LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 8 juillet 2013 - Numéro 43 - 1,15 Euro - 94e année
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Julien Cazères, Erick Campana, Lucas Montagnier et Nicolas Berthier
Barreau de Marseille Séance Solennelle de Rentrée - 5 juillet 2013 RENTRÉE SOLENNELLE
Défendre partout les libertés fondamentales
2 par Jean-Claude Gaudin ........................................................................... 4 Marseille, cité de la peur ? par Lucas Montagnier, Nicolas Berthier et Julien Cazères ...................... 5 Remise des épitoges aux Doyens par Jean-Claude Valéra ........................................................................... 9 par Erick Campana ...................................................................................
Renforcer l’image et le rayonnement de Marseille
JURISPRUDENCE
Comptes de la campagne présidentielle 2012 de Nicolas Sarkozy Conseil constitutionnel - Décision n° 2013.156 PDR du 4 juillet 2013 ....
VIE
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DU DROIT
Suspension de la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature
12 par Dominique Lencou ......................................................................... 13 par Christiane Taubira ..........................................................................
Le Conseil constitutionnel hier, aujourd’hui et demain
ANNONCES LÉGALES ....................................................... 15 DÉCORATION
Serge Blisko, Chevalier de la Légion d’honneur ................... 24
ne fois n'est pas coutume, le Bâtonnier Erick Campana, qui a pris ses fonctions en janvier 2013 et succédé à son confrère Jérôme Gavaudan, a décidé d'organiser la Rentrée du Jeune Barreau de Marseille la première année de son mandat et non pas au cours de la seconde. Cette émouvante et incontournable cérémonie, à laquelle assistait le Maire Jean-Claude Gaudin, s'est déroulée vendredi dernier au Palais du Pharo, édifié dans la deuxième moitié du 19ème siècle par le célèbre architecte Samuel Vaucher, au pied de Notre-Dame de la Garde et en face du tout nouveau "MuCEM", inauguré le 4juin 2013 par François Hollande; ce fut une façon pour l’hôte de célébrer également "Marseille, capitale de la culture 2013". Les plus hautes personnalités françaises et étrangères (notamment les Barreaux d’Alger, de Côte d’Ivoire, de Gênes, du Luxembourg, de Valence, du Sénégal, de Casablanca, de Bruxelles et de Barcelone) de la grande famille judiciaire avaient répondu favorablement à l'invitation du Bâtonnier Erick Campana au premier rang desquelles Jean-Luc Forget, Président de la Conférence des Bâtonniers ainsi que les représentants du Président du Conseil National des Barreaux et de Madame le Bâtonnier de Paris, respectivement Jérôme Gavaudan et Christophe Thévenet. Dans son remarquable discours, Erick Campana a souligné son courroux quant à l'opprobre incidieusement jetée « dans le quotidien de notre profession par les plus hauts
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responsables politiques de notre pays » notamment lorsqu'ils veulent « interdire du Gouvernement tout autant que du Parlement la profession d'avocat comme si nous étions des pestiférés ». Citant les noms illustres d'avocats qui « ont accompagné tout autant l'histoire de France que la défense de la liberté et des opprimés » tels que Jean-Jacques Régis de Cambacérès, Jean-Étienne-Marie Portalis, Léon Blum, Vincent Auriol, Robert Badinter, François Mitterrand, Nicolas Sarkozy, George-Jacques Danton, Maximilien de Robespierre, Louis-Antoine Saint Just, Pierre WaldeckRousseau, Gisèle Halimi et Corinne Lepage, il a exhorté ses confrères « à continuer d'œuvrer pour la défense des libertés fondamentales ». Avant de céder la parole aux trois secrétaires de la Conférence 2013 du Jeune Barreau marseillais qui se sont livrés avec talent à la traditionnelle joute oratoire sur fond de " Marseille, cité de la peur !", il s'est ému que sa profession, « au lieu de parler d'une seule et unique voix » reflète « une polyphonie au son discordant". En raison de leur imagination créative, il a invité ses confrères à « devenir les interlocuteurs privilégiés de nos gouvernements » et « à rêver à un grand avenir pour la profession d’avocat » ; il a cité Oscar Wilde : « Il faut toujours viser la lune car, même en cas d’échec on atterrit au milieu des étoiles » pour conclure ses propos. Jean-René Tancrède
J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
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Rentrée solennelle
LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr
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Erick Campana
Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05 Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction :
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Didier Chotard Frédéric Bonaventura
Défendre partout les libertés fondamentales
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2012
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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Agnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes Administrateurs Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Magistrat honoraire Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Chloé Grenadou, Juriste d’entreprise Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International
par Erick Campana
J
’ai l’honneur de vous accueillir aujourd’hui, Vendredi 5 juillet 2013, au sein du Barreau de Marseille, et de notre ville, Capitale Européenne de la Culture. A événement exceptionnel, le Barreau de Marseille se devait de bousculer son agenda ainsi que le protocole qui veut que le Bâtonnier vous reçoive la deuxième année de son mandat. Je n’ai pu résister au plaisir de saisir cette historique circonstance, et j’ai choisi ce 5 juillet 2013, après six mois d’exercice, pour nous réunir et partager avec vous cet événement prestigieux. Dans cette ville en pleine mutation, le Barreau de Marseille vous accueille à cet instant dans ce Palais du Pharo, symbole du prestige de Marseille d’antan, pour mieux vous recevoir ce soir dans le Marseille de demain, au tout nouveau MuCEM, inauguré il y a quelques jours à peine, et qui exceptionnellement ce soir, nous est réservé. Mesdames et Messieurs, plus que jamais nous pouvons être fiers d’être Marseillais, et rêver de la résurrection du téléphérique menant jusqu’à la Bonne Mère, et de celle du pont transbordeur, pour nous mener de temps difficiles vers un avenir que nous souhaitons plus radieux pour nos 120 jeunes Confrères qui à Marseille ont embrassés cette année encore cette profession d’avocat. J’aurais aimé tous vous remercier individuellement mais vous comprendrez que l’exercice est dangereux, l’oubli toujours redouté est redoutable, et il me reste encore 18 mois de mandat ! (...)
Je veux annoncer à votre prestigieuse Assemblée, à l’ensemble des Membres de mon Barreau, qu’après avoir signé il y 15 jours deux conventions de jumelages avec les barreaux Brésiliens de Sao Paulo et de Rio de Janeiro, demain, en la maison de l’avocat, le Barreau de Marseille signera une Convention de Jumelage avec le Barreau d’Israel, pour signer à la rentrée de Septembre une autre convention avec le Barreau de Tunisie. Le Barreau de Marseille souhaite, par ces Conventions de Jumelage, témoigner avec force de notre volonté de garantir et de promouvoir la coopération avec d’autres Barreaux tant de France que de l’étranger. Que d’amitiés témoignées aujourd’hui au Barreau de Marseille ! Bien sûr tout n’est pas parfait. J’ai été particulièrement chagriné et même franchement en colère, d’entendre les plus hauts responsables politiques de notre pays, vouloir interdire du Gouvernement tout autant que du Parlement la profession d’avocat, comme si nous étions des pestiférés. Pouvons-nous oublier raisonnablement les noms illustres de nos Confrères qui ont accompagné tout autant l’histoire de France que la défense de la liberté et des opprimés. Pouvons-nous oublier, les Cambacérès et Portalis. Pouvons-nous mépriser les Léon Blum, Vincent Auriol, Robert Badinter, et tant d’autres ? Pouvons-nous mépriser à ce point la République Française, et nos Présidents François Mitterrand et Nicolas Sarkozy, eux aussi avocats ! Devons-nous rougir de notre histoire, de la Révolution Française qui reste une référence dans le monde entier quant à la Défense de la Liberté et des opprimés !
Les Annonces de la Seine - lundi 8 juillet 2013 - numéro 43
Rentrée solennelle
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Devons-nous oublier Danton, Robespierre, Saint Just ! Devons-nous oublier Jules Ferry, et l’école publique ! Devons-nous ignorer Pierre Waldeck- Rousseau et la liberté syndicale ! Gisèle Halimi et Corinne Lepage dans la lutte pour le Droit des Femmes et celui de l’environnement ! La liste est trop longue et doit faire rougir de honte ceux qui osent soutenir de telles aberrations. Je suis également courroucé, à l’instar de nombre de mes Confrères, lorsque cet opprobre s’exprime insidieusement dans le quotidien de notre profession, par cette suspicion qui nous est parfois injustement témoignée. Ainsi lorsqu’un Juge d’Instruction me contraint, tout Bâtonnier que je suis, à consulter l’original d’un dossier sous le regard policier de son greffier, alors que nous n’hésitons pas, au quotidien, à remettre aux magistrats, voire à leurs greffes, nos dossiers de plaidoiries comportant souvent des pièces originales dont l’importance est capitale pour nos clients. Je veux dire à Mesdames, Messieurs les Magistrats, que pour notre part Avocats au Barreau de Marseille, et en tous les cas pour son Bâtonnier, j’ai le sentiment le plus absolu que nous appartenons à la même famille judiciaire, que nous œuvrons tous ensemble pour la défense des libertés fondamentales, chacun à notre place, chacun dans le devoir de nos fonctions, chacun convaincu de la nécessaire déontologie de chacune de nos professions, et en tous cas convaincus de la nécessité d’un respect mutuel indéfectible. Je suis également déçu, par certains des prestigieux dirigeants du Conseil National des Barreaux, qui cèdent, semble-t-il parfois à leur ego, et donnent à penser qu’ils oublient qu’ils sont avant tout et surtout mandatés par leurs Confrères pour défendre exclusivement notre profession. Comment voulez-vous que nous soyons considérés à la Chancellerie quand au lieu de parler d’une seule et unique voix, c’est une véritable Polyphonie au son discordant que l’on entend ?
Mesdames et Messieurs les hauts dirigeants du Conseil National des Barreaux, il est grand temps de vous ressaisir et de montrer à la Profession ce que vous savez faire le mieux et ce pourquoi vous êtes élus, œuvrés exclusivement pour notre Profession, Elle en a besoin. A tous je veux dire combien il est indispensable que nous puissions œuvrer d’une même et unique voix pour être entendu au plus haut niveau de l’Etat, pour que nous puissions participer à la démocratie dans notre pays. Nos discordes et nos hésitations confortent le Législateur qui ne rate aucune occasion de légiférer en essayant de nous exclure ou de réduire nos champs d’intervention. L’avocat ne pourra pas agir au nom des consommateurs dans la nouvelle action de groupe à la française. Nous n’aurons pas la faculté de coordonner une action de groupe, et si un client se présente au Cabinet d’un avocat avec un dossier lui paraissant relever d’une action de groupe, l’avocat devra quémander auprès des associations de consommateur le droit d’initier une action. Qu’en est-il du sacro saint principe du libre accès des citoyens à la Justice ? Nous créerons ainsi des sortes de Procureurs privés qui auront l’opportunité des poursuites. Mais pourquoi une telle défiance ? Que craint-on ? Des dérives à l’américaine avec des honoraires considérés comme exorbitants ?
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A tous je veux dire combien il est indispensable que nous puissions œuvrer d’une même et unique voix pour être entendu au plus haut niveau de l’Etat, pour que nous puissions participer à la démocratie Erick Campana dans notre pays.
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Faut-il rappeler que notre déontologie, très contrôlée, est plus ancienne, plus protectrice, et plus éprouvée que celle des associations. Je suis également déçu que les réformettes sur la garde à vue contiennent une suspicion nauséabonde contre l’avocat par ces considérations sur notre rôle au cours de l’enquête. En effet, malgré la présence maintenant admise de l’Avocat, il reste cantonné à un rôle de potiche. Il est inconcevable quand on évoque la procédure pénale que l’on puisse encore faire fi des arrêts rendus par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, par lesquels il a été retenu en substance que : “même si le requérant a eu l’occasion de contester les preuves à charge à son procès en première instance, puis en appel, l’impossibilité pour lui de se faire assister par un avocat alors qu’il se trouve en garde à vue a irrémédiablement nuit à ses droits de la défense”. Combien encore seront jugés sur la foi d’aveux passés en garde vue, hors la présence de l’avocat ou en sa présence, alors que nous ne pouvons toujours pas avoir accès au dossier ? Faisons preuve d’une imagination créative. Demandons que l’on instaure un véritable débat contradictoire sur l’opportunité du placement en garde à vue. Dans un monde avec une Justice idéale, respectueuse encore des droits de la défense, je rêve à cet égard, et j’invite tous les avocats à y réfléchir, à une garde à vue où l’avocat serait à égalité des armes avec le Parquet ou le Juge d’Instruction, avec une complète connaissance du dossier, afin d’assurer utilement son mandat en conseillant, assistant et défendant celui dont la liberté est momentanément suspendue. Je rêve pourquoi pas, et je vous invite derechef à y réfléchir, à la possibilité d’un débat contradictoire devant un Juge, qui pourrait être celui de la liberté et de la détention, pour connaître de l’opportunité du placement d’une personne en garde à vue. Je rêve tout simplement, Mesdames, Messieurs, d’un monde meilleur, d’un monde où la liberté doit toujours prévaloir. Cela est-il un rêve ? Je ne le crois pas. Mais pour y parvenir le regard inspiré de défiance sur les avocats doit changer. Après tout, nous sommes en charge de l’exercice des droits de la défense qui ont valeur constitutionnelle. On souhaite appauvrir le Parlement de notre présence alors que pendant des siècles nous avons largement contribué à enrichir et faire progresser le débat public. Mais je veux être encore plus ambitieux. Je n’ai de cesse depuis le début de mon mandat, d’aller à la rencontre des Barreaux étrangers pour leur assurer du soutien inconditionnel de mon Barreau, que ce soit en Turquie en visitant des Confrères emprisonnés pour leurs opinions politiques, que ce soit en Tunisie aux côtés de nos Confrères qui luttent pour la démocratie. Je les remercie tous de leur courage et de leur engagement et en retour, je veux leur dire au nom du Barreau de Marseille combien nous nous sentons solidaires, et fiers de leurs combats. Mais je veux dire à tous Barreaux de France et de l’Etranger, Barreaux de la Méditerranée, Barreau Catalan, Barreau du Maghreb, Barreau d’Israël, Barreau du Brésil, Barreaux d’Europe et Barreaux d’Afrique, combien il est indispensable que nous puissions exprimer les uns et les autres
Les Annonces de la Seine - lundi 8 juillet 2013 - numéro 43
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Rentrée solennelle notre solidarité dans le souci de promouvoir au delà de toute autre considération, la nécessaire défense de la liberté de nos concitoyens. J’en veux pour preuve les Barreaux d’Israël et du Brésil. Pays dans lesquels l’avocat est un acteur incontournable dans la réflexion et l’élaboration et finalement la rédaction des Lois. Dans ces pays, aucune Loi ne peut être promulguée sans qu’elle n’ait été réfléchie,
Renforcer l’image et le rayonnement de Marseille
élaborée, conçue et pensée par des avocats avec des avocats. Il nous faut devenir, nous avocats défenseurs de la Liberté, les interlocuteurs les plus privilégiés de nos gouvernements. Mais je me laisse séduire par ce Marseille prometteur, Capitale Européenne de la Culture, pour rêver à l’instant de l’avenir de cette ville, d’un avenir tout aussi grand pour notre profession.
Au moins pour une année, soyons fous et osons, en nous rappelant la devise d’Oscar Wylde : «Il faut toujours viser la lune car, même en cas d’échec on atterrit au milieu des étoiles ». Pour terminer je veux vous dire qu’il faut être résolument optimiste et faire en sorte que l’année 2013 soit un tournant pour notre Ville, tout autant que pour notre Barreau. Vive Marseille ! Vive le Barreau de Marseille !
Jean-Claude Gaudin
par Jean-Claude Gaudin
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e mesure l’honneur que vous me faites aujourd’hui en m’invitant, ce qui n’est pas l’usage, à m’exprimer devant vous. J’en suis extrêmement flatté, et très heureux car j’ai, vous le savez, Monsieur le Bâtonnier, beaucoup d’admiration pour l’action du Barreau de Marseille et un lien particulier avec les avocats marseillais. Je n’abuserai donc pas du temps ni de l’écoute que vous m’accordez. Et je vous promets de n’évoquer ni la revalorisation de l’aide juridictionnelle, ni les soubresauts qui agitent le Conseil National des Barreaux, et encore moins les modifications législatives que certains annoncent et qui pourraient rogner certaines de vos prérogatives… au seul préjudice du citoyen et de notre justice. Je ne dirai rien non plus, promis-juré, de la rigueur toute juridique avec laquelle se préparent certaines élections dites « primaires », ni bien sûr des intentions que l’on me prête pour un « Gaudin après Gaudin » et qui agitent tant le microcosme, et lui seul… Vous avez déjà instruit mon procès voici quelques années. Même s’il était très affectueux, et que j’en garde un souvenir particulièrement ému, je ne me risquerai tout de même pas à en affronter un second ! A la vérité, vous m’offrez une occasion de me réjouir aujourd’hui, en organisant votre soirée de réception, tout à l’heure, sur l’esplanade du MuCEM… MuCEM, Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée : on ne saurait mieux définir l’ambition de ce lieu magnifique et, au-delà, la vocation même de Marseille. Marseille, c’est un port, c’est une ville-port et une ville-monde. C’est un carrefour d’échange et de culture, un point de rencontre pour les hommes et un phare brillant comme un espoir pour ceux qui doutent, une porte d’entrée pour toutes les richesses et, souvent aussi, pour toutes les pauvretés. Voilà 27 siècles que ça dure. Voilà 27 siècles que Marseille est la pointe avancée de notre vieux continent vers la Méditerranée et au-delà, le laboratoire où se dessinent souvent les chocs, les tumultes et les fulgurances qui ouvrent les portes de l’avenir pour notre pays tout entier. L’avocat, les avocats, ont toujours été, ici, au cœur de ce bouillonnement de vie. Ce n’est pas un hasard si la richesse exceptionnelle de l’histoire de Marseille a toujours trouvé des avocats pour la nourrir. Est-ce la force du verbe ? On sait ici parler haut mais parler beau, parler fort mais parler juste. L’avocat marseillais s’est toujours trouvé au cœur
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L’avocat, les avocats, ont toujours été, ici, au cœur de ce bouillonnement de vie. Ce n’est pas un hasard si la richesse exceptionnelle de l’histoire de Marseille a toujours trouvé des avocats pour la nourrir. Est-ce la force du verbe ? On sait ici parler haut mais parler beau, parler fort mais Jean-Claude Gaudin parler juste.
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de l’histoire de notre ville. Des avocats se sont toujours levés, ici, pour faire vivre la démocratie et quand il convenait de la défendre. Oui, bien au-delà de la seule dimension professionnelle de votre mission, il s’est toujours trouvé des avocats et des avocates à Marseille pour faire plus que défendre, plus que conseiller, plus qu’assister. Il s’est toujours trouvé des femmes et des hommes de robe pour porter une cause et y engloutir bien plus que leur seule fonction l’exige.
Je ne m’aventurerai pas à citer un seul nom : notre histoire, votre histoire et celle du Barreau de Marseille en regorge, d’un siècle et d’une époque l’autre. Mais je vous invite toutes et tous, avocates et avocats, jeunes et plus anciens, à être toujours plus les avocats de Marseille. Les avocats ardents, résolus et fiers de leur ville, de sa beauté, de son histoire et de sa vitalité. Nous nous appliquons à la rendre plus belle encore, plus vivante et plus attrayante, plus attractive et plus prospère. Ce MuCEM, le Vieux-Port, la nouvelle Joliette, le musée d’histoire, le château Borély, le palais Longchamp, que sais-je encore, ça bouge tellement partout : Marseille renaît de Marseille sous nos yeux et mérite que nous portions haut ses couleurs. Trop de gens, pour des mobiles plus ou moins nobles, se complaisent dans une méchante chanson de geste avec la complicité gourmande des médias. Et je sais pouvoir compter sur vous pour plaider avec nous la cause de Marseille. Je ne vais pas reprendre l’intitulé de la manifestation, « La robe et le verbe », que vous organisez à la rentrée dans le cadre de l’année 2013 qui fait de Marseille la capitale européenne de la culture. J’ignore en effet si la robe peut quelque chose pour renforcer l’image et le rayonnement de Marseille. Mais votre verbe, oui, j’en connais le talent et la force… et je l’admire sincèrement. (...)
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Rentrée solennelle Marseille, cité de la peur ?
Lucas Montagnier
par Lucas Montagnier
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J
mots, gravés par ceux, qui laissèrent ici leur peau. Mais enfin, comment avoir envie d’arriver par la mer lorsqu’on sait que la première île est une prison ? Et surtout, comment à se souvenir des souffrances de Monte Cristo, ne pas être effrayé par Marseille ? Pourtant, vous avez accepté l’invitation et vous êtes là. Laissez-moi-vous dire que vous êtes courageux. Les plus prudents ont décliné lorsqu’ils ont lu cette phrase de Pagnol : « L’universel, on l’atteint en restant chez soi ». N’ont-ils pas eu raison ? La rencontre avec la plèbe est si rude. C’est au milieu du peuple marseillais, rétif à tout uniforme, qui prend chaque jour d’assaut les trottoirs et les passages cloutés, que vous tenterez d’avancer. Vous croiserez sûrement des demoiselles en hauts talons, des princesses au
Remise du prix “Marie-Paule Dejax” par Chawki Tabib Bâtonnier de Tunis et Madame le représentant du Bâtonnier de Gênes à Lucas Montagnier 2ème Secrétaire
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
e suis né un jour de décembre 1984, j’ai 28 ans, et ce soir je vais peut être mourir. Non loin, dans l’obscurité, j’aperçois mes deux frères d’armes, mousquetaires de l’éloquence, concentrés, prêts pour le combat. Soldats de notre Barreau, nous ne pouvons nous dérober, l’honneur est trop grand, la cOse si noble. Le Bâtonnier nous a confié une mission périlleuse : Vous Parler de Marseille. Nous voilà ainsi vêtus de notre costume sombre, armé de notre respiration, les mots comme munitions. Mais Regardez comme Marseille fait peur. Vous êtes dans la cité du vertige… Arrivée par le train ? Extirpez-vous de la Gare Saint Charles, tenez vous de toute votre hauteur en haut des 104 marches de l’escalier monumental. Vous hésitez à faire un pas. Vous avez la sensation d’avoir les pieds ligotés. La première marche de votre descente se dérobe. L’espace marseillais se déploie, menace, transforme votre hésitation en entrave. Préférez-vous les autoroutes ?... C’est que du côté nord, elles sont brutales et mystérieuses… Venus d’Aix en Provence, vous vous retrouverez sur une artère, qui comme une épée, tranche net dans le coeur de la ville, pointant tout droit vers la Bonne Mère. Et là, tandis qu’une infâme odeur envahira vos narines, vous serez invité à lire ce placard, portant ce message mystérieux, mais toujours repassé de frais : « Christ est mort pour nos pêchés ». J’ose à peine vous parler de l’arrivée par la mer. Après avoir essuyé des paquets d’écume vous finirez par vous échouer sur un monstre d’îlot, hybride de Rocher et de Cachot. Vous découvrirez qu’If est une prison, politique en plus. Avec émotion, vous toucherez les derniers
ventre nu, des garçons en casquette-survêt. Oui, vous êtes dans la plus sulfureuse des cités cosmopolites : Arméniens, Corses, musulmans, juifs, bouddhistes, comoriens, témoins de Jéhovah. Un véritable camaïeu de communautés dans lequel aucune frontière n’est tracée. Ici, maquereau ou prolétaire, brave type ou cogneur, même le simple ouvrier peut devenir un patron. Près de la mer, aux Catalans, à l’Estaque, jusque dans les profondeurs de la ville, des bataillons de jeunes errant meublent les trottoirs. Malheureusement, en plus d’être inutiles, ils ne se tiennent pas toujours tranquilles. Ils gueulent, ils frappent, ils terrorisent le bourgeois. Scrutez bien le riche ! Vous verrez qu’il fait la moue et ne vous dira jamais qu’il préfère dépenser son argent ailleurs. Etes-vous certain que l’arène phocéenne vous attire ? Vous tenterez de vous mêler au public en revêtant le fameux maillot bleu et blanc. Rapidement vous serez démasqué et châtier en tribune car vous ne chantez pas comme eux. A Marseille, on ne plaisante pas avec la ferveur. Vous avez parcouru les mémoires de Varian Fry, l’américain débarqué à Marseille érigé en héros. Vous voulez lui ressembler ? Vous ne distribuerez pas de passeports aux pourchassés mais des pièces aux misérables. Méfiez-vous, les enfants des Balkans adorent les philanthropes. Avec ironie, ils pilleront vos larges poches… Vous maîtrisez parfaitement la langue de Molière. Vous désirez communiquer avec les gens de Marseille. Alors, vous vous accouderez au zinc d’un bistrot où le limonadier s’acharne à ressembler aux personnages de la trilogie. Mais comment se faitil que vous ne comprenez rien à ce qu’il vous dit ? Qu’a-t-il pu glisser dans votre verre ? Oh rien. Je vous rassure. Votre tympan est simplement allergique à l’accent, cet ail verbal. Epuisé par l’aventure marseillaise, vous chercherez un peu de calme. Vous vous apaiserez quelques instants sur un banc, jusqu’à ce que votre regard se pose sur les atouts
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Rentrée solennelle d’une ensorcelante sirène. Bravement, vous vous lèverez, lui clignerez de l’oeil, bomberez votre torse. Grave forfait, vous n’avez pas songé à examiner sa généalogie. Elle est femme de canaille et fille de crapule. Ça y est, le milieu vous cherche partout ! Sauvez-vous et rentrez… … Car lorsque le soleil se couche sur Marseille et que la nuit se dévoile, le phénomène climatique local se produit : Marseille se réchauffe. Voilà que le théâtre des règlements de compte ouvre ses portes. Dans le meilleur des cas, vous échapperez aux balles perdues et vous coucherez vivant. Mais certainement, vous réveillerez vous mort-né, exténué par le spectacle sonore des sirènes de police. Ici, à Marseille, les sales gosses de la rue sont devenus des barbares et répandent la terreur. Leur mission : Mettre Marseille à genoux. Leur culture : la haine. Ils prennent leur quartier en otage et imposent à bout portant leur seule loi : celle du Silence. Engagés dans de sombres histoires, rien ne les arrête. Voilà qu’ils imitent Landru en incinérant leur proie. Les plus cruels ont des ascensions fulgurantes. Lassés par la rubrique des faits divers, désormais, ils visent la Une, en tuant. Déracinés, ils daignent répondre aux cris de leurs parents. Alors je m’interroge : « Mais pourquoi se comportent-ils ainsi ? ». Naïvement, je cherche des réponses en relisant mes fables.
Marseille, cité de la peur ?
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En dépit des excitations meurtrières et des intrigues des diviseurs, lorsque nous aurons gagné la bataille de la peur, nous apercevrons alors la cité joyeuse, la cité rassemblée dont nous rêvons tous. Pour l’heure, face à la peur, ayons du courage, soyons tous les dignes héritiers de Jean Lucas Montagnier Moulin.
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La Fontaine n’a-t-il pas raison ? « Lorsqu’on ne suit plus son père. Le temps, tout fait qu’on dégénère… ». J’écoute nos élites, qui nous proposent le Karcher ou l’armée. Mais quoi ? La Justice n’est-elle plus digne de confiance ? Les magistrats seraient-ils devenus laxistes ? J’assiste aux audiences. J’y participe. Et que vois-je ? Des magistrats zélés qui en perdent leur vertu. Déchaînés, ils transforment les prétoires en défouloirs. Aveuglés par la peur, il chasse l’indulgence et le pardon. Les peines qu’ils infligent n’ont plus de sens. Sévérité, répression, rigorisme ! L’ordre prime sur tout. A Marseille, le règne de la peur pervertit tout. Quelques citoyens résistants en appellent à l’aide.
Ils assistent alors au bal des ministres, et contemplent stupéfaits, les préfets valser. Mais les lendemains de fête, rien ne change, on continue de compter les morts, comme au temps de la Peste. Oui, à Marseille, tout va de mal en pis. Ca y est. Je commence à lire dans vos pensées. Je vous ai oppressés. Pourtant, je ne vous ai parlé que de Marseille et rien que de Marseille. Mais Marseille se suffit à elle-même quand il s’agit de faire peur. Vous vous demandez qui je suis pour faire en le procès ? Moi qui n’en ai ni l’autorité, ni la sagesse. Je veux vous répondre que je suis avocat, que je suis libre… libre comme la parole que j’utilise chaque jour contre la peur. Et je dois vous dire qu’en ces temps d’opprobre et de terreur, où nous avons tous besoin de courage, nous chercherions en vain, un plus grand exemple que Jean Moulin. Cet homme a consacré sa vie et sa mort à l’idéal formé de deux termes indissociables : la France et la République. Monsieur le Maire, Mesdames Messieurs les Magistrats, Monsieur le Bâtonnier, Mes Chers Confrères, Marseillaises, Marseillais, En dépit des excitations meurtrières et des intrigues des diviseurs, lorsque nous aurons gagné la bataille de la peur, nous apercevrons alors la cité joyeuse, la cité rassemblée dont nous rêvons tous. Pour l’heure, face à la peur, ayons du courage, soyons tous les dignes héritiers de Jean Moulin.
Nicolas Berthier
par Nicolas Berthier
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’écris pour toi, Marseille. Je viens te dire que je t’aime. Te dire que tu es belle. Qu’intrinsèquement tu n’es pas ce coupegorge que tous se plaisent à décrire. Toi la sulfureuse, Toi la mal aimée, Celle que tant de nos concitoyens moquent en même temps qu’ils te jalousent. Toi qui alimente tous les fantasmes, Qui cristallise tous les paradoxes. Marseille, Cité antique qui s’enfoncerait sur ses bases, Celle dont la beauté brute défie le raffinement vénitien. Quel paradoxe de la voir systématiquement mise en accusation. Elle qui a été choisie il y a 2 600 ans par ses créateurs, des sages paraît-il, pour protéger. Pour abriter. Pour envelopper dans ses bras, depuis l’Estaque à Callelongue, ceux qui ont choisi de s’y réfugier. Moi, descendant d’immigrés Turc, Italien, Espagnol, je suis Marseillais et j’en suis fier. Fier d’être Marseillais. Marseillais, je veux retrouver la fierté de ma ville. Cette fièvre qui m’enivrait enfant lorsque mon cœur s’abreuvait des cris du virage nord répondant au virage sud : Aux Armes. Oui aux Armes !! Ce cri de guerre qui raisonne à l’unisson d’une ville dans les travées du Vélodrome. L’âme de Marseille.
Aux Armes. Aux Armes citoyens. Quelle paradoxe que Marseille, le bouc émissaire de la République, ait donné son nom à notre hymne national. Est-ce que les mots ont encore un poids, ou bien n’y a-t-il plus que le choc des photos ? Le fardeau des clichés qu’il faut encore affronter alors que Marseille vient d’être endeuillée par son 10ème règlement de compte.
Quoi t’es Marseillais ? Et t’as pas d’accent ? Et oui, je suis marseillais et non je n’ai pas d’accent… j’ai pas de Kalach non plus. Marseille synonyme de French connection, de flics ripoux, d’affairisme mafieux, de cités pleines de came… Quoi tu vis à Marseille et t’as pas peur ? Et oui, je vis à Marseille et non je n’ai pas peur… et je refuse d’avoir peur. La peur est définie comme un sentiment
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d’angoisse éprouvé en présence, ou à la pensée, d’un danger ou d’une menace, réelle ou imaginaire. Dans le fond, de quoi aurions-nous peur ? Je soutiens que la peur est dans le cœur et que l’on a peur que de la peur. Alain Molla et Christophe Bass m’ont enseigné que la qualité 1ère d’un Avocat doit être le courage. J’ai découvert et constaté que le courage croît lorsque l’on ose. Que la peur croît lorsque l’on hésite. Avocat, je refuse d’être le spectateur privilégié de la déliquescence d’une ville qui coule dans mes veines. Il nous faut devenir acteurs de la révolte. Refuser en block que nos robes ne soient des serpillères. Des paillassons, sur lesquels s’essuient trop souvent tous ceux qui pensent que l’Avocat est
Marseille, cité de la peur ?
un dû autant qu’il est inutile. Un baveux, un faire-valoir enrobé de noir, qui ne sert qu’à valider des procédures dans lesquelles son avis importe finalement trop peu. Fils de Marseille, j’ai le sentiment d’être au chevet d’une vieille dame malade. Malade de la confusion systématique entre une ville magnifique et quelques âmes en perdition. Ma ville nourricière intoxiquée par une poignée d’imbéciles. Ces quelques-uns dont l’esprit de lucre et les carences éducatives leur ont fait oublier leur conscience citoyenne et le respect d’autrui. On le lit et on le voit partout : Marseille ferait peur. Bien sûr que c’est vendeur. Tellement plus accrocheur de stimuler le goût du glauque plutôt que de célébrer la beauté. En matière de presse il y a deux coupables,
celui qui commet son article et celui qui le lit. En tant que citoyens-lecteurs nous sommes aussi responsables, et il nous appartient de changer notre point de vue. Parce que le monde dans lequel nous vivons dépend beaucoup du regard que l’on porte sur lui. Il nous faut refuser de lire Marseille sous l’angle dominant que les médias nous imposent. Parce que dans le fond qu’est-ce-qui fait peur ? Marseille Cité de la peur, ou bien la peur des Cités ? Cette peur qui s’étale dans les rubriques faits-divers, est-elle vraiment la réalité de nos quotidiens ? Je ne le crois pas. Ou alors nous sommes tous masochiste en nous obstinant à vivre ici. Je crois que la peur se nourrit des fantasmes et que Marseille alimente tous les fantasmes. Je crois que Marseille doit une nouvelle fois affronter son destin. Que nous sommes, une fois de plus, à un moment crucial de son histoire. J’ai appris d’un être cher et qui me manque que lorsque nous sommes confrontés à une difficulté majeure, nous sommes dans la position de celui qui est au pied du mur. Il n’y a alors que deux possibilités. Demeurer prostré ou bien triompher. Alors, pour gravir l’insurmontable, il m’a appris qu’il fallait s’armer de tout ce qu’il y a de beau et bon en nous, et autour de nous. Ce qu’il appelait les pythons. Utiliser et s’accrocher à chacune de ces sources d’espoir porteuses de vie. Ces petits rien mais qui sont tout, derrière lesquels se cache la certitude que la lumière triomphera des ténèbres. Marseille est remplie de ces intenses bonheurs que nous connaissons tous, et à coté desquels nous vivons, par habitude, sans y prêter attention. Il nous faut vivre en pleine conscience, et avoir à l’esprit, à chaque instant, ce que nous savons déjà : vivre ici est un privilège. Triompher de ce mur qui se dresse devant nous. Et retrouver, sans autre choix, la fierté d’être Marseillais.
Julien Cazères
par Julien Cazères arseille a l’air bon enfant et rigolarde. Elle est sale et mal foutue. Néanmoins, elle est l’une des villes les plus mystérieuses du monde et des plus difficiles à déchiffrer ». Avec ces mots, Blaise Cendrars dessine un plan, dresse des murs, précise une atmosphère. Mais quelle est-elle cette atmosphère ? Cité de la peur d’un coté, ville magnifique de l’autre, voilà une idée qui nourrit la confusion, une réflexion qui embarque nos cœurs sur des montagnes russes. Pourtant, ce n’est ni d’hier, ni même d’avant-hier, que ce portrait à deux visages fait l’objet de débats passionnés.
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Remise du prix “Césaire Platy-Stamaty” par Monsieur le Bâtonnier de Rio de Janeiro et Bile Aka Bâtonnier de Côte d'ivoire à Nicolas Berthier 3ème Secrétaire
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Rentrée solennelle
Il y a près de deux milles ans déjà, la réputation de Massalia n’était pas étrangère à sa prospérité. A cette époque, notre Cité est un foyer de cultures. On y parle le grec, le latin et le gaulois ! Intellectuels, médecins et ingénieurs viennent de loin – souvent de Rome – dans les écoles
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Rentrée solennelle massaliètes où sont enseignés l’art d’é crire, l’éloquence, la géographie, l’astrologie, la jurisprudence : tout ce qui ouvre l’esprit ! Il n’y a rien de tel, vous en conviendrez, pour relever le prestige ! Cependant, très vite, des voyageurs nous font part de la mauvaise réputation dont malheureusement notre Cité jouit de plus en plus à l’étranger. Les mœurs dissolues des Romains, la dégradation morale et la débauche qui affectent Rome ont gagné Massalia, gangrenant la ville, corrompant les notables et même les classes moyennes. Bien pire, un double dicton s’est même répandu autour de l’Acropole. Il paraît que dire à un homme « qu’il va à Massalia », c’est lui reprocher de se livrer au vice et à la mollesse ! Et dire d’un homme « qu’il revient de Massalia », c’est tout simplement le proclamer « infâme » ! Voilà donc une mauvaise réputation – bien exagérée semble t’il – qui risque de nous coller longtemps à la peau, devait-on se dire, déjà, à l’époque ! Une mauvaise réputation sur laquelle de nombreux observateurs semblent s’être accordés depuis lors. Et parmi eux un célèbre journaliste, Albert Londres, qui professait déjà en son temps que : « Le rêve de tout malfaiteur international est de devenir patron de bar à Marseille » ! Alors bien sûr, privilégier une information, parler d’un fait plutôt que d’un autre, c’est aussi ça la liberté de la presse et nous devons le respecter, cependant, les dangers, les menaces, les nuisances, qui ont lieu dans toutes les grandes villes de France, paraissent résonner un peu plus fort lorsqu’ils se déroulent dans la cité phocéenne. Marseille se serait bien passé de ce privilège. Néanmoins, il est une chose il est vrai que, ni vous ni moi, ne pouvons contester. C’est l’idée
Remise du prix “Michel Guerre” par Doron Barzilay Bâtonnier d'Israël et Pedro Yufera Bâtonnier de Barcelone à Julien Cazères 1er Secrétaire
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selon laquelle Marseille a toujours su ressembler aux siens. Un peu comme dans un film de Georges Lautner, peuplé de gueules ! Dans les Années 30 déjà, l’apparition du Milieu et du grand banditisme transformait certains quartiers de Marseille en véritable stand de tir. Je vous parle d’un temps où, sous un chapeau d’homme griffé « Borsalino », deux figures de tueurs patentés n’en finissaient pas de défrayer la chronique : Carbonne et Spirito. A ce redoutable duo, l’on pouvait encore acoquiner le nom d’un troisième larron, Simon Sabiani, virtuose dans l’art de mener une campagne électorale à coups de mitraillette, de prime à l’agent double et à l’argent trouble.
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Néanmoins, il est une chose il est vrai que, ni vous ni moi, ne pouvons contester. C’est l’idée selon laquelle Marseille a toujours su ressembler Julien Cazères aux siens.
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Un demi-siècle plus tard, Octobre 1981, Boulevard Michelet, le passager d’une moto abat le juge d’instruction Pierre Michel, alors âgé de 38 ans. Bouillante époque où un nouveau chef de guerre, Gaëtan Zampa, lancé dans de grands desseins hégémoniques pour « tenir marseille », selon une expression qui foule aux pieds les règles de la démocratie, vit son apogée. Et que dire… Que dire de ces dernières années, brossées par la voix de l’excellent Lucas Montagnier. « Les Oliviers », « Les Églantiers », « Les Bleuets »… Le nom de ces cités résonnent
comme le bonheur mais respirent, hélas, le malheur des balles qui sifflent et des jeunes qui tombent. Un malheur tel, qu’une once de résignation semble avoir anesthésié la ville ! Un malheur tel, que l’on ne voit pas, aujourd’hui, ce qui pourrait alourdir davantage l’air du Vieux-Port ! Encore que… N’oublions pas qu’à une époque, le petit Zinédine Zidane jouait à Septèmesles-Vallons et habitait La Castellane. Une rafale de Kalachnikov aurait donc pu nous priver d'une Coupe du monde et d'un Euro. Alors, n’y a t’il donc aucune raison d’être optimiste? N’a t’on pas les raisons de croire en des lendemains qui chantent, au Levant des mers du Sud, dans la plus belle ville du monde ? La légendaire fierté d’être marseillais – dont mon succulent Confrère Berthier s’est fait le chantre – ne peut-elle pas faire oublier la peur, parfois, de vivre à Marseille ? Et puisque nous y sommes, deux victoires consécutives de l’Olympique de Marseille ne peuvent-elles pas faire oublier une semaine de violence ? Il semblerait parfois que non, que le Palais de Justice et ses soubresauts aient remplacé, disons presque remplacé, dans les conversations de bistrot, les habituelles envolées sur l’équipe des Ciel et blanc. Le Palais de Justice… L’épicentre de la vie marseillaise ! Le temple des discordes infernales ! Voilà un endroit qui cristallise à lui seul une certaine peur. Un endroit qui excite en nous cette passion pénible. Un endroit où il n’est pas rare de voir le ciel nous tomber sur la tête mais, de grâce, ce n’est pas du plafond du Tribunal d’instance dont il est question ici. Je devine qu’il y a dans cette assemblée des personnes qui ne sont pas ou pas encore avocats, et nous devons expliquer à ces personnes que la peur chez un avocat, ça existe ! A telle enseigne qu’un jour, avant même de lever la main droite à la Cour, nos aînés nous avertissent. Nos aînés nous mettent en garde : « Attention, petit. Etre avocat c’est dur. C’est ingrat parfois. C’est le plus beau métier du monde mais le contexte est difficile ». Et bien, c’est vrai que c’est difficile. Lors de notre première rencontre avec cette profession, celle-ci ne donne à voir qu’une activité promise à de nombreux doutes, une activité promise à de nombreuses craintes, ce genre de craintes qui vous empêche de dormir, sinon les yeux ouverts ! Je vous parle de ces moments que l’on ne retrouve dans aucun manuel pratique ou déontologique. En audience, en rendez-vous, en détention, à toute heure ! Ces moments dépourvus de modes d’emploi ! Ces moments qui nous font parfois désirer être ailleurs ! Ces moments intenses de solitude où l’on se dit : « Et maintenant, je fais quoi ? » ! Cette profession effraye parfois. Elle effraye c’est vrai mais, cette profession, parce qu’un jour j’ai touché sa réalité, elle n’a eu depuis de cesse de me hanter. Intrigante, impérieuse, brillante !
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Rentrée solennelle Je prêche des convertis, mais certaines activités sont des trappes où l’on tombe. Parfois, de ces pièges, on ne veut plus en sortir. Mon métier d’avocat m’y tient. Alors, même si la pratique de ce métier, face aux vicissitudes de la vie phocéenne, parfois exaspère. Même si on a souvent le sentiment à Marseille de vider la mer avec une petite cuillère. Je sais qu’en dépit de nos oppositions, en dépit de nos rivalités, je peux compter sur la solidarité de mes Confrères. Il faut que cette solidarité existe car, vous et nous, faisons partie de la même grande famille des avocats marseillais. Et je suis convaincu que si nous, jeunes avocats,
voulons – comme nos grands anciens – contribuer à la renommée de notre Ordre, si nous voulons contribuer au rayonnement du Barreau de Marseille et conserver, voire même développer son patrimoine moral, il nous suffit de pratiquer aux yeux de tous, en ce compris ceux du grand public, toutes nos disciplines et traditions. Et quand je dis cela, je repense aux paroles d’Albert Camus, et profite de l’occasion du centenaire de sa naissance pour emprunter ses mots. « Comprendre le monde pour un homme, c’est le réduire à l’humain » disait-il. Alors, la compréhension, la bienveillance, le courage, la compassion, parfois la charité et la pitié… Voilà des vertus que nous ne pouvons ignorer !
Si, bien souvent, l’on considère que l'avocat est au centre du tissu social, montrons qu'il en est aussi le cœur ! Montrons que toutes les couleurs de Marseille, fussent-elles radieuses ou sulfureuses, s’accordent dans le Noir. Et que cela, ni Dieu ni Diable ne nous le prendront ! Alors Messieurs, Mesdames, les gens de justice, mes très chers Confrères. Ce soir, lorsque s’achèvera le Gala de notre Ordre, lorsque vous irez retrouver les bras de Morphée après avoir quitté, peut-être, ceux de Bacchus, vous repenserez à ces mots de Stendhal : « Ne cherchez rien en France de semblable au caractère marseillais, disait-il, et c’est ce qui me charme en ce pays ». 2013-525
Remise des epitoges aux doyens par Jean-Claude Valéra et Erick Campana
Erick Campana, Henri Fournier et Jean-Claude Valéra
Gaston Molland et Jean-Claude Valéra
Camille Giudicelli et Erick Campana
Erick Campana et Marie-Louise Obadia
Pierre Bellaïs et Erick Campana
Alain Vidal-Naquet et Erick Campana
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Jurisprudence
Comptes de la campagne présidentielle 2012 de Nicolas Sarkozy Conseil constitutionnel - 4 juillet 2013 - décision numéro 2013-156 PDR u la requête, présentée pour M. Nicolas Sarkozy, domicilié à Paris, enregistrée le 10 janvier 2013 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation de la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 19 décembre 2012 ayant rejeté son compte de campagne, ordonné la restitution de l'avance forfaitaire de 153000 euros et le versement au Trésor public d'une somme de 363 615 euros ;
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1. Considérant que Monsieur René Hoffer et Monsieur Raymond Avrillier ont demandé à intervenir dans la présente instance ; qu'ils ne justifient toutefois pas d'un intérêt leur donnant qualité pour intervenir ; que, dès lors, ces demandes doivent, en tout état de cause, être rejetées ; 2. Considérant qu'aux termes des cinquième et sixième alinéas du paragraphe II de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve, rejette ou réforme, après procédure contradictoire, les comptes de campagne et arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu au V du présent article... Dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales est constaté, la commission fixe une somme, égale au montant du dépassement, que le candidat est tenu de verser au Trésor public...»; qu'aux termes du troisième alinéa du paragraphe III du même article : « Les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques mentionnées au II du présent article peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil constitutionnel par le candidat concerné, dans le mois suivant leur notification... » ; qu'aux termes de l'avant-dernier alinéa du paragraphe V du même article : « Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne n'est possible qu'après l'approbation définitive de ce compte. Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ne se sont pas conformés aux prescriptions du deuxième alinéa du II du présent article, qui n'ont pas déposé leur compte de campagne au plus tard à 18 heures le onzième vendredi suivant le premier tour de scrutin ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs. Dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités » ; que le plafond des dépenses électorales est, en application des dispositions combinées du deuxième alinéa du paragraphe II du même article et du décret du 30 décembre 2009 susvisé, fixé à 22 509 000 euros pour chacun des candidats présents au second tour ; 3.Considérant que le compte de campagne déposé par Monsieur Sarkozy comporte un montant de
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dépenses de 21 339 664 euros et un montant de recettes de 21 459 931 euros ; que, sur le fondement des dispositions précitées, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, par une décision du 19 décembre 2012, réformé ce compte, en arrêtant le total des dépenses à 22 872 615 euros et le total des recettes à 22 896 007 euros ; qu'elle a rejeté le compte, faisant ainsi obstacle au remboursement forfaitaire des dépenses électorales de Monsieur Sarkozy et imposant la restitution de l'avance forfaitaire de 153 000 euros dont il avait bénéficié en tant que candidat à l'élection du Président de la République; que la commission a fixé à 363 615 euros la somme, égale au montant du dépassement du plafond des dépenses électorales qu'elle avait constaté, que Monsieur Sarkozy est tenu de verser au Trésor public ; que Monsieur Sarkozy demande au Conseil constitutionnel la réformation de cette décision ; - Sur les dépenses engagées en vue de l'élection : 4. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 52-12 et L. 52-4 du Code électoral, rendus applicables à l'élection présidentielle par le paragraphe II de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, le compte de campagne retrace l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection par le candidat ou pour son compte pendant l'année précédant le premier jour du mois de l'élection ; que la date à laquelle le candidat a déclaré sa candidature n'est pas de nature à priver de leur éventuel caractère électoral les dépenses intervenues antérieurement à cette déclaration ; En ce qui concerne les réunions tenues par Monsieur Guaino : 5. Considérant que la commission a réintégré au compte de campagne le coût afférent à l'organisation de huit réunions publiques tenues par M. Henri Guaino entre le 22 octobre 2011 et le 10 février 2012, pour un montant de 17 752 euros ; 6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que ces réunions ont eu pour objet principal de présenter des éléments de bilan du mandat de Monsieur Sarkozy, d'appeler à la candidature de Monsieur Sarkozy et de promouvoir celle-ci ; que, compte tenu des fonctions exercées alors par Monsieur Guaino à la Présidence de la République et de la publicité donnée à ces réunions, elles n'ont pu avoir lieu sans l'assentiment du futur candidat ; que, par suite, la commission était fondée à procéder, en raison de leur caractère électoral, à la réintégration des sommes dont il s'agit ; En ce qui concerne le tirage exceptionnel du numéro spécial du « magazine de l'Union » : 7. Considérant que « Le magazine de l'Union » est un organe de presse destiné à l'information des adhérents de l'Union pour un mouvement populaire (UMP) ; qu'au premier trimestre 2012, un numéro spécial de ce magazine, intitulé « 5 ans d'action au service des Français » et consacré au
bilan du mandat du chef de l'État, a fait l'objet, outre le tirage habituel, d'une impression exceptionnelle de 500 000 exemplaires ; que le surcoût de cette impression a été réintégré au compte de campagne par la commission pour un montant de 71 957 euros ; 8. Considérant que le coût de réalisation d'une publication bénéficiant du régime des organes de presse ne doit pas, en principe, figurer au compte de campagne d'un candidat ; que les dépenses d'un parti politique, durant l'année précédant l'élection du Président de la République, ne doivent être intégrées dans le compte de campagne du candidat qu'il soutient que si elles ont pour objet même de promouvoir sa candidature en vue de cette élection; que la parution exceptionnelle en cause du « magazine de l'Union » avait pour seul objet de mettre en valeur le bilan de Monsieur Sarkozy à la Présidence de la République ; que cette parution doit, eu égard à son contenu et aux conditions de sa diffusion, être regardée comme ayant été réalisée en vue de l'élection présidentielle ; qu'ainsi la commission était en l'espèce fondée à procéder à la réintégration contestée ; En ce qui concerne les frais d'impression de tracts : 9. Considérant que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a ajouté au compte de campagne, pour un montant de 36 005 euros, les dépenses afférentes à quatre tracts diffusés par l'Union pour un mouvement populaire à partir de novembre 2011, dont elle a estimé le contenu manifestement électoral ; que si Monsieur Sarkozy admet la réintégration au compte des dépenses engagées au titre du tract intitulé « ce que le PS pense de François Hollande », il soutient que les trois autres étaient relatifs à la campagne des élections législatives ; qu'il en va ainsi, eu égard à son contenu, du tract intitulé « le marchandage PS - Verts sur le nucléaire » ; qu'il y a lieu, dès lors, de fixer à 28 745 euros le montant des dépenses devant être réintégrées à ce titre ; que le requérant est fondé à demander que la décision de la commission soit réformée dans cette mesure; En ce qui concerne les prestations des cabinets Giacometti-Péron et Publi-Opinion : 10. Considérant que l'Union pour un mouvement populaire a conclu avec les cabinets GiacomettiPéron et Publi-Opinion, pour la période allant du 15 février au 30 juin 2012, deux contrats d'un montant respectif de 142623euros et 95 067 euros ayant pour objet des prestations portant sur l'analyse de l'opinion et le conseil stratégique en vue de la préparation des élections présidentielle et législatives; que le candidat a inscrit sur son compte de campagne une somme égale au tiers du montant du contrat conclu avec le cabinet Giacometti-Péron, soit 47 541 euros, et aux deux tiers du montant de celui conclu avec le cabinet Publi-Opinion, soit 63 378 euros, au motif que ces ratios correspondraient à la part des prestations consacrées à l'élection
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Jurisprudence présidentielle, le reste étant destiné à la préparation des élections législatives ; que la commission a estimé que la totalité des dépenses afférentes à ces deux contrats devait être imputée à l'élection présidentielle ; 11. Considérant, d'une part, qu'eu égard aux éléments produits par le candidat et par le cabinet Publi-Opinion au cours de l'instruction devant le Conseil constitutionnel, les prestations de ce cabinet portent, comme le soutient le requérant, pour 11/19èmes sur la période antérieure à l'élection présidentielle et, pour 8/19èmes sur la période postérieure à cette date et relative aux élections législatives ; que, dès lors, il convient de retenir le montant de 63 378 euros inscrit par le candidat à son compte en ce qui concerne le contrat conclu avec le cabinet Publi-Opinion ; 12.Considérant, d'autre part, qu'aucun des éléments produits par le candidat ou par le cabinet Giacometti-Péron sur les soixante-trois réunions antérieures au second tour de l'élection présidentielle, tenues avec ce cabinet, n'établit qu'elles ont porté sur les élections législatives ; que, dès lors, les dépenses afférentes à ces réunions doivent être intégrées dans le compte du candidat ; qu'il ne peut en revanche en aller de même pour les dépenses afférentes aux sept réunions tenues postérieurement à cette date qui ne pouvaient qu'avoir trait aux élections législatives ; que ces dernières réunions correspondent à 10 % de l'ensemble des réunions ; qu'ainsi seules 90 % des dépenses du contrat avec le cabinet GiacomettiPéron, soit 128 360 euros, doivent être inscrits dans le compte ; que le candidat ayant seulement inscrit la somme de 47 541 euros, il convient d'ajouter la somme de 80 819 euros ; En ce qui concerne la réunion publique organisée à Villepinte : 13. Considérant que les dépenses engagées à l'occasion de la réunion publique organisée à Villepinte le 11 mars 2012 se sont élevées à un total de 3 042 355 euros ; que le candidat a inscrit à son compte de campagne une somme de 1 538 037 euros, correspondant à 50,4 % de ce montant, en invoquant la tenue, dans la matinée, d'un « conseil national extraordinaire » de l'Union pour un mouvement populaire consacré à la préparation des élections législatives ; que la commission a estimé qu'il convenait d'imputer au compte de campagne 80 % des dépenses relatives à l'organisation de cette manifestation et 95 % des dépenses de transport, soit un total de 2 601 902 euros ; qu'elle a, par suite, réintégré au compte de campagne une somme de 1 063 865 euros ; 14. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si un conseil national extraordinaire de l'Union pour un mouvement populaire s'est effectivement tenu le 11 mars 2012 au matin, sa durée n'a pas excédé une heure et qu'il a réuni, au maximum, 5 000 personnes, alors que la réunion ouverte au public qui l'a suivi a rassemblé au moins 50 000 personnes; que ni le candidat ni l'Union pour un mouvement populaire n'ont, dans le cadre des mesures d'instruction décidées par le Conseil constitutionnel, produit de document relatif à ce conseil national extraordinaire établissant que les thèmes abordés et les interventions avaient alors trait aux élections législatives et non à l'élection présidentielle ; qu'ils n'ont pas davantage justifié de dépenses propres à ce conseil national extraordinaire ; que, si Monsieur Sarkozy fait valoir que le coût moyen d'organisation d'un conseil national de l'UMP serait de l'ordre de
800 000 euros, cette allégation ne permet pas à elle seule, eu égard à l'importance respective des deux manifestations organisées le 11 mars 2012, de remettre en cause le partage retenu par la commission ; qu'ainsi la commission était fondée à procéder à la réintégration contestée ; En ce qui concerne le site internet du candidat : 15. Considérant que le développement du site internet du candidat a fait l'objet d'un contrat conclu entre l'Union pour un mouvement populaire et un prestataire de services informatiques pour un montant de 1 050 088 euros, réparti en six postes distincts ; que le candidat a appliqué à chacun de ces postes un coefficient, afin de tenir compte du fait que le site devait être utilisé, après l'élection, au bénéfice de ce parti politique ; qu'il a fixé à 20 % le coefficient du poste relatif à la réalisation proprement dite du site ; que la commission a fixé ce coefficient à 50 % et réintégré en conséquence la somme de 175 453 euros dans le compte ; 16. Considérant que, pour contester la décision sur ce point, le requérant se borne à soutenir qu'un taux de 20 % a été admis pour un autre poste, relatif aux applications pour téléphone portable ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le ratio retenu par la commission pour le poste relatif à la réalisation du site serait, compte tenu de l'importance de la prestation exécutée pour la campagne du candidat, surévalué ; que, par suite, la commission était fondée à procéder à la réintégration contestée ; En ce qui concerne les dépenses relatives aux manifestations publiques auxquelles a participé Monsieur Sarkozy : 17. Considérant que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a estimé que les dépenses afférentes à huit manifestations publiques auxquelles Monsieur Sarkozy a participé antérieurement à sa déclaration de candidature, dont elle ne s'est pas estimée en mesure d'établir le coût, auraient dû figurer pour partie au compte de campagne compte tenu du caractère électoral que ces manifestations avaient revêtu ; 18. Considérant que la législation relative au financement des campagnes électorales n'a ni pour objet ni pour effet de limiter les déplacements du Président de la République non plus que sa participation à des manifestations publiques s'inscrivant dans l'exercice de sa charge ; que les dépenses relatives aux manifestations auxquelles il participe n'ont à figurer au compte de campagne que s'il apparaît que celles-ci ont revêtu un caractère manifestement électoral ; 19. Considérant que, parmi les huit manifestations en cause, la réunion à l'Élysée pour le troisième anniversaire du Fonds stratégique d'investissement le 17 novembre 2011, l'inauguration du salon des entrepreneurs à Paris le 1er février 2012, les cérémonies des voeux à Chasseneuil-du-Poitou le 5 janvier 2012 et à Lyon le 19 janvier 2012, les interventions au Tricastin le 25 novembre 2011 et à Fessenheim le 9 février 2012 sur le thème de la filière nucléaire ainsi que l'intervention à Lavaur le 7 février 2012 sur la politique familiale, peuvent être regardées comme se rapportant à l'exercice du mandat présidentiel ; qu'en revanche, il n'en va manifestement pas de même de la réunion publique organisée à Toulon le 1er décembre 2011 compte tenu de l'implication de l'Union pour un mouvement populaire dans cette manifestation, de l'ampleur du public convié, comprenant
notamment des adhérents et sympathisants de l'UMP, des modalités d'aménagement des locaux et des moyens de communication déployés ; 20. Considérant que, du fait du caractère électoral de cette réunion publique à Toulon, il y a lieu de réintégrer au compte de campagne les dépenses afférentes à cette réunion, déduction faite des frais de protection et de transport attachés à l'exercice du mandat du Président de la République ; qu'il résulte des mesures d'instruction auxquelles a procédé le Conseil constitutionnel que les dépenses propres à la réunion elle-même s'établissent à 155 715 euros ; 21. Considérant qu'il n'y a pas lieu de réformer les montants non contestés de dépenses et recettes retenus par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; Sur les conséquences à tirer des irrégularités constatées : 22.Considérant qu'au vu des réformations opérées par la présente décision, le compte de campagne de Monsieur Sarkozy s'établit en dépenses, à 22 975 118 euros et, par voie de conséquence, en recettes, à 23 094 932 euros ; 23. Considérant qu'en premier lieu, les montants ainsi arrêtés résultent de la réintégration à hauteur de 1 669 930 euros de dépenses que le candidat n'avait pas ou avait insuffisamment fait figurer dans son compte de campagne, soit 7,8 % de plus que le montant des dépenses qu'il a déclarées et 7,4 % du plafond de dépenses autorisées ; qu'en deuxième lieu, parmi les dépenses qui auraient dû figurer au compte de campagne du fait de leur caractère électoral, celles relatives à la réunion publique tenue à Toulon par Monsieur Sarkozy antérieurement à sa déclaration de candidature n'ont fait l'objet d'aucune refacturation par l'État ; qu'elles ont ainsi été financées irrégulièrement, en méconnaissance des dispositions de l'article L.52-8 du code électoral, applicable à l'élection présidentielle en vertu du paragraphe II de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, qui prohibe, sous quelque forme que ce soit, la participation des personnes morales autres que les partis ou groupements politiques au financement de la campagne électorale d'un candidat ; qu'en troisième lieu, le montant arrêté des dépenses électorales de Monsieur Sarkozy excède de 466 118 euros, soit 2,1 %, le plafond autorisé ; 24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de Monsieur Sarkozy; qu'en application des dispositions précitées de la loi du 6 novembre 1962, dès lors que le compte de Monsieur Sarkozy est rejeté, celui-ci n'a pas droit au remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 5211-1 du Code électoral et doit en conséquence restituer au Trésor public l'avance forfaitaire de 153 000 euros qui lui a été versée ; que, s'il résulte des mêmes dispositions que, dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales est constaté, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques fixe une somme égale au montant du dépassement que le candidat est tenu de verser au Trésor public, le montant de ce versement, qui présente le caractère d'une sanction, ne saurait être augmenté à la suite du recours du candidat contre la décision de la commission ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de modifier le montant arrêté par la commission dans sa décision,
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Jurisprudence DÉCIDE : Article 1er :Les demandes de Messieurs René Hoffer et Raymond Avrillier sont rejetées. Article 2 : Après réformation, le compte de campagne de Monsieur Nicolas Sarkozy s'établit en dépenses à 22 975 118 euros et en recettes à 23 094 932 euros. Il est arrêté comme suit ci-dessous. Article 3 : La décision de la Commission nationale
des comptes de campagne et des financements politiques est réformée en ce qu'elle a de contraire à l'article 2. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Monsieur Nicolas Sarkozy est rejeté. Article 5 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée à Monsieur Nicolas Sarkozy, à la Commission
nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 juillet 2013 où siégeaient : Jean-Louis Debré, Président, Jacques Barrot, Claire Bazy Malaurie, Nicole Belloubet, Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Hubert Haenel et Nicole Maestracci. 2013-526
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Ministère de la Justice Suspension de la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature Paris 5 - juillet 2013 ’action politique ne vaut que si elle s’accorde avec l’intérêt supérieur du pays et si elle repose sur l’adhésion confiante des citoyens. La justice représente un recours et une protection au service de la paix sociale, en particulier en période de crise. C’est la raison pour laquelle la Garde des Sceaux, ministre de la justice, se bat pour une justice plus protectrice et plus indépendante. Sous l’autorité du Premier ministre et conformément à l’engagement du Président de
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la République, la Garde des Sceaux a engagé une réforme du Conseil supérieur de la magistrature pour donner plus d’indépendance à la Justice. Depuis octobre 2012, elle a conduit une concertation associant tous les acteurs judiciaires et les formations politiques de la majorité et de l’opposition afin d’aboutir au plus large consensus sur ce sujet d’importance. Christiane Taubira a souhaité mobiliser au-delà des postures politiques convenues et attendues et mettre à bas l’enchevêtrement cotonneux des corporatismes.
Les débats au Sénat qui viennent de se terminer hier, jeudi 4 juillet, ont démontré l’incapacité d’un certain nombre d’élus à dépasser les querelles et divisions partisanes. L’édifice d’une justice indépendante n’est pas achevé. La Ministre de la justice en appelle à la lucidité et à la force de chacun pour se rassembler et conforter l’indépendance de la justice, dans l’intérêt des citoyens.
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Source : Communiqué du 5 juillet 2013 2013-527
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Le Conseil constitutionnel hier, aujourd’hui et demain Bordeaux - 21 juin 2013 La délégation de Bordeaux de l’Association Française des Docteurs en Droit s’est réunie, à l’initiative de Dominique Lencou, le vendredi 21 juin 2013 dans les magnifiques salons de la Chambre de Commerce et d’Industrie afin de recevoir Jean-Louis Debré qui a évoqué le rôle du Conseil constitutionnel, qui se situe dans le droit fil de sa thèse de docteur en droit consacrée aux « Idées constitutionnelles du Général de Gaulle ». Jean-René Tancrède
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Jean-Louis Debré
ès les premières phrases, l’auditeur a pu prendre conscience de ce que représente sa fidélité dans ses engagements, dont nous ne citerons que les fonctions de ministre de l'Intérieur, président de l'Assemblée nationale, puis président du Conseil constitutionnel depuis le 5 mars 2007. Sa profession de magistrat et les fonctions de juge d'instruction chargé des affaires de terrorisme donnent une autre dimension à la qualité de ses propos. Son ouverture d’esprit et sa curiosité ne laissent pas indifférent devant les nombreux ouvrages qu’il a écrits tels que Le Pouvoir politique, Le Gaullisme, La Justice au XIXe siècle : Les Magistrats et Les Républiques des avocats, Le gaullisme n'est pas une nostalgie, Le Curieux, En mon for intérieur, Pièges, Quand les brochets font courir les carpes, Les Oubliés de la République, Dynasties républicaines, Meurtre à l'Assemblée, Jeux de haine… Créé par la Constitution de 1958, le Conseil constitutionnel est le garant de la constitutionnalité des lois. Initialement il ne pouvait être saisi qu'a priori, dans un délai d'un mois avant la promulgation de la loi, uniquement par le Président de la
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République, le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale ou le Président du Sénat. A partir de 1971, il exerce un contrôle de constitutionnalité de la loi non pas uniquement par rapport à la Constitution mais par rapport à un ensemble de principes appelé « bloc de constitutionnalité ». Depuis 1974, la saisine du Conseil constitutionnel peut être faite par un collège de 60 députés ou 60 sénateurs, ce qui, en ouvrant cette possibilité à l'opposition, favorise un meilleur contrôle de la constitutionnalité des lois. La réforme de la Constitution du 23 juillet 2008 permet désormais un contrôle de constitutionnalité a posteriori, par voie d'exception, pour une loi déjà promulguée, dans le cadre de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, la fameuse « QPC ». « Lorsqu'à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que, contrairement à d'autres tribunaux compétents en matière constitutionnelle tels que la Cour suprême des États-Unis, le Conseil constitutionnel français ne se situe au sommet d'aucune hiérarchie de tribunaux, ni judiciaires ni administratifs. Ces deux hiérarchies sont dominées respectivement par la Cour de cassation et le Conseil d'État. Le contrôle de constitutionnalité est un contrôle juridictionnel exercé afin de s'assurer que les normes de droit d'un Etat, respectent la Constitution. Celle-ci est, en effet, placée au sommet de la hiérarchie des normes. Ce contrôle serait ainsi une procédure ou ensemble de procédures ayant pour objet de garantir la suprématie de la Constitution en annulant, ou en paralysant l'application de tout acte, qui lui serait contraire. Deux types de contrôle doivent être distingués, « a priori », avant la promulgation d'une loi, puis « a posteriori » lorsque la constitutionnalité d'une loi déjà promulguée est contestée. Le contrôle a priori du Conseil constitutionnel avant la promulgation de la loi est fondé sur la hiérarchie des normes qui composent le système
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par une juridiction spéciale, comme en France, ou par les tribunaux ordinaires qui peuvent refuser l'application d'une loi contraire à la Constitution. Dans ce second cas, il existe néanmoins une hiérarchie de juridictions au sommet de laquelle se situe une cour dont la jurisprudence fait autorité. En France, le Conseil constitutionnel est une juridiction spécialisée qui est chargée de contrôler le respect de la Constitution et de sanctionner la non-conformité des actes des institutions politiques au regard de la Constitution. La justice constitutionnelle apparaît comme étant un contre-pouvoir qui trouve sa légitimité dans sa mission de garantir la démocratie et défendre les libertés, mais aussi ses limites lorsque le mode de désignation de ses membres est critiqué. C’est dans ce contexte qu’est entrée en vigueur le 1er mars 2010, la question prioritaire de constitutionnalité ou QPC, qui est une procédure de contrôle de constitutionnalité sur les lois déjà promulguées, dit « contrôle de constitutionnalité a posteriori ». Cette question permet, sous certaines conditions, de demander au Conseil constitutionnel de vérifier si une loi ne serait pas inconstitutionnelle en ce qu'elle « porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ». Elle a été introduite en droit français à l’occasion de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a créé l'article 61-1 de la Constitution et modifié l'article 62. Elle est à l'origine de plusieurs centaines de décisions rendues par le Conseil constitutionnel. Cette question doit cependant composer avec l'ordre juridique européen et un recours a été introduit devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin de concilier question préjudicielle devant la CJUE et question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel français. Le 22 juin 2010, la CJUE a validé la conformité de la procédure française de QPC tout en réaffirmant la supériorité du droit de l'Union, qui s'impose aux juges contre toute autre disposition nationale, même postérieure, qui serait contraire aux normes communautaires. Autrement-dit, une loi française, suspectée d'être anticonstitutionnelle, et manifestement contraire au droit européen, n'a pas besoin de passer par la procédure de QPC pour être inappliquée. Le juge national a l'obligation de faire appliquer le droit européen, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de la loi en cause par voie législative ou
par tout autre procédé constitutionnel. La QPC a indiscutablement accentué le rôle juridictionnel du Conseil constitutionnel et il est légitime de se poser la question de savoir s’il n’est pas en train de se transformer en Cour suprême. Les pères de la Constitution n’y étaient pas favorable et le souci du général de Gaulle était d'éviter ce qu'il considérait comme une dérive américaine aboutissant à une forme de « gouvernement des juges » : pour lui, « la seule cour suprême, c'est le peuple ». Cinquante cinq ans après, il faut constater que le Conseil constitutionnel n’est pas devenu une cour suprême car il ne se situe pas au sommet de la hiérarchie juridictionnelle en empiétant sur le Conseil d’État et la Cour de cassation. Il est le juge de la conformité de la loi avec la Constitution et, dans une certaine mesure, reste fidèle à l’idée de Michel Debré, qui avait eu l’occasion de préciser l'autre but de cette institution en affirmant : « Ce qu'il nous faut, c'est une arme contre la déviation du régime parlementaire ». Le pouvoir de juger et de trancher les litiges du Conseil constitutionnel en fait une véritable juridiction. Jean-Louis Debré a ensuite évoqué son dernier livre, écrit avec Valérie Bochenek, sur « Ces femmes qui ont réveillé la France » dans lequel ils posent la question de savoir qui connaît Elisa Lemonnier, JulieVictoire Daubié, Jeanne Chauvin, Madeleine Brès, Hubertine Auclert ? Les deux auteurs ont ainsi pu affirmer qu’aujourd’hui, si les jeunes filles peuvent passer le baccalauréat, suivre des études supérieures, envisager toutes les professions, voter, être élues, c'est grâce au combat de ces femmes pour imposer à une société masculine des réformes leur permettant simplement d'exister. George Sand, Colette, Marguerite Yourcenar, Simone Veil ont provoqué des prises de conscience. Marguerite Boucicaut a bousculé les règles du commerce. Marie Curie a révolutionné la recherche scientifique. Les femmes évoquées dans ce livre se sont toutes élevées contre les corporatismes, les privilèges et immobilismes. Elles ne se sont pas contentées de critiquer, elles ont proposé des ruptures, provoqué des mutations. Toutes étaient des militantes de la liberté et de l'égalité. Plus qu'un livre d'histoire, « Ces femmes qui ont réveillé la France » est aussi une réflexion sur la démocratie, la République et ses valeurs. 2013-528 Dominique Lencou
Valérie Bochenek et Dominique Lencou
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juridique d'un État de droit pour en garantir la cohérence et la rigueur. Elle est fondée sur le principe qu'une norme doit respecter celle du niveau supérieur et la mettre en œuvre en la détaillant. Dans un conflit de normes, elle permet de faire prévaloir la norme de niveau supérieur sur la norme qui lui est subordonnée. Ainsi, une décision administrative doit respecter les lois, les traités internationaux et la Constitution. La notion de hiérarchie des normes juridiques ne peut prendre tout son sens que si son respect est contrôlé par une juridiction. Le contrôle peut être effectué par exception lors d'un litige précis, comme aux États-Unis, par un juge, ou par voie d'action lors de la saisine d'un organe spécifique, comme en France. La Constitution, qui institue et organise les différents organes composant l'Etat, est en général considérée comme la norme la plus élevée. Sa suprématie peut cependant entrer en concurrence avec des règles internationales. En Europe, c'est le cas avec la Cour de justice de l'Union européenne et la Cour européenne des droits de l'Homme qui donnent la primauté aux engagements internationaux. La hiérarchie des normes en droit français intègre le bloc de constitutionnalité, le bloc de conventionalité (traités et conventions internationales, droit communautaire), le bloc de légalité (lois ordinaires, lois organiques, ordonnances, règlements autonomes), les principes généraux du droit et les règlements. Il comprend aussi la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946 et la Charte de l'environnement, depuis 2005. Le contrôle de constitutionnalité est un contrôle juridictionnel exercé afin de s'assurer que les normes de droit (lois, règlements, traités) d'un Etat, respectent la Constitution. Celle-ci est, en effet, placée au sommet de la hiérarchie des normes. Ce contrôle consiste à vérifier si une loi ou un texte réglementaire est conforme aux engagements internationaux. En effet, l'article 55 de la Constitution française, dispose que les traités internationaux ont une valeur supérieure à la loi. « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie». Le contrôle de conventionalité est un contrôle de la loi par rapport à une norme supérieure de même nature que le contrôle de constitutionnalité (par rapport à la Constitution). Depuis 1975, le Conseil constitutionnel a considéré que le contrôle du respect par la loi des conventions internationales n'était pas dans ses attributions.Le contrôle de conventionalité est donc exercé par tout juge judiciaire ou juge administratif saisi par un justiciable, même si ce dernier a plutôt intérêt à saisir les tribunaux internationaux compétents quand ils existent (Cour internationale de justice, Cour européenne des droits de l'Homme, Cour de justice de l'Union européenne pour le droit de l'Union européenne). Le contrôle a posteriori peut intervenir lorsque la constitutionnalité d'une loi déjà promulguée est contestée. Le Conseil constitutionnel, en qualité de défenseur de la justice constitutionnelle, est chargé de garantir le respect de la Constitution et de sa suprématie sur toutes les autres normes. Cette notion est inhérente à celle de l'état de droit. Selon les pays, la justice constitutionnelle est exercée
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Serge Blisko, Chevalier de la Légion d’honneur Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Paris - 2 juillet 2013
hristophe Girard, Maire du 4ème arrondissement de Paris et Conseiller régional d’Ile de France a remis, à Serge Blisko, Président de la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires (MIVILUDES) et ancien député-maire du 13ème arrondissement de Paris, les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur le 2 juillet 2013.
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Le récipiendaire, Président de la Fédération Hospitalière d’Ile de France, Docteur en médecine, recevait ses invités en l’Hôtel de Ville de Paris 13ème dont il a été le Maire du 19 mars 2001 au 12 juillet 2007. Reconnu et apprécié pour son engagement citoyen qui reflète les qualités intrinsèques d’un homme politique engagé, Serge Blisko sait écouter et conseiller son entourage
professionnel. Son esprit curieux et sa conception éthique de la vie en société forcent l’admiration de ceux qui ont la chance de le connaître. Nous adressons nos chaleureuses félicitations à l’homme actif et loyal qui conjugue avec talent pragmatisme et détermination et dont le souci du bien commun et de l’intérêt général contribue au prestige de la France. 2013-529 Jean-René Tancrède
Les Annonces de la Seine - lundi 8 juillet 2013 - numéro 43