros-Ghali. (…) Je suis certaine que la synthèse de l’humanisme et du réalisme qui reflète un des traits de la personnalité de son Excellence Boutros BoutrosGhali sera la marque des médiateurs de cette promotion.

Lauréats - Promotion 2012 Fatma Achab Simon Alk Alexandra Auzepy Sophie Bolelli Elsa Camille Christine Cappe Marianne Cathala

Stéphanie Colin Bertrand De Bejarry Christelle Dewailly Valérie Drouvot Catherine Dupuis Lucie Durand Jean-Pierre Foubert

Les Annonces de la Seine - jeudi 7 mars 2013 - numéro 17

Florence Lemeur Vincent Leroux Marie-Elisabeth Remus Hélène Roure Chantal Roussel Mariana Von Roten


Palmarès

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Elie Hatem, Michèle Guillaume-Hofnung et Françoise Favennec-Héry

La médiation, vecteur de dialogue entre les cultures par Boutros Boutros-Ghali lu par Elie Hatem a qualité de Parrain de la 10ème promotion des médiateurs de l’Université de Paris 2 ne doit rien au hasard. J’y vois au moins trois raisons : la médiation, l’université et la francophonie.

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Ces 3 mots jalonnent mon parcours et mon engagement.

J’en retrouve les valeurs dans le Diplôme « La Médiation » de l’Université de Paris 2 que vous avez créé et que vous dirigez. Je retrouve les valeurs fondamentales de la médiation. Je me suis constamment attaché à construire la paix et la démocratie et j’ai toujours privilégié le dialogue. J’ai donc rencontré la médiation, vecteur irremplaçable du dialogue entre les cultures. Il faut apprendre à vivre ensemble dans le respect de l’égale dignité et de l’altérité, en dépassant nos diversités. La médiation permet cela, c’est pourquoi nos Sociétés, nationales ou internationale en ont besoin et que je l’ai pratiquée dans tous les lieux où elle était la clef du dénouement, du rétablissement de la paix et où elle faisait avancer la démocratie. Je retrouve ces valeurs humanistes dans votre diplôme « La Médiation » car il repose sur une

définition qui place la médiation non dans l’univers étroit des techniques d’évitement du procès mais la porte au rang de processus de communication éthique. La conférence des OING du Conseil de l’Europe ne s’y est pas trompée en l’adoptant et en la plaçant dans sa boite à outils du dialogue entre les cultures. Cette définition constitue aussi un atout pour la Francophonie à commencer en Europe et dans la bassin méditerranéen. Je retrouve aussi dans ce diplôme la valeur universitaire cardinale : la rigueur opérationnelle et structurante irremplaçable. En effet, pour être humaniste, cette formation n’en a pas moins l’objectif de diplômer des médiateurs rigoureux et opérationnels quel que soit le secteur d’exercice de la médiation. Les médiateurs ont besoin de se former pour acquérir les compétences et la légitimité indispensable à une pratique de qualité. Un diplôme de Paris 2, Université publique d’excellence, est une garantie et une valeur ajoutée pour les futurs partenaires des médiateurs qui vont recevoir leur diplôme aujourd’hui. Ils vont exercer tant dans le secteur judiciaire, que dans les politiques de la ville, dans le secteur de la santé ou de la famille grâce à son caractère généraliste. C’est aussi en raison de son caractère généraliste qu’elle sert de modèle et de tronc commun. A ce titre, elle a vocation à servir de base au réseau universitaire francophone. Aux trois raisons que je viens d’exposer j’en ajoute une 4ème : le Centre de Médiation de Chypre à Limassol, dont avec d’autres personnalités (le Président Stève Gentili et Maître Elie Hatem ici présents), nous sommes vous et moi co-fondateurs et où vous assumez la responsabilité académique. La vie des affaires a besoin de médiateurs bien formés, la Méditerranée a besoin de dialogue. C’est dire que les liens qui existent ne cesseront pas avec la cérémonie d’aujourd’hui. 2013-191

Promotion 2012 Les Annonces de la Seine - jeudi 7 mars 2013 - numéro 17

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Vie du droit

Bilan 2012 du droit de la concurrence et de la distribution* Paris - 19 février 2013

Le Cabinet Fourgoux & Associés présentait, le 19 février dernier, le bilan de la jurisprudence en droit économique (concurrence, distribution, publicité, franchise) de la période 2011-2012, cette dernière ayant été particulièrement importante et active, marquant ainsi le renforcement de l’efficacité du droit économique et de la volonté de protection du marché aussi bien pour les entreprises que les consommateurs. Jean-René Tancrède

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Jean-Louis Fourgoux, Leyla Djavadi et Vincent Roux

’efficacité renforcée du droit économique résulte notamment de la validation des procédures d’enquête et d’instruction en matière de pratiques anticoncurrentielles. Les saisies en bloc des messageries, même si elles peuvent contenir des éléments qui doivent faire l’objet de destruction (pièces couvertes par le secret professionnel pouvant faire l’objet de destruction ou de restitution) n’ont pas été invalidées par la Cour de cassation (Cass. crim. 11 janvier 2012). Les procédures de droit de la concurrence devant l’Autorité de la concurrence ont passé le filtre du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme (Conseil d’Etat, 11 octobre 2012 ; Conseil Constitutionnel 12 octobre 2000 et CEDH 5 avril 2012). Pour les autorités de concurrence, l’efficacité en matière de droit de la concurrence ressort aussi de l’augmentation du montant des sanctions tant au niveau communautaire (TPIUE 27 juin 2012 Microsoft) qu’au niveau national. Les premières applications du Communiqué de l’Autorité du 2 mars 2009 relatif au programme de clémence se sont traduites par de lourdes condamnations pécuniaires, dont la Cour d’appel est saisie. Le programme de

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clémence qui permet aux entreprises de dénoncer des ententes anticoncurrentielles, met en valeur les disparités en la matière : très fortes sanctions pour les entreprises membres des cartels dénoncés et des réductions d’amende ou dispenses totale pour les délateurs (Farines Alimentaires, 13 mars 2012 – Lessives, 8 décembre 2011). L’actualité 2012 du droit économique traduit une volonté de protéger le marché, les entreprises et les consommateurs. Une application stricte, mais continue, des règles encadrant la rupture des relations commerciales, y compris en cas de rupture partielle de ces dernières confirme que même en période de crise, il importe de respecter des délais proportionnés avant de rompre un contrat (Cass. com. 11 septembre 2012). Le développement de ce contentieux a d’ailleurs été facilité par la possibilité pour le Ministre de l’économie de saisir les juridictions civiles et commerciales, en matière de pratiques restrictives de concurrence. La CEDH a, après le Conseil constitutionnel, jugé valide cette intervention en lieu et place de l’entreprise victime (CEDH, 17 janvier 2012). L’année 2012 a également été marquée par les premières décisions qui ont fait application de l’article

L 442-6 I 2° du Code de commerce qui permet de déterminer les clauses déséquilibrées entre professionnels. La volonté de protéger le marché a aussi été soulignée dans le contrôle des concentrations dans le secteur alimentaire, mais aussi dans le secteur des médias, année au cours de laquelle le Conseil d’Etat a validé le retrait de l’autorisation de concentration Canalsatellite / TPS et la sanction prononcée par l’Autorité de la concurrence. Enfin, les règles du droit de la distribution évoluent. Après avoir négocié des engagements, l’Autorité de la concurrence impose des sanctions aux organisateurs de réseaux qui ne permettent pas à leurs membres d’utiliser Internet (Autorité de la concurrence 12 décembre 2012, Cour d’appel de Paris, 31 janvier 2013). Outre les règles d’ordre public, la loyauté des relations commerciales avec le contrôle du parasitisme, les limites du dénigrement y compris dans le secteur des médicaments (Cass. com. 9 octobre 2012) ont marqué une volonté de maintenir un équilibre loyal entres les opérateurs économiques.

Cette protection et cette stimulation du marché doivent profiter au consommateur. La Cour de Justice, étant intervenue à plusieurs reprises pour interpréter la Directive du 11 mai 2005 sur les pratiques déloyales, a eu une activité très fournie en matière de clauses abusives en encourageant le juge national à relever d’office ce type de clauses (CJUE 14 juin 2012). La Cour laisse la faculté aux Etats membres de donner un effet obligatoire aux constatations de la nullité d’une clause abusive (CJUE 26 avril 2012). * Ce bilan dressé par l’équipe du Cabinet est accessible à l’adresse : http://www.avocats-fourgoux.com/Actualites/

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Société

epuis le 28 février dernier, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI a déposé avec modestie et humilité sa tiare aux trois couronnes, celle-ci lui rappelant sa désignation comme le Père des rois, Recteur du Monde et Vicaire de Jésus-Christ. Il aura donc passé huit années à être le garant de l'unité de l'Eglise catholique et l'Evêque du diocèse de Rome. Pontificat relativement court, sachant que celui de Saint-Pierre, fut le plus long puisqu'il dura trente-quatre ans et celui d'Urbain VII, n'ayant régné que treize jours en 1590. Depuis l'annonce de la décision du Pape, les médias ne cessent de gloser sur les raisons de sa détermination, laquelle interpelle le juriste, le philosophe et le religieux. Le juriste aura tôt fait d'y voir une renonciation à mandat, tel qu'en dispose l'article 2003 du Code civil aux termes duquel le mandat prend fin :

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- par la révocation du mandataire (ce n'est nullement le cas en l'espèce), - par la renonciation de celui-ci au mandat (c'est de cela dont il s'agit), - par la mort naturelle ou civile (supprimé par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 art. 10). La doctrine nous apprend que la disposition de l'article 2003 selon laquelle le mandat finit par la mort du mandataire, n'est que supplétive de la volonté des parties. Elle cesse de s'appliquer

lorsqu'il apparaît que telle a été la volonté du mandant, cette volonté pouvant s'induire notamment de l'objet du mandat et du but dans lequel il a été donné (en la circonstance, le mandat a été donné par le Sacré Collège, de conduire, de guider et de veiller sur la foi des brebis de Jésus-Christ, mais aussi d'être la parole du Christ qui éclaire tout homme, croyant ou non-croyant, baptisé ou non-baptisé). Le fin juriste plaidera de son côté que, si le mandataire (le Pape), au sens des articles 1984 et suivants du Code civil peut renoncer au mandat qui lui a été confié pour une cause valable, le mandataire désigné par Autorité... ne peut mettre fin lui-même à ses fonctions sans y avoir été expressément autorisé par la décision de l'Autorité qui l'a désigné (le Sacré Collège). Cela n'a pas été le cas. D'autres juristes distingués préfèreront voir dans la décision de Benoît XVI une démission qui s'analyse au regard de l'article 1101 du Code civil, laquelle est un acte unilatéral par lequel le missionné manifeste de façon claire et nonéquivoque sa volonté de mettre fin à son contrat, sachant qu'il ne peut tout à la fois invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission et demander que cet acte de démission soit analysé en une prise d'acte, par lui, de la rupture de son contrat en raison de faits et manquements imputables à sa hiérarchie. Il sera répliqué ici que la démission (celle du Pape) constitue un acte juridique unilatéral qui ne nécessite aucune acceptation de la société qu'il dirige (l'Eglise) et ne peut faire l'objet d'aucune rétractation ; elle produit tous ses effets dès lors qu'elle a été portée à la connaissance de celle qui l'a nommé. A ces raisonnements spécieux, le philosophe apporte ses lumières en analysant la décision du Pape comme un abandon de toute autorité, de tous droits et devoirs, sachant que l'indifférence est l'abdication de la conscience. C'est bien de l'abdication qu'il s'agit puisqu'elle est le fait d'un souverain (c'est le cas en l'espèce), par différence avec toutes autres charges et fonctions, même pour les Présidents de la République. Le caractère essentiel de l'abdication est d'être volontaire ; mais il est rare qu'elle le soit complètement: c'est presque toujours l'abandon d'un pouvoir que les circonstances ne permettent plus de conserver. C'est le noeud du problème. Les plus célèbres abdications sont celles de Cincinnatus qui retournera deux fois à sa charrue (458 et 438 av. J.C.) 1 ; de Sylla (80 av. J.C.) qui se retirera à Pouzzoles ; de Dioclétien (305 de notre ère) qui se retira à Salone ; du Pape Benoît IX (1045 et 1048) ; de Charles Quint (1556) qui alla finir ses jours au couvent de Yuste et de Christine de Suède (654) qui se retira à Rome, et de bien d'autres jusqu'à

nos jours, y compris Napoléon qui le fit deux fois (tout d'abord à Fontainebleau, en 1814, puis à Paris e 1815). Enfin, à la science du juriste, et à l'expérience du philosophe, le religieux, plein de Foi, décèle dans la décision papale un renoncement que personne jusqu'ici n'a pensé à évoquer. Or il s'agit bien de cela puisque le renoncement est l'action de renoncer aux honneurs et au monde. Il s'agit de se priver volontairement de ce à quoi on a légitimement droit pour mener une vie de renoncement, renoncement à soi-même ou de soi-même, abnégation de sa propre volonté, à tous biens si périssables en notre monde. « Renoncement à Satan, à ses attraits et à ses oeuvres pour s'attacher à Jésus pour toujours », selon la promesse que le catéchumène fait le jour de son baptême par la voix de ses parrains et marraines. Aujourd'hui, il n'est plus temps de discourir sur les raisons et sur les formes du départ du Pape Benoît XVI puisque, de fait, le trône de Saint Pierre est vide. Nous nous posons tous maintenant la question de savoir qui sera le prochain Pape. Vaine inquiétude, puisque la réponse se trouve dans la Prophétie des Papes de Saint Malachie. Si l'on en croit ce texte fameux, le prochain Pape sera aussi le dernier et répondra au patronyme de Petrus Romanus, soit Pierre le Romain. Saint Pierre étant considéré comme le premier, le nouveau Pierre sera donc le second et dernier Pierre II. Dès lors, le prochain Pape nous renverra à la transcendance et marquera la fin du monde ou la fin d'un monde ; beaucoup d'entre nous en sont convaincus. Mais dans ce cas de quel nouveau monde s'agira-t-i1 ? Jean-Luc A. Chartier 2013-193

Jean-Luc A. Chartier

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Palmarès

Mémorial de Caen Concours de plaidoiries pour les droits de l’homme Caen - 1 / 3 février 2013 Parce qu’un lycéen, Jean-Marie Girault, a consigné dans son journal intime les évènements dont il a été acteur et témoin de l’été 1944, il a eu l’idée de créer le « Mémorial ». En effet, son ouvrage « mon été 1944 », est un récit bouleversant des assauts, qui feront de Caen, entre le 5 juin et le 18 juillet, une ville martyre. Ce livre explique les idéaux qui ont conduit l’adolescent, devenu Sénateur et Maire de Rouen, à fonder « le Mémorial » pour la paix selon l’e xpression du regretté Bâtonnier Bernard Blanchard, Ce « mémorial » n’est pas seulement un espace prestigieux, consacré à l’histoire, il est aussi un lieu de recherche, de réflexion et d’action pour le présent et l’avenir. Inauguré le 6 juin 1988, par le Président de la République François Mitterrand, il est un grand Musée moderne consacré à l’histoire du XXème siècle. L’année suivante, Jean-Marie Girault et son confrère le Bâtonnier Bernard Blanchart, sachant que la paix est un bien inestimable, mais fragile, « impliquant un combat quotidien pour que l’homme, tout l’homme soit respecté » et qu’il ne saurait y avoir de défense des droits de l’homme sans Avocats, ont décidé, la création, l’organisation et la mise en œuvre d’un concours annuel international de plaidoiries qui a pour sujet : « les droits de l’homme », concours ouvert aux avocats du monde entier. Vingt-quatre ans après, leur initiative est couronnée de succès, un succès renouvelé chaque année. La 24ème édition de ce concours eut lieu le 3 février 2013. Son jury était présidé par Madame Le Bâtonnier de Paris, Christiane Féral-Schuhl. Fort de cette réussite, les fondateurs ont décidé de l’élargir et de l’étendre, d’abord aux lycéens en 1998 et, depuis trois ans, aux élèves avocats. Ainsi, le 2 février 2013, toujours au Mémorial, s’est tenu, sous la Présidence de Monsieur le Juge Van Ruymbeke(1), le concours des élèves avocats et, le 1er février, le 15ème concours des lycéens dont le jury était présidé par Monsieur Patrick Timsit et Madame Isabelle Bournier, Directrice Pédagogique du Mémorial. Nous publions ci-après les discours du Bâtonnier de Paris et des trois lauréats que nous félicitons. A. Coriolis

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24ème concours international de plaidoiries Christiane Féral-Schuhl

Le lien entre l’histoire et l’avenir par Christiane Féral-Schuhl erci de m’offrir l’honneur de présider ce 24ème concours international de plaidoiries des Avocats, en ce haut lieu de mémoire, cité de l’histoire pour la paix.

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Ce haut lieu existe, et il eût mieux valu qu’il n’existe pas, je veux dire en cela qu’il eût mieux valu éviter ces horribles guerres, ces horribles conflits, tous ces sacrifices humains, tous ces droits de l’homme bafoués. Mais comme la folie des hommes semble inévitable, que ces guerres ont existé, JeanMarie Girault, mon confrère caennais, fut le premier à avoir l’idée de ce mémorial, un peu plus de 20 ans après la fin de ce terrible conflit de la première moitié du XXe siècle, pour éviter que l’histoire ne se répète, pour éviter que l’histoire soit amnésique de son passé, de sa folie. Et, en ce lieu, en ce sanctuaire, en ce mémorial qui rappelle cruellement et objectivement la faillite de la paix… rappeler cette mémoire pour que cette faillite de la paix ne resurgisse plus, pour que cette paix devienne pérenne… Est-ce une utopie ? Il est impératif d’y croire. Oui ! Je suis fière d’être avocat, je suis fière que ce soit un confrère, mon confrère Jean-Marie Girault qui ait fait éclore ce lieu. Car l’avocat n’a qu’une seule arme : les mots. Cette arme met en bataille les mots pour défendre envers et contre tout la vérité. Pourtant, on peut donner aux mots le sens d’une poésie, d’une loi, d’une dictature. Ce concours, si beau et si pur, permet aux mots de prendre l’unique sens pour l’humanité, pour la bienveillance, pour la paix. Alors, vous mesurez combien je suis heureuse de présider ce concours international, ouvert à tous les avocats du monde ! Oui, nous tous avocats, sommes par nature les Avocats du monde, avocats de Tel-Aviv, avocats

de Paris, Avocats de Brazzaville, Avocats de Beyrouth, Avocats combattants, Avocats de l’ombre ou de la lumière, nous portons tous ensemble notre parole, celle de la défense, nous tous ensemble nous sommes les porteurs de la noblesse des mots, des porte-parole. Cette parole, comme le disaient les présocratiques, est le précurseur de l’acte, précisément pour nous les avocats, cette parole est à la fois l’aube et le crépuscule de tous les combats de l’humanité. J’éprouve une immense joie à participer à un jury composé d’éminentes personnalités. Je n'ai pas connu les atrocités de la guerre, mais en tant que Bâtonnier de Paris, j’ai voulu contribuer à faire connaître l'histoire de notre Barreau, parfois si douloureuse, qui devait nécessairement s'inscrire au programme dans un cycle qui se nomme « Histoire du Barreau, tranches de vie, tranches d'histoire. » Nous avons souhaité rétablir un lien intergénérationnel entre les jeunes Avocats qui entrent dans la profession et les seniors de cette profession, qui ont pu vivre intensément, souvent, les moments d'histoire si douloureux. Alors si les mots font mal, sachez-le, le silence tue. Envisagez notre avenir, le construire, est primordial et tous les futurs jeunes confrères ne pourront pas avancer, sans la mémoire des anciens, sans la connaissance, sans dresser ce lien, entre l'histoire et l'avenir. La mémoire se place dans l'événement, la remonte, cheminant, à l'intérieur.

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Palmarès REPERES

Composition du jury présidé par Christiane Féral-Schuhl Philippe Duron Député Maire de Caen, Président du Mémorial

Catherine Fouet Avocate au barreau de Caen

Jean-Luc Forget Président de la Conférence des Bâtonniers de France et d’Outre-Mer

Ophélie Kirsh Avocate au barreau de Marseille, Lauréate du 23ème concours international de plaidoiries

Claude-Noël Trehet Avocat au barreau de Caen

Stéphane Durand-Soufflant Chroniqueur judiciaire au Figaro

Roselyne Lefrançois Maire adjointe de Rennes

Guillaume Ballard Directeur départemental de Ouest-France

Stéphane Grimaldi Directeur Général du Mémorial de Caen

Dominique Delhoume Délégué régional des antennes de proximité France 3 Basse-Normandie

Eric Vève Président de l’association des Amis du concours de plaidoiries, avocat au barreau de Caen

Charles Merlen

Bradley Manning : un soldat de la vérité par Charles Merlen, lauréat du 24ème concours international de plaidoiries e m’appelle Saeed Chmagh, je suis Irakien et journaliste pour l’agence Reuters. Au mois de juillet 2007 je couvrais avec mon camarade Namir Noer Elden les violences inter-religieuses et antiaméricaines qui faisaient rage à Bagdad. La ville ne semblait jamais dormir. Le calme, devant normalement régner en ces nuits d’été, était sans cesse troublé, tantôt par une détonation, tantôt par une explosion. C’est certainement ce vacarme incessant qui nous empêcha d’entendre l’hélicoptère américain qui nous observait depuis une heure, et qui, d’ici quelques minutes, causerait notre mort.

J

D.R.

Parce que, au-delà du devoir de mémoire, c'est le devoir de connaissance que nous appréhendons. Un savoir de mémoire constitutif, seul apte à construire une mémoire vraie. Il est essentiel de mémoriser les monstruosités auxquelles en est venu l'homme plutôt que de les refouler dans une amnésie complice. Comment ne pas s'insurger contre celles et ceux qui trop nombreux fustigent le devoir de mémoire, allant jusqu'à dénoncer une forme

vocation est universelle, elle est celle de la défense pour tous, envers et contre tous les persécuteurs. Mesdames, Messieurs les finalistes, vous êtes, Avocats d’aujourd’hui, les avocats de demain, héritiers d’une longue tradition de défense, porteurs d’espoir. Par la force de vos pensées, de vos paroles, Vous allez vous insurger, vous rebeller, dénoncer, Vous êtes les historiens au quotidien d’un monde à la dignité mutilée. Votre parole est une arme redoutable, Faite de compassion, de séduction, de révolte, de persuasion. Vous allez livrer à la face du monde, vos craintes, vos espérances. Vos paroles sont les garants de la disparition de l’intolérance sous toutes ses formes. Soyez-en remerciés ! Soyez vous-mêmes, éblouissez-nous, transportez-nous par votre parole, par votre talent, par votre voix, par la voix de ceux que vous défendez : celle des damnés de la terre.

d'injonction de devoir de mémoire susceptible d'instrumentaliser la douleur ? Il reste encore, aujourd’hui, à travers le monde, à gagner tant de combats, et faire savoir, et faire gagner les nobles causes. Alors, place à la parole, à cette jeune parole qui perpétue notre mission ancestrale, celle de défendre, les défendre tous, partout et toujours dans le monde ! J’insiste ! Nous sommes des avocats du monde. Quel que soit notre barreau d’origine, notre

Note : 1 - Un retour dans la ville où, sorti de l’Ecole Nationale de la Magistrature en février 1967, il était nommé Juge d’instruction au Tribunal de grande instance de Caen. Au vue de ses qualités deux ans après, il était chargé des affaires financières dont l’affaire de Monsieur Robert Boulin.

Il était plus de minuit, Namir et moi-même étions éreintés par une journée passée à couvrir, au plus près, les combats et tentions de profiter de la relative fraîcheur que la nuit nous offrait. Autour de nous quelques miliciens, assuraient, croyaient-ils, notre sécurité. Soudain, une force mystérieuse fendit l’air, une nuée de poussière se souleva devant mes yeux et dessina un trait qui vint se planter sur l’un des miliciens. Le malheureux n’eut pas le temps de réagir et fut déchiqueté sous l’impact. Mes compagnons d’infortune couraient dans toutes les directions sans pouvoir échapper à la mort crachée depuis la mitrailleuse de l’hélicoptère. Moi-même je me jetais derrière un parapet, cependant le sol se souleva à nouveau et le trait de poussière prit ma direction… les quelques secondes qui me séparent de l’impact me paraissent une éternité… je suis touché et m’effondre. Je tente de résister à la mort qui m’étreint, mes yeux se ferment et c’est mon sang, rougissant la terre de cette rue pauvre de Bagdad, que je fixe pour l’éternité. L’armée américaine, qui mena cette attaque, se rendit immédiatement compte de son effroyable erreur. Des GI’s arrivèrent sur place et constatèrent que les supposés lancemissiles, n’étaient en réalité, que d’inoffensives et nécessaires caméras. Outre les deux journalistes, neuf personnes sont mortes pendant l’assaut et deux enfants ont été grièvement blessés. L’armée prit alors conscience de sa culpabilité dans ce qui n’est rien d’autre qu’un massacre. Croyant pouvoir enterrer la vérité dans les sables de la Mésopotamie, les circonstances de ce crime de guerre furent éludées et les caméras de l’hélicoptère confisquées.

La réalité sur cette forfaiture a été cependant révélée, près de trois ans après les faits, grâce au courage d’un homme : le première classe Bradley Manning, un soldat de la vérité. Bradley Manning a ainsi fait publier, via le site Wikileaks, plus de 300 000 documents secrets, parmi lesquels la vidéo de l’attaque de juillet 2007 filmée depuis l’hélicoptère. Ce soldat voulait rendre responsable l’administration de son silence, mais se retrouve aujourd’hui luimême victime collatérale de la guerre que livrent les états-Unis à Wikileaks. Pour cette bravade, Bradley Manning a été arrêté le 29 mai 2010. Cela fait maintenant 981 jours qu’il est détenu et c’est demain, le 4 février, que débute son procès devant la Cour Martiale. Entre autres chefs d’inculpation, il est accusé d’intelligence avec l’ennemi, crime pour lequel il encourt la réclusion à perpétuité. Madame le Président, Mesdames, Messieurs les membres du jury et de l’auditoire, si je me tiens debout devant vous aujourd’hui ce sera pour interpeller ceux qui, dans quelques heures, jugeront le soldat Manning, et je me permettrai dès lors de m’adresser directement à eux. Mesdames, Messieurs de la Cour Martiale, je tiens d’abord à vous rappeler que l’homme que vous allez juger a subi des conditions d’enfermement indignes. Il a été pendant neuf mois isolé, enfermé 23 heures par jour, dans une cellule sans fenêtre. Le moindre de ses mouvements, le moindre de ses choix, dont même un animal est libre, étaient soumis à autorisation. Ses heures de sommeil lui étaient imposées, il ne pouvait se tenir allongé ou appuyé contre un mur et devait constamment tourner son visage vers la porte de sa cellule. Bradley Manning fut privé de ses effets

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Palmarès REPERES

24ème concours international de plaidoiries - 3 février 2013 1ER PRIX GRAND PRIX DE LA VILLE DE CAEN ET DU MÉMORIAL DE CAEN Maître Charles Merlen Lille - France Pour sa plaidoirie « Bradley Manning : un soldat de la vérité » 2ÈME PRIX PRIX DU BARREAU Maître Olga Anasside Cotonou - Bénin Pour sa plaidoirie « Esclave malgré elle » 3ÈME PRIX PRIX DU PUBLIC Maître Rachel Franco Tel Aviv - Israël Pour sa plaidoirie « Sans nom et sans visage »

BRADLEY MANNING, LE CHOIX DE CHARLES MERLEN . Pourquoi avoir choisi cette cause ? J’ai découvert l’histoire de Bradley Manning en regardant un reportage sur des vétérans des guerres d’Irak et d’Afghanistan diffusé en 2011. La façon dont il a été traité par l’armée et les prises de position de certains médias ou de personnalités américaines à son encontre m’ont purement indigné. Je crois que quelque soit leurs auteurs, les violations des droits de l’homme sont insupportables. Mais à titre personnel, elles me révoltent d’avantages lorsqu’elles sont « l’œuvre » d’états démocratiques.

personnels, jusqu’à ses lunettes, et n’avait accès à du papier hygiénique ou du savon que sur demande. Une telle humiliation était-elle nécessaire ? La réponse est venue de Phillip Crowley, porte parole d’Hillary Clinton, qui a qualifié ces conditions d’enfermement de « ridicules et contre-productives ». « Ridicules et contre-productives »… elles constituent surtout une violation des droits fondamentaux de tout prisonnier… Article 5 de la déclaration universelle des droits de l’homme : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », disposition reprise par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, que votre pays, en qualité de signataire, doit respecter. Un texte vieux de plus de 200 ans, que vous connaissez, dispose « les châtiments cruels ou exceptionnels sont interdits ». Quelle tristesse quand on apprend qu’il s’agit du VIIIe amendement de la Constitution américaine, texte admirable, que votre pays par son aveuglement, n’est plus en mesure de respecter. Ce traitement, enfin, va à l’encontre de l’histoire de votre pays. Le 6 janvier 1941, lors du discours sur l’État de l’Union, le Président Roosevelt, face au péril nazi, a entendu ériger quatre libertés, quatre libertés comme rempart à l’obscurantisme et comme socle à toute démocratie. Parmi ces libertés, le Président Roosevelt a consacré le droit de ne pas vivre dans la peur. Comme il dut pourtant avoir peur le soldat Manning, privé de toute dignité humaine. J’imagine son angoisse, avant les fouilles, durant lesquelles il devait rester nu devant sa cellule. Quelle devait être son anxiété, sans ses lunettes, plongé des journées entières dans une quasicécité. Il faudra finalement attendre la prise de position de Susan Lee, directrice du programme Amérique d’Amnesty International, une pétition signée par 250 juristes et des

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. Que peut apporter le concours à la cause que vous défendez ? Je me suis aperçu en découvrant l’histoire de Bradley Manning que je connaissais certains documents qu’il avait fait diffuser (dont le plus connu portant sur le massacre de journalistes par un hélicoptère de l’US Army), que je connaissais également wikileaks et son très médiatique créateur Julian Assange, mais que, comme beaucoup, je ne connaissais pas l’histoire de ce soldat. Son cas a, en effet, été très peu médiatisé surtout en France. A quelques heures de son procès j’espère que ma plaidoirie saura alerter un public sensible à la protection des droits de l’homme, dans un lieu dédié pour partie à la mémoire de soldats américains.

mobilisations citoyennes, pour que Bradley Manning retrouve enfin des conditions d’enferment dignes. Comment espérer de la mansuétude de tyrans lorsque la première démocratie moderne ne reconnaît pas spontanément ses torts ? Au-delà de cette détention, la phase préparatoire du procès de Bradley Manning fut émaillée de violations de sa présomption d’innocence et vous ne pourrez que constater son irrégularité. Il a ainsi été détenu un mois complet sans qu’on lui ait notifié les faits dont on le soupçonnait. Et alors que l’article 9 de la déclaration universelle des droits de l’homme dispose « nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu… » il attendra dix huit mois pour être présenté à un juge. En dépit du Code militaire prévoyant une durée procédurale maximum de cent vingt jours, Bradley Manning ne sera définitivement fixé sur son sort que trois années après son arrestation. Pour son geste certains ont vu en Manning un renégat qu’il convenait d’exécuter. Et pourtant Bradley Manning n’est pas un traitre, il aime l’Amérique. C’est parce qu’il aime l’Amérique qu’il s’est engagé à l’âge de 20 ans dans l’armée. C’est parce qu’il est attaché aux notions de démocratie et de liberté sensées être défendues par votre pays que Bradley Manning a décidé de le servir. Il pensait que la guerre contre le terrorisme, vendue par certains comme une guerre propre, était juste et qu’elle était justement menée. Mais les guerres propres ou justes cela n’existe pas… et ses fonctions d’analyste lui permirent d’en faire l’amer constat. Bradley Manning assistait ainsi, sans pouvoir agir, aux exactions, aux bavures, couvertes par une administration militaire criminellement muette. Il découvrit que la protection des civils était un objectif trop souvent oublié et ne reconnaissait plus le pays dont il avait décidé de porter l’uniforme.

Il ne reconnaissait plus l’Amérique de 1776 qui, avec sa déclaration d’indépendance, inspira les nations colonisées. Il ne reconnaissait plus l’Amérique de 1942 qui sut verser le sang de ses fils pour notre liberté, sacrifice ultime figé dans l’histoire par les croix blanches alignées à quelques encablures d’ici au-dessus d’une plage nommée Omaha. Il ne reconnaissait plus l’Amérique de 2008, première nation occidentale à élire à sa tête un homme issu d’une minorité, suscitant l’émerveillement du Monde. C’est parce qu’il ne reconnaissait plus cette Amérique qu’il envisagea d’offrir la vérité à son peuple en lui faisant réaliser ce qui était commis en son nom. Bradley Manning se retrouva alors seul, face à sa conscience, en possession de milliers de documents compromettants. Il réalisa que lui, petit soldat anonyme, souvent raillé par ses camarades, avait le pouvoir de mettre l’administration face à ses responsabilités. Et comme il avait raison… Bradley Manning a permis, grâce à son geste, à des centaines de victimes de guerre, de retrouver une histoire. Mais il a aussi permis à des millions d’Américains de se forger une opinion pour ensuite l’exprimer, conformément aux droits consacrés par le Ier amendement. Sans des hommes comme Bradley Manning, la liberté d’expression et la liberté de la presse ne seraient, faute d’informations, que des chimères. Si la valeur d’un homme se mesure et se révèle à l’aune de ses actes, alors, pour avoir rendu leur plénitude aux premières libertés consacrées par les pères fondateurs de votre pays, Bradley Manning doit être célébré en héros et vous le traiterez comme tel. Mesdames, Messieurs, le 11 septembre 2001 un journaliste français affirmait : « Nous sommes tous Américains » tant il est vrai, qu’en ce jour frappé du sceau de l’infamie, les hommes et femmes attachés aux idéaux démocratiques ne se sont jamais sentis aussi proches de vous. Mais une décennie plus tard, après deux guerres, après les scandales de Guantanamo, d’Abu Ghraib, après le Patriot Act, force est de constater que votre pays s’est égaré sur les chemins de la colère et l’histoire de Bradley Manning l’illustre parfaitement. Il est pourtant nécessaire, en cette époque tourmentée, que votre pays redevienne un phare dans la nuit de l’obscurantisme. Ravivez la flamme de cette magnifique statue newyorkaise, et faites qu’elle porte mieux que jamais son nom « La liberté éclairant le Monde » ! Reprenez possession de votre pensée, libérezvous du carcan des certitudes dans lequel votre pays est enfermé et vous servirez la démocratie bien mieux que ne pourront jamais le faire tous les canons de toutes les armées. Au moment de la délibération interrogez-vous : Est-il juste que révéler la vérité soit devenu un crime? Est-il juste de faire prévaloir la raison d’État sur les valeurs fondatrices de la nation américaine ? Est-il juste de condamner cet homme, qui a offert la vérité sur des crimes, alors que leurs auteurs n’ont jamais été interrogés ? Si comme je le crois au plus profond de moimême, vous répondrez par la négative à chacune de ces questions, vous ne pourrez alors, dans le respect de votre conscience, qu’acquitter Bradley Manning.

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Palmarès 3ème concours de plaidoiries des élèves avocats

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Alexandre Orts

Noxolo Nogwaza, violée, torturée, assassinée parce que lesbienne par Alexandre Orts, lauréat du 3ème concours des élèves avocats éconnaissable. Aux dires des témoins, son visage était méconnaissable : le crâne écrasé à coups de briques, les dents éparpillées sur le sol, les yeux exorbités… Des parties de son corps ont été lacérées avec des tessons de verre et des préservatifs usagés ont été retrouvés près de son cadavre. Dans la nuit du 23 au 24 avril 2011, dans le township de Kwa Thema, situé à l’est de Johannesburg, Noxolo Nogwaza, 24 ans, a été violée, torturée puis assassinée par huit hommes. Trente et une femmes, 31 êtres humains ont subi les mêmes traitements au cours de cette décennie en Afrique du Sud. Et l’on estime, pour la seule ville du Cap, qu’au moins 10 femmes par semaine sont victimes de viol, pour une seule et même raison : leur homosexualité. Je ne me présente pas devant vous aujourd’hui seulement pour rendre hommage à la mémoire de Noxolo Nogwaza et je ne souhaite pas uniquement attirer votre attention sur ce cas individuel de violation des Droits de l’Homme, mais j’espère parvenir à vous présenter la cause de ces femmes, pour dénoncer à mon échelle, certes modeste, une pratique barbare. Une pratique malheureusement persistante, et même en recrudescence, que l’on nomme « viol correctif ». Comprenez bien l’ignominie de ce concept : des hommes violent des lesbiennes pour les « convertir » à l’hétérosexualité, pour corriger leur orientation sexuelle, en somme pour « les remettre dans le droit chemin ». Les témoignages des survivantes sont les mêmes. Les agresseurs disent à chaque fois à leurs victimes qu’ils leur donnent simplement une leçon, qu’ils les punissent, voire qu’ils vont faire d’elles des femmes ou encore qu’ils les soignent de leur homosexualité. Noxolo Nogwaza était une militante active et visible pour la défense des droits des LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels) en

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Afrique du Sud, un pays qui dispose d’une des législations les plus libérales au monde en matière de reconnaissance et de protection des droits des homosexuels. Le paragraphe 9-3 de la Constitution sudafricaine est actuellement rédigé ainsi : « L’État ne peut discriminer injustement qui que ce soit, directement ou indirectement, pour un ou plusieurs motifs dont (…) l’orientation sexuelle (…). » Aujourd’hui, la chambre des chefs traditionnels - qui n’a heureusement qu’un rôle consultatif - en demande la suppression au Parlement. En 2002, l’adoption par les couples de même sexe y était légalisée. En 2006, l’Afrique du Sud est devenue le cinquième pays au monde à ouvrir le mariage pour tous. Et en octobre 2012, première mondiale, le drapeau arc-enciel y est reconnu symbole LGBT officiel et figure désormais parmi les emblèmes nationaux. Mais les mentalités n’ont pas suivi, et dans le quotidien des townships où l’homosexualité est considérée comme une maladie, où se balader main dans la main reste un défi pour les couples de même sexe, cela ne suffit pas. La veille de son meurtre, alors qu’elle était sortie avec sa petite amie dans un bar, Noxolo Nogwaza avait eu une vive altercation avec un groupe d’hommes qui faisaient des avances insistantes à sa copine. Les indices démontrent que Noxolo Nogwaza a été visée en raison de son homosexualité. Pourtant, ce crime haineux n’a donné lieu à aucune arrestation. Et pour celles qui survivent à ce supplice, point de Justice. Aucune garantie effective à la liberté d’aimer. Le ciel s’est assombri sur la Nation « arc-en-ciel ». À tel point que les victimes ne portent que rarement plainte au commissariat. Elles y ont trop souvent trouvé des policiers qui leur ont ri au nez, qui leur ont répondu que leur cas était sans importance, ou pire, qui leur ont expliqué qu’elles l’avaient bien mérité. Et quand bien même une plainte serait déposée, c’est le système judiciaire qui tourne le dos aux victimes : laissant les violeurs retrouver leur

liberté pour des cautions d’un montant dérisoire, attendant des années avant d’éventuellement engager des poursuites… Une affaire concernant le viol et le meurtre d’une jeune fille homosexuelle de 19 ans a ainsi été reportée plus de trente fois, en à peine cinq ans ! Pourtant en 2004, l’Afrique du Sud s’est dotée d’une « Charte des victimes », adjointe à la Constitution, qui reconnaît à chaque victime de crime des droits fondamentaux : au premier chef desquels le droit d’être traité de manière juste, avec respect, avec dignité… En Afrique du Sud, où l’on estime qu’un viol sur 25 seulement fait l’objet d’une plainte, moins de 10 % des agresseurs contre lesquels une plainte a été déposée sont condamnés. Souvent parce qu’il n’y aurait pas assez de preuves, mais aussi parce que la victime aurait été consentante. Et si la victime est ouvertement lesbienne, la présidente de l’association People Against Women Abuse rapporte que les juges lui sont généralement hostiles. Et les survivantes de devoir reprendre leur vie, contraintes de vivre en permanence dans la peur, devant affronter le regard et les menaces de leurs bourreaux au quotidien. Les auteurs de ces « viols correctifs » connaissant quasiment toujours la victime. Un ami, un voisin, un cousin… parfois même un père. Le cas de Noxolo Nogwaza, en raison de son atrocité, est un des cas les plus marquants de cette pratique odieuse, abjecte, barbare. Il ne s’agit pas seulement du viol d’une femme en termes de violence faite aux femmes, ce qui est déjà suffisamment ignoble, et il ne s’agit pas de dire que le viol correctif est pire que le viol, parce que personne ne doit être avili ainsi. Il s’agit de souligner que cette pratique est en lien direct avec l’orientation sexuelle, ou plutôt devrais-je dire avec la façon d’aimer de la victime, qui ne serait pas conforme à une certaine norme… Il s’agit donc d’un autre motif : la haine. Nous avons affaire à un crime de haine perpétré à l’encontre des femmes homosexuelles, voire même d’enfants. Une semaine après le meurtre de Noxolo Nogwaza, une jeune fille, que dis-je, une enfant, d’à peine 13 ans, dont le seul tort était de

REPERES

3ème concours de plaidoiries des élèves avocats - 2 février 2013 1ER PRIX GRAND PRIX DU MÉMORIAL DE CAEN Alexandre Orts Ecole des Avocats de Montpellier Avec sa plaidoirie intitulée « Noxolo Nogwaza, violée, torturée, assassinée parce que lesbienne »

3ÈME PRIX PRIX DES DROITS DE L’HOMME Philip Fitzgerald Ecole des Avocats de Marseille Avec sa plaidoirie intitulée « Srey Pov, fillette du Cambodge » NOXOLO NOGWAZA LE CHOIX D’ALEXANDRE ORTS

ÈME

2 PRIX PRIX DES LIBERTÉS ET DE LA PAIX Camille Ben Daoud Ecole des Avocats de Strasbourg Avec sa plaidoirie intitulée « Yu Ming, pour que les fruits tiennent la promesse des fleurs » Prix décerné par le conseil d’administration des écoles d’avocats.

.Pourquoi avoir choisi cette cause ? J'ai choisi cette cause parce que j'avais lu un article à ce sujet dans Le Monde qui m'avait particulièrement bouleversé et parce que je trouve qu'il s'agit du parfait exemple d'une situation où le législateur a précédé la

Les Annonces de la Seine - jeudi 7 mars 2013 - numéro 17

société, qui permet aussi de rappeler qu'une loi est insuffisante si son application effective n'est pas garantie. .Que peut apporter le concours à la cause que vous défendez ? J'espère que le concours pourra permettre de faire connaître davantage cette pratique dont on parle assez peu et qui est pourtant répandue en Afrique du Sud et sur le continent africain.

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Palmarès quelque chose de pourri dans le fait d’aimer une personne du même sexe ». Pourtant, quelque temps après le meurtre de Noxolo Nogwaza, Tlali Tlali, porte-parole du gouvernement sudafricain, a déclaré : « Les droits des gays et lesbiennes sont des droits de l’homme et des droits constitutionnels qui doivent être protégés et respectés en toute circonstance. » Ce qui rappelle à ma mémoire une citation de Victor Hugo : « la liberté d’aimer n’est pas moins sacrée que la liberté de penser » ; et ce qui me heurte, et me pousse à me demander : les mots sont-ils suffisants ? Est-il bien suffisant de se complaire dans de grands et beaux principes pour se laver la conscience de milliers de crimes à caractère homophobe ? Certes l’ignorance conduit à l’intolérance, mais au-delà de la culture et de l’éducation, ce sont les policiers et les magistrats qui doivent faire de l’application effective des lois et des règlements une réalité. Et le gouvernement sud-africain se doit d’en faire une priorité ! Parce qu’il ne suffit pas pour un gouvernement d’énoncer une évidence telle que les droits des

homosexuels sont des droits de l’homme. Parce qu’il ne suffit pas d’affirmer l’universalité des droits de l’homme et le respect dû à la dignité de la personne humaine. Parce que la Constitution n’est pas juste un bout de papier, parce que le droit de se marier et de fonder une famille est bien éloigné des préoccupations de ceux qui doivent se battre pour survivre. Parce que la liberté d’aimer n’est pas moins sacrée que les autres libertés, et qu’il est intolérable qu’aujourd’hui encore des personnes soient discriminées, molestées et même tuées en raison de leur différence. Parce que les droits de l’homme ne sont pas, parce que les droits de l’homme ne doivent pas rester un concept abstrait. Parce que le travail d’un gouvernement n’est tout bonnement pas achevé une fois qu’a été adoptée une législation protectrice de droits, mais doit naturellement se poursuivre, en s’assurant que les lois se traduisent en des droits concrets, pour chacun, y compris pour les individus mis au ban de la société, et ce, même en raison de leur façon d’aimer.

15ème concours de plaidoiries des lycéens

avant de se suicider avec de la mort aux rats. Ce mari qui aujourd’hui est libre comme l’air. Il a bien sûr été interrogé suite à la mort de sa toute jeune épouse mais non pas comme coupable, seulement comme témoin. Après avoir déclaré que la belle-famille était responsable de la mort de la jeune fille et que leur mariage était un accord des deux parties, il a été relâché et vit aujourd’hui paisiblement au nord du Maroc, dans la campagne de Larache. Il y a comme quelque chose de dérangeant dans ce que je viens de vous dire, n’est-ce pas ? Effectivement, depuis toujours, il existe une loi en Afrique du Nord et dans certains pays du Moyen-Orient. Une loi qui n’avait pas fait réagir grand-monde avant que cette Marocaine mette fin à ses jours dans d’atroces souffrances. Cette loi, au Maroc, c’est la loi 475 du Code Pénal qui autorise un violeur à épouser sa victime sous prétexte de lui rendre son honneur et d’é chapper lui-même à la prison. En soi, la légalisation du viol. Si j’é voque plus particulièrement le cas du Maroc, c’est parce que les féministes marocaines sont les premières à avoir fait connaître cette loi au reste du monde. Elles sont également les seules à avoir osé la dénoncer. En cette période de quête identitaire, elles ont eu le courage de s’élever contre cette loi à travers de nombreux articles sur plusieurs médias et ainsi que dans plusieurs mouvements comme la manifestation « nous sommes toutes Amina EL Filali » devant le Parlement à Rabat. J’ai également été interpellée par un article dont le titre était : « Maroc, le pays où le viol est déguisé en mariage. » Mais il ne faut pas croire que les autres féministes arabes restent indifférentes. Nawal EL Saadawi est la féministe la plus célèbre du monde arabe d’après le journal « Courrier International » et elle est Égyptienne. Après avoir enseigné dans une université aux étatsUnis, elle revient au Caire. En 2011, elle est la première femme à avoir appelé aux manifestations qui ont abouti à la chute du

régime. On constate donc la nouvelle place qu’ont prise les femmes dans les pays arabes. Grâce aussi aux moyens de télécommunication modernes, elles apprennent qu’elles peuvent être les égales des hommes. Un peu partout, les coutures craquent, les femmes se révoltent. Le problème vient donc d’ailleurs. Aujourd’hui, Mesdames, Messieurs, c’est le monde que j’accuse d’avoir ignoré ce drame.

D.R.

s’affirmer homosexuelle, était à son tour victime d’un viol correctif, sur le chemin de l’école... Le problème des viols en Afrique du Sud est on ne peut plus alarmant. Ce sont, en effet, chaque année entre 600 000 et 700 000 femmes qui sont violées dans ce pays, empreint d’une culture machiste où un homme sur quatre admet avoir participé à un viol. Comprenez bien l’ampleur de ce phénomène : une femme qui naît aujourd’hui en Afrique du Sud a plus de chances d’être violée, que d’un jour apprendre à lire… Un rapport édifiant d’Interpol atteste que la moitié des lesbiennes d’Afrique du Sud seront violées dans leur vie. Et pour celles qui ne sont pas tuées, pour les survivantes, la honte, la douleur, l’humiliation, ce sentiment d’avoir été salie, souillée, marquée… auquel s’ajoute l’injustice d’une culture de l’impunité. Sans oublier les risques portés à leurs vies. Combien de femmes, combien de lesbiennes mortes du sida en Afrique du Sud après avoir été violées par un ou plusieurs hommes ? Le Président de la République sud-africaine en personne a récemment déclaré « qu’il y a

Madja El Alaoui

Nous sommes toutes Amina El Filali par Majda El Alaoui, lauréate du 15ème concours des lycéens

ujourd’hui, une jeune fille de 15 ans s’est donné la mort. Encore une qui n’a pas survécu à l’adolescence me direz-vous. Seulement voilà, cette adolescente- là avait des préoccupations qui n’étaient vraiment pas de son âge. Toute la journée, elle attendait le retour à la maison de cet homme qu’elle devait désormais appeler « Mon mari ». Non, elle n’a pas fait cette folie que d’épouser son amoureux du moment. Non, elle n’a pas choisi qu’elle appellerait cet homme ainsi. C’était là, posé devant elle et elle n’a pas eu le choix. Cette adolescente, c’est Amina EL Filali. Amina a été mariée à son violeur alors qu’elle n’était qu’une enfant. Et comme si cela ne suffisait pas, elle a été battue pendant un an par son mari

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REPERES

15ème concours de plaidoiries des lycéens 1er février 2013 1ER PRIX Majda El Alaoui Lycée Pape Clément - Pessac (33) Pour sa plaidoirie « Nous sommes toutes Amina El Filali » 2ÈME PRIX Thomas Blasselle Lycée Saint-Jean - Besançon (25) Avec sa plaidoirie intitulée Pour sa plaidoirie « Le sang du savoir » 3ÈME PRIX Nolwenn De Cargouet Déborah Dulcio et Roxanne Faure Lycée Catherine et Raymond Janot - Sens (89) Pour leur plaidoirie « Un cri derrière les barreaux » PRIX DE L'ENGAGEMENT CITOYEN Sofia Yazitzoglou Lycée franco-hellénique Eugène Delacroix - Athènes - Grèce Pour sa plaidoirie « La taille d’un fusil debout »

Les Annonces de la Seine - jeudi 7 mars 2013 - numéro 17


Palmarès

J’accuse mon pays d’origine de bafouer ainsi ses filles et enfin j’accuse la société de faire encore des différences entre hommes et femmes. J’aimerais rendre hommage à Amina, cette fille

qui aurait eu mon âge aujourd’hui, ainsi qu’à toutes les femmes qui encore, au XXIème siècle, sont victimes de discrimination à cause de leur sexe. On parle de discrimination mais on vient à se demander quelle en est la source. Il faut savoir que des lois existent contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. L’article 19 de la Nouvelle Constitution du Royaume du Maroc de 2011 dit que l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractères civil, politique, économique, social, culturel et environnemental. Les lois sont là. Alors pourquoi ? Pourquoi faut-il qu’une loi datant de 1962 et qui va à l’encontre de la Nouvelle Constitution soit encore appliquée en 2012 ? Ceci est contradictoire. Le Maroc, en tant que pays islamique, applique les lois dictées par la religion en ce qui concerne le code civil et familial. Pourtant moi quand je lis le Coran, je constate qu’il n’est pas permis de marier une femme divorcée ou veuve sans prendre son avis. Il est également préconisé d’avoir son accord avant de marier une femme vierge. Encore une nouvelle contradiction. Des contradictions dont les Tunisiennes font également les frais, puisqu’elles voient chaque jour reculer leurs espaces de liberté. Je pense qu’il ne faut pas accuser la religion mais

ces sociétés malsaines. Ces sociétés dans lesquelles sans pots-de-vin on ne peut pas obtenir une véritable justice. Dans le mot « justice » il y a « juste ». Que signifie être juste si ce n’est accorder aux femmes ce qui leur est dû ? Être juste voudrait dire que les femmes de la classe dirigeante, les femmes battues qui vivent l’horreur au quotidien, ainsi que les femmes indépendantes de la classe moyenne, bénéficieraient toutes d’une justice similaire. Nous devons donc comprendre que la jeune Amina n’a pas été seulement victime d’un viol mais aussi de la loi. Sa famille étant sans relations et bien trop pauvre pour les pots-de-vin. On parle d’Amina EL Filali mais il faut savoir que son cas est loin d’être isolé. Il n’existe aucune statistique qui prenne en compte le nombre de vies brisées par ces pratiques ancestrales. Qui peut dire combien de timides mariées sur la photo ont d’abord été violentées par leur époux et négociées pour l’honneur de leur famille ? Ni vous, ni moi. Aujourd’hui les pays arabes sont à leur tournant. Il devient indispensable que les législateurs, les juges et les avocats, et, en fait, la société au sens large, décident que les femmes doivent disposer des mêmes droits que les hommes. Qu’elles puissent s’émanciper et qu’elles puissent choisir de dire non. L’éducation, l’information et le dialogue sont des outils qui peuvent grandement faciliter l’insertion totale des femmes dans tous les domaines et atteindre ainsi la parité. Cette avancée doit être imminente car il n’est plus possible d’attendre encore d’autres crimes d’honneur comme celui d’Amina EL Filali pour faire changer les choses. Ce sera un petit pas pour la liberté de la femme dans le monde arabe, et un grand pas pour la cohérence, l’égalité des sexes et donc l’Humanisme. 2013-194

Vie du droit

Réforme de la justice commerciale Installation des groupes de travail Chancellerie - 5 mars 2013 ans le cadre de la mise en œuvre du Pacte de compétitivité, Christiane Taubira, Garde des sceaux, Ministre de la Justice, a installé ce mercredi 5 mars les groupes de travail sur l’amélioration de la justice commerciale. Ils ont pour objectif de confronter les approches des différents acteurs de cette justice et d’identifier les meilleures pistes de réforme en vue d’améliorer et de moderniser les dispositifs de prévention et de traitement des difficultés des entreprises. Les propositions seront ensuite

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formulées dans un texte de loi qui pourrait être présenté à l’automne. Cette démarche, organisée par le Gouvernement et pilotée par le Ministère de la justice en lien avec les Ministères de l’économie et des finances, du redressement productif, du travail, de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, et de l’artisanat, du commerce et du tourisme, a pour mission d’utiliser tous les vecteurs d’actions nécessaires à l’amélioration de l’efficacité de la justice commerciale et souligne « l’engagement et la responsabilité de

l’exécutif dans les affaires économiques et sociales ». Le premier groupe de travail s’intéressera à l’amélioration des dispositifs de prévention et de traitement des difficultés des entreprises, alors que le second groupe travaillera sur les questions de la déontologie, du statut et de la formation des acteurs de la justice commerciale, de l’organisation des juridictions et de l’amélioration du rôle des administrateurs et mandataires judiciaires. Chloé Grenadou

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Vie du droit juridictions commerciales organisée par la Chancellerie : les conclusions de cette consultation relative seront publiées par la Chancellerie sous forme de propositions concrètes à droit constant avant la fin de l'année 2013.

Christiane Taubira

Photo © Chloé Grenadou - Téléphone : 01.42.60.36.35

B. Intégrer plus d'expertise et une meilleure information au sein du Ministére public

Les grands axes de réflexion à destination des membres des groupes de travail pour une justice commerciale plus efficace* Constat a justice commerciale doit faire face à plus de 70 000 procédures collectives par an mais se caractérise aujourd'hui notamment par une organisation et un fonctionnement des juridictions insuffisamment modernisés compte tenu des enjeux économiques et de l'emploi, ainsi que par des procédures collectives indifférenciées quelle que soit la taille de l'entreprise et quels que soient les enjeux de la défaillance. Les 3 200 Juges consulaires élus et bénévoles ne peuvent bénéficier que d'une formation initiale de neuf jours qui n'est même pas obligatoire. En 2011, seuls 663 Juges ont suivi la formation initiale et 875 ont suivi une formation continue thématique pendant deux jours. Le Ministère de la Justice a audité des procédures importantes dans lesquelles l'information n'a pas correctement circulé au sein des différents services de l'Etat. Dans certaines affaires, du fait de la présence dans les juridictions de Juges liés aux parties, l'impartialité des juridictions commerciales des Juges a pu être mise en cause. Aucune procédure de récusation ou de suspicion légitime n'a été introduite par les parties. La fonction clé de surveillance et d'avis confiée au Ministère public par la loi du 26 juillet 2005 est aujourd'hui exercée de manière inégale. La création d'une mission d'évaluation et de suivi de l'activité des Parquets commerciaux et la

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circulaire d'action publique du 21 juin dernier en matière commerciale ont permis aux Parquets de redécouvrir leur rôle.

Décisions En réponse à la crise, les dispositifs techniques et juridiques doivent être améliorés pour pérenniser l'activité des entreprises en difficulté et sauvegarder l'emploi. La prévention des difficultés, en particulier celles des PME, doit devenir prioritaire pour éviter que la situation de l'entreprise ne dégénère : il faut pour cela que les entreprises, petites ou grandes,puissent compter sur des professionnels formés, compétents, à la déontologie sans faille. Parallèlement au rôle juridictionnel du Ministère public qui s'exerce dans le cadre de la politique générale pénale et commerciale fixée par le Gouvernement, l'intervention de l'Etat au soutien des entreprises doit trouver sa place dans la procédure, par exemple à travers une prise de parole à l'audience ou la faculté de faire appel.

A. Renforcer la prévention des difficultés des entreprises Avant la phase juridictionnelle, l'ensemble des dispositifs de prévention existants doivent être améliorés et développés. Les procédures d'alerte et de prévention doivent être mieux sécurisées et respecter le secret des affaires, les règles déontologiques des intervenants, la prévention des conflits d'intérêts. La création d'instruments de contrôle pourrait être envisagée. Les représentants concernés du Préfet de Région (commissaires au redressement productif, directions régionales des entreprises, de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi - DIRECCTE) ainsi que les partenaires locaux usuels des entreprises dans le domaine du financement, de la stratégie, ou de la sauvegarde de l'emploi seront associés à une consultation de l'ensemble des acteurs des

La Chancellerie organisera avant fin novembre 2013 une réunion des Procureurs les plus spécialisés, chargés de l'ordre public économique et social et des services de l'Etat compétents en matière de soutien aux entreprises et de l'emploi. L'objectif est de mettre en place des outils de communication et d'information réciproques sur les interventions publiques, et de diffuser les meilleures pratiques au sein des juridictions consulaires. L'expertise à la disposition du Ministere public doit etre renforcée : la Chancellerie proposera avant la fin de l'année les moyens d'améliorer la formation de ses représentants, et de spécialiser, dans les Cours d'appel, les Magistrats du Parquet général qui, suivant l'importance ou la complexité des procédures, auraient vocation à être délégués dans les Tribunaux de commerce. Enfin, le Ministère public tiendra compte, lorsque cela est pertinent pour la société et ses salariés, de la politique gouvernementale de soutien aux solutions de reprise des entreprises par leurs salariés (Sociétés coopératives et participatives - SCOP - par exemple).

C. Rénover le fonctionnement de la Justice commerciale pour la rendre plus efficace La Chancellerie organisera avant la fin de l'année un travail de concertation avec l'ensemble des acteurs intéressés sur les adaptations nécessaires à apporter à la procédure et au fonctionnement des juridictions commerciales pour renforcer durablement son efficacité, au bénéfice des entreprises et de leurs salariés. Cette concertation conduira à formuler des propositions avant le 30 mars prochain sur les points suivants : - réserver à des juridictions spécialisées le traitement des difficultés des entreprises importantes ou dont l'activité couvre plusieurs régions, - mettre en place l'échevinage pour ces juridictions spécialisées (qui pourrait intervenir à la demande du Ministère public, d'une partie du Tribunal, du représentant de l'Etat selon des modalités à définir pour ce dernier), - adapter les conditions d'éligibilité et les principes de déontologie des Juges consulaires, améliorer le rôle et le statut des administrateurs et des mandataires judiciaires et fixer une meilleure définition de leur rémuneration, - auditer et, le cas échéant, réformer certaines dispositions de la loi du 26 juillet 2005, - améliorer l'information des salariés, - simplifier les procédures pour les petites affaires, en s'inspirant notamment du modèle de la procédure en cours en Alsace Moselle (intervention des huissiers de justice). Source : Ministère de la justice

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