Edition du jeudi 25 avril 2013

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LES ANNONCES DE LA SEINE Photo © Conseil de l'Europe

Jeudi 25 avril 2013 - Numéro 28 - 1,15 Euro - 94e année

Cour européenne des droits de l’homme Rapport annuel 2012 EUROPE Cour européenne des droits de l’homme Brève analyse des principaux arrêts et décisions rendus par la Cour en 2012 .............................................................................

2 AGENDA ......................................................................................5 JURISPRUDENCE

Conservation des empreintes digitales d’une personne non condamnée Cour européenne des droits de l’homme - cinquième section 18 avril 2013 Requête n° 19522/09 - affaire M.K. c. France ...........

AU FIL DES PAGES

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Du désamour au divorce .........................................................14

SOCIÉTÉ

Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe .............................................................................15 Autonomie et qualité de vie...................................................21 Lancement de la filière de la Silver Economy ..................22

VIE DU DROIT

Hautes Etudes Appliquées du Droit - HEAD .....................19

ANNONCES LEGALES ...................................................23 AVIS D’ENQUETE..............................................................30 DÉCORATION Philippe Jeannin Commandeur du Mérite .........................31

e Rapport annuel de la Cour européenne des droits de l’homme dresse chaque année le bilan de ses activités et présente des informations statistiques. Dean Spielmann (Luxembourg) qui a succédé le 1er novembre dernier à Sir Nicolas Bratza (Royaume-Uni) à la présidence de la Cour de Strasbourg, en a présenté les principales caractéristiques lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 24 janvier 2013. L’événement majeur pour la Cour en 2012 a été la conférence de Brighton (18-20 avril) organisée par le Royaume-Uni dont l’enjeu était essentiel. Cette Conférence était la troisième rencontre de ce type sur la réforme de la Convention depuis le lancement du processus par la Conférence d’Interlaken en 2010. Comme l’a souligné le Président Dean Spielmann « la conférence de Brighton aura été un succès pour la Cour. Elle a abouti à une déclaration que l’on peut considérer comme constructive et même positive. Cette déclaration a permis aux Etats membres de réaffirmer « leur attachement profond et constant à la Convention » ainsi qu’au droit de recours individuel. Ils ont également reconnu l’immense contribution apportée par la Cour à la protection des droits de l’homme en Europe depuis plus de cinquante ans. »

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Les résultats obtenus par la Cour en 2012 sont « véritablement exceptionnels » et sa situation s’est nettement améliorée. En effet, pour la première fois depuis la réforme du système de la Convention le 1er novembre 1998 et l’instauration de la nouvelle Cour, le nombre d’affaires pendantes à la fin de l’année est inférieur au chiffre de l’année précédente (128 100, soit une baisse de 16 % par rapport à 2011). Cela s’explique en partie par la stabilisation du nombre de nouvelles requêtes mais cela est dû avant tout à l’effet spectaculaire de la procédure du juge unique, qui a permis à la Cour de trancher environ 81 700 requêtes en 2012. L’utilisation optimale de cette procédure, instaurée par le Protocole numéro 14, était une grande priorité pour la Cour en 2012, l’objectif étant d’amener le nombre de requêtes pendantes à ce niveau à des proportions plus gérables à moyen terme, c’est-àdire d’ici à 2015. Considérant que la Cour était « la conscience de l’Europe », le Président Dean Spielmann a rappelé le rôle crucial de la Cour « qui a pour mission de faire progresser les droits de l’homme sur le continent européen et dont le rayonnement dans le monde est immense ». Chloé Grenadou

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

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Brève analyse des principaux arrêts et décisions rendus par la Cour en 2012(1) n 2012, la Cour a rendu 1 093 arrêts au total par rapport aux 1 157 arrêts rendus en 2011. En fait, en 2012, un plus grand nombre de requêtes a été résolu par une décision. 861 arrêts ont été rendus en formation de chambre et 206 en formation de comité de trois juges. 26 arrêts ont été rendus en formation de Grande Chambre. 1 300 requêtes environ ont été déclarées irrecevables ou rayées du rôle en formation de chambre, et quelques 3 150 en formation de comité. En 2012, 41 % du total des arrêts prononcés en chambre relèvent des niveaux d’importance moyenne ou plus élevée dans la base de données de la jurisprudence de la Cour (HUDOC)(2). Tous les arrêts de Grande Chambre ont un niveau d’importance élevée dans cette même base de données. La plus grande part des décisions publiées en 2012 dans la base de données de la jurisprudence de la Cour concernait des affaires dites « répétitives ».

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Compétence et recevabilité

Didier Chotard Frédéric Bonaventura

Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 880 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS

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Copyright 2013 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2012 ; des Yvelines, du 31 décembre 2012 ; des Hauts-deSeine, du 31 décembre 2012 ; de la Seine-Saint-Denis, du 27 décembre 2012 ; du Val-de-Marne, du 27 décembre 2012 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales. - Tarifs hors taxes des publicités à la ligne A) Légales : Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,48 € Yvelines : 5,23 € Hauts-de-Seine : 5,48 € Val-de-Marne : 5,48 € B) Avis divers : 9,75 € C) Avis financiers : 10,85 € D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 € Seine-Saint Denis : 3,82 € Yvelines : 5,23 € Val-de-Marne : 3,82 € - Vente au numéro : 1,15 € - Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Obligation de respecter les droits de l’homme (article 1) La Grande Chambre a rappelé les principes généraux relatifs à la notion de « juridiction » : – s’agissant d’événements survenus en haute mer à bord de navires battant pavillon d’un Etat partie à la Convention et dont l’équipage était composé exclusivement de militaires de cet Etat (Hirsi Jamaa et autres c. Italie)(3) ; – s’agissant d’é vénements survenus sur une portion du territoire national sur lequel l’Etat n’exerce pas un contrôle effectif, suivant son approche dans l’arrêt Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie(4) (Catan et autres c. République de Moldova et Russie(5)) ; – s’agissant de l’exercice d’un « contrôle effectif » par un Etat sur une zone située en dehors de son territoire national, alors même que ses agents n’ont pas été directement impliqués dans les actes critiqués par les requérants (ibidem). C’est ainsi que la Cour a constaté que les faits en litige dans l’affaire Catan et autres, précitée, relevaient de la « juridiction » de deux Etats membres au sens de l’article 1 de la Convention. L’affaire Djokaba Lambi Longa c. Pays-Bas(6) concerne, pour la première fois, la détention dans le quartier pénitentiaire des Nations unies à La Haye d’un témoin convoqué par la Cour pénale internationale. Pour la Cour, ne relèvent pas de la « juridiction » de l’Etat contractant les personnes détenues sur son territoire pour le compte de la juridiction pénale internationale en vertu d’un accord conclu avec un Etat non partie à la Convention. L’arrêt El-Masri c. « l’e x-République yougoslave de Macédoine »(5) souligne que la responsabilité d’un Etat contractant est engagée au regard de la Convention à raison des actes commis sur

son territoire par des agents d’un Etat étranger, avec l’approbation formelle ou tacite de ses autorités. Conditions de recevabilité Droit de recours individuel (article 34) La Cour estime qu’il est nécessaire d’appliquer de manière flexible les critères déterminant la qualité de victime (Aksu c. Turquie(8)). Un requérant d’origine rom disait se sentir blessé par des expressions visant la communauté rom, selon lui dévalorisantes. Des remarques concernant un groupe ethnique, sans viser personnellement un de ses membres, peuvent heurter la susceptibilité de celui-ci. En l’espèce, sa qualité pour s’en plaindre fut acceptée dans la procédure interne, qui a examiné le fond de l’affaire. Dans ces conditions, la Cour a admis la qualité de victime devant la Cour pour l’atteinte alléguée à la vie privée, bien que le plaignant ne fût pas directement touché par les remarques critiquées. L’arrêt Kurić et autres c. Slovénie(9) traite de la question du redressement « adéquat » et « suffisant » au niveau national de la violation alléguée de la Convention ; celui-ci dépend de l’ensemble des circonstances de l’affaire, eu égard en particulier à la nature de la violation qui se trouve en jeu. Dans cette affaire, relative à l’article 8, la Grande Chambre estime, contrairement à la chambre, que la reconnaissance des violations par les autorités nationales et l’octroi de permis de séjour permanent n’ont pas constitué une réparation « appropriée » et « suffisante » au plan interne. Reste que la Cour se fonde sur les caractéristiques du cas d’espèce, qui soulève une préoccupation d’ordre général concernant le respect des droits de l’homme (« effacement » des noms des requérants du registre slovène des résidents permanents). Elle met l’accent sur la longue période d’insécurité et d’incertitude juridique subie par les requérants, et la gravité des conséquences pour eux de la situation critiquée. Epuisement des voies de recours internes (article 35 § 1) La Cour a rappelé qu’elle doit tenir compte de manière réaliste non seulement des recours prévus en théorie dans le système juridique de l’Etat concerné, mais également du contexte juridique et politique dans lequel ils se situent, ainsi que de la situation personnelle des requérants (Kurić et autres précité). Dans cette affaire notamment, la Cour constitutionnelle avait constaté l’existence d’un problème général et ordonné l’adoption de mesures générales dans des décisions de principe, mais les autorités internes étaient ensuite restées en défaut de les exécuter pendant une longue période. Délai de six mois (article 35 § 1) Dans le calcul du délai, la Grande Chambre conclut à la prise en compte d’un jour non ouvrable comme jour d’expiration du délai. En effet, le respect du délai de six mois s’apprécie selon les critères propres à la Convention, indépendamment des règles et pratiques nationales. En matière de procédure et de délais, les impératifs de sécurité juridique prévalent. De leur côté, les requérants doivent se montrer vigilants quant au respect des règles procédurales applicables (Sabri Güneş c. Turquie(10)).

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Europe REPÈRES

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Le mot du président Dean Spielmann

Dean Spielmann 2012 aura coïncidé presque complètement avec le mandat de mon prédécesseur, Sir Nicolas Bratza. Comment dresser le bilan de cette année sans rendre à ce grand président l’hommage qu’il mérite ? Au cours d’un mandat bref, il aura mené la Cour à bon port dans des eaux parfois agitées. La présidence de Sir Nicolas Bratza a été concomitante avec la présidence britannique du Conseil de l’Europe. Au cours de cette dernière, le Royaume-Uni avait pris l’initiative d’une conférence sur l’avenir de la Cour, dont l’enjeu était essentiel. Le rôle de Sir Nicolas Bratza dans cette période aura été capital et il aura contribué avec succès à préserver le rôle de la Cour. On ne soulignera jamais assez combien son action aura été déterminante lors de la préparation de la conférence qui a eu lieu à Brighton. Il aura usé de toute son autorité et de son prestige afin que le système de protection des droits de l’homme mis en place depuis plusieurs décennies soit préservé. Sa détermination aura permis d’éviter les pièges et de balayer les obstacles. Je m’efforcerai pendant mon mandat de poursuivre son action inlassable au service des droits de l’homme. En définitive, la conférence de Brighton aura été un succès pour la Cour. Elle a abouti à une déclaration que l’on peut considérer comme constructive et même positive. Cette déclaration a permis aux Etats membres de réaffirmer « leur attachement profond et constant à la Convention » ainsi qu’au droit de recours individuel. Ils ont également reconnu l’immense contribution apportée par la Cour à la protection des droits de l’homme en Europe depuis plus de cinquante ans. La conférence a affirmé leur volonté « de s’acquitter de l’obligation, qui leur incombe au premier chef, de mettre en oeuvre la Convention au niveau national » et on sait combien une bonne application de la Convention au niveau interne contribue à éviter que les affaires

ne soient portées devant la Cour. Par ailleurs, un certain nombre d’amendements à la Convention ont été décidés lors de la conférence et font l’objet actuellement de la négociation d’un Protocole no 15. Enfin, la conférence a invité le Comité des Ministres à rédiger le texte d’un Protocole facultatif à la Convention permettant à la Cour de rendre des avis consultatifs sur l’interprétation de la Convention. L’année 2012 aura également vu la Cour développer ses relations avec les autres cours nationales et internationales. Nombreuses auront été les rencontres avec celles-ci. Parmi les événements les plus marquants, on retiendra la visite d’une délégation de la Cour à Washington auprès de la Cour suprême des Etats-Unis, ainsi qu’une visite à San José, au Costa Rica, auprès de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Dans les deux cas, la qualité de l’accueil reçu et la richesse des échanges témoignent de l’importance que ces juridictions attachent à la Cour de Strasbourg. Avec la Cour interaméricaine des droits de l’homme, une coopération est d’ores et déjà instaurée. Elle se poursuivra au cours des prochaines années. En 2012, la Cour a fait un usage optimal de la formation de juge unique instaurée par le Protocole no 14 et elle recueille enfin les fruits de cet instrument pleinement opérationnel depuis juin 2010. Ce rapport annuel contient les éléments statistiques précis sur la situation de la Cour et les effets du Protocole no 14. Au printemps 2012, l’activité de la Cour a fait l’objet d’un audit approfondi mené par l’auditeur externe du Conseil de l’Europe. Dans son rapport et ses recommandations, l’auditeur a largement reconnu l’efficacité et la qualité du travail de la Cour. C’est un encouragement à poursuivre dans cette voie et ce, d’autant plus que le rapport a été

particulièrement bien accueilli par le Comité des Ministres. En 2012, la politique de communication a continué de se développer. Le site Internet de la Cour, outil essentiel d’information du public relatif à la Cour et à ses activités, a été considérablement enrichi. D’une part, une nouvelle base de données HUDOC sur la jurisprudence de la Cour a été lancée avec succès. D’autre part, on trouve désormais sur le site des informations sur la jurisprudence et la pratique de la Cour, ainsi que des conseils aux requérants sur la manière d’introduire les requêtes. Par exemple, le très utile Guide pratique sur la recevabilité, élaboré à la suite de la conférence d’Interlaken, est désormais traduit dans une vingtaine de langues. Plus de quarante fiches thématiques qui traitent de différentes questions abordées dans la jurisprudence sont également disponibles. La plupart de ces fiches ont été traduites en allemand, en russe et en polonais. Par ailleurs, on a vu apparaître, depuis quelques années, un certain nombre de blogs consacrés à la Convention et à la jurisprudence de la Cour. Ils apportent un éclairage nouveau et souvent intéressant sur la manière dont notre jurisprudence est perçue. Ils contribuent très efficacement à sa diffusion. Nous les lisons avec la plus grande attention et je salue ces initiatives. Enfin, le Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme a accepté de financer, d’une part, la mise en place d’une unité de formation au sein du greffe, d’autre part, un projet de traduction de la jurisprudence. Ces projets, qui ciblent certains Etats en particulier, visent à fournir aux professionnels du droit (magistrats et avocats) une formation de haute qualité sur le droit de la Convention et à contribuer à la diffusion de la jurisprudence de la Cour. On ne peut qu’être reconnaissant au Fonds fiduciaire pour les droits de l’homme pour sa contribution. Malgré le nombre important d’affaires pendantes, grâce aux efforts des juges et des membres du greffe, la situation de la Cour s’est nettement améliorée. Nous avons rendu près de 1 100 arrêts l’année dernière et plus de 1 800 décisions ; les juges uniques ont déclaré irrecevables ou rayées du rôle environ 81 700 requêtes. Le nombre de requêtes pendantes qui s’élevait à plus de 160 000 en septembre 2011 et à 151 600 au 1er janvier 2012 a été ramené à 128 000 à la fin de l’année dernière. C’est d’autant plus crucial qu’elle a pour mission de faire progresser les droits de l’homme sur le continent européen et que son rayonnement dans le monde est immense. Pour ma part, je m’inscris résolument dans la continuité de mes prédécesseurs et c’est un grand honneur pour moi de présider désormais cette institution dont on dit qu’elle est la conscience de l’Europe.

En présence d’une détention provisoire qui se décompose en plusieurs périodes discontinues, l’arrêt Idalov c. Russie(11) fixe la jurisprudence de la Cour sur l’application de la règle des six mois (article 5 § 3 ci-dessous). Absence de préjudice important (article 35 § 3 b)) Ce critère de recevabilité permet à la Cour de traiter rapidement les requêtes à caractère futile afin de se concentrer sur sa mission essentielle : assurer au plan européen la protection juridique des droits garantis par la Convention et ses Protocoles. La Cour en a fait une application en matière de durée d’une procédure pénale (Gagliano Giorgi c. Italie(12)). Pour la première fois, elle estime que la réduction de la peine d’emprisonnement infligée à un accusé a « à tout le moins compensé ou particulièrement réduit les préjudices découlant normalement de la durée excessive de la procédure ». Elle en a déduit l’absence de « préjudice important » au regard du droit à un délai raisonnable.

Droits « cardinaux » Interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (article 3) L’affaire El-Masri, précitée, concerne la mise à l’isolement pendant vingt-trois jours dans un lieu de détention extraordinaire hors de tout cadre judiciaire d’un ressortissant étranger soupçonné de terrorisme, puis son transfert extrajudiciaire d’un Etat à un autre à des fins de détention et d’interrogatoire en dehors du système juridique ordinaire. La Cour réitère que les autorités de poursuite doivent s’efforcer de mener une enquête adéquate sur des allégations d’atteinte à l’article 3 en vue d’é viter toute apparence d’impunité et de préserver la confiance du public dans le respect du principe de légalité. La responsabilité de l’Etat défendeur est engagée du fait de la remise de l’intéressé aux autorités américaines malgré l’existence d’un risque réel de mauvais traitements après le transfert de ce dernier hors du territoire. Expulsion Le débarquement sur les côtes libyennes de migrants interceptés en haute mer par un Etat membre est au centre de l’arrêt Hirsi Jamaa et autres précité. L’opération visait à empêcher les débarquements de migrants irréguliers sur les côtes italiennes. Les difficultés de contrôle des frontières du sud de l’Europe liées au phénomène de migrations maritimes ne sauraient exonérer un Etat membre de ses obligations au regard de l’article 3. La Cour rappelle les obligations des Etats découlant du droit international en matière de refugiés, dont le « principe de nonrefoulement » que consacre également la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Il existait un risque réel pour les intéressés de subir en Libye des traitements contraires à l’article 3. Ce transfert d’étrangers vers la Libye les a également exposés au risque d’être arbitrairement rapatriés vers leurs pays d’origine (Erythrée et Somalie), en violation de l’article 3. En effet, le caractère indirect du refoulement d’un étranger ne dégage pas de sa responsabilité l’Etat qui y

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procède, lequel doit s’assurer que le pays intermédiaire offre des garanties contre un refoulement arbitraire, surtout si cet Etat n’est pas partie à la Convention. Or, au moment de transférer les requérants vers la Libye, les autorités italiennes savaient ou devaient savoir qu’il n’existait pas de garanties suffisantes les protégeant du risque d’être renvoyés arbitrairement dans leurs pays d’origine respectifs. L’arrêt Othman (Abu Qatada) c. RoyaumeUni(13)récapitule la jurisprudence en matière d’assurances diplomatiques, dans le cas de l’expulsion envisagée d’un étranger poursuivi dans son pays pour infractions terroristes. La Cour examine le contenu et la portée des assurances données par l’Etat de destination, en vue de déterminer si elles suffisent à protéger le requérant contre le risque réel de mauvais traitements à son retour. Dans l’affaire Popov c. France(14), une détention de quinze jours de deux enfants en très bas âge avec leurs parents, dans un centre pour des étrangers en attente de refoulement du territoire, est à l’origine d’une violation de l’article 3. La Cour souligne que la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal. En l’occurrence, la durée de la détention et les conditions d’enfermement inadéquates à la situation d’extrême vulnérabilité des enfants ont eu des conséquences inévitablement dommageables pour eux. L’arrêt S.F. et autres c. Suède(15) soulève une question nouvelle, celle du risque que peut courir un étranger dans son pays d’origine en raison de ses activités dans son pays d’accueil. En effet, des migrants peuvent continuer à défendre des causes nationales dissidentes après leur fuite. L’affaire concerne la crainte d’Iraniens d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3 en cas d’expulsion vers l’Iran, compte tenu de leurs activités politiques en Suède, notamment la dénonciation de violation des droits de l’homme dans leur pays d’origine. La Cour a pris en compte l’importance et la visibilité des actions politiques et de défense des droits de l’homme menées sur place en Suède, et le risque d’identification des activistes par les autorités iraniennes en cas de retour forcé vers l’Iran. Prison Face aux allégations de surpopulation en prison, les autorités de l’Etat sont les seules à avoir accès aux informations pouvant les infirmer ou les confirmer. Les documents qu’elles produisent doivent passer pour suffisamment fiables. A défaut, ces allégations sont jugées crédibles (Idalov précité). En l’occurrence, le surpeuplement a fait que la détention de l’intéressé n’était pas conforme au standard minimal, tel qu’exposé dans la jurisprudence de la Cour, de trois mètres carrés par personne. Dans la même affaire, la Cour conclut à un traitement inhumain et dégradant d’un prisonnier à raison de la surpopulation des fourgons de transports vers le tribunal et des conditions de sa détention au tribunal les jours d’audience (ibidem). Interdiction de l’esclavage et du travail forcé (article 4) Le travail domestique non rémunéré imposé à des mineurs est au centre de l’arrêt C.N. et V. c.

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Europe

France(16). L’affaire concernait des travaux ménagers et domestiques non rétribués exigés de deux jeunes soeurs burundaises orphelines, âgées de dix et seize ans, recueillies et hébergées en France par des proches parents, qui les menaçaient d’un retour vers leur pays d’origine. La Cour y précise notamment les notions de « travail forcé ou obligatoire » et de « servitude » au sens de l’article 4 §§ 1 et 2. L’arrêt précise ce qui distingue un « travail forcé » de ce qui relève de travaux qui peuvent raisonnablement être exigés au titre de l’entraide familiale ou de la cohabitation. La « servitude » constitue une qualification spéciale du travail forcé ou obligatoire ou, en d’autres termes, un travail forcé ou obligatoire « aggravé ». L’élément fondamental qui distingue la servitude du travail forcé ou obligatoire, au sens de l’article 4 de la Convention, consiste dans le sentiment des victimes que leur condition est immuable et que la situation n’est pas susceptible d’évoluer. Il suffit que ce sentiment repose sur des éléments objectifs suscités ou entretenus par les auteurs des agissements. La Cour rappelle également l’obligation positive de l’Etat de mettre en place un cadre législatif et administratif permettant de lutter efficacement contre la servitude et le travail forcé. Dans l’arrêt C.N. c. Royaume-Uni(17), la Cour souligne que l’esclavage domestique constitue une infraction spécifique, distincte de la traite et de l’exploitation d’êtres humains. Droit à la liberté et à la sûreté (article 5) La Cour indique que l’article 5 peut s’appliquer dans une affaire d’expulsion (Othman (Abu Qatada) précitée). Un Etat contractant manquerait à cette disposition s’il renvoyait un requérant vers un pays dans lequel celui-ci courrait un risque réel de subir une violation flagrante des droits qu’elle protège. Cependant, comme pour l’article 6, le seuil applicable en pareil cas est très élevé. Il y aurait une violation flagrante de l’article 5 uniquement si, par exemple, le pays d’accueil détenait arbitrairement un requérant pendant de longues années sans aucune intention de le traduire en justice. Une violation flagrante de l’article 5 pourrait également se produire si un requérant était exposé au risque d’être emprisonné pendant une longue période dans l’Etat d’accueil, après avoir été condamné à l’issue d’un procès manifestement inéquitable.

L’arrêt El-Masri, précité, a appliqué ces principes à l’encontre des autorités macédoniennes qui ont remis aux agents de la CIA un ressortissant allemand soupçonné de terrorisme, détenu ensuite en Afghanistan, alors qu’elles ne pouvaient ignorer qu’il courrait un risque réel de subir une violation flagrante de ses droits au titre de l’article 5. La Cour a conclu qu’en l’espèce l’enlèvement et la détention du requérant par des agents de la CIA s’analysaient en une « disparition forcée » telle que définie par le droit international. L’Etat défendeur a été tenu pour responsable de la violation de l’article 5 que le requérant a subie après le renvoi de celui-ci hors du territoire, pendant toute la période de sa captivité en Afghanistan. Par ailleurs, sur le territoire de l’Etat défendeur, le requérant fut mis à l’isolement dans un hôtel, sans aucune intervention judicaire et mention aux registres. La Grande Chambre estime « totalement inacceptable que dans un Etat régi par le principe de la prééminence du droit, une personne puisse être privée de sa liberté dans un lieu de détention extraordinaire et échappant à tout cadre légal ». Le requérant fit l’objet d’une détention non reconnue, au mépris total des garanties consacrées par l’article 5 de la Convention, ce qui constitue « une violation particulièrement grave » de son droit à la liberté et à la sûreté garanti par cette disposition. Privation de liberté (article 5 § 1) Les circonstances dans lesquelles une mesure doit s’analyser en une « privation de liberté » – ce qui rend applicables les garanties de l’article 5 – ont été développées par la Grande Chambre : – L’affaire Stanev c. Bulgarie(18) concerne le placement d’un incapable majeur dans une institution ; – L’affaire Creangă c. Roumanie(19), une convocation et audition dans les locaux du parquet dans le cadre d’une enquête pénale. Dans cette affaire, la Cour statue également sur la répartition de la charge de la preuve d’une privation de liberté. – L’affaire Austin et autres c. Royaume-Uni(20) traite, pour la première fois, du confinement à l’intérieur d’un cordon de police lors d’une manifestation qui se déroule dans des conditions dangereuses. Les autorités nationales doivent éviter de recourir à des mesures de contrôle des foules afin d’étouffer ou de décourager des mouvements de protestation. Mettre en place et maintenir un cordon policier

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Europe pour des motifs d’ordre public doit être réservé aux situations où cela est nécessaire pour prévenir des atteintes graves aux personnes ou aux biens. La Grande Chambre a posé des jalons s’agissant des restrictions à la liberté dans les lieux publics (Austin et autres précité). Son arrêt passe en revue des restrictions devenues courantes dans les sociétés modernes qui, sous certaines conditions, sont à distinguer des « privations de libertés » au sens de l’article 5 § 1. Reste que le recours à des techniques visant à contenir et contrôler des foules peut, dans des circonstances particulières, donner lieu à une privation de liberté contraire à l’article 5 § 1. Il faut, dans chaque cas, tenir compte du contexte spécifique dans lequel les techniques en cause sont utilisées et de l’obligation d’assurer le maintien de l’ordre et la protection du public pesant sur la police. Face aux nouveaux défis auxquels elle est confrontée à l’heure actuelle, la police n’est pas empêchée de remplir ses devoirs opérationnels, sous réserve de respecter la protection de l’individu contre l’arbitraire. Détention régulière (article 5 § 1) Les Etats doivent assurer une protection effective aux personnes vulnérables contre une détention arbitraire. L’arrêt Stanev, précité, souligne les responsabilités des autorités nationales quant au placement dans une institution psychiatrique d’un majeur déclaré partiellement incapable. Il est primordial de vérifier régulièrement si la persistance des troubles continue à justifier l’internement. L’arrêt X c. Finlande(21) concerne l’administration forcée de médicaments à des fins thérapeutiques à une personne internée en établissement psychiatrique. La protection de l’individu interné contre une ingérence arbitraire dans son droit à la liberté est au centre de l’affaire. La poursuite d’un traitement administré de force doit reposer sur une procédure prévue par la loi, qui offre des garanties adéquates contre l’arbitraire. La personne doit notamment pouvoir disposer d’un recours juridictionnel sur la nécessité de poursuivre son traitement. Un avis psychiatrique indépendant – émanant d’un psychiatre extérieur à l’établissement où la personne est internée – doit pouvoir être sollicité sur la question de la continuation du traitement forcé. L’arrêt Creangă, précité, rappelle la jurisprudence constante selon laquelle, lorsqu’il s’agit d’une privation de liberté, il est particulièrement important de satisfaire au principe général de sécurité juridique. Le droit national doit clairement définir les conditions autorisant une privation de liberté et l’application de la loi doit être prévisible. En matière de liberté, la lutte contre le fléau de la corruption ne peut justifier le recours à l’arbitraire et l’existence de zones de non-droit dans les lieux où il y a privation de liberté (ibidem). La décision Simons c. Belgique(22) répond par la négative à la question de savoir si la Convention implique un « principe général » selon lequel toute personne privée de liberté doit avoir la possibilité d’être assistée d’un avocat dès le début de sa détention. Il s’agit pour la Cour d’un principe propre au droit à un procès équitable(23), qui a son fondement spécifique dans le paragraphe 3 de l’article 6, et non d’un principe

général, par définition transversal. Dès lors, l’impossibilité légale pour un « accusé » privé de liberté d’être assisté d’un avocat dès le début de sa détention ne suffit pas à rendre cette dernière contraire à l’article 5 § 1. L’affaire James, Wells et Lee c. Royaume-Uni(24) traite, pour la première fois, des programmes en milieu carcéral visant à traiter le comportement délinquant. Elle concerne les formations de réadaptation offertes à des détenus condamnés à des peines de prison à durée indéterminée pour la protection du public, en vue de les aider à se réhabiliter. L’arrêt s’avère marquant, car il pose des jalons sur cette partie pédagogique de la peine s’agissant de délinquants considérés comme dangereux pour la société. Pour la Cour, lorsqu’un prisonnier est détenu au seul motif qu’on le juge dangereux pour la société, il faut tenir compte de la nécessité de l’aider à se réhabiliter. Dans le cas des requérants, cela impliquait de leur fournir une possibilité raisonnable de suivre les cours de réadaptation appropriés destinés à traiter leur comportement délinquant et à faire en sorte qu’ils ne soient plus une menace pour la société. Or, des périodes très longues se sont écoulées avant qu’aucun des requérants ait pu même commencer à accomplir la partie pédagogique de sa peine, et ce malgré les instructions claires en vigueur. Le constat de violation de l’article 5 § 1 vise leur maintien en détention depuis l’expiration de la durée de leur peine minimale (« tariff ») jusqu’à ce que des mesures aient été prises pour qu’ils puissent accéder à des cours de réadaptation appropriés. Durée de la détention provisoire (article 5 § 3) En présence d’une détention provisoire qui se décompose en plusieurs périodes discontinues, l’arrêt Idalov, précité, fixe la jurisprudence de la Cour sur l’application de la règle des six mois (article 35 § 1). Cette règle doit être appliquée séparément à chaque période de détention provisoire(25). Dès lors, une fois en liberté, le requérant est tenu de saisir la Cour dans le délai de six mois à compter de la date de son élargissement effectif. La Cour ne peut connaître de périodes de détention provisoire ayant pris fin plus de six mois avant sa saisine. Toutefois, si les périodes en question s’inscrivent dans le cadre de la même procédure pénale, la Cour, lorsqu’elle examine le caractère raisonnable de la détention aux fins de l’article 5 § 3, peut tenir compte du fait que l’intéressé a déjà passé un certain temps en détention provisoire. La Grande Chambre rappelle que les autorités judiciaires doivent justifier la durée d’une détention provisoire en évoquant des faits précis et envisager d’autres « mesures préventives », et ne peuvent pas s’appuyer essentiellement et systématiquement sur la gravité des charges pénales, sauf à méconnaître l’article 5 § 3 (ibidem). Contrôle à bref délai de la légalité de la détention (article 5 § 4) Dès lors que la liberté d’un individu est en jeu, la Cour applique des critères très stricts pour déterminer si l’Etat a statué à bref délai sur la régularité de la détention, ainsi qu’il en a l’obligation au regard de l’article 5 § 4 (Idalov précité).

Agenda

CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE PARIS

Les bonnes pratiques dans les relations entre entreprises : mythe ou réalité ? Les Entretiens Friedland le 22 mai 2013 27 avenue de Friedland 75008 PARIS Renseignements : Christel Serfaty 01 55 65 75 38 cserfaty@cci-paris-idf.fr

2013-334

SOCIÉTÉ DE LÉGISLATION COMPARÉE

2ème conférence du cycle consacré aux « Printemps arabes » Tunisie : le risque d’une contre-réforme Les enjeux de la révolution Conférence le 4 juin 2013 au Conseil constitutionnel 2, rue de Montpensier - 75001 PARIS Renseignements : caroline.lafeuille@legiscompare.com

2013-335

DROIT ET COMMERCE

Réorganisation et restructuration d’entreprise : quel traitement social ? Colloque annuel les 8 et 9 juin 2013 Casino Grand Cercle 200, rue du Casino - 73100 AIX-LES-BAINS Renseignements : 01 46 28 38 37 isabelle.aubard@droit-et-commerce.org 2013-336

ASSOCIATION LOUIS CHATIN

Le placement des enfants Colloque les 10 et 11 juin 2013 Grand’Chambre de la Cour de cassation 5 quai de l’Horloge - 75001 PARIS Renseignements : 09 50 84 89 54 lucettekhaiat@free.fr

2013-337

UNIVERSITÉS DE CERGY-PONTOISE ET DE VERSAILLES SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES

Les 20 ans du code de la consommation - Nouveaux enjeux Colloque le 4 juillet 2013 Grand’Chambre de la Cour de cassation 5, quai de l’Horloge - 75001 PARIS Renseignements : nathalie.de-sousa@uvsq.fr 2013-338

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Europe Introduire un recours (article 5 § 4) La légalité du placement en détention, en vue d’une expulsion, des mineurs accompagnant leurs parents est une question nouvelle, traitée par l’arrêt Popov précité. Si la loi ne prévoit pas que les enfants eux-mêmes puissent faire l’objet d’un tel placement, ces enfants tombent dans un vide juridique qui ne leur permet pas d’exercer le recours garanti à leurs parents permettant d’obtenir une décision sur la légalité de leur détention (les mineurs ne font pas l’objet d’un arrêté d’expulsion ni d’un arrêté de placement dans le centre pour étrangers en attente de refoulement). La protection requise par la Convention leur fait donc défaut, en méconnaissance de l’article 5 § 4. Interdiction des expulsions collectives d’étrangers (article 4 du Protocole numéro 4) Dans l’affaire Hirsi Jamaa et autres, précitée, les requérants ne se trouvaient pas sur le territoire national de l’Etat défendeur lors de leur expulsion : ils avaient été interceptés en haute mer alors qu’ils fuyaient leur pays. C’est donc pour la première fois que la Cour examine la question de l’applicabilité de l’article 4 du Protocole no 4 à un cas d’éloignement d’étrangers vers un Etat tiers, effectué en dehors du territoire national. En effet, les Etats européens ont à faire face au nouveau défi de l’immigration irrégulière par la voie maritime. Les éloignements d’étrangers effectués dans le cadre d’interceptions en haute mer par les autorités d’un Etat dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique, et qui ont pour effet d’empêcher les migrants de rejoindre les frontières de l’Etat, voire de les refouler vers un autre Etat, constituent un exercice de leur juridiction au sens de l’article 1 de la Convention, qui engage la responsabilité de l’Etat en question sur le terrain de l’article 4 du Protocole numéro 4. En l’espèce, le transfert des requérants en Libye par les militaires italiens a eu lieu sans examen des situations individuelles. Aucune procédure d’identification n’a été menée par les autorités italiennes : elles ont simplement fait monter l’ensemble des migrants interceptés sur leurs navires militaires, puis les ont débarqués en Libye. Partant, l’éloignement des requérants a eu un caractère collectif contraire à l’article 4 du Protocole no 4. Il s’agit du second arrêt de violation de cet article, après l’arrêt Čonka c.Belgique(26).

Droits procéduraux Droit à un procès équitable (article 6) Applicabilité (article 6 § 1) L’article 6 § 1 s’applique-t-il aux demandes d’autorisation de sortie des détenus (en l’espèce le congé pénal) ? Cette question est examinée dans l’arrêt Boulois c. Luxembourg(27). La sortie visait à permettre au prisonnier d’accomplir des démarches administratives et de recherche d’emploi. La Cour relève que, dans l’ordre juridique interne concerné, l’on ne peut se prétendre, de manière défendable, titulaire d’un « droit » au sens de l’article 6. Dans les autres Etats membres, une diversité prévaut quant aux statut et modalités d’octroi du congé pénal. Plus

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QUELQUES CHIFFRES

Requêtes pendantes devant une formation judiciaire au 31 décembre 2012 Etats défendeurs principaux

Nombre total des requêtes pendantes : 128 100 (chiffres arrondis [50])

généralement, la Cour confirme le but légitime d’une politique de réinsertion sociale progressive des personnes condamnées à des peines d’emprisonnement. Accès à un tribunal (article 6 § 1) L’arrêt Stanev, précité, traite des droits procéduraux des personnes déclarées partiellement incapables. En principe, toute personne frappée d’une incapacité juridique partielle doit avoir un accès direct à un tribunal pour demander le rétablissement de sa capacité juridique. Il existe au niveau européen une tendance en ce sens. De plus, les instruments internationaux de protection des personnes atteintes de troubles mentaux accordent une importance croissante à l’octroi d’une autonomie juridique optimale à ces personnes. L’arrêt Segame SA c. France(28) concerne un système de pénalités fiscales fixées par la loi en pourcentage du montant des droits éludés. Le contribuable se plaignait que le juge ne pouvait pas moduler l’amende en fonction de la gravité des faits reprochés (son taux unique étant fixée à 25 %). Toutefois, la Cour admet que le caractère particulier du contentieux fiscal implique une exigence d’efficacité nécessaire pour préserver les intérêts de l’Etat et que ce contentieux ne fait pas partie du noyau dur du droit pénal au sens de la Convention. Equité de la procédure (article 6 § 1) La Cour conclut pour la première fois à l’existence – en cas d’expulsion – d’un déni de justice flagrant, en raison du risque réel de voir admis des aveux de tiers extorqués sous la torture, comme éléments de preuve au procès dans le pays tiers de destination (Othman (Abu Qatada) précité). L’admission de déclarations obtenues sous la torture serait manifestement contraire, non seulement à l’article 6 de la Convention, mais

également aux normes fondamentales du procès équitable posées par le droit international. Cela rendrait le procès dans son ensemble immoral et illégal. L’admission de preuves obtenues par la torture dans le cadre d’un procès pénal représenterait donc un déni de justice flagrant. La Cour n’exclut pas que des considérations similaires puissent s’appliquer en cas de preuves obtenues par d’autres formes de mauvais traitements que la torture. Depuis le principe posé en 1989 dans son arrêt Soering c. Royaume-Uni(29), c’est la première fois que la Cour estime qu’une expulsion emporterait violation de l’article 6. Lorsqu’un individu est condamné en son absence et ne peut obtenir qu’une juridiction statue à nouveau après l’avoir entendu sur le bien-fondé de l’accusation, il en résulte un déni de justice. Cette jurisprudence constante s’applique aussi quand une déclaration de culpabilité intervient non pas en absence du prévenu, mais après son décès (Lagardère c. France(30)). Procédure contradictoire (article 6 § 1) La décision Eternit c. France(31) enrichit la jurisprudence relative au secret médical et au droit du travail. Un employeur se plaignait de n’avoir pu accéder aux pièces médicales permettant d’établir la nature professionnelle de la maladie d’un salarié. Le droit du salarié au respect du secret médical et le droit de l’employeur à une procédure contradictoire doivent coexister de manière à ce qu’aucun ne soit atteint dans sa substance même. Cet équilibre est réalisé dès lors que l’employeur qui conteste le caractère professionnel de la maladie peut solliciter du juge la désignation d’un médecin expert indépendant, à qui seront remises les pièces composant le dossier médical du salarié. Le rapport de l’expert, établi dans le respect du secret médical, aura pour objet d’é clairer la

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Europe juridiction et les parties. La Convention ne s’oppose pas à ce que l’expertise ne soit pas ordonnée dans tous les cas où l’employeur la demande, mais ne soit décidée que dans le cas où la juridiction s’estime insuffisamment informée. Présomption d’innocence (article 6 § 2) L’impact d’une mesure de détention provisoire sur le contrat de travail de l’intéressé est au coeur de la décision Tripon c. Roumanie(32). Il s’agissait du licenciement d’un employé à la suite de sa mise en détention provisoire, et donc avant une décision définitive de condamnation. En effet, le code du travail autorisait un employeur à licencier un employé faisant l’objet d’une mesure de détention provisoire de plus de soixante jours. Dans cette affaire, le licenciement était donc fondé sur un élément objectif, à savoir l’absence prolongée au travail, et non pas sur des considérations liées à la culpabilité. Ce choix législatif appartient à l’Etat, d’autant plus si la législation prévoit suffisamment de garanties pour éviter des mesures arbitraires ou abusives au détriment de l’intéressé. Eu égard aux diverses garanties existantes, que sa décision énumère, la Cour admet qu’une détention provisoire, pour ce motif objectif et d’une certaine durée, puisse, en l’absence d’une condamnation pénale définitive, justifier un licenciement. L’extension du champ d’application de l’article 6 § 2 à la procédure de réparation civile en raison de ses liens avec la procédure pénale est traitée dans l’arrêt Lagardère précité. Le juge civil, dans ses propos, déclarait coupable une personne défunte, alors que le décès avait éteint l’action publique contre elle et que de son vivant, il n’y avait eu aucune déclaration de culpabilité par le juge pénal. La Cour a conclu à une violation de l’article 6 § 2. Droits de la défense (article 6 § 3) Dans l’affaire Idalov, précitée, tous les moyens de preuve, notamment les témoignages, avaient été examinés en l’absence de l’accusé, expulsé de la salle d’audience pour comportement incorrect. L’expulsion d’un accusé au cours de son procès pénal hors de la salle d’audience, tout au long de la phase de l’administration des preuves, constitue un manquement à l’article 6, sauf à avoir pu établir qu’il a renoncé, sans équivoque, au droit d’assister à son procès. Ainsi une exclusion pour comportement incorrect doit être entourée de certaines garanties : il faut s’assurer au préalable que l’accusé peut raisonnablement discerner les conséquences auxquelles il s’exposerait s’il persistait dans son attitude, et lui permettre de se ressaisir. A défaut, il s’avère impossible de conclure de manière non équivoque – ainsi que l’exige la Convention – que, malgré le comportement perturbateur, l’accusé a renoncé à son droit d’assister à son procès. Droit à un recours effectif (article 13) L’affaire Hirsi Jamaa et autres, précitée, concernait des migrants (somaliens et érythréens) en provenance de Libye, arrêtés en mer puis reconduits en Libye par les navires militaires italiens. Les requérants se plaignaient de ne pas avoir bénéficié en droit italien d’un recours effectif pour formuler leurs griefs concernant leur refoulement vers l’Etat tiers.

La Cour rappelle qu’il est important de garantir aux personnes concernées par une mesure d’éloignement, mesure dont les conséquences sont potentiellement irréversibles, le droit d’obtenir des informations suffisantes leur permettant d’avoir un accès effectif aux procédures internes et d’étayer leurs griefs. Les requérants furent privés de toute voie de recours qui leur eût permis de soumettre à une autorité compétente leurs griefs tirés de l’article 3 de la Convention et de l’article 4 du Protocole numéro 4, et d’obtenir un contrôle attentif et rigoureux de leurs demandes avant que la mesure d’éloignement ne soit mise à exécution. Il y a eu violation de l’article 13 de la Convention combiné avec ces deux articles. L’arrêt De Souza Ribeiro c. France(33) concerne les éloignements d’étrangers dont il est allégué qu’ils porteraient atteinte à leur vie privée et familiale (article 8). Le requérant fut éloigné moins d’une heure après avoir saisi le juge national de première instance. Cela a eu pour effet, en pratique, de rendre les recours existants inopérants et donc indisponibles. Si la Cour reconnaît l’importance de la rapidité des recours, celle-ci ne saurait aller jusqu’à constituer un obstacle ou une entrave injustifiée à leur exercice, ni être privilégiée aux dépens de leur effectivité en pratique. Les Etats doivent lutter contre l’immigration clandestine mais l’article 13 ne leur permet pas de dénier à un individu la possibilité de disposer en pratique des garanties procédurales minimales adéquates visant à le protéger contre une décision d’éloignement arbitraire. L’intervention du juge doit être réelle. La Cour a conclu à une violation de l’article 13 combiné avec l’article 8. Il doit exister une possibilité effective de contester la décision d’expulsion ou de refus d’un permis de séjour, et d’obtenir un examen suffisamment approfondi et offrant des garanties procédurales adéquates des questions pertinentes, par une instance nationale compétente fournissant des gages suffisants d’indépendance et d’impartialité. Reste que l’effectivité d’un recours au sens de l’article 13 exige de disposer d’un « recours de plein droit suspensif » lorsque l’expulsion expose l’intéressé à un risque réel d’atteinte aux articles 2, 3 et pour les griefs tirés de l’article 4 du Protocole numéro 4.

Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois (article 4 du Protocole no 7) L’arrêt Marguš c. Croatie(34) (non définitif ) concerne la condamnation d’un militaire poursuivi pour crimes de guerre qui avait été précédemment amnistié. La Cour estime que l’octroi d’une amnistie pour des « crimes internationaux » – tels que crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide – est de plus en plus considéré comme interdit en droit international. L’amnistie accordée au requérant pour des faits constitutifs de crime de guerre contre des civils constitue « un vice fondamental dans la procédure » au sens du second paragraphe de l’article 4 du Protocole numéro 7, qui justifie la réouverture des poursuites. Cette disposition n’a donc pas été méconnue.

Droits civils et politiques Droit au respect de sa vie privée et familiale, du domicile et de sa correspondance (article 8) Applicabilité A partir d’un certain degré d’enracinement, tout stéréotype négatif concernant un groupe peut agir sur le sens de l’identité de ce groupe, et sur les sentiments d’estime de soi et de confiance en soi de ses membres. Le stéréotype négatif de cet ordre peut être considéré comme touchant à la vie privée des membres du groupe (Aksu précité). Dans cette affaire, un requérant d’origine rom critiquait une publication en ce qu’elle portait atteinte à l’identité de la communauté rom, et, de fait, à sa vie privée à lui. Le congé parental et l’allocation correspondante entrent dans le champ d’application de l’article 8 car ils favorisent la vie familiale et ont nécessairement une incidence sur l’organisation de celle-ci (Konstantin Markin c. Russie(35)). L’arrêt Hristozov et autres c. Bulgarie(36) (non définitif ) concerne le refus de permettre à des patients cancéreux en phase terminale d’obtenir un produit pharmaceutique expérimental non autorisé. Pour la Cour, la limitation réglementaire touchant la capacité d’un patient à choisir son mode de traitement médical en vue de prolonger si possible sa vie, relève de la notion de « vie privée ». Vie privée La couverture médiatique de la vie privée de personnalités intéresse des intérêts concurrents. Deux arrêts de Grande Chambre portent sur la mise en balance du droit à la liberté d’expression et du droit au respect de la vie privée. La Cour y récapitule les critères pertinents sur cette question importante. Dans des affaires qui nécessitent une telle mise en balance, la Cour considère que l’issue de la requête ne saurait en principe varier selon qu’elle a été portée devant elle, sous l’angle de l’article 8 de la Convention, par la personne faisant l’objet du reportage ou, sous l’angle de l’article 10, par l’éditeur qui l’a publié. En effet, ces droits méritent a priori un égal respect. Dès lors, la marge d’appréciation devrait en principe être la même dans les deux cas. L’arrêt Von Hannover c. Allemagne (no 2)(37) concerne la protection du droit à l’image d’une personne publique (photographiée à son insu) face à la liberté d’expression de la presse lorsqu’elle publie des photographies montrant des scènes de la vie privée. Il importe notamment de déterminer si la publication sert à des fins de divertissement ou non. C’est à la lumière de l’article de presse qui l’accompagnait que la photo litigieuse a été considérée (et non isolément) pour décider si elle apportait une contribution à un débat d’intérêt général. L’arrêt Axel Springer AG c. Allemagne(38) vise la publication d’articles de presse relatifs à l’arrestation et à la condamnation d’un acteur de télévision connu. Introduite sous l’angle de l’article 10 (voir ci-dessous), cette affaire ne touche pas moins à des sujets relatifs à l’article 8 ; en particulier, celui de l’étendue de la protection de la sphère privée face à l’intérêt du public à être informé des procédures en matière pénale. L’arrêt Aksu, précité, examine, sous l’angle de l’article 8, des remarques au sujet de la

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Europe communauté rom, alléguées comme dévalorisantes par un de ses membres. Cette affaire se distingue d’autres précédemment introduites par des membres de cette communauté, qui soulevaient des questions de discriminations ethniques. Obligations positives de l’Etat et marge d’appréciation des juridictions internes sont au centre de l’examen effectué par la Cour. La Cour vérifie si le juge national a mis en balance le droit à la vie privée d’un membre de la communauté rom et la liberté pour un professeur d’université de publier les conclusions de ses travaux de recherche universitaire/scientifique sur cette communauté. Cette mise en balance de droits fondamentaux concurrents garantis par les articles 8 et 10 doit être effectuée dans le respect des critères consacrés par la jurisprudence bien établie de la Cour. La Grande Chambre rappelle que la vulnérabilité des Roms implique d’accorder une attention spéciale à leurs besoins et à leur mode de vie propre, tant dans le cadre réglementaire national que lors de la prise de décision dans des cas particuliers. Le requérant d’origine rom se disait également victime de stéréotypes négatifs figurant dans des dictionnaires. La cible visée importe. Ainsi une attention accrue s’impose pour un dictionnaire destiné à des écoliers, s’agissant de définir des expressions qui font partie du langage courant mais qui peuvent être ressenties comme humiliantes ou insultantes. La Cour traite pour la première fois de la question de l’inceste consensuel sur le terrain de l’article 8 (Stübing c. Allemagne(39)). Il s’agissait de la condamnation d’un frère à une peine d’emprisonnement pour sa relation incestueuse avec sa soeur cadette, avec laquelle il eut plusieurs enfants. La Cour note l’absence de consensus entre les Etats contractants, dont la majorité sanctionne pénalement l’inceste consensuel entre frère et soeur, et l’absence d’une tendance générale à la décriminalisation de tels actes. Elle constate que tous les systèmes juridiques, y compris ceux qui ne criminalisent pas l’inceste, interdisent le mariage entre frère et soeur. Elle trouve légitimes les motifs retenus par la Cour constitutionnelle fédérale allemande, à savoir la protection de la morale, la nécessité de protéger la structure familiale et, par là-même, la société tout entière, ainsi que l’autodétermination sexuelle. La Cour examine, pour la première fois, un système de zones urbaines à risque, où les libertés publiques sont susceptibles d’être limitées. Toute personne peut faire l’objet d’une fouille préventive par la police aux fins de la recherche d’armes. La Cour prend en considération le cadre légal entourant les conditions de mise en place de l’opération de fouille, et la diversité des autorités impliquées. Elle note ensuite les résultats concrets obtenus en termes de lutte contre la criminalité violente. Compte tenu du cadre juridique existant et de l’efficacité du dispositif, les autorités nationales ont pu estimer que l’intérêt général l’emportait sur le désagrément causé à la vie privée (décision Colon c. Pays-Bas(40)). Pour la première fois, la Cour examine au fond la question de l’accès de patients atteints d’un cancer en phase terminale à un traitement expérimental non autorisé (Hristozov et autres précité). Le médicament en cause, non testé,

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n’est pas autorisé dans les Etats, mais certains d’entre eux permettent son usage à titre compassionnel. La Cour constate qu’il existe une tendance claire, au sein des Etats contractants, pour que soient utilisés dans des circonstances exceptionnelles des médicaments non autorisés. Toutefois, pour la Cour, ce consensus en cours d’émergence ne se fonde pas sur des principes établis dans le droit de ces Etats et ne semble pas porter sur la manière précise dont l’usage de ces produits doit être réglementé. Dès lors, les Etats jouissent d’une ample marge d’appréciation en la matière, en particulier en ce qui concerne le détail des règles destinées à ménager un équilibre entre l’intérêt général et les intérêts privés. Vie familiale L’arrêt Van der Heijden c. Pays-Bas(41) concerne le devoir de témoigner en matière pénale,

précisément contre la personne avec qui l’on vit. L’affaire met en cause deux intérêts généraux concurrents : la poursuite des infractions graves et la protection de la vie familiale contre les ingérences de l’Etat. Bien qu’ayant une vie familiale stable avec son compagnon depuis plusieurs années, la requérante n’obtint aucune dispense de l’obligation de témoigner contre lui dans le cadre de la procédure pénale qui le visait. L’Etat a choisi, en effet, de réserver la dispense aux seules unions qui sont officiellement reconnues. La Cour relève en la matière la marge d’appréciation des Etats. Tout Etat qui prévoit dans sa législation la possibilité d’une dispense de l’obligation de témoigner peut parfaitement la circonscrire au mariage et au partenariat enregistré ; le législateur est en droit d’accorder un statut spécial au mariage ou au partenariat enregistré et de le refuser à d’autres formes de vie commune de fait. La Cour souligne l’intérêt important qui s’attache à la poursuite des infractions graves. L’arrêt Popov, précité, concerne la question délicate de la détention dans un centre fermé de migrants mineurs en vue de leur expulsion. La Cour met en relief l’« intérêt supérieur de l’enfant » dans ce contexte. Il existe en effet un large consensus, notamment en droit international, selon lequel l’intérêt des enfants doit primer dans toutes les décisions les concernant. Ainsi, la Cour s’écarte du précédent Muskhadzhiyeva et autres c. Belgique(42), au motif que « l’intérêt supérieur de l’enfant ne peut se limiter à maintenir l’unité familiale », les autorités devant « mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires afin de limiter autant que faire se peut la détention de familles accompagnées d’enfants ». La Cour note l’absence de risque de fuite. Or aucune alternative à la détention n’a été envisagée, assignation à résidence ou maintien en résidence hôtelière. En l’absence de tout élément permettant de soupçonner que les parents avec leur bébé et leur enfant de trois ans allaient se soustraire aux autorités, leur

détention, pour une durée de quinze jours, dans un centre fermé, est jugée contraire à l’article 8. L’arrêt Trosin c. Ukraine(43)porte sur des restrictions très sévères aux visites familiales des prisonniers condamnés à perpétuité. Il n’est pas justifiable de restreindre le nombre de visites annuelles de façon automatique sans possibilité d’en apprécier la nécessité à la lumière de la situation particulière de chaque condamné. Il en est de même du nombre limité d’adultes par visite et de l’absence d’intimité et de toute possibilité de contact physique avec les proches. Vie privéé et familiale Il doit exister « des raisons particulièrement graves » pour que des restrictions à la vie familiale et privée des militaires et notamment celles qui touchent « un aspect des plus intimes de la vie privée » répondent aux exigences de l’article 8 § 2. De telles restrictions ne sont acceptables que là où existe une menace réelle pour l’efficacité opérationnelle des forces armées. Les affirmations du gouvernement défendeur quant à l’existence d’un tel risque doivent être étayées par des exemples concrets (Konstantin Markin précité). L’arrêt Kurić et autres, précité, concerne la privation du statut de résident permanent en Slovénie après la déclaration d’indépendance de ce pays (personnes dites « effacées ») et les graves conséquences résultant pour ces personnes de l’effacement de leurs noms du registre slovène des résidents permanents. La Cour a jugé que l’ingérence ne reposait pas sur une base légale suffisante. Son examen ne s’arrête toutefois pas à ce stade. Relevant les circonstances particulières de l’affaire et tenant compte des vastes répercussions de la mesure critiquée, la Cour a poursuivi son examen sur les questions du but légitime et de la proportionnalité de l’ingérence. Vie privée et correspondance L’affaire Michaud c. France(44) porte sur la confidentialité des échanges entre avocats et clients et le secret professionnel des avocats. Elle s’inscrit dans le contexte de la transposition de directives de l’Union européenne, en l’occurrence, en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux. Un avocat se plaignait de l’obligation faite à cette profession de déclarer les « soupçons » qu’ils pourraient avoir à l’encontre de clients, sous peine de sanctions disciplinaires. S’agissant de la protection des droits fondamentaux accordée par l’Union européenne, la Cour a jugé dans l’arrêt Bosphorus Hava Yolları Turizm ve Ticaret Anonim Şirketi c. Irlande(45) qu’elle était en principe équivalente à celle assurée par la Convention. Pour la première fois, la Cour conclut que cette présomption ne s’applique pas en l’espèce. En effet, est en cause la transposition d’une directive européenne – et non l’adoption d’un règlement européen – et le juge national a refusé que la Cour de justice de Luxembourg soit saisie à titre préjudiciel de la compatibilité de l’obligation de déclaration des avocats avec l’article 8 de la Convention. Or cette question n’avait été préalablement tranchée par la Cour de justice ni lors d’un renvoi préjudiciel opéré dans une autre affaire, ni à l’occasion des recours ouverts aux Etats membres et aux institutions de l’Union européenne. Ainsi, le mécanisme de contrôle prévu par le droit de l’Union

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Europe QUELQUES CHIFFRES

Arrêts (1999-2012) Etats défendeurs principaux

* Les arrêts peuvent concerner plusieurs requêtes.

européenne n’était pas entré un jeu. Le secret professionnel des avocats a une grande importance et constitue l’un des principes fondamentaux sur lesquels repose l’organisation de la justice dans une société démocratique. Il n’est cependant pas intangible. Son importance doit être mise en balance avec celle que revêt pour les Etats membres la lutte contre le blanchiment de capitaux issus d’activités illicites, susceptible de servir à financer des activités criminelles notamment dans le domaine du trafic de stupéfiants ou du terrorisme international. Liberté de pensée, de conscience et de religion (article 9) En 2011(46), la Cour a eu l’occasion de revoir sa jurisprudence relative à l’applicabilité aux objecteurs de conscience de l’article 9. L’arrêt Savda c. Turquie(47) concerne l’objection de conscience d’un pacifiste au service militaire, lequel n’invoquait aucune conviction religieuse. Cette affaire se caractérise également par l’absence de procédure d’examen de sa demande aux fins de la reconnaissance de la qualité d’objecteur de conscience par les autorités de son pays. Pour la Cour, à défaut d’une telle procédure d’examen, un service militaire obligatoire est de nature à entraîner « un conflit grave et insurmontable » entre cette obligation et la conscience d’une personne ou ses convictions sincères et profondes. Les autorités de l’Etat ont donc une obligation positive d’offrir à un objecteur de conscience une procédure effective et accessible lui permettant d’établir s’il a ou non le droit de bénéficier du statut d’objecteur, pour préserver ses intérêts protégés par l’article 9. Liberté d’expression (article 10) L’arrêt Axel Springer AG, précité, concerne l’interdiction faite à un quotidien de rendre compte de l’arrestation et de la condamnation d’un acteur connu. La Grande Chambre énumère les critères relatifs à la mise en balance du droit à la liberté d’expression et du droit au

respect de la vie privée. En principe l’appréciation du degré de notoriété d’une personne appartient en premier lieu aux juges internes, surtout lorsqu’il s’agit d’un personnage connu principalement à l’échelle nationale. La Cour examine si le degré de notoriété de l’acteur était suffisamment élevé pour le qualifier de personnage public. L’arrêt examine l’étendue de l’« espérance légitime » de voir sa vie privée effectivement protégée. D’autres sujets sont développés par l’arrêt : le mode d’obtention des informations par le journaliste, leur exactitude, la préservation de l’anonymat par la presse elle-même, le contenu et la forme des articles litigieux, dont le recours à des « expressions vraisemblablement destinées à capter l’attention du public ». Dans l’affaire Centro Europa 7 S.r.l. et Di Stefano c. Italie(48), une société de télévision privée disposait d’une concession pour la radiodiffusion télévisuelle au plan national, mais ne pouvait émettre faute d’attribution de radiofréquences par l’administration. Cette situation privait de tout effet utile la concession accordée car l’activité qu’elle autorisait ne pouvait être exercée en pratique. La Grande Chambre rappelle les principes généraux relatifs au pluralisme dans les médias audiovisuels. Notamment, il faut garantir un pluralisme effectif dans ce secteur si sensible, afin qu’il y ait, dans le contenu des programmes considérés dans leur ensemble, une diversité reflétant la variété des courants d’opinion de la société concernée. Au devoir de non-ingérence s’ajoute pour l’Etat l’obligation positive de mettre en place un cadre législatif et administratif approprié pour garantir un pluralisme effectif dans les médias. Prévoir l’existence de plusieurs chaînes ou la possibilité théorique pour les opérateurs potentiels d’accéder au marché audiovisuel ne suffit pas : il faut permettre un accès effectif à ce marché. La précision suffisante de la loi est une exigence d’autant plus importante dans des affaires portant sur les conditions d’accès au marché de

l’audiovisuel. Une défaillance de l’Etat dont l’effet est de réduire la concurrence dans le secteur de l’audiovisuel est contraire à l’article 10. L’arrêt Mouvement raëlien suisse c. Suisse(49) traite de l’étendue du droit d’utilisation de l’espace public pour des campagnes d’affichage. Pour la Cour, les individus ne disposent pas d’un droit inconditionnel ou illimité à l’usage accru du domaine public, surtout lorsqu’il s’agit de supports destinés à des campagnes de publicité ou d’information. En matière de liberté d’expression, il n’y a guère de place à des restrictions en matière d’expression politique. Toutefois, les Etats disposent d’une large marge d’appréciation quand ils réglementent le discours commercial et publicitaire. Ainsi, l’examen par les autorités locales du point de savoir si un affichage public dans le cadre de campagnes non strictement politiques répond à certains critères légaux – en vue de la défense d’intérêts aussi variés que par exemple la protection des moeurs, la sécurité routière ou la protection du paysage – relève de la marge d’appréciation des Etats. Les autorités disposent donc d’une certaine latitude pour émettre des autorisations dans ce domaine. Dans cette affaire, l’ingérence des autorités publiques s’est limitée à interdire un affichage sur le domaine public. La Cour a reconnu la nécessité de protéger la santé et la morale, les droits d’autrui et d’assurer la prévention du crime. L’association plaignante a pu continuer à diffuser ses idées par le biais de son site Internet et par d’autres moyens, tels que la distribution de tracts dans la rue ou dans les boîtes aux lettres. En effet, en décidant de restreindre les droits fondamentaux, les autorités doivent choisir les moyens qui portent le moins atteinte à ces droits. L’affaire Vejdeland c. Suède(50) concerne la condamnation des requérants pour « agitation dirigée contre un groupe national ou ethnique » après qu’ils eurent déposé dans les casiers de jeunes élèves des tracts contenant des expressions offensantes à l’égard des homosexuels. L’arrêt présente un intérêt dans la mesure où pour la première fois la Cour applique, à un discours dirigé contre les homosexuels, les principes relatifs au discours offensant à l’égard de certains groupes de la société. La Cour souligne que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle est tout aussi grave que la discrimination fondée sur la race, l’origine ou la couleur. La Cour a estimé que l’article 10 englobe la liberté de recevoir et de communiquer des informations ou idées dans toute langue qui permet de participer à l’é change public des informations et idées culturelles, politiques et sociales de toutes sortes (Eğitim ve Bilim Emekçileri Sendikası c. Turquie(52)). Outre la substance des idées et informations exprimées, l’article 10 protège aussi leur mode d’expression quelle que soit la langue dans laquelle ces idées ou informations sont exprimées. La liberté de recevoir et de communiquer des informations ou des idées fait partie intégrante du droit à la liberté d’expression. Pour la première fois, la Cour traite d’une mesure de blocage d’un site Internet ayant eu pour effet collatéral le blocage de l’accès à l’intégralité d’un domaine de type « Google Sites » et de tous les sites hébergés sur ce domaine (Ahmet Yıldırım c. Turquie(53) (arrêt non définitif )). Ce blocage résultait d’une

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Europe mesure préventive adoptée dans le cadre d’une procédure pénale visant un tiers, qui n’avait donc aucun rapport avec le site du requérant. La Cour considère que « l’Internet est aujourd’hui devenu l’un des principaux moyens d’exercice par les individus de leur droit à la liberté d’expression et d’information ; on y trouve des outils essentiels de participation aux activités et débats relatifs à des questions politiques ou d’intérêt public ». Elle dit que les juges nationaux auraient dû prendre en compte le fait que de telles mesures – qui rendent inaccessibles une grande quantité d’informations – affectent considérablement les droits des internautes et ont un effet collatéral important. La Cour a conclu à la violation de l’article 10. Liberté de réunion et d’association (article 11) L’arrêt Eğitim ve Bilim Emekçileri Sendikasi, précité, concerne des actions en dissolution engagées contre un syndicat de salariés de l’enseignement, au motif qu’il défendait, dans ses statuts, l’enseignement dans la langue maternelle autre que le turc. Au final le syndicat fut contraint de supprimer ces mentions de ses statuts afin d’éviter sa dissolution. Pour la Cour, le principe défendu par ce syndicat, selon lequel l’enseignement des individus composant la société turque pouvait se faire dans leur langue maternelle autre que le turc, n’est pas contraire aux principes fondamentaux de la démocratie. Elle relève que rien dans l’article litigieux de ses statuts ne peut passer pour un appel à la violence, au soulèvement ou à toute autre forme de rejet des principes démocratiques, ce qui est un élément essentiel à prendre en considération. A supposer même que les autorités nationales aient pu considérer que l’enseignement dans la langue maternelle favorisait la culture d’une minorité, l’existence de minorités et de cultures différentes dans un pays constitue un fait historique qu’une société démocratique doit tolérer, voire protéger et soutenir selon des principes du droit international. La Cour a conclu à la violation de l’article 11. Droit au mariage (article 12) L’arrêt V.K. c. Croatie(53) (non définitif ) concerne la durée d’une procédure de divorce, jugée déraisonnable au regard de l’article 6 § 1. Pour la première fois, la Cour juge que le défaut des autorités nationales de conduire efficacement une procédure de divorce a laissé le demandeur dans un état d’incertitude prolongée, qui constitue une restriction déraisonnable au droit de se marier. Elle prend en compte notamment le fait que l’intéressé avait l’intention bien établie de se remarier, et les circonstances de la procédure de divorce (accord des époux pour divorcer, possibilité pour les tribunaux de rendre une décision partielle et caractère urgent de la procédure selon le droit interne). Interdiction de discrimination (article 14) L’exclusion des militaires de sexe masculin du droit au congé parental, alors que les militaires de sexe féminin bénéficient de ce droit, soulève une importante question d’intérêt général au regard de l’article 14 combiné avec l’article 8. L’arrêt Konstantin Markin, précité, se prononce pour la première fois sur cette question. La Grande Chambre constate l’évolution des sociétés européennes contemporaines sur la question de l’égalité des sexes en matière de congé parental.

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La répartition traditionnelle des rôles entre les sexes dans la société ne peut servir à justifier l’exclusion des hommes, y compris ceux travaillant dans l’armée, du droit au congé parental. Dans le contexte spécifique des forces armées, certaines restrictions, liées à l’importance de l’armée pour la protection de la sécurité nationale, peuvent se justifier, à condition qu’elles ne soient pas discriminatoires. Or assurer aux militaires des deux sexes une égalité de traitement en la matière tout en tenant compte des préoccupations légitimes concernant l’efficacité opérationnelle de l’armée, est possible : l’exemple de nombreux Etats européens le montre. En effet, les éléments pertinents de droit comparé indiquent que, dans un nombre important d’Etats membres, les militaires des deux sexes ont droit au congé parental. A l’inverse, imposer une restriction générale et automatique à un groupe de personnes en fonction de leur sexe – comme celle d’exclure les seuls militaires masculins du droit au congé parental – est incompatible avec l’article 14. L’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe est d’une importance fondamentale, y renoncer est impossible. L’arrêt Gas et Dubois c. France(54) concerne le rejet, par les tribunaux, de la demande d’une femme vivant en couple avec une autre femme tendant à l’adoption simple de l’enfant de cette dernière, conçu en Belgique par procréation médicalement assistée avec donneur anonyme. Le rejet a pour motif que le transfert de l’autorité parentale à l’adoptant priverait la mère biologique de tout droit sur son enfant et serait contraire à l’intérêt de l’enfant dès lors que la mère biologique entend continuer à élever celuici. Selon la Cour, l’affaire diffère fondamentalement d’E.B. c. France(55), qui concernait le traitement d’une demande d’agrément en vue d’adopter un enfant présentée par une personne célibataire homosexuelle, le droit français autorisant l’adoption d’un enfant par un célibataire. L’arrêt constate que les couples homosexuels ne se trouvent pas dans une situation juridique comparable à celle des couples mariés en matière d’adoption par le second parent (le droit français interdit le mariage entre deux personnes du même sexe) et ne sont pas traités différemment des couples hétérosexuels non mariés, que ceux-ci aient ou non conclu un pacte civil de solidarité (ils se voient eux aussi opposer un refus de l’adoption simple). La Cour a conclu à la non-violation de l’article 14 combiné avec l’article 8. L’arrêt Özgürlük ve Dayanışma Partisi (ÖDP) c. Turquie(56) traite pour la première fois du financement direct de partis politiques par l’Etat. La Cour pose des principes s’agissant des systèmes de financement public des partis exigeant un niveau minimum de représentativité. Il s’agissait d’un refus d’accorder l’aide financière publique à un parti politique non représenté au Parlement, au motif qu’il n’avait pas atteint le niveau minimum de soutien électoral requis par la loi. La Cour n’a pas relevé de violation de l’article 14 combiné avec l’article 3 du Protocole no 1. Elle a noté la très faible représentativité du parti requérant et l’effet compensatoire des autres facteurs de soutien public dont il disposait, comme les exemptions d’impôt sur certains revenus et l’allocation d’un temps d’antenne lors des campagnes électorales.

Protection de la propriété (article 1 du Protocole numéro 1) L’arrêt Centro Europa 7 S.r.l. et Di Stefano, précité, rappelle les principes relatifs à la notion de « biens » au sens de la Convention. L’affaire concerne l’octroi d’une concession télévisuelle à une société de télévision, dont l’exploitation fut retardée faute d’octroi de radiofréquences d’émission (article 10 ci-dessus). Droit à l’instruction (article 2 du Protocole numéro 1) L’arrêt Catan et autres, précité, concerne la fermeture forcée d’établissements scolaires liée à la politique linguistique d’autorités séparatistes et les mesures de harcèlement consécutives à leur réouverture. Aucun élément ne donne à penser que de telles mesures poursuivent un but légitime. La Grande Chambre souligne l’importance fondamentale que revêt l’enseignement primaire et secondaire pour l’épanouissement personnel et la réussite future de tout enfant. Elle rappelle le droit de recevoir un enseignement dans sa langue nationale. S’agissant d’actes d’un régime séparatiste non reconnu par la communauté internationale, la Cour examine la question de la responsabilité étatique pour l’atteinte au droit à l’instruction : celle de l’Etat sur le territoire duquel les faits eurent lieu, celle de l’Etat qui assure la survie de cette administration grâce à un soutien continu militaire et autre. Pour ce dernier, qui exerçait un contrôle effectif pendant la période en question sur l’administration en cause, peu importe qu’il ne soit ni directement ni indirectement intervenu dans la politique linguistique de celle-ci, pour l’engagement de sa responsabilité. Droit à des élections libres (article 3 du Protocole numéro 1) L’arrêt Sitaropoulos et Giakoumopoulos c. Grèce(57) concerne le lieu d’exercice du droit de vote des citoyens résidant à l’étranger lors d’élections législatives. Précisément, la Convention oblige-t-elle les Etats contractants à instaurer un système permettant l’exercice du droit de vote à l’étranger pour leurs expatriés ? D’une manière générale, l’article 3 du Protocole numéro 1 ne prévoit pas la mise en oeuvre par les Etats contractants de mesures favorisant l’exercice du droit de vote par les expatriés depuis leur lieu de résidence. En outre, il ne ressort ni du droit européen et international pertinents ni de l’étude comparée des systèmes nationaux une obligation ou un consensus en ce sens, en l’état actuel du droit. En ce qui concerne les Etats membres qui offrent la possibilité de voter depuis l’étranger, l’on constate une grande variété quant à ses conditions d’exercice. La Cour récapitule sa jurisprudence sur les restrictions à l’exercice du droit de vote à l’étranger fondées sur le critère de la résidence de l’électeur. La question des restrictions au droit de vote des détenus condamnés fut à nouveau à l’ordre du jour de la Grande Chambre dans l’affaire Scoppola c. Italie (no 3)(58). Les principes dégagés dans l’arrêt Hirst c. Royaume-Uni (no 2)(59) de 2005 ont été réaffirmés. Il a été décidé que l’interdiction du droit de vote pouvait être prononcée par un juge dans une décision spécifique, ou bien résulter de l’application de la loi. Ce qui importe est de s’assurer que la

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Europe décision du juge ou le libellé de loi respecte le droit garanti par l’article 3 du Protocole no 1, notamment que le système ne souffre pas d’une rigidité excessive. La Cour souligne, en l’occurrence, que le législateur a eu soin de moduler l’emploi de l’interdiction en fonction des particularités de chaque cas, en tenant compte notamment de la gravité de l’infraction et de la conduite du condamné ; la durée de la mesure d’interdiction est également modulée en fonction de la peine et donc, indirectement, de la gravité de l’infraction. Dès lors, l’interdiction du droit de vote, telle qu’elle est prévue dans ce système, ne présente pas les caractères de généralité, d’automaticité et d’application indifférenciée, qui conduisent à un constat de violation, comme ce fut le cas dans l’affaire Hirst. L’arrêt Parti communiste de Russie et autres c. Russie(60) concerne la couverture médiatique des élections législatives. Il s’agit du premier arrêt de la Cour traitant directement de la couverture d’une campagne électorale nationale par de grands médias audiovisuels, couverture dénoncée comme inégale par des partis et candidats d’opposition. La Cour précise les obligations positives des Etats en ce domaine et l’étendue de leur marge d’appréciation. Droit d’indemnisation en cas d’erreur judiciaire (article 3 du Protocole no 7) L’arrêt Poghosyan et Baghdasaryan c. Arménie(61) est le premier arrêt où la Cour examine au fond un grief tiré de l’article 3 du Protocole no 7 et conclut à la violation de cette disposition. L’affaire concerne l’absence d’indemnisation d’un accusé condamné à tort à quinze ans de prison et ayant passé environ cinq ans et six mois en détention avant d’être considéré comme acquitté. La Cour considère que l’indemnisation est due même si la loi ou l’usage en vigueur dans l’Etat concerné n’en prévoit pas une. De plus, la victime d’une erreur judiciaire a droit à la réparation non seulement du préjudice matériel causé par la condamnation prononcée à tort, mais aussi de tout dommage moral subi du fait de cette erreur, tel que la détresse, l’angoisse, les désagréments divers et dégradation de la qualité de vie.

Exécution des arrêts (article 46) Arrêts pilotes(62) L’une des conditions fondamentales pour l’application de la procédure de l’arrêt pilote est que l’appréciation par la Cour de la situation dénoncée dans l’affaire « pilote » s’étende nécessairement au-delà des seuls intérêts du ou des requérants dont il s’agit et commande à la Cour d’examiner l’affaire aussi sous l’angle des mesures générales à prendre dans l’intérêt des autres personnes potentiellement touchées (Kurić et autres précité). Même si seules quelques requêtes similaires sont pendantes devant la Cour, dans le contexte de violations systémiques, structurelles ou similaires, le flux d’affaires susceptibles d’être introduites à l’avenir est aussi un élément dont la Cour doit tenir compte afin de prévenir l’encombrement de son rôle par des affaires répétitives (ibidem). L’arrêt Ananyev et autres c. Russie(63) applique la

procédure de l’arrêt pilote s’agissant des conditions de détention inhumaines ou dégradantes des personnes en attente d’un jugement. La Cour a indiqué dans nombre de ses arrêts que la détention provisoire devait être l’exception plutôt que la règle et que cette mesure ne devait intervenir qu’en dernier ressort. Rappelant que le droit de ne pas être traité de manière inhumaine ou dégradante revêt un caractère fondamental, la Cour décide de ne pas ajourner l’examen des requêtes analogues qui sont pendantes devant elle. Elle souligne que l’ajournement est une possibilité et non une obligation au titre de l’article 61 § 6 du règlement de la Cour. L’arrêt Ümmühan Kaplan c. Turquie(64) décide d’appliquer la procédure de l’arrêt pilote pour ce qui est de la durée des procédures. La Cour identifie en effet un problème structurel et systémique de l’ordre juridique interne incompatible avec les articles 6 § 1 et 13 de la Convention. Dans le délai imparti par l’arrêt, l’Etat devra mettre en place un recours interne effectif permettant d’offrir un redressement adéquat et effectif en cas de durée excessive. Mesures générales L’arrêt Aslakhanova et autres c. Russie(65) (non définitif ) concerne des cas d’enlèvements et de disparitions dans le Caucase du Nord, en violation des articles 2, 3, 5 et 13 de la Convention. La Cour constate que la situation incriminée résulte de problèmes systémiques au niveau national, pour lesquels il n’existe pas de recours internes effectifs, et requiert la mise en oeuvre rapide de mesures globales et complexes. Elle évoque, dans les motifs de son arrêt, les mesures à prendre pour la situation des familles des victimes et l’effectivité des enquêtes, et presse l’Etat défendeur de présenter sans retard au Comité des Ministres une stratégie en la matière. Mesures individuelles Dans l’arrêt Hirsi Jamaa et autres, précité, la Cour a conclu à un risque de subir des mauvais traitements en Libye et d’un rapatriement arbitraire. Elle a décidé que le gouvernement défendeur devait entreprendre toutes les démarches possibles pour obtenir des autorités libyennes l’assurance que les requérants ne seront ni soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention ni rapatriés arbitrairement. L’arrêt Sampani et autres c. Grèce(66) (non définitif ) est le premier cas d’application de l’article 46 en matière d’enseignement. La Cour a invité l’Etat défendeur à agir pour la scolarisation d’enfants roms, après avoir conclu à une discrimination à leur égard.

Radiation (article 37) La poursuite de l’examen d’une requête soulevant une question importante d’intérêt général permet de clarifier, sauvegarder et développer les normes de protection des droits de l’homme. Elever ces normes et étendre la jurisprudence à l’ensemble de la communauté des Etats parties à la Convention sont des visées propres au système de la Convention (Konstantin Markin précité).

Notes : 1. Il s’agit d’une sélection d’arrêts et de décisions qui traitent d’une question nouvelle ou d’un sujet important d’intérêt général, ou encore qui posent de nouveaux principes de jurisprudence, développent ou clarifient la jurisprudence. 2. Niveau d’importance : ce champ permet de rechercher dans HUDOC des arrêts, décisions et/ou avis consultatifs par niveau d’importance. Les affaires sont divisées en quatre catégories, la plus importante étant celle des affaires du Recueil. Viennent ensuite les niveaux 1, 2 et 3. Ces niveaux sont attribués provisoirement jusqu’à ce que le Bureau ait décidé quelles sont les affaires qui doivent être publiées au Recueil. Recueil : arrêts, décisions et avis consultatifs rendus depuis la création de la nouvelle Cour en 1998 et publiés ou sélectionnés pour publication au Recueil des arrêts et décisions de la Cour. Depuis 2007, cette sélection est opérée par le Bureau de la Cour sur proposition du jurisconsulte. Les arrêts de l’ancienne Cour (publiés dans la Série A et le Recueil) et les affaires publiées précédemment dans le recueil des Décisions et Rapports de la Commission ne figurent pas dans la catégorie Recueil. Ils sont classés dans les catégories 1, 2 et 3. 1 = Importance élevée : tous les arrêts, décisions et avis consultatifs ne figurant pas dans la catégorie Recueil qui apportent une contribution importante à l’évolution, la clarification ou la modification de la jurisprudence de la Cour, soit de manière générale soit pour un Etat donné. 2 = Importance moyenne : autres arrêts, décisions et avis consultatifs qui, sans apporter une contribution importante à la jurisprudence existante, n’en constituent pas simplement une application. 3 = Importance faible : arrêts, décisions et avis consultatifs n’ayant qu’un intérêt juridique limité, soit parce qu’ils ne font qu’appliquer la jurisprudence existante, soit parce qu’ils concernent des règlements amiables ou des radiations du rôle (les règlements amiables ou radiations du rôle qui présentent un intérêt particulier ne relèvent toutefois pas de cette catégorie). 3. [GC], no 27765/09, CEDH 2012. 4. [GC], no 48787/99, CEDH 2004-VII. 5. [GC], nos 43370/04, 8252/05 et 18454/06, CEDH 2012. 6. (déc.), no 33917/12, CEDH 2012. 7. [GC], no 39630/09, CEDH 2012. 8. [GC], nos 4149/04 et 41029/04, CEDH 2012. 9. [GC], no 26828/06, CEDH 2012. 10. [GC], no 27396/06, 29 juin 2012. 11. [GC], no 5826/03, 22 mai 2012. 12. No 23563/07, CEDH 2012. 13. No 8139/09, CEDH 2012. 14. Nos 39472/07 et 39474/07, 19 janvier 2012. 15. No 52077/10, 15 mai 2012. 16. No 67724/09, 11 octobre 2012. 17. No 4239/08, 13 novembre 2012. 18. [GC], no 36760/06, CEDH 2012. 19. [GC], no 29226/03, 23 février 2012. 20. [GC], nos 39692/09, 40713/09 et 41008/09, CEDH 2012. 21. No 34806/04, CEDH 2012. 22. (déc.), no 71407/10, 28 août 2012. 23. Salduz c. Turquie [GC], no 36391/02, CEDH 2008, et Dayanan c. Turquie, no 7377/03, 24 octobre 2009. 25. Nos 25119/09, 57715/09 et 57877/09, 18 septembre 2012. 26. Voir par rapport à l’arrêt Solmaz c. Turquie, no 27561/02, 16 janvier 2007. 27. No 51564/99, CEDH 2002-I. 28. [GC], no 37575/04, CEDH 2012. 29. No 4837/06, CEDH 2012. 30. 7 juillet 1989, § 113, série A no 161. 31. No 18851/07, 12 avril 2012. 32. (déc.), no 20041/10, 27 mars 2012. 33. (déc.), no 27062/04, 7 février 2012. 34. [GC], no 22689/07, CEDH 2012. 35. No 4455/10, 13 novembre 2012. 36. [GC], no 30078/06, CEDH 2012. 37. Nos 47039/11 et 358/12, CEDH 2012. 38. [GC], nos 40660/08 et 60641/08, CEDH 2012. 39. [GC], no 39954/08, 7 février 2012. 40. No 43547/08, 12 avril 2012. 41. (déc.), no 49458/06, 15 mai 2012. 42. [GC], no 42857/05, 3 avril 2012. 43. No 41442/07, § 98, 19 janvier 2010. 44. No 39758/05, 23 février 2012. 45. No 12323/11, CEDH 2012. 46. [GC], no 45036/98, CEDH 2005-VI. 47. Bayatyan c. Arménie [GC], no 23459/03, CEDH 2011. 48. No 42730/05, 12 juin 2012. 49. [GC], no 38433/09, CEDH 2012. 50. [GC], no 16354/06, CEDH 2012. 51. No 1813/07, 9 février 2012. 52. No 20641/05, CEDH 2012. 53. No 3111/10, CEDH 2012. 54. No 38380/08, 27 novembre 2012. 55. No 25951/07, CEDH 2012. 56. [GC], no 43546/02, 22 janvier 2008. 57. No 7819/03, CEDH 2012. 58. [GC], no 42202/07, CEDH 2012. 59. [GC], no 126/05, 22 mai 2012. 60. [GC], no 74025/01, CEDH 2005-IX. 60. No 29400/05, 19 juin 2012. 61. No 22999/06, CEDH 2012. 62. Selon le règlement de la Cour, article 61 § 1 : « La Cour peut décider d’appliquer la procédure de l’arrêt pilote et adopter un arrêt pilote lorsque les faits à l’origine d’une requête introduite devant elle révèlent l’existence, dans la Partie contractante concernée, d’un problème structurel ou systémique ou d’un autre dysfonctionnement similaire qui a donné lieu ou est susceptible de donner lieu à l’introduction d’autres requêtes analogues. » 63. Nos 42525/07 et 60800/08, 10 janvier 2012. 64. No 24240/07, 20 mars 2012. 65. Nos 2944/06, 8300/07, 50184/07, 332/08 et 42509/10, 18 décembre 2012. 66. No 59608/09, 11 décembre 2012.

Source : Le Rapport annuel 2012 de la Cour européenne des droits de l’homme est consultable dans son intégralité sur le site internet : www.echr.coe.int

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Jurisprudence

Conservation des empreintes digitales d’une personne non condamnée Cour européenne des droits de l’homme - cinquième section - 18 avril 2013 Requête n° 19522/09 - affaire M.K. c. France(1)

(...) Procédure A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, Monsieur M. K. (« le requérant »), a saisi la Cour le 28 février 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, a été représenté par Me C. Meyer, avocat à Strasbourg. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères. Le requérant allègue en particulier une violation de l’article 8 de la Convention, en raison de la conservation de données le concernant au fichier automatisé des empreintes digitales. Le 8 mars 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement. En fait (...) Le requérant est né en 1972 et réside à Paris. Le 10 février 2004, une enquête fut ouverte à l’encontre du requérant pour vol de livres. Les services d’enquête prélevèrent ses empreintes digitales. Par un arrêt du 15 février 2005, sur appel d’un jugement rendu le 28 avril 2004 par le tribunal correctionnel de Paris, la cour d’appel de Paris relaxa le requérant. Le 28 septembre 2005, le requérant fut placé en garde à vue dans le cadre d’une enquête de flagrance, également pour vol de livres. Il fit à nouveau l’objet d’un prélèvement d’empreintes digitales. Le 2 février 2006, cette procédure fut classée sans suite par le procureur de la République de Paris. Les empreintes relevées lors de ces procédures furent enregistrées au fichier automatisé des empreintes digitales (« FAED »). Par une lettre du 21 avril 2006, le requérant demanda au procureur de la République de Paris que ses empreintes soient effacées du FAED. Le 31 mai 2006, le procureur de la République fit procéder uniquement à l’effacement des prélèvements effectués lors de la première procédure. Il fit valoir que la conservation d’un exemplaire des empreintes du requérant se justifiait dans l’intérêt de celui-ci, en permettant d’exclure sa participation en cas de faits commis par un tiers usurpant son identité. Le 26 juin 2006, le requérant forma un recours devant le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris. Par une ordonnance du 25 août 2006, le juge des libertés et de la détention rejeta sa demande. Il estima que la conservation des empreintes était de l’intérêt des services d’enquête, leur permettant de disposer d’un fichier ayant le plus de références possibles. Le juge ajouta que cette mesure ne causait aucun grief au requérant, compte tenu de la confidentialité du fichier, qui excluait toute conséquence sur la vie sociale ou personnelle de l’intéressé. Le 21 décembre 2006, le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris confirma cette ordonnance. Par un arrêt du 1er octobre 2008, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant en considérant, la procédure étant écrite, qu’il avait été mis en mesure de faire valoir son argumentation et de prendre connaissance de l’opposition motivée du ministère public. Elle ajouta que les pièces de la procédure lui permettaient de s’assurer que la demande avait été traitée

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conformément aux textes légaux et conventionnels invoqués par le requérant, parmi lesquels figurait l’article 8 de la Convention. (...) En droit I. Sur la violation alléguée de l’article 8 de la convention Le requérant allègue une atteinte à son droit au respect de sa vie privée, en raison de la conservation de données le concernant au fichier automatisé des empreintes digitales. Il invoque l’article 8 de la Convention, ainsi libellé : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » Le Gouvernement s’oppose à cette thèse. Appréciation de la Cour (…) a) L’e xistence d’une ingérence La Cour rappelle que la conservation, dans un fichier des autorités nationales, des empreintes digitales d’un individu identifié ou identifiable constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée (S. et Marper, précité, § 86). b) Justification de l’ingérence 1. Base légale Une telle ingérence doit donc être prévue par la loi, ce qui suppose l’existence d’une base en droit interne, qui soit compatible avec la prééminence du droit. La loi doit ainsi être suffisamment accessible et prévisible, c’est-à-dire énoncée avec assez de précision pour permettre à l’individu – en s’entourant au besoin de conseils éclairés – de régler sa conduite. Pour que l’on puisse la juger conforme à ces exigences, elle doit fournir une protection adéquate contre l’arbitraire et, en conséquence, définir avec une netteté suffisante l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir conféré aux autorités compétentes (voir, entre autres, Malone c. Royaume-Uni, 2 août 1984, §§ 66-68, série A no 82, Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, § 55, CEDH 2000-V, et S. et Marper, précité, § 95). Le niveau de précision requis de la législation interne – laquelle ne peut du reste parer à toute éventualité – dépend dans une large mesure du contenu du texte considéré, du domaine qu’il est censé couvrir et du nombre et de la qualité de ses destinataires (voir, parmi d’autres, Hassan et Tchaouch c. Bulgarie [GC], no 30985/96, § 84, CEDH 2000-XI, et S. et Marper, précité, § 96). En l’espèce, la Cour constate que l’ingérence est prévue par la loi, à savoir l’article 55-1 du code de procédure pénale et le décret no 87-249 du 8 avril 1987 modifié. Quant à la question de savoir si la législation en cause

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Jurisprudence est suffisamment claire et précise s’agissant des conditions de mémorisation, d’utilisation et d’effacement des données personnelles, la Cour note que le requérant évoque ces problèmes dans le cadre de ses développements sur la proportionnalité de l’ingérence. En tout état de cause, elle estime que ces aspects sont en l’espèce étroitement liés à la question plus large de la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique et qu’un tel contrôle de la « qualité » de la loi dans la présente affaire renvoie à l’analyse ci-après de la proportionnalité de l’ingérence litigieuse (S. et Marper, précité, § 99). 2. But légitime La Cour note ensuite que l’ingérence vise un but légitime : la détection et, par voie de conséquence, la prévention des infractions pénales (S. et Marper, précité, § 100). 3. Nécessité de l’ingérence A. Les principes généraux Il reste donc à déterminer si l’ingérence litigieuse peut être considérée comme « nécessaire dans une société démocratique », ce qui commande qu’elle réponde à un « besoin social impérieux » et, en particulier, qu’elle soit proportionnée au but légitime poursuivi et que les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » (S. et Marper, précité, § 101). S’il appartient tout d’abord aux autorités nationales de juger si toutes ces conditions se trouvent remplies, c’est à la Cour qu’il revient de trancher en définitive la question de la nécessité de l’ingérence au regard des exigences de la Convention (Coster c. Royaume-Uni [GC], no 24876/94, § 104, 18 janvier 2001, et S. et Marper, précité). Une certaine marge d’appréciation, dont l’ampleur varie et dépend d’un certain nombre d’éléments, notamment de la nature des activités en jeu et des buts des restrictions (voir, notamment, Smith et Grady c. Royaume-Uni, nos 33985/96 et 33986/96, § 88, CEDH 1999-VI ; Gardel c. France, no 16428/05, Bouchacourt c. France, no 5335/06, et M.B. c. France, no 22115/06, 17 décembre 2009, respectivement §§ 60, 59 et 51), est donc laissée en principe aux Etats dans ce cadre (voir, parmi beaucoup d’autres, Klass et autres c. Allemagne, 6 septembre 1978, § 49, série A no 28). Cette marge est d’autant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir à l’individu la jouissance effective des droits fondamentaux ou d’ordre « intime » qui lui sont reconnus (Connors c. Royaume-Uni, no 66746/01, § 82, 27 mai 2004, et S. et Marper, précité, § 102). Lorsqu’un aspect particulièrement important de l’existence ou de l’identité d’un individu se trouve en jeu, la marge laissée à l’Etat est restreinte (Evans c. Royaume-Uni [GC], no 6339/05, § 77, CEDH 2007-I, S. et Marper, précité, et Gardel, Bouchacourt et M.B., précités, respectivement §§ 61, 60 et 52). En revanche, lorsqu’il n’y a pas de consensus au sein des Etats membres du Conseil de l’Europe, que ce soit sur l’importance relative de l’intérêt en jeu ou sur les meilleurs moyens de le protéger, la marge d’appréciation est plus large (Dickson c. Royaume-Uni [GC], no 44362/04, § 78, CEDH 2007-XIII). La protection des données à caractère personnel joue un rôle fondamental pour l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale consacré par l’article 8 de la Convention. La législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues dans cet article (S. et Marper, précité, § 103, et Gardel, Bouchacourt et M.B., précités, §§ 62, 61 et 53 respectivement). A l’instar de ce qu’elle a dit dans l’arrêt S. et Marper (précité), la Cour est d’avis que la nécessité de disposer de telles garanties se fait d’autant plus sentir lorsqu’il s’agit de protéger les données à caractère personnel soumises à un traitement automatique, en particulier lorsque ces données sont utilisées à des fins policières. Le droit interne doit notamment assurer que ces données soient pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées, et qu’elles soient conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées. Il doit aussi contenir des garanties de nature à protéger efficacement les données à caractère personnel enregistrées contre les usages impropres et abusifs (ibidem). Enfin, il appartient à la Cour d’être particulièrement attentive au risque de stigmatisation de personnes qui, à l’instar du requérant, n’ont été reconnues coupables d’aucune infraction et sont en droit de bénéficier de la présomption d’innocence, alors que leur traitement est le même que celui de personnes condamnées. Si, de ce point de vue, la conservation de données privées n’équivaut pas à l’expression de soupçons, encore

faut-il que les conditions de cette conservation ne leur donne pas l’impression de ne pas être considérés comme innocents (S. et Marper, précité, § 122). B. L’application des principes susmentionnés au cas d’espèce En l’espèce, la mesure litigieuse, qui n’emporte en elle-même aucune obligation à la charge du requérant, obéit à des modalités de consultation suffisamment encadrées, qu’il s’agisse des personnes habilitées à consulter le fichier ou du régime d’autorisation auxquelles sont soumises les opérations d’identification qui correspondent à la finalité du fichier (voir, a contrario, Khelili c. Suisse, no 16188/07, § 64, 18 octobre 2011). La Cour observe qu’il en va différemment du régime de collecte et de conservation des données. En effet, la Cour note d’emblée que la finalité du fichier, nonobstant le but légitime poursuivi, a nécessairement pour résultat l’ajout et la conservation du plus grand nombre de noms possibles, ce que confirme la motivation retenue par le juge des libertés et de la détention dans son ordonnance du 25 août 2006 (paragraphe 14 ci-dessus). Elle relève par ailleurs que le refus du procureur de la République de faire procéder à l’effacement des prélèvements effectués lors de la seconde procédure était motivé par la nécessité de préserver les intérêts du requérant, en permettant d’exclure sa participation en cas d’usurpation de son identité par un tiers (paragraphe 12 ci-dessus). Or, outre le fait qu’un tel motif ne ressort pas expressément des dispositions de l’article 1er du décret litigieux, sauf à en faire une interprétation particulièrement extensive, la Cour estime que retenir l’argument tiré d’une prétendue garantie de protection contre les agissements des tiers susceptibles d’usurper une identité reviendrait, en pratique, à justifier le fichage de l’intégralité de la population présente sur le sol français, ce qui serait assurément excessif et non pertinent. De plus, à la première fonction du fichier qui est de faciliter la recherche et l’identification des auteurs de crimes et de délits, le texte en ajoute une seconde, à savoir « faciliter la poursuite, l’instruction et le jugement des affaires dont l’autorité judiciaire est saisie » dont il n’est pas clairement indiqué qu’elle se limiterait aux crimes et délits. En visant également « les personnes, mises en cause dans une procédure pénale, dont l’identification s’avère nécessaire » (article 3, 2o du décret), il est susceptible d’englober de facto toutes les infractions, y compris les simples contraventions dans l’hypothèse où cela permettrait d’identifier des auteurs de crimes et de délits selon l’objet de l’article 1 du décret (paragraphe 17 ci-dessus). En tout état de cause, les circonstances de l’espèce, relatives à des faits de vol de livres classés sans suite, témoignent de ce que le texte s’applique pour des infractions mineures. La présente affaire se distingue ainsi clairement de celles qui concernaient spécifiquement des infractions aussi graves que la criminalité organisée (S. et Marper, précité) ou des agressions sexuelles (Gardel, Bouchacourt et M.B., précités). En outre, la Cour note que le décret n’opère aucune distinction fondée sur l’existence ou non d’une condamnation par un tribunal, voire même d’une poursuite par le ministère public. Or, dans son arrêt S. et Marper, la Cour a souligné le risque de stigmatisation, qui découle du fait que les personnes qui avaient respectivement bénéficié d’un acquittement et d’une décision de classement sans suite - et étaient donc en droit de bénéficier de la présomption d’innocence - étaient traitées de la même manière que des condamnés (§ 22). La situation dans la présente affaire est similaire sur ce point, le requérant ayant bénéficié d’une relaxe dans le cadre d’une première procédure, avant de voir les faits reprochés par la suite classés sans suite. Aux yeux de la Cour, les dispositions du décret litigieux relatives aux modalités de conservation des données n’offrent pas davantage une protection suffisante aux intéressés. S’agissant tout d’abord de la possibilité d’effacement de ces données, elle considère que le droit de présenter à tout moment une demande en ce sens au juge risque de se heurter, pour reprendre les termes de l’ordonnance du 25 août 2006, à l’intérêt des services d’enquêtes qui doivent disposer d’un fichier ayant le plus de références possibles (paragraphe 14 ci-dessus). Partant, les intérêts en présence étant - ne serait-ce que partiellement - contradictoires, l’effacement, qui n’est au demeurant pas un droit, constitue une garantie « théorique et illusoire » et non « concrète et effective ». La Cour constate que si la conservation des informations insérées dans le fichier est limitée dans le temps, cette période d’archivage est de vingtcinq ans. Compte tenu de son précédent constat selon lequel les chances de succès des demandes d’effacement sont pour le moins hypothétiques,

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Jurisprudence une telle durée est en pratique assimilable à une conservation indéfinie ou du moins, comme le soutient le requérant, à une norme plutôt qu’à un maximum. En conclusion, la Cour estime que l’Etat défendeur a outrepassé sa marge d’appréciation en la matière, le régime de conservation dans le fichier litigieux des empreintes digitales de personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions mais non condamnées, tel qu’il a été appliqué au requérant en l’espèce, ne traduisant pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu. Dès lors, la conservation litigieuse s’analyse en une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique. Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.

Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 (a) et 4 de la Convention. III. Sur l’application de l’article 41 de la convention Aux termes de l’article 41 de la Convention, « Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. » Le requérant, qui a bénéficié de l’aide judiciaire dans le cadre de la procédure devant la Cour, n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.

II. Sur la violation alléguée de l’article 6 de la convention Par ces motifs, la cour, à l’unanimité, Le requérant se plaint également de l’iniquité de la procédure en demande d’effacement. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes en l’espèce sont ainsi rédigées : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) » Outre le fait que ce grief se confond en partie avec celui tiré de l’article 8 de la Convention, compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle était compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles.

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 8 et irrecevable pour le surplus ; 2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention. (1) Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

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Du désamour au divorce Jugement, conciliation, médiation

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inadaptée aux nouveaux contentieux. Avouant son désarroi, Béatrice Blohorn-Brenneur lutte contre une justice qui ronronne et qui déçoit. C’est cette expérience qu’elle a écrite dans « Du désamour au divorce ». A travers 37 histoires vraies et émouvantes, ce livre s’adresse à tous ceux qui vivent une séparation ou qui aident un proche à dépasser cette épreuve. Il concerne donc un très grand public. Dans cet ouvrage, l’auteur s’interroge sur ce que sont devenues les familles aujourd’hui. Familles décomposées, recomposées, qui se font et se défont au gré des amours, si bien que des enfants ont vécu dans 4 ou 5 familles aux valeurs éducatives différentes. Constat grave lorsque l’on sait que l’enfant crée sa personnalité à travers son père et sa mère. Comment le juge peut-il redonner un cadre et des repères à des enfants qui seront les adultes de demain ? L’auteur donne des clés pour que les familles retrouvent leur place et leur rôle. Cet ouvrage relate la démarche peu commune d’un juge qui bouleverse les habitudes du monde judiciaire pour aller à la recherche de nouvelles voies dans la résolution des conflits où la personne n’est plus seule pour dépasser son épreuve, où chacun peut retrouver sa dignité dans l’é coute et le respect mutuel et où les

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n mariage sur deux se termine par un divorce plus ou moins conflictuel. La fragilité de la famille est encore aggravée par l’aspect multiculturel des mariages internationaux (1 mariage sur 4 unit des époux de nationalités différentes). Le résultat de ces séparations est qu’un enfant sur deux ne voit plus le parent avec qui il ne vit pas (soit un million d’enfants en France). Les ruptures font partie des situations les plus stressantes, mais leur banalisation fait que la personne qui vit une situation de rupture n’a pas suffisamment d’écoute de l’entourage et se retrouve seule pour traverser cette épreuve. Beaucoup n’osent pas en parler. Dans ses fonctions de juge, Béatrice BlohornBrenneur a été confrontée à plus de 2000 cas de divorces où se rencontrent la misère, la souffrance et le désarroi d’hommes et de femmes entraînés dans un conflit qu’ils n’ont pas voulu et qui les dépasse. Elle réalise à quel point les drames des ruptures ont des répercussions sur tous les membres de la famille et sur la société en général. La famille en crise ne peut plus gérer ses conflits et les différends prennent le chemin des tribunaux. Béatrice Blohorn-Brenneur a pu se rendre compte à quel point la Justice est parfois

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par Béatrice Blohorn-Brenneur

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conflits sont pacifiés. Sa connaissance du contentieux lui a montré comment les litiges pouvaient être mieux réglés par l’accord des parties. L’auteur dévoile sa quête d’une meilleure justice fondée sur l’é coute, l’attention, la patience, l’humanité, et le sens de l’équité. Cet ouvrage donne des clés et des conseils pratiques pour reprendre le dialogue, maintenir des liens, vivre dans l’harmonie. Il délivre finalement un message d’amour et de foi dans la famille et d’espoir dans la capacité de l’être humain à se construire et à repartir dans la vie. Edition l’Harmattan - 190 pages - 18 euros

Les Annonces de la Seine - jeudi 25 avril 2013 - numéro 28

2013-329


Société

Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

e Parlement hier a adopté la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Cette réforme élargit les droits des homosexuels, sans rien enlever à personne. Cette réforme va dans le sens de l’évolution de notre société. Je suis sûr qu’elle en sera fière, dans les prochains jours ou plus tard, parce que c’est une étape vers la modernisation de notre pays, vers plus de liberté, plus d’égalité – les principes qui fondent notre République. Ce débat était long, parfois considéré comme trop long. Je ne le crois pas. Plusieurs mois étaient nécessaires pour entendre toutes les sensibilités. Elles sont respectables : elles méritaient donc d’être respectées. En revanche, quand les passions dégénèrent en violence, elles doivent être condamnées. L’ordre républicain est d’abord le respect de la liberté de manifester, sûrement ; mais aussi de la liberté pour le Parlement de légiférer. Aujourd’hui, je demande que ce qui vient de se produire au Parlement soit compris comme étant la loi de la République. Le Conseil constitutionnel est saisi, il se prononcera sur la conformité du texte aux

François Hollande

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Déclaration du Président de la République à l’issue du Conseil des Ministres du 24 avril 2013

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principes fondamentaux de notre République. Et aussitôt donnée cette décision par le Conseil, je promulguerai la loi qui sera la loi de la République. D’ici là, je cherche et j’appelle chacun à chercher l’apaisement, c’est-à-dire la compréhension, le respect. Parce que tout maintenant doit être consacré à ce qui est l’essentiel : la réussite économique de notre pays et la cohésion nationale. C’est donc une réforme qui devait être faite. Non pas simplement parce que c’était un engagement que j’avais pris devant les Français,

Communiqué du Garde des Sceaux à la suite du vote solennel du 23 avril 2013 à l’Assemblée Nationale

Photo © Jean-René Tancrède

Christiane Taubira

hristiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice tient à saluer l’adoption à une très large majorité de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

C

mais parce que cela correspondait au mouvement irréversible de l’Histoire, que cela donne beaucoup de joie à beaucoup de nos concitoyens qui attendaient ce moment. Cette réforme pourra, dans quelques jours, quelques semaines, devenir la loi de tous, la loi pour tous. Mais aujourd’hui plus que jamais, le rassemblement du pays doit se faire sur ce qui est attendu par beaucoup de nos compatriotes : l’emploi, le redressement, la confiance. François Hollande

Durant plusieurs semaines d’un travail parlementaire intense et de grande qualité, le projet du Gouvernement s’est enrichi. La loi votée le 23 avril 2013 permet de répondre à un engagement fort du Président de la République,

c’est un texte historique dans l’histoire de notre République : il ouvre des droits nouveaux, s’élève résolument contre les discriminations, dit le respect de notre pays pour l’institution du mariage et rappelle son rôle structurant dans l’évolution de notre société. Cette loi d’égalité, de liberté et de fraternité éclaire l’horizon de nombreux citoyens qui étaient privés de ces droits, elle pose ainsi les jalons d’une communauté de destin irriguée par les valeurs de dignité et de respect qui signent lumineusement l'Histoire de France. Christiane Taubira

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Société Les principales avancées avant et après la loi* Avant la loi

Après la loi

Le mariage pouvait être contracté par deux personnes de sexe différent.

Le mariage peut être contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. Les conditions de validité du mariage sont par ailleurs inchangées.

Les actes de l'état civil étaient établis par les officiers de l'état civil.

Les actes de l'état civil sont établis par les officiers de l'état civil. Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République.

Le mariage était célébré dans la commune où l'un des deux époux avait son domicile ou sa résidence établie par un mois au moins d'habitation continue.

Le mariage est célébré, au choix des époux, dans la commune où l'un d'eux, ou l'un de leurs parents, a son domicile ou sa résidence établie par un mois au moins d'habitation continue.

Le mariage était célébré publiquement devant l'officier de l'état civil de la commune où l'un des époux avait son domicile ou sa résidence.

Le mariage est célébré publiquement lors d'une cérémonie républicaine par l'officier de l'état civil de la commune où l'un des époux a son domicile ou sa résidence.

L'adoption plénière de l'enfant du conjoint était permise : - lorsque l'enfant n'avait de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint - lorsque l'autre parent que le conjoint s'était vu retirer totalement l'autorité parentale - lorsque l'autre parent que le conjoint était décédé et n'avait pas laissé d'ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci s'étaient manifestement désintéressés de l'enfant.

L'adoption plénière de l'enfant du conjoint est permise : - lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint - lorsque l'enfant a fait l'objet d'une adoption plénière par ce seul conjoint et n'a de filiation établie qu'à son égard -lorsque l'autre parent que le conjoint s'est vu retirer totalement l'autorité parentale - lorsque l'autre parent que le conjoint est décédé et n'a pas laissé d'ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l'enfant.

L'adoption simple était permise quel que soit l'âge de l'adopté. S'il était justifié de motifs graves, l'adoption simple d'un enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière était permise. Si l'adopté était âgé de plus de treize ans, il devait consentir personnellement à l'adoption.

L'adoption simple est permise quel que soit l'âge de l'adopté. S'il est justifié de motifs graves, l'adoption simple d'un enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière est permise. L'enfant précédemment adopté par une seule personne, en la forme simple ou plénière, peut l'être une seconde fois, par le conjoint de cette dernière, en la forme simple. Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, il doit consentir personnellement à l'adoption.

L'enfant avait le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l'intérêt de l'enfant pouvait faire obstacle à l'exercice de ce droit. Si tel était l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixait les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non.

L'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit. Si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables.

On pouvait déduire de dispositions sur le divorce et la séparation de corps que chaque époux pouvait porter, à titre d'usage, le nom de l'autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom, dans l'ordre qu'il choisissait.

La loi prévoit désormais, dans les dispositions relatives au mariage, que chaque époux peut porter, à titre d'usage, le nom de l'autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom, dans l'ordre qu'il choisit.

L'adoption simple conférait le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier.

L'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier. La loi consacre la jurisprudence de la cour de cassation, qui prévoit, si l'adopté est majeur, qu'il doive consentir à cette adjonction.

En cas d'adoption simple par deux époux, le nom ajouté au nom de l'adopté était, à la demande des adoptants, soit celui du mari, soit celui de la femme, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux et, à défaut d'accord entre eux, le premier nom du mari.

En cas d'adoption par deux époux, le nom ajouté au nom de l'adopté est, à la demande des adoptants, celui de l'un d'eux, dans la limite d'un nom. A défaut d’accord, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction à son premier nom, en seconde position, du premier nom des adoptants selon l’ordre alphabétique.

En cas d’adoption plénière, à défaut de choix de nom par les adoptants, les enfants prenaient le nom du père.

En cas d’adoption plénière, à défaut de choix, l’enfant prend le nom constitué du premier nom de chacun de ses parents (dans la limite d’un nom pour chacun d’eux), accolés dans l’ordre alphabétique.

Le mariage entre personnes de même sexe célébré à l’étranger n'était pas reconnu.

Le mariage entre personnes de même sexe contracté avant l'entrée en vigueur de la loi est reconnu, dans ses effets à l'égard des époux et des enfants, en France (sous réserve de respecter un certain nombre de dispositions du code civil). A compter de la date de transcription, il produit effet à l'égard des tiers.

Non prévu.

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir refusé en raison de son orientation sexuelle une mutation géographique dans un Etat incriminant l'homosexualité. * Source : Ministère de la justice

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Les Annonces de la Seine - jeudi 25 avril 2013 - numéro 28


Société Saisine du Conseil constitutionnel par le Groupe Parlementaire UMP onformément au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, le Groupe Parlementaire UMP soumet à examen la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe aux fins de déclarer les articles 1er, 7, 8, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 19, 21, 22 contraires aux principes d’intelligibilité de la loi et d’égalité, au respect de la vie privée et familiale, et à l’obligation du législateur d’assurer à l’individu les conditions nécessaires à son développement, ainsi qu’aux articles 1er, 34, 38, 55, 69, 74 et 77 de la Constitution, de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et du préambule de 1946.

C

1. Sur l’insuffisance manifeste des travaux préparatoires Les auteurs de la saisine tiennent à souligner la particulière insuffisance de l’étude d’impact alors même que ce texte entraine un bouleversement majeur de société ; ils tiennent à ajouter qu’aucun des avis obligatoires ou facultatifs requis n’a été favorable à la loi déférée et que le texte contient des contradictions et lacunes qui sont autant d’incitations à frauder la loi. Ces éléments montrent, entre autres, que la loi déférée ne respecte pas le principe d’intelligibilité de la loi, régulièrement réaffirmé par votre Conseil. (...)

2. Sur le conflit de loi engendré avec les règles du droit public international L’étude d’impact, précédemment critiquée, a également fait preuve d’une insuffisance significative quant à la compatibilité de la loi avec les conventions internationales conclues par la France. Elle ne mentionne qu’une minorité d’accords bilatéraux impactés par le changement (unilatéral à l’égard de nos cocontractants) de la définition du mariage. Comme en témoigne le refus du ministre des affaires étrangères d’informer un parlementaire, l’inventaire très incomplet des conventions internationales concernées n’a nullement mis le Parlement en situation d’apprécier l’impact international du texte. En particulier, les conséquences au regard de la règle Pacta sunt servanda, de la règle d’interprétation des traités de bonne foi, selon leur sens originel, en fonction du contexte existant au moment de leur négociation (article 31 de la Convention de Vienne), ainsi que des coutumes de droit international relatives aux droits des personnes, n’ont pas été évaluées.

De nombreux accords bilatéraux contractés par la France renferment des stipulations relatives aux régimes matrimoniaux, à la filiation, à l’adoption, au mariage, à l’acquisition de la nationalité par mariage, par exemple, dont les effets peuvent être très variés, selon l’objet de l’accord et qui n’ont pas été envisagés dans l’étude d’impact. (...)

3. Sur la procédure Les requérants ont, à l’occasion des débats, démontré que la procédure législative engagée par le Gouvernement pour discuter cette loi était contraire à Constitution et à la volonté du peuple souverain. Ainsi les requérants ont défendu une motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi, alors adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Celle-ci, tout comme celle défendue préalablement par les Députés à l’Assemblée nationale, a été rejetée tandis que le pouvoir exécutif s’est réfugié derrière une distinction, parfaitement inconnue du droit constitutionnel, entre les « questions sociales » et les « questions sociétales » pour prétendre qu’une consultation populaire sur le texte, initiée sur le fondement de l’article 11, serait contraire à la Constitution. Alors même que le préambule de la Constitution de 1946 range la « famille » dans le chapitre social, et que le Conseil économique, social et environnemental, auquel est consacré le titre XI de la Constitution de 1958, comporte, en vertu de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958, dix représentants des associations familiales et statue fréquemment sur les affaires familiales, des arguties ont servi de prétexte pour refuser l’arbitrage populaire. Le Gouvernement a donc persisté à soumettre un texte aux effets sociaux considérables à la seule procédure parlementaire ordinaire, alors que la Nation apparaît extrêmement divisée sur cette question fondamentale engageant son devenir. Le texte a suscité, en effet, une très forte mobilisation de la société civile qui a abouti à la première pétition constitutionnelle de la Vème République réunissant plus de 700 000 signatures validées par le Conseil économique, social et environnemental. De plus, de nombreuses et importantes manifestations d’opposition à la loi déférée ont eu lieu à travers toute la France, métropolitaine et ultra-marine et jusque devant les ambassades de France à l’étranger. Les requérants estiment donc que c’est donc au Conseil constitutionnel qu’il revient désormais de donner la parole au peuple souverain en jugeant que la loi déférée nécessite une révision de la Constitution. Sans doute l’article 89 de la Constitution permet-il indifféremment de soumettre un projet de loi constitutionnelle au référendum ou au Congrès, mais il est clair, compte tenu de la rédaction de cet article, qui fait du référendum le principe et du Congrès l’exception, que les auteurs de la Constitution de 1958 n’ont conçu la révision par voie parlementaire que pour les réformes portant sur des « révisions mineures » de notre charte fondamentale, la ratification populaire s’imposant pour les révisions touchant à l’essentiel.

REPERES

Les grandes étapes de la loi 7 novembre 2012 Présentation du projet de loi en conseil des ministres 12 février 2013 Adoption du projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale 12 avril 2013 Adoption du projet de loi en première lecture par le Sénat 23 avril 2013 Adoption définitive du projet de loi par l'Assemblée nationale

4. Sur la définition du mariage Selon les requérants, le mariage, tel que défini par le code civil, est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, faisant intégralement parti du contrat social, et ne pouvant être modifié par une loi simple, au contraire de l’union civile qui était proposée par les requérants. Les requérants estiment que le mariage est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, inscrit dans la tradition républicaine et inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, dans sa définition acceptée depuis 1804, comme le mariage est l’union d’un homme et d’une femme en vue de constituer une famille. Par conséquent, il a valeur constitutionnelle. En effet, pour les rédacteurs du code civil, le fait que le mariage soit l’union d’un homme et d’une femme relevait de l’ordre physique de la nature, commun à tous les êtres animés. Cela ne relevait ni du droit naturel, qui est propre aux hommes et à la base de nos lois civiles, ni des lois positives, qui sont plus conjoncturelles. C’était la conception du droit romain, c’est celle du code civil. (…)

5. Sur les dispositions relatives à la filiation adoptive Les articles 7, 8 de la loi déférée ont pour objet et pour effet de permettre l’adoption d’enfants, selon le régime de l’adoption simple ou plénière, par des partenaires de même sexe « mariés » selon la nouvelle définition de l’article 1er de la loi déférée. L’exposé des motifs de la loi indique clairement le lien entre le mariage et l’adoption : « Tel est l’objet du présent projet de loi qui ouvre le droit au mariage aux personnes de même sexe et par voie de conséquence l’accès à la parenté à ces couples, via le mécanisme de l’adoption. (…) Le mariage de personnes du même sexe leur ouvrant le droit à l’adoption, que ce soit l’adoption conjointe d’un enfant ou l’adoption de l’enfant du conjoint ».

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Société Selon les requérants, ces articles violent trois principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : le droit au respect de la vie privée et familiale, l’obligation du législateur d’assurer à l’individu les conditions nécessaires à son développement ainsi que la dignité de la personne et le principe d’égalité. Enfin, ils entachent la loi déférée d’incompétence négative et portent atteinte à l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et de prévisibilité de la loi. (...)

6. Sur les dispositions relatives au nom de famille L’article 11 de la loi déférée modifie la règle de dévolution du nom de famille posée à l’article 311-21 du Code civil. Depuis la loi du 4 mars 2002, l’article 311-21 du Code civil ouvre une faculté de choix du nom de l’enfant lorsque celui-ci est l’objet d’un double lien de filiation établi de façon simultanée. Les parents choisissent : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit les deux noms accolés. Le choix résulte d’une déclaration conjointe des parents mentionnant le nom de l’enfant. En revanche, lorsque cette déclaration fait défaut, l’enfant porte le nom de son père. Or, l’article 11 entend ajouter à ces dispositions une nouvelle option, « en cas de désaccord entre les parents, signalé, le cas échéant avant la naissance, par l’un d’eux à l’officier d’état civil », alors l’enfant prendra leurs deux noms, « dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique. » Cette nouvelle rédaction pose plusieurs problèmes selon les requérants. Contrairement aux affirmations figurant dans l’exposé des motifs du texte, la loi ne fait pas qu’étendre au profit des couples de personnes de même sexe des solutions initialement prévues pour des couples formés d’un homme et d’une femme sans rien modifier à la situation de ces derniers. La loi déférée modifie les règles de dévolution du nom de famille pour toutes les familles, tous les couples. En effet, en droit positif, lorsque les parents sont en désaccord sur le choix du nom, il ne leur est pas possible de procéder à la déclaration conjointe, prévue par l’article 311-21 : par conséquent, le désaccord emportant absence de déclaration, le nom transmis est celui du père. Cette solution est conforme à un principe de dévolution du patronyme résultant d’un usage qui prévaut encore. Or, désormais, le désaccord se résoudra par la dévolution arbitraire des noms des parents accolés dans l’ordre alphabétique. Cette solution est incongrue et montre le caractère illisible du chapitre III de la loi déférée, alors même que les dispositions relatives à la dévolution du nom de famille ont un caractère complexe, ce qui aurait dû imposer au législateur de vérifier au préalable la portée des dispositions existantes. L’article 11 de la loi déférée modifie ainsi artificiellement les règles qui prévalent en matière de dévolution du nom de famille pour tenter de trouver une solution à l’établissement de filiations artificielles. En raison de leur complexité, ces dispositions conduiront inévitablement à une multiplication des noms

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de famille double, et faisant ainsi disparaître des noms patronymiques en fin d’alphabet. (...)

7. Sur les dispositions générales de coordination Selon le nouvel article 6-1 du code civil inséré par l’article 13 de la loi déférée : « Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l'exclusion du titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de même sexe ou de sexe différent ». Les requérants estiment que cet article porte atteinte à l’exigence constitutionnelle d’intelligibilité et de prévisibilité de la loi. En effet, comment faire comprendre que, lorsqu’il demeure écrit « père » et « mère » dans un texte, il peut être lu comme désignant aussi deux hommes ou deux femmes ? Comment identifier juridiquement la « mère » mentionnée dans un texte dans le cas d’un « couple » d’hommes, ou identifier juridiquement le « père » mentionné dans un texte dans le cas d’un « couple » de femmes ? Ce questionnement, longuement débattu lors de la discussion parlementaire, montre le caractère inintelligible de la loi et souligne la parfaite incohérence de ces dispositions. (...)

8. Sur le recours au recours aux ordonnances Les requérants s’interroge sur le bien-fondé de l’utilisation de l’article 38 de la Constitution, car en l’espèce, le texte de l’article 14 de la loi déférée habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances sur une série de textes qui n’ont pas été visés par la loi déférée que le Parlement a examinée. Avec la procédure ainsi choisie, le Gouvernement aura la possibilité de légiférer sur des sujets qui touchent aux fondements mêmes de notre organisation sociale. Même si les requérants connaissent les contours de l’article 38 de la Constitution qui a introduit des conditions très strictes pour encadrer le recours aux ordonnances, ils restent néanmoins hostiles à cette méthode pour le sujet traité puisque celui-ci relève, comme ils l’ont démontré préalablement, d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, étant à la base du contrat social de l’Etat, que seule une révision constitutionnelle pouvait modifier. (...)

9. Sur les dispositions relatives à l’outre-mer

certains sur les compétences exclusives transférées à la Nouvelle-Calédonie, que ce soit en matière de cohérence avec les rapports juridiques liés au statut civil coutumier (articles 75 de la Constitution, 9 et 22, 5°, de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999), de conservatoire et d’enseignement des langues kanaks (articles 75-1 de la Constitution et 215 de la loi n°99- 209 précitée), de protection sociale et de la protection de l'enfance (article 21, 4° et 18°, de la loi n°99-209 précitée). Or, le législateur ne pouvait se prévaloir du caractère de compétence souveraine de l’Etat en matière d’« état des personnes » pour éluder tout droit de l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie à être consultée. (...)

10. Sur les dispositions constituant des cavaliers législatifs Les requérants considèrent que les articles 16, 17, 18 et 19 de la loi déférée sont à considérer comme des cavaliers législatifs puisqu’ils concernent des dispositifs du code des pensions civiles et militaires de retraire, du code rural et de la pêche maritime, du code de la sécurité sociale et du code du travail. De plus, les dispositions énumérées précédemment ont un caractère financier qui ne relève pas de la loi déférée mais d’une loi de finances et d’une loi de financement de la sécurité sociale. Les requérants estiment aussi que les dispositions invoquées, ainsi que toutes les conséquences indirectes que le texte de la loi déférée entraine, étant de nature financières nécessitent à tout le moins une évaluation financière. C’est pourquoi, ces dispositions constituent, en tout état de cause, des « cavaliers», en méconnaissance du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution. La loi déférée a en effet pour objet de modifier le code civil. Pour ces raisons, les requérants demandent la censure de ces articles.

11. Sur la rétroactivité de la loi L’article 21 de la loi déférée tend à faire produire des effets entre les époux et les enfants à des mariages conclus entre personnes de même sexe, célébrés avant l'entrée en vigueur de la loi. Le texte pose le principe de la rétroactivité de la loi nouvelle aux mariages conclus en contrariété avec la loi française ancienne, afin de valider ces mariages, créant ainsi une insécurité juridique manifeste, selon la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. (...)

En étendant les dispositions de la loi déférée aux collectivités outre-mer, à l’article 22, sans avoir consulté préalablement les assemblées délibérantes de ces collectivités, la loi déférée viole les articles 74 ou 77 de la Constitution. Les dispositions de la loi déférée relèvent de matières mixtes par leurs effets directs et

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Vie du droit

Hautes Etudes Appliquées du Droit - HEAD Inauguration des locaux du 120 rue La Fayette, Paris Xème - 23 avril 2013 Jean-Philippe Lambert, avocat associé chez Mayer Brown est l’initiateur de la création d’une école française du droit : l’école des Hautes Etudes Appliquées du Droit fin 2011, elle a ouvert ses portes en septembre 2012 puis inauguré ses locaux mardi dernier 23 avril 2013 en présence de Jean-Louis Debré qui a accepté de parrainer la première promotion des étudiants HEAD 2012/2013. Cette formule de « French law school » est inédite dans le paysage éducatif français et a pour ambition d’offrir aux étudiants une formation intensive , en français et en anglais, adaptée au monde de l’entreprise. Nous souhaitons pleine réussite aux co-directrices Aubépine Meunié et Estelle Segonds-Domart ainsi qu’au corps professoral dans la formation des générations futures qui seront, à n’en pas douter, de brillants juristes demain. Le Président du Conseil constitutionnel a exhorté les étudiants à « ne pas baisser les bras devant les autres systèmes juridiques et à défendre le droit français », ainsi ils défendront « un pays qui a une âme » a-t-il ajouté avant de conclure sa remarquable intervention avec le talent dont il a le secret : « HEAD est une école qui apprend à être modeste, elle vous apprendra à apprendre ». Jean-René Tancrède

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Laurent Aynes

L’école de l’excellence par Laurent Aynes ’inauguration de l’Ecole des Hautes Etudes Appliquées du Droit est un évènement historique. Il n’est pas si fréquent d’inaugurer une école privée de droit, et ceci sous la présidence

D’autres ont perçu une menace pour leurs propres filières et formations et, sous couvert de défense de l’intérêt général, ont préféré les

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L

du gardien des règles supérieures qui gouvernent notre vivre ensemble et d’où descend le système juridique. Inaugurer une école, c’est un peu comme planter un arbre : un geste d’espérance, tout entier tourné vers la croissance intellectuelle et humaine de générations futures, qui deviendront des juristes au service de la société.

C’est aussi un point d’arrivée et un point de départ. Un point d’arrivée, qui a déjà mobilisé tant et tant d’énergie, d’investissement, de passion et pour tout dire de foi de la part des fondateurs et de leurs collaborateurs. Car les obstacles ont été nombreux, je ne veux évoquer ici que ceux qui ont été dressés par le manque de vision, le manque de courage et pour tout dire le confort de pensée qui procure une position monopolistique, je veux parler, vous l’avez compris, des facultés de droit. Car le projet HEAD a profondément ébranlé les certitudes confortables du monde universitaire, déclenchant un débat, parfois médiocre, parfois sérieux, sur la privatisation de l’enseignement du droit. Certains ont abordé cette question bardés de certitudes idéologiques, ce qui est un mal bien français : tout ce qui est public est bon et pur ; tout ce qui est privé est suspect et frelaté. Cette idéologie s’avance masquée par la question des droits d’inscription, comme s’il fallait cacher pudiquement qu’un bon enseignement a un prix. La question véritable, comme l’ont compris nombre de grandes universités étrangères et les écoles de commerce chez nous, est celle du financement des études ; et non de la fictivité de leur gratuité.

Promotion 2012 / 2013 Les Annonces de la Seine - jeudi 25 avril 2013 - numéro 28

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Vie du droit

tenir à l’abri du grand vent de la concurrence et de l’émulation. D’autres enfin ont eu peur de franchir le pas. Dans ces débats, on n’a guère entendu le seul

point qui mérite considération : est-ce bon pour les étudiants, futurs professionnels ? HEAD améliore-t-elle l’offre générale de formation ?

Il me semble en effet que la place d’une école privée de droit n’est pas de remplacer la formation universitaire, mais de se combiner avec celle-ci pour offrir, parmi d’autres, un parcours professionnalisant, avec son caractère propre. Et si l’Etat a pour devoir de veiller à la formation des étudiants, il n’est pas dit qu’il doive s’en charger lui-même. Pourquoi la formation des juristes échapperait-elle à l’esprit des Partenariats Public-Privé ? Et y-a-t-il quelque chose de choquant à ce que des professionnels prennent en charge la formation de ceux qu’ils accueilleront et qui leur succèderont ? Mais bravant cette tempête, vous avez montré que le mouvement se trouve en marchant, qu’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre. Mais il est bon d’espérer tout de même. Espérer que les monopoles nationaux de la formation et de la diplomation des juristes se fissureront un jour pour laisser le pluralisme, la diversité des offres, la mixité des formations enfin s’exprimer, pour permettre l’association de l’université et de son savoir avec un projet pédagogique, et tout simplement humain, de prendre corps. Au demeurant, le projet de réforme de l’université oblige à repenser sérieusement la place des formations professionnalisantes, comme le droit, dans les futurs ensembles universitaires tentaculaires. Alors c’est aujourd’hui que tout commence. Avec cette première promotion d’élèves et ceux qu’elle attire déjà. Avançons. Les institutions suivront.

Bref historique du 120 rue La Fayette

'est en 1920, lors du XVIllème Congrès Socialiste, à Tours, que la majorité des militants de la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière) décide de s'affilier à la nouvelle Internationale Communiste, créant la SFIC (Section Française de l'Internationale Communiste) qui deviendra le PCF (Parti Communiste Français). Sitôt le congrès achevé, la SFIC s'installe au 120 rue La Fayette, dans l'immeuble de 4 étages, propriété de la SFIO, et se proclame bolchevique et révolutionnaire. Pour les « têtes » comme pour la base, cette implantation est essentielle : « Le siège, pour les partis communistes, c'est tout à la fois une place forte, symbole de la puissance du Parti, une forteresse assiégée dans un monde hostile, un lieu phare auquel se rattachent et s'éclairent les militants de la capitale et de tout le pays ». C'est dans un climat d'hésitation socialiste sur l'avenir à donner au Parti que s'ouvre le Congrès de Tours qui verra naître la SFIC, baptisée PCF à partir de la Libération. Le PCF va louer son immeuble historique... Les difficultés financières devenant de plus en plus problématiques, il faut trouver des ressources. Le « 120 » va être mis sur le marché. Un militant de province écrit le 11 décembre 2008 : « C’est un choc

de voir notre siège historique être loué. A la veille du 34ème Congres du PCF ceci n'augure rien de bon pour notre Parti... » Un couscous festif va, une dernière fois, faire résonner les murs des enthousiasmes révolutionnaires, en décembre 2008 puis en 2012, le PCF vend l'immeuble. 2013-331

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Aubépine Meunié et Estelle Segonds-Domart

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« C'est rue La Fayette, au 120 Qu'à l'assaut des patrons, résiste Le vàillant Parti Communiste Qui défend ton père et ton pain. »

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Autonomie et qualité de vie Paris - 23 avril 2013

Face à l’augmentation du nombre de personnes dépendantes et à la faiblesse des moyens de l’Etat, Ghislaine Alajouanine, Présidente de l’ Association pour la Démarche HS2 Haute Sécurité Santé, travaille depuis plusieurs années à l’émergence d’une nouvelle filière industrielle consistant à développer la télésanté afin de répondre aux désirs des citoyens qui souhaitent rester chez eux. Pour relever ce défi, qui ouvre un grand marché estimé à 500 milliards d’euros sur 30 ans en France, Ghislaine Alajouanine, Membre correspondant de l’Institut des Sciences Morales et Politiques, a invité mardi dernier Michèle Delaunay à la séance solennelle d’ouverture de la conférence annuelle de la Société Française des Analystes Financiers (S.F.A.F.) organisée sur le thème de la dépendance et de l’autonomie qui se déroulait Quai de Conti à Paris. Ce fut l’occasion pour Marie-Pierre Peillon, Présidente de la S.F.A.F. et Bernard Bourgeois, Vice-Président de l’Académie des Sciences Morales et Politiques d’accueillir la Ministre déléguée auprès de la Ministre des Affaires sociales et de la Santé, chargée des Personnes âgées et de l'Autonomie et de soutenir la démarche HS2 Haute Sécurité Santé qui a pour ambition d’assurer aux Français une meilleure protection de leur capital santé. Jean-René Tancrède

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Bernard Bourgeois, Ghislaine Alajouanine, Marie-Pierre Peillon, Jean-Pierre Maureau et Michèle Delaunay

'association pour la Démarche HS2® (Haute Sécurité Santé) - créée et présidée par Ghislaine Alajouanine, M.C.(1) de l'Institut de France, pionnière des projets de télémédecine en Afrique (Télémédecine Sans Frontières) avec la Chambre Nationale des Experts Spécialisés, annoncé, lors de la Conférence Annuelle des Analystes Financiers, le lancement d'un Référentiel national pour la certification HS2, visant la Haute Sécurité Santé « pour tous et partout », en partenariat avec AFNOR Certification. Le 23 avril 2013, s'est tenue la Conférence de la Société Française des Analystes Financiers (SFAF: 50 ans au service de l'Expertise Financière) qui avait pour thème « dépendance et autonomie ». Cette manifestation exceptionnelle a eu lieu dans la grande salle des séances de l'Institut de

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France en présence de Madame la Ministre Michèle Delaunay. L'aboutissement opérationnel de la Démarche HS2®, (Haute Sécurité Santé) en partenariat avec AFNOR Certification, témoigne de la capacité de simplification et d'action de la France. Il dévoile une nouvelle approche, où la recherche d'une Haute Qualité d'Autonomie (HQA@) constitue la base d'un « bien vieillir », tout en maintenant une « haute qualité de vie » et un budget abordable pour le plus grand nombre. Il répond aussi aux recommandations de Madame Ghislaine Alajouanine depuis plusieurs années en faveur du lancement d'un plan quinquennal HS2® (Haute Sécurité Santé) visant à faire émerger une nouvelle filière industrielle, pour répondre au marché du « Home Care » et en droite ligne avec les ambitions gouvernementales sur la « Silver Economy »(2).

Grâce à son cadre méthodologique d'amélioration continue, la démarche HS2® (Haute Sécurité Santé) permet de donner un contenu concret et en prise avec le réel, à la FSE, véritable « Filière de la Silver Economy (2)» (Haute Sécurité Santé) pour qu'elle soit porteuse d’un « mieux-vivre ensemble » et créatrice d'emplois pour la France. L'importance de l'adaptation des logements, des villes et des territoires, au vieillissement de la population ainsi que le développement des technologies au service des plus âgés, sont au coeur de l'élaboration du référentiel national HS2®(Haute Sécurité Santé), et constituent le socle fondateur de ce label d'Etat. L'association HS2®(Haute Sécurité Santé) regroupe entre autres, aussi bien des « clusters » comme Soli'age, que des caisses de retraite telle que Réunica, ou encore des industriels et des grandes entreprises françaises, par exemple Dassault, soucieuses de répondre à la troisième

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Marie-Pierre Peillon, Michèle Delaunay, Bernard Bourgeois et Ghislaine Alajouanine dimension du développement durable et de la dimension sociétale. C'est ainsi que NEXITY, acteur majeur de l'immobilier et membre fondateur de l'association pour la Démarche HS2®(Haute Sécurité Santé), innove dès à présent en s'engageant sur la voie d'une première certification HS2. Cette collaboration concerne un programme national ambitieux d'une nouvelle génération de « Résidences Séniors avec Services » (taille humaine, accès sécurisé, domotique avec téléassistance, conception ergonomique, books de services ...) baptisée Edenéa. Le premier projetpilote, qui sera audité par AFNOR Certification, a été présenté le 23 avril, lors de cette Conférence Annuelle des Analystes financiers. 1 - MC : Membre correspondant

A propos de l'Association pour la Démarche HS2®

(Haute Sécurité Santé)

'Association pour la Démarche HS2® est une Association, régie par la Loi du 1er juillet 1901, qui a pour but de promouvoir une approche de « Haute Securité Santé » dans la perspective du développement durable. Elle assure la mise au point des Référentiels nationaux et sectoriels, et des outils de formation pour que tous les acteurs qui interviennent au service direct ou indirect de la Santé, s'approprient économiquement et techniquement la Démarche HS2® et puissent en acquérir la culture et la méthodologie. Elle publie en outre des batteries d'indicateurs, comme l'indice E - Santé® destinés á servir d'outils pour la mise en ceuvre de la Démarche HS2®.

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A propos d'AFNOR Certification remier organisme de certification et d'évaluation en France avec des marques à forte notoriété telles que NF, AFAQ et l'Eco label européen, AFNOR Certification accompagne depuis plus 20 ans les organisations de tout secteur et de toute taille dans leurs démarches de reconnaissance par la qualité. 65 000 sites sont aujourd'hui certifiés par AFNOR Certification à travers le monde. Référentiels sur base de normes, création de référentiels ou de cahiers de charges (Labels d'Etat), attestations réglementaires, scoring, diagnostic, inspection, évaluation, AFNOR Certification s'appuie sur un réseau mondial d'auditeurs et de partenaires techniques.

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Lancement de la filière de la Silver Economy

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Bercy - 24 avril 2013 a Silver economy est une filière qu'il s'agit d'organiser et de structurer en France, en regroupant toutes les entreprises agissant pour et/ou avec les personnes âgées. Création de services personnalisés, de technologies pour l'autonomie, ces biens et services seront bientôt indispensables et sont autant d’activités qui se développent fortement dans les prochaines années. Le vieillissement de la population française se double en effet d'une évolution sociologique et économique forte : les « papyboomers », cette génération née dans les années

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d'après guerre, arrivent à l’âge de la retraite avec de nouvelles attentes, quant à leur confort de vie. C'est une opportunité à ne pas manquer pour l’industrie française. Cette nouvelle filière économique et industrielle sera grandement porteuse de croissance et d’emplois au cours des prochaines années. Son développement n’en est qu’à son début : aux Etats-Unis, nous en sommes à un taux de croissance de 12 % par an. Arnaud Montebourg et Michèle Delaunay ont donc décidé de réunir tous les acteurs concernés : entreprises (petites, grandes, moyennes), associations, institutionnels,

mutuelles, assurances, pôles de compétitivité, économistes, mais aussi acteurs du monde médico-social. L'objectif est de favoriser les échanges entre ces acteurs, de faire connaître les produits et services déjà existants, de tracer une feuille de route pour cette filière émergente, ainsi que les perspectives de développement de ce marché en France en Europe et dans le monde, avec plus de 900 millions de personnes âgées. Source : Communiqué du 24 avril 2013

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Philippe Jeannin Commandeur du Mérite

Philippe Jeannin ’est le Premier Président de la Cour de cassation Vincent Lamanda qui a remis au Premier Président de la Cour d’appel de Rennes les insignes de Commandeur dans l’Ordre national du mérite ; la cérémonie du 19 avril 2013 fut empreinte d’une intimité familiale car le « Club » du Quai de l’Horloge n’a accueilli que les amis très proches du récipiendaire. L’Officiant s’est, avec talent, notamment exprimé en ces termes :

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(...) Vous avez eu, Monsieur le Premier Président, la délicate attention de me choisir pour vous remettre les insignes de votre nouveau grade dans l'Ordre national du mérite, cette distinction

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créée par le Général de Gaulle pour honorer tous ceux qui se sont engagés avec ardeur au service de la France et qui se sont signalés, dans leurs domaines respectifs, par des mérites particuliers. Aussi, est-ce avec une joie sincère et reconnaissante que je vous accueille ce soir à la Cour pour cette cérémonie. Votre promotion en qualité de commandeur vient récompenser un magistrat qui a constamment maintenu, au niveau le plus élevé, un engagement inlassable au service de l'intérêt général et de la Justice. Puissance de travail d'une rare ampleur, parfaite connaissance des dossiers, enthousiasme communicatif prompt à galvaniser ceux qui oeuvrent à vos côtés, implication sans faille dans la vie des juridictions qu'il vous a été donné de

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Paris - 19 avril 2013


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Vincent Lamanda, Philippe Jeannin et Sylvie Ménotti

diriger avec bonheur: voilà ce qui vous caractérise et, en cet instant solennel, vous distingue. Quel plus bel emblème de vos éclatants mérites que ce bleu de France qui ornera dans quelques instants votre col ? Symbolisant l'infini, le spirituel, le bleu était, au temps des pharaons, porte-bonheur. Couleur divine pour les chrétiens, seule digne de recouvrir le manteau marial, les vitraux des plus beaux chefs d'oeuvre architecturaux s'en revêtent: il n'est qu'à songer, pour s'en convaincre, au bleu de cobalt de l'église abbatiale de Saint-Denis ou au bleu de Chartres de la cathédrale beauceronne, en laquelle Rodin voyait1'« Acropole de la France ». La Vierge s'habillant de bleu, le roi le fit aussi: les Capétiens - en la personne de Philippe Auguste, puis de son petit-fils Saint-Louis, dont la figure tutélaire veille sur notre Cour - en firent la couleur royale dès le Xllème siècle. Ainsi naquit le bleu «roi », ou bleu de «France », qui habille encore de nos jours le drapeau de la République. Couleur des dieux, couleur des rois, le bleu fut également couleur aristocratique. Abondant dans le ciel et la mer, il se fait plus discret sur et sous la terre, raison pour la laquelle ses pigments furent longtemps rares et chers. Le bleu marquait alors la richesse du commanditaire. En cejour, il fait l'honneur du commandeur. Car, vous avez réalisé votre parcours professionnel comme on s'honore de vivre dans le souci permanent de l'e xcellence. Licencié en droit et titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, vous êtes admis à l'École nationale de la magistrature en janvier 1976. Sorti dans un excellent rang, vous êtes d'abord nommé, en janvier 1978, juge d'instruction au tribunal de grande instance de Meaux avant d'être promu, sur place, premier juge d'instruction, en juillet 1982. Vous connaissez, dans ces fonctions, une pleine réussite. Remarquablemagistrat instructeur, vous n'hésitez pas, au surplus, à apporter votre concours, lorsque les circonstances l'exigent, à

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d'autres services. C'estainsi que, présidant des audiences correctionnelles, vous témoignez très tôt d'une maîtrise certaine de la direction des débats. Votre goût prononcé de l'instruction vous conduit à poursuivre votre carrière en la même qualité au tribunal de grande instance de Paris, en juin 1984. Chargé de nombreuses et difficiles affaires criminelles, vous vous attachez à mener vos investigations dans la plus grande rigueur. Vos dispositions manifestes pour la gestion s'illustrent déjà, lorsqu'il vous est donné de seconder, pendant quelque temps, le premier viceprésidentchargé du service pénal. Ces qualités précoces, conjuguées à votre grande conscience professionnelle, vous valent d'être élevé au grade de premier juged'instruction au tribunal de grande instance de Paris, en mars 1989,avant de rejoindre, deux ans plus tard, la cour d'appel comme conseiller. Affecté à la 3ème chambre commerciale, spécialisée dans les procédurescollectives et le droit des sociétés, votre puissance de travail et votre goût de la recherche juridique vous permettent de vous adapter rapidement à un contentieux des plus exigeants. Alors que votre reconversion dans ce poste de civiliste est sans ombre, vous décidez de regagner Meaux, en octobre 1993, en y devenant procureur de la République. Fort d'une remarquable aptitude à l'organisation et à l'animation des services, vous êtes rapidement considéré comme un administrateur avisé, compétent et efficace, au fort engagement professionnel. Sachant à la fois diriger et fédérer lesénergies, vous veillez à conserver une ambiance de travail chaleureuse entre magistrats, fonctionnaires et partenaires extérieurs de la juridiction. Mais votre souhait de retrouver les fonctions du siège vous pousse à revenir à la cour d'appel de Paris, en juin 2002. Vous y êtes promu président de chambre. Affecté à la tête de la 2éme section de la chambre de l'instruction, qui traite notamment des dossiers de terrorisme, vous faites preuve de circonspection et de lucidité, contribuant ainsi à

donner une image d'impartialité et de réalisme à une formation qui connaît d'affaires complexes et sensibles. La richesse d'un parcours constamment marqué du sceau de l'excellence justifie votre nomination, en juillet 2004, à la présidence du Tribunal de grande instance de Bobigny, doté de plus de 120 magistrats du siège. Confronté à de nombreuses vacances d'emplois, vous devez faire face, avec des moyens contraints, à des contentieux en constante augmentation. Avec courage, ténacité et habileté, multipliant les initiatives, vous donnez l'impulsion nécessaire au rétablissement de cette juridiction particulièrement chargée. Faisant preuve d'une grande capacité d'écoute et conscient des difficultés du terrain, vous démontrez une parfaite aptitude au dialogue social qui vous assure la confiance de tous. Votre compétence reconnue, alliée à votre sérénité inébranlable, vouspermet d'exercer les plus hautes responsabilités. Aussi, en novembre 2010, prenez-vous rang de conseiller à la Cour de cassation pour exercer les fonctions de Premier président de la cour d'appel de Rennes, l'une des plus belles. Magistrat à l'expérience éprouvée, vous connaissez une nouvelle réussite éclatante, orchestrant avec maîtrise la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire par la fusion des Tribunaux de grande instance de Morlaix et de Brest, de Guingamp et de Saint-Brieuc, de Dinan et de Saint-Malo, ainsi que par la suppression de plusieurs tribunaux d'instance. Toujours disponible, d'un engagement et d'une efficacité hors du commun, vous mettez tous vos talents au service de l'ancien parlement de Bretagne, identifiant les évolutions nécessaires pour répondre aux légitimes attentes de cet important ressort. Juge complet et accompli, chef avisé et apprecle, vous avez constamment manifesté, par votre manière de servir et votre bienveillante autorité, un sens élevé du service public et une haute conception de la justice. La République peut s'honorer de pouvoir compter sur un magistrat tel que vous. Il était donc juste que, pour marquer sa reconnaissance, elle décide de vous promouvoir au grade de commandeur de l'Ordre national du mérite. (…) Qui mieux que ce rigoureux juriste méritait d’être promu au rang de Commandeur dans l’Ordre national du mérite ? Haut magistrat ayant une puissance de travail d’une rare ampleur, inlassablement engagé au service de l’intérêt général, Philippe Jeannin, par son ouverture d’esprit et sa loyauté, contribue à la diffusion et au rayonnement du droit. Son souci permanent de l’excellence le hisse au rang des meilleurs, sa grande conscience professionnelle reflète une efficacité hors du commun. Ecouté et apprécié par ses pairs, il conjugue à la fois compétence et simplicité à l’image de son sens élevé de la justice. Nous adressons nos amicales et chaleureuses félicitations à cet homme intègre et loyal dont l’ouverture d’esprit honore sa profession qu’il sert avec fidélité et courage.

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