Edition du jeudi 22 mars 2012

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Jeudi 22 mars 2012 - Numéro 21 - 1,15 Euro - 93e année

Tribunal de Grande Instance de Nanterre Nanterre - 16 janvier 2012 Philippe-Ingall-Montagnier, André Santini, Jean-Michel Hayat, Pierre-André Peyvel, Michel Gaudin et Pierre-Christophe Baguet

RENTRÉE SOLENNELLE

Tribunal de Grande Instance de Nanterre Magistrats à part entière par Philippe Courroye ................................. L’émergence d’indicateurs de complexité par Jean-Michel Hayat......

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Tribunal de Commerce de Nanterre Complexité des procédures face à la mondialisation par Philippe Courroye........................................................................... Ethique et déontologie par Yves Lelièvre ............................................

7 9 AGENDA ......................................................................................5 VIE DU DROIT

Syndicat de la Magistrature

Refonder la justice au service de la démocratie : les principales propositions dans la perspective des élections présidentielles et législatives.....................................

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Ordre des Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation

23 ANNONCES LEGALES ...................................................15 AU FIL DES PAGES L’hermine était pourpre...........................................................23 DÉCORATION Prix de thèse 2012............................................................................

Jean-Louis Scaringella Commandeur de la Légion d’Honneur................................24

'est face à un parterre de personnalités des mondes judiciaire, politique et économique, que JeanMichel Hayat a présidé l'Audience Solennelle de Rentrée du Tribunal de Grande Instance de Nanterre ce 16 janvier 2012; Philippe Courroye a débuté sont discours par le bilan de l'activité pénale de la juridiction altoséquanaise puis a appelé à « la tenue d'Etats Généraux du Parquet qui rappelleraient les réalités et la grandeur de cette formidable ossature que constitue le Ministère Public à la Française tout en engageant dans une concertation rigoureuse et dépassionnée l'inévitable réflexion du statut du Parquet à la lumière des exigences européennes ». Dans ses propos conclusifs , face aux critiques, il a dénoncé avec amertume l'attitude inacceptable des « calomniateurs du Ministère Public venus de tous horizons, aux grandes consciences de tous bords qui brandissent haut l'étendard des grands principes tout en foulant au pied la présomption d'innocence et l'impartialité ».

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Quant au Président du Tribunal de Grande Instance de Nanterre Jean-Michel Hayat, il a évoqué les grandes difficultés que rencontrait notamment la juridiction puisque le nombre de magistrats en poste était insuffisant, le signal d'alarme sur la dégradation de la situation des effectifs devant être à nouveau tiré. Pour le Chef de la juridiction, rendre compte de l'activité de 2011, c'est inévitablement parler des réformes qui provoquent « un déferlement ininterrompu de textes et de circulaires dont, notamment pour les mineurs ou l'application des peines, on ne sait plus, à quelle réforme législative, d'août, de novembre ou de décembre 2011, les modalités s'appliquent ». Il a conclu son éloquent discours par une touche d'espoir en saluant le « dynamisme et la force de proposition de celles et ceux qui travaillent au Tribunal » et qui contribuent à relever les défis majeurs auxquels se trouve confronter cette prestigieuse juridiction qu'est le Tribunal de Grande Instance de Nanterre. Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

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Rentrée solennelle

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Philippe Courroye

Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05 Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction :

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Magistrats à part entière par Philippe Courroye

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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

(…)

I. L’efficacité ’efficacité d’une action découle en premier lieu du nombre, de l’intelligence et de l’implication de ceux qui la conduisent. Comme vous, Monsieur le procureur général, je n’aime pas les audiences de rentrée qui se transforment en litanies sur le thème du manque de moyens. Alors je prendrais le problème à l’envers, en rendant un hommage d’autant plus appuyé aux magistrats de ce parquet qu’ils ont accompli leurs tâches dans un contexte dégradé et ont redouble d’efforts pour relever les défis de l’année 2011. Lors de l’audience solennelle précédente, j’annonçais une année embuée de nuages sur le front des effectifs : mutations de chefs de division expérimentés, départs non remplacés, absences dont un congé de longue maladie suivi du décès de l’une de nos collègues. Je veux, à cette occasion, rendre hommage à Jacqueline Amara, disparue aux premiers jours de novembre, alors que s’annonçait une retraite venant récompenser une longue et riche carrière : avocate, enseignante, magistrat, Jacqueline Amara avait rejoint le parquet de Nanterre depuis le 5 septembre 2005, en qualité de vice-procureur de la République. Elle avait exercé à la division des mineurs avant de diriger

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la division civile ou sa compétence était particulièrement appréciée. Avec la force d’âme, le courage et même l’humour que chacun lui connaissait, elle s’est battue 18 mois durant contre la longue maladie qui l’a emportée. Si, comme le dit Jean Cocteau : « Le vrai tombeau des morts c’e st le cœur des vivants », qu’elle sache qu’elle repose dans celui de tous ceux qui l’ont connue et aimée dans ce parquet. (…)

II. La créativité En 2011, malgré les difficultés d’effectifs évoquées précédemment, ce ministère public a su consolider et conduire des politiques pénales innovantes, des dispositifs nouveaux au sein de ses différentes divisions. a) La division des mineurs tout d’abord

« Parce que l’adulte est un enfant gorgé d’âge » pour reprendre l’image si évocatrice de Simone de Beauvoir, la justice des mineurs mobilise à juste raison toute notre énergie. L’année qui s’achève est marquée par une baisse du nombre d’affaires poursuivables impliquant des mineurs d’environ 11,5%. A première vue, on pourrait se réjouir de ce chiffre qui porte sans doute la marque des actions engagées les années précédentes pour tenter de réduire la délinquance des mineurs. Toutefois derrière la diminution du nombre des procédures se dissimule une montée en puissance de la gravité des faits de délinquance commis par des mineurs notamment des délits de vols avec violence, extorsions et infractions à la législation

Les Annonces de la Seine - jeudi 22 mars 2012 - numéro 21


Rentrée solennelle sur les stupéfiants. Par ailleurs, on observe un rajeunissement des mineurs délinquants dont il n’est pas rare d’observer le premier acte délictueux a 13 ou 14 ans. Face à ce constat, le principe de réalité a conduit le parquet de Nanterre à recourir davantage en 2011 au déférement : 790 mineurs délinquants ont ainsi été présentés au parquet contre 619 en 2010. (…) b) Au sein de la division des stupéfiants et de la délinquance organisée

Ainsi que vous le savez, notre parquet a placé aussi au cœur de son action la lutte contre les infractions à la législation sur les stupéfiants. Faut-il pour se convaincre du bien-fondé de ce combat qui, parfois, s’apparente à celui de Gilliat contre la pieuvre des « travailleurs de la mer » de Victor Hugo, rappeler que la drogue est à l’origine de nombreux faits de violence commis pour se procurer les ressources nécessaires à sa consommation ? Et qu’elle approvisionne les circuits gangrénés de l’économie souterraine au travers des infractions de blanchiment et de non justification de ressources ? Mais cette bataille jamais achevée semble porter ses fruits puisqu’une enquête nationale réalisée en 2011 par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies révèle que la consommation de produits illicites depuis 2002 (cannabis, ecstasy, cocaïne, héroïne) est en baisse. (…) c) La division économique et financière

Avec plus de 18 000 affaires traitées en 2011, la division économique et financière a poursuivi son activité dans de nombreux champs d’intervention. Je voudrais évoquer notamment la lutte contre les fraudes aux finances publiques évaluées au niveau national à 50 milliards. Cette forme de délinquance nous apparait d’autant plus prioritaire qu’elle se développe dans un contexte de crise économique aiguë ou les injustices sont, à juste raison, ressenties avec plus d’acuité et d’intolérance par nos concitoyens. C’est pourquoi notre parquet a conduit en 2011 quarante-quatre opérations dans le cadre du CODAF où la synergie de l’action de plusieurs services a permis de mettre en évidence plus de 12 millions d’euros de fraudes détectés. Outre les affaires financières complexes d’atteinte à la probité ou de détournements, cette division a souhaité également donner un nouvel élan à la lutte contre l’habitat indigne. L’implication a été identique avec les partenaires institutionnels du parquet économique et financier et j’ai, notamment, souhaité l’organisation d’une rencontre avec l’ensemble des commissaires aux comptes du ressort qui s’est tenue à La Défense le 27 septembre. Au cours de cet échange, j’ai rappelé la nécessité des liens institutionnels entre le parquet et les commissaires aux comptes, magistrats du chiffre, notamment au regard de leur devoir de révélation. (…) d) La division de l’exécution des peines

Les poursuites et les décisions prononcées n’ont de sens que si elles sont exécutées dans un délai rapide. C’est la mission de la division de l’exécution des peines qui, en 2011, n’a pas ménagé ses efforts pour tendre vers cet objectif. En juin 2011, j’ai signé un protocole avec le

bureau de l’exécution des décisions de justice pour accélérer la mise à exécution des condamnations à des peines d’emprisonnement ferme. Par ailleurs chaque commissariat du département a désormais un référent « exécution des peines ». - Sur l’année écoulée, 389 condamnes ont été déférés au parquet en vue de voir leur peine d’emprisonnement exécutée, soit une progression de plus de 16%. - Le bureau de l’exécution a reçu 5 693 personnes soit plus de 21% par rapport à 2010. - Je voudrais aussi rappeler qu’à mon initiative, une réunion s’est tenue le 12 mai 2011 avec tous

Je voudrais que vous entendiez que, derrière ces réquisitions prononcées lors des audiences correctionnelles et criminelles de la cour d’assises des Hauts-de-Seine qui siège dans cette salle où vous avez pris place, il y a des magistrats du ministère public animés par leurs missions, défendant l’intêret général, représentant la société dans le souci des victimes et le respect de ceux qui sont juges. J’avais, dans mon discours de l’an dernier, appelé, à la tenue d’Etats généraux du parquet qui rappelleraient les réalités et la grandeur de cette formidable ossature que constitue le ministère public à la française tout en engageant dans une

En 2011, malgré les difficultés d’effectifs évoquées précédemment, ce ministère public a su consolider et conduire des politiques pénales innovantes, des dispositifs nouveaux au Philippe Courroye sein de ses différentes divisions.

les acteurs et partenaires concernés pour dresser un bilan du travail d’intêret général, et dégager des perspectives d’amélioration afin de requérir, prononcer et exécuter davantage de peines de ce type. Notre juridiction a d’ailleurs été une nouvelle fois précurseur puisque cette réunion a précédé de 5 mois la journée nationale du travail d’intêret général décidée par le ministère de la Justice. - Enfin le projet de construction du centre de semi-liberté, initié également par le parquet des Hauts-de-Seine, se poursuit et devrait être achevé en 2013.

III. L’ouverture sur la cité Les actions que je viens de retracer n’ont pu souvent se réaliser que grâce à un travail commun et partenarial. Dois-je redire ce que je rappelle lors de chaque audience de rentrée ? Il est fini le temps d’une magistrature jetant un regard de défiance voire de crainte sur le monde depuis les meurtrières étroites des épais remparts d’une citadelle qui se voudrait protectrice. Ceux qui confondent indépendance et repli condamnent la justice du 21ème siècle à l’autisme et l’incompréhension. (…) A tous, je tiens à exprimer mes remerciements pour votre engagement et votre dévouement qui ont permis de présenter ce riche bilan de l’année 2011. Quant à vous, chers collègues du parquet, je sais l’exigence qui est la mienne. (…) Mesdames et messieurs je vous ai restitué, sans fard le bilan de cette année 2011 accompli par le parquet de Nanterre. Derrière ces chiffres et ces actions, je voudrais que vous perceviez l’engagement d’hommes et de femmes qui, jour après jour, inlassablement, s’efforcent de servir la justice.

concertation rigoureuse et dépassionnée l’inévitable réflexion du statut du parquet a la lumière des exigences européennes. Ce vœu n’a à mon sens rien perdu de son actualité. Je voudrais que derrière les critiques assénées sur le ministère public, derrière les attaques assassines désignant certains parquets du doigt de la calomnie qui, parfois, confine à la haine, vous rendiez justice à l’action de ces magistrats qui accomplissent en conscience leur devoir, avec dignité, courage, conviction. Je redirai ce que je rappelle à chaque discours de rentrée. Ce que vous savez et que chacun doit savoir : que les membres du ministère public sont des magistrats à part entière. Qu’être procureur ce n’est pas uniquement porter l’accusation : c’est, par une inlassable recherche de vérité, répondre à une mission de justice qui défend l’intêret général, les libertés individuelles et le respect des droits de la défense. Pour un magistrat du parquet, prendre une décision de poursuite c’est apprécier la rigueur et la solidité de charges recueillies au terme d’une enquête exigeante et contradictoire. Requérir une condamnation au nom de la société c’est demander une peine juste sanctionnant à la fois un trouble à l’ordre public, un dommage causé à une victime, un auteur d’infraction en tenant compte de sa personnalité. En recherchant ce point d’é quilibre, le magistrat du parquet remplit pleinement son devoir. Il peut en être fier. Au fond, l’éternel combat d’un magistrat est et sera toujours la crainte de l’injustice. On prête à Goethe d’avoir prononcé en 1793, lors du siège de Mayence, cette terrible parole : « Mieux vaut commettre une injustice que de créer un désordre ». J’ai souvent médité cette phrase, en réalité énoncée dans un contexte particulier qui honore plutôt l’écrivain allemand. Mais prise au premier degré, je dois vous confier qu’elle m’est toujours apparue intolérable.

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Rentrée solennelle va comparaitre devant la cour d’assises en février 2012. Au confort de l’ordre d’une vérité judiciaire établie, mais sans doute erronée puisque pour les mêmes faits, un accusé est renvoyé devant la cour d’assises par ordonnance d’un juge d’instruction, un procureur de la République ne pouvait tolérer une injustice. Il n’y a pas à l’en féliciter. Il n’a fait que son devoir de magistrat. Et la cour d’assises tranchera. Alors, aux calomniateurs du ministère public venus de tous horizons, aux grandes consciences de tous bords qui brandissent haut l’étendard des grands principes tout en foulant au pied la présomption d’innocence et l’impartialité, aux donneurs de leçons fielleux dépourvus de mémoire et de bilan, aux accusateurs doctrinaires qui, eux, bafouent la justice en salissant des hommes et des actions sans connaître la moindre ligne du dossier ou du sujet sur lequel ils pérorent, il n’y a rien à répondre.

Le bilan que j’ai dressé, nos actions, notre conscience, notre sens du devoir, sont les seules réponses aux infamies qui déshonorent non ceux qu’elles visent mais ceux qui les profèrent. Clôturant mon discours de rentrée au tribunal de commerce cette année, j’é voquais l’avenir « qui n’est pas à prévoir mais n’est que du présent à mettre en ordre ». En ces temps difficiles ou en France mais aussi hors de nos frontières, beaucoup d’hommes et de femmes redoutent l’avenir, je voudrais adresser à chacune et à chacun d’entre vous des vœux très sincères de confiance. L’affaire criminelle que j’évoquais à l’instant nous montre qu’il ne faut pas craindre les lendemains et que la justice finit toujours par triompher. Alors pour conclure, quel plus bel acte de foi en l’avenir que cette adresse prophétique de Mirabeau prononcée le 22 mai 1790 à la tribune de l’Assemblée nationale : « Le temps, ce juge incorruptible qui fait justice à tous ».

L’émergence d’indicateurs de complexité

de charges dans un contexte de fréquentes improvisations juridiques nous conduisant à des choix de priorités par défaut » Pour autant, malgré les difficultés et les tensions qu’il serait absurde de nier ou de masquer, ce tribunal a continué à progresser, grâce à la vitalité et au dynamisme de ceux qui y travaillent, dans tous les secteurs de la juridiction, avec un souci de plus en plus marqué d’une ouverture vers l’extérieur et d’entreprendre une démarche partenariale dont je souhaite bien évidemment rendre compte. (…) Puisque la période s’y prête, formons le vœu d’une réforme ambitieuse de la gestion du mode de nomination des magistrats du siège et du parquet, placée sous l’autorité directe du Conseil supérieur de la magistrature, avec pour principe simple qu’à tout départ, corresponde une arrivée simultanée dans la juridiction, avec un même calendrier s’imposant pour l’ensemble des nominations : détachements, chefs de juridiction, nominations à la Cour de cassation.

Le sous-effectif de fonctionnaires a constitué le sujet de crispation, voire de mécontentement le plus aigu auquel ont été confrontés les deux chefs de juridiction et le directeur de greffe, contraints à des ajustements incessants pour remédier aux vacances de postes, dans l’urgence. Au travers de multiples rapports, nous avons tiré le signal d’alarme sur la dégradation de la situation des effectifs. (…) Autre sujet de difficultés qui frise l’exaspération : l’avalanche de réformes qui nous vaut un déferlement ininterrompu de textes et de circulaires dont, notamment pour les mineurs ou l’application des peines, on ne sait plus, à quelle réforme législative, d’août, de novembre ou de décembre 2011, les modalités s’ appliquent. Si on ajoute à cela que nos Codes qui nous sont parvenus en novembre dernier, avec un an de retard, ne contiennent aucune réforme législative promulguée au Journal officiel depuis aout 2011, nous devons constamment jongler pour vérifier quel est le texte qui s’applique, le

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En février prochain, j’irai personnellement porter la parole du ministère public dans une affaire criminelle qui jugera un accusé pour deux meurtres de femmes commis en 2001 et 2002 sous le pont de Neuilly. Faut-il rappeler que lorsque cet homme est venu lui-même s’accuser de ces deux crimes au cœur d’une nuit de mars 2008, au commissariat de La Défense, un autre homme dormait, ou pire, ne dormait peut-être pas, à la prison de Val-deReuil. Condamné pour le premier de ces meurtres, il y purgeait depuis 6 années une peine de 18 ans de réclusion criminelle. Faut-il rappeler que, pressentant la commission d’une possible erreur judiciaire, j’ai personnellement exigé la reprise des enquêtes, ordonné des vérifications approfondies et fait exhumer les vêtements de la victime (qui par bonheur n’avaient pas été détruits) et sur lesquels plus de 6 ans après les faits, les analyses ont révélé la présence d’ADN de l’homme qui

par Jean-Michel Hayat es audiences solennelles de rentrée sont, dans le monde judiciaire, un moment important qui scande la vie de nos juridictions, au cours desquelles il nous appartient de rendre compte de l’activité écoulée, en ayant néanmoins le regard tourné vers l’avenir. Je souhaite en conséquence dresser un bilan synthétique d’une année 2011, assurément « difficile » , voire « éprouvante » pour reprendre les termes forts employés par la conférence nationale des présidents de tribunaux de grande instance qui a dressé le bilan sans fard d’une année marquée par « une pénurie dramatique de moyens face à une inflation insupportable

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Les Annonces de la Seine - jeudi 22 mars 2012 - numéro 21


Rentrée solennelle délai qui s’impose ou encore l’exacte pénalité encourue. Nous avons tous conscience de l’effet amplificateur du train des réformes né des questions prioritaires de constitutionnalité et des exigences posées par le Conseil constitutionnel sur des sujets tels que la garde à vue ou le contrôle du juge en matière de soins psychiatriques ordonnés sans consentement. Notre perception est, néanmoins, largement partagée. Ainsi, dans le « livre blanc sur la sécurité publique » que Monsieur le préfet de Police a fait parvenir à la juridiction, en novembre dernier, les mêmes préoccupations sont largement développées puisqu’il est clairement évoqué « un environnement global ressenti par les praticiens comme « générateur d’insécurité juridique » » avec depuis les années 1970, une succession de réformes et de contreréformes, une hausse impressionnante du nombre d’incriminations pénales ayant atteint à ce jour, 10 249 qualifications et la perception globale de modifications « rarement inspirées par un souci de simplification », rappelant en cela le constat également posé par le rapport Léger en septembre 2009 qui stigmatisait « des réformes successives ayant engendré un sentiment d’insécurité juridique »… avec des textes applicables « confus et enchevêtrés ». Quand un diagnostic est aussi largement partagé, il serait heureux que l’on pense à remédier, au plus vite à pareille situation et que si l’on entend réformer, une étude d’impact soit préalablement conduite pour doter les juridictions des moyens nécessaires, au moment de l’entrée en vigueur d’un nouveau dispositif législatif ou réglementaire. S’il m’est apparu nécessaire de dresser ce constat, c’est tout à la fois pour rendre compte avec sincérité des difficultés qui ont été les nôtres en 2011 mais aussi pour encore mieux mettre en relief le dynamisme et la vitalité des magistrats de cette juridiction d’autant que, dans tous les pans de notre activité juridictionnelle, l’ouverture vers l’extérieur et la recherche d’ une démarche partenariale ont été au cœur de l’action. (…) Cette nouvelle avancée dans la modernisation de notre juridiction a été rendue possible, Madame la bâtonnière, grâce à l’inscription désormais massive des avocats du barreau des Hauts-de-Seine, au RPVA qui devient un outil quotidien de dialogue sécurisé entre le tribunal et le barreau, si l’on se réfère aux dizaines de milliers de messages électroniques échangés cette année. Il reste à faire en sorte que cette avancée, désormais acquise dans la sphère civile, obtienne le même succès dans la sphère pénale. Je puis attester, par les différentes réunions de notre comité de pilotage que j’ai présidées, que les juges d’instruction de ce tribunal ont pris toute leur part dans l’évolution des pratiques en veillant de manière rigoureuse et méthodique à la numérisation de toutes les procédures d’information, dès leur ouverture jusqu’à leur clôture. Pour autant, ce travail n’est pas récompensé à sa juste mesure par un échange simplifié dans les relations entre les cabinets d’instruction et les conseils des mis en examen ou des parties civiles, alors que le recours au RPVA serait de nature à opérer un gain de temps, tant pour le

juge d’instruction que pour le greffe mais aussi pour l’exercice concret des droits de la défense. Il nous reviendra au cours de l’année 2012, Madame la bâtonnière, de veiller à lever les évidentes réserves qui freinent l’essor du RPVA dans la sphère pénale. (…) La juridiction des mineurs a également amplifié le nombre de postes de travail d’intérêt général au sein des communes de notre département puisqu’on enregistre, pour la seule année 2011, la création de 17 postes de TIG sur les communes de Clamart, Gennevilliers, Malakoff, Meudon, Suresnes et Vanves, d’où un total de 67 postes de TIG en mairie, pour le seul tribunal pour enfants. Que les élus de toutes ces communes et du Conseil général qui se sont inscrits dans cette démarche et qui nous font l’honneur d’assister à cette audience, en soient sincèrement remerciés. Au-delà de cette démarche partenariale avec les collectivités territoriales, la juridiction des mineurs a accepté au printemps dernier et à la demande de la Chancellerie, d’être juridiction pilote pour la mise en place du dossier unique de personnalité concernant les mineurs délinquants dont l’alimentation se fait au fil des procédures et je tiens à louer le dynamisme des neuf juges des enfants de cette juridiction qui se sont impliqués dans ce dispositif pour lequel nous avons fait le choix de dégager des moyens de nature à permettre, tant au parquet qu’à la défense et bien évidemment aux magistrats de la jeunesse, de disposer, en temps réel, d’une information de qualité, relative à la personnalité d’un mineur. Merci aussi aux juges des enfants d’avoir su réfléchir de manière particulièrement judicieuse à la mise en place du tribunal correctionnel des mineurs, selon des modalités qui ont fait l’unanimité auprès du service correctionnel, du parquet et du barreau, en permettant à la 20ème chambre correctionnelle spécialisée en matière de maltraitance physique ou de violences sexuelles sur des mineurs et dans laquelle siègent, tous les lundis, des viceprésidents chargés des fonctions de juge des enfants, de se transformer en TCM (tribunal correctionnel des mineurs) présidé par ce même juge des enfants, lorsqu’une affaire concernant un mineur de 16 ans encourant une peine de trois ans minimum et en état de récidive, doit être jugé. Ainsi, nous avons su « absorber » cette réforme, sans qu’elle nous coûte en moyens, pour l’heure, en respectant scrupuleusement le cadre posé par le Conseil constitutionnel. (…) Il est revenu au service du juge des libertés et de la détention de veiller à la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2011 relative aux soins psychiatriques sans consentement, avec l’organisation des débats contradictoires pour les patients hospitalisés au-delà d’un délai initial de 15 jours ou dont la prolongation de la mesure est envisagée, au-delà de six mois. Le dispositif qu’il convenait de mettre en œuvre à compter du 1er août 2011, concerne entre 40 et 50 patients par mois répartis sur cinq structures hospitalières à Antony, Colombes, Issy-les-Moulineaux, Nanterre et RueilMalmaison. Plutôt que de nous inscrire dans une logique

Agenda

3ÈME FORUM DE TRANS EUROPE EXPERTS

Les enjeux juridiques européens Nouvelles gouvernances et nouvelles régulations en Europe 30 mars 2012 Chambre de commerce et d’industrie de Paris Renseignements : contact@transeuropexperts.eu 2012-227

EXPOSITION

Les arts du cirque s’invitent à Breteuil du 7 avril au 15 novembre 2012 Château de Breteuil Choisel - Chevreuse (78) Renseignements : 01 30 52 05 02 contact@breteuil.fr - www.breteuil.fr

2012-228

SOIRÉE NETWORKING

French-American Bar Association 11 avril 2012 Hôtel Banke - Paris 9ème Renseignements : infoparis@faba-law.com ÈME

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2012-229

ÉDITION DU « SKIOPEN COQ D’OR »

La formule de détection des futurs champions du ski français du 28 au 31 mars 2012 Megève Renseignements : 01 47 10 08 30 aheger@revolutionr.com

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CONFÉRENCE-DÉBAT

Avec la QPC, le Conseil constitutionnel est-il devenu une Cour suprême ? 10 avril 2012 Chambre des notaires de Paris - Paris 1er Renseignements : 01 44 82 24 33 samia.sassi@paris.notaires.fr www.paris.notaires.fr

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Rentrée solennelle d’affrontement, le siège et le parquet de ce tribunal, avec le concours précieux de l’autorité préfectorale, ont su nouer un dialogue d’une rare qualité tant avec les médecins hospitaliers qu’avec l’agence régionale de santé. Et c’est ainsi que nous avons, à l’unanimité au sein de cette juridiction, opté pour des débats conduits par le Juge de la Détention, en salle d’audience située en milieu hospitalier, ce qui représente pas moins de quatre audiences hebdomadaires « délocalisées ». Même si je ne méconnais pas le caractère chronophage de cette option, nous ne pouvons que nous féliciter de la qualité de la relation professionnelle nouée entre l’autorité judiciaire et le monde médical, dans le souci essentiel du respect de la dignité du patient. Nous ne souhaitions pas imposer la charge par des personnels infirmiers que nous savons tous, d’expérience, totalement débordés, de transferts en ambulance, de patients, dans une enceinte judiciaire sécurisée où comparaissent à longueur de journée, des personnes déférés ou détenues. La qualité de nos débats a suscité l’intérêt de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, instance consultative composée de hautes personnalités et rattachée administrativement aux services du premier ministre.

« ordonnances de protection » qui permettent au juge, dans l’urgence, d’attribuer le domicile à la victime de violences, même si elle n’est pas titulaire du bail, de dissimuler sa nouvelle adresse et d’organiser à bref délai, les relations matérielles entre les deux conjoints ou concubins en cours de séparation. Ce dispositif est d’autant plus essentiel que le non-respect de l’ordonnance de protection par le conjoint violent est pénalement sanctionné. C’est ainsi que le CDAD, a pu ainsi signer le 25 novembre dernier, une convention avec le préfet des Hauts-de-Seine, le président du Conseil général, la bâtonnière du barreau des Hauts-de-Seine, le président de la chambre départementale des huissiers, le centre médicojudiciaire de Garches et les différentes associations concernés, convention qui a notamment permis l’instauration d’une permanence associative assurée tous les matins, dans les locaux du Palais de Justice, assurant une écoute, une orientation et une mise en forme des dossiers à soumettre au juge aux affaires familiales. (…) Puisque nous en venons en 2012, il nous faudra, chacun l’a deviné, à la lumière des glissements de contentieux, réfléchir à d’é ventuels redéploiements en interne, d’autant qu’un récent rapport sénatorial établissant un premier

Malgré les difficultés et les tensions qu’il serait absurde de nier ou de masquer, ce tribunal a continué à progresser, grâce à la vitalité et au dynamisme de ceux qui y travaillent, dans tous les Jean-Michel Hayat secteurs de la juridiction.

La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme a auditionné l’une de nos Juges de la Détention et a été autorisée à participer à une fructueuse réunion de travail avec l’ensemble de nos partenaires, trois mois après la mise en œuvre de cette réforme. Là encore, nous avons opéré des choix exclusivement fondés sur la qualité pour permettre à ce service d’accomplir sa noble mission dans le respect des patients et j’espère que nombre de juridictions feront, à terme, le même choix qu’à Nanterre. Enfin, les magistrats considèrent souvent que l’accès au droit est « la chose » du président. Or en 2011, les collègues se sont impliqués dans la réussite de deux dispositifs portés par le Conseil départemental de l’accès au droit des Hauts-deSeine. Une permanence associative accueille depuis début octobre 2011, de manière hebdomadaire le public concerné par les problèmes de surendettement, dans les locaux du tribunal d’instance d’Asnières où leur est prodiguée une information gratuite et confidentielle. En matière familiale, la loi du 9 juillet 2010 a prévu un dispositif au bénéfice des femmes victimes de violences conjugales, grâce aux

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bilan de la loi du 29 octobre 2007 sur la contrefaçon, a dressé une liste de préconisations qui ne peut nous laisser insensibles. C’est ainsi que dans le rapport établi par les sénateurs Béteille et Yung, il est notamment préconisé : 1. La spécialisation des juridictions en matière de propriété intellectuelle. Or, depuis un décret d’octobre 2008, le TGI de Nanterre a précisément une compétence régionale, sur l’ensemble de la cour d’appel. A l’heure actuelle, plus de 37% des affaires enrôlées à la 1ère chambre civile concernent des affaires relatives à cette matière. 2. Une spécialisation accrue des magistrats par la création de « filières » ou de « parcours de compétence ». 3. L’adoption par le Conseil supérieur de la magistrature, d’une politique de gestion des carrières qui favorise une durée d’affectation d’au moins dix ans des magistrats spécialisés en propriété intellectuelle. Or, Monsieur le Haut conseiller, nous voyons régulièrement nos jeunes collègues partir de la juridiction, à contrecœur, pour réaliser un avancement au premier grade alors qu’ils ont été formés à la matière et sont pleinement

opérationnels. C’est dire que cette préconisation nous apparait particulièrement fondée. 4. Un rapprochement entre magistrats pénalistes et civilistes. Le rapport préconise en effet, de « créer, au sein de chacune des juridictions spécialisées, une chambre mixte de propriété intellectuelle associant des magistrats civilistes et pénalistes, et ce afin de garantir un meilleur dialogue des juges et une harmonisation des montants d’indemnisation des titulaires des droits ». Dès lors que notre première chambre civile est également compétente pour le droit de la presse, l’idée que j’avais avancée, dans cette même enceinte, en septembre 2010, d’une chambre mixte de la presse - et désormais de la propriété intellectuelle - mérite d’être très sérieusement examinée. Ces deux contentieux ont assurément un versant pénal et un versant civil. Nul doute que cette idée animera nos débats du premier semestre 2012, sous la réserve préalable d’une remise à niveau de nos effectifs. Autre sujet essentiel sur lequel il nous faut avancer et proposer une ligne d’action, sans attendre. Tous les collègues, tant du Pôle pénal que du Pôle des urgences civiles ou du Pôle civil spécialisé, soulignent la complexité des affaires traitées par le tribunal de grande instance de Nanterre. L’implantation de 24 entreprises du CAC 40 dans le département des Hauts-de-Seine, le siège social de groupes industriels et bancaires, de la grande distribution, de matériels à vocation militaire ou de défense, d’entreprises de travaux publics, d’entreprises de presse, de laboratoires pharmaceutiques et de sociétés d’assurances génèrent des contentieux multiples qu’il s’agisse de référés sociaux, de contentieux civils, commerciaux, fiscaux, douaniers ou pénaux, des procédures tentaculaires aux enjeux considérables. Nous considérons dans cette juridiction que nous ne pouvons plus raisonner en considérant qu’une affaire en vaut une autre. Bien au contraire, chaque juridiction a sa spécificité, en raison ici d’un aéroport international, là d’un port marchand, ailleurs d’une zone frontalière, et il n’est pas question, ici, d’avoir un quelconque complexe de supériorité qui serait une insulte à nos collègues. Mais, chacun l’a bien compris, les 24 000 affaires civiles traitées, les 8 500 procédures correctionnelles jugées à Nanterre, ne peuvent plus former une somme équivalente aux procédures traitées partout ailleurs en France, en vertu de la loi statistique des grands nombres. Il nous faut réfléchir à l’émergence d’Indicateurs de complexité permettant de mieux mesurer la lourdeur de la tâche, la difficulté des dossiers soumis aux 102 magistrats en poste dans cette juridiction. Il nous faut avancer et proposer. C’est pourquoi je souhaite confier à M. Vincent Vigneau, premier vice-président chargé du pôle des urgences civiles, une mission à effectuer sur six mois, visant à élaborer des indicateurs objectifs de complexité permettant de mieux évaluer, sur des critères qualitatifs et non plus essentiellement quantitatifs , la charge de travail liée à la lourdeur et à la technicité des dossiers en réfléchissant à l’ajustement des moyens en effectifs qui devrait en découler. (…) 2012-226

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Rentrée solennelle

Tribunal de Commerce de Nanterre 6 janvier 2012

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

En présence des plus hautes personnalités de la famille judiciaire, Yves Lelièvre a présidé l’Audience Solennelle de Rentrée du Tribunal de Commerce alto-séquanien ce 6 janvier 2012, l’occasion pour ce grand banquier de dresser l’activité de la juridiction consulaire qu’il préside depuis son élection en novembre 2010. Le Procureur de la République Philippe Courroye s’est notamment plu à reconnaître la qualité du soutien du Tribunal de Commerce de Nanterre aux entreprises en difficulté. Jean-René Tancrède

Pierre-André Peyvel, Philippe Courroye, Yves Lelièvre et Alain Nuée

Complexité des procédures face à la mondialisation par Philippe Courroye e tiens en premier lieu, Monsieur le président, a vous féliciter pour votre réélection à la présidence du tribunal de commerce de Nanterre, 2ème juridiction consulaire de France. Par ailleurs le garde des Sceaux vous a désigné en qualité de membre du Conseil national des tribunaux de commerce, présidant la commission en charge de la formation et de la déontologie des juges consulaires. Sachez que cet heureux choix réjouit le Ministère public des Hauts-de-Seine et au-delà, j’en suis sûr, le monde économique et judiciaire. Cette réélection et cette nomination, témoignent de la reconnaissance unanime de votre compétence, de votre autorité, de votre engagement et de la confiance que l’on place en vous. Dans ce tribunal qui est le vôtre depuis un an, vous avez imprimé votre sens de la justice, votre professionnalisme et votre conception du rôle de la justice consulaire.

J

Attaché à la culture de l’anticipation des difficultés, sensible aux enjeux économiques et sociaux, vous vous attachez toujours à soutenir, avec discernement et prudence, les entreprises en difficultés pour assurer leur continuité, la sauvegarde des emplois, éviter le conflit ou trouver une solution. Cette tâche est ardue encore plus ardue aujourd’hui, et nous avons pu l’éprouver à une époque où les procédures gagnent en complexité économique et juridique. Nous avons pu constater lors du traitement de dossiers complexes, combien votre capacité de dialogue et d’é coute, votre autorité étaient déterminantes dans les négociations menées par les mandataires ou conciliateurs avec les partenaires de l’entreprise, les créanciers institutionnels, les banques et les clients. Permettez-moi aussi de me réjouir de la qualité des relations que vous entretenez avec les magistrats de mon parquet et avec moi-même. Nous échangeons de manière fructueuse sur la conduite des dossiers pour innover et faire évoluer certaines pratiques afin de gagner en qualité, efficacité et rapidité. Enfin, je tiens à dire que vous avez toujours été extrêmement attentifs à nos propositions et à la teneur de nos réquisitions. Soyez chaleureusement remercié de ce respect sans cesse manifesté. (…)

Ayant pris l’initiative l’année passée de créer un groupe de travail sur la dématérialisation des échanges entre le greffe du tribunal de commerce et le parquet dans le cadre des procédures collectives, j’ai pu apprécier le total engagement de Jacques et de Charles-Henri Doucède. Cette initiative a été entendue puisque le garde des Sceaux a annoncé que le tribunal de commerce de Nanterre serait l’une des trois juridictions pilote pour expérimenter ce dispositif de communication qui pourra ensuite être étendu à l’ensemble des tribunaux de commerce. Nous avons également pu apprécier l’efficacité de votre greffe dans la réflexion que nous avons menée pour lutter contre les habitués du passer outre à l’interdiction de gérer. En effet, l’absence de fichier national des interdits de gérer nous avait conduit l’année dernière à créer une cellule de détection des interdits de gérer composée de magistrats du tribunal de commerce, de magistrats de mon parquet, du greffe du tribunal de commerce, des services de l’Urssaf, de la Banque de France, et de la direction départementale des finances publiques. Cette cellule a pour objet de mutualiser nos informations afin de débusquer ces dirigeants qui refusent de se soumettre aux décisions de justice, qu’elles soient prononcées

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Rentrée solennelle par le tribunal correctionnel ou par le tribunal de commerce. Cette cellule s’est déjà réunie à deux reprises et l’é change d’informations entre les différents participants peut être qualifié de particulièrement fructueux. A ce jour, une trentaine d’enquêtes préliminaires relatives à des faits de violation d’interdiction de gérer ou de diriger prononcés par le tribunal de commerce ou le tribunal correctionnel sont actuellement en cours et, les commissariats du ressort vont être saisis dans les tous prochains jours de la situation de 230 dirigeants qui ne respectent pas ces décisions de justice leur ayant interdit de gérer ou diriger une entreprise ou une personne morale. Ces chiffres, éloquents, nous démontrent, au tribunal de commerce comme dans n’importe quelle autre juridiction, que notre action ne doit pas s’arrêter au prononcé de la sanction mais aussi aller au-delà pour nous assurer de son effectivité et de son respect. Enfin, je sais que votre capacité d’innovation et votre professionnalisme seront fort utiles dans

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Philippe Courroye

la tenue du nouveau fichier des interdits de gérer que le législateur devrait vous confier prochainement. Ce nouvel outil permettra l’exercice d’un contrôle renforcé au moment de l’immatriculation de détecter les comportements frauduleux et d’engager les poursuites appropriées après enquête. Je veillerai personnellement à ce que le parquet prenne des réquisitions fermes contre ces auteurs d’infraction qui, manifestement n’ont pas compris le sens de la mesure commerciale d’interdiction de gérer. Il s’agit de protéger la flore et la faune économique contre des individus qui n’ont pas les compétences, la rigueur et le sens des responsabilités pour diriger une entreprise et qui, de ce fait, polluent gravement notre tissu entrepreneurial. Je tiens aussi à saluer les mandataires de justice, administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises, qui exercent une mission difficile, exigeante et souvent exposée à la critique et dont je sais tout le sérieux et la détermination. En contact direct et permanent avec les dirigeants des entreprises en procédures

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collectives et leurs partenaires, ils doivent gérer des situations délicates. Leur professionnalisme et la mission de service public qu’ils remplissent sont déterminants dans la recherche de solutions économiques et sociales. Quels constats tirer de cette année judiciaire ? Au cours de l’année 2010, l’impact de la crise économique semblait s’être tassé, le nombre

incidents de procédures témoigne de la complexité des contentieux entourant les procédures collectives sont de plus en plus nombreux. J’ai jusqu’ici évoqué la mission d’aide et de soutien du tribunal de commerce aux entreprises en difficultés qui permet à l’activité économique de perdurer mais il ne faut pas

Le faits marquant de l’année 2011 est l’accroissement sensible de situations entrepreunariales qui démontrent l’influence de la mondialisation de l’économie sur notre paysage industriel.

Philippe Courroye

d’ouvertures de procédures collectives ayant connu une légère baisse par rapport à 2009. L’année 2011 a été plus sombre puisque marquée par 1 197 ouvertures de procédures collectives soit une hausse de 3% par rapport à l’année dernière. Cette augmentation est le reflet d’une hausse très sensible du nombre d’ouvertures de procédures de redressement judiciaire, 206 contre 166 en 2010 soit une hausse de 24% alors que le nombre de liquidations judiciaires connait un léger tassement, 998 en 2011 contre 1 037 en 2010. Au-delà des procédures collectives de redressement et liquidation judiciaire, les procédures de prévention : le mandat ad hoc, la procédure de conciliation et la procédure de sauvegarde, trouvent tout leur intérêt au cours de période de crise économique en ce qu’elles permettent au dirigeant de se placer sous la protection du tribunal au plus tôt des difficultés. Si le nombre de mandats ad hoc est en baisse sensible, 20 mandats ouverts en 2011 contre 41 en 2009 et en 2010, le nombre de procédures de conciliations est en légère hausse, 35 en 2011 contre 30 en 2010 tandis que le nombre de procédures de sauvegarde est en diminution cette année de plus de 40% : 19 procédures ont été ouvertes contre 27 l’année dernière. Que nous révèlent ces chiffres ? Que certes les dirigeants n’attendent plus que la situation soit irrémédiablement compromise pour saisir le tribunal. Le nombre d’ouverture de redressement judiciaire témoigne de cet état de fait. Mais au-delà des chiffres, le faits marquant de l’année 2011 est l’accroissement sensible de situations entrepreunariales qui démontrent l’influence de la mondialisation de l’économie sur notre paysage industriel. A plusieurs reprises cette année, votre tribunal a eu à connaître de situations délicates de sociétés holding ne pouvant plus assurer le maintien de l’activité sur leur site de production qui eux se situent, hors de notre ressort. Nous portons une attention particulière à ces affaires en raison de leurs enjeux sociaux, puisque le plus souvent ce sont plusieurs centaines d’emplois qui sont en jeu, et de leur impact sur le tissu industriel français. Votre décision de créer une chambre de procédure collective supplémentaire qui siègera deux fois par mois pour statuer sur tous les

oublier que nous avons, vous et moi la tâche de rechercher la responsabilité personnelle des dirigeants peu scrupuleux qui parfois pillent l’actif des sociétés qu’ils dirigent au préjudice de leurs salariés et de leurs créanciers ou commettent des fautes de gestion graves qu’il convient de sanctionner pécuniairement et/ou professionnellement. Si les fautes de gestion ont aggravé significativement le passif de leur société, les dirigeants peuvent être condamnés au comblement de tout ou partie de l’insuffisance d’actif. Il nous revient aussi d’é carter définitivement ou à titre temporaire le dirigeant fautif ou incompétent. Vous avez rendu en 2011, 119 jugements de sanctions (136 en 2010). Malgré une légère contraction, ce chiffre demeure significatif et démontre que nous sommes toujours soucieux que les dirigeants de personnes morales soient comptables devant la juridiction consulaire des actes commis dans le cadre de leur gestion. Je me félicite que les mandataires judiciaires sachent distinguer, dans les dossiers dont ils ont la charge, les cas où il est utile pour la procédure et pour l’intérêt de tous, d’attraire en comblement de passif les dirigeants qui ont de manière inacceptable outrepassé leurs pouvoirs. Mon parquet exerce une particulière vigilance dans la recherche de la responsabilité pénale des dirigeants et assure la répression des infractions révélées au cours des procédures collectives. Le tribunal de commerce constitue un observatoire privilégié du comportement fautif des dirigeants et les magistrats de la section commerciale ont su vous démontrer toute leur réactivité dans des dossiers qui révélaient que des infractions étaient en train de se commettre au moment même où votre tribunal était saisi d’une demande d’ouverture de procédure collective. Nous avons pu constater combien cette réactivité était déterminante dans certaines procédures collectives où des faits des nature pénale apparaissaient. J’ai en tête au moins deux dossiers d’importance dans lesquels, concomitamment à la procédure collective, j’ai saisi la brigade financière d’enquêtes qui sont actuellement en cours. Ces enquêtes portent sur les conditions dans lesquelles des sites d’exploitation ont été fermés ou encore sur le non-respect par un repreneur de ses engagements. (…)

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Rentrée solennelle La déontologie, tout d’abord : Ce thème m’est cher, d’autant plus qu’au sein du Conseil national des tribunaux de commerce, récemment renouvelé par le garde des Sceaux, j’assume la responsabilité de la Commission déontologie. Si la légitimité du juge du commerce est fondée sur son élection, elle repose essentiellement sur un comportement éthique irréprochable. L’éthique et les règles déontologiques qui l’encadrent sont indissociables. « La morale publique est le complément naturel de toutes les lois : elle est, à elle seule, tout un code », disait Napoléon Ier (Las Cases, Mémorial de Sainte Hélène). Se trouver face à un juge indépendant et impartial, tel est le fondement de la confiance aux yeux du justiciable.

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Yves Lelièvre

Un juge Indépendant

Ethique et déontologie par Yves Lelièvre (…) a juridiction vient de me renouveler sa confiance pour la conduire, le temps d’un nouveau mandat. J’en mesure, une fois encore, et en connaissance de cause, le poids et la lourde responsabilité. Au-delà du caractère formel de cette audience d’installation, c’est une juridiction vivante que je voudrais vous donner à voir aujourd’hui. Une juridiction qui sait s’interroger pour mieux progresser. Une juridiction qui sait évoluer et s’adapter aux mutations que connaît le monde économique. Certaines mutations sont visibles, d’autres, bien qu’offertes à la vue de tous, interviennent sans bruit mais modifient des repères pourtant bien établis : - la prééminence du droit européen dans les droits nationaux, - la forte demande de droit, - la circulation instantanée de l’information, - et la numérisation de l’économie. en sont des exemples permanents. Dans ce contexte, les entreprises attendent des décisions impartiales, transparentes, cohérentes et rendues dans un délai raisonnable. C'est-àdire une sécurité juridique qui se doit d’être notre bien commun. Ainsi que le président Drummen et moi-même l’avions rappelé : - la déontologie, - la compétence professionnelle, - et l’ouverture sur le monde extérieur, sont les trois principes qui fondent l’action de notre tribunal.

L

En 2011, comme annoncé, nous en avons renforcé l’application :

Nous devons veiller, en permanence, à conserver une séparation entre nous-mêmes et ce que nous avons à juger. Nous devons avoir le juste regard, celui qui ne laisse pas le champ libre au sentiment. Nous devons faire montre de discernement et de distance par rapport aux parties et aux faits que nous sommes amenés à juger. Il n’est de juge qu’à distance, non pas d’une distance froide, inhumaine, mais d’une distance intellectuelle et institutionnelle nous permettant d’être un tiers le temps du procès. C’est cette position de tiers dans l’exercice de nos fonctions juridictionnelles qui est la marque de notre indépendance. C’est, d’ailleurs dans cette démarche que s’inscrit la protection du secret des affaires, thème de réflexion du dernier congrès de la Conférence générale des juges consulaires de France, présenté par Edith Deboude, présidente de chambre honoraire de notre tribunal.

Un juge impartial L’impartialité est une condition indispensable du bon fonctionnement de la justice et une garantie fondamentale offerte au justiciable. Madame la présidente du tribunal de grande instance de Paris, Chantal Arens, rappelait, récemment, les propos du chancelier Michel de l’Hospital, dans une harangue prononcée le 17 août 1563 devant le parlement de Rouen et qui faisait de l’impartialité la vertu cardinale du juge en précisant : « Si vous ne vous sentez pas assez fort et juste pour commander vos passions et aimer vos ennemys, selon que Dieu commande, abstenezvous de l’office de juges ». Comme vous le savez, cette impartialité doit être effective et respectueuse des textes du CPC et du Code de commerce qui s’y rapportent. Mais elle doit être, également, apparente comme le précise la Cour européenne des droits de l’Homme dans ses décisions concernant l’application de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Le justiciable ne doit pas être confronté à une situation qui pourrait laisser croire même à tort,

que les juges ne sont pas impartiaux. Depuis de nombreuses années, nous disposions d’un recueil de nos règles et usages. Cette année nous l’avons réécrit, complété et transformé pour en faire la Charte du tribunal. Celle-ci traite de l’organisation, du fonctionnement, de la vie et des usages. Elle traite de la formation. Mais, aussi, de la déontologie et, sur ce point, elle intègre toutes les évolutions récentes. Elle précise les comportements que nous devons avoir entre nous, mais aussi face aux auxiliaires de justice et aux justiciables. Elle rappelle enfin les règles qui nous gouvernent en matière disciplinaire. En parallèle à cette Charte nous avons souhaité organiser ce que nous appelons une veille déontologique permanente. A cette fin nous avons mis en place, un comité de déontologie composé de 5 juges, choisis parmi les plus anciens d’entre nous et présidé par le vice-président. La mission de ce comité est de répondre aux interrogations des juges et de prévenir des situations qui pourraient dériver en conduites fautives en attirant l’attention du président si nécessaire. Elle est aussi de décliner les règles qui permettront au juge de se poser les bonnes questions au bon moment pour qu’il ne manque jamais à son serment. Parallèlement ce comité est à l’écoute de tout justiciable qui soulèverait une question d’éthique et de déontologie. La mise en place de ces deux outils, la Charte du tribunal et le Comité de déontologie n’a pas pour but d’apporter une réponse à des problèmes existants ni même latents. Elle a pour objectif premier de nous aider, nous juges venant de l’entreprise, à cerner les pièges et les risques de déviations possibles et à nous donner les moyens d’y faire face. Au-delà de la déontologie nous avons un devoir de compétence. Juger, ainsi que l’a souvent rappelé Jean-Louis Nadal, dont la présence ce soir nous honore, est un métier. Ce métier, comme tous les métiers, nécessite un professionnalisme de plus en plus marqué. Rendre la justice, dans la société d’aujourd’hui, ne peut se réduire à une simple gestion de dossiers. C’est une œuvre de réflexion faite de savants équilibres justes et raisonnés. « La justice se meurt dès l’instant où elle devient un confort », déclarait Albert Camus à l’Académie de Suède. La compétence professionnelle n’est jamais définitivement acquise et demeure toujours perfectible. Pour améliorer notre compétence nous avons retenu une amélioration de la formation et la mise en place d’un nouvel outil. Sur la formation : - Au niveau de la formation initiale des juges nouvellement élus :

L’offre, de l’ENM, est composée de 7 sessions de formation générale qui traitent de l’organisation judiciaire, du comportement du juge et des bases juridiques. A été ajoutée, cette année, une formation complémentaire pour les juges qui ont un ou deux ans de pratique, en quelque sorte une piqûre de rappel. Elle porte principalement sur

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Rentrée solennelle les aspects méthodologiques, notamment sur la rédaction du dispositif des jugements, et la procédure. Nous complétons cette offre par ce que nous appelons des répliques. A chaque module correspond une séance complémentaire de formation qui en reprend l’essentiel en l’adaptant à nos problèmes spécifiques. Nous y ajoutons des cas pratiques et des jeux de rôle. La formation initiale, qui est remarquablement suivie, est appréciée et reconnue comme une formation de qualité. Demeure pour atteindre le niveau d’excellence, que l’on vise, une mise à jour systématique des supports de formation. - Au niveau de la formation continue et spécialisée, l’offre est multiple :

Elle comporte des formations spécifiques pour les juges amenés à prendre en mains des fonctions d’encadrement telles que la présidence

C’est un modèle pour nos propres délibérés, lesquels doivent demeurer la pierre angulaire de la formation. Sur les outils, le greffe a mis en place le Portail du juge. Portail qui permet à chacun d’entre nous : . d’accéder à l’ensemble des informations qui le concerne : liste des affaires enrôlées, calendrier des audiences et historique, . d’accéder à une bibliothèque juridique d’importance comprenant entre autres les avis de la commission juridique, . à la jurisprudence et notamment à celles de notre tribunal et de la cour d’appel de Versailles. L’année 2012 devrait être marquée par l’intégration des actes de procédure des avocats dans le portail du juge et par la mise à disposition d’un fonds de documents de formation.

Il n’est de juge qu’à distance, non pas d’une distance froide, inhumaine, mais d’une distance intellectuelle et institutionnelle Yves Lelièvre nous permettant d’être un tiers le temps du procès.

d’une chambre dans un tribunal de commerce ou la présidence d’un tribunal de commerce et des formations continues par domaine de droit, telles que la preuve, l’interprétation des contrats ou la fixation des dommages intérêts. Chaque année de nouveaux thèmes sont abordés en liaison avec les préoccupations de nos tribunaux. On peut citer le droit informatique, l’internationalité du litige ou la reconnaissance et l’exécution des décisions civiles dans l’Union européenne. En 2012 l’accent sera mis sur les techniques de la communication et de l’entretien, sessions indispensables pour accompagner le développement de la conciliation et la prise de distance dans nos décisions. Il nous appartient, en liaison avec l’Ecole nationale de la magistrature, de veiller à une bonne et complète intégration de cette formation continue dans le cursus de chacun des juges durant toute leur judicature. En tant que membre du Conseil d’administration de l’ENM je veux, ici, témoigner de l’implication très forte de cette prestigieuse école dans sa volonté d’assurer aux juges consulaires des formations de qualité. Nous avons, aussi, la possibilité d’assister à des délibérés à la chambre commerciale de la Cour de cassation et à des échanges de points de vue à la cour d’appel de Versailles. Il nous appartient de veiller à ce que chacun de nous y assiste. C’est une source d’enseignement particulièrement appréciée. Les présidents et conseillers que nous rencontrons nous offrent des échanges où l’étendue de la connaissance et la profondeur de la réflexion le disputent à l’humilité.

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Une justice rendue par des juges compétents, indépendants et impartiaux, attentifs aux conséquences économiques, financières et sociales de leur décision c’est simple à énoncer et tellement évident que cela ne peut susciter aucune contradiction. Il est de notre responsabilité d’y veiller en permanence. Déontologie, professionnalisme mais aussi ouverture sur l’extérieur :

J’avais relevé l’an dernier que nous nous engagions dans des voies nouvelles. J’avais évoqué : Dans le domaine des conflits commerciaux la nécessité de développer la culture de l’apaisement par la conciliation et la médiation, et dans le domaine des difficultés des entreprises la culture de l’anticipation par la prévention, le mandat ad hoc et la conciliation. Nous avons progressé dans ces deux voies, mais beaucoup reste à faire car cette évolution n’est ni suffisamment connue, ni encore reconnue. Nous souffrons d’un déficit d’image et de rayonnement. Nous ne sommes pas uniquement un lieu où l’on juge, où l’on sanctionne, où on liquide !!! Notre ouverture vers l’extérieur correspond à cette volonté, à cette nécessité de nous rapprocher du monde de l’entreprise et du monde de l’enseignement : Avec le monde de l’entreprise nous avions des contacts naturels par l’intermédiaire, notamment, de la CCI, de la CGPME, du MEDEF. Nous avons décidé de les renforcer sous forme de partenariats organisés.

C’est ainsi que nous avons participé : Avec la CCI à des réunions, à intervalle régulier, avec de jeunes chefs d’entreprise, avec la CGPME à des colloques, le dernier a eu lieu à Boulogne-Billancourt, le mois dernier sur le thème de la conciliation. Nous coopérons aussi avec le Conseil général des Hauts-de-Seine et avec les communes du département qui le souhaitent et que nous rencontrons. Je me félicite des premières actions qui ont pu déjà être menées avec la ville de BoulogneBillancourt. D’autres verront le jour dans les semaines à venir avec d’autres communes, je l’espère rapidement avec celle de Nanterre. Ouverture sur le monde de l’enseignement :

Le lycée de Sèvres assure des formations post bac avec pour objectif de former de futurs experts-comptables et commissaires aux comptes. Nous venons de célébrer le 20ème anniversaire de notre jumelage. Nous ouvrons aussi nos portes : A l’université de Nanterre Paris X, avec qui nous avons initié, depuis plusieurs années, une première action qui permet à des étudiants du master de mieux comprendre notre organisation et le rôle de notre juridiction. Nous allons organiser avec cette prestigieuse et si proche université, de nouveaux partenariats, je l’espère dès cette année. Avec l’université de Paris XII nous accueillons des étudiants en droit des affaires. Mais notre ouverture commence, bien entendu, avec les juridictions de notre ressort. Nous développons des relations régulières et de grande qualité avec la cour d’appel de Versailles. Un colloque organisé en commun et avec la participation de la faculté de droit de Nanterre se tiendra au mois de mars prochain. Qu’il me soit permis de remercier, pour son initiative et son implication Monsieur Ingall Montagnier, procureur général près de cette Cour. Des réunions d‘é change, des présences aux audiences de la cour d’appel interviendront dans le courant de cette année. Avec le tribunal de grande instance de Nanterre, et son président Jean-Michel Hayat nous entretenons des relations, régulières qui nous permettent à la fois de mieux nous connaître et d’échanger sur des préoccupations communes. Nous avons, d’ores et déjà, fixé un planning de réunions qui commenceront prochainement et qui concerneront les référés, les ordonnances sur requête, les expertises et les procédures collectives. (…) Permettez- moi de former deux vœux : Nous nous sommes engagés avec détermination dans cette fonction, puissions-nous continuer à servir les justiciables, dont nous avons la charge, dans des conditions satisfaisantes pour tous. Le second est plus personnel et s’adresse à chacun d’entre nous, puissions-nous trouver en nous-mêmes le monde meilleur que nous recherchons avec tant d’obstination. Et pour ceux qui craignent l’avenir, pourquoi ne pas faire appel aux épicuriens et aux stoïciens et méditer cette réflexion de Sénèque, apôtre de la vie heureuse : « Hâte toi de bien vivre et songe que chaque jour est à lui seul une vie. »

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Vie du droit

Syndicat de la Magistrature Refonder la justice au service de la démocratie

Dans la perspective des élections présidentielles et législatives, le Syndicat de la Magistrature a élaboré un projet pour la justice et les libertés articulant constats, analyses et idées de réforme. Les sujets abordés sont nombreux : les nominations dans la magistrature, le parquet, la police judiciaire, le fonctionnement des juridictions, les droits des parties, le statut pénal des ministres et du chef de l'Etat, les contrôles d'identité, la garde à vue, la prison, les drogues, la liberté de la presse, la maladie mentale, la justice des mineurs, les droits des étrangers, les fichiers de police... Nous publions ci-après un document synthétique, intitulé « Refonder la justice au service de la démocratie », présentant les principales propositions de réforme.

es gardes des Sceaux et les exercices d’autosatisfaction se succèdent, mais les faits sont têtus : qui peut croire aujourd’hui en France que l’institution judiciaire est à la hauteur de ses missions ? S’il est bien un subterfuge politique qui ne trompe personne, c’est celui - inlassablement reconduit par une chancellerie repliée dans sa bulle technocratique, toujours plus informée et cependant sans cesse plus ignorante de la vie judiciaire - d’une justice « moderne », aussi efficace que démocratique. La réalité, hélas, est tout autre. Notre justice est à la fois trop lente et trop rapide, parfois brutale, difficile d’accès, inégalitaire, pauvre, mal organisée, peu compréhensible, sous influence… Et ce n’est pas faute pour ses professionnels - qui ont choisi de travailler au service du bien public - de vouloir qu’il en soit autrement. Au risque, pour nombre d’entre eux, de s’épuiser à compenser les immenses faiblesses d’un système que le pouvoir politique s’obstine à vouloir faible et critiquable… Car, une fois gratté le vernis rhétorique des discours enjôleurs et dissipé le halo des minuscules et « grandes » réformes, la situation de la justice française apparaît pour ce qu’elle est : profondément archaïque. Les Français, diton, « n’ont plus confiance dans leur justice ». Cette confiance, disons-le, n’a jamais été acquise. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Non, en effet, notre justice n’est pas réellement indépendante ; non, elle n’est pas vraiment en mesure de protéger les libertés individuelles ; non, elle n’est pas pleinement respectueuse de ses usagers. En ce sens, oui, cette justice est primitive - non parce qu’elle serait figée dans ses principes comme le voudrait la vulgate des faux modernisateurs, mais précisément parce que ces principes n’ont pas été réalisés. Loin d’être corrigé, cet archaïsme a été considérablement aggravé ces dix dernières années. La justice a enregistré des régressions majeures qui l’ont affectée dans toutes ses dimensions - comme institution républicaine, comme régulateur social et comme service public. Tandis que les éditorialistes glosent sur le « divorce » entre le peuple et la justice et

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qu’un gouvernement en mal de légitimité prétend les rapprocher tout en s’employant chaque jour à les éloigner davantage, les citoyens constatent par eux-mêmes ce qu’il en est : la « rationalisation » libérale, dans sa composante sécuritaire, est à la rationalité ce que la démagogie est au peuple. Ce qui domine, finalement, c’est bien le constat d’un système absurde, du moins au regard des fins qu’il est censé poursuivre. Et ce constat d’absurdité, de non-sens, voire de perte de substance de l’idée même de justice, est également celui que dressent les acteurs du système judiciaire, dont les idéaux nécessaires se heurtent quotidiennement au mur d’un « pragmatisme » qui se moque éperdument du réel. Renouer avec la justice sera à l’évidence l’un des enjeux majeurs des prochaines élections présidentielles et législatives. Non pas, bien sûr, parce qu’il faudrait satisfaire des personnels au demeurant conscients de leur faible poids électoral ; et « renouer » ne signifie pas qu’il y aurait lieu de se référer à un « âge d’or », dont on chercherait en vain la trace. Ce qui est en jeu, c’est un pan entier de notre organisation démocratique, dont l’inaccomplissement et a fortiori la décomposition nuisent à l’ensemble de la société - et qu’il est donc impérieux de repenser. Pour ne plus être l’ombre d’elle-même, la justice française a besoin d’une ambition. Il ne s’agira pas de rafistoler, encore moins de promettre. Symétriquement, nous ne saurions nous contenter de déplorer, ni même de réclamer des transformations profondes avec des formules creuses. C’est pourquoi le Syndicat de la magistrature, qui depuis près d’un demi-siècle travaille à l’élaboration d’une doctrine vivante, instruite de la diversité des pratiques judiciaires et nourrie de valeurs résolument progressistes, entend saisir l’occasion de ces nouvelles élections pour formuler des propositions claires et précises, ambitieuses et réalistes. Nous souhaitons ici en reprendre les lignes de force, organisées autour d’un objectif que commande l’état de la situation du droit et de la justice en France : la refondation guidée par

le souci de l’intérêt général. Retourner aux sources, donc, pour que la justice trouve enfin sa place dans une société de liberté respectueuse de l’humain. Les références communes ne manquent pas, à commencer par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et, plus généralement, par l’esprit des Lumières. A cette aune, la justice est - ne peut qu’être - totalement indépendante et équitable, au service de citoyens véritablement libres et égaux en droit. Telles sont les conditions de son efficacité démocratique. Cette pleine justice-là est parfaitement possible, encore faut-il se donner la peine de l’imaginer plus concrètement… et surtout la vouloir !

Une justice enfin indépendante et équitable… Garantir l’impartialité du Conseil constitutionnel

La révision constitutionnelle de 2008 a considérablement accru le rôle de cette instance, désormais régulièrement saisie de questions prioritaires de constitutionnalité dans le cadre de procédures contentieuses devant les juridictions administratives ou judiciaires ; ses décisions influent donc directement sur le sort de ces affaires. Dans ces conditions, il est plus que jamais impératif de réformer les modalités de désignation des membres du Conseil pour mettre fin à la partialité politique qui pèse sur sa composition actuelle. Il faudra, bien évidemment, en écarter les anciens présidents de la République - à ce jour encore membres de droit à vie en vertu d’un privilège invraisemblable qui n’existe dans aucun autre pays démocratique -, et confier au seul Parlement, avec délibération à la majorité qualifiée dans chacune des deux chambres, le pouvoir de nommer les membres du Conseil, qui devront justifier par ailleurs de compétences juridiques avérées. Le président du Conseil - aujourd’hui désigné par le chef de l’Etat - devra être élu en son sein.

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Vie du droit Achever la transformation du CSM pour émanciper la justice

La réforme incomplète du Conseil supérieur de la magistrature par les lois constitutionnelle et organique du 23 juillet 2008 et du 22 juillet 2010 n’a pas permis de mettre un terme aux nominations politiques, devenues la norme dans les rangs de la haute hiérarchie du parquet ; pour rompre avec cette sinistre tradition et, plus généralement, pour sortir la magistrature de l’orbite de l’exécutif et ainsi instaurer une véritable séparation des pouvoirs, tous les magistrats, du siège comme du parquet, devront être nommés par le CSM qui, pour accomplir cette mission, se verra rattacher une partie de la direction des services judiciaires. Les décisions de nomination dans les postes les plus importants devront être motivées. Mais cet objectif tendant à voir l’ensemble des magistrats nommés au regard de leurs compétences, et non de leur docilité ou de leur entregent, ne pourra être atteint que par une nouvelle réforme du CSM lui-même afin d’en assurer définitivement l’indépendance à l'égard du pouvoir politique ; le mode de désignation des « personnalités extérieures » devra ainsi être révisé pour limiter l'influence du fait majoritaire en prévoyant que ces nominations soient avalisées par une majorité qualifiée des trois cinquièmes du Parlement. Par ailleurs, la discipline des magistrats du siège comme du parquet devra être entièrement aux mains de ce nouveau CSM, auquel sera

des mécanismes d'attribution des dossiers aux parquetiers et en prévoyant une possibilité de recours en cas de dessaisissement par la hiérarchie. La conduite des enquêtes pénales ne saurait en outre être effectivement indépendante sans officiers de police judiciaire en capacité d’exécuter loyalement les missions qui leur sont confiées et sans risque d'intrusion du pouvoir exécutif dans les procédures ; c'est la raison pour laquelle il conviendra de constituer des unités de police judiciaire rattachées à chaque juridiction et placées sous l'autorité fonctionnelle des magistrats en charge des enquêtes, qu’ils soient parquetiers ou juges d’instruction. Revitaliser le principe du « juge naturel », garantie pour les justiciables

Les progrès attendus d’une réforme achevée du CSM et en particulier de l’élargissement de ses compétences en matière de nominations doivent impérativement s’accompagner d’une limitation du pouvoir des chefs de juridiction et de cour d'affecter les juges au sein de chaque juridiction, qui leur permet aujourd'hui - comme on l’a vu à Créteil ou à Orléans - de changer de service un magistrat qui « dérange » par sa pratique professionnelle. Pour éviter de telles dérives, les magistrats auxquels sont confiées les fonctions les plus exposées, à savoir les présidents de cours d'assises et de tribunaux correctionnels ainsi que les juges des libertés et de la détention, devront être nommés par décret spécifique, à l’instar notamment des juges d’instruction et des juges des enfants. Pour les autres, c’est la règle dite du « juge naturel », nécessairement élevée au rang de principe constitutionnel, qui s’appliquera ; la détermination ainsi que la mise en œuvre des critères objectifs et préétablis résultant de ce principe, pour la répartition des contentieux dans les chambres du tribunal, seront confiées à l’instance délibérante de la juridiction qui, par ailleurs, adoptera l’ordonnance de roulement affectant les magistrats dans les différents services. En finir avec la culture de la soumission

nécessairement rattachée l'Inspection générale des services judiciaires. Enfin, parce qu’une justice qui n’a pas les moyens de ses missions reste une justice asservie, le budget des services judiciaires devra être soumis à l’avis conforme de ce Conseil rénové et dont les services seront renforcés en conséquence. Plus généralement, il pourra rendre des avis de sa propre initiative sur toute question intéressant l’institution judiciaire. Libérer l’action du ministère public et instituer une police vraiment judiciaire

Au-delà de la modification impérieuse de leur mode de nomination, les magistrats du parquet devront retrouver une autonomie d’action au quotidien. Si l'existence de circulaires de politique pénale générale n'est pas contestable, les instructions dans les affaires individuelles devront être proscrites de manière absolue et la liberté de parole à l'audience restaurée et garantie. Il conviendra également de clarifier les rapports hiérarchiques au sein des parquets de première instance, en définissant notamment

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Pas plus que son affectation dans un service, l’évaluation et l’avancement d'un magistrat ne doivent dépendre du bon vouloir de sa hiérarchie. Ainsi, la procédure d'évaluation devra être profondément réformée pour cesser d'être un instrument hiérarchique de domestication et devenir un vrai outil individuel et collectif permettant d'apprécier et d'améliorer la qualité du service rendu aux justiciables. Pour les mêmes motifs, le tableau d'avancement devra être supprimé et la carrière des magistrats se dérouler dans le cadre d'un grade unique. Par ailleurs, la prime au mérite dite « modulable », qui peut atteindre dans certains cas près de 20% du montant du traitement indiciaire brut, ainsi que la « rétribution exceptionnelle » dont elle peut être augmentée - toutes deux à la discrétion des chefs de cour -, devront être supprimées et l'enveloppe correspondante intégrée dans le traitement. Enfin, le recrutement et la formation des magistrats devront être placés sous le double signe de l’ouverture sur la société et de l’esprit d’indépendance. Les concours, les intégrations

et les enseignements dispensés par l’Ecole nationale de la magistrature seront soustraits à l’emprise technocratique pour garantir une magistrature plurielle exerçant pleinement sa mission constitutionnelle de sauvegarde des libertés. Démocratiser l’administration de la justice

La création d’établissements publics judiciaires incluant la représentation des partenaires de la justice et des usagers dans les conseils d’administration permettra l’ouverture des juridictions aux préoccupations des citoyens. Ces établissements adopteront, dans le cadre de processus de concertation associant étroitement magistrats et fonctionnaires, un projet de juridiction comportant des choix prioritaires de contentieux en fonction des besoins spécifiques du ressort ; ils élaboreront et suivront l’exécution du budget. Par ailleurs, afin de mettre un terme à une gestion autocratique et productiviste de la justice par la hiérarchie judiciaire, il conviendra d’instaurer des mécanismes de fonctionnement juridictionnel plus démocratiques. Ainsi les assemblées générales ne seront-elles plus cantonnées dans un rôle consultatif, mais auront un pouvoir décisionnel sur les priorités à retenir et l’organisation des services. Les magistrats du siège éliront le président de la juridiction. Restaurer et étendre la garantie de la collégialité

La généralisation du recours au juge unique, aujourd’hui privilégié pour répondre à des objectifs purement quantitatifs, doit être impérativement stoppée et même inversée. Afin de garantir à chacun l’examen de son affaire par une composition permettant la diversité des points de vue et limitant les effets de la subjectivité des magistrats, la collégialité, gage de qualité des décisions, doit s’imposer tant au civil qu’au pénal, et en particulier à l’instruction, ainsi que dans toutes les formations statuant en matière de détention provisoire. Créer des droits nouveaux pour les parties

Dans le cadre des enquêtes préliminaires et de flagrance aujourd’hui placées sous le contrôle exclusif du parquet, le respect du droit au procès équitable nécessite que des droits nouveaux soient octroyés aux personnes mises en cause comme aux victimes (accès au dossier, droit de copie, droit d’être assisté par un avocat, droit de demander des actes…). Un juge du siège sera chargé d’examiner les recours éventuels des parties. Dans le domaine civil, la création d’une action de groupe, toujours reportée depuis des années sous la pression de certains organismes patronaux, permettra enfin de rééquilibrer les positions des parties dans un procès engagé à l’encontre de groupes économiques importants. Supprimer les procédures et juridictions d’exception

Contraires au principe d’égalité, sources de dérives et d’arbitraire, les procédures et juridictions d’exception, instaurées pour réduire les garanties au nom des nécessités de la répression, devront être supprimées. Il en sera ainsi du régime applicable à la « criminalité organisée » et des cours d’assises « spéciales ». Il y aura lieu également de supprimer la Cour de justice de la République en retenant le principe de règles strictes de déclenchement

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Vie du droit de l’action publique à l’encontre des membres du gouvernement. Quant au statut pénal du chef de l’Etat, il devra bien sûr être radicalement réformé, au vu notamment des injustifiables difficultés rencontrées par la justice pour condamner Jacques Chirac ; il sera aligné sur celui - nouveau - des ministres. Rendre la justice accessible à tous

Conséquence désastreuse du saccage de la carte judiciaire, une rupture d’égalité manifeste existe désormais entre les justiciables, selon qu’ils disposent d’une juridiction à proximité de leur domicile ou sont au contraire soumis à des trajets longs et coûteux pour saisir la justice. Afin d’assurer l’accès de tous à la justice, il conviendra d’ouvrir ou de rouvrir des juridictions en fonction des besoins des territoires. Les guichets universels du greffe seront généralisés et les structures d’accès au droit développées. Par ailleurs, car personne ne devrait être dissuadé par des motifs financiers de déposer une demande en justice et de faire appel d’une décision, il faudra rapidement abroger le décret instituant une taxe de 35 euros en première instance et de 150 euros en appel dans la plupart des procédures civiles, commerciales, prud’homales, sociales, rurales et administratives. Ce simple retour au principe de la gratuité de la justice doit évidemment être accompagné d’une réforme importante de l’aide juridictionnelle, notamment quant aux plafonds de ressources fixés : toutes les personnes percevant des revenus modestes doivent pouvoir en bénéficier. Enfin, pour améliorer la lisibilité de l’organisation de la justice, il importera de simplifier l’architecture judiciaire, notamment en créant un tribunal de la protection sociale - juridiction échevinée qui regroupera les contentieux des affaires de sécurité sociale et portant sur l’invalidité, l’assurance chômage, la retraite, la CMU, l’aide sociale... - et en instaurant dans les juridictions de grande instance des tribunaux de la famille qui traiteront des affaires de divorce, d’autorité parentale, de filiation, d’adoption, de successions et de régimes matrimoniaux. La juridiction d’instance sera maintenue et confortée dans son autonomie ; elle regroupera un ensemble cohérent de contentieux « du quotidien », incluant celui de l’exécution. Sortir de la société de la surveillance et du contrôle

Depuis une décennie, l’espace des libertés publiques n’a cessé de se rétrécir au nom d’une idéologie sécuritaire primaire qui, non seulement a démontré son inefficacité totale dans la lutte contre la délinquance, mais, pire encore, a dégradé le lien social et les valeurs républicaines. Afin de mettre un terme aux dérives discriminatoires trop souvent constatées en matière de contrôles d’identité et de restaurer des pratiques policières plus respectueuses des droits, il faudra interdire les contrôles d’identité administratifs, les contrôles dits « Schengen » et ceux qui sont effectués sur réquisitions - banalisées - du procureur de la République. Seuls les contrôles destinés à la recherche des auteurs d’infractions ont une réelle légitimité. De même, la restauration d’un lien de confiance entre la population et la police suppose que cessent les pratiques de harcèlement policier

caractérisées par des contrôles d’identité injustifiés et répétés, en particulier dans les quartiers populaires. Pour y parvenir, il faudra imposer la délivrance par les services de police et de gendarmerie d’une attestation de contrôle d’identité à toute personne soumise à une telle vérification. Par ailleurs, le développement incontrôlé du fichage de la population est gravement attentatoire aux libertés individuelles. Il faudra limiter drastiquement le nombre des fichiers et les possibilités d’interconnexion. Il sera également indispensable d’instaurer des mécanismes de contrôle et de recours effectifs, confiés à des autorités indépendantes, sur le contenu de ces fichiers, les critères d’inscription, les procédures d’effacement des données et les conditions d’accès. Les carnets et livrets de circulation imposés aux gens du voyage, qui présentent à l’évidence un caractère discriminatoire, seront supprimés. Enfin, l’objectif de lutte contre la délinquance ne saurait justifier l’invasion continue de l’espace public par la vidéosurveillance, au détriment de la liberté de circulation et du respect de la vie privée. Outre une efficacité très contestée en termes de sécurité et un coût exorbitant pour les finances publiques, ces systèmes sont le symptôme d’une privatisation rampante de l’espace public. Aussi faudra-t-il mettre un terme à l’implantation croissante de caméras dans nos rues et renforcer les moyens et pouvoirs des autorités chargées du contrôle de ces systèmes de surveillance. Garantir les libertés fondamentales : réduire et mieux encadrer la garde à vue et la détention provisoire

Si la loi du 15 avril 2011 a enfin instauré certains droits fondamentaux pour les personnes placées en garde à vue, en permettant notamment aux avocats d’assister aux auditions, il est impératif de renforcer les garanties existantes. Il faudra ainsi limiter le recours à cette mesure coercitive en instaurant des seuils de peines d’emprisonnement encourues pour le placement en garde à vue et la prolongation de celle-ci, et ce au regard d’une nouvelle échelle des peines. Il faudra de même étendre les droits de la défense en permettant aux avocats d’avoir accès à l’intégralité de la procédure, seul moyen de rendre effective et utile leur intervention. Toute garde à vue sera placée sous le contrôle d’un juge et un véritable régime de nullités sera instauré. Quant à la détention provisoire, il faut malheureusement constater qu’aucun progrès réel n’a eu lieu depuis la loi du 15 juin 2000 alors qu’il s’agit là d’une dérogation majeure au principe fondamental de la présomption d’innocence et ce en dépit des enseignements du drame d’Outreau. Le recours à cette mesure lourde de conséquences reste aisé au regard de critères de placement en détention trop souples. Le juge des libertés et de la détention, création a priori salutaire de la loi du 15 juin 2000, demeure souvent un alibi en raison de son isolement, de ses modalités d’intervention et de son absence de statut. En outre, les durées maximales de détention n’ont eu de cesse d’être augmentées au-delà d’un délai raisonnable, s’agissant d’une privation de liberté avant jugement.

Il conviendra dès lors de faire enfin de la détention provisoire une véritable exception. A cette fin, il faudra relever le seuil des peines encourues permettant l’incarcération. La durée de cette détention devra être réduite par la limitation à quatre mois des mandats de dépôt et par l’instauration de délais butoirs, plus courts, que ce se soit lors de l’instruction ou avant l’audience de jugement. Les décisions de placement et de prolongation devront être prises par une collégialité de magistrats du siège et le parquet ne devra plus pouvoir y faire obstacle autrement que par son droit légitime d’appel. En particulier, la procédure de « référé-détention » sera supprimée. Entreprendre une décroissance pénale

Depuis plus de dix ans, la « réponse pénale » est présentée par le pouvoir politique comme le remède miracle à la plupart des maux, réels ou supposés, de notre société. Cette véritable pensée unique, inspirée par la doctrine absurde de la « tolérance zéro », a conduit à d’incessantes modifications de la loi pénale, devenue illisible. De nombreuses infractions ont été créées - afin notamment de pénaliser les « incivilités » - et les juridictions sont entrées de force dans l’ère du productivisme répressif : punir toujours plus de comportements, toujours plus vite et toujours plus sévèrement. Récemment encore, le ministère de l’Intérieur concluait pourtant à une hausse des atteintes aux personnes et, selon les chercheurs, la baisse officielle des atteintes aux biens serait étrangère à cette dérive punitive. Pour mettre un terme à une telle illusion pénale dangereuse pour les libertés individuelles et, plus généralement, parce que la sanction pénale ne saurait se concevoir en démocratie que comme un ultime recours, il importe de réduire la place de la pénalité dans notre fonctionnement social. En premier lieu, il convient d’engager un vaste programme de dépénalisation, afin en particulier que cesse la stigmatisation par la loi pénale de certaines catégories de la population qui s’est accélérée depuis 2002 (prostituées, mendiants, gens du voyage, étrangers, militants…) et de manière à restaurer la liberté d’expression en supprimant des infractions aussi inutiles socialement que l’offense au chef de l’Etat ou l’outrage au drapeau et à l’hymne national, ainsi que les injures et diffamations non discriminatoires qui peuvent relever de la seule justice civile. Les modalités de la punition sont aussi en jeu. Il importe donc en second lieu de redéfinir l’é chelle des valeurs protégées et des peines, mais aussi d’abolir tous les mécanismes, gravement attentatoires au principe constitutionnel de l’individualisation des peines, qui visent à restreindre la liberté d’appréciation des magistrats. En particulier, la loi du 10 août 2007 instaurant des « peines-planchers » sera abrogée. La procédure expéditive de comparution immédiate, qui ne permet pas aux parties d’exercer pleinement leurs droits et qui tend à mécaniser l’emprisonnement, sera supprimée et remplacée par une audience de mise en état confiée à une juridiction collégiale statuant sur les mesures provisoires, l’orientation de l’affaire et la date de l’audience au fond.

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Vie du droit Restaurer la justice des mineurs

Croire en sa jeunesse et favoriser son développement, ce n'est certainement pas faire subir aux mineurs délinquants l’absurde et dangereuse logique sécuritaire gouvernant le traitement des majeurs (fichage, peinesplanchers, procédures expéditives…), voire les traiter parfois plus sévèrement, en enchaînant les mesures d'éloignement pour finir par une décision de détention immédiate à l'audience, quel que soit le quantum de la peine d'emprisonnement ! Certes, les temps de crise sont toujours difficiles pour les plus vulnérables. C'est pourtant bien au sortir de la seconde guerre mondiale que notre société s'est grandie en posant dans l’ordonnance du 2 février 1945 les principes fondateurs d'une vraie justice pénale pour les enfants, qui prenne en compte la nécessaire construction de leur personnalité. Au vu de l'échec patent de dix années de réformes plus répressives et attentatoires à ces principes les unes que les autres, c’est une tromperie de continuer à soutenir que les enfants ont changé (au point de devenir des adultes ?) et de présenter le jugement toujours plus rapide et toujours plus sévère comme la seule solution. Il conviendra donc de rétablir rapidement une justice spécialisée et des procédures spécifiques conformément au droit international, notamment en abrogeant le tribunal correctionnel pour mineurs, et de mettre fin aux procédures de jugement rapide, en dissociant la nécessaire prise en charge à bref délai d’un mineur délinquant de la phase de jugement qui interviendra après un temps d’investigations, en particulier sur la personnalité. Il sera également nécessaire de réinvestir la prévention ainsi que les suivis en milieu ouvert. La prison ne permet pas au mineur d'évoluer favorablement et il n’existe pas de « structures miracles » d’enfermement. Il sera dès lors indispensable de redéployer les moyens humains et financiers investis exclusivement dans les Etablissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) et les Centres éducatifs fermés (CEF) vers des structures diversifiées permettant de mettre en œuvre des solutions individualisées de prise en charge (foyers, unités de jour et d’insertion…). Les possibilités légales de placement des mineurs sous contrôle judiciaire et en détention provisoire devront être restreintes et la priorité devra être accordée au travail éducatif soutenu d’intervenants spécialisés dans la durée et sur l'environnement du jeune. Dans le respect de la Convention internationale des droits de l’enfant, la justice spécialisée pour les enfants devra par ailleurs être en capacité de remplir ses missions en assistance éducative, au lieu d’être noyée par des sollicitations de plus en plus fréquentes sur le terrain pénal : la meilleure prévention de la délinquance juvénile reste la lutte contre les violences intrafamiliales et le soutien aux familles en difficulté. Stopper la répression des étrangers

C'est avec zèle que le gouvernement français conduit une politique de refoulement, d'éloignement, de pénalisation et d'enfermement des étrangers, dont l'inefficacité n'a d'égale que l’inhumanité.

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La volonté de réaliser des objectifs chiffrés de contrôle des flux migratoires ne peut justifier le recours massif à l'enfermement dans les zones d'attente et dans les centres de rétention, y compris d'enfants, et la mise en œuvre effrénée de mesures d'éloignement. Cette politique indigne devra cesser et le juge judiciaire sera rétabli dans la plénitude des attributions qu'il tient de l'article 66 de la Constitution ; il devra pouvoir exercer un contrôle strict de ces mesures. Sans attendre, il sera mis fin à la pénalisation du séjour irrégulier dont la Cour de justice de l'Union européenne a déjà dit, par ses arrêts « El Dridi » et « Achughbabian » des 28 avril et 6 décembre 2011, qu'il ne saurait justifier le recours à une peine d'emprisonnement. Les actes de solidarité envers les étrangers accomplis sans contrepartie seront dépénalisés. Les mesures de bannissement des étrangers que sont la peine d'interdiction judiciaire du territoire français et l'interdiction administrative de retour seront supprimées. Le respect des droits des étrangers imposera également la garantie de l'accès aux soins et la suppression de mesures restrictives de droits civils et sociaux, telles que les dispositions visant à restreindre le droit de contracter mariage ou le droit aux prestations familiales. Mettre en œuvre une nouvelle politique des drogues tournée vers la réduction des risques

L’approche répressive de la consommation de drogues a largement démontré son inefficacité et même sa contre-productivité sur le double terrain de la sécurité et de la santé publiques. Ainsi la Commission mondiale sur la politique des drogues de l’ONU a-t-elle récemment rappelé que « la guerre globale à la drogue a échoué, avec des conséquences dévastatrices pour les individus et les sociétés à travers le monde » et lancé un appel pour que cesse « la criminalisation et la stigmatisation des usagers de drogues qui ne font pas de mal à autrui ». On ne compte plus les études, les rapports et les expériences qui militent en ce sens. Les produits stupéfiants sont bien sûr néfastes pour la santé, mais le fait est que la logique punitive qui a prévalu jusqu’à présent, outre qu’elle s’est révélée vaine, a fait obstacle au développement d’une logique de réduction des risques. Il convient donc de repenser la politique des drogues dans notre pays afin, au premier chef, de protéger les usagers sur le plan sanitaire. Une telle politique passe en particulier par l’ouverture de salles de consommation supervisée, la dépénalisation de l’usage de toutes les drogues et la légalisation contrôlée du cannabis - qui portera un coup d’arrêt aux trafics qu’il génère.

de la Justice), en affirmant péremptoirement que « le nombre de personnes écrouées détenues s’élèvera à 80 000 à horizon 2017 »… On ne saurait mieux résumer les contradictions et les impasses de la société carcérale promue par l’actuel gouvernement. Il importe de rompre radicalement avec cette fuite en avant irrationnelle, pour s’engager dans une logique déflationniste et réformatrice beaucoup plus respectueuse des personnes et nettement moins coûteuse socialement. Afin de mettre un terme à la surpopulation carcérale endémique que connaît la France depuis de nombreuses années malgré la construction de nombreuses places de prison, il convient d’abord d’instaurer un numerus clausus pénitentiaire - fixé dans le respect du principe de l’encellulement individuel - et de revenir sur les programmes immobiliers en cours. Afin de développer les aménagements de peine, outils efficaces de lutte contre la récidive, il y a lieu ensuite de renforcer les services pénitentiaires d’insertion et de probation, d’augmenter les possibilités de prise en charge dans le cadre des peines alternatives à l’emprisonnement et de généraliser la libération conditionnelle à mi-peine ou aux deux tiers de la peine, sauf avis contraire du magistrat. Il est par ailleurs urgent de repenser profondément les conditions de détention de l’ensemble des personnes privées de liberté, afin que la mission de « garde » de l’administration pénitentiaire ne prévale plus comme aujourd’hui sur celle de « réinsertion ». Dans cette perspective, de nouveaux établissements doivent être conçus, où la sécurité passera au second plan et dont - les expériences menées en Suède ou en Espagne le démontrent - on ne cherchera pas à s’évader, mais qui remplaceront ceux qui existent aujourd’hui. Toutes les « règles pénitentiaires européennes » y seront respectées et les droits à la santé, à l’expression collective, à l’exercice de la citoyenneté, au maintien des liens familiaux, à la sexualité, à la formation professionnelle, entre autres, y seront effectifs. Enfin, la « rétention de sûreté », véritable peine après la peine, instaurée par la loi du 25 février 2008, doit être rapidement abolie en ce qu’elle constitue une grave atteinte à la présomption d’innocence ainsi qu’aux principes de proportionnalité, de nécessité et de prévisibilité des peines.

Abolir la prison « à la française »

Les effets pervers de l’emprisonnement massif sont largement documentés et connus des pouvoirs publics. Ainsi, le récent projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines évoque à deux reprises la désocialisation induite par l’incarcération et le risque de récidive qu’elle engendre. Ce même texte prévoit pourtant d’accroître le parc pénitentiaire dans des proportions inédites (près de 30 000 nouvelles places, pour un coût estimé à plus de trois milliards d’euros, soit près de la moitié du budget du ministère

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Annonces légales

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Ordre des Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation Prix de thèse 2012 'Ordre des Avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation décerne chaque année un prix de thèse destiné à récompenser une thèse de doctorat en droit. Une attention particulière est accordée aux travaux portant sur les fonctions, les missions et les méthodes des juridictions suprêmes. Le prix d'un montant de 3 800 € est destiné à faciliter la publication de la thèse

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Peuvent concourir les thèses proposées par l'université pour un prix de thèse qui ont été soutenues entre le 1er juillet 2011 et le 30 juin 2012. Les candidats adresseront leur thèse avant le 28 septembre 2012, en deux exemplaires avec une copie du rapport de soutenance et une recommandation du directeur de recherches, au secrétariat de l'Ordre des Avocats aux Conseils, 5 quai de l'Horloge 75001 PARIS. 2012-234

Au fil des pages

L’hermine était pourpre par Pierre Borromée

uliette Robin est sauvagement assassinée, encore vierge après cinq ans de mariage… Son mari, avocat, resté fou amoureux de la propre sœur de la victime, est fortement suspecté ! Les robes de la justice peuventelles impunément cacher les armes de la vengeance ? Comment éviter le scandale dans les milieux judiciaires ? Autour de la blanquette de « Madame Georges », les flics et la basoche vont sceller un pacte discret. Vous aviez demandé la police ? La voici, souvent incomprise, parfois hésitante, ici opiniâtre et décisive.

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378 pages - 8,90 € Editions Fayard - www.fayard.fr 2012-235

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Décoration

Jean-Louis Scaringella, Commandeur de la Légion d’Honneur Paris - 20 mars 2012 e sénateur de la Vienne (PoitouCharentes) et ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a remis les insignes de Commandeur dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur à Jean-Louis Scaringella, Directeur Général Adjoint chargé des Etudes, de la Prospective et de l’Innovation de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris. La cérémonie s’est déroulée dans la plus stricte intimité avenue de Friedland, siège de la prestigieuse chambre consulaire parisienne. L’Officiant s’est notamment exprimé en ces termes :

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

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(…) Jean-Louis, tu es à la fois un pédagogue et un dirigeant : I. Le professeur (…) En tant que professeur tu crois beaucoup à la capacité, au devoir, de nos contemporains, d'être volontaires, de prendre en main leur vie. Ce devoir de volontarisme, de quête de sens, d'impulsion donnée à un destin, fait pour toi de l'enseignement le puissant facteur d'un parcours de progrès. Tu crois en effet beaucoup à la transmission et à la chaine du progrès humain à laquelle chacun peut, et doit, apporter sa pierre pendant son voyage. Les matières que tu enseignes sont des matières techniques, comme la finance, ou la stratégie. Mais pour toi, cet aspect technique passe après le développement chez les étudiants d'un « savoir être » et d'un humanisme. Tu as toujours tenu à ce que la formation de l'individu (le développement personnel), passe avant le développement du savoir. Comme Montaigne, tu crois que « l'élève n'est pas un vase qu'on remplit, mais un feu qu'on allume ». Ainsi, tu as introduit en 1ère année d'HEC des matières comme l'histoire, la géopolitique, la philosophie... Pour toi, il est important d'insérer l'entreprise dans le monde, le comprendre, d'être à l'écoute des changements, des interactions, non seulement pour être heureux, mais aussi pour être efficace. II. Le directeur d'écoles (…) Dès 1804 (la CCIP avait 1 an), un groupe d'industriels, de banquiers et d'économistes français (parmi lesquels Jean-Baptiste Say, Lafitte, Vital-Roux...) ont commencé à réfléchir avec le président de la Chambre de commerce de Paris, à la nécessité de créer une école pour apprendre à « gérer les commerces et les manufactures » à l'échelle de l'Europe napoléonienne. « Lorsque le commerce ne constituera plus une spéculation sur les débris de la dette publique, lorsque le crédit public ne sera plus soumis à ces variations effrayantes, lorsque les opérations du gouvernement ne seront plus subordonnées aux besoins impérieux du moment, les négociants qui ont de l'ordre et de l'économie reprendront leur

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Pierre-Antoine Gailly, Jean-Louis Scaringella et Jean-Pierre Raffarin avantage, le commerce sera une science qu'il faudra connaître et la fortune qui fut trop longtemps le prix de l'intrigue deviendra la récompense du travail. C'est alors qu'on s'apercevra du besoin d'être instruit et combien s'est réduit le nombre de bons négociants, les institutions qui peuvent les former deviendront plus nécessaires. ». (…) III. Le citoyen du monde Tu as toujours manifesté un grand intérêt personnel pour l'international, pour l'internationalisation des écoles, les échanges d'étudiants et de professeurs. En tant qu'humaniste, tu respectes toutes les cultures et tu considères qu'il faut les connaître pour être efficace dans des économies mondialisées. Dès 1978, tu mets en place le réseau d'échanges d'étudiants de l'ISA, puis à HEC (Community of European Management Schools - CEMS), et bien sûr à l'ESCP, en en faisant certes une école européenne, mais aussi une école active sur la scène mondiale. C'est toi qui as négocié les accords de double diplômes avec Cornell et avec Tongji. Tu étais d'ailleurs en Chine, à Shenzhen, à l'automne dernier pour en auditer l'Université, que je connais bien. Shenzhen est, en effet, jumelée avec le département de la Vienne. Tu es également membre de la British Royal Society of Arts... Ce tropisme international te permet, ce dont tu ne te lasses pas, de visiter de nombreux pays, dont tu tiens le compte précis, 159 à ce jour (y compris des nations peu communes comme le Bélize, ou Fidji).

Tu t'en lasses tellement peu que tu es prêt à accepter un voyage en Nouvelle-Zélande en août prochain, en plein hiver austral, « pel piacer di porle in lista », comme dirait Leporello... IV. La fidélité De ces 3 métiers, ces 3 passions, on peut retenir une grande fidélité à la maison dans laquelle tu es entré il y a 42 ans, mais aussi une fidélité à ton héritage familial, à la fois dans la proximité avec l'univers de l'entreprise (ton père était industriel et t'as inculqué l'esprit d'entreprendre) et celui de l'enseignement (ton arrière grand oncle, prélat du Pape, était professeur d'histoire à l'université vaticane. II a pu reconstituer avec précision la généalogie de ta lignée italienne depuis le 14ème siècle. On y trouve des militaires, des banquiers, et, c'est encore mieux, beaucoup de viticulteurs !). Cette fidélité, on la retrouve tout au long de ton parcours, aujourd'hui honoré par la République. (…) Il était légitime que la République mette à nouveau en lumière les nombreux talents et les éminentes qualités du récipiendaire dont la remarquable carrière a débuté dès 1970 à sa sortie d’HEC. La passion de Jean-Louis Scaringella pour l’entreprise est à l’image de sa clairvoyance et de son humanisme qui reflètent une rayonnante intelligence. Nous adressons nos chaleureuses félicitations à celui qui conjugue sans relâche détermination et ouverture d’esprit. Jean-René Tancrède

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