LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 22 avril 2013 - Numéro 27 - 1,15 Euro - 94e année
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Jean-Daniel Lachkar, Natalie Fricéro et Fabrice Vert
Médiation judiciaire et conventionnelle Paris - 19 avril 2013 VIE DU DROIT Médiation judiciaire et conventionnelle L’office du juge : conciliation et médiation par Fabrice Vert............... Le droit positif de la médiation par Natalie Fricéro.............................
Fondation Prospective et Innovation Institutions et démocratie représentative par Jean-Marc Sauvé.........
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Conseil National des Barreaux Vers une réforme globale de l'accès au droit et à la Justice proposée aux pouvoirs publics par la profession d'Avocat .............
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Conférence des Bâtonniers Transparence de la vie publique : un projet inacceptable pour les avocats et préjudiciable pour la démocratie .....................
RENTRÉE SOLENNELLE
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Tribunal de commerce de Bobigny
11 12 ANNONCES LEGALES ...................................................14 SOCIÉTÉ
La prévention judiciaire par Philibert Demory ................................. L’humilité du juge consulaire par Gérard Vedrenne........................
Mariage pour tous : plaidoyer pour une audience publique par François-Henri Briard.................................................................
JURISPRUDENCE
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Cour de cassation - 1ère chambre civile - 10 avril 2013 ...23
IN MEMORIAM
Le Premier Président Pierre Drai nous a quittés.............23
ette journée organisée à la Chambre Nationale des Huissiers de Justice sous l’égide de l’Ecole Nationale de la Magistrature en partenariat avec les avocats et les notaires, est, par certains de ses aspects, sans doute une première. Pour les apprécier, il faut revenir aux raisons qui nous ont conduit à l’organiser. Vous savez que récemment, par un décret de 2011, la profession d’huissier de justice a été autorisée à exercer la médiation judiciaire et conventionnelle, comme d’autres professions du droit. Ce décret nous a incité, à la Chambre nationale, à nous pencher sur la nécessité de mettre en place une politique de formation et de soutien au développement de cette nouvelle activité. Nous sommes bien entendu conscients que cette question dépasse le simple cadre des huissiers de justice pour rejoindre, au plan général, celui de la place de ce mode alternatif de règlement des différends dans notre société et du rôle que les professions du droit peuvent y jouer. Il nous a semblés qu’il était important de sensibiliser nos professions à cette matière, avant d’aborder les aspects déontologiques et pratiques indispensables à la formation de tout professionnel du droit qui voudrait être médiateur.
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Il nous a également semblés intéressant que cette sensibilisation s’adresse en même temps à des avocats, des notaires, des huissiers de justice. Nous sommes en effet persuadés que le développement de la médiation dans notre pays, passe par une mobilisation collective de nous tous pour sa promotion et son organisation. Je suis intimement persuadé que des manifestations de ce type aideront au développement de la médiation conventionnelle et judiciaire, voulu tant au niveau interne qu’au niveau européen. L’action commune des professions du droit sera sans doute le moteur qui permettra l’essor de cette forme de Justice dont notre société a aujourd’hui besoin. En introduction à ce colloque et en hommage à Pierre Drai, je vous annonce avec une grande tristesse le décès, hier, du Premier Président honoraire de la Cour de cassation, qui a marqué de son empreinte par son humanisme et ses grandes qualités de juriste – au-delà de ses pairs – l’ensemble des professionnels du droit que nous sommes et plus simplement la Justice de notre pays. Je voudrais faire mienne la phrase qu’il a si souvent répétée : « La médiation est un moment d’humanité dans des procédures parfois kafkaïennes ». Jean-Daniel Lachkar
J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
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Vie du droit Fabrice Vert
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par Fabrice Vert
Didier Chotard Frédéric Bonaventura
Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 987 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS
2012
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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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L’office du juge : conciliation et médiation 2013 : décrétée année de la médiation par Madame le Bâtonnier du barreau de Paris ; création par la Chambre nationale des huissiers d’un centre de médiation ; création par la chambre des notaires de Paris d’un centre de médiation ; transposition de la directive européenne du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale par la création d’un livre V du Code de procédure civile intitulée « La resolution amiable des differends ». Deux directives européennes, l’une sur le « métier » de médiateur, l’autre sur la « on line dispute resolution » en voie d’être adoptées. Plus de 100 000 médiateurs, ou pour être exact plus de 100 000 particuliers et institutions se prévalant du titre de médiateur , répertoriés en France ; plus de 750 types de médiations recensés dans l’Union européenne ; Le temps des médiateurs, en référence à l’ouvrage fondateur de Jean-François Six, seraitil enfin advenu ? La réponse à cette question demeure ouverte au regard notamment du bilan mitigé, et c’est un euphémisme, de la médiation judiciaire. Le paradoxe de la médiation judiciaire en France est que si notre pays a été l'un des premiers à se doter, en février 1995, d'une loi l'organisant, sa pratique, près de 20 ans après, reste très peu développée. Malgré l’investissement de certains magistrats et avocats , en collaboration avec les associations de médiateurs et les instituts de formation à la médiation convaincus de ce que les modes alternatifs de règlement des conflits sont un outil indispensable à la garantie de la paix sociale, mission essentielle de la Justice, nombreux sont
toutefois ceux qui considèrent que le rôle de la Justice doit se réduire à trancher, avec le glaive du droit, les litiges soumis, parfois au détriment même des intérêts des parties et en dépit d’un coût humain, économique et social élevé. Des expériences individuelles ont été menées avec beaucoup d'énergie et d'abnégation dans les juridictions. Cependant elles n’ont pas porté leurs fruits, faute de capitalisation des acquis de ces expériences dans le cadre d’une politique dynamique nationale, puisque l’on constate par exemple qu’en matière de médiation familiale, domaine dans lequel la médiation s’est le plus développée, 1 % seulement des conflits soumis aux juridictions trouvent une solution par ce mode de résolution. Que l’on ne s’y méprenne pas, notre propos ne vise pas à l’éradication des conflits, consubstantiels à la démocratie, mais à une réflexion pour réfléchir ensemble sur les modes les plus adaptés pour régler les litiges qui nous sont soumis.
Un peuple de procéduriers La confiance des acteurs judicaires et des justiciables dans la médiation est la condition première de son succès. L’intérêt pour la médiation, même s’il se développe dans des univers très divers, ne pourra conduire à son développement que dans la mesure où un certain nombre de questions seront traitées préalablement. Ces questions recouvrent la définition de la médiation, l'information, les incitations financières, la qualité et la formation requises, la déontologie des médiateurs ainsi que l’organisation de la médiation dans les juridictions. Mais l’un des obstacles majeurs au développement de la médiation est la tradition de chicane d’un peuple de procéduriers ; la France, à l’inverse d’autres pays notamment anglo-saxons, connait une culture du conflit et non du compromis.
Les Annonces de la Seine - lundi 22 avril 2013 - numéro 27
Vie du droit Citons à ce sujet un extrait révélateur de l’éditorial de Christophe Barbier, rédacteur en chef de la revue l’Express paru dans l’édition du 27 mars 2013 : « la justice... souffre de boulimie, gavée par une opinion qui veut que tout litige se tranche en robe noire. Que l’esprit de conciliation se réveille dans la société , que la tolérance et l’indulgence reviennent en chacun… et l’on arrêtera de demander aux magistrats de régler des différends sans intérêt en mobilisant des forces qu’elle n’a pas » . Il nous revient, à nous , professionnels du droit, avocats, notaires, huissiers de justice, universitaires, enfin réunis aujourd’hui, de participer à l’éducation de nos compatriotes, potentiels justiciables, afin de voir se propager cet esprit de médiation et de conciliation si éloigné de nos prétoires où les termes guerriers sont trop souvent répandus. Cela implique un bouleversement des comportements des acteurs judiciaires. La médiation repose sur des principes de liberté, d’égalité entre des partenaires , d’autonomie, de responsabilité, d’écoute, de compréhension mutuelle au travers d’un processus souple et confidentiel, qui peuvent se révéler difficilement conciliables avec le rituel judicaire où l’on emploie souvent des mots guerriers (arène judicaire, duel judicaire, vainqueur /vaincu, adversaires), avec une institution qui exerce une fonction régalienne, un pouvoir constitutionnel, organisée hiérarchiquement et qui est un lieu d’autorité . Le doyen Cornu, lors de l’introduction en 1975 dans le Code de procédure civile de la conciliation par le juge comme principe directeur du procès, ne soulignait-il pas que la conciliation était « aux antipodes d’une justice engoncée ou technocratique ». Il serait peut être intéressant de s’inspirer du système québécois qui organise des conférences de règlement des procédures durant lesquelles le juge en chef reçoit sans formalité les parties à un litige, s’entretient librement avec elles et leurs avocats pour évoquer ensemble la meilleure façon de résoudre leur conflit dans leur intérêt.
Une formation commune sous l’égide de l’ENM C’est en unissant nos expertises respectives que nous pourrons analyser au mieux les freins à la médiation et les facteurs conditionnant son développement. Cette journée de formation, sous l’égide, de l’Ecole Nationale de la Magistrature a pour objet de susciter une nouvelle dynamique pour la médiation en rassemblant magistrats, avocats, notaires, huissiers de justice, universitaires. C’est une grande première que cette formation de l’ENM, en partenariat avec le barreau de Paris, l’EFB et la Chambre nationale des huissiers. Merci à Monsieur Marco Scuccimarra, sous-directeur des formations professionnelles spécialisées de l’ENM, à Monsieur Gabriel Mecarelli, directeur juridique de la CNHJ, à Maitre Michèle Jaudel, déléguée du Bâtonnier de Paris à la médiation, à Monsieur Jean-Daniel Lachkar, Président de la Chambre nationale des huissiers, à Monsieur Christian Lefebvre, Président honoraire de la
Chambre des notaires de Paris et à tous les intervenants à ce colloque qui nous apporteront leurs précieuses expertises. C’ est l’occasion idéale d’appeler à la création d’un observatoire national de la médiation composé de représentants de magistrats, auxiliaires de justice, professions réglementées associations de médiateurs, instituts de formation à la médiation, professeurs de droit, élus et représentants de la société civile, dont la mission serait d'observer les initiatives en la matière, formuler des propositions aux pouvoirs publics en vue de labelliser les formations à la médiation et les associations de médiateurs, dresser une liste de médiateurs et élaborer un Code national de déontologie de la médiation. Mais, nous les juristes n’oublions pas que la médiation, avant d’être un mode amiable de résolution des différends, « constitue un concept majeur, qui figure dans tous les dictionnaires de philosophie »(Michèle Guillaume –Hofnung la médiation, collection Que sais-je). « Le déferlement contemporain de programmes de médiation est, de mon point de vue l’indicateur d’une société qui cherche une nouvelle façon de gouverner la cité et de fabriquer de la cohésion à travers de nouveaux référentiels d’action »( jacques Faget, médiations, les ateliers silencieux de la démocratie, éditions érès).
Un enrichissement de la réponse judiciaire Nous, les juristes, veillons à respecter le concept de médiation pour ne pas le dénaturer par un carcan de procédures, au risque de la priver de tout intérêt. Il faut préserver à la médiation sa souplesse, son originalité, sa diversité. N’oublions pas que la médiation, sous sa forme moderne, est issue de la société civile et qu’elle doit être conçue comme un enrichissement de la réponse judicaire et non comme un moyen de désengorger les juridictions. C’est pourquoi la présence des universitaires, à qui peut revenir ce rôle de vigie, est fondamental à l’occasions de nos travaux. En préliminaire à l’ouverture de notre formation, j’essaierai de répondre à cette question :mais pourquoi faut-il développer la médiation ? Parce que le rôle du juge dans une société démocratique est d’être le garant de la paix sociale. Si la médiation et la conciliation ne sont pas la panacée, ce sont des outils indispensables pour que le juge mène à bien sa mission . Parce qu’il s’agit de répondre aux attentes de nos concitoyens qui dans un récent sondage ont répondu oui à 70 % à la question :Souhaitez vous un développement des modes alternatifs des règlement des conflits ? En effet la médiation présente de nombreux avantages pour nos concitoyens en situation de conflits. L'intérêt de la médiation, outre sa rapidité, évitant des procès lents et couteux, et sa confidentialité, est de permettre aux justiciables de se réapproprier le procès en évitant l'aléa judiciaire, d'en devenir des acteurs responsables, de leur permettre de porter eux-mêmes leur parole et d'écouter celle de l'autre, de se comprendre mutuellement, d'aborder l'entièreté
du conflit aussi bien dans ses aspects économiques, relationnels, psychologiques, sociaux au-delà du litige strictement juridique qui bien souvent ne traduit pas la véritable origine du conflit, la réponse judicaire à ce litige ne pouvant dès lors mettre fin à ce dernier. Mais l'intérêt essentiel de la médiation, au-delà de l'accord ponctuel qui mettra, le cas échéant fin au litige soumis au juge, est de permettre de nouer ou de renouer un lien social entre des parties en conflit et de préserver l'avenir si elles sont amenées à continuer à entretenir des relations , qu'elles soient de nature commerciale, familiale, de voisinage… Ce processus de communication éthique, axé sur la responsabilité et l'autonomie de ses acteurs ne peut se faire qu'à l'aide d'un tiers compétent, indépendant, impartial, sans pouvoir de décision au cours d'entretiens confidentiels et qui les aidera eux-mêmes à trouver un accord, au travers d’une solution souvent inventive et originale où l’é quité aura toute sa place. Souvenons nous que Victor Hugo disait que seule l’équité était au dessus de la justice. Et nous savons bien que parfois justice et équité ne font pas bon ménage.
Un univers à partager Cette journée de formation sur la médiation judicaire et conventionnelle commencera par une approche du droit positif de la médiation ; car comment promouvoir ce mode de résolution des différends si l’on en ignore la nature et le régime juridique. L'une des raisons du succès mitigé de la médiation est son manque de lisibilité résultant de la confusion entretenue entre les notions de conciliation, médiation, arbitrage, négociation, transaction et de l'utilisation anarchique du terme de médiateur par des personnes qui se prévalent de cette qualité sans en remplir les conditions requises, qui favorisent la défiance à l'égard de ces pratiques. C’est à la professeure Natalie Fricero qu’incombera cette tâche. Ensuite, une table ronde aura pour vocation à expliquer et comprendre le rôle du médiateur, du magistrat prescripteur de médiation, de l’avocat accompagnateur de son client en médiation ; Le professeur Jean-François Roberge de l’université de Sherbrooke au Canada aura pour mission cet après midi de nous initier aux techniques de médiation ; car comment proposer la médiation si l’on ne connait pas sa plus value par rapport aux autres modes de résolutions des différends ? Enfin une dernière table ronde aura pour objectif de réfléchir sur la place que les notaires, huissiers et avocats peuvent occuper dans le processus de médiation tant judicaire que conventionnelle, la réponse à cette question étant une des clefs de la réussite de la médiation. Pour conclure, je citerai cette phrase de la médiateure canadienne Linda Bérubé, que j’ai découverte dans l’excellente étude réalisée par Madame Béatrice Gorchs-Gelzer et Madame Hélène Gebhardt sur la Médiation et les officiers publics ministériels, « La médiation n’est pas un territoire à conquérir mais un univers à partager ».
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Vie du droit processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige.
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Natalie Fricéro
Le droit positif de la médiation par Natalie Fricéro
I. La place de la médiation dans notre droit positif : le contexte, l’évolution, les enjeux pour les professionnels de la justice e Dictionnaire Larousse nous apprend que le terme de médiation peut être rattaché au terme latin « mediatio », qui signifie entremise ou encore au terme latin « mediare », qui signifie être au milieu. Philosophiquement, la médiation est l’articulation entre différents termes au sein d’un processus dialectique ou dans un raisonnement. La médiation est une activité d’entremise, d’articulation entre des êtres menée par quelqu’un qui se situe au milieu. Toutes les sciences sociales, les analyses historiques, démontrent que la médiation remonte à l’origine des temps et qu’elle a été appliquée aux relations humaines, sociales et économiques, sous des formes variées(1) : selon Guillaume Hofnung, les objectifs de la médiation découlent de sa fonction ontologique de communication éthique ; le médiateur, tiers impartial et neutre, sans pouvoir décisionnel ou consultatif, favorise le rétablissement du lien par des entretiens confidentiels. Le droit a donc intégré la médiation parmi les modes de résolution amiable des différends.
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La directive n° 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur « certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale » nous donne une nouvelle définition de la médiation, qui constitue un compromis entre les différents systèmes existants, ce qui n’est pas sans soulever d’extrêmes difficultés (le Conseil d’Etat, dans son rapport du 29 juillet 2010, « Développer la médiation dans le cadre de l’Union européenne », avait dénombré en Europe plus de 750 types de résolutions amiables, englobés le plus souvent sous le terme de médiation !) a) «médiation», un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Ce processus peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit d’un État membre. Elle inclut la médiation menée par un juge qui n’est chargé d’aucune procédure judiciaire ayant trait au litige en question. Elle exclut les tentatives faites par la juridiction ou le juge saisi d’un litige pour résoudre celui-ci au cours de la procédure judiciaire relative audit litige. b) «médiateur», tout tiers sollicité pour mener une médiation avec efficacité, impartialité et compétence, quelle que soit l’appellation ou la profession de ce tiers dans l’État membre concerné et quelle que soit la façon dont il a été nommé pour mener ladite médiation ou dont il a été chargé de la mener. L’ordonnance du 16 novembre 2011 qui transpose cette directive reprend cette définition que l’on retrouve dans l’article 21 de la loi du 8 février 1995. Art. 21.-La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout
Le décret du 20 janvier 2012, qui met en application cette ordonnance et précise les aspects procéduraux des modes amiables, reprend les mêmes termes, en assimilant la médiation et la conciliation comme le fait la Directive : Art. 1530 CPC .-La médiation et la conciliation conventionnelles régies par le présent titre s'entendent, en application des articles 21 et 21-2 de la loi du 8 février 1995 susmentionnée, de tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. Depuis le décret n° 2011-1173 du 23 septembre 2011, modifiant le décret n° 56222 du 29 février 1956, les huissiers de justice peuvent exercer l’activité accessoire de médiation conventionnelle ou judiciaire. Des limites spécifiques aux huissiers de justice, et aux notaires, sont prévues (voir le rapport de l’Institut sur l’Evolution des Professions Juridiques, IEPJ, EJT, années 2010-2012, particulièrement, La médiation pour les officiers publics et ministériels, utopie ou opportunité ? déc. 2012). Mais il existe en réalité plusieurs catégories de médiations : - les « médiations » dites internes, que les professionnels ont mises en place pour satisfaire leurs clients, pour trouver une solution rapide et gratuite pour les consommateurs et même pour régler leurs différends inter-entreprises. Ces médiations ont une utilité économique et sociale certaine, mais ne sont pas règlementées par le Code de procédure civile. - les médiations dites institutionnelles, que l’on retrouve dans les services publics et autres activités publiques : Médiateur de l’Education nationale (décret du 1er décembre 1998), Médiateur de l’é conomie, des finances et de l’industrie (décret du 26 avril 2002). Ces médiateurs, dont le rôle social et économique est incontestable, disposent d’attributions variables diversifiées, et ne relèvent pas des dispositions contenues dans le Code de procédure civile. - la médiation judiciaire, c’est-à-dire une mission confiée par le juge, avec l’accord des parties, à un tiers, indépendant, compétent et diligent, pour aider les parties à trouver un accord - enfin, la médiation conventionnelle, c’est-àdire une mission confiée par les parties à un tiers indépendant, compétent et diligent, pour les aider à trouver une solution amiable à leur différend. Ces deux dernières médiations sont prévues par le CPC et intéressent les « médiateurs privés ». Qui peut être médiateur judiciaire ou conventionnel ? On trouve deux séries de règles : Pour le médiateur judiciaire, le juge doit vérifier,
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Vie du droit selon l’article 131-5 du code de procédure civile : la moralité ( « 1° Ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance mentionnées sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire ; 2° N'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d'agrément ou d'autorisation ), la compétence (3° Posséder, par l'exercice présent ou passé d'une activité, la qualification requise eu égard à la nature du litige ; 4° Justifier, selon le cas, d'une formation ou d'une expérience adaptée à la pratique de la médiation ; l’indépendance (5° Présenter les garanties d'indépendance nécessaires à l'exercice de la médiation »). Pour le médiateur conventionnel, l’article 1533 du CPC prévoit aussi l’exigence de moralité (1° Ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance mentionnées sur le bulletin n° 3 du casier judiciaire) et la compétence (2° Posséder, par l'exercice présent ou passé d'une activité, la qualification requise eu égard à la nature du différend ou justifier, selon le cas, d'une formation ou d'une expérience adaptée à la pratique de la médiation.) Dans tous les cas, l’article 21-2 de la loi du 8 février 1995 ajoute : Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. On le constate, les qualités attendues du médiateur sont très rigoureuses. La problématique pour les juges prescripteurs de médiation résulte des difficultés pratiques de contrôle, faute de système global de certification des médiateurs. Le seul diplôme prévu est celui de médiateur familial (décret 2003-1166 du 2 décembre 2003 portant création du diplôme d’Etat de médiateur familial, arrêté du 12 février 2004 modifié par arrêté du 19 mars 2012). Néanmoins, il existe des formations assurées par des organismes privés, ou des diplômes d’université. Certaines associations ont établi des chartes ou codes de déontologie auxquels les adhérents-médiateurs se soumettent. En outre, lorsqu’un avocat, un huissier de justice, un notaire est médiateur, la confiance qu’il génère provient certainement de celle qui est déjà donnée au professionnel lui-même. Une Résolution du Parlement européen du 13 septembre 2011 traduit bien cette difficulté, et incite à l’instauration d’une directive sur « les exigences d’accès à la profession de médiateur » (consid. 18) et les « normes élevées en matière de formation professionnelle et d’accréditation dans l’Union européenne » (consid. 20). Sous ces conditions, la prestation de services de médiation peut donc être exercée par des professionnels, tels les avocats, les huissiers de justice, les notaires, mais également des professionnels non juristes, dès lors que les conditions de moralité et de formation à la médiation sont remplies. Les professionnels peuvent trouver plusieurs intérêts à se former aux techniques de médiation : soit pour performer leur activité professionnelle, soit pour régler les conflits internes de nature professionnelle, soit pour pratiquer la médiation judiciaire ou conventionnelle.
II. La particularité de la médiation par rapport aux autres modes alternatifs amiables de résolution des différends
Agenda
a) La médiation et la conciliation Conciliation par le juge : cela entre dans sa mission depuis toujours (art. 21, 127 à 129, 130 et 131 CPC pour les règles générales) Conciliation déléguée par le juge à un conciliateur de justice (art. 129-1 s. CPC pour le conciliateur de justice, art. 831 et suivants CPC devant le tribunal d’instance, art. 860-2 CPC pour le tribunal de commerce et art. 887 CPC pour le tribunal paritaire des baux ruraux). L’article 128 CPC a été modifié pour préciser que « le juge qui doit procéder à une tentative préalable de conciliation peut enjoindre aux parties de rencontrer un conciliateur de justice qui les informera sur l’objet et le déroulement de la conciliation, dans les conditions prévues par l’art. 22-1 de la loi du 8 février 1995 ». Conciliation conventionnelle menée par le conciliateur de justice (art. 1528 et 1530 CPC). Le statut du conciliateur de justice a été prévu par le décret du 20 mars 1978, intégré dans sa quasi-totalité au livre V du Code de procédure civile par le décret du 20 janvier 2012 (articles 1530 s.). Le conciliateur est un tiers qui agit avec impartialité, compétence et diligence (art. 1530 CPC) et est soumis à la confidentialité (art. 1531 CPC). Il a « pour mission de rechercher le règlement amiable d’un différend dans les conditions et selon les modalités prévues au code de procédure civile »(2). Le conciliateur de justice est toujours bénévole, ce qui est certainement la caractéristique essentielle de son statut : son intervention est donc particulièrement adaptée aux litiges d’un faible montant, ou lorsque les parties sont économiquement démunies. Il dispose d’un statut de collaborateur occasionnel de la justice uniforme, ce qui lui permet de bénéficier d’une « délégation » de la part du juge. Le conciliateur est formé par l’ENM, ses compétences sont plutôt juridiques, ce qui le conduit à trouver une solution au différend au lieu de se concentrer sur le rétablissement du lien. La différence entre médiation et conciliation s’estompe parce que la définition de la directive est englobante et que les conciliateurs sont euxmêmes formés aux techniques de la médiation.
b) La médiation et la transaction Dans la transaction, il n’y a aucun tiers. Il s’agit d’un contrat réglementé par le code civil (art. 2244 s. Code civil et art. 1568 CPC), mettant fin à un litige, avec des conditions originales auxquelles la Cour de cassation ajoute l’existence « de concessions réciproques ». La transaction est un contrat très réglementé par le code civil, qui a l’autorité de la chose jugée entre les parties (est assimilée à un jugement si elle a été exécutée) et est difficilement attaquable. C’est un mode totalement volontaire, qui repose sur le seul échange de
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Vie du droit
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Jean-Daniel Lachkar
consentement des parties, sans l’intervention d’un tiers. L’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire, même si elle est possible et souhaitable (à tel point que l’article 10 de la loi du 10 juillet 1991 accorde l’Aide Juridictionnelle « en vue de parvenir, avant l’introduction d’une instance, à une transaction »). L’accord de transaction peut recevoir la force exécutoire : l’article 1568 CPC issu du décret du 20 janvier 2012 renvoie au processus d’homologation commun à tous les modes amiables (art. 1565 à 1567). Le juge compétent (et non plus le Président du TGI) peut homologuer la transaction, sans pouvoir en modifier les termes. Il est saisi sur requête dispensée du timbre de 35 euros, et statue sans débat, sauf s’il estime nécessaire d’entendre les parties. La 2e chambre civile de la Cour de cassation a jugé le 26 mai 2011 (n° 06-19527), à propos des pouvoirs du Président du TGI qui donne la force exécutoire aux transactions (art. 441-4 CPC abrogé) que « son contrôle ne peut porter que sur la nature de la convention qui lui est soumise et sur sa conformité à l’ordre public et aux bonnes moeurs ». Ceci implique tout de même un contrôle minimum qui peut nécessiter la présence des parties. Des recours sont prévus (art. 1566 : référé au juge qui a rendu la requête faisant droit à l’homologation ; appel, en cas de refus d’homologation, selon la procédure gracieuse). Des liens entre les deux processus peuvent exister : la médiation peut s’achever par un accord qui prend la forme d’une transaction ! Mais il faut prendre garde que le régime de la transaction sera applicable à l’accord et, notamment, la nécessité de concessions réciproques sous le contrôle éventuel du juge homologateur !
c) La médiation et la procédure participative assistée par avocat La procédure participative régie par les articles 2062 et s. du code civil et les articles 1542 et s. du CPC (décr. 20 janv. 2012). Elle repose sur une convention signée par les parties assistée chacune obligatoirement pas leur avocat, qui organise les échanges et permet même d’organiser une mise en état conventionnelle
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(avec recours à une expertise).Ce MARD relève du monopole des avocats et peut intégrer certaines méthodes de la médiation si l’avocat est formé (par exemple reformulation des besoins), mais elle ne fait pas intervenir de tiers. La procédure participative n’interdit pas aux avocats de poursuivre la représentation de leur client en justice en cas d’échec; elle bénéficie de l’aide juridictionnelle (art. 10 loi du 9 juillet 1991); elle suspend la prescription extinctive (art. 2238 Code civil) ; elle offre, en cas de désaccord total ou partiel, une passerelle simplifiée avec le tribunal compétent (l’expertise éventuellement réalisée peut être produite en justice (art. 1554 CPC), et, devant le tribunal de grande instance, il y a renvoi direct à l’audience sans mise en état si les parties ne modifient pas leurs prétentions, art. 1559 CPC). L’accord participatif peut être homologué pour avoir la force exécutoire. En cas d’accord total, le demande d’homologation est établie par requête de la partie la plus diligente ou l’ensemble des parties, accompagnée de la convention (art. 1557 CPC). Les articles 1565 et s. CPC sont applicables : le juge compétent statue sans débats, et ne peut pas modifier la teneur de l’accord. A priori, le lien avec la médiation reste exceptionnel : mais rien n’interdit, si la discussion est bloquée au cours du processus participatif, de recourir à un tiers médiateur, puis de recommencer le dialogue avec le conseil des avocats.
III. L’encadrement de la médiation judiciaire et de la médiation conventionnelle a) La médiation judiciaire (hors médiation familiale) Art. 131-1 s CPC et art. 22 s. loi 8 février 1995 modifiés par ordonnance du 16 novembre 2011: Tout juge peut désigner un médiateur (même en référé), avec l’accord des parties. La médiation porte sur tout ou partie du litige (Article 132 CPC) La médiation ne doit pas ralentir la procédure et sa durée est de 3 mois renouvelable une fois pour une même durée, à la demande du médiateur Le juge fixe le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur et désigne la ou les parties qui consigneront la provision dans le délai qu'il détermine. La désignation du médiateur est caduque à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis. L'instance est alors poursuivie. Lorsque les frais de la médiation sont à la charge des parties, celles-ci déterminent librement entre elles leur répartition. A défaut d'accord, ces frais sont répartis à parts égales, à moins que le juge n'estime qu'une telle répartition est inéquitable au regard de la situation économique des parties A l'expiration de sa mission, le médiateur informe par écrit le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à trouver une solution au conflit qui les oppose. Le jour fixé, l'affaire revient devant le juge qui peut juger (à défaut d’accord) ou homologuer l’accord éventuel.
b) La médiation conventionnelle Les parties à un différend peuvent, à leur initiative tenter de le résoudre de façon amiable avec l'assistance d'un médiateur, d'un conciliateur de justice ou, dans le cadre d'une procédure participative, de leurs avocats, en toutes matières, civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction (notamment, sont exclues les matières d’ordre public et le droit du travail) La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. En cas de convention de procédure participative, le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois.
c) L’accord de médiation (judiciaire ou conventionnelle) 1) Le contenu général : L'accord auquel parviennent les parties ne peut porter atteinte à des droits dont elles n'ont pas la libre disposition. A défaut, cet accord ne sera pas homologable, et pourrait faire l’objet d’une action en nullité. 2) La portée juridique : Tout accord passé par l’intermédiaire d’un médiateur, judiciaire ou conventionnel, reste un contrat. En tant que tel, l’article 1134 du code civil prévoit qu’il a force obligatoire. 3) La force exécutoire, qui permet le recours à des procédures civiles d’exécution forcée, dépend de l’imperium du juge par le biais de l’homologation (article 131-12 CPC et art. 1534 CPC). Un accord homologué devient un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution. Si l’accord a été rédigé par un notaire, il peut être revêtu de la force exécutoire sans homologation par le juge. Le juge ne peut pas modifier les termes de l’accord. Il peut seulement refuser l’homologation s’il estime que l’accord méconnaît l’ordre public. L’article 1566 du CPC a prévu au titre de la médiation conventionnelle des voies de recours : le référé rétractation par un tiers en cas d’octroi de la force exécutoire, et l’appel en cas de refus. En conclusion, on observera que le droit vise à un encadrement très souple de la médiation, pour en assurer la sécurité juridique sans priver ce processus de ses avantages de souplesse, d’inventivité et de confidentialité. Le droit autorise donc tous les professionnels à recourir à ces techniques, qui traduisent à n’en pas douter une révolution en marche de la pratique judiciaire. Notes : (1) et (2) Que Sais-je, La médiation de Michèle Guillaume Hofnung 2013-313
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Vie du droit
Les défis de la démocratie représentative Colloque organisé par la Fondation Prospective et Innovation Hôtel de Talleyrand-Périgord, Paris - 21 mars 2013
Institutions et démocratie représentative
Parmi ces futurs possibles, je souhaiterais insister sur trois points. Les futurs de la démocratie représentative passent, je le crois, par une clarification du sens de la représentation (1), par une revalorisation de la fonction de représentation (2) et par une juste articulation avec des mécanismes de démocratie directe (3).
par Jean-Marc Sauvé(1) (...) ermettez-moi tout d’abord de vous remercier, Monsieur le Premier Ministre, de m’avoir convié à participer à ce débat passionnant sur la démocratie représentative. Si la première table ronde a traité du sujet – « Quels défis ? » –, qui est déjà complexe, l’intitulé de la seconde – « Quels futurs ? » – est susceptible de donner à l’interlocuteur un certain vertige compte tenu des enjeux et des difficultés qu’il soulève. Car, de fait, poser la question non pas du, mais des futurs de la démocratie représentative, suppose rien de moins que de réinventer une forme éminente de démocratie, que de renouveler un concept si profondément inscrit dans nos gènes démocratiques que l’on peut se demander si une telle réinvention est simplement possible. De plus, c’est du rapport entre les institutions et la démocratie représentative qu’il m’a été demandé de vous entretenir, tout en sachant que ces institutions, dans notre Etat, sont multiples et multiformes et, par conséquent, nécessairement complexes à appréhender. Toutefois, et dans la mesure où Dominique Bussereau a traité de la démocratie locale, c’est principalement sur la fonction représentative du Parlement que je me concentrerai. Je ne peux aborder un tel sujet, au surplus devant le vice-Président de l’une des chambres du Parlement, qu’avec humilité et une claire conscience d’un déficit de légitimité.
P
I. Clarifier ce que représenter veut dire. La démocratie représentative suppose, en premier lieu, des représentants. Ceux-ci siègent dans différentes institutions et, d’abord, au Parlement. Intellectuellement et schématiquement, deux conceptions s’opposent : celle de la souveraineté populaire, incarnée par Rousseau et le Contrat social, selon laquelle la souveraineté appartient à chacun des citoyens formant le peuple et à l’ensemble d’entre eux ; et celle de la souveraineté nationale, décrite par Sieyès dans Qu’est-ce que le Tiers-Etat ?, selon laquelle la souveraineté est du ressort de la Nation, cette entité recouvrant un être collectif qui englobe les générations présentes, passées et futures. Cette seconde conception est à l’origine de la théorie du mandat représentatif : le représentant ne peut être lié dans ses choix, car il représente la Nation, non ses électeurs. L’analyse de nos Constitutions successives révèle, en France, « une préférence assez continue pour la doctrine de Sieyès(2) ». Le Conseil constitutionnel a aussi souligné, dans plusieurs de ses décisions, que chaque membre du Sénat et de l’Assemblée nationale « représente au Parlement la Nation toute entière et non pas la population de sa circonscription d’élection(3) ».
Jean-Marc Sauvé
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La démocratie représentative est née en Europe à l’époque moderne contre la souveraineté de droit divin. Elle a érigé le peuple en nation et fait de lui le souverain, quitte parfois à lui maintenir une incarnation en une personne royale. Chaque nation a mis au point ses propres manières d’e xercer cette démocratie, mais « l’idéal démocratique de dignité, d’égalité et de respect de la personne humaine » qui soustend la démocratie représentative s’est imposé au monde entier comme une référence incontournable, quitte à n’y pas toujours déférer pleinement. En dépit des rétentions d’anciens régimes qui cherchaient à entraver son essor, la démocratie représentative a su traverser victorieusement les épreuves de deux siècles et accompagner tant bien que mal les immenses changements qui s’y sont produits. Elle s’est remarquablement adaptée à des contextes culturels, historiques, sociaux très divers à mesure qu’elle se diversifiait en devenant le régime d’un nombre croissant de pays. Toutefois les transformations contemporaines l’e xposent à une nouvelle épreuve d’un autre genre. Comme le souligne en effet Philippe Ratte: "Adoptée à partir du XVIIIème siècle comme la manière la plus efficace de conduire une nation, la forme représentative semble aujourd’hui à la peine : d’une part d’autres manières de conduire les nations paraissent tirer meilleur parti des dynamiques contemporaines, d’autre part la représentation souffre, en tant que telle, d’une crise de confiance sans précédent. Menacée de passer à la fois pour inefficace et illégitime, la représentation aurait-elle cessé d’être l’optimum qu’elle fut durant toute l’époque de la révolution industrielle et jusqu’à la fin du XXème siècle ? L’e xamen minutieux de quelques aspects de ce problème invite à tirer une sonnette d’alarme, car il en va de l’avenir d’un modèle qui a fait la grandeur de l’Occident et qui demeure son honneur*. L’objet du colloque du 21 mars 2013 a donc été d’e xplorer comment cette armature morale, politique et fonctionnelle des sociétés contemporaines, qu’est la démocratie représentative réagit à l’essor de mutations ambiantes qu’elle a rendues possibles.
Les institutions de la représentation, ce sont donc d’abord, et surtout, les assemblées parlementaires. Cette conception est toutefois insuffisante à rendre compte de l’idée de représentation, surtout au regard de la crise de la représentation, idée devenue banale, et aux nouveaux sens, voire à la polysémie, qui s’attachent au mot « représenter ». Le professeur Denquin souligne ainsi qu’en matière politique, « représenter peut signifier trois choses(4)» . En premier lieu, « tenir lieu de » : en matière de théorie du mandat politique, le titulaire d’un mandat représentatif « se substitue à celui qu’il représente », puisqu’il n’existe pas de mandat impératif. En second lieu, représenter peut signifier « ressembler » : c’est à ce sens que se rattache, par exemple, l’idée, non de représentation, mais de représentativité d’une institution. La question est alors, par exemple,
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Vie du droit de savoir si le Parlement est représentatif, en termes notamment de genre et d’origines, de la population française. Enfin, en un troisième sens, représenter peut signifier « être le porteparole de », ce dernier sens étant sans doute de plus en plus prégnant. Ces différentes significations de la représentation ont tendance à se confondre de nos jours et participent de la crise de la démocratie représentative. En particulier, un représentant du peuple dans les institutions politiques que sont l’Assemblée nationale et le Sénat ne saurait être le porte-parole d’intérêts particuliers. Mais ces effets de miroir hantent la représentation, car « le discours politique veut séduire et personnaliser [chaque citoyen] dans sa précieuse différence(5)» . D’autres institutions peuvent pourvoir à cette fonction, qu’elles soient des institutions de la République, comme le Conseil économique, social et environnemental,
ou des institutions reconnues par elle, telles que les associations ou les syndicats. La question de la représentativité est également délicate. Certes, on ne peut que se réjouir de voir émerger des assemblées plus illustratives de la diversité de la société française et il faut promouvoir cette hétérogénéité, mais il faut aussi éviter, dans notre modèle représentatif, que cet élément de spécification ne devienne le point nodal dans la prise de décision publique. Pour finir sur ce premier point, je voudrais souligner que la crise de nos institutions représentatives, sur laquelle il est devenu commun d’insister, est peut-être d’abord une crise de l’idée même de représentation. Apporter des réponses à cette crise suppose de revaloriser la fonction de représentation au sein de nos institutions (II) et de donner une juste part à des instruments de démocratie directe (III).
II. Revaloriser la fonction de représentation du Parlement au sein de nos institutions La revalorisation de la fonction de représentation jouée par le Parlement au sein de nos institutions tient tant au plein exercice qu’au juste exercice de ses fonctions. Le plein exercice de ses fonctions, tout d’abord, n’est possible que si le Parlement, au sein de nos institutions, dispose des moyens d’accomplir les tâches qui lui sont confiées, principalement l’exercice du pouvoir législatif et la fonction de contrôle du Gouvernement. A cet égard, la Ve République a constitué une rupture : la volonté de lutter contre les excès de la
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souveraineté parlementaire des IIIe et IVe Républiques a en effet conduit à la mise en place de mécanismes draconiens de rationalisation du parlementarisme. Ce « lacis de contraintes », pour reprendre une expression d’Edgar Faure(6) , a été renforcé en raison des circonstances politiques particulières ayant marqué les premiers temps de la Ve République, mais aussi de la présidentialisation accrue issue de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. La Constitution de 1958 a eu un mérite, qui procède aussi de la loi électorale, c'est-à-dire du scrutin majoritaire : l’instauration de la stabilité gouvernementale et, par suite, la clarté des choix politiques lors des élections nationales et la possibilité d’une action publique efficace. Les citoyens identifient désormais sans peine qui porte les responsabilités politiques. Mais notre organisation politique est, depuis plusieurs décennies, en quête d’une meilleure balance entre les pouvoirs. L’évolution des rapports entre le Gouvernement et sa majorité et l’émancipation progressive de celle-ci, la reconnaissance lente mais sûre de droits de l’opposition, l’instauration de la session unique en 1995(7) , le contrôle des finances sociales avec, depuis 1996, les lois de financement de la sécurité sociale(8), le renforcement du rôle budgétaire du Parlement avec les lois organiques sur les lois de finances de 2001 et 2005(9), tous ces jalons ont constitué des étapes importantes de la recherche d’un meilleur équilibre. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008(10) a constitué à cet égard une avancée significative dans la pondération des prérogatives, au sein de la procédure législative notamment, du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Elle a également permis, entre autres, d’accroître les pouvoirs de contrôle du Parlement et de substantiellement renforcer les pouvoirs du juge constitutionnel. Ces mesures sont connues : il n’est pas nécessaire d’y revenir(11). Sans juger du caractère suffisant ou non de ce rééquilibrage, force est de constater le mouvement de revalorisation de la fonction représentative et ce, surtout depuis 2008. Mais le débat sur l’équilibre entre les institutions n’est pas le seul qu’il faille mener. Il me semble que la revalorisation de la fonction de représentation au sein de nos institutions tienne également, et pour beaucoup, à deux autres facteurs : l’efficacité des politiques conduites en moyenne et longue période et l’exemplarité du comportement des représentants. Il faut donc veiller à passer du plein exercice au juste exercice de la représentation. Les institutions ne peuvent en effet qu’être dévalorisées si l’action publique n’est pas assumée par les dirigeants, comme c’est parfois le cas en matière européenne, si elle n’est pas comprise par les citoyens, si elle n’est pas efficace et ne donne pas les résultats escomptés et/ou si la conduite des dirigeants apparaît comme indigne ou simplement critiquable aux citoyens. Pour que les institutions représentatives soient respectées, il faut qu’elles soient aptes à promouvoir effectivement le bien commun et qu’elles soient en outre respectables. Cela implique de la part de chaque représentant de faire preuve de lucidité dans le diagnostic et de courage dans la prise de décision publique et de prendre au sérieux les exigences, notamment de désintéressement, qui s’attachent à son mandat. Cela implique
notamment de prévenir les conflits d’intérêts potentiels et de porter les valeurs d’intégrité, d’impartialité et de probité au sommet des principes déontologiques. Le populisme, que l’on voit périodiquement ressurgir, chez nous comme dans d’autres pays de l’Union Européenne, se nourrit certes de la crise économique ; mais il prospère également sur des choix stratégiques erronés et des échecs dans la conduite des politiques publiques, comme sur certaines dérives de la démocratie représentative et les déceptions qu’elle engendre. Sans parler de comportements pénalement répréhensibles, comme la corruption ou la prise illégale d’intérêts, une déontologie particulière doit guider l’action des représentants du peuple. L’Assemblée nationale comme le Sénat y ont pourvu, sans que les procédures mises en place ne soient toujours exemptes d’interrogations, voire de critiques. L’acuité des questions déontologiques a été renforcée par certains débats récents : comment encadrer efficacement la représentation d’intérêts (le lobbying) ? Sous quelles conditions un parlementaire peut-il être en même temps avocat ? Faut-il limiter le cumul des mandats ? Il me semble toutefois que ce qui est en cause en matière de cumul de mandats soit moins un potentiel conflit d’intérêts qu’un conflit d’agendas, un mandat parlementaire national, comme la plupart des mandats exécutifs locaux, exigeant chacun une grande disponibilité et apparaissant de plus en plus comme exclusif l’un de l’autre. De surcroît, dans la pureté de la théorie française de la souveraineté nationale, le parlementaire représente la Nation en son ensemble, le Peuple tout entier. Ce mandat s’accorde donc mal avec des ancrages locaux trop marqués. Enfin, quels que soient les devenirs possibles de la démocratie représentative, ceux-ci feront très certainement place à une plus grande transparence. Je mesure les contraintes que cette exigence est susceptible de faire peser sur les élus. Mais je ne crois pas qu’il soit possible ou souhaitable de lutter – lorsque la vie privée n’est pas en jeu et qu’aucun intérêt public ne s’y oppose – contre des aspirations profondes qui traversent la société, comme celle de la transparence. La revalorisation de la fonction de représentation tient donc aux équilibres entre institutions, mais également à la capacité des représentants à faire face aux enjeux et défis d’une société et aux comportements, individuels et collectifs, des représentants. Beaucoup a été fait dans ce sens depuis plusieurs années, mais, indéniablement, des progrès restent encore à accomplir. La prochaine loi sur la déontologie de la vie publique devrait permettre de les consacrer au Parlement, comme au sein du pouvoir exécutif, de la justice et de l’administration.
III. Articuler démocratie représentative et mécanismes de démocratie directe. Si l’idée de représentation elle-même est en crise, revaloriser la fonction de représentation n’apparaît pas comme le seul avenir possible. Car en un temps où, pour reprendre une distinction conceptualisée par la professeure de
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Vie du droit REPÈRES
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Fondation Prospective et Innovation
Jean-Pierre Raffarin ctuellement présidée par Jean-Pierre Raffarin, la Fondation Prospective et Innovation se donne pour objectif d’initier des échanges fructueux entre le monde des chercheurs et des universitaires, le
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monde des entrepreneurs et des gestionnaires d’entreprises et, enfin, le monde des responsables politiques et des décideurs publics. Selon ses fondateurs ; la France a mis du temps à réaliser que le dynamisme de son économie comme la vigueur de sa société civile dépendait aussi, pour partie, de la capacité de ses forces vives à déterminer une vision commune des grands enjeux du débat politique, économique et social. Depuis longtemps, les Etats-Unis et les autres Etats européens ont développé des Think Tanks ou des fondations qui au moyen de colloques, de publications et d’échanges internationaux ont pu anticiper les mutations de notre monde moderne et les influencer à leur avantage. Il est plus que temps que des initiatives soient prises pour combler ce retard de notre pays. Face aux grands bouleversements du
philosophie politique Hannah Pitkin, la représentation comme acting for, représentation-incarnation de la Nation, cède le pas à une représentation comme standing for, représentation-miroir de ce que pensent les représentés(12), sans doute faut-il faire une plus grande place, à côté de la démocratie représentative, aux mécanismes de démocratie directe. Le postulat sur lequel se fonde cette idée est qu’en permettant une expression directe des citoyens s’estompera la tentation pour les représentants de se faire « miroir des représentés » et, en outre, que s’atténuera l’impression des représentés, de plus en plus communément exprimée, que leur voix ne se retrouve pas, ou pas suffisamment, dans l’expression de leurs représentants. En d’autres termes, à côté des institutions de la démocratie représentative, il convient de développer des structures et procédures permettant l’épanouissement de mécanismes de démocratie directe. Je ne souhaite pas aller très en avant sur ce point parce que je prendrais le risque d’empiéter sur l’exposé à venir du professeur Manent(13). Mais la question du lien entre la démocratie représentative et la démocratie directe doit évidemment être posée. Aucune réponse simple ne peut y être apportée et ce choix est l’un des dilemmes les plus profonds auxquels ont été et restent confrontés les régimes démocratiques. Ce qui frappe aujourd’hui, c’est toutefois l’émergence d’un « impératif délibératif »(14), d’un « devoir débattre »(15). Il y a dans cette idée un lien évident avec de nombreux travaux, à commencer par ceux de Jürgen Habermas et du professeur Bernard Manin(16). Selon ces auteurs, la « raison procédurale » doit être vue comme une condition essentielle de la légitimité de la décision publique, car le principe de la légitimité démocratique lui-même « doit être recherché
monde d’aujourd’hui, la Fondation Prospective et Innovation souhaite apporter un regard neuf, riche de la diversité des expériences des experts qui participent régulièrement à ses activités, sur les quatre chantiers prioritaires qu’elle a engagés : 1) l’émergence de l’Asie et plus particulièrement de la Chine et ses conséquences sur l’équilibre du monde ; 2) le renforcement des liens de coopération avec l’Afrique, continent à la richesse culturelle exceptionnelle et terre promise à un brillant avenir économique ; 3) l’amélioration de notre compétitivité à travers la promotion de l’innovation, des nouvelles technologies et de la sécurité juridique ; 4) la définition d’une nouvelle gouvernance plus participative et le renforcement de la légitimité des élus et des corps intermédiaires.
dans le processus de formation de la décision collective »(17) . Une fois le principe d’une part de démocratie directe posé, doit être traitée la question de sa mise en œuvre. Le référendum est la forme qui vient le plus naturellement à l’esprit(18). Mais les formes de participation directe, de collaboration des citoyens sont très variées et elles peuvent venir en appui des mécanismes de démocratie représentative. Les différents forums dans lesquels les citoyens peuvent exposer leurs points de vue avant qu’une la loi ou un décret ne soit adopté paraissent ainsi particulièrement adaptés à une bonne articulation entre démocratie représentative et démocratie directe par exemple les débats publics qui sont menés sur des choix de société ou de grands projets d’aménagement ou encore les consultations, notamment par Internet, qui peuvent être menées sur des projets de texte. Il faut notamment que les potentialités de mobilisation d’Internet et des réseaux sociaux soient exploitées mais il ne faut pas s’en dissimuler les difficultés et les dangers, dont celui d’un traitement superficiel ou excessivement minoritaire des sujets, qu’il convient de prévenir. La démocratie directe ne doit ainsi venir qu’en appui, comme la « béquille » d’une démocratie représentative qui doit demeurer le point d’équilibre de notre régime politique. La démocratie représentative doit aussi se conjuguer avec le dialogue social, pour éviter l’instabilité ou l’inacceptabilité de la norme en matière sociale et pour favoriser sa pertinence. Il faut ainsi veiller à insérer dans la procédure d’élaboration de la loi la concertation avec les partenaires sociaux : la « loi Larcher » du 31 janvier 2007(19), d’où est issu l’article L.1 du Code du travail, prévoit ainsi une procédure d’information et, le cas échéant, de négociation entre partenaires sociaux avant le dépôt de tout projet de loi portant sur les relations du travail.
Le Gouvernement actuel propose d’ériger au niveau constitutionnel cette règle législative, de telle sorte que l’obligation de dialogue social préalable s’impose juridiquement au Gouvernement et au Parlement. Les futurs de la démocratie représentative sont donc multiples et les institutions qui l’incarnent seront, nécessairement, amenées à évoluer. On n’imagine pas, au demeurant, qu’un modèle démocratique, quel qu’il soit, puisse demeurer immobile, alors que la société, notamment de l’information, évolue si rapidement et si profondément autour de lui. Ces futurs sont incertains, mais ils passent au moins par une clarification des sens de ce que l’on est en droit d’attendre de la démocratie représentative, par une revalorisation des institutions de cette démocratie et par une juste articulation avec certains instruments de démocratie directe. * Extraits du compte-rendu analytique de ce colloque établi par la Fondation Prospective et Innovation à partir des exposés liminaires et du débat qui s’en est suivi, rédigé par Philippe Ratte et qui paraîtra prochainement. Notes : (1) Texte écrit en collaboration avec Monsieur Olivier Fuchs, conseiller de Tribunal administratif et de Cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-Président du Conseil d’Etat. (2)A.-M. Le Pourhiet, op. cit., p. 10. Ainsi que le souligne l’auteur, « si la terminologie employée par les constituants successifs est souvent ambigüe, le rejet du mandat impératif comme l’unité et l’indivisibilité du corps représenté tendent cependant à révéler une préférence assez continue pour la doctrine de Sieyès, y compris dans les constitutions retenant le suffrage universel et le référendum » (ibid.). (3) Voir CC, décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999, csdt 9 ; CC, décision n° 2004-490 DC du 12 février 2004, csdt 14 ; CC, n° 2007-457 DC du 15 février 2007, csdt 10. Pour un point détaillé sur la jurisprudence relative à ce sujet, voir A.-M. Le Pourhiet, op. cit., p. 10 et s. (4) J.-M. Denquin, « Démocratie participative et démocratie semidirecte », Cahiers du Conseil constitutionnel, 2008, n°23. (5) L. Jaume, « Représentation », in Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003. Spéculaire : qui réfléchit comme un miroir (Petit Robert). (6) E. Faure, Allocution de fin de session, 2ème séance du 21 décembre 1977, JOAN, p. 9139. (7) Loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 portant extension du champ d’application du référendum, instituant une session parlementaire ordinaire unique, modifiant le régime de l’inviolabilité parlementaire et abrogeant les dispositions relatives à la Communauté et les dispositions transitoires. (8) Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale. (9) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances et loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005 modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Voir R. Hertzog « La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dans l'histoire des grands textes budgétaires : continuité et innovation », Revue française d'administration publique 1/2006 (no 117), p. 15-30. (10) Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République. (11)Pour une publication récente sur le sujet, voir J. Gicquel, A. Levade, B. Mathieu, D. Rousseau (dir.), Un Parlement renforcé ? Bilan et perspectives de la réforme de 2008, Paris, Dalloz, 2012. (12) H. Pitkin, The Concept of Representation, Berkeley, University of California Press, 1967 ; voir aussi S. Pierré-Caps, « Représenter la société civile ? », in Représentation et représentativité, op. cit., p. 30-32. (13) Intitulé « La démocratie représentative, seul modèle ? ». (14) L. Blondiaux, Y. Sintomer, « L’impératif délibératif », Politix, 2002, n° 57, p. 17-35. (15) C. Blatrix, « Devoir débattre. Les effets de l’institutionnalisation de la participation sur les formes de l’action collective », Politix, 2002, n° 57, p. 79-102. (16) Voir notamment J. Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997 ; B. Manin, « Volonté générale ou délibération ? Esquisse d’une théorie de la délibération politique », Le Débat, 1985, n° 1, p. 72-94. (17) B. Manin, « L’idée de démocratie délibérative dans la science politique contemporaine. Introduction, généalogie et éléments critiques », Politix, 2002, n° 57, p. 38. (18) Sur ce point, J.-M. Sauvé, « Référendum et démocratie », colloque Théorie et pratiques du référendum de la SLC du 4 novembre 2011, disponible sur le site du Conseil d’Etat. (19) Loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social.
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Vie du droit
Conseil National des Barreaux Vers une réforme globale de l'accès au droit et à la Justice proposée aux pouvoirs publics par la profession d'avocat Paris - 23 mars 2013 Le Conseil National des Barreaux, réuni en Assemblée générale les 22 et 23 mars 2013, a adopté, suite au rapport présenté par Madame le Bâtonnier Myriam Picot (Barreau de Lyon), Présidente de la Commission accès au droit, les lignes directrices d'une réforme globale de l’accès au droit et à la Justice.
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Christian Charrière-Bournazel
dans des lieux au plus près d'eux et sur des problématiques qui leur sont spécifiques. Il est cependant indispensable de mettre un terme au système actuel des UV fixés par matière pour un calcul de la rémunération de l’Avocat à l’acte accompli. Le système reposerait sur des exigences de qualité et de formation des Avocats appartenant à ces groupes de défense. 2 - Des solutions au financement du budget de l’aide juridictionnelle avec trois options retenues :
a réflexion s'est inscrite dans la continuité des travaux adoptés par l’Assemblée générale de juillet 2012 sur la recherche de financements complémentaires de l’aide juridictionnelle. Elle définit plus précisément les options à envisager sur les deux thèmes majeurs de réforme de l'accès au droit : une réforme des structures actuelles (1) et des solutions au financement du budget de l’aide juridictionnelle (2).
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Le développement de l’assurance de protection juridique dont le caractère subsidiaire est affirmé par les textes. La proposition a été faite d’étendre la protection juridique aux contrats de multirisques habitation. A défaut d’études d’actuaires, la profession ne dispose pas de données crédibles en ce domaine pour calculer le surcoût d’une éventuelle assurance obligatoire. Il s'agira d'en étudier précisément les impacts.
1 - La réforme des structures actuelles avec principalement deux réformes envisagées : La création d’un fonds dédié de gestion de l’aide juridique. Il s’agit notamment de mettre fin aux dysfonctionnements régulièrement constatés dans le circuit de versement des dotations aux barreaux par l’État. La profession pourrait reprendre en charge la gestion de ces fonds au même titre que la contribution pour l’aide juridique dont elle assure déjà la répartition. La mise en place de groupes de défense conventionnés dans le cadre d’une démarche volontaire des barreaux. Il s’agit d’étendre à d'autres champs d'activité la pratique des protocoles article 91 dans le domaine de la défense pénale (43 conventions ont été signées par les Barreaux en 2012) sans aucunement remettre en cause la liberté de choix de l’Avocat, le client pouvant toujours faire choix d’un Avocat hors structure qui sera rétribué à l’acte au titre de l’aide juridictionnelle. Ces structures conventionnées permettraient aux Barreaux d’intervenir au soutien des populations les plus fragiles, là où les Avocats ne sont actuellement pas ou très peu présents,
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La réforme de la loi de matière de répétibilité des honoraires. Il est proposé d’harmoniser les textes de l’article 700 CPC et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dont les règles sont inversées, Et de créer un article 700-1 nouveau du CPC en matière d’aide juridictionnelle. Un travail sur la rémunération des actes en matière de modes alternatifs de règlement des litiges et d’acte d’Avocat. Vers une réforme globale proposée par la profession d'Avocat aux Pouvoirs publics Le travail et la réflexion de la commission sera complété et affiné notamment grâce aux propositions que pourront faire les Barreaux et les organisations professionnelles dans le cadre de la concertation. Il s’agit à ce stade d'adopter à court terme les lignes directrices de la profession qui permettront à la Commission accès au droit et au Conseil national des Barreaux de mener les discussions à venir avec les pouvoirs publics sur cette réforme de l’accès au droit.
Le Conseil National des Barreaux, réuni en Assemblée générale les 22 et 23 mars 2013, connaissance prise du rapport de la commission Accès au droit sur la réforme de l’accès au droit et à la Justice, et à l’issue des États généraux de l’accès au droit du 14 décembre 2012 : Rappelle et maintient sa résolution du 6 juillet 2012 sur la taxation des mutations et actes juridiques comme source de financement complémentaire de l’aide juridique et la création d’un fonds d’aide juridique. Rappelle que ces nouveaux modes de financement de l’accès au droit ne sauraient se substituer au financement étatique. Et poursuivant sa réflexion afin d’assurer une refonte globale de l’accès au droit, Se déclare favorable à une généralisation de la garantie protection juridique en la rendant obligatoire dans tous les contrats d’assurance multirisque habitation, et à une extension de son objet aux principaux contentieux. Demande aux pouvoirs publics : - de prendre en charge l’accès au droit de manière équivalente, que le litige soit traité par un mode alternatif de règlement des litiges (MARL) ou qu’il soit réglé en juridiction. - et d’ouvrir l'acte d'Avocat aux bénéficiaires de l'aide juridique. Souligne que le regroupement des moyens est une évolution à envisager et propose la mise en place d'expériences pilote de structures conventionnées par des barreaux volontaires. Demande aux pouvoirs publics une réforme législative tendant à modifier l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et à créer un article 700-1 du Code de procédure civile, en y intégrant les dispositions suivantes : « Dans toutes les instances, le Juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'Avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le Juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » Et invite les Barreaux et les organisations professionnelles à transmettre à la Commission accès au droit du Conseil National des Barreaux leurs propositions pour mettre en œuvre une telle réforme de l’accès au droit et à la Justice. Source : communiqué du 23 mars 2013
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Rentrée solennelle
Tribunal de commerce de Bobigny 17 janvier 2013
L’audience solennelle d’ouverture de l’année judiciaire du Tribunal de Commerce de Bobigny s’est tenue le 17 janvier 2013, la prévention des difficultés des entreprises étaient au cœur des discours prononcés tant par le Président de la juridiction consulaire Gérard Védrenne que par le Procureur de la République adjoint Philibert Demory. Abordant le thème de la réforme de la justice commerciale, le Président Védrenne s’est déclaré particulièrement inquiet de voir « les apports de l’institution consulaire au droit et à l’économie mis à mal au nom de l’idéologie imperméable aux faits et à la raison ». Pour lui l’échevinage aurait pour conséquence « immédiate ou à terme de déresponsabiliser le juge, de le démotiver et de nuire par là même à la qualité de ses décisions ». Il a conclu ses propos en exhortant ses collègues à renoncer si « l’e xpérience et la connaissance de l’entreprise ne devaient plus être considérées comme les qualités du juge du commerce ». Quant au représentant du Parquet, Philibert Demory, citant la note du 21 juin 2012 de Christiane Taubira relative au rôle du Ministère Public dans le traitement des difficultés des entreprises, il s’est déclaré satisfait que le Parquet de Bobigny soit un des seuls Parquets à avoir installé une commission d’action publique en matière économique et financière car elle permettra, sous l’autorité conjointe du Ministre du Redressement productif, de conduire une « véritable prévention judiciaire ». Jean-René Tancrède
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Philibert Demory
La prévention judiciaire par Philibert Demory (...)
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u’il me soit permis avant d’aborder l’activité de votre juridiction, Monsieur le Président, de rendre un hommage particulier au Greffe de votre juridiction. Madame et Messieurs les Greffiers Associés, l’année 2012 nous a encore offert l’occasion de constater l’efficacité de votre action caractérisée par sa modernité, sa célérité, sa réactivité.
Modernité par la place faite à la numérisation des procédures et son corollaire, l’accès facilité à l’ensemble des pièces qui la composent. Plus de lourds et volumineux dossiers à transporter, la mise à disposition des membres du Tribunal et du Ministère public de tablettes offrant à l’audience un accès exhaustif à chacun des dossiers appelé, illustre au mieux les progrès dont vous nous faites bénéficier. La présentation de ce dispositif que nous avons faites ensemble, Monsieur le greffier associé, cet automne au Congrés National des greffiers des Tribunaux de commerce a suscité un vif intérêt et beaucoup d'envie. Monsieur l'Inspecteur Général des Services judiciaires témoin de cette présentation me disait il y a peu son admiration. La signature éléctronique que nous expérimentons depuis trois années et qui me permet d'accuser réception de façon authentique de l'ensemble des jugements et ordonnances que me notifiez, est un autre exemple de modernité. Nos travaux ont suscité l'intérêt des services de la Chancellerie qui après expertise, je me crois autorisé à vous le confirmer, ont décidé d'étendre cette expérimentation à trois autres Tribunaux de commerce et parquets, avant sa généralisation. Célérité, dans la prise en charge et l’enrôlement des affaires, dans la production des jugements. Réactivité, je ne veux que pour exemple la prise en compte des saisies pénales de fonds de commerce, que vous êtes parmi les premiers, voire les premiers en France à avoir su traiter. Soyez aussi remerciés pour votre disponibilité. (...) L’année 2012 est marquée par une nette évolution du nombre d’enrôlements aux fins d’ouverture de procédures collectives : 2004, soit un niveau équivalent à celui atteint pour l'année 2008. De même le nombre de procédures collectives ouvertes est quasi équivalent à celui atteint en 2008 et 2010.
Seuls 12 % des jugements d’ouverture ont porté espoir de suivie des entreprises concernées : soit 12 ouvertures de sauvegarde et 186 de redressements judiciaires. La mise en perspective du nombre de jugements rendus en 2012 arrêtant un plan de sauvegarde ou de redressement, respectivement 13 et 43 renforce encore cette appréciation, surtout lorsque dans le même temps le Tribunal prononçait la résolution de 4 plans de sauvegarde et de 30 plans de redressement. Ces données illustrent une fois encore le caractère beaucoup trop tardif du recours à votre Tribunal, Monsieur Le Président. Les situations dont vous avez à connaître sont dans neuf cas sur dix sans issue. Ce constat, déjà fait, renvoie de façon récurente à la question de l’information utile dispensée aux chefs d’entreprise. Par la loi de sauvegarde, le législateur a offert aux entreprises un cadre rénové, organisé autour d’un objectif majeur : permettre la poursuite de l’activité et préserver l’emploi. Dans le contexte économique actuel, il nous faut faire, Monsieur Le Président, œuvre de persuasion auprès des organes consulaires : Chambres de Commerce et Chambre des Métiers, des ordres et organisations professionnelles pour qu’ils soient un relais utile auprès des dirigeants d’entreprise. La loi offre, via le mandat ad hoc et la conciliation, des cadres juridiques efficaces. L’année 2012 en est l’illustration : 18 mandats ad hoc et 17 conciliations ont permis la sauvegarde de 30 065 emplois et concerné des entreprises dont le chiffre d’affaires cumulé s’établit à près de 1,3 milliards d’euros. Sous vote égide, Monsieur le Président, c’est la démonstration de ce que ce dispositif fonctionne. Il n’est pas réservé aux grandes entreprises. Il en est de même de la procédure de sauvegarde, mais 12 ouvertures en 2012, cela reste peu.
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Rentrée solennelle Le contexte économique actuel nous commande d’accroître nos efforts. Tel est le sens de la Note du 21 juin 2012 de Madame de la Garde des Sceaux relative au rôle du Ministère Public dans le traitement des difficultés des entreprises. Parmi les trois points mis en évidence : - la prévention des difficultés des entreprises, - l’information, - le bon fonctionnement du Service Public de la Justice, je m’attacherai Monsieur le Président tout d’abord à la prévention des difficultés des entreprises et à l'information du Ministère Public.
Gérard Vedrenne
Le Parquet de Bobigny est un des seuls parquets à avoir installé une commission d’action publique en matière économique et financière. C’était le 19 décembre 2008. Sous l’autorité du Procureur de la République, cette commission n’a d’autre but que d'organiser un échange d'informations avec les acteurs institutionnels et les organismes sociaux, de détecter plus en amont les difficultés éconmiques des entreprises. Ce dispositif va être réactivé pour nous donner, Monsieur le Président, en complément de celui mis en place au niveau régional et départemental par le Ministre du Redressement Productif, les moyens de conduire une véritable prévention « judiciaire », si vous me permettez cette expression.
S’agissant du bon fonctionnement du Service Public de la Justice, l’investissement du parquet auprès de la juridiction commerciale balbinienne est total, vous le savez Monsieur Le Président, souvent au prix de difficultés liées à l’insuffisance de l’effectif de magistrats, aux vacances de poste. Mais quelles que soient ces difficultés, l’engagement du Ministère Public demeurera plein et entier. (...) Je forme le vœu, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Vice-Président et Juges, que l’année 2013 soit une nouvelle fois placée sous le signe d’une confiance partagée dans le respect du rôle de chacun. Merci.
Le non-respect par l’un des acteurs des valeurs communes rejaillit sur l’ensemble de la justice consulaire. N’oubliez jamais dans l’exercice de vos fonctions consulaires que vous rendez la justice au nom du peuple français. Vous devrez faire preuve de qualités d'écoute et d'humilité ; ayez toujours à l’esprit la violette symbole de l’humilité , pour vous inscrire dans la continuité de la volonté de Michel de l'Hospital, apôtre de la tolérance.
Les qualités de la justice commerciale
D.R.
(...)
L’humilité du juge consulaire par Gérard Vedrenne (...) a justice consulaire est une œuvre commune. Les acteurs de la justice consulaire accomplissent ensemble, par l’action du juge et dans le respect des principes et valeurs qu’ils partagent, une œuvre commune qui s’intègre dans le service public de la justice. Bien que le justiciable soit au centre du service public de la justice, la justice n’est pas au service du justiciable mais au service de la société dont elle garantit le fonctionnement conformément à la Loi. Le juge doit être indépendant et impartial : indépendant par rapport au tissu social et professionnel, indépendance par rapport aux parties. L’impartialité, c'est-à-dire absence de parti pris. La justice consulaire est fondée sur des valeurs d’humanisme, de compétence indissociablement liée à l’amélioration de la qualité, de confidentialité et de loyauté, en l’absence desquelles la justice ne trouverait pas sa place.
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A ce moment et reprenant les propos de JeanBertrand Drummen, Président de la conférence générale des tribunaux de commerce, lors du congrès national des juges consulaires, je voudrais vous faire part de notre inquiétude, de notre incompréhension, voire de notre colère devant les propos de nos détracteurs repris par la presse. Inquiétude de voir les apports de l’institution consulaire au droit et à l’économie mis à mal au nom de l’idéologie imperméable aux faits et à la raison. Le juge du commerce est légitime dans sa fonction. Il dispense une Justice de qualité. L’encadrement légal de sa mission et la présence du Ministère public à ses côtés garantit son indépendance et son impartialité. Le Ministère public est le gardien de la loi. La présence d’un magistrat professionnel dans la composition de jugement n’est pas nécessaire dès lors que le Procureur exerce sa mission. Cette présence aurait nécessairement comme conséquence immédiate ou à terme de déresponsabiliser le juge, de le démotiver et de nuire par là même à la qualité de ses décisions. Le juge apporte, bénévolement et au prix de réels sacrifices touchant sa vie personnelle, ses formations et ses expériences professionnelles multiples acquises dans l’entreprise La légitimité du juge consulaire vient de la prestation de serment identique à celle du magistrat professionnel. Cette légitimité est consacrée par une décision d’importance celle du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012 qui a rejeté la question mettant en cause l’indépendance l’impartialité et la compétence des juges consulaires, confortée par son origine économique et son élection par les représentants du monde économique du ressort.
La célérité de la Justice commerciale est reconnue : dans le délai de traitement des affaires et dans la capacité à absorber une augmentation importante du nombre de dossiers sans ralentir leur délai de traitement, ce qui est le cas depuis 2008 en matière de procédures collectives. La justice commerciale exerce une activité unique en matière de prévention des difficultés des entreprises : la détection des entreprises en difficulté et les dizaines de milliers d’entretiens menés par les 135 Tribunaux de France, la mise en œuvre des mesures conventionnelles légales, mandats ad hoc et conciliations, témoignent de l’efficacité de nos Tribunaux dans la prévention des difficultés des entreprises. Sur un seul échantillon de 22 Tribunaux, nous avons dénombré 88 731 salariés employés en 2011 dans des entreprises sous mandat ad hoc, en conciliation ou en sauvegarde. Et l’on sait que le taux de succès de ces mesures est de l’ordre de 70 %. Entre 2006 et 2011 le nombre de mandats ad hoc est resté stable, entre 1 100 et 1 200, le nombre de conciliations est passé de 686 à 854 et le nombre de sauvegardes de 15 à 523. La Justice commerciale innove. Elle a été à l'origine de l'évolution de la jurisprudence commerciale ou législative en contentieux, par exemple la révision de la clause pénale, l’évolution du droit des sociétés, ou encore la reconnaissance du pouvoir autonome du Ministre de l’Economie à poursuivre l’auteur de pratiques restrictives de concurrence ; de même dans les procédures collectives avec la sauvegarde financière accélérée et le mandat ad hoc initié par une création prétorienne. La Justice commerciale est une Justice de qualité. Elle le doit à la formation conçue et dispensée par l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM) que reçoit le juge, et qui a considérablement progressé en 10 ans. L'ouverture et la sensibilité du juge consulaire aux problèmes de l’entreprise, à une solution rapide des conflits et à la préservation des relations économiques à long terme au-delà du conflit. Le juge du commerce, homme d’entreprise, est par essence négociateur. Les Tribunaux de commerce sont donc particulièrement bien placés pour développer les modes de résolution amiable des différends, ainsi que le souhaitent aujourd’hui les autorités
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Rentrée solennelle
Jean-François et Vincent Doucède politiques judiciaires et économiques. La prise de décision des juges consulaires dans un cadre collégial qui assure l'impartialité de ces décisions et permet d’é viter des erreurs qui seraient coûteuses pour l’économie et l’emploi, particulièrement dans le domaine des procédures collectives où le taux d’infirmation en appel est très bas. Les juges consulaires exercent leur mission dans le cadre plus large d'un corps de juges, doté d'une grande cohésion qui assure l’homogénéité des décisions. La Conférence Générale, à la base de
cette cohésion, apporte aux juges un support notable en matière de formation, de documentation, d’échange d’expériences et de méthodologie. Les juges consulaires, à travers la Conférence Générale, collaborent à l’évolution de la Justice commerciale par leur présence au sein du Conseil national des Tribunaux de commerce, organisme consultatif auprès de la Chancellerie, et leurs contacts permanents avec leur ministre de tutelle. Ils sont présents dans les binômes de formation continue de l’ENM, formation à
laquelle assistent les magistrats professionnels. Ils sont force de proposition, par exemple sur le sujet de la convalescence des entreprises. Un encadrement légal garantit indépendance et impartialité Le Ministère public, gardien de la loi, est pour les Tribunaux de commerce un gage de sécurité. Il a autorité sur les administrateurs et mandataires judiciaires. Il dispose des voies de recours. Le Procureur est le magistrat professionnel dont la présence doit être exigée auprès du Tribunal, particulièrement dans le domaine des procédures collectives. Le code de commerce prévoit le renvoi de l’affaire lorsque les « intérêts en présence le justifient ». Ces dispositions doivent trouver une application rigoureuse chaque fois qu’il est nécessaire et conformément à la jurisprudence. Une affaire peut ainsi être dépaysée à la demande du Président du Pribunal ou du Ministère public. En cas de conflit d’intérêt, le renvoi de l’affaire à une autre formation de jugement du Tribunal ou à un autre Tribunal s’impose. Il est de pratique courante. Si l’expérience et la connaissance de l’entreprise ne devaient plus être considérées comme les qualités premières du juge du commerce alors ils renonceraient. Cela signifie la suspension des audiences, des démissions nombreuses. Le fonctionnement de la Justice commerciale serait ruiné. Ce serait déplorable pour tous. Les juges du commerce espèrent ardemment ne pas en arriver à pareille extrémité. (...) 2013-316
Vie du droit
Conférence des Bâtonniers Transparence de la vie publique : un projet inacceptable pour les avocats et préjudiciable pour la démocratie Paris - 19 avril 2013 ier un fait divers, aujourd’hui un scandale d’Etat, mais trop souvent une réaction gouvernementale précipitée et ici parfaitement insupportable… comme si les lois devaient subir les faits divers ou les scandales au lieu de tenter de les prévenir. La nécessité de moraliser la vie politique devrait susciter concertation, réflexion et dispositions précises permettant d’accompagner ceux qui se dévouent à la « chose publique » en évitant l’insupportable dévoiement mis en œuvre par quelques uns qui utilisent l’action publique à des fins personnelles. Mais voici que le Gouvernement pense possible d’interdire à certains professionnels d’exercer des fonctions d’élus du peuple. Plus encore, son imagination se concentrerait sur des professions qui contribuent à l’exercice démocratique :
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journalistes et avocats seraient donc placés sur ce que certains n’hésitent pas à appeler une « liste noire ».
Ce n’est pas d’avocats, de journalistes, ou même de chirurgiens dont il s’agit : ce sont d’élus dont il convient de se soucier. Les perspectives et projets du Gouvernement sont absolument intolérables. Les avocats, professionnels libéraux indépendants, exercent leurs activités conformément à leur serment fondé sur des
valeurs éthiques encadrées par une déontologie stricte. Les Bâtonniers et le Parquet assurent l’action disciplinaire de cette profession règlementée. La profession d’avocat interdit les conflits d’intérêts. Dans le respect des lois de la République qui limitent déjà son exercice professionnel, un avocat doit pouvoir être parlementaire. La République ne peut choisir ses élus. Ce sont les citoyens qui choisissent les élus de la République. Ainsi, et seulement ainsi, le Parlement est l’expression de la démocratie. Les avocats ne se défendent pas. Encore une fois, les avocats défendent les citoyens et la République à laquelle leur profession a tant donné. Source : communiqué du 19 avril 2013
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Annonces légales
Société Mariage pour tous : plaidoyer pour une audience publique
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sensiblement renforcé l’autorité de la juridiction constitutionnelle et contribué à l’information des Français. Pour quelle raison cette procédure indispensable à la qualité d’une bonne justice serait-elle réservée au contrôle a posteriori (QPC) et exclue pour le contrôle a priori (DC) ? Voici quelques semaines, la Cour suprême des Etats-Unis, pionnière depuis 1803 du contrôle de constitutionnalité, a tenu deux grandes audiences sur le thème du mariage entre personnes du même sexe ; le débat a été riche, animé, plaidé par de brillants avocats, et suivi par plusieurs dizaines de millions d’Américains. Pourquoi devraitil en aller différemment en France ? - Enfin, le dossier du « mariage pour tous », qui suscite dans notre pays un débat politique, juridique et anthropologique particulièrement vif, constitue l’affaire idéale pour que le Conseil constitutionnel organise une audience : le moment sera venu de rompre avec une habitude de secret héritée de temps révolus, et de porter à la connaissance du public, lorsque l’importance de l’affaire le justifie,
François-Henri Briard Trois séries de motifs militent en faveur d’une telle initiative : - Tout d’abord, le droit applicable permet la mise en place d’une telle audience : aucune disposition de la Constitution, de la loi organique du 7 novembre 1958 ou des dispositions règlementaires en vigueur ne s’y oppose. - Ensuite et surtout, la question prioritaire de constitutionnalité introduite par la révision constitutionnelle de 2008 a profondément modifié le fonctionnement du Conseil constitutionnel, qui a tenu à ce jour plus de 200 audiences ouvertes au public, enregistrées et retransmises sur Internet. Au cours de chacune de ces audiences, les avocats des parties et le Gouvernement ont pu s’exprimer librement, dans des conditions de transparence et de contradiction qui ont
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le débat essentiel qui se déroule devant lui. La qualité de la Justice constitutionnelle, sa sérénité et son autorité en sortiront grandies ; et le peuple français saura pourquoi cette loi est, selon certains conforme à la Constitution, selon d’autres inconstitutionnelle… Lorsque la décision aura été rendue, celle-ci s’imposera, non seulement aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ainsi que le prévoit la Constitution, mais aussi à chacune et chacun d’entre nous. François-Henri Briard Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation Notes : 1 - Loi constitutionnelle du 29 octobre 1974, adoptée à l’initiative du Président Valéry Giscard d’Estaing. 2 - Cf. le règlement intérieur du Conseil constitutionnel.
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Photo © Jean-René Tancrède
ans quelques semaines, à l’instar d’autres Cour suprêmes du monde, la juridiction constitutionnelle de la France statuera sur la conformité à la Constitution d’une loi ouvrant le mariage aux couples de personnes du même sexe. Saisi par des parlementaires dans les conditions prévues par l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel examinera ce texte dans le cadre d’une procédure non publique; sa décision ne sera connue qu’à l’issue de l’instruction écrite et aucune audience ne sera en principe organisée ; les mémoires échangés devant les Sages ne seront publiés au Journal Officiel qu’après que la décision aura été rendue. Les Français seront ainsi privés de la visibilité pourtant indispensable à un débat aussi essentiel. Le Conseil constitutionnel peut remédier à cette situation : il doit organiser une audience, au cours de laquelle les différents points de vue pourront être publiquement exposés et par suite connus du Peuple français, au nom duquel sont rendues toutes les décisions de justice.
Jurisprudence
Conflit de lois et droits d’auteur Le titulaire initial des droits d'auteur sur une œuvre de l'esprit est désigné par la loi du pays où la protection est demandée Cour de cassation - 1ère Chambre civile - 10 avril 2013 - Pourvoi 11-12508 La Cour de cassation, première chambre civile, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., entré en 1978 en qualité de reporter-cameraman au service de la société américaine ABC News Intercontinental Inc, qui exploite une chaîne de télévision américaine, a été affecté au bureau de Paris à partir de 1993, puis licencié pour motif économique le 8 octobre 2004 ; qu'il a saisi le conseil de prud'hommes d'une contestation de son licenciement, de diverses prétentions salariales et indemnitaires, ainsi que de demandes au titre de la violation de ses droits patrimoniaux et moraux d'auteur du fait de l'exploitation non autorisée des reportages et documentaires dont il indiquait être l'auteur ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes au titre du droit d'auteur, l'arrêt retient que l'article 5-2 de la Convention de Berne régit le contenu de la protection de l'auteur et de l'oeuvre, mais qu'il ne fournit pas d'indication relative à la titularité des droits, à leur acquisition, non plus qu'à leur cession, de sorte que, dans le silence de ce texte, il y a lieu de faire application de la règle française de conflit de lois ; Qu'en statuant ainsi, alors que la détermination du titulaire initial des droits d'auteur sur une oeuvre de l'esprit est soumise à la règle de conflit de lois édictée par l'article 5-2 de la Convention de Berne, qui désigne la loi du pays où la protection est réclamée, la cour d'appel a violé cette disposition par fausse application ; Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :
Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches, ci-après annexé, après avis de la chambre sociale :
Mais sur le premier moyen :
Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes au titre du droit d'auteur, l'arrêt rendu le 15 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Vu l'article 5-2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques ; Attendu, selon ce texte, que la jouissance et l'exercice des droits d'auteur, qui ne sont subordonnés à aucune formalité, sont indépendants de l'existence de la protection dans le pays d'origine de l'oeuvre ; que, par suite, en dehors des stipulations de la Convention, l'étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d'après la législation du pays où la protection est réclamée ;
Condamne la société ABC News Intercontinental Inc aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société ABC News Intercontinental Inc à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize. (…) 2013-319
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, dont aucun des griefs n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Au fil des pages
L’application du droit national, international et européen Approche contextualisée des cas de pluralisme juridique mondial par Jean-Sylvestre Bergé et ouvrage propose d'expliciter, autour de nombreuses situations et par des exemples concrets l'analyse du juriste chaque fois qu'il est confronté à un cas de pluralisme juridique mondial où plusieurs droits, élaborés dans un contexte national, international ou européen ont vocation à s'appliquer ensemble. L'application du droit développe, dans la variété des situations juridiques mondiales, un dynamisme qui lui est propre. Elle ne peut résulter de la seule mise en oeuvre d'une méthode ou d'une solution juridique à un instant donné, dans un espace et à un niveau
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prédéterminés, par un acteur dûment identifié. Il faut l'appréhender dans un mouvement. Pour une même situation, plusieurs droits doivent être parfois mobilisés, alternativement, cumulativement, dans un même temps ou à des moments différents, dans un seul ou une pluralité d'espaces ou niveaux, par un acteur unique ou des acteurs multiples. Cette dynamique particulière, dont le juriste doit s'imprégner en passant d'un contexte national, international ou européen - à l'autre, exerce une influence sur le droit, ses utilisations et, parfois, son contenu.
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Editions Dalloz 366 pages - 42 euros 2013-320
In Memoriam
Le Premier Président Pierre Drai nous a quittés 3 juillet 1926 - 18 avril 2013 La famille judiciaire est en deuil, elle vient d’apprendre le décès de Pierre Drai, Haut Magistrat dont la droiture, le sens de l’humain, la courtoisie et la haute conscience ont honoré la Justice française. Premier Président très écouté, il a notamment modernisé la haute Juridiction du Quai de l’Horloge de 1988 à 1996, date à laquelle il est parti à la retraite. Cet homme engagé dans les combats contre les injustices a tracé, au cours de sa vie accomplie, un chemin qu’il nous appartient de suivre ; il reflète le caractère exceptionnel de sa personnalité dévouée à l’œuvre de justice. Sa probité, sa rigueur et son autorité morale le placent au rang des meilleurs parmi les plus grands. Sans jamais chercher à s’imposer, avec délicatesse et une grande humilité, il a incontestablement écrit une page de l’histoire judiciaire française. Nous exprimons à toute sa famille notre peine et lui adressons nos condoléances sincères et attristées. Jean-René Tancrède
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Pierre Drai
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celui qui, tout au long de son parcours, sut si bien protéger, de sa main experte, la flamme vacillante de la Justice, qu'hommage soit rendu ! Les yeux de Pierre Drai s'étaient ouverts à la lumière du jour, en 1926, en un lieu où elle est si belle, Constantine, la cité aérienne. Il aimait à rappeler que son père, greffier, lui avait donné là le goût du droit. Il débuta sa carrière en qualité de juge suppléant à Tunis. De ses premières années méditerranéennes, il gardera toujours la chaleur et l'extrême convivialité des relations qu'il entretenait avec tous. Il savait se montrer attentif aux autres, soucieux de les comprendre et de les aider. Tous ceux qui ont eu le privilège del'approcher portent témoignage de sa générosité et de son aménité. Par son accueil affable et son humeur toujours égale, il s'employait à mettre ses interlocuteurs à l'aise, quelles que soient les circonstances. Mais, sa vie professionnelle sera surtout marquée par un long et impressionnant parcours parisien tracé sur les sommets. Au début des années 70, il participa activement à la réforme du code de procédure civile en cours d'élaboration. Passionné par cette tâche, il n'aura de cesse d'accorder une attention toute particulière à l'efficacité de la Justice et à l'effectivité des décisions rendues. Il fut l'un des pères du référé-provision qui permet aux parties d'obtenir sans tarder, par une décision immédiatement exécutoire, la réparation intégrale de leur préjudice, lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Nommé premier Vice-Président au Tribunal de grande instance de Paris, en 1977, il appliquera cette mesure dans toute sa plénitude et donnera au service des référés une ampleur jamais connue auparavant. Pierre Drai s'est ainsi forgé une solide réputation de juriste pragmatique, luttant inlassablement contre tout ce qui est de nature à ralentir le cours de la Justice, et soucieux de répondre, par la créativité du droit, aux questions de société. Il est à l'origine de la reconnaissance jurisprudentielle de la liberté de conviction, proclamée à l'occasion d'une demande d'interdiction de l'affiche du film Ave Maria. Il a aussi défendu plus généralement les libertés publiques, telle celle d'aller et venir, par une définition plus précise de la notion de voie de fait. On doit encore à sa force de persuasion la
compétence des juridictions judiciaires pour connaître des affaires de droit de la concurrence. Dans les années 80, il a préconisé la médiation judiciaire, montrant combien il avait la vision des précurseurs. La liste des innovations qu'il a apportées dans différents domaines est trop
longue pour en donner ici plus que ce bref aperçu. Une chose est sûre : dans la riche histoire de la Justice, fort peu de magistrats auront autant que lui marqué le droit, les esprits et les pratiques. En 1981, il rejoignit la Cour de cassation où il
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Pierre Drai exercera en tout plus de neuf années. Il y fut d'abord nommé conseiller et affecté à la 2e Chambre civile en raison de sa réputation de fin processualiste. Travailleur acharné, qui débutait sa journée avant le levé du soleil, il avait le goût du bel ouvrage, le sens des traditions et du devoir. Juge complet et accompli, il fut aussi un grand administrateur. Lui furent successivement confiées la Présidence du Tribunal de grande instance de Paris, la Première présidence de la Cour d'appel et celle de la Cour de cassation. 29éme Premier Président de cette juridiction suprême dont il s'attachera à célébrer brillamment le bicentenaire, il y a laissé un souvenir ineffaçable. Son extrême droiture le conduisait à défendre ses points de vue avec une conviction qui montrait la voie et fédérait les opinions. Ses qualités d'écoute et sa profondeur d'âme lui permettaient de prendre les positions les plus sages et les plus juste à la fois. Président de juridiction, qui le fut plus, qui le fut mieux que Pierre Drai ? Aimant passionnément son métier, il le valorisait par sa seule manière de servir, avec une élégante modestie. La vraie grandeur est simple.
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Il portait haut l'idée de ses fonctions. C'est ainsi qu'il s'est attaché à ce que symboliquement la commission d'avancement de la magistrature ne siège plus à la Chancellerie, mais à la Cour de cassation. Il a su, en diverses occasions, montrer son indépendance dans la discrétion comme publiquement. Il veillait avec un soin tout particulier à l'image que donne, à l'extérieur, l'institution judiciaire aussi bien qu'à la déontologie de ses membres. Nombreux sont ceux qui n'ont pas oublié l'émouvante lettre, pleine de dignité, de rectitude et de confiant espoir, qu'il adressa, à l'heure de sa retraite, à tous les magistrats en guise de testament professionnel. Combien de combats menés, de petites et de granges victoires, son parcours magnifique a-til recélés? Quelle extraordinaire vie de sacrifices et de labeur nous a-t-il donné en exemple ? Quelle flamme s'est-elle animée en lui pour le plus grand bien des justiciables ? Les réponses se trouvent sans doute dans son souci de comprendre et de concilier les impératifs contraires qui s'affrontent dans le procès, pour parvenir à cet équilibre indispensable à la distribution d'une bonne justice. La pondération de son caractère,
l'harmonie de ses éminents mérites y ont contribué puissamment. Oui, Pierre Drai fut un grand juge, un responsable très respecté, un chef déterminé et aimé. Ses immenses talents étaient d'ailleurs reconnus au-delà de nos frontières. Il était docteur honoris causa de l'Université de Kent au Royaume-Uni, de l'Université St John's aux Etats-Unis et membre de l'Académie des privatisteseuropéens. De novembre 1999 à septembre 2005, il s'est employé à mettre en place et présider, avec la scrupuleuse et impartiale rigueur de sa belle maîtrise professionnelle, la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'occupation. Aujourd'hui, la famille judiciaire tout entière est en deuil. La présence à cette cérémonie de tant de personnalités du monde de la justice, au premier rang desquelles Madame la Garde des Sceaux, l'atteste éloquemment. Oserai-je ajouter un mot sur l'homme que d'autres ont connu mieux que moi ? Pierre Drai avait un sens aigu de la famille, une famille soudée et accueillante, dans laquelle sa femme a joué un rôle de tout premier plan, de même que ses enfants qu'il a su constamment soutenir. Il était aussi profondément religieux. Il l'était avec discrétion mais ferveur. Certains ont même noté, au fil des années, qu'il n'omettait jamais, dans ses discours, de citer un extrait de la Bible. Mais pour lui, le temps des épreuves avait sonné. La première s'est traduite par le décès de son épouse qui l'a laissé totalement désemparé et dont la douleur ne le quitta jamais. Puis vint sa propre maladie qui l'éloigna du monde judiciaire, en nous privant du plaisir de le retrouver à l'occasion des audiences solennelles auxquelles il appréciait de participer. Ce fut, pour lui, le début d'une lente descente qu'il accomplit avec courage, entourés des siens dont chacun sait le dévouement. On sentait que la main du soir glissait de plus en plus près de la sienne sur la rampe. Au matin du 18 avril, ayant atteint la dernière marche, Pierre Drai a déposé son fardeau. Pour les convictions qu'il a incarnées, pour les marques d'attachement à l'institution judiciaire et à notre Cour qu'il n'a cessé de donner, pour l'action considérable qu'il a déployée au service de la Justice, pour le modèle lumineux qu'il a offert à nos regards, nous lui devons une profonde et respectueuse gratitude. Que, dans ce moment de recueillement, soit méditées les valeurs d'effort, de droiture, de tolérance et d'humanité, qu'a soulignées son exceptionnelle personnalité. Nous adressons à ses enfants et petits-enfants ainsi qu'à l'ensemble de ses proches nos sincères condoléances, avec l'expression de notre sympathie attristée. Nous sommes près d'eux dans l'épreuve et prenons part à leur immense peine. Qu'à toutes les lampes que le Premier Président Drai a allumées pour éclairer le long chemin vers une Justice toujours plus soucieuse des droits humains, s'en ajoute une qui brûlera durablement à sa mémoire ! Vincent Lamanda Premier Président de la Cour de cassation
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