Edition du jeudi 31 mai 2012

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Jeudi 31 mai 2012 - Numéro 34 - 1,15 Euro - 93e année

Trans Europe Experts (TEE) Les enjeux juridiques européens - Paris, 30 mars 2012 Anne Outin-Adam, Dominique de Courcelles, Alain Lamassoure, Judith Rochfeld, Bénédicte Fauvarque-Cosson et Jean-Marc Sauvé

EUROPE Trans Europe Experts (TEE)

2 5 AGENDA ......................................................................................5 VIE DU DROIT

Gouvernance et compétitivité par Pierre-Antoine Gailly ..................... Les nouveaux modes de décision publique par Jean-Marc Sauvé......

GEMME - Groupement Européen des Magistrats pour la MEdiation Regards croisés sur la médiation judiciaire .....................................

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DÉCORATION Mary-Daphné Fishelson Chevalier de la Légion d’Honneur....................................................

Rémy Robinet-Duffo Commandeur dans l’Ordre de la Couronne Belge ..........................

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AU FIL DES PAGES Vers la Justice de demain

15 ANNONCES LEGALES ...................................................17 AVIS D’ENQUETE..............................................................25 ADJUDICATIONS................................................................30 PALMARES

Les sept pêchés capitaux de la justice.............................................

Conférence du Stage des Avocats aux Conseils Résultats du premier tour ................................................................

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rans Europe Experts a été créée en 2009 par cinq universitaires français, Carole Aubert de Vincelles, Bénédicte FauvarqueCosson, Denis Mazeaud, Catherine Prieto et Judith Rochfeld désireux d’améliorer la participation des juristes dans l’élaboration du droit européen et de renforcer leur intérêt pour les questions juridiques européennes. Cette association a organisé le 30 mars 2012 à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris son troisième forum annuel. Pierre-Antoine Gailly, Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, a accueilli, au côté de Bénédicte Fauvarque-Cosson, Professeur à l’Université Panthéon Assas (Paris II), les nombreux participants venus écouter les prestigieux intervenants au premier rang desquelles Alain Lamassoure, Président de la commission des budgets du Parlement Européen et Jean-Marc Sauvé, VicePrésident du Conseil d’Etat. Le Président Pierre-Antoine Gailly a insisté sur la nécessité de renforcer la compétitivité des entreprises tout en précisant que « la recherche d’une plus grande efficacité économique ne doit pas être entravée par des normes trop abondantes, sous peine de vider de leur substance les bienfaits de l’autorégulation. »

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Le Vice-Président du Conseil d’Etat a ensuite évoqué les nouveaux modes de décisions publiques dans le cadre des nouvelles gouvernances en Europe, rappelant à cet égard « que l’administration ne décide plus et ne peut plus décider aujourd’hui comme hier ». « Consulter autrement, participer effectivement » est d’ailleurs le thème du rapport public 2011 de la Haute cour administrative. Cette étude du Conseil d’Etat appelle à réfléchir sur les transformations de l’élaboration de la décision administrative et plus généralement sur le lien complexe unissant les notions de démocatie et d’administration. La légitimité de la décision publique, qui concerne tant le droit interne que le droit européen, dépend en effet désormais de l’instauration d’un véritable processus délibératif se caractérisant par la transparence, l'ouverture, le débat public et le compte-rendu Au terme de son propos Jean-Marc Sauvé a conclu qu’il s’agissait de faire évoluer les dispositifs actuels, de les réguler et, le cas échéant, de les étendre. D’une façon générale il s’agit de construire « un espace public commun qui soit le lieu de délibérations argumentées, de pratiques sociales apaisées et donc de promotion concrète des valeurs démocratiques. » Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE


Europe

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Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :

Nous avons la conviction qu’une bonne gouvernance des sociétés est un instrument essentiel de renforcement de leur compétitivité sur la scène Pierre-Antoine Gailly mondiale.

Pierre-Antoine Gailly

Gouvernance et compétitivité par Pierre-Antoine Gailly

Didier Chotard Frédéric Bonaventura

Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 548 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS

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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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e voudrais tout d’abord vous dire l’honneur et le plaisir que j’éprouve à accueillir, au sein de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, le 3ème forum de Trans Europe Experts (TEE), réseau européen d’experts en droit. C’est l’occasion pour moi de saluer les universitaires de talent, fondateurs de cette association, qui œuvrent quotidiennement pour faire connaître et développer TEE. Je remercie dès à présent M. Olivier Fauqueux, Directeur Juridique Corporate de ERDF, pour avoir accepté de m’accompagner sur le thème qui va immédiatement nous occuper : « Les nouvelles entreprises, les nouvelles gouvernances, quelles innovations ? ». Au préalable, je rappellerai que, dans le cadre de sa mission consultative, la CCIP s’implique fortement auprès des institutions européennes afin de promouvoir un environnement réglementaire à la fois performant et adapté aux exigences de la vie des affaires. En effet, nous sommes convaincus que les entreprises françaises doivent résolument jouer la carte de l’Europe et faire entendre leur voix dans le processus d’élaboration des textes communautaires. A cet égard, la CCIP s’est de longue date investie pour favoriser le développement d’une bonne gouvernance, véritable facteur clé de succès des entreprises. Nous nous sommes ainsi positionnés sur toutes les initiatives européennes en la matière, la dernière en date étant une réponse au Livre vert d’avril dernier de la Commission sur le cadre de la gouvernance d’entreprise dans l’Union européenne. Par ailleurs, nous avons contribué à porter sur les fonts baptismaux l’Institut Français des administrateurs et n’avons eu de cesse, depuis lors, de participer très activement aux travaux qui y sont menés.

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J’entends, en outre et surtout, souligner que nos efforts portent sur l’amélioration des pratiques de gouvernance pour toutes les entreprises. Il va de soi que leur champ d’application privilégié demeure les sociétés qui font appel au marché pour se financer. Mais le souci d’une bonne gouvernance ne saurait être négligé pour les autres acteurs de notre tissu économique, fût-ce par le biais de modes d’intervention distincts. J’y reviendrai. - Dans un premier temps, j’axerai donc mon propos sur les récentes évolutions de la gouvernance au sein des sociétés cotées. - Puis dans un second temps, j’évoquerai un sujet qui nous est cher à la CCIP, celui des entreprises de taille intermédiaire (ETI), que nous voulons toujours plus nombreuses et performantes, et pour lesquelles doivent être développées des pratiques de gouvernance adaptées. - Enfin, une nouvelle donne doit à mon sens être évoquée : celle du développement croissant de la responsabilité sociétale des entreprises ou RSE.

I. Les nouvelles gouvernances dans les sociétés cotées A - D’emblée, premier point : faut-il traiter de la même manière les grandes et petites sociétés cotées ?

Nous considérons qu’il faut prévoir des règles de gouvernance adaptées pour les petites entreprises cotées, et faire en sorte que ces règles soient moins coûteuses et moins complexes à mettre en œuvre. Cette recommandation s’inscrit dans l’objectif plus général de favoriser l’accès de toutes les entreprises aux marchés de capitaux. Mais sur quels critères faut-il opérer cette distinction ? Une première approche pourrait consister à s’appuyer sur la capitalisation boursière comme le fait d’ailleurs déjà Middlenext (représentant des valeurs petites et moyennes - compartiments B et C d’Euronext), qui a mis au point un code de gouvernance dédié. Un autre critère pourrait être celui de la structure de l’actionnariat, diffus ou de contrôle. B - Deuxième point : quels liens peut-on faire entre gouvernance et compétitivité ?

Nous avons la conviction qu’une bonne gouvernance des sociétés est un instrument essentiel de renforcement de leur compétitivité sur la scène mondiale et, plus généralement, une des nombreuses conditions d’une croissance économique durable.

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Europe La CCIP se situe ici pleinement en phase avec la Commission européenne qui souhaite lutter contre le phénomène de court-termisme, et encourager la réalisation de performances de long terme des entreprises. Nous suivrons donc avec beaucoup d’attention les perspectives d’évolution du droit des sociétés à l’échelle européenne, qui devront autant que possible prendre en compte cet impératif. Je pense notamment à la récente consultation initiée par la Commission sur l’avenir du droit des sociétés. C - Troisième point, je souhaite réaffirmer notre attachement à une approche fondée sur la « soft law » qui doit demeurer l’instrument normatif de prédilection en ce domaine 1°) En effet, les vertus de cette soft law sont multiples :

- Cette technique permet une acceptation plus importante de la norme par les professionnels, ce qui rend son application plus efficace car plus responsabilisante pour les acteurs de la gouvernance ; - elle participe d’une démarche souple permettant d’apprécier différemment les règles posées selon les circonstances en cause ; - enfin, la soft law offre un substitut adapté à des normes trop souvent foisonnantes et de qualité imparfaite. 2°) Quelques illustrations pratiques de ces vertus :

L’amélioration des pratiques de gouvernance est chaque année plus significative, comme le démontrent, au moins pour le marché français, les rapports annuels publiés sur le sujet par l’AFEP et le MEDEF, ainsi que par l’AMF. - 1er exemple : la diversification de la composition des conseils Notre régulateur a ainsi pu relever la diversification notable de la composition des conseils d’administration, dont l’internationalisation se fait grandissante. Une étude récente d’Heidrick & Struggles a, à cet égard, relevé que seules 3% des principales capitalisations boursières françaises étaient dépourvues de tout administrateur de nationalité étrangère. Il s’agit là du taux le plus bas mesuré à l’échelle européenne, et ce, je le rappelle, sans qu’aucune norme impérative ne soit venue contraindre les entreprises à agir en ce sens. - 2ème exemple : l’importance des administrateurs indépendants La présence d’administrateurs indépendants, élément clé s’il en est d’une bonne gouvernance, est désormais renforcée au sein des conseils : l’A MF signalait fin 2011 que le ratio moyen d’administrateurs indépendants s’établissait à 52% dans les sociétés cotées, et même à 59% pour les sociétés du CAC 40, en conformité avec les préconisations du Code Afep/Medef. A nouveau, on peut faire observer que le législateur n’est guère à l’origine d’un tel mouvement vertueux, lui qui se contente de la présence d’un seul administrateur indépendant, dans le comité d’audit de ces sociétés. - 3ème exemple : le contrôle de la gestion des risques L’AMF pointe enfin, à raison, une amélioration très nette des procédures de contrôle interne et de gestion des risques, ainsi que de l’information communiquée sur ces procédures. Le constat témoigne de la prise en compte de ces questions cruciales par les sociétés, et ce

quelle que soit leur taille, notamment par l’établissement de plus en plus fréquent d’une véritable cartographie des risques. Sur ce point, le panorama dressé par Ernst & Young est éloquent : 70 % des sociétés du CAC 40 procèdent à une telle cartographie. Par comparaison, seules 25% des sociétés allemandes de l’échantillon étudié en font de même. 3°) Quel regard peut-on porter sur l’efficacité d’ensemble de la soft law en matière de gouvernance ?

De manière générale, il est patent que les sociétés cotées françaises ont réalisé, au cours des dernières années, de nets progrès tant en matière d’information que de pratiques. Leur respect des différentes recommandations, élaborées par les associations professionnelles dans le cadre des Codes de gouvernance, apparaît d’ailleurs comme satisfaisant, de l’aveu même de l’AMF. Cette tendance affirmée ne doit pas surprendre : plus les entreprises se montrent rétives à appliquer le Code de gouvernance auquel elles sont soumises, moins les investisseurs, notamment institutionnels, sont tentés d’acquérir les titres qu’elles émettent. 4°) Il n’en demeure pas moins qu’il peut parfois être nécessaire de recourir exceptionnellement au législateur :

- Par exemple, pour surmonter un blocage Il arrive que la soft law se montre impuissante à triompher de certains blocages inhérents au fonctionnement plus général de notre Société. Je pense à cet égard à l’insuffisante présence des femmes au sein des plus hautes instances, phénomène qui concerne, entre autres, les conseils d’administration des sociétés cotées. Pour mettre un terme à cette sous-représentation, on ne peut nier l’efficacité de la loi Copé/Zimmermann du 27 janvier 2011 : la progression du nombre d’administrateurs de sexe féminin a presque doublé dans les sociétés cotées françaises, alors que cette progression est beaucoup plus réduite dans le reste de l’Europe.

célèbre « say on pay » - est une question aujourd’hui très débattue. Plusieurs pays, et non des moindres, se sont engagés dans cette voie et certains candidats à la prochaine élection présidentielle souhaitent emprunter le même chemin. Pourtant, on peut légitimement s’interroger : est-ce bien là le rôle du législateur que de bouleverser autoritairement l’é quilibre des pouvoirs au sein des sociétés et de déposséder le conseil d’administration d’une de ses compétences principales ? Cette interrogation se pose avec d’autant plus d’acuité que les exigences posées par le Code Afep/Medef sont désormais très strictes, pour ce qui est de la détermination de ces rémunérations et de l’information y afférente. A cela peut s’ajouter le rôle significatif des comités de rémunération. Aussi peut-on douter de la pertinence d’une intervention législative en ce domaine. D - Quatrième point : après la soft law, de l’importance de la souplesse en matière de gouvernance pour mieux surmonter la crise

La problématique de la dissociation des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général constitue à ce propos une illustration digne d’intérêt. Je rappellerai que, rompant avec la tradition d’un cumul imposé de telles fonctions, le législateur français a posé en 2001 le principe de leur dissociation, tout en laissant aux sociétés la possibilité de maintenir la pratique antérieure. Si les exigences de bonne gouvernance inclinent à privilégier la voie de la dissociation, les sociétés peuvent dans certaines circonstances être amenées à revenir à une concentration des pouvoirs. Dans le contexte de crise qui est le nôtre, plusieurs d’entre elles ont ainsi recouru à cette démarche. Elles s’en sont le plus souvent expliquées, conformément aux exigences du principe comply or explain, en mettant en avant la

Si les exigences de bonne gouvernance inclinent à privilégier la voie de la dissociation, les sociétés peuvent dans certaines circonstances être amenées à revenir à une concentration des Pierre-Antoine Gailly pouvoirs.

Toutefois, ce recours à l’instrument législatif sous un mode contraignant doit demeurer exceptionnel. - Et justement l’actualité nous donne l’exemple d’un risque d’intervention prématuré du législateur ? Il s’agit du « say on pay » Vous le savez, l’é ventuelle attribution aux actionnaires d’un droit de regard sur le montant global de cette rémunération - le désormais

nécessité d’opter pour une structure de commandement lisible et adaptée à la nouvelle conjoncture économique. Et l’on peut en définitive se réjouir que le droit français fasse œuvre de souplesse sur cette question. Nous l’avions nous-mêmes rappelé à la Commission dans notre réponse au Livre vert : le choix du mode de direction, qui a trait à

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Europe l’organisation interne de la société, doit demeurer du seul ressort du conseil d’administration, dans la mesure où chacune des configurations - cumul ou dissociation peut se révéler opportune au gré des circonstances.

de maîtriser l’urgent et le moyen terme ; une introduction en Bourse… Dans ces différentes situations, l’ouverture du conseil d’administration à des administrateurs indépendants, extérieurs à l'entreprise, lui apportent une dynamique nouvelle et une crédibilité renforcée.

signature de pactes d’actionnaires ou de façon plus générale le recours à la SAS. Mais la CCIP considère qu’au-delà des solutions offertes par le droit des sociétés, la désignation d’un administrateur dédié aux relations familiales et la rédaction d’une charte de famille sont des bonnes pratiques à encourager.

II. Focus sur les nouvelles gouvernances dans les ETI

2°) En second lieu, j’insisterai sur le fait que les deux tiers des ETI sont des entreprises « patrimoniales », et que cette caractéristique doit être intégrée dans leur gouvernance.

III. Apports de la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE)

Après ce large tour d’horizon des évolutions des pratiques de gouvernance concernant les sociétés cotées, j’en viens à présent au second axe de mon propos, un focus sur la problématique particulière des entreprises de taille intermédiaire. A - Première observation : l’hétérogénéité des acteurs exclut, encore plus que pour les grandes sociétés cotées, des règles contraignantes

On ne saurait placer sur le même terrain une structure dominée par un actionnaire ultramajoritaire qui se sert de la société comme une technique d’organisation patrimoniale, et une autre recourant au capital-investissement pour se financer.Pour autant, nous considérons que les règles de gouvernance ont aussi pour finalité

2.1. Tout d’abord, quelles sont les problématiques propres à la gouvernance des ETI patrimoniales ? Force est de constater que de façon cyclique, à chaque passage de génération, le nombre des héritiers des créateurs de l’entreprise croît et, avec lui, le nombre de ses actionnaires. De ce fait, la gouvernance qui a été conçue par les fondateurs en considération du nombre restreint des actionnaires de la première génération peut se révéler inadaptée lorsque les actionnaires sont devenus plus nombreux. De surcroît, les actionnaires de la première génération se caractérisent souvent par un affectio societatis important. Mais, au fur et à mesure que les générations se succèdent et que le nombre des actionnaires héritiers augmente, la proportion de ceux qui se sentent véritablement concernés par l’avenir de

Le champ d’application privilégié de la gouvernance doit demeurer les sociétés cotées. Mais cela n’exclut pas que l’usage de bonnes pratiques par les sociétés non cotées soit encouragé, à la condition qu’il s’agisse exclusivement de recommandations adaptées et proportionnées à la taille de ces entreprises.

Pierre-Antoine Gailly

de protéger les entreprises les plus fragiles, en particulier lorsqu’elles sont susceptibles d’être exposées à un risque d’endettement excessif. Certes le champ d’application privilégié de la gouvernance doit demeurer les sociétés cotées. Mais cela n’exclut pas que l’usage de bonnes pratiques par les sociétés non cotées soit encouragé, à la condition qu’il s’agisse exclusivement de recommandations adaptées et proportionnées à la taille de ces entreprises. B - Deuxième observation : la spécificité des ETI appelle une gouvernance adaptée

Le développement des ETI est un enjeu majeur pour notre économie, et une meilleure gouvernance de ces entités constitue assurément un levier d’action important. Quelles sont les bonnes pratiques à promouvoir ? 1°) En premier lieu, nous préconisons - sur la base du volontariat, bien sûr - que les ETI ouvrent leur conseil d’administration aux administrateurs indépendants.

Certaines circonstances rendent selon nous nécessaire cette ouverture : la perspective d’une transmission, même lointaine ; la prévision d’un changement stratégique ; le contrôle d’une croissance rapide ; une période critique exigeant

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l'entreprise tend inévitablement à diminuer au profit de ceux qui se comportent - plus ou moins sciemment - comme de simples porteurs d’actions. Ce phénomène conduit à faire émerger deux catégories d’actionnaires : d’une part, les « actionnaires entrepreneurs » qui considèrent l'entreprise comme un « bien de famille » dont la valeur n’est pas uniquement marchande et, d’autre part, les « actionnaires héritiers », qui ne perçoivent l'entreprise qu’au travers des actions dont ils ont hérité et se retrouvent donc dans la position d’un investisseur qui n’aurait pas eu le libre choix de l'entreprise dans laquelle son argent est placé. Pour autant, ce clivage « actionnaires entrepreneurs »/« actionnaires héritiers » peut être considérablement atténué, voire surmonté, si la gouvernance de l'entreprise met en place des outils mobilisant l’ensemble des actionnaires familiaux autour du projet d’entreprise. 2.2. Des outils spécifiques de gouvernance au service des ETI patrimoniales Les pistes qui visent à prévenir les hiatus « actionnaires entrepreneurs »/ « actionnaires héritiers » sont, pour la plupart, bien connus du droit des sociétés : je citerai simplement l’utilisation des actions de préférence, la

Avant de conclure, permettez-moi quelques propos sur les apports de la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE), dont les enjeux sont intimement liés à ceux de la gouvernance. La RSE (Responsabilité Sociétale d’Entreprise) est le vecteur de mise en œuvre du développement durable dans l’entreprise. Elle apporte une réponse globale et adaptée au travers d’un nouveau modèle de gouvernance, impliquant le monde des affaires, les pouvoirs publics et la société civile dans sa globalité. C’est pourquoi, dès 2010, la CCIP a incité les entreprises à repenser leur modèle de gouvernance pour intégrer les problématiques RSE privée et publique dans leur stratégie. Ce sujet prend surtout une place de plus en plus importante dans la politique européenne et la Commission a publié en octobre 2011 un ensemble de textes épars intéressant la croissance durable des entreprises, en lien direct avec les engagements qu’elle avait souscrits dans le cadre de l’Acte pour le marché unique présenté en avril 2011. C’est ainsi que la Commission a présenté un « train de mesures de soutien à l’entreprenariat et à l’entreprise responsable », qu’elle souhaite mettre en œuvre d’ici 2014. Cette communication, qui n’a certes pas de caractère contraignant, propose un programme d’action pour les deux années à venir. Parmi les nombreux axes qui sont développés, je citerai celui qui tend à améliorer la transparence des entreprises sur le plan social et environnemental où la Commission annonce une proposition législative. Nous suivons de près cette initiative et avons d’ores et déjà exprimé une certaine inquiétude face à la multiplication des exigences de transparence en ce domaine, risquant d’affecter la compétitivité des entreprises.

IV. Conclusion En définitive, je souhaite conclure en mettant l’accent sur deux messages forts : - 1er message : une bonne gouvernance des sociétés doit être un instrument de renforcement de leur compétitivité et, plus généralement, d’une croissance économique durable. - 2ème message : les règles de gouvernance doivent répondre à un souci de protection de l’entreprise, et contribuer à assurer un équilibre entre les intérêts de toutes ses parties prenantes. Pour autant, la recherche d’une plus grande efficacité économique ne doit pas être entravée par des normes trop abondantes, sous peine de vider de leur substance les bienfaits de l’autorégulation.

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Europe I. Les modèles traditionnels de formation de la décision administrative sont confrontés aux nouvelles exigences de participation et de délibération D’assujetti ou d’usager à citoyen ou partenaire : le changement, pour les administrés, n’est pas que sémantique. L’administration, souvent critiquée pour son caractère autarcique et l’unilatéralité de ces décisions, est de plus en plus ouverte aux influences extérieures (A). Mais ce modèle d’administration qui s’ouvre sur son environnement et qui interagit avec ses partenaires et interlocuteurs présente encore des limites qui s’accordent mal avec la prégnance actuelle des idées de participation et de délibération (B).

Jean-Marc Sauvé

Les nouveaux modes de décision publique par Jean-Marc Sauvé(1) ’administration ne décide plus et ne peut plus décider aujourd’hui comme hier. C’est pourquoi, le Conseil d’Etat, dans les Considérations générales de son rapport annuel de 2011, intitulées Consulter autrement, participer effectivement(2), a voulu réfléchir aux transformations de la décision administrative. Un tel sujet pourrait paraître ne relever que de la pure technique juridique et n’intéresser que le cercle, éminent mais restreint, des juristes de droit public. Cette question est pourtant primordiale, car elle revient à questionner, au moins pour partie, les fondements de la légitimité de l’action administrative et, plus généralement, à interroger le lien complexe unissant les notions de démocratie et d’administration, comme les réalités qu’elles recouvrent. Elle concerne en outre tant le droit interne que le droit européen et elle s’insère dans la problématique des nouvelles gouvernances à laquelle est consacré le forum d’aujourd’hui. L’administration, en tant que figure distante et implacable, n’existe plus, si tant est qu’elle ait jamais existé. Surtout, la décision administrative perd de son caractère unilatéral pour donner une place plus importante au citoyen dans sa formation. Ce changement majeur dans la conception de la relation administrationadministré répond à des exigences contemporaines fortes, qui ont déjà été soulignées ce matin. Il constitue sans doute une réponse, partielle et en soi insuffisante, au déficit démocratique, européen ou national. Je me garderai d’ânonner ou de paraphraser le rapport du Conseil d’Etat de 2011. Mais j’en tirerai deux lignes directrices dont je souhaite vous entretenir : la première, les nouvelles exigences de participation et de délibération mettent à mal les modèles traditionnels de prise de décision administrative (I). La seconde, les nouveaux modes de décision publique, fondés sur des principes généraux de procédure, conduisent à l’émergence d’une administration plus nettement délibérative (II).

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A. Souvent critiquée pour son caractère autarcique, la formation de la décision publique a toujours été marquée par son ouverture aux influences extérieures

La représentation d’une administration froide et implacable, dont les décisions seraient caractérisées par une unilatéralité exclusive de toute intervention extérieure, est répandue, mais elle est fausse. 1. Une telle critique n’est pas nouvelle et la littérature du 19ème siècle s’est saisie du sujet et a dressé un portrait sans concession de l’administration, sous des plumes aussi attentives aux évolutions de l’époque que ne l’étaient par exemple celles de Balzac ou de Zola(3). Il existe bien entendu des fondements juridiques à cette représentation. La figure de l’administration qui a pendant longtemps dominé est jacobine : elle puisait sa force dans la puissance que lui conférait son rôle de servante passive et muette de la volonté générale exprimée, dans la tradition rousseauiste, par le Parlement au travers de la loi(4). L’administration ainsi représentée laisse peu de place à la discussion et la délibération. Administrer, c’est alors ordonner, au sens de « mettre de l’ordre » et de « donner des ordres », et être obéi. Le caractère exécutoire des décisions administratives(5) et le privilège du préalable perpétuent aujourd’hui cette conception. L’organisation bureaucratique de l’administration, analysée et systématisée par Max Weber, a pu également conduire, du fait de ses caractères et notamment de sa construction unitaire et hiérarchique, à une distanciation avec les administrés, confrontés à une administration souvent rigide, parfois inaccessible et, jusqu’il y a peu encore, secrète(6). Si la critique d’un modèle administratif non démocratique a en droit interne, des racines historiques, il en va de même dans l’espace européen. L’Union européenne a, au cours des vingt dernières années, cristallisé de nombreuses critiques relatives à son supposé « déficit démocratique ». Pour les comprendre, il faut revenir aux sources de la construction européenne. La démarche fonctionnaliste adoptée par les fondateurs des Communautés européennes consistait dans la mise en œuvre

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Europe de projets sectoriels ; elle rendait compte de la vision de Jean Monnet et elle fut résumée par Robert Schumann le 9 mai 1950 dans sa célèbre formule selon laquelle l’Europe « se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ». La question de la place du citoyen n’est alors pas centrale ; elle le devient en revanche, dès lors que l’Union européenne développe, depuis les années 1990, ses champs de compétence au-delà la construction d’une Union économique et d’un marché unique. La seule légitimation a posteriori par les résultats n’est plus possible et le déficit démocratique de l’Union européenne devient alors un thème récurrent(7). Ces explications n’épuisent pas, bien entendu, le débat sur les origines du déficit démocratique au sein de l’Union. Elles contribuent toutefois à expliquer la réaction des institutions de l’Union à cette lancinante critique et, par contrecoup, la distinction entre des administrations nationales, qui souvent s’inscrivent dans l’é vidence d’une relation d’autorité avec des assujettis, et une administration européenne qui s’est construite selon un modèle dominant de relation directe avec les citoyens. La critique des processus de décision a engendré dans l’Union européenne d’impressionnantes conduites d’adaptation. 2. Considérer, sans y apporter de sérieuses nuances, que l’administration relèverait du fait du prince ou d’une bureaucratie implacable excluant le citoyen, serait toutefois se méprendre. La figure d’une administration qui ordonnerait et serait obéie sans prendre en compte les aspirations des administrés n’a en effet jamais vraiment rendu compte de la réalité. Une telle représentation repose tout d’abord sur des confusions. La démocratie politique n’est pas la démocratie administrative ; de même, l’Union européenne n’est pas un Etat-nation. La transposition de ces concepts dans des situations différentes de celles dans lesquelles ils ont été pensés peut ainsi s’avérer source de malentendus et de contresens. Ensuite, la volonté des décideurs publics d’associer à leurs décisions, par le biais de la consultation, des personnes éclairées ou qualifiées ou des représentants d’intérêts légitimes est si ancienne qu’elle prospérait déjà à l’époque de la monarchie, au point d’être qualifiée de système de gouvernement - la polysynodie(8). Si l’administration consultative a donc toujours existé, elle s’est considérablement développée après la seconde guerre mondiale et elle a constitué une étape sur la voie d’une administration plus démocratique. A partir des années 1970, le « modèle consultatif » s’est trouvé, notamment en France, dépassé avec l’avènement d’exigences nouvelles de transparence et de participation, qui se sont faites de plus en plus pressantes(9). Le besoin de « démocratie » de l’administration s’est encore accentué au cours des années 1990 et 2000 : la prise de décision a été, de plus en plus, précédée d’une phase réellement participative. Les procédures de consultation ou de participation du public menées bien en amont de la décision et, laissant à chacun la possibilité de participer à une discussion collective dont procèdent des choix, dès lors vus comme collectifs, sont emblématiques des mutations qui touchent

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l’action publique. Il s’agit des enquêtes publiques, mais également des débats publics, des consultations nationales, des « Grenelles », des assises diverses et variées sur tel ou tel thème... L’histoire de la prise de décision administrative tend donc à disqualifier l’idée d’une administration excluant le citoyen de son champ de vision et de ses mesures d’instruction. La décision est, au contraire, de plus en plus formée ou forgée après consultation et association du public. Au niveau de l’Union européenne, l’association croissante du parlement européen au processus décisionnel, et l’ouverture toujours plus grande, de la Commission notamment, à des processus de consultation, notamment par le biais d’Internet, des citoyens ainsi que des personnes intéressées - les stakeholders(10) confirment cette analyse. En tout état de cause, qualifier le processus européen de décision de non démocratique méconnaîtrait une réalité fondamentale : l’Union européenne n’est pas seulement légitime démocratiquement par le fonctionnement de ses institutions, elle a éminemment contribué à l’approfondissement des droits et des libertés. Or la démocratie n’est pas uniquement affaire de régime politique, c’est aussi un ensemble de valeurs et de principes qui doivent être garantis(11). Les modèles changent : administrer n’est plus seulement ordonner ; c’est aussi interagir. Mais ce système d’administration trouve néanmoins des limites. B. Les modes traditionnels de décision publique ne répondent toutefois pas suffisamment à l’impératif délibératif.

Les limites des procédures actuelles de consultation (1), comme la percée des idées de participation et de délibération (2) incitent à faire évoluer, sinon à repenser, la prise de décision administrative et à s’orienter vers un autre modèle d’administration. 1. Le rapport du Conseil d’Etat a dressé un premier constat : celui des limites des systèmes associant à la prise de décision les partenaires de l’administration. Quelles sont ces limites ? Tout d’abord, l’administration consultative est souvent ressentie comme lourde et complexe. Elle fut d’ailleurs si longtemps hypertrophiée qu’il était simplement impossible de dénombrer les commissions et organes consultatifs existant au niveau de l’Etat en France. L’administration consultative est aussi source de complications procédurales et facteur de ralentissement de la prise de décision. Les formes de consultation ouverte, qui sont plus récentes, présentent également des faiblesses. La participation aux débats publics est par exemple souvent insuffisante, car il ne suffit pas de permettre la discussion pour que celle-ci ait lieu. Une telle procédure peut également introduire des biais dans la représentativité, en induisant une surreprésentation de certaines paroles et en relativisant ou disqualifiant la parole experte au regard de la profane, voire de la parole engagée ou militante, tandis que la parole de l’élu, qui a sa légitimité propre, devient difficilement audible. Au niveau de l’Union européenne, l’institutionnalisation du lobbying rend la

question encore plus complexe. L’adoption du règlement REACH sur les produits chimiques(12) a ainsi été précédée, très en amont puis tout au long du processus, de consultations et de débats approfondis. Ces échanges se sont toutefois transformés en opposition ferme entre des acteurs aux intérêts opposés(13), au point que Margot Wallström, commissaire à l’environnement de 1999 à 2004, a qualifié en 2009 ce processus de plus intense lobbying qui ait jamais été exercé pour l’adoption d’une législation européenne(14). Les mécanismes de consultation et de participation sont alors instrumentalisés, voire subvertis, par des groupes d’intérêts dont le but n’est pas d’arriver à faire émerger de la discussion la meilleure décision mais de servir exclusivement leurs propres intérêts. 2. Le deuxième constat est le suivant : le degré élevé de formalisme procédural auquel sont soumises les consultations conduit à poser la question de leur sécurité juridique. Ce débat ancien(15) est attisé par le renforcement contemporain du poids des exigences formelles. Du fait de la multiplication des procédures et de leur complexité, celles-ci peuvent souvent être accomplies incomplètement ou inexactement et donc de façon irrégulière. Doivent-elles pour autant être jugées illégales et annulées ? Le juge est confronté à deux impératifs contradictoires : celui de ne pas saper l’efficacité de l’action administrative en imposant une sorte de fétichisme de la forme et celui de la protection des droits des administrés et, tout simplement, du principe de légalité. Il me semble que le formalisme ne doit pas, selon le mot de Marcel Waline, être une « arme à double tranchant » qui, sans apporter de réelle garantie supplémentaire aux administrés, conduirait à sanctionner le nonrespect de « chinoiseries administratives » retardant, parfois considérablement, l’action administrative(16). Il faut donc rompre avec la fatalité du vice de procédure générateur d’annulations systématiques(17). 3. Le troisième constat dressé par le rapport du Conseil d’Etat, parallèlement à celui des limites des procédures de consultation, est celui de la percée des idées de délibération et de participation comme fondement nécessaire de la décision. Emerge en effet un « impératif délibératif »(18), un « devoir débattre »(19). Il y a dans cette idée un lien évident avec les travaux de Jürgen Harbermas et du professeur Bernard Manin(20), selon qui la raison procédurale doit être vue comme une condition essentielle de la légitimité de la décision, car le principe de la légitimité démocratique lui-même « doit être recherché dans le processus de formation de la décision collective »(21). Cette thèse tranche avec la pensée rousseauiste selon laquelle la légitimité de la loi et, par extension, de la décision publique, tient à l’expression de la volonté générale et à sa conformité de principe à l’intérêt général ou au bien commun. Elle repose sur la prémisse que l’échange est porteur de sens, que ni le décideur ni le citoyen ne sont, lorsque commence la délibération, imperméables à l’argumentation rationnelle d’autrui. L’idéal de la délibération pare la discussion collective de vertus persuasives. L’administration ressortirait de ce processus plus apte à prendre la décision qu’elle

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Europe

est, il faut le rappeler, la seule légitime, in fine, à prendre. La délibération aurait pour conséquence, en quelque sorte, de transcender l’intérêt général, tel qu’il est traditionnellement défini par la loi ou l’autorité publique. L’administration deviendrait ainsi démocratique par ses pratiques et plus seulement par sa subordination à une autorité responsable devant une assemblée élue par le peuple. La figure d’une administration éloignée et inaccessible s’estompe mais ne s’efface pas ; elle coexiste avec la figure d’une administration tirant sa légitimité de la discussion, de l’interaction. Cela conduit à plaider pour une véritable administration délibérative. C’est ce propose le Conseil d’Etat dans son rapport.

II. Les nouveaux modes de décision publique, fondés sur des principes généraux de procédure, conduisent à l’émergence d’une administration plus nettement délibérative. L’administration est délibérative, dès lors qu’elle fait sienne « l’idée que les autorités publiques, quel que soit le niveau territorial de leur ressort, ne peuvent plus faire face seules aux enjeux complexes qui relèvent de leurs attributions et qu’elles doivent trouver des solutions en concertation avec les citoyens et les parties prenantes pour préparer des décisions mieux comprises et mieux acceptées »(22). Cette administration repose sur des principes redécouverts et sur de nouvelles pratiques (A). Dans son rapport, le Conseil d’Etat propose toutefois d’aller plus loin pour promouvoir une administration réellement délibérative (B). A. La mise en œuvre de principes généraux applicables à la prise de décision publique débouche sur une participation plus effective et moins formaliste des citoyens

1. La décision publique doit reposer sur des principes généraux, dont les sources, la portée

et l’applicabilité varient. Ces principes de procédure apparaissent de plus en plus « inhérents à l’Etat de droit »(23) et leur importance pour la bonne application des droits fondamentaux ne fait plus de doute. Ainsi, pour la Cour constitutionnelle allemande, les droits fondamentaux « n’influencent pas seulement l’ensemble du droit matériel, mais également le droit de la procédure, dès lors que cela revêt de l’importance pour la protection des droits fondamentaux »(24). Le Conseil d’Etat, en dégageant dès 1944 des principes généraux du droit tels que les droits de la défense avant toute sanction ou décision prise en considération de la personne, a également développé une telle approche(25). Mais ces droits ont également une valeur intrinsèque qu’il convient de reconnaître. Ils trouvent leur fondement dans diverses sources : les conventions internationales, les traités européens, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment ses articles 41 et 42, mais aussi la Constitution et la loi en droit interne et les principes dégagés par les jurisprudences européenne ou nationale… Deux principes revêtent à cet égard une importance plus particulière, le droit à l’information, et sa variante extensive, le principe de transparence, ainsi que le principe de participation(26). Le principe de transparence a constitué, dès les discussions préalables au Traité de Maastricht, une réponse à la critique du « déficit démocratique » dont serait atteinte l’Union européenne(27). Plusieurs instruments ont alors fait référence à ce principe qui « contribue à renforcer les principes de la démocratie »(28) et le traité d’Amsterdam a reconnu le droit pour les citoyens d’accéder aux documents des institutions européennes(29). L’article 42 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reprend ce principe, dont toutes les conséquences n’ont peut-être pas encore été tirées(30). La France a également développé, au travers de sa législation sur l’accès aux documents administratifs du 17 juillet 1978 mais aussi plus généralement, un droit de la transparence encore aujourd’hui sous-estimé et méconnu(31), d'abord par les citoyens eux-mêmes. Quant au principe de participation, il a été, en droit interne français, érigé au niveau

constitutionnel, en ce qui concerne les relations sociales, par le huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946(32), mais également, s’agissant de l’environnement, par l’article 7 de la Charte de l’environnement(33). Il trouve aussi une consécration dans une multitude d’autres textes législatifs. Le principe de participation n'a pas été énoncé aussi clairement en droit de l'Union même, s'il fait déjà l'objet, je l'ai dit, d'une large application pratique notamment par la Commission. Ce principe inhérent à la procédure administrative trouve toutefois une claire traduction dans des textes majeurs du droit de l’Union (en particulier dans la directive n°2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003 prévoyant la participation du public lors de l'élaboration de certains plans et programmes relatifs à l'environnement(34) qui transpose au niveau de l’Union la convention d’Aahrus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement signée le 25 juin 1998. Ces textes constituent ainsi le socle de nouveaux modes de décision publique et ils ont évidemment inspiré l'évolution du droit national en la matière. Certains champs du droit sont plus propices à l’application des principes d'information et de participation du public, notamment le droit de l’environnement et de l’aménagement. Les procédures d’enquête publique ont ainsi fait place à une large participation du public aux opérations d’aménagement(35). La protection constitutionnelle reconnue à ce principe par l’article 7 de la Charte joue pleinement : ces dispositions s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence et elles s’appliquent, selon les termes de la Charte, dans les conditions définies par la loi(36). Récemment, en octobre 2011, le Conseil constitutionnel a enrichi sa jurisprudence en consacrant à ce sujet l’existence d’un « droit matériel constitutionnellement garanti »(37). Il a considéré que l’absence de mise à disposition du public d’un projet de décret constitutif d’une décision publique ayant une incidence sur l’environnement ne permet pas la mise en œuvre du principe de participation. Il a aussi jugé qu’il appartient au législateur de prévoir des dispositions

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Europe relatives à la participation du public sous peine de méconnaître l’étendue de sa compétence(38). 2. Les principes d'information et de participation se traduisent par un encadrement du pouvoir normatif de l’administration, qui est subordonné à l’accomplissement de procédures délibératives se caractérisant souvent par leur souplesse. L’objectif est celui d’une participation plus effective et moins formaliste du public. Deux procédures allant au-delà des mécanismes habituels de consultation ont particulièrement retenu l’attention du Conseil d’État dans son rapport. La première est celle prévue par l’article L.1 du Code du travail(39), qui apparaît comme un « point d’é quilibre original entre l’attachement à la négociation sociale et la prééminence donnée à la loi »(40). La première phase est informative : le Gouvernement transmet aux partenaires sociaux un document présentant la mesure envisagée. Les partenaires ont alors le choix de déclencher une deuxième phase, qui est celle de la négociation. La troisième phase est celle de la consultation des organisations professionnelles représentatives sur les projets de texte législatif et réglementaire(41). Ce dispositif présente de réels avantages en permettant une participation des partenaires sociaux, dès lors que ceux-ci le souhaitent, à l’élaboration des règles du droit social. C’est selon cette procédure qu’ont pu être réformées les règles gouvernant la représentation syndicale(42), mais aussi la rupture conventionnelle du contrat de travail(43) ou la formation professionnelle(44). La seconde procédure est celle de l’article L.3002 du Code de l’urbanisme qui instaure des procédures de concertation en matière d’aménagement ou de planification de l’espace tout en veillant à leur souplesse. Cet article permet en effet d’adapter ces procédures aux caractéristiques du projet d’aménagement ou de planification en débat : c’est au conseil municipal(45) qu’il appartient de délibérer sur les objectifs poursuivis ainsi que sur les modalités de la concertation. Cet article dispose en outre que les documents d’urbanisme et les opérations qu’il mentionne ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation dont ils ont fait l’objet. Il faut aussi souligner la possibilité désormais très large qui est désormais ouverte aux personnes publiques d’organiser des consultations et la participation du public et des milieux intéressés par le biais d’Internet(46). La loi du 17 mai 2011 a même prévu que de telles consultations peuvent, dans certains cas, remplacer la saisine d’une commission administrative(47), ce qui ne sera pas sans incidence sur la substance même de la participation du public. 3. Si divers outils permettent donc d’engager l’administration dans une voie plus délibérative selon des méthodes souples, ce mouvement s’accompagne d’un découplage entre vice de procédure et annulation de la décision. Le législateur est ainsi intervenu dans certaines matières, comme le droit de l’urbanisme, pour assurer une plus grande sécurité juridique des décisions(48). De surcroît, pour rompre plus largement avec la fatalité du vice de procédure, à laquelle j’ai fait plus tôt référence, le Parlement, par la loi du 17 mai 2011(49), et le juge administratif(50) ont pris, chacun dans son

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domaine de compétence, des décisions importantes. Il en résulte que désormais, les vices de procédure pouvant affecter le déroulement d’une procédure administrative préalable à une décision ne peuvent entacher la légalité de cette décision et justifier son annulation que s’ils ont été susceptibles d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision ou s’ils ont privé les intéressés d’une garantie. Par conséquent, la période récente a été marquée par l’« ouverture » de la prise de décision publique, qui s’adosse à des principes généraux de plus en plus fortement affirmés ; mais elle s’accompagne aussi d’une volonté d’extirper des « nids de contentieux » qui pourraient résulter d’une approche trop formaliste des procédures de consultation/participation. C’est donc une démarche globale, dont les différents points entrent en cohérence et se répondent, qui permet d’avancer vers de nouveaux modes de décision publique. Le rapport du Conseil d’Etat a toutefois proposé d’aller plus loin encore dans cette voie. B. Les propositions formulées par le Conseil d’Etat dans son rapport public 2011 dessinent les traits de l’administration délibérative.

Il faut d’emblée souligner que le Conseil d’Etat n’a pas cherché à porter atteinte à la démocratie représentative, à conférer à l’administration un pouvoir qui relève d’organes délibérants, ni à faire des seuls citoyens intéressés le fondement ultime de toute prise de décision. Partant de l’idée selon laquelle la clarté et la loyauté de la procédure et du débat renforcent la légitimité de la décision, il estime cependant que l’administration gagnerait à mieux « prendre en compte l’objectif de dialogue interactif, maîtrisé et transparent dans ses processus d’action et de gestion »(51). Il faut dès lors favoriser un tel dialogue, mais également en fixer les règles du jeu. Le Conseil d’Etat a ainsi proposé d’introduire un corps de principes directeurs dans une loicode (1), afin d’encourager et de sécuriser les consultations ouvertes conduites très en amont de la décision (2). 1. L’idée d’un Code de l’administration, un temps envisagée, a été abandonnée pour des raisons d’opportunité(52) qui pourraient un jour être reconsidérées. Le Conseil d’Etat a dès lors proposé l’adoption d’une loi-code clairement identifiée par les citoyens, qui contiendrait les principes directeurs de la prise de décision publique, lorsque le public y est associé dans le cadre de consultations ouvertes. Une telle loi serait un vecteur optimal pour introduire de nouvelles pratiques complétant celles déjà existantes, ainsi que pour prévenir les dérives qui résulteraient inévitablement de l’absence totale d’encadrement. Les principes directeurs recommandés par le Conseil d’Etat sont au nombre de six(53). Ils visent à donner la possibilité aux citoyens et groupements de s’exprimer de manière effective, c’est-à-dire en garantissant l’accessibilité des informations nécessaires (1), en assurant le dépôt des observations (2) et en donnant un délai raisonnable pour s’exprimer (3). L’impartialité et la loyauté de la concertation doivent également être garanties par le recours, chaque fois que c’est nécessaire, à un tiers garant

(4) ainsi qu’en assurant un équilibre de représentativité, notamment par la participation d’organismes minoritaires (5). Enfin, le respect du « processus itératif et progressif qui caractérise toute démarche délibérative »(54) impose à l’administration de donner des informations sur les suites projetées et ce, dans un délai proportionné à l’importance de la réforme (6). La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement a ainsi expressément pris en compte ce dernier impératif(55). 2. L’objectif poursuivi par le Conseil d’Etat est de permettre un rééquilibrage de la phase préalable à l’édiction de la décision ; plutôt que de nombreuses consultations formelles, caractéristiques de l’administration classique, l’administration délibérative passe par des consultations plus larges et ouvertes, prenant place très en amont des projets. En aval, il serait dès lors possible d’alléger les procédures de consultation, qui ne seraient maintenues que si elles répondent à une utilité fonctionnelle ou institutionnelle avérée. C’est bien un nouvel équilibre qu’il s’agit de promouvoir ; la procédure de concertation, plus souple et plus ouverte, menée plus en amont se substituerait à la procédure aval traditionnelle qui ressemble trop, à la fois, à une course d’obstacles procédurale et à une chambre d’enregistrement sans réelle prise, ni influence sur la décision. Je souhaite, à ce stade, insister sur deux points. Le rôle d’un tiers garant peut être essentiel dans le nouvel équilibre recherché. Dès lors que les enjeux en cause sont importants, il est en effet apparu au Conseil d’Etat qu’un tiers impartial et compétent devrait jouer le rôle de modérateur de la discussion et de garant de son bon déroulement. Il pourrait, comme cela est suggéré dans le rapport, être confié à des magistrats ou à des autorités administratives indépendantes. La Commission nationale du débat public (CNDP), ou ses commissions particulières, peuvent déjà jouer ce rôle. Je note en outre que depuis la loi du 12 juillet 2010 déjà mentionnée, dite Grenelle II, la CNDP peut même « désigner un garant de la concertation » (article L.121-9 du Code de l’environnement). Enfin, toutes les évolutions que je viens d’évoquer doivent être pensées au regard des avancées de la société de l’information. Le réseau internet permet des consultations ouvertes et simples. Les bonnes pratiques et les usages originaux d’Internet doivent faire l’objet d’une diffusion : ceux-ci existent tant en France qu’à l’étranger ou au sein de l’Union européenne ou encore d’organisations internationales comme l’OCDE(56). Pierre Rosanvallon souligne une fonction majeure d’internet en démocratie, qui « réside dans son adaptation spontanée aux fonctions de vigilance, de dénonciation et d’évaluation »(57) caractéristiques de la contredémocratie. En d’autres termes, « l’apport majeur d’internet provient peut-être surtout de sa fonction de mise à l’épreuve continue de la décision publique »(58). Internet est toutefois un outil qui recèle aussi autant de risques que d’atouts et il est particulièrement nécessaire de bien définir les règles et les conditions d’une consultation par ce réseau. Pour sauvegarder la loyauté des consultations, un minimum de dispositions de procédure apparaissent en effet nécessaires. De même, les transformations

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Europe rapides des technologies de l’information questionnent toujours plus les mécanismes de participation et de délibération. Quelles seront par exemple les conséquences du développement des réseaux sociaux dans la dynamique délibérative ? A toutes ces nouvelles questions, nous devrons être attentifs. Aux termes de cet exposé, il faut revenir aux données fondamentales. La démocratie représentative n’est pas un horizon dépassé, sauf à confondre démocratie politique et démocratie administrative. Toutefois, la démocratie politique n’est plus suffisante à assurer la légitimité des décisions administratives : à la verticalité succède l’horizontalité, à l’exercice unilatéral de l’autorité, la discussion et la délibération. Il ne s’agit pas d’ébranler, de renverser ou de remettre en cause radicalement des processus de décision qui, dans les faits, n’existent déjà plus tels qu’ils sont décrits par la

Le champ d’application privilégié de la gouvernance doit demeurer les sociétés cotées. Mais cela n’exclut pas que l’usage de bonnes pratiques par les sociétés non cotées soit encouragé, à la condition qu’il s’agisse exclusivement de recommandations adaptées et proportionnées à la taille de ces entreprises. Jean-Marc Sauvé

loi, le règlement et les ouvrages de droit qui en rendent compte. Il s’agit plutôt de faire évoluer des dispositifs épars qui ont une assise juridique insuffisamment assurée, de les réguler le cas échéant, de les étendre aussi, tout en remédiant parallèlement aux infirmités et aux limites de l’administration consultative. Au niveau étatique, et peut-être plus encore au niveau européen, les travaux auxquels nous sommes de fait conviés participent, aux côtés de ceux de philosophes, sociologues, économistes(59), d’une démarche plus générale de construction d’un espace public commun qui soit le lieu de délibérations argumentées, de pratiques sociales apaisées et donc de promotion concrète des valeurs démocratiques. Le rapport du Conseil d’Etat a fait preuve sur la démocratisation de la prise de décision publique d’optimisme, mais pas de candeur ou de naïveté. Il faut en effet se méfier de l’angélisme délibératif, tout comme il faut se garder de négliger la nécessaire et bénéfique évolution que doit apporter l’administration délibérative. Les réflexions entamées dans ce rapport en appellent donc nécessairement d’autres, comme celles que vous avez engagées aujourd’hui dans le cadre de ce colloque auquel je vous remercie de m’avoir convié.

Notes : 1 - Texte écrit en collaboration avec M. Olivier Fuchs, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat. 2 - Conseil d’Etat, Rapport public 2011. Consulter autrement, participer effectivement, Paris, La documentation française, 2011, ci-après Rapport. 3 - Balzac narre par exemple le plan d’un employé qui veut simplifier la machine administrative en utilisant au mieux les mêmes forces mais qui est mis en échec par le jeu d’intérêts personnels combinés (Les employés, Gallimard, 2009). La représentation de l’administration que donne Zola dans La curée ou encore le succès public de Courteline avec Messieurs les ronds-de-cuir montrent que l’image d’une administration complexe, autoritaire et dont l’action serait dictée par des intérêts particuliers puise ses racines au-delà d’une simple analyse juridique (E. Zola, La curée, Gallimard, 1999 ; G. Courteline, Messieurs les ronds-decuir, Flammarion, 1893, disponible sur http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5445876h). 4 - Ainsi, la notion d’exécution des lois enfermait toute entière la notion d’administration et, dès lors, « pour les libéraux du 19ème siècle, héritiers de la pensée de 1789, l’administration n’avait pas de contenu intrinsèque », voir J. Rivero, « A propos des métamorphoses de l’administration d’aujourd’hui : démocratie et administration », in Mélanges offerts à René Savatier, Paris, Dalloz, 1965, p.825. 5 - Qui est une « règle fondamentale du droit public » (CE, 2 juillet 1982, Huglo et autres, n°25288, Rec. p.257). 6 - J. Chevallier, Sciences administratives, Paris, PUF, Thémis, 2007, p.305-347. 7 - Pour un aperçu des débats académiques sur le sujet voir G.°Majone, « Europe’s “Democratic Deficit”: The Question of Standards », European Law Journal, 1998, n°4, p.5 ; L.°Siedentop, Democracy in Europe, Penguin Press, 2000 ; A. Moravcsik, « In Defense of the “Democratic Deficit”: Reassessing Legitimacy in the European Union », Journal of Common Market Studies, 2002, n°4, p.603. 8 - A. Heilbronner, R. Drago, « L’administration consultative en France », Revue internationale des sciences administratives, 1959, n°1, p.57. Le Roi, on le sait, exerçait le gouvernement par conseil. Le système de la polysynodie mis en place en 1715 en est un exemple éclairant. Ainsi que l’a montré Yves Weber dans sa thèse, le système consultatif fut remis en cause par la Révolution, particulièrement en ce qui concerne la représentation des intérêts professionnels (Y.°Weber, L’administration consultative, Paris, LGDJ, Bibliothèque de droit public, 1968, p.9-11). L’Empire donnera en revanche la part belle à l’administration consultative - le Conseil d’Etat en est bien sûr un exemple qui illustre d’ailleurs jusqu’à nos jours la permanence de la fonction consultative. 9 - Voir infra. 10 - Voir ainsi le site de l’Union européenne consacrée à la participation des citoyens par le biais de consultations publiques http://europa.eu/take-part/index_fr.htm 11 - J.-M. Sauvé, « Le juge administratif, la démocratie et l’Union européenne », RMCUE, 2010, n°540, p.413. 12 - Règlement (CE) n°1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH). 13 - Voir notamment Lindgren K.-O., Persson T., « The Structure of Conflict over EU Chemicals Policy », European Union Politics, 2008, n°1, p.31. 14 - M. Wallström, « We have the legislation - now it’s time to make it work », SIN Reporter, 2009, n°2, p.2. 15 - Voir par exemple la note publiée par Marcel Waline sous CE, 16 novembre 1928, Foucher (Notes d’arrêts, Paris, Dalloz, t.1, p.538-539). 16 - Ibid., p. 539. 17 - Voir sur ce point l’analyse du président Labetoulle dans « Le vice de procédure, parent pauvre de l’évolution du pouvoir d’appréciation du juge de l’annulation », in Terres du droit. Mélanges en l’honneur d’Yves Jégouzo, Paris, Dalloz, 2009, p.479-488. 18 - L. Blondiaux, Y. Sintomer, « L’impératif délibératif », Politix, 2002, n°57, p.17-35. 19 - C. Blatrix, « Devoir débattre. Les effets de l’institutionnalisation de la participation sur les formes de l’action collective », Politix, 2002, n°57, p.79-102. 20 - Voir notamment J. Habermas, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997 ; B. Manin, « Volonté générale ou délibération ? Esquisse d’une théorie de la délibération politique », Le Débat, 1985, n°1, p.72-94. 21 - B. Manin, « L’idée de démocratie délibérative dans la science politique contemporaine. Introduction, généalogie et éléments critiques », Politix, 2002, n°57, p.38. 22 - Rapport, p.95. 23 - J. Schwarze, Droit administratif européen, Bruxelles, Bruylant, 2009, 2ème éd, p.1233 et s. 24 - Bundesverfassungsgericht, 20 décembre 1979, arrêt dit MülheimKärlich, BVerfG E 53, 30 ; traduit par J. Schwarze, op. cit., p.1237. 25 - CE, sect., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, n°69751, Rec. p.133 ; CE, 26 octobre 1945, Aramu, n°77726, Rec. p.213. 26 - Il conviendrait également, en droit de l’Union, d’ajouter le principe de bonne administration ; voir L. Azoulai, « Le principe de bonne administration », in J.-B. Auby, J. Dutheil de la Rochère (dir.), Droit administratif européen, Bruxelles, Bruylant, 2007, p.493. 27 - Sur l’histoire de l’émergence et la consécration de ce principe, voir P. Craig, EU Administrative Law, Oxford University Press, 2006, p.349360 ; A. Vidal-Naquet, « La transparence », in J.-B. Auby (dir.), L’influence du droit européen sur les catégories du droit public, Paris, Dalloz, 2010, p.640 ; L. Coudray, « La transparence et l’accès aux documents administratifs », in J.-B. Auby, J. Dutheil de la Rochère (dir.), op. cit., p.519. La déclaration n°17 du Traité de Maastricht traite du lien entre transparence et démocratie. Elle constitue la base sur laquelle a été adoptée la Déclaration interinstitutionnelle du 25 octobre 1993 sur la démocratie, la transparence et la subsidiarité.

28 - Règlement n°1049/2001 du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Sur les liens entre principes de transparence et démocratie, voir en particulier A. Vidal-Naquet, op. cit., sp. p.641-644. 29 - Article 255. 30 - Sur ce point, voir A. Vidal-Naquet, op. cit. 31 - B. Lasserre, N. Lenoir et B. Stirn, La transparence administrative, Paris, PUF, 1987 ; Conseil d’Etat, La transparence administrative, Rapport public 1995, Paris, La documentation française. 32 - Huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ». Ainsi que l’a précisé le Conseil constitutionnel, ce droit s’applique également aux fonctionnaires (décision n°77-83 DC du 20 juillet 1977 à propos de la loi modifiant l'article 4 de la loi de finances rectificative pour 1961). 33 - « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ». 34 - Qui modifie la directive du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. 35 - Et ce plus particulièrement depuis la loi n°83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement. 36 - Voir plus particulièrement Conseil constitutionnel, décision n°2008564 DC du 19 juin 2008 et CE, ass., 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, n°297931, Rec. p.322. 37 - Commentaire de la décision n°2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011 aux Cahiers. 38 - Décision n°2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011 ; AJDA, 2012, p.260, note B. Delaunay. 39 - Article issu de la loi n°2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social et codifié par l’ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007 relative à la partie législative du Code du travail, ratifiée par la loi n°2008-67 du 21 janvier 2008. 40 - Rapport, p.101. 41 - Sur le champ d’application du dispositif, voir Conseil d’Etat, Rapport public 2009, Paris, La documentation française, p.161-163. 42 - Loi n°2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. 43 - Loi n°2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail. 44 - Loi n°2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. 45 - Ou à l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale. 46 - Outre l’article 16 de la loi du 17 mai 2011 (voir note suivante), le nouvel article L.120-1 du Code de l’environnement, issu de l’adoption de la loi dite Grenelle II du 12 juillet 2010, qui précise les modalités de la participation en matière environnementale, ouvre un champ très vaste aux consultations électroniques. 47 - L’article 16 de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, issue d’une proposition de la loi du président Warsmann, dispose que lorsqu’une autorité administrative est tenue de procéder à la consultation d’une commission administrative, elle peut, sous réserve d’exceptions fixées par la loi, décider d’organiser une consultation ouverte, sur Internet, qui se substitue à la consultation initiale. Cette réforme est mise en œuvre par le décret n°2011-1832 du 8 décembre 2011 relatif aux consultations ouvertes sur l’internet. 48 - Cela est en particulier le cas en matière d’urbanisme. Voir par exemple les articles L.300-2 et L.600-1 du Code de l’urbanisme. Aux termes de ce dernier article, et sauf vice de forme substantiel (absence de mise à disposition du public, méconnaissance substantielle des règles de l’enquête publique, absence du rapport de présentation ou des documents graphiques) « l’illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un schéma directeur, d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan d'occupation des sols, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d'exception, après l'expiration d'un délai de six mois à compter de la prise d'effet du document en cause ». 49 - Loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. 50 - CE, ass., 23 décembre 2011, Danthony, n°335033, à paraître au Recueil. Pour une application dans le sens contraire de l’arrêt Danthony, voir CE, 17 février 2012, Société Chiesi SA, n°332509, à paraître au Recueil. 51 - Rapport, p.91. 52 - La Commission supérieure de codification l’a jugée, dans son rapport 2006, « artificielle », car les textes importants (loi sur la communication des documents administratifs ou loi sur l’informatique et les libertés par exemple) ont une unité propre (Dix-septième rapport annuel (2006), Paris, La documentation française, 2006, p.17-18). 53 - Rapport, p.87-89. 54 - Rapport, p.123. 55 - Articles L.121-13 et L.121-13-1 du Code de l’environnement. 56 - Sur ces points, voir H. Belrhali-Bernard, « La pratiques des consultations sur internet par l’administration », Revue française d’administration publique, 2011, n°137-138. 57 - P. Rosanvallon, La contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil, 2006, p.75. 58 - Rapport, p.122. 59 - Voir par exemple J. Harbermas, « Pourquoi l’Europe a-t-elle besoin d’un cadre constitutionnel ? », Cahiers de l’Urmis, juin 2001, n°7 ; D. Schnapper, « L’Histoire, le temps et la démocratie », Cahiers de l’Urmis, juin 2001, n°7. 2012-364

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Vie du droit

Groupement Européen des Magistrats pour la MEdiation / GEMME Regards croisés sur la médiation judiciaire - Paris, 11 mai 2012

Cet important colloque européen, « Regards croisés sur la médiation judiciaire », qui s’est tenu, à l’invitation du Groupement Européen des Magistrats pour la MEdiation (GEMME), sous le Haut patronage de M. Michel Mercier, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés, a connu un vif succès ce 11 mai 2012. Il a rassemblé deux cents participants (juges, médiateurs, avocats, personnalités des institutions européennes) venus de 19 pays européens. Les participants ont été accueillis par Guy Morin, qui représentait Dominique Raimbourg, Député de Loire Atlantique et par Gavin Lightman, ancien juge de la High Court de Londres, Président de Gemme.

I. Médiation en Europe a première table ronde, Médiation en Europe, s’est tenue sous la présidence de Michèle Weil-Gutmann, Secrétaire Générale de Gemme, Magistrat honoraire, Médiatrice. Diana Wallis, députée européenne et VicePrésidente du Parlement Européen de 1999 à 2012, a souligné l’intérêt que le Parlement européen portait à la médiation comme voie différente de résolution des conflits. Julia Laffranque, Juge à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, Estonie, a mis en avant la Médiation comme moyen de protéger la Dignité humaine. L’état des lieux de la médiation en Europe et les perspectives d’avenir, avec notamment de nouvelles directives en chantier, ont été magistralement exposés par Fernando Paulino Perreira, Chef d’Unité, responsable de la coopération judiciaire, en matière civile et commerciale, Secrétariat général du Conseil de l’Union Européenne, président du groupe de travail e-law.

II. Transcription de la Directive dans les pays de l’Union européenne et médiation dans les pays européens La deuxième table ronde : transcription de la Directive dans les pays de l’Union européenne et médiation dans les pays européens, réunissait 11 juges de différents pays européens et était présidée par Béatrice Blohorn-Brenneur, Médiatrice du Conseil de l’Europe, Président de Chambre Honoraire à la Cour d’appel de Lyon, Président de Gemme-France et de la CIMJ. Les différents intervenants ont exposé la manière dont la Directive avait été transposée dans chaque pays : - La France : Gilles Malfre, Magistrat à la Direction des affaires civiles et du Sceau du

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Ministère de la Justice et des Libertés, Bureau du droit processuel et du droit social a expliqué que la transposition n’était pas nécessaire pour la médiation judiciaire sauf en matière de prescription, ce qui fut l’objet de la loi du 17 juin 2008 (article 2238 du Code civil). L’ordonnance du 16 novembre 2011 s’est donc attachée à transposer la définition de la médiation et du médiateur, la possibilité de rendre exécutoire des accords issus de la médiation et la confidentialité du processus de médiation : . La médiation est définie d’une manière générale ainsi que les qualités que doit remplir le médiateur (impartialité, compétence et diligence). . La possibilité de rendre exécutoire l’accord issu d’une médiation est la principale innovation de l’ordonnance du 16 novembre 2011, les parties étant parvenues à un accord issu d’une médiation conventionnelle (qui n’a donc pas été ordonnée par le juge) peuvent saisir le juge compétent au regard de la nature du litige résolu pour que cet accord soit homologué et ait force exécutoire. L’ordonnance précise en outre que

ces décisions rendues par le juge constituent un titre exécutoire permettant de procéder à des mesures d’exécution forcée (saisies sur les biens du débiteur). . Le principe de la confidentialité de la médiation est rappelé et précisé, pour toutes les médiations même conventionnelles. Il est expressément repris les exceptions à ce principe mentionnées dans la directive. Postérieurement à l’ordonnance du 16 novembre 2011, un décret d’application a été pris le 20 janvier 2012 pour rendre lisible les nouvelles dispositions issues de la transposition de la directive. En réponse aux questions posées par l’auditoire, Gilles Malfre a précisé que l’ordonnance n’avait pas prévu l’application de ses dispositions pour les litiges du travail avant la saisine du conseil de prud’hommes, de sorte que les règles de la confidentialité et de l’homologation judicaire de l’accord ne s’appliquaient pas à la médiation conventionnelle des litiges individuels du travail, même si en vertu du principe de la liberté contractuelle, il n’est pas interdit de trouver un accord avant la saisine du conseil de

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Vie du droit prud’hommes. Il précise aussi que la force exécutoire de l’accord peut également résulter d’un acte notarié. - Belgique : Eric Battistoni, Juge à la Cour d’appel de Verviers, a précisé que : 1°) La transposition de la directive n’a suscité aucun nouveau texte réglementaire. La loi du 21.02.2005 était suffisante, même pour les conflits transfrontaliers. Sur le plan des statistiques, la collecte d’informations à propos des médiations réussies ou échouées n’a pas été prévue. On connaît uniquement le taux de réussite des conciliations judiciaires chez les juges de paix. 2°) La Commission Fédérale de la Médiation agrée les médiateurs en trois catégories : familial, civile, commerciale, sociale. Elle agrée aussi les formateurs de médiateurs, tant en formation initiale qu’en formation continue. Il est possible à un médiateur étranger ou à un formateur étranger d’être agréé par la Commission, et dès lors, de pouvoir exercer en Belgique. - Hongrie : Marta Nagy, Vice-Présidente de Tribunal Municipal de Szeged a rappelé que :

La loi sur la procédure de la médiation en matière civile et commerciale, entrée en vigueur le 17 mars 2003, permet aux parties d’avoir recours volontairement à la médiation avant la saisine du juge. Au cours de la procédure judiciaire, le juge peut informer les parties de la procédure de la médiation. L’homologation de l’accord permet l’obtention d’un titre exécutoire. Si les parties décident de recourir à la médiation, les frais de justice sont réduits.

Si une des parties signataires d’un accord obtenu par une procédure de médiation saisit le tribunal, elle peut être obligée de payer la totalité des frais de procédure et ce indépendamment de la décision relative au procès. Dans le domaine familial le juge peut enjoindre les parties de s’informer sur la médiation et même d’aller en médiation. Malheureusement la médiation judiciaire est encore peu développée.

- Royaume-Uni, Mikaël Fysh, QC SC former Patents Judge, London.

- Bulgarie : Evgeni Georgiev, Juge à la Cour Régionale de Sofia.

Les premiers efforts de médiation en Bulgarie ont commencé en 1990. Vingt ans plus tard la « Mediation Act » a été mise en œuvre, 971 médiateurs ont été agréés, 24 centres de médiation privés ont été créés et deux juridictions ont des programmes de médiation. La médiation en Bulgarie est volontaire. Elle n’est pas menée par les juges. Si un accord est obtenu alors que le tribunal a déjà été saisi, la moitié des frais de justice sont remboursés au plaignant. - Pays-Bas : Anne-Martien Van der Does, viceprésidente du tribunal de première instance d'Amsterdam, Pays-Bas a expliqué la part importante que le gouvernement des Pays-Bas prenait pour impulser la médiation.

Eric Van Engelen, Référent médiation à la Cour d'appel de Arnhem, a précisé que la médiation judiciaire était pourtant encore peu appliquée (4 médiations pour mille affaires jugées par les tribunaux), mais que les modes alternatifs étaient en progression constante. - Russie : Tsisana Shamlikashvili, Ph D. Lawyer, Psychologist and Mediator.

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Pour 2011, les tribunaux ont homologué 1654 médiations en matière civiles et commerciales. Cette procédure a commencé à être utilisée aussi dans la poursuite pénale, où actuellement seuls deux cas ont été résolus par la médiation. Un projet de loi, soutenu par le Conseil Supérieur de la Magistrature projette de rendre la médiation obligatoire dans les conflits de travail, dans les affaires commerciales et dans les affaires civiles de moindre importance.

Présidente du Centre Médiation et Loi de Moscou, indique que depuis le milieu du 20ème siècle dans les pays de l’ancienne Union Soviétique, la médiation se développe plutôt intensivement. Le rôle le plus important dans ce processus appartient à la Russie qui est la puissance économique et politique la plus importante de la région. La loi sur la médiation a été votée en 2010 et a été un signal important à la fois pour le monde des affaires et la société dans son ensemble. Cependant, malgré ses évidents progrès, la société russe est encore insuffisamment informée des avantages de la médiation et des ADR. C’est pourquoi ce marché reste sous-développé.

La médiation familiale a commencé dans les années 1980 et la médiation commerciale il y a environ 20 ans. Aujourd’hui, elle fait partie du système légal et est très utilisée. La Directive a été transcrite le 20 mai 2011 au Royaume-Uni. La médiation est volontaire dans la plupart des affaires. A partir de 2013, elle s’appliquera automatiquement dans les petits litiges inférieurs à 10 000 Livres. Depuis le 1er avril 2011, les réunions d’information à la médiation sont obligatoires dans les affaires matrimoniales. Si le refus d’aller en médiation est considéré comme non raisonnable, une sanction pécuniaire peut être prise. Ainsi, le gagnant peut être privé d’indemnité et le perdant peut être condamné à payer une amende. - Italie : Gianfranco d’Aietti, Président du Tribunal de Sondrio, a exposé le système de médiation obligatoire avant la saisine du juge mis en place par la loi du 4 mars 2010.

Le but du système est de désengorger la justice. La médiation est obligatoire dans un grand nombre de matières. Dans les autres, elle peut être volontaire. Si une partie refuse d’aller en médiation, le juge peut la condamner au paiement des frais de justice. Si les parties n’aboutissent pas à un accord, le médiateur peut faire une proposition d’accord qu’il transmet au juge. Les Barreaux ont contesté la médiation obligatoire. En réponse aux questions posées par l’auditoire, Gianfranco d’Aietti a répondu qu’il y a deux questions préjudicielles posées à la Cour européenne. Une de ces questions est de savoir si la disposition de la loi du 4 mars 2010 imposant au médiateur, en cas de non accord, d’envoyer un projet d’accord écrit au juge avant que celui-ci ne rende sa décision ne se heurte pas, d’une part à l’impératif de permettre à tout justiciable de bénéficier du jugement impartial et d’autre part au principe de confidentialité. - Espagne : Pascual Ortuno, Juge à la Cour d’appel de Barcelone, ancien Directeur de l’Ecole Nationale de la Magistrature, met l’accent sur l’application du strict principe de légalité, qui, enraciné dans la tradition juridique espagnole, a été un frein au développement de la médiation, faute de prescription législative.

Le D.L. de mars 2012 transposant la directive prévoit la confidentialité du processus et la possibilité de nommer un médiateur pendant la procédure judiciaire.

- Roumanie : Dragos Calin, juge à la cour d’appel de Bucarest.

- Allemagne : Peter Osten, juge administratif honoraire Karlsruhe, médiateur et membre du CA de GEMME.

Pour 2010, les statistiques montrent la réticence de la part des justiciables à utiliser la médiation (les tribunaux ont ordonné en 2010 seulement 258 médiations).

L'Allemagne connaît une tradition de la médiation judiciaire depuis plus de 10 ans, qui s'est développée en partant d'initiatives entreprises par des juges, qui par la suite ont été

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Vie du droit plus ou moins soutenues par la hiérarchie avec à la tête les ministres de la justice des Lander. Aujourd'hui la médiation judiciaire est quasiment implantée toutes les juridictions de tous les Länder. Elle est organisée et exercée par des juges qui, en tant que médiateurs, ne jugent pas la cause si jamais la médiation échoue. L'Allemagne n'a pas encore transposé la directive européenne sur la médiation : la loi, votée le 15 décembre 2011 par le Bundestag, n’a pas été signée par le président de la République.

III. Bonnes pratiques

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La table ronde sur les bonnes pratiques a permis de connaître l’expérience très encourageante présentée par François Le Masne de Chermont, Juge d’instance à Quimper. Comme juge départiteur, François Le Masne de Chermont fait état d'une expérience de médiation avant le procès prud’homal. Cette expérience est réalisée et portée par la Direction Régionale des Entreprises de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi,

(DIRECCTE), ancienne Direction du travail. La DIRECCTE du Finistère a vu dans la médiation un outil supplémentaire pour l'exercice de sa mission de conseil (7000 demandes par an). Elle donne désormais une information ciblée sur la médiation. Dans ses fonctions de juge départiteur, François Le Masne de Chermont trie son contentieux et, dans ces affaires sélectionnées, convoque les parties en personne avec leurs avocats à une audience d'information sur la médiation qu'il tient lui-même. Il insiste sur l'importance d'une proposition judiciaire de médiation faite par un juge investi de toute l’autorité que lui donnent ses fonctions. Plus de 15% des dossiers de départage ont donné lieu à un accord pour aller en médiation. (Cette expérience fait écho à la pratique des « audiences de proposition de médiation », mise en place à la chambre sociale de la cour d’appel

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de Grenoble par Béatrice Blohorn-Brenneur, alors président de chambre à la cour d’appel de Grenoble entre 1996 et 2004. Dans un contentieux préalablement sélectionné (20% du contentieux), le juge convoquait les parties à une audience où il proposait lui-même la médiation, après l'avoir présentée aux parties. A cette audience, des médiateurs présents pouvaient se retirer avec les parties pour leur donner plus d'explications. Ainsi, plus de 1000 médiations ont été ordonnées, avec un taux d'accord de 80% permettant de régler définitivement 8 % du contentieux de la chambre. Juliane Hirsch, représentante de MIKK, Allemagne, a présenté le Réseau international de médiation familiale de MIKK qui comprend 400 médiateurs familiaux.

IV. Avenir de la médiation L’après-midi a débuté par le thème de l’avenir de la médiation. Le président de la table ronde, Fernando Paulino Pereira, Chef d’Unité, responsable de la coopération judiciaire, en matière civile et commerciale, Secrétariat général du Conseil de l’Union Européenne, a tout d’abord donné la parole à Marie-Françoise Le Tallec, Conseillère auprès du médiateur national de l’énergie sur le thème des ODR et droit des consommateurs. Marie-Françoise Le Tallec a créé en France le premier service de règlement en ligne des litiges « Médiateur du net » pour les litiges de consommation en ligne. Elle développe aujourd’hui pour le médiateur national de l’énergie dont elle est conseillère, un Online Dispute Resolution (ODR). Pour Marie-Françoise Le Tallec, une petite révolution mondiale est en train de s’opérer sous nos yeux. Le développement du commerce des biens et des services à destination d’un nombre toujours plus important de consommateurs engendre mécaniquement un nombre toujours plus élevé de litiges. Le consommateur, de mieux en mieux éduqué et confronté à des techniques nouvelles de vente (e-commerce), est désormais plus prompt à réclamer, contester et faire valoir ses droits. Ce phénomène est mondial, il concerne aussi bien les pays occidentaux que les pays en forte croissance (Inde, Chine, Brésil…). Face à ce constat, des Etats s’organisent. La Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) a mandat pour rédiger un règlement international sur la résolution en ligne des litiges. L’objectif est la mise en place d’une plateforme mondiale de règlement en ligne des litiges devant régler les litiges liés au e-commerce. L’Union européenne, pour sa part, prépare deux textes fondamentaux : une proposition de nouvelle Directive sur le règlement alternatif des litiges et un projet de Règlement sur le règlement en ligne des litiges (Online Dispute Resolution). Ces textes doivent être adoptés définitivement avant la fin de l’année, ils sont en cours de discussion. La France a été précurseur de la mise en place d’un mode de règlement en ligne des litiges avec le service « médiateur du net » qui a réglé en ligne, entre 2003 et 2010, près de 13 000 litiges

nationaux, européens et internationaux liés au commerce électronique. Le projet de la Commission Européenne sur les ODR : Eliza Nikolova et Svilena Dimitrova, de l’association PAMB de Bulgarie, ont exposé ce projet mené par l’association bulgare PAMB avec le partenariat de Gemme. Jean Mirimanoff, Médiateur assermenté, Magistrat honoraire, Cofondateur de GemmeSuisse s’est posé la question : Comment introduire la médiation dans notre culture judiciaire ? L’introduction de la médiation dans nos pays il y a quelque vingt ans n’a pas changé les vieilles habitudes. Le combat judiciaire et ses règles enchâssées dans nos codes de procédure civile reste la référence et le passage obligés pour tout litige. Référence renforcée par les craintes typiques du monde judiciaire (la nouveauté, la perte de pouvoir et la perte de ressources), et enfin par la profonde méconnaissance de la médiation (ses caractéristiques, son processus, son bon usage), encore assez largement boudée aussi par les Facultés de droit. L’é volution de la médiation passe par la (R)évolution de notre culture judiciaire et de notre culture vis-à-vis du conflit. C’est donc dans les Ecoles de Magistrature, d’Avocature et dans les Facultés de droit qu’il conviendra de la faire connaître (de manière obligatoire, pérenne et suffisante) et déjà au stade de l’école par la médiation scolaire par les pairs (les élèves) qui touchera tous les futurs citoyens. Si Gemme veut être fidèle à ses objectifs statutaires, elle doit sur le plan européen et celui de ses sections initier, encourager et soutenir les outils qui contribueront à ce changement de notre culture judiciaire. Gemme-Suisse a commencé plusieurs expériences dans ce sens, encore limitées géographiquement. Florence Fauchon, Avocate et médiatrice a développé le rôle de GEMME comme Observatoire de médiation. Gemme réunit des juges mais aussi des avocats, universitaires, médiateurs et donne des avis sur les projets de lois. Gemme est en lien avec des parlementaires et est un interlocuteur auprès des instances européennes (il est observateur au Conseil de l'Europe). Gemme réunit les juges consulaires des tribunaux de commerce, conseillers prud’hommes, juges de carrières, et juges professionnels. C'est le lieu idéal pour constituer un "observatoire" de la médiation. A Gemme, on étudie, on observe et on donne des avis (voir les derniers rapports sur l'ordonnance du 16 novembre 2011, publiés aux Annonces de la Seine). Gemme est présent dans 21 pays de l'Union européenne et de l'AELE et réunit 450 juges européens. C'est un réservoir d'idées. Gemme a fait un inventaire des bonnes pratiques en matière de justice participative. Gilles-Robert Lopez, ancien bâtonnier, avocat au Barreau de St-Etienne, médiateur, président de la Chambre Nationale des Praticiens de la Médiation (CNPM), a rappelé le rôle primordial des avocats en médiation.

V. Médiation commerciale La table ronde, Médiation commerciale, était présidée par Francis Casorla, Avocat général honoraire à la Cour de Cassation, Conseiller

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Photo © Caroline Montagné

Vie du droit

d'Etat de la Principauté de Monaco, Expert Associé à l'Institut des Nations-Unies pour la Formation et la Recherche. Il y fut exposé les pratiques de la France et du Royaume-Uni. Côté français, Jean-Bertrand Drummen, Président Honoraire du Tribunal de Commerce de Nanterre, Président de la Conférence Générale des Juges consulaires de France, a ouvert les débats sur le thème : Médiation et conciliation devant les Tribunaux de Commerce. Pour Jean-Bertrand Drummen, dans tous les domaines de la justice, la conciliation a sa place ; et « la conciliation » fait office de symbole en raison de son ancienneté mais aussi de son universalité. Dans un sens générique, elle englobe, à elle seule, tous les autres modes de règlement amiable de conflit et en particulier « la médiation ». La même observation est faite par le Groupe de travail « Magendie » qui observe tout d’abord que « la médiation judiciaire n’est qu’un élément d’un dispositif plus vaste, celui des modes amiables de règlement des conflits » et aujourd’hui, depuis le décret du 20 janvier 2012, celui de la résolution amiable des différends. Puis, ce fut à Yves Lelièvre, Président du Tribunal de commerce de Nanterre, d’exposer la pratique de la médiation devant le Tribunal de commerce de Nanterre. Côté britannique, Michael Fysh, QC SC former Patents Judge, de Londres a évoqué le domaine précis de la médiation dans les litiges sur la propriété industrielle dans la Common Law. Les litiges sur la Propriété intellectuelle sont notoirement chers et longs devant les juridictions qui appliquent la Common Law, particulièrement pour les litiges concernant les brevets d’invention. Ces litiges sont commercialement importants et ont un caractère international. Ils intéressent donc les sociétés multinationales. Bien que des progrès aient été faits pour accélérer le traitement judiciaire des procès, leur coût élevé demeure. La médiation a donc un intérêt pour résoudre de tels litiges.

Pour William Marsh, Directeur de Conflict Management International (CMI), et un médiateur international de renom, la médiation commerciale au Royaume-Uni est très pratiquée, à la fois en lien avec les juridictions et séparées d’elles. William Marsh a présenté une étude comparée avec les autres pays européens.

VI. Médiation pénale La table ronde Médiation pénale a été animée par Jacques Salzer, Maître de conférence à l’Université de Paris-Dauphine, co-créateur de formation à la médiation à l’Université de Paris V et au CNAM. Pour Jacques Salzer, la médiation pénale, également appelée en France de médiation« réparation », est qualifiée hors de France de « justice restauratrice », « victim-offender ». Ces différentes appellations sont révélatrices de différentes manières de penser et d'agir. Certaines associations font un travail de reconnaissance de ce qui a pu être vécu par chacun des protagonistes, qu'il soit victime ou auteur ; elles ont pour but une réparation et aboutissent parfois à une réconciliation durable. D'autres associations ont une pratique différente : le médiateur commence par un rappel à la loi et se borne à une discussion sur la réparation. Cette dernière pratique se répand, ce qui fait penser à de nombreuses personnes en France que la médiation pénale « n'est pas de la médiation ». Elisabeth Allannic, Vice-Procureur chargée de mission au Cabinet du procureur de la République de Paris raconte son expérience à la section des mineurs du parquet de Paris qui lui a permis de comprendre à quel point la médiation pénale est une réponse pénale pertinente dans le traitement du contentieux familial (non représentation d'enfant, abandon de familial). E. Allannic serait même favorable à l’instauration (à quelques exceptions près) d’un préalable de médiation. Cette mesure permet bien souvent aux parents de se responsabiliser

en tant que tel et de comprendre que pour le bien de leur enfant il leur faut dépasser leur contentieux conjugal. La condamnation pénale par un tribunal correctionnel peut parfois donner le sentiment à une partie de "gagner" sur l'autre, alors qu'au contraire dans ce type de contentieux, les deux doivent faire un pas et comprendre que le seul intérêt en jeu est celui de l'enfant commun. Mme Allannic fait état de quelques éléments statistiques du parquet de Paris : En 2011, sur 382 900 plaintes enregistrées au parquet, 36 700 ont fait l'objet d'une procédure alternative aux poursuites dont 620 médiations (majeurs+mineurs), contre 760 en 2010. A souligner que les statistiques « médiation pénale » de la section des mineurs sont en progression constante : (en 2008 : 93 médiations pénales ordonnées ; en 2009 : 123 ; en 2010 : 6 ; en 2011 : 153). Le taux d'échec est d'environ 20%. Jacqueline Morineau et Nicole Broust, Médiatrices, ont exposé la pratique du Centre de médiation et de formation à la médiation (CMFM). Pour Jacqueline Morineau, la Justice a cherché à retrouver le sens originel de ce qui l’a fondée : répondre au cœur blessé de l’homme. La médiation permet un retour aux sources. Zane Petersone, juge à la Cour Suprême de Lettonie s’est fait l'interprète de procureurs et a précisé ce qui était considéré aujourd'hui comme « bonnes pratiques ». La Professeure Dr Katrien Lauwaert, Chargée de cours au service de criminologie, Faculté de droit de l’Université de Liège en Belgique et spécialiste de la Justice restauratrice s’est plus particulièrement penchée sur le droit des victimes et la délinquance juvénile. Le Professeur italien Paolo Giulini, Expert en criminologie clinique, Juge honoraire au Tribunal des Mineurs, et directeur du Département de Criminologie Territoriale de la Ville de Milan a développé le système pénitencier de Milan-Bollate. La politique suivie par le Ministère de la Justice a été exposée par la représentante du Bureau de la politique d’action publique générale, Direction des Affaires criminelles et des Grâces.

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Vie du droit VII. Bienfaits de la Médiation administrative Les bienfaits de la Médiation administrative ont été exposés dans une table ronde présidée par Peter Osten, Juge et médiateur, Allemagne. Roland Fritz, M.A, président du Tribunal administratif de Francfort, médiateur et Professeur à l'Université de Giessen, Allemagne. Roland Fritz, a abordé les domaines où la médiation pouvait être utilisée avec succès. President of the Administrative Court of Frankfurt am Main, describes the current situation of mediation in administrative law disputes. Dans 80% des affaires de médiation judiciaire, les parties trouvent un accord. This is due to the fact that for some time, the new method of short-term mediation is used.

The method is characterized by two things: First, through an intensive informationgathering about the persons involved, and their conflict in the so-called preliminary stage. Furthermore, by a strict time management, which must be prepared and maintained. His report concludes with the presentation of a survey that was conducted at the Administrative Court of Frankfurt am Main. Officials and lawyers commented on various issues relating to the internal court mediation. Jan-Malte Von Bargen, chargé de cours à l'université de Fribourg, auteur du livre "Gerichtsinterne Mediation", Allemagne, a évoqué une médiation administrative qui pourrait déborder sur un cadre environnemental. Jean-Pierre Brunel, Président honoraire des cours administratives d'appel, a raconté son expérience de la médiation administrative ; les tracas causés par la piscine dans un hôtel n’ont

pu être solutionnés qu’en mettant tous les acteurs autour d’une table. Stephen Bensimon, Directeur de Ifomene, dans un magistral discours de synthèse a ramassé tous les sujets de la journée pour leur donner une dimension philosophique. Le discours de clôture a été l’œuvre de Jaime O. Cardona Ferreira, Premier Président honoraire de la Cour Suprême du Portugal. Pour Jaime Cardona Ferreira, la Justice doit s’identifier à la Paix. C’est pourquoi la médiation est un chemin de Justice. Les citoyens ont le droit fondamental à la Justice. Nous tous, juges, avocats, médiateurs et tant d’autres devons marcher ensemble pour aider les justiciables à obtenir la Paix de la Justice. Béatrice Blohorn-Brenneur* * Béatrice Blohorn-Brenneur est président de chambre honoraire à la Cour d’Appel de Lyon, Médiatrice du Conseil de l’Europe. 2012-370

Décoration

Mary-Daphné Fishelson Chevalier de la Légion d’Honneur Paris - 10 mai 2012

e jeudi 10 mai 2012, Madame le Bâtonnier de Paris Christiane FéralSchuhl a remis à sa consœur Mary-Daphné Fishelson, ancien membre du Conseil de l’Ordre, les insignes de Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur. L’émouvante cérémonie s’est déroulée au Cabinet « La Garanderie & Associés » 10, Square Beaujon - Paris 8ème où amis et personnalités se sont retrouvés pour témoigner à la récipiendaire leur admiration. Spécialiste incontestée du droit du travail, MaryDaphné Fishelson a effectué un « joli » parcours professionnel selon l’expression de l’Officiante. Son expérience est vaste, sa connaissance de la loi est remarquable. Il était légitime que la République mette en lumière les compétences de cette avocate qui apporte incontestablement sa contribution à l’« édifice doctrinal ». Nous adressons nos chaleureuses félicitations à cette juriste passionnée d’opéra, modeste et discrète qui, avec un acharnement sans faille, a participé à l’œuvre de justice notamment à travers les combats syndicaux qu’elle a menés dans l’intérêt de sa profession. Jean-René Tancrède 2012-371

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Christiane Féral-Schuhl et Mary-Daphné Fishelson et Dominique de La Garanderie

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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

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Au fil des pages Photo © Jean-René Tancrède

Vers la Justice de demain Les sept pêchés capitaux de la justice par Jean-Claude Magendie* « Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne pourra venir à bout. »

e livre du Premier président Magendie au titre provocateur se lit d’un trait, œuvre d’un haut magistrat dont la carrière prestigieuse témoigne de son intelligence, de sa compétence, de son indépendance et de son esprit de visionnaire, a pour objet d’assurer à une justice « à bout de souffle » les moyens pour sa renaissance, le temps des replâtrages est révolu, le système est trop vermoulu. En présence de la place demeurée vacante par les sentiments religieux, la dernière morale n’est-elle pas celle du droit, d’où le recours des citoyens la justice pour un rôle qui n’est pas le sien(1) ? La dénonciation de ces sept pêchés capitaux par M. Magendie ne signifie pas qu’il ignore qu’en dépit de son manque de moyens, notre justice a répondu non seulement au contentieux de masse de celle au quotidien, mais également au contentieux exigeant une spécialité des connaissances dans les domaines nouveaux d’une société mondialiste, aux disciplines complexes comme le droit économique, boursier, bancaire, de la propriété intellectuelle, pour ne citer que cellesci : A cela s’ajoute l’inflation législative en tous les domaines, de la procédure pénale, à la justice du quotidien : loyer, surendettement, tutelle…

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Le premier pêché : La dépendance De la justice, la première qualité la plus exigée est celle de l’indépendance, mais la justice estelle indépendante ? Un vœu partagé l’opinion en doute, « on sait ce qu’est une justice aux ordres » - « le juge y est réduit à n’être que l’instrument docile du pouvoir auquel il feint d’apporter la caution de droit » Une situation bien française depuis la Révolution (2). A titre d’exemple, l’auteur cite : l’affaire du Prince de Broglie, les déclarations du Ministre de l’Intérieur de l’époque, Monsieur Poniatowski traitant les magistrats de lâches ! Plusieurs livres, dit-il, ne suffiraient pas à énumérer les actes d’agression du pouvoir politique. « La manifestation la plus efficace et la plus tangible du mépris en priorité d’abord la voie budgétaire » (4). L’envers du décor de nos palais est le cruel manque de moyens. La pénurie est la règle « s’il est vrai que les budgets de la justice sont en progression constante » c’est au profit de l’administration pénitentiaire qui devrait selon l’auteur avec pertinence dépendre du Ministère de l’Intérieur « cette maltraitance de la justice par le pouvoir politique fait de la France en la matière un pays sous-développé, au moment même où est apparu le contentieux de masse » - Le redressement ne pourra se faire sans donner à la justice des moyens(5), qui oserait soutenir le contraire.

Il s’en suit une résignation des juges et un recours au syndicalisme de « choc », loin de celui-né à la libération, avec l’Union Nationale des Magistrats du regretté Président Ropers (une association). Cette modération a débouché sur la voie syndicale - l’Union est devenue « L’U.S.M » un syndicat modéré majoritaire. En 1968, le Syndicat de la Magistrature, le pouvoir syndical ayant été reconnu possible au sein de la magistrature par un arrêt du Conseil d’Etat. Engagé politiquement, ce syndicat n’hésite pas à s’opposer aux politiques. Une éthique nouvelle du rôle du juge qui doit en pénétrant en son cabinet, oublier ses opinions, ses convictions personnelles, son rôle étant la totale neutralité, à la rechercher de la vérité. Mais l’exigence de son indépendance, rend en revanche, le juge responsable. L’auteur, alors Président du Tribunal de Grande Instance de Paris en un article célèbre qui a déplu à certains, a eu le courage de le dire « Un juge responsable dont la responsabilité nous le savons peut être recherché en vertu de l’article 781-1. du Code de l’Organisation Judiciaire ».

Le second pêché : La division Monsieur le Président Magendie, sans ambiguïté, exprime ce qu’un grand nombre pense mais ne peut le dire, cela n’étant pas politiquement correct. Une particularité française est l’existence de deux, même trois sources de compétences : administrative, judiciaire et commerciale. Les Anglais et d’autres Etats en majorité l’ignorent, d’où des conflits de juridiction, des retards dans le traitement dans le temps des contentieux et des couts, et le recours à une quatrième juridiction : Le tribunal des conflits. L’exemple caractéristique est celui d’une femme de ménage qui, pour obtenir le montant modeste de ses salaires, n’a connu la juridiction compétente pour en connaître que par le tribunal des conflits. L’analyse du contentieux montre que nombre de conflits de juridiction pourraient être évités dans bien des matières : droit de la concurrence, une compétence unique : la chambre économique de la Cour de Paris, ou encore de marchés publics certains contrats pour un même marché relevant du droit public, d’autres du droit privé, d’où des conflits, des contentieux, des retards dans la décision et des coûts de frais de justice. La loi du 31 décembre 1957, qui a mis fin au contentieux, l’on avait intérêt à choisir sans écraseur : est un exemple de bon sens. Ce n’est pas porter atteinte à l’audience au savoir, à la compétence de nos juridictions administratives,

que de proposer des mesures de bon sens, d’attribuer aux juridictions de l’ordre judiciaire, le contentieux en matière de marché publics de travaux ou encore du droit du travail, en un contentieux qui ne relève pas directement de la responsabilité de la puissance publique. Que dire de la prolifération des autorités administratives indépendantes en des matières fondamentales. Nous en citerons une : l’Autorité des Marchés Financiers qui prononce des sanctions très sévères sans que ses décisions soient susceptibles de voie de recours contrairement à la jurisprudence de la Cour Européenne. Avec Monsieur Jean-Claude Magendie, nous constatons et regrettons : « la défiance envers le juge qui lui offre toutes les garanties ».

Le troisième pêché : Le silence L’importance prise par la presse, les médias, le Net en font un quatrième pouvoir que l’on peut qualifier de souverain, dictant aux pouvoirs politique administratif et judiciaire leur loi, c'est-à-dire leur opinion qui doit s’imposer. Un danger pour les politiques, un autre pour la justice. Les débordements de ce pouvoir sont quotidiens. Ils font et défont les réputations, méconnaissant la présomption d’innocence. Il a fallu la loi du 12 juin 2000 pour leur interdire de photographier une personne menottée. A titre d’exemple, Monsieur Magendie cite Roland Dumas, Dominique Strauss Kahn, Outreau, Dominique Baudis (Affaire Allègre, Toulouse). Aux Etats-Unis, nous dit Soulez-Larrivière, si une décision de justice a été dictée par les médias, la Cour constitutionnelle peut s’en saisir. Dans ces conditions : « Pourquoi affirmer que tout pouvoir y compris la justice suppose une responsabilité et considère qu’il n’existe qu’une exception de principe au profit du pouvoir médiatique » ?

Le quatrième pêché : La dispersion La carte judiciaire, un sujet qui fâche, selon nous parce que les uns pensent au contentieux de proximité, les autres comme l’auteur, à celui qui exige en raison de la spécialisation des contentieux d’une hyperspécialisation. Cependant les opposants à une nouvelle réforme de la carte judiciaire demandent : un tribunal par département, une cour par région, ne parlent pas du même contentieux, les premiers parlent du contentieux que nous qualifierons du droit des affaires, qui exige une hyperspécialisation, le second est celui de masse

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Au fil des pages du quotidien. Entre les deux, un rapprochement est probablement possible, notamment, par des juges délégués. A cette proposition, l’on oppose pour un bon fonctionnement de la justice un ordre, d’un bâtonnier en charge du règlement des conflits du quotidien, ce qui signifie un Ordre auprès d’un Tribunal. Avec un peu d’imagination, une solution est probablement possible, Monsieur Magendie pose la question.

Le cinquième pêché : l’Archaïsme Il est le pêché « qui suscitera le plus de discussion, polémique, approbation, critiques. Toute institution doit évoluer, il faut en couper, élaguer les branches mortes, il faut en revanche en conserver le tronc. « Dans un monde où la technique révolutionne, les méthodes de travail ou la pédagogie l’emporte sur le principe d’autorité, où, partout les finalités de la justice se trouvent renouvelées » ! « Toute réflexion passe par une redéfinition de l’office du juge, par le renouvellement de ses méthodes, par une modernisation de son langage » ! Partant de ce constat, un juge doit être doté des moyens nécessaires, d’aide à la décision, en amont du concours, des greffiers en chef , le nombre de magistrats dit-il ne devrait pas être augmenté mais pourrait être réduit à 3 000, en disposant également des moyens d’information qui leur font défaut. Le Magistrat devrait pouvoir travailler de façon plus collective, par des réflexions partagées de tous ceux qui connaissent au sein du même Tribunal ou de la même Cour des contentieux du même type. En matière pénale, il faudra bien finir par admettre que toute sanction n’implique pas nécessairement l’intervention judiciaire. En matière civile, on devrait multiplier « les mécanismes permettant de différer l’intervention judiciaire en recourant à d’autres modes de régulation des conflits, de jouer la médiation, sous l’œil du juge. Celle-ci est l’avenir de la justice, dont le Premier Président Pierre Drai fut le pionnier. Reconnu par la loi de 1995, consacrée par une directive européenne, elle est l’instrument pour en finir avec le duel judicaire, comme la loi sur la presse de 1881, le fut pour « en finir » avec le duel. (Le décret du 20 janvier 2012). L’auteur en est l’apôtre, en témoignent ses interventions et colloques qu’il y a consacrés, comme Président du Tribunal de Grande Instance de Créteil, de Paris ou de Premier Président de la Cour de Paris. Cependant force est de constater avec lui que le bilan ne répond pas aux espérances. Il regrette la timidité des magistrats et des avocats. Nous pensons qu’il n’y a pas lieu d’être désespéré, un signe heureux, la réussite de la Médiation de l’Economie et des Finances de Bercy (6), un succès en dix ans vingt huit mille litiges résolus. Le 5ème pêché s’achève avec de nouveaux habits : abolition des robes d’apparat, une robe noire pour tous et la réforme du langage. Contrairement à l’opinion de l’auteur, le commun, est attaché au faste et à un certain cérémonial…Quant au langage, chaque profession a le sien, médical, technique comme le bâtiment. Le langage judiciaire, au cours des dernières années (Daumier) est moins ésotérique, on doit poursuivre cet effort mais il a ses limites.

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Sixième pêché : La confusion La procédure pénale, le Juge d’Instruction, le Parquet, c’est la confusion des genres. S’il est vrai que moins de cinq pour cent des affaires sont confiées à un Juge d’Instruction, il demeure que le lien étroit, existant entre celuici et le Parquet « nécessite dit l’auteur pour garder sa cohérence au système, de ne jamais toucher à l’une sans se préoccuper de l’autre ». En raison de cette confusion, Monsieur Magendie propose non la suppression du Juge d’Instruction, « qui serait intellectuellement malhonnête, mais son remplacement par un Juge de l’Instruction ayant un rôle d’Arbitre. Une réforme également suggérée par le bâtonnier en exercice d’alors Yves Repiquet. Il en est de même dit-il du rôle du Parquet. C’est également la confusion des genres. Le remplacement du Juge d’Instruction par le Juge de l’Instruction conduit à la suppression du Juge des libertés et de la révision du statut de l’accusation. Partant de la création du Juge de l’Instruction « pour être pleinement dans son rôle d’arbitre, le juge a besoin d’une accusation face à une défense forte et libre, placée sur un strict pied d’égalité cependant, cette proposition exige la séparation des fonctions et nécessite de mettre fin à l’unité du corps judiciaire, une proposition qui fâche. Monsieur Magendie l’a justifie ainsi : « ce dont a besoin le Parquet à cet égard, c’est non d’une indépendance statutaire, mais d’une indépendance fonctionnelle garantissant que les poursuites ne seront pas entravées par quelque intervention, que ce soit celle du pouvoir politique en particulier ». Il cite les exemples : Anglais et Allemands, « les membres de l’autorité de poursuite se verraient confier un statut spécifique, dans le déroulement de l’enquête ». A l’heure ou en raison de la jurisprudence de la Cour Européenne se pose la réforme du statut des magistrats du Parquet, la proposition du Premier Président Magendie, solidement argumentée, retiendra l’attention. Ajoutons que pour éviter la paralysie des poursuites, spécialement dans les affaires politiques et financières, il propose la reconnaissance d’une action de groupe.

Septième pêché : L’enfermement Là encore l’auteur fait preuve d’une imagination constructive, que seule l’expérience, la connaissance du sujet peut suggérer, pour corriger les effets pervers d’une situation que l’on connaît, mais que l’on n’ose pas proposer comme n’étant pas politiquement correcte. Une justice de qualité doit permettre malgré l’aléa inhérent à tout procès « de déterminer les chances, raisonnables du succès ou d’échec », une vérité qui s’impose, d’où l’importance de la compétence du juge. L’auteur propose trois réformes. Sans remettre en cause, la qualité de l’enseignement Bancaire de l’Ecole Nationale de la Magistrature qui doit être maintenu tout comme le concours. Il en préconise une réforme profonde. Cela exige des candidats l’expérience d’une activité antérieure riche, outre les

diplômes universitaires, c’est à dire une expérience professionnelle adéquate de dix ans qu’il considère préférable à celle d’un stage au cours de la scolarité. Il va de soi qu’un tel recrutement favoriserait une meilleure connaissance du monde économique !!! Des avocats seraient notamment conduits à se porter candidats. En ce même chapitre l’intitulé : « Les Juges, la justice économique et sociale » L’auteur préconise : 1/ l’Echevinage de nos juridictions consulaires en 1ère instance et à la Cour. 2/ Quant aux Conseils des Prud’hommes leur transformation en Tribunaux paritaires comme les Tribunaux des Baux ruraux. En effet constate-il les Conseils des Prud’hommes, contrairement à l’esprit de ses créateurs ne concilient plus. En effet, aujourd’hui l’audience de conciliation n’est plus qu’exceptionnellement une audience de conciliation. L’appel du juge départiteur, même à l’occasion de demandes de renvoi est fréquent. Il en est de même à l’audience de jugement. Le taux des réformations en Cours d’Appel est le plus élevé. Cette réforme est nécessaire mais a-t-elle malgré sa nécessité, une chance d’aboutir ? Ce livre de moins de 150 pages, d’un grand magistrat, apporte sur les problèmes de réforme de la justice dont chaque Garde des Sceaux entré en fonction parle, répond aux questions qu’elle pose. Il propose des solutions qui pour certains paraîtront iconoclastes mais dont les principales répondent aux problèmes d’une réforme. Il est vrai que le sujet mérite la modestie, d’autres y ont cru. « Le rêve, ce serait la découverte d’un système judiciaire qui, avec la gratuité absolue de la justice, assurerait le recrutement des Magistrats permanents ou temporaires ayant chacun dans ses attributions, le caractère et la compétence, la science et la conscience ; qui, juges criminels ou correctionnels, auraient pour unique souci, dans une procédure, de rechercher la vérité et pour but unique l’application des lois et aux yeux desquels le prévenu, réputé innocent jusqu’à l’arrêt de condamnation, ne prendrait pas trop souvent figure de coupable, et dont enfin la froide et sereine urbanité ne distinguerait jamais entre les « puissants » et les « misérables » … Mais ce Palais idéal, ni celui de demain, ni celui de l’avenir. N’est ce pas le Palais impossible ? » (7), Ajoutons enfin : « Il est plus aisé de connaître les défauts de la justice que d’en préconiser les remèdes ». (Cardinal de Richelieu) A. Coriolis et Jean-René Tancrède Notes : 1 - Voir Antoine Garapon : « Le gardien des promesses », p.182. 2 - L’épuration dans la Magistrature de « la Révolution à la libération ASS Française pour l’histoire de la Justice. 3 - Les sept pêchées capitaux, p.13. 4 - Page 19. 5 - Voir sur la situation des Magistrats « Une nette faiblesse des moyens » - Le Monde du 11 mai 2012, p.14. 6 - Voir les Annonces de la Seine du 26 mars 2012. 7 - Le Palais de Justice de Paris, son monde, ses mœurs. La presse judiciaire Parisienne, préface d’Alexandre Dumas (fils). Jean-Claude Magendie est Président Honoraire de la Cour d’Appel de Paris. 132 pages – 15 € - Editions Léo Scheer - www.leoscheer.com

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Décoration

Rémy Robinet-Duffo, Commandeur dans l’Ordre de la Couronne Belge Paris - 24 mai 2012

P

notamment dans le monde de l’entreprise, pour l’Officiant l’engagement citoyen de Rémy Robinet-Duffo reflète son très fort attachement à l’Europe mais aussi son goût pour l’excellence. Actif et brillant, cet exceptionnel chef d’entreprise est un humaniste apprécié dans son entourage. Sa passion pour l’innovation et sa générosité en font un personnage atypique qui a un sens aigu du dialogue et du don de soi. Son esprit curieux et sa conception éthique de la vie des affaires forcent l’admiration de ceux qui ont la chance de le connaître. Nous adressons nos amicales félicitations à cet homme courageux, attentif et audacieux dont les qualités de cœur rivalisent avec celles de son esprit. Jean-René Tancrède 2012-373

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

ar arrêté royal du 17 janvier 2012, sa Majesté le Roi Albert II de Belgique a décidé d’élever au grade de Commandeur dans l’Ordre de la Couronne Belge Rémy Robinet-Duffo, c’est le Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères Didier Reynders qui a remis au récipiendaire ces insignes lors d’une cérémonie qui s’est déroulée le 24 mai 2012 rue de Surène à Paris ; pour cette occasion, l’Ambassadeur du Royaume de Belgique et son Epouse recevaient les prestigieux invités de Rémy Robinet-Duffo dans la « Résidence de Belgique ». Leader dans le monde de la protection sociale depuis de nombreuses décades, l’impétrant est un homme qui a une forte capacité à développer les contacts et les relations entre la Belgique et la France a souligné Didier Reynders,

Rémy Robinet-Duffo

Palmarès

Conférence du Stage des Avocats aux Conseils

Photo © Jean-René Tancrède

Résultats du premier tour - Paris, 14 mai 2012

e lundi 14 mai 2012 le Président de l’Ordre des Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, Gilles Thouvenina a accueilli avec le Professeur Guy Carcassonne les secrétaires de la Conférence du Stage des Avocats aux Conseils. Lors de cette cérémonie amicale, les résultats du premier tour ont été proclamés par Monsieur le Professeur Guy Carcassonne qui a également procédé au tirage au sort des sujets

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du deuxième tour qui se déroulera le 4 juin prochain : Droit civil : « Le contrat de courtage matrimonial conclu par une personne mariée est-il valable ? ». Demandeur : David Feldman - Défendeur : Stéphane Bonichot - Ministère public : Thibaut de Ravel d'Esclapon Droit administratif : « Un citoyen, usager des services publics et parlementaire, peut-il exercer

un recours pour excès de pouvoir contre le refus du Premier ministre de prendre un décret d'application de la loi ? ». Demandeur : Mathilde Daumas - Défendeur : Lorraine Rigaudière - Ministère public : Nicolas Kilgus Droit pénal : « Le fait pour un employeur de déclarer publiquement avoir une politique de discrimination positive dans le recrutement de ses salariés constitue-t-il le délit de provocation à la discrimination raciale ? ». Demandeur : Claire Chérif-Zahar - Défendeur : Anne-Laure Valluis - Ministère public : Armand Kacenelenbogen Droit social : « Un employeur exploitant un restaurant gastronomique peut-il licencier son chef de rang au motif qu'il refuse d'enlever ses boucles d'oreilles durant son service ? ». Demandeur : Romain Dethomas - Défendeur : Florence Meuris - Ministère public : Bénédicte Moulinier Nous présentons nos chaleureuses félicitations aux jeunes orateurs talentueux et leur souhaitons plein succès pour le deuxième tour qui aura lieu lundi prochain. Jean-René Tancrède

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