LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 4 juin 2012 - Numéro 35 - 1,15 Euro - 93e année
Commémorations de l’abolition de l'esclavage D.R.
10 / 14 mai 2012 DROITS DE L’HOMME
Commémorations de l’abolition de l'esclavage
2 2 3 AGENDA ......................................................................................5 ENTRETIEN Christian Charrière-Bournazel ...................................................7 DIRECT Conseil d’Etat François Séners, nouveau Secrétaire Général .....10 Association Re-Créer Christian de Baecque, nouveau Président ..14 JURISPRUDENCE Avancer ensemble libres et égaux par Vincent Lamanda ................... Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions par Jean-Pierre Bel............................................ La défense de la cause des esclaves par Jean-Claude Marin..............
Consignation auprès de la Caisse des Dépôts des frais de la vente amiable des immeubles saisis
Conseil d’Etat - 31 mai 2012 - ordonnance n°359300 ....................
11
Annulation d’une sanction pour manquement d’initié Conseil d'Etat - 6ème et 1ère sous-sections réunies 24 avril 2012 - n° 338786 ................................................................
AU FIL DES PAGES
12
De Kerviel à Clearstream L’art de communiquer lors des grands procès par Patricia Chapelotte.....................................................................
13 ANNONCES LEGALES ...................................................15 VIE DU CHIFFRE Ordre des Experts-comptables ..............................................24
l’occasion de la Journée nationale des mémoires des traites, de l’esclavage et de leurs abolitions le 10 mai 2012, de nombreuses manifestations ont été organisées en France. Nous rendons compte dans ce numéro de la place que notre histoire a accordé à l’abolition de l’esclavage depuis 1848. Au Sénat, le 9 mai 2012, sous la présidence de JeanPierre Bel, la Délégation Sénatoriale à l’Outre-Mer et le Comité Pour la Mémoire de l’Histoire de l’Esclavage ont organisé deux tables rondes sur les thèmes : « Les enjeux autour du passé colonial de la France pour la cohésion sociale » et « Les enjeux des mémoires des outre-mers ». Le Président Jean-Pierre Bel a déclaré qu’il fallait accorder à l’histoire des traites et de l’esclavage la place conséquente qu’elle mérite et a conclu son intervention en rappelant qu’il fallait donner « toute leur force aux principes universels de liberté, d’égalité et de fraternité, et prendre l’engagement de lutter contre les discriminations et toutes les formes d’asservissement. » La Cour de cassation a également organisé une conférence sur le même thème le 14 mai 2012. C’est à Jacques Toubon, ancien ministre, Président du
A
Conseil d’administration de la Cité Nationale de l’Histoire et de l’Immigration, que revenait de conclure les travaux de cette cérémonie commémorative. Le Premier Président Vincent Lamanda a souligné que l’esclavage n’appartenait pas à « la seule mémoire et à la seule douleur du peuple noir » ; pour lui, aujourd’hui, « le travail de mémoire et de réflexion sur les conditions historiques de ce passé contrasté, ne peuvent que renforcer notre détermination à faire obstacle aux nouveaux visages de l’esclavage. » Le Préfet des Yvelines Michel Jau a présidé le 10 mai 2012 à Houilles la manifestation au cours de laquelle il a rendu un hommage appuyé à Victor Schoelcher notamment en présence d’Alexandre Joly, maire de cette ville et de Pierre Lequiller, Député de la quatrième circonscription des Yvelines. Autant de témoignages qu’il convient de saluer avec respect et reconnaissance, au titre du devoir de mémoire, pour ceux qui ont donné leur vie afin que d’autres deviennent libres ; le « Code Noir » de l’esclavage imprimé en 1685 est heureusement enterré depuis longtemps(*). Jean-René Tancrède * voir Les Annonces de la Seine numéro 27 du 6 avril 1998 et numéro 31 du 23 avril 1998.
J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE
Droits de l’homme
LES ANNONCES DE LA SEINE l
l
l
l
Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05 Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction :
Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :
Photo © Jean-René Tancrède
Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr
Avancer ensemble libres et égaux par Vincent Lamanda 'éprouve un vif plaisir à vous accueillir, aujourd'hui, à la Cour de cassation, à la faveur de ce colloque réunissant universitaires et professionnels du droit autour d'un noble projet : rendre hommage, par la recherche historique, l'étude et l'analyse approfondies de la jurisprudence, au rôle joué par notre juridiction dans l'abolition de l'esclavage notamment aux Antilles françaises. Je remercie l'Association française pour l'histoire de la justice d'avoir bien voulu apporter son précieux concours à cette manifestation. La présence en cette enceinte de nombreux
J
Didier Chotard Frédéric Bonaventura
Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 641 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS
2011
REPÈRES
Copyright 2012 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.
Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions par Jean-Pierre Bel - 10 mai 2012
Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2011 ; des Yvelines, du 20 décembre 2011 ; des Hauts-deSeine, du 28 décembre 2011 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 décembre 2011 ; du Val-de-Marne, du 20 décembre 2011 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.
COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas
Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
2
onsieur le Président, à quelques jours de votre investiture, je suis sensible à votre présence à ce moment solennel où nous commémorons les mémoires partagées qui forment, toutes ensembles, notre mémoire nationale. On a du mal à l’imaginer, mais en plein XIXème siècle, après la philosophie des Lumières, à l’époque de Victor Hugo, de Balzac, de Stendhal, comme le rappelait Aimé Césaire en 1948, « la razzia pille l’Afrique, la traite désorganise les royaumes indigènes, l’homme noir est chassé, traqué, domestiqué, transformé en marchandise exportable ». « D’un côté la poésie, la science, la philosophie, […] mais dans le même temps, sur les plantations antillaises, il y a des hommes, des femmes, des enfants que le fouet plie sur le sillon. Et on les marque au fer rouge. Et on les mutile. Et on les pend et on les vend. Ce sont des nègres. Cela est licite, régulier. Tout est dans l’ordre. Tels sont les faits. » Entre le milieu du XVème et la fin du
M
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
- Tarifs hors taxes des publicités à la ligne A) Légales : Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,43 € Yvelines : 5,22 € Hauts-de-Seine : 5,48 € Val-de-Marne : 5,41 € B) Avis divers : 9,75 € C) Avis financiers : 10,85 € D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 € Seine-Saint Denis : 3,80 € Yvelines : 5,22 € Val-de-Marne : 3,83 € - Vente au numéro : 1,15 € - Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels
Vincent Lamanda
historiens est pour nous un grand honneur car l'histoire y tient une place particulière. De tous temps et avant même de devenir siège du pouvoir royal, l'île de la Cité a abrité la Justice. Si on y dit toujours le droit, cet emplacement est aussi un lieu de mémoire, symbolique, singulier, presque mystérieux. Ici même, se sont écrites quelques-unes des pages les plus marquantes de la vie de notre pays. Nos murs sont chargés du souvenir de ces magistrats, alliant bienveillance et sévérité, de ces avocats émus et passionnés, dont les voix ont fait résonner nos salles d'audiences pour que les principes de liberté, d'égalité et de fraternité, s'incarnent dans la réalité ; pour que se construise, patiente et audacieuse, l'affirmation jurisprudentielle des droits reconnus par notre démocratie. Au nombre de ces débats en faveur de la justice et de la liberté, figure celui les ayant mobilisés afin que triomphent les droits imprescriptibles de la personne humaine honteusement bafoués par la traite négrière. Pratiqué depuis la plus haute Antiquité, l'esclavage n'a été critiqué que tardivement en tant qu'atteinte à l’être humain. Parmi les précurseurs, se trouvaient des religieux en rupture avec la position officielle de l'Eglise, des philosophes français des Lumières, des abolitionnistes anglais et même des économistes jugeant l'esclavage contreproductif. II fallut attendre la fin du XVIIIème siècle, pour qu'un véritable mouvement abolitionniste se mette en marche en Amérique du Nord, puis en Angleterre et en France. La Révolution et les insurrections d'esclaves aux Antilles françaises conduisirent a une première abolition le 4 février 1794.
Jean-Pierre Bel
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
XIXème siècle, plus de 12 millions et demi de personnes furent déportées d’Afrique vers les Antilles, les Amériques et les îles de l’Océan Indien. Plus d’un million et demi de captifs périrent dans les convois. D’innombrables êtres humains ont perdu la vie en Afrique lors des razzias et au cours des marches épuisantes vers les côtes d’où embarquaient les navires négriers. Jamais nous ne connaîtrons le nombre exact des victimes de cette chasse à l’homme. Dans cette économie de prédation généralisée, le rapt, le viol, et la torture sont des instruments courants. Ils sont soumis par la force et par la violence. Ils n’ont ni origines, ni histoire. Ils peuvent être achetés et vendus. Le « code noir », applicable aux Antilles françaises, dit que l’enfant né d’une esclave est esclave. Ils ne circulent qu’avec l’autorisation du maître. Leur témoignage est sans valeur.
Rétabli par Napoléon en 1802, l'esclavage n'est définitivement aboli par la France que le 27 avril 1848, tandis qu'il perdure à Cuba jusqu'en 1886 et au Brésil jusqu'en 1888. Persuadés que la France d'outre-mer a, elle aussi, un droit à la mémoire, de nombreux chercheurs ont entrepris, depuis peu, de rompre le silence entourant encore ces trois siècles au cours desquels la traite et le système esclavagiste mis en place par l'Europe aux Amériques et aux Antilles, ont été considérés comme indispensables à la prospérité du monde développé. Faire revivre, comme nous le faisons aujourd'hui, le rôle précurseur joué par la Cour de cassation dont la jurisprudence annonçait l'abolition de 1848, ce n'est pas seulement rendre hommage au travail de nos illustres prédécesseurs, c’est aussi se souvenir de l'abolition de l'esclavage est l'aboutissement de la résistance des esclaves à leur condition. La lutte exemplaire de tous ceux qui, comme Toussaint Louverture et bien d'autres, ont combattu sans relâche, pour la conquête de la liberté et de l'égalité, donne au monde un exemple de courage et de dignité. A ce titre, l'esclavage n'appartient pas à la seule mémoire et à la seule douleur du peuple noir. Il est une part de notre mémoire collective, il est notre douleur partagée. Le nier, l'oublier, le taire, serait faire injure à tous ceux qui se sont battus, non pas en leur nom, mais au nom de ces valeurs universelles que sont la liberté, la fraternité et l’égalité. A l'instar de nos lointains prédécesseurs, ils l’ont fait pour que nous puissions vivre, agir et avancer ensemble, libres et égaux en droits, unis dans nos ressemblances et riches de nos différences. Ils l’ont fait pour l’humanité sans distinction. Ils n’ont pas de droits. « Je parle de millions d'hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse. » (Aimé Césaire) Il fallut attendre la fin du XVIIIème siècle pour qu’un véritable mouvement abolitionniste se mette en marche en Amérique du Nord, puis en Angleterre et en France. Il y eut en 1793 la déclaration de Toussaint Louverture à SaintDomingue, appelant à déraciner « l’arbre de l’esclavage ». Puis la première abolition par la Convention, en 1794, avant que la traite et l’esclavage ne soient rétablis en 1802. Le Danemark fut le premier pays européen à abolir la traite, en 1803. En 1844, les ouvriers de Paris rédigèrent une pétition invoquant le « grand principe de la fraternité humaine », pour que cesse l’esclavage. Il fallut ensuite toute la passion de la justice, la persévérance inlassable de Victor Schœlcher, pour que l’émancipation soit réalisée dans les colonies françaises. Longtemps, la figure de la victime passive et délivrée par la puissance coloniale fut la seule admise. Mais les combattants les plus courageux contre l’esclavage ne furent-ils pas les esclaves euxmêmes ? Par leurs révoltes qui furent des combats à mort, face à des
propriétaires qui ne voulaient rien céder de leur domination. Par leur résistance, sur le sol africain et dans les colonies. Par les sabotages et par le marronnage, nombre d’esclaves ont contribué à fragiliser un système écrasant. La répression était sanglante, implacable. La lutte fut aussi violente que l’asservissement. L’histoire de l'esclavage et de la traite n’est pas exclusivement l’histoire des descendants de négriers, ni celle des descendants d’esclaves. Ce n’est pas seulement celle des outre-mer français. C’est l’histoire de la France, du Portugal, des Pays-Bas, de la Suède, de l’Espagne, du Danemark et de la GrandeBretagne, ici représentés par des historiens et des anthropologues. C’est l’histoire de l’Europe et de l’humanité tout entière. C’est notre histoire. Car l’esclavage n’a pas été inventé au XVème siècle. Il a existé tout au long de notre histoire. Mais les quatre siècles de traite atlantique constituent un phénomène unique. Les textes qui viennent d’être lus l’ont rappelé. Les siècles d’esclavage colonial ont racialisé, africanisé l’esclavage. Longtemps cette histoire fut occultée, voire éradiquée. Après l’abolition en 1848, la mission coloniale devait être une mission de libération.
Alexandre Joly et Pierre Lequiller Il devenait alors difficile de justifier la participation de la France au commerce triangulaire. On enseignait donc l’histoire coloniale, mais pas l’histoire de l’esclavage. Après la Seconde Guerre mondiale, l’esclavage dans les colonies européennes n’est pris en compte qu’au moment de son abolition. Jusqu’aux années quatre-vingtdix, on enseigne donc la disparition de l’esclavage, et non son histoire. Mais le déni avait trop longtemps donné l’illusion que l’on pouvait vivre ensemble en taisant ce qui gênait. Il allait laisser la place à l’incompréhension et à la rancune. « Je ne suis pas esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes pères » écrivait Frantz Fanon dès 1952. Poursuivant cette réflexion, Edouard Glissant explicita en 1981 cet appel à l’analyse critique, dans son Discours Antillais : « L’esclave est d’abord celui qui ne sait pas. L’esclave de l’esclavage est celui qui ne veut pas savoir. » Après les initiatives lancées à l’occasion du 150ème anniversaire de l’abolition, l’intervention du législateur allait être déterminante pour engager et diffuser cette analyse. Portée par Christiane Taubira, par la mobilisation des associations antillaises, réunionnaises et
africaines, des élus et des chercheurs, la loi est votée à l’unanimité par le Sénat le 10 mai 2001. Elle reconnaît que la traite et l’esclavage perpétrés à partir du XVème siècle aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes, constituent un crime contre l’humanité. Nous devons prendre en compte l’histoire des traites et de l’esclavage, rétablir les faits, montrer leur complexité. Peu à peu, cette histoire se voit accorder la place conséquente qu’elle mérite. Cet énorme travail est celui des historiens, des chercheurs. C’est celui des enseignants et des associations. C’est enfin celui des institutions de la République, qui doivent favoriser la discussion et l’échange, pour que cette histoire soit partagée, reconnue, valorisée. La délégation sénatoriale à l’outre-mer et le Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage y ont fortement contribué hier, lors d’une rencontre consacrée aux « mémoires croisées » de notre passé colonial. La recherche accomplit des progrès importants. Malgré la déshumanisation qui leur était imposée, les esclaves gardaient leur humanité. Leurs
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Droits de l’homme
récits nous transmettent une leçon de courage. Aux Antilles françaises, à La Réunion, à l’Île Maurice, au Brésil, à Cuba, en Louisiane, en Afrique de l’Est, du Sud et au Ghana, des recherches archéologiques renouvellent nos connaissances sur l’habitat et sur la réalité quotidienne des esclaves. Les découvertes de l’histoire récente illustrent la force de l’esprit de résistance. Elles nous rappellent que la liberté n’a pas de prix. L’histoire de l’esclavage et des résistances à l’esclavage a trop longtemps été oubliée. Il y a là un gigantesque vide qu’il faut aujourd’hui combler. Cette histoire doit être davantage mise en relation avec le processus de construction de la Nation française. Combler ce vide, c’est faire l’effort de porter un autre regard sur l’universalisme républicain. C’est regarder la France dans sa diversité, et non comme une entité uniforme et abstraite, dépourvue de fondement historique, c’est aider à notre unité nationale et au rassemblement du peuple de France. C’est donner toute leur force aux principes universels de liberté, d’égalité et de fraternité, et prendre l’engagement de lutter contre toutes les discriminations et toutes les formes d’asservissement.
3
Droits de l’homme
Notes : 1 - Loi n°2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité dite loi Taubira. NOR: JUSX9903435L Version consolidée au 23 mai 2001 Article 1 La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVème siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité.
Michel Jau face aux enfants de l’école primaire Palmiste Rouge, de la commune Cilaos à la Réunion Monsieur le Préfet, Monsieur le Maire de Houilles, VicePrésident du Conseil général, Mesdames et Messieurs les élus du Conseil municipal, Mesdames, Messieurs Bonjour, C'est un grand honneur que vous nous faîtes aujourd'hui, 10 mai 2012, jour de la sixième cérémonie en mémoire de l'abolition de l'esclavage , en nous accueillant chez vous à Houilles , ville ou a vécu un grand humaniste, Monsieur le Sénateur Victor Schœlcher, qui prit part à l'Histoire de la Réunion, à notre Histoire. Ce moment, cet évènement, est un symbole très fort pour nous Réunionnais, dont les ancêtres ont connu la période troublée et douloureuse de l'esclavage. De plus, nous Cilaosiens, nous sommes particulièrement concernés par l'esclavage et son abolition. En effet, les premiers habitants de
cette plus jeune commune française qui vient de fêter son quaranteseptième anniversaire ce 28 mars 2012, furent les esclaves marrons. Des hommes et des femmes, arrachés de leur terre, de leur famille et de leur culture, privés de liberté ont retrouvé leur condition humaine, leur liberté en venant se réfugier dans nos montagnes, d'accès très difficile, dont le sommet le plus haut, le Piton des Neiges culmine à 3 700 mètres. Beaucoup d'enfants et d'adultes réunionnais présents sur cette place ont des origines africaines, asiatiques, malgaches ou indiennes. Ils ont pour ancêtres des esclaves venant de l'Asie, de l'Afrique, de Madagascar ou d'Inde. Par le décret du 28 avril 1848, décret dont le père fondateur fut le Sénateur Victor Schoelcher, plus de 63 000 esclaves de l'Ile Bourbon, ancien nom colonial de notre département, furent libérés de leurs chaines et de leurs dures conditions de vie.
Maison de Victor Schœlcher à Houilles (Yvelines)
4
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
D.R.
MESSAGE DES ENFANTS DES ENFANTS DE L’ÉCOLE PRIMAIRE PALMISTE ROUGE, DE LA COMMUNE CILAOS À LA RÉUNION
Pour lui rendre hommage et montrer notre reconnaissance à cet illustre Ovillois nous avons bravé tous les problèmes, liés surtout aux distances qui séparent nos deux terres : La Réunion et la France métropolitaine sont distantes de plus de 10 000 km. Nous l'avons fait pour dire, à notre manière, merci. Merci d'avoir mis l'homme en première ligne de vos combats. Merci d'avoir redonné leur dignité à des hommes qui étaient considérés comme meubles qu'on pouvait vendre ou échanger. Enfin, comme vous montre la variété des costumes que nous portons, notre culture multicolore est le résultat des différentes phases de notre peuplement. Aussi, nous vous proposons un chant qui résume bien le message que nous voulons vous transmettre à l'occasion de cette sixième cérémonie en mémoire de l'abolition de l'esclavage.
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Aujourd'hui, le travail de mémoire et de réflexion sur les conditions historiques de ce passé contrasté, ne peuvent que renforcer notre détermination à faire obstacle aux nouveaux visages de l'esclavage. En cette période où planent la tentation dangereuse du chacun pour soi, voire du durcissement identitaire, il nous faut sans cesse garder à l’esprit leur message universel, afin dallier nos forces pour lutter contre les formes modernes d'esclavage dont on a pu estimer que plus de 25 millions de personnes à travers le monde seraient victimes ; s'y ajoutent d'autres formes de servitude, telles que l'asservissement pour dettes, les mariages forcés, la traite d'êtres humains qu'il s'agisse de travail clandestin, de réseaux de prostitution ou de mendicité. A l’égard de ces aspects nouveaux d'un esclavage dont la France a reconnu par la loi du 21 mai 2001(1), la nature de crime contre l'humanité, notre responsabilité est grande et notre mobilisation doit l’être au moins autant. Puissent les débats d'aujourd'hui ouvrir la voie en permettant à chaque professionnel du droit et, au-delà de la sphère juridique, à chaque citoyen soucieux de plus d'humanité, de mieux relever les défis d'un monde ayant aboli les frontières et voyant se multiplier les mouvements de population pouvant favoriser des formes nouvelles d'asservissement. L'objectif de la Cour, avec l'organisation de cette journée, ne saurait mieux être atteint. C'est avec ce souhait que je vous renouvelle mes vœux les plus chaleureux de belle conférence ainsi que de bienvenue à la Cour de cassation.
Droits de l’homme
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Jean-Claude Marin
La défense de la cause des esclaves par Jean-Claude Marin ul ne peut pénétrer une première fois dans ces hauts murs de Justice et rester indifférent aux bustes et portraits de ces illustres jurisconsultes, chanceliers, premiers présidents ou procureurs généraux de la Cour de cassation dont la sage autorité guide autant les pas que la réflexion.
N
Agenda
de Gatine ou d'Isambert, et au travers elles celles de la Cour de cassation tout entière, apporteront à la cause abolitionniste le soutien du droit en préparant la voie à celle de Victor Schœlcher. L’œuvre humaniste de ces hommes est sans aucun doute le fruit d’une congruence historique puisant dans la tradition judéochrétienne, l’esprit des Lumières et une vigueur révolutionnaire que le « fruit empoisonné » de la loi Napoléonienne du 30 floréal an X n’aura pas suffi à éteindre. Mais cette œuvre n’aurait pu aboutir sans leur propre sagacité juridique découvrant dans la technique de cassation, le pourvoi dans l’intérêt de la loi ou bien encore la notion d’ordre public de savantes ouvertures procédurales comme autant de puissants leviers au service de leur cause. Ces juristes de culture n’ignoraient pourtant rien des paradoxes antiques. Tout d’abord, celui d'Aristote, dans sa République, aussi prompt à défendre les valeurs démocratiques que la servilité ontologique de l’esclave appréhendé au rang d’objet économique ou domestique. Celui de l’institution romaine de l’esclavage, ensuite, droit « équitable et originaire » pour Gaius, contenant l'esclave, fourni en abondance par les conquêtes de l'Empire, parmi les res qui s'aliènent, se lèguent ou s'hypothèquent. Seul l’affranchissement, discrétionnairement accordé, pouvait faire réapparaître la dimension humaine de l’esclavage. Nos juristes « avant-gardistes » de la Cour de cassation ne pouvaient davantage méconnaître les fulgurances subversives de Paul de Tarse dans ses épîtres aux Colossiens ou celui à Philémon qui appelle enfin l’esclave christianisé à une égalité nouvelle entre tous les hommes, mais, il est vrai, une égalité d’abord spirituelle
“
3ÈME COURSE À PIED INTERPROFESSIONNELLE ET INTERGÉNÉRATIONNELLE DE L’ACE-JA PARIS
La course des jeunes avocats 18 juin 2012 Bois de Boulogne Renseignements : s.lagorce@avocats-conseils.org www.avocats-conseils.org
COLLOQUE GAZETTE DU PALAIS
Les Entretien du Droit de la Famille 2012 14 juin 2012 Paris Renseignements : 01 56 54 41 34 claire.lorentz@lextenso-editions.fr
2012-377
CONFÉRENCE DE L’INSTITUT DES AVOCATS CONSEIL FISCAUX
Retenues à la sources et crédits d’impôts l’épreuve des engagements internationaux 18 juin 2012 Maison du Barreau - Paris 1er
La vérité scientifique a pour signe la cohérence et l’efficacité. Aimé Césaire La vérité poétique a pour la signe la beauté”.
”
Renseignements : www.iacf.asso.fr iacf@wanadoo.fr
2012-378
COLLOQUE CENTRE D’ETUDES SUPÉRIEURES DE LA MARINE L’ACADÉMIE DE MARINE ET INSTITUT FRANÇAIS DE LA MER
et eschatologique reportant la question au jour du salut des âmes. Tous ces postulats restent présents dans le code dit noir de 1685, puisque l'esclave y est toujours
La convention des Nations unies sur le droit de la mer : trente ans après 12 juin 2012 Amphithéâtre Foch - Ecole Militaire Paris 7ème Renseignements : montegobay2012@gmail.com 2012-379
ENTRETIENS EUROPÉENS DE LA DÉLÉGATION DES BARREAUX DE FRANCE
Le droit social européen 15 juin 2012 Bruxelles Renseignements : valerie.haupert@dbfbruxelles.eu www.dbfbruxelles.eu/inscriptions.htm
Michel Jau
2012-380
D.R.
Avant de franchir le seuil de cette Grand’Chambre, deux tableaux, en vis-à-vis, s’interrogent - je vous invite à y prêter attention : l’un représente le Procureur général Dupin Aîné dont le regard oblique vers le portrait du Premier président Henrion de Pansey. Cheminant le long de ces galeries prestigieuses, le même visiteur qui se rend dans le bureau du Procureur général ne pourra qu’être interpellé, comme je l’ai été moi-même, par le petit bronze d’André Dupin placé en dessous du médaillon de Pierre Henrion de Pansey. Nos deux grands hommes se retrouvent donc à nouveau. Par-delà l’effet ornemental de ces dispositions, la succession de ces deux figures reflète la filiation de pensée de ces âmes réunies dans la défense d’une cause commune pour la liberté de l’Homme. Faut-il le rappeler : la libération de l’esclave Roc ou celle de l’esclave Furcy furent d’abord obtenues par la ferveur oratoire et l’engagement de ces hommes. Par une égale inspiration, les entreprises éclairées d’Henrion de Pansey, de Dupin Aîné,
2012-376
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
5
Droits de l’homme le prélude à l’abolition définitive de l’esclavage. L’abject statut naturel de l’esclave est appelé à s’effondrer puisque l’égalité des hommes devient immanente dans une société civile ouverte à une véritable égalité de droit. L’horizon philosophique de nos grands juristes est imprégné par ce changement de paradigme et ils ne leur restaient plus qu'à dépasser le paradoxe historique de l’esclavage, in favorem libertatis ainsi qu’à pu le dire le doyen Carbonnier.
en révélant l’ignominie tout autant que l’absurdité juridique du code noir, a véritablement sapé la constitution civile de l’esclavage en le déracinant de ses fondements honteux. Plutôt que d’affronter la loi, volonté de l'expression générale, la Cour de cassation, guidée par son procureur général et ses avocats aux conseils, s’attaquera ainsi aux incohérences juridique et économique du code noir. Grâce à la persévérance de ces hommes, la Cour
“
Seule la construction d’un récit national républicain est à même d’intégrer les mémoires blessées et de fermer les plaies.
perçu comme un objet, certes avec une âme, mais toujours figé dans l’ordre des choses et non des êtres. La force de l’esprit des Lumières dont nos grands juristes sont les fils spirituels, sinon les héritiers indirects, fera vaciller tous ces présupposés. Montesquieu dans L’esprit des lois, mais aussi Voltaire dans Candide annoncent le combat de la Société des Amis des Noirs de l’Abbé Grégoire et celui de Condorcet. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen opèrera le basculement annoncé et sera
Pourtant, leur mission n’allait pas de soi et elle révèle leur courage comme leur force de conviction. Il faut ici rappeler qu’après l’échec du tout ou rien créé par la première abolition le 16 pluviose an II et le retournement Napoléonien de Floréal an X, le grand Chateaubriand marquera les consciences en proclamant : « qui oserait encore plaider la cause des noirs après les crimes commis ?». Si la Déclaration des droits de l’homme anéantit les paradoxes antiques, de vils intérêts économiques soutenus par des philosophies dépassées auront donc raison, au moins un temps, de la cause abolitionniste. On doit à Dupin Aîné, mais aussi à Gatine ou Isambert d’avoir courageusement repris la restauration de cette cause, non pas par des propos incantatoires ou des libelles inspirés mais par une rhétorique juridique, efficace et déterminante. Faut-il le souligner : nul principe fondamental, nul droit de l’homme consacré au rang de norme supranationale au soutien de leur position, mais leur unique conscience comme ressort de leur démonstration. Cette action, menée dans l’intimité d’un prétoire,
”
Benjamin Stora
de cassation balisera le chemin de la cause politique soutenue par Tocqueville ou le Duc de Broglie et qui, sans cette réactivation, n’aurait peut-être pas connue si tôt son heureux dénouement. Les affaires du patroné Louisy, de l'affranchie Virginie, de Furcy, amèneront à une prise de conscience législative qui se traduira par les lois relatives à la répression de la traite des noirs en 1827, le rétablissement des droits civils des libres de couleur en 1831 et les lois Mackau de 1845. Mesdames et Messieurs les intervenants, Nous attendons avec un vif intérêt vos interventions pour mieux comprendre, à partir de l’analyse de ces jurisprudences, les stratagèmes juridiques employés notamment par Dupin Aîné et Gatine pour conduire aux succès que l’on connaît. Mesdames, Messieurs, Alors que nous commémorions le 10 mai dernier l’abolition de l’esclavage, ce colloque historique prend tout son sens. Je suis certain que les interventions d’aujourd’hui, les débats sans doute nombreux et nourris apporteront l’éclairage attendu sur l’implication de la Cour de cassation dans la défense de la cause des esclaves. Les actes du colloque seront publiés par les Editions Dalloz que je remercie ici. Je tenais également à adresser mes remerciements à l’Association française de l’histoire de la justice, l’année des outre-mer et l’Ordre des Avocats aux conseils sans le concours desquels ce beau colloque n’aurait sans doute pas pu voir le jour. Vous aurez sans doute remarqué que ce colloque se déroulera sous l’œil de Napoléon Ier - ici représenté à l’angle droit de la Grand’Chambre - et dont je n’aurai pas à rappeler l’implication dans l’adoption de la loi de rétablissement de floréal an X il y a un peu plus de 200 ans. Mais s’il est attentif, ce regard est avant tout immobile, figé dans son histoire. C’est donc je le crois le dernier de ces paradoxes qui ont trop longtemps marqué l’histoire sombre de l’esclavage.
D.R.
2012-375
6
Pierre Lequiller, Michel Jau et Alexandre Joly Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
Entretien
Christian Charrière-Bournazel
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Paris - 31 mai 2012
- Nous formulerons également des propositions en matière de procédure pénale dont la réforme a été si longtemps annoncée et jamais entreprise afin que soft enfin mises a égalité la défense et l'accusation dans un respect scrupuleux des droits de chacun. - Enfin, nous devons rayonner vis-à-vis des pays de la francophonie en multipliant l'accueil des stagiaires qui le désirent et en leur facilitant leur séjour pour ceux d’entre eux qui viennent de pays économiquement moins prospères. De même, nous sommes en relation avec plusieurs pays amis désireux que nous organisions pour eux et leurs jeunes avocats des rencontres afin d'aider a leur formation, notamment en déontologie. Au sein de l'Europe, nous devons continuer à promouvoir une conception unique de la formation à la profession d'avocat, indépendante, exerçant elle-même la discipline et échappant au dogme de la libre concurrence et du marché dont les conséquences risqueraient de transformer les avocats en simples marchands de droit. J.-R. T. : A la suite des multiples réformes votées par le parlement durant les cinq années écoulées, quelles ont été les avancées majeures du droit ? C. C.-B. : La plus importante, de loin, est
Christian Charrière-Bournazel Jean-René Tancrède : Quelles sont les principales actions que vous entendez mener au cours de votre mandat ? Christian Charrière-Bournazel : Permettez-moi
d'abord de vous rappeler que le CNB est un parlement qui élit non seulement son président mais aussi les membres de son bureau et les présidents des commissions. Le président du CNB n'a pas pour fonction de décider seul, mais d'être le porte-parole du CNB, c'est-à-dire le représentant de la profession tout entière. Bien sûr, il appartient au président, en harmonie avec son bureau, d'impulser des réformes et de définir des orientations sur lesquelles travaillent les commissions pour présenter ensuite une résolution ou un projet soumis au vote de l'assemblée générale. Nous avons d'ores et déjà défini un certain nombre de sujets qui nous paraissent importants : - l'amélioration de la représentation des avocats au sein d'une institution nationale réformée pour la rendre plus représentative et plus efficace ; - un travail sur la formation initiale des avocats pour la rendre à la fois plus courte et recentrée sur l'essentiel : la déontologie, les relations avec les clients, les adversaires, les partenaires et les
magistrats ; la gestion d'un cabinet ; la pratique de l'écrit et l'apprentissage de l'oral, qu'il s'agisse de négocier ou de plaider, etc. On doit également y enseigner le maniement des procédures. En revanche, on doit s'interdire de mimer l'université : l'enseignement du droit lui appartient et ce n'est pas le rôle des écoles d'avocats. - le CNB travaillera également à l'ouverture aux nouveaux métiers du droit, l'avocat étant, par définition, plus légitime que tout autre juriste, partout où le droit est en cause, puisqu'il s'y applique en respectant une déontologie exigeante ; - une grande réforme de la procédure disciplinaire s'impose pour la rendre plus transparente, tout en permettant au plaignant d'y avoir légitimement sa place ; elle est à l'étude de la Commission règles et usages. - Nous veillons avec détermination au respect du secret de l'avocat qui n'est ni un privilège ni un pavillon de complaisance comme j'ai eu souvent l'occasion de le dire au moment de mon combat contre la troisième directive antiblanchiment, mais le droit pour toute personne en démocratie de pouvoir s'adresser à un confident nécessaire qui ne la trahira pas.
l'instauration de la question prioritaire de constitutionnalité. La France était en retard par rapport à plusieurs de ses voisins européens. Cette réforme permet, même lorsque la loi n'a pas été censurée par le Conseil constitutionnel avant sa promulgation, de la faire déclarer contraire à la Constitution, si les circonstances ont changé, soit parce que le personnel chargé de l'appliquer n'a pas la même formation que celui prévu à l'origine, soit parce que d'autres textes de loi survenus depuis en modifient la portée. II faut saluer l'initiative prise par le pouvoir politique qui a instauré cette réforme au cours du précédent quinquennat. La réforme de la garde à vue, imposée au parlement plutôt qu'il ne l'a décidée, a été une avancée importante. La France, là encore, était très en retard par rapport à l'Angleterre, à l'Allemagne, à l'Espagne ou à Italie. Elle était même en retard par rapport à la Turquie qui avait modifié sa législation en ce domaine après des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme du 27 novembre 2008 et du 13 octobre 2009 (Salduz et Dayanan). Un progrès demeure à faire pour lequel je compte sur la Commissaire européenne, Mme Viviane Reding. Nous proposerons que soit intégré à une directive et voté par notre nouveau parlement un texte de loi rédigé comme suit : « Toute personne amenée à se rendre auprès des autorités de police, de gendarmerie ou des représentants du ministère public a la faculté de se faire accompagner par un avocat ».
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
7
Entretien Quant à la faculté de renoncer à la présence de l'avocat, elle devra être formulée, au seuil de la garde à vue, en présence d'un avocat pour qu'il n'y ait pas de doute sur la sincérité de cette renonciation. La précédente législature est celle qui a adopté les peines planchers, la rétention de sûreté, l'aggravation des mesures concernant les mineurs et l'instauration des jurés en correctionnelle. Ces réformes, qui n'ont été accompagnées d'aucune amélioration de la condition pénitentiaire, sont à mettre au passif du législateur des cinq dernières années. J.-R. T. : Les barreaux de province rencontrent de graves difficultés dans le fonctionnement du RPVA mis en place. La responsabilité civile au Conseil National des Barreaux pourrait-elle être engagée ? Celle-ci pourrait-elle s'aggraver avec l'application de la procédure d'appel devant la Cour ? Comment entendez-vous y remédier ? C. C.-B. : Je ne puis être d'accord avec votre façon
de poser la question. Dès ma prise de fonction, j'ai fait procéder à un audit et la Commission des nouvelles technologies a été confiée à Me Clarisse Berrebi, membre de l'ACE, dont la compétence n'est pas discutée. En réalité, les difficultés rencontrées par le RPVA sont d'ordre très divers : le plus grand nombre tient à l'inadéquation des configurations informatiques des confrères dont beaucoup doivent se mettre à niveau avec le concours de leur informaticien personnel. Ensuite, d'autres difficultés tiennent à des erreurs sur les adresses transmises par les avocats eux-mêmes ou par les barreaux à l'UNCA de qui nous les recevons. Enfin, l'harmonisation n'est pas toujours parfaite entre les juridictions et les barreaux. En tout état de cause, c'est un souci primordial du Conseil National des Barreaux. J.-R. T. : N'estimez-vous pas que les parties demanderesses devant les Conseils de Prud'hommes devraient être dispensées du droit de timbre de 35 € ? C. C.-B. : Oui bien sûr. Mais en réalité, aucun
plaideur ne devrait être tenu d'acquitter ce timbre. L'accès à la justice constitue un droit fondamental aussi impérieux que le droit à la santé. Une société sans justice serait une jungle où la loi du plus fort l'emporterait sur les droits du faible. Evidemment la justice a un coût : il faut entretenir les maisons de justice, payer leur personnel, rémunérer les juges et les avocats. Une justice sans avocat est aussi inconcevable qu'une justice sans juge et l’un et l'autre doivent pouvoir vivre de leur métier. L'Etat prend en charge la rémunération des magistrats et des personnels de justice. Chaque partie qui veut être aidée par un avocat rémunère son avocat à charge, pour celui qui a entrepris un mauvais procès ou abusé de la justice, de payer ce qu'il en a coûté à l'autre pour se défendre. L’accès à la justice suppose qu'il y ait des tribunaux et des magistrats en nombre suffisant. Cela implique également que ceux qui n'ont pas les moyens de rémunérer à son prix l'avocat, puissent recourir à ses services sans qu'il leur en coûte. Nous allons promouvoir auprès du nouveau ministre de la Justice la réforme dont je ne suis pas le seul inventeur et que j'avais proposée
8
pendant mon bâtonnat au Conseiller à la Cour des comptes et au Conseiller d’Etat qui étaient venus m'interroger. L'Etat qui abondait autrefois le budget de l'aide juridictionnelle a hauteur de 300 millions d'euros (contre 2 milliards 400 millions de livres en Angleterre) n'en paie en réalité que 240 à 250 millions par an et se dit incapable de fournir un sou de plus. La protection juridique ne fonctionne pas en tant que telle. Simplement, il existe des clauses « défense et recours » dans les contrats d'assurance de toute sorte qui prétendent fournir à l'assuré l'assistance d'un avocat en cas de litige. Les assureurs rémunèrent très faiblement les avocats tout en se plaignant qu’ils soient intéressés. Mais ils gagnent tout de même 700 millions d'euros par an grâce à la protection juridique. Ce n'est pas de leur côté que nous devons attendre la solution. Voici notre proposition : il existe, dans le domaine du droit, deux sortes d'activités. L'une est une activité en creux, si je puis dire, et somme toute déceptive : c'est le procès qu'on est obligé de subir ou d'intenter. L'autre activité juridique c'est la convention, l'échange, source d'un progrès, d'une entreprise et, pour beaucoup, d'un enrichissement. II suffit de percevoir à l'occasion de la signature de toute convention soumise à publicité ou à enregistrement (ventes immobilières, cessions de fonds de commerce ou d'éléments d'actif, conclusion ou renouvellement de baux commerciaux, constitution de sociétés ou cession de droits sociaux, contrat de licence de marques ou de brevets publié à l'INPI), comme sur tous les contrats d'assurance-vie et tous les contrats de prêt auprès d'une banque pour l'acquisition d'un bien immobilier ou d'une entreprise - une contribution aidejuridictionnelle du montant du timbre, aujourd'hui imposé dans le cadre des procédures, et l'on abondera le budget dans des proportions importantes. Ce sera indolore pour celui qui paye au moment où il s'engage dans une opération contractuelle onéreuse et profitable. Et ce sera juste puisqu'il bénéficiera éventuellement plus tard, lorsqu'il lui faudra plaider sur la convention et qu'il n'aura plus les moyens de payer un avocat, de l'aidejuridictionnelle. C'est une sorte de mutualisation du risque beaucoup plus rationnelle que le système actuel qui fait payer, au moment d'accéder à la justice, celui qui a besoin du juge contre le principe même du libre accès à la justice. Je vous signale au passage que le parti socialiste dans la législature qui s'achève avait déposé une proposition de loi en ce sens qui n'a pas eu de suite. Je compte beaucoup sur la nouvelle majorité. J.-R. T. : Peut-on imaginer que le Conseil constitutionnel invalide le récent décret du ministère de la Justice reconnaissant aux parlementaires de la faculté d'accéder à la profession d'avocat alors qu'ils ne sont pas titulaires du diplôme ? C. C.-B. : Nous avons entrepris, le CNB en tête,
un recours contre le décret dit « décret passerelle ». Ce décret est, en effet, d'une grande imprécision dans sa rédaction : au lieu de dire qu'il permet aux sénateurs, aux députés ou aux membres du gouvernement d'accéder à la profession d'avocat, il parle de personnes « ayant exercé des
responsabilités publiques » ; au lieu de rappeler que ce nouvel article 97-1 s'appliquerait à des personnes ayant au moins le niveau de maîtrise en droit ou d'un diplôme équivalent comme le prévoit l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, il se borne à caractériser ces candidats sous la formule vague : « ayant participé effectivement à l'élaboration de la loi ». J'ai eu l'occasion de le dire à maintes reprises: un avocat très naturellement s'investit dans la vie de la cité, comme élu local ou parlementaire. C'est le prolongement de cette mission de juriste engagé au service de ses contemporains. L'article LO 149 de la loi organique de 1959, énonce les incompatibilités qui s'imposent à l'avocat devenu parlementaire : il ne plaide ni pour ni contre l'Etat, ni en matière de fraude fiscale, ni pour ou contre des sociétés nationalisées, ni en diffamation publique en correctionnelle, notamment. Il est fréquent que l'avocat occupe le domaine social et politique au-delà de la salle d'audience. Le chemin inverse requiert une certaine exigence, s'agissant de personnes, certes tout à fait honorables, qui n'ont pas choisi à l'origine le métier d'avocat et qui, venant de l'espace public, veulent rejoindre le champ du conseil ou de la défense. Nous n'avons aucune prévention contre ceux qui veulent devenir avocat après avoir connu une autre carrière mais a trois conditions : 1. Ils doivent justifier d'une compétence juridique sanctionnée par un ou des diplômes au moins équivalents à la maitrise en droit. 2. Leur cursus personnel ne doit pas s'être éloigné de la pratique du droit, faute de quoi leur diplôme, des années après, ne serait qu'un chiffon de papier. 3. Ils doivent accepter de se soumettre à une formation en déontologie préalable à leur prestation de serment, afin de prendre l'exacte conscience de l'identité de l'avocat qu'ils deviennent et des devoirs qui s'imposent a lui. Les ordres, maîtres de leur tableau, sous le contrôle de la Cour d'Appel, apprécient souverainement si le postulant est doté des qualités nécessaires. Reste la question du carnet d'adresses et du rôle que jouerait ce nouvel avocat en raison de son passé de parlementaire ou d'homme politique. II faut distinguer plusieurs situations. Le parlementaire devenu avocat alors qu'il n'est plus parlementaire au moment où il s'inscrit au barreau n'a que son carnet d'adresses. Que pèset-il ? Surtout, c'est faire injure aux magistrats français que d'imaginer qu'ils sont sensibles à une influence quelconque. Je parle des magistrats qui jugent et dont je tiens à saluer l'indépendance. Si ce nouvel avocat exerce dans le domaine du conseil ou de la négociation, que doit-on redouter ? Il existe maints avocats dont le carnet d'adresses est autrement plus fourni que celui de bien des parlementaires. Tant mieux pour eux s'ils sont utiles à leurs clients, des lors qu'ils ne pratiquent ni la corruption ni le trafic d'influence. Si tel était le cas, ils seraient immédiatement traduits en conseil de discipline et radiés. Reste la deuxième catégorie : celle des parlementaires devenant avocat tout en continuant à exercer leur mandat. Il n’est pas possible de le leur interdire sous peine de porter atteinte à l'égalité qui doit exister entre eux et les avocats devenus parlementaires qui
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
Entretien continuent à exercer sous réserve des incompatibilités que j'ai énoncées tout à l'heure. On pourrait imaginer qu'un nouvel article de loi dispose que le parlementaire avocat (ou l'avocat parlementaire) s'interdit de susciter, de soutenir ou de voter un texte de loi de nature à favoriser l'un de ses clients ou l'un des clients du cabinet où il exerce. Ce serait un article de plus dans la loi organique LO 149 ou dans la loi du 31 décembre 1971. Voilà comment la question doit être traitée de bonne foi. J.-R. T. : Pensez-vous qu'une réforme des conditions d'élection au CNB serait souhaitable pour assurer une meilleure représentation nationale de la profession d'avocat ? Les trois institutions : Conseil National des Barreaux, Conférence des Bâtonniers et Ordre des Avocats de Paris, sont-elles à l'unisson ? En d'autres termes, parlent-elles toujours de la même voix ? C. C.-B. : Nous avons ouvert un débat au CNB
lors de l'assemblée générale du début du mois de mai sur cette question. Ce débat s'est présenté comme un forum au cours duquel chacune des composantes de l'assemblée (collège ordinal Province, collège ordinal Paris, syndicats, associations, listes indépendantes) a eu la parole 10 à 12 minutes pour exprimer son choix sur les six grandes questions suivantes : organisation de la profession au plan local ; au plan régional ; réforme du scrutin (liste nationale ou maintien des divisions actuelles entre Province et Paris) ; maintien des corps électoraux divisés ou au contraire unification des collèges électoraux pour faire élire par l'ensemble des avocats les membres de toutes les listes, en ce compris les ordinaux ; élection du président au suffrage universel ou par l'assemblée ; quel régime juridique pour tes organes techniques (UNCA, ANAAFA, etc.) ? Une rédaction a été entreprise de l'intégralité des débats qui ont eu lieu dont nous tirerons les conclusions aux assemblées d'avant l'été pour parvenir à un projet de réforme et à un vote d'assemblée générale en septembre ou octobre prochain au plus tard. Les choses ne se feront pas en un jour. Mais elles se feront et, sur ce plan-là, quelles que soient les différentes sensibilités qui s'expriment, et leurs légitimes différences, ce sera un vote à la majorité qui décidera du projet que nous proposerons à la Chancellerie. J.-R. T. : Etes-vous partisan de la création du statut de salarié dans l'entreprise ? Le secret professionnel ne serait-il pas menacé ? Il semble déjà l'être par les avocats de culture anglo-saxonne ? Que pensez-vous du rapport Prada ? C. C.-B. : Voilà une série de questions tout à fait
passionnantes et importantes. Quand j'ai créé la première relation entre la conférence du stage du Barreau de Paris et le jeune barreau américain en 1975, il y avait 13 000 avocats en France et 40 000 jeunes avocats américains de moins de 40 ans. Au congrès de la jeune section de l'American Bar Association à Atlanta en 1976, j'avais découvert que l'avocat américain pouvait exercer en entreprise. Les cartes de visite qu'il remettait portaient le logo et la marque de la société qui l'employait. Je pense notamment à l'un de mes amis de l'époque, avocat salarié de Texaco qui avait 250 juristes sous ses ordres !
J'ai connu le Canada à la même époque et j'y ai fait le même constat. Comme vous le savez le solicitor britannique peut être le représentant légal d'une société. Il en va de même pour l'espagnol. En France même, il est fréquent que le directeur des affaires juridiques et contentieuses d'une grande entreprise soit un ancien avocat. J'ai eu ainsi l'occasion de retrouver un confrère de ma génération. Nous avions été avocats ensemble. Puis il était devenu le juriste d'un très grand groupe en même temps qu'il siégeait comme juge au tribunal de commerce ! Et sous prétexte qu'il était avocat, il ne s'est jamais passé de l'assistance d'anciens confrères à lui, soit pour plaider pour l'entreprise, soit pour l'assister à l'occasion de négociations. Je parle à titre personnel bien sûr, car cette question fait l'objet de débats très rudes au sein du barreau français. Mais il faut se garder des positions dogmatiques inspirées par des fantasmes. Le fait que demain un avocat soit
d'avocats saisit en premier ressort comme juge du conflit du travail, le bâtonnier. On ne peut imposer cette solution aux entreprises. Mais l'on peut imaginer une juridiction mixte composée de représentants du MEDEF et de représentants du bâtonnier pour trancher les conflits du travail. On peut aussi imaginer une saisine du bâtonnier par voie de question préjudicielle s'il se pose une difficulté d'ordre déontologique qui ne peut être traitée que dans la confidence partagée, un peu à la manière de l'expertise médicale ordonnée par un juge et qui permet à un médecin de dire à son confrère désigné comme expert tout ce qu'il n'a pas le droit de dire à d'autres. Bien des questions seraient à régler : la faculté laissée ou, au contraire, l'interdiction faite à l'avocat salarié de plaider pour l'entreprise, alors qu'aujourd'hui le juriste salarié a le droit de représenter l'entreprise au Tribunal de Commerce ou devant le Conseil de
“
L'avocat n'a rien à cacher à son client : le secret est fait pour sa protection exclusive. On confond souvent deux ordres de choses : j'ai le devoir de faire lire à mon client la lettre que j'ai reçue de l'avocat de la partie adverse. En revanche, au titre de la confidentialité, je n'ai pas le droit de lui en remettre la copie, sauf s'il s'agit d'une lettre officielle. De ce point de vue, nous devons tenir à nos règles, sans craindre les anglo-saxons.
”
Christian Charrière-Bournazel
salarié d'une entreprise ne l'empêchera pas de s'adresser à des confrères extérieurs : au contraire, cet avocat extérieur garantira en quelque sorte sa responsabilité aux yeux de son employeur et fortifiera son indépendance intellectuelle. En outre, les TPE ou les PME, même d'une certaine importance, n'engageront pas un avocat en tant que salarié avec toutes les conséquences pécuniaires lourdes que cela pourrait entraîner. Elles préféreront toujours s'adresser à lui, à l'occasion, comme à tout prestataire extérieur. J'invite d'ailleurs mes confrères à aller sur internet pour consulter le document canadien qui aborde de manière concrète, question après question, avec ce réalisme qui fait la force des gens qui avancent, la question de l'avocat dans ses rapports avec les membres de l'entreprise, depuis le chief manager jusqu'à la secrétaire du service, en passant par les associés minoritaires ou majoritaires. Nul plus que les Canadiens n'est sensible à la protection du secret. Reste que le rapport Prada pose des problèmes. Il imagine en effet un secret professionnel au rabais, ce qui est inconcevable à mes yeux. S'il devait exister un avocat salarié dans l'entreprise, son bureau serait un sanctuaire : il ne pourrait y avoir de perquisition qu'en présence du bâtonnier ou de son représentant et à la seule diligence d'un juge d'instruction. La procédure serait la même que pour les perquisitions dans un cabinet d'avocats. En second lieu, l'avocat licencié par l'entreprise ne serait pas justiciable de la section encadrement du Conseil de Prud'hommes. Aujourd'hui, l'avocat salarié d'un cabinet
Prud'hommes ; le devoir de vigilance et de déclaration de soupçon auprès du bâtonnier dans le cadre de la directive anti-blanchiment transposée en 2010 en droit français ; l’inscription au tableau de l'Ordre et les cotisations y afférentes ; etc. Toutes ces questions doivent être abordées par la profession qui, si elle se contente de répondre par des apophtegmes, risquera de se voir imposer une réforme qu'elle n'aura pas maîtrisée. Que la profession dise à la fin oui ou non, elle ne sera recevable à s'exprimer que si elle a regardé de très près la question dans tous ses aspects concrets. Le problème du secret pour un avocat en entreprise doit être réglé, ai-je dit, comme pour les avocats libéraux ou salaries d'un cabinet d'avocats dans le rapport avec la justice. De même, vis-à-vis des tiers. En revanche, le secret de l'avocat, contrairement à certaines erreurs communes, n'est pas opposable à son supérieur, chef de l'entreprise ou mandataire social, puisque c'est précisément son client. L'avocat n'a rien à cacher à son client : le secret est fait pour sa protection exclusive. On confond souvent deux ordres de choses : j'ai le devoir de faire lire à mon client la lettre que j'ai reçue de l'avocat de la partie adverse. En revanche, au titre de la confidentialité, je n'ai pas le droit de lui en remettre la copie, sauf s'il s'agit d'une lettre officielle. De ce point de vue, nous devons tenir à nos règles, sans craindre les Anglo-saxons. Leur relation avec le secret n'est pas la même que la nôtre. Je ne dis ni qu'elle est pire, ni qu'elle est meilleure ; c'est une autre culture dont nous reparlerons un autre jour si vous le voulez bien.
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
9
Entretien J.-R. T. : Que pensez-vous des projets d'aggravation de la procédure pénale et des peines en matière d’actes de terrorisme. L’arsenal actuel de répression n’y suffit-il pas ? Parmi les réponses à espérer ou à corriger, êtes-vous oui ou non partisan d'une réforme du statut du Parquet ? Etes-vous pour le maintien des jurés-citoyens devant les tribunaux correctionnels ? C. C.-B. : La législature qui s'achève a émis une
série de lois que je n'ai pas manqué de critiquer et je n'étais pas le seul. Cela avait commencé avant elle il est vrai, avec l'allongement de la garde à vue à six jours en matière de terrorisme par une loi de 2004 retardant la venue de l'avocat jusqu'à la 72ème heure et même la 96ème en matière de terrorisme. Les peines planchers, la rétention de sûreté et la réforme du droit des mineurs m'avaient conduit à publier, en janvier 2011 un petit essai, « La rage sécuritaire », que j'avais adressé à tous les bâtonniers de France. Alors que le Gouvernement et le Parlement n'avaient pour toute réponse que celle de l'enfermement, le plus 1ongtemps possible, y compris pour les enfants, nos prisons continuent à faire honte aux pays civilisés tant elles sont des pourrissoirs où la naissance ou la renaissance à l'humain relève du miracle. Georges Bernanos écrivait, au lendemain de la
guerre de 14-18 : « Tous les vingt ans, les jeunesses du monde posent une question à laquelle les vieux ne savent pas répondre. Faute de répondre, ils mobilisent ! ». C'est une phrase admirable qui peut être transposée exactement à notre société actuelle : faute de réponse aux angoisses de la jeunesse et notamment à cette part de la jeunesse que l'on n'éduque pas, que l'on n'intègre pas, à qui l'on ne donne pas de travail, on l'incarcère. Je ne veux pas faire d'angélisme. Mais nous savons très bien que les désordres pénaux sont liés principalement à la misère culturelle, financière et sociale. Vous me parlez de la réforme du statut du Parquet. Elle est nécessaire en raison de l'ambiguïté actuelle. En effet, un vieux dicton énonce : « Si la plume est serve, la parole est libre ». Le Parquet qui dépend de l'exécutif, reçoit naturellement des instructions. Mais il a le droit de dire, après avoir requis ce qu'on lui demande, que s'il a reçu une instruction, il est d'un avis contraire. Personne ne le fait jamais. Du moins, ne l'ai-je jamais entendu en près de quarante de vie professionnelle. Pire ! Quand on demande à un parquetier s'il a reçu une instruction, sa bouche est muette et sa porte se ferme. J'en ai des exemples précis. D'un côté, il est naturel que l'Etat puisse être représenté en justice par un magistrat qui porte
sa parole. Il est souhaitable qu'il y ait une politique pénale unifiée pour l'ensemble du territoire et non pas laissée à la discrétion de chaque procureur général selon son propre système de valeurs ou de priorités. Mais il faut redonner au procureur la liberté de parole. Son devoir le conduira à agir ou requérir comme on lui demande tout en indiquant qu'on le lui a demandé, les instructions devant être publiques. Il aura ensuite la faculté de dire qu'il pense différemment de l'ordre reçu. Pour ce faire, il faut que la carrière des parquetiers, leur avancement, leurs décorations ne dépendent pas de l'exécutif et qu'ils ne soient pas menacés à tout moment d'être mis au placard parce qu'ils auraient déplu. Telle est, à titre personnel, la réforme qui me paraît souhaitable. Elle sera beaucoup plus utile que l'institution des jurés-citoyens qui, en réalité, a consisté à faire entrer les tricoteuses dans les salles d'audiences dans l'espoir de faire aggraver les peines que des magistrats prétendument laxistes n'oseraient plus prononcer. Vous connaissez le débat qui a opposé le Président de la République aux juges. J'espère que ces temps sont définitivement révolus. Propos recueillis par Jean-René Tancrède le 31 mai 2012. 2012-381
Direct
Conseil d’Etat François Séners, nouveau secrétaire général cabinet du Préfet des Yvelines de 1984 à 1986, puis sous-préfet de Saint-Martin et SaintBarthélemy (1986-1989), il a été conseiller technique au cabinet du ministre des Départements et Territoires d’Outre-mer et porte-parole du Gouvernement de 1989 à 1992. Nommé directeur adjoint du cabinet du ministre des Départements et Territoires d’Outre-mer de 1992 à 1993, il est devenu conseiller au tribunal administratif de Nice de 1993 à 1996. Il a ensuite exercé les fonctions de conseiller technique chargé de l’outre-mer au cabinet du Premier ministre (1996-1997) avant d’être nommé maître des requêtes et
d’intégrer la Section du contentieux du Conseil d’Etat où il fut notamment commissaire du Gouvernement de 2001 à 2008. Directeur de cabinet du garde des Sceaux entre 2008 et 2009, puis conseiller du Premier ministre, il a occupé de 2009 à 2011 les fonctions de directeur, adjoint au secrétaire général du Gouvernement. Il a été nommé en 2011 assesseur à la Section du contentieux du Conseil d’Etat jusqu’à sa prise de fonction en tant que secrétaire général du Conseil d’Etat. Source : Communiqué du Conseil d’Etat du 4 juin 2012. 2012-382
D.R.
REPÈRES François Séners rançois Séners, conseiller d’Etat, est nommé secrétaire général du Conseil d’Etat. Il remplace M. Christophe Devys, nommé conseiller social au cabinet du Premier ministre. Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg, François Séners a été nommé souspréfet en Indre-et-Loire à sa sortie de l’ENA en 1983 (promotion « Solidarité »). Directeur du
F 10
LE CONSEIL D’ETAT, JUGE ADMINISTRATIF SUPRÊME ET CONSEILLER DES POUVOIRS PUBLICS e Conseil d’Etat est le juge suprême de l’ordre juridictionnel administratif. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 31 décembre 1987, il exerce, à titre principal, un rôle de juge de cassation des décisions rendues par les cours administratives d’appel et les
L
tribunaux administratifs. Il est également juge de premier ressort pour les actes administratifs les plus importants comme les décrets. Le Conseil d’Etat est le conseiller juridique du Gouvernent pour la préparation des projets de loi, d’ordonnance et des principaux décrets. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, il peut aussi être le conseiller du Parlement pour les propositions de loi. Il traite
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
également les demandes d’avis du Gouvernement sur les questions de droit, réalise des études sur des questions administratives ou relatives aux politiques publiques. Cette mission de conseil s’organise dans le cadre de cinq sections spécialisées (la section de l’intérieur, la section des travaux publics, la section des finances, la section sociale et la section de l’administration) et d’une section généraliste (la section du rapport et des études).
Jurisprudence
Consignation auprès de la Caisse des Dépôts des frais de la vente amiable des immeubles saisis Conseil d’Etat - 31 mai 2012 - ordonnance n° 359300
Par une ordonnance du 31 mai 2012, le Conseil d’Etat rejette la demande du Conseil National des Barreaux, de suspension de l’Ordonnance du 19 décembre 2011 disposant qu’à compter du 1er juin 2012, la consignation du prix et des frais de vente d’immeubles saisis le soit auprès de la seule Caisse des Dépôts et Consignations, supprimant ainsi la liberté de choix du séquestre qui était laissée à la discrétion du créancier.
Le Conseil d’Etat, Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’ article L. 521-1 du Code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’e xécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’é tat de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ; Considérant que, sur le fondement du I de l’article 7 de la loi du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, l’ordonnance du 19 décembre 2011 a adopté la partie législative du Code des procédures civiles d’exécution, qui comprend un article L. 322-4 prévoyant, s’agissant de la vente amiable sur autorisation judiciaire des immeubles saisis, que la consignation du prix et des frais de la vente est faite auprès de la Caisse des dépôts et consignations ; que le Conseil National des Barreaux demande au juge des référés du Conseil d’Etat que soit ordonnée la suspension de l’exécution de l’article 1er de l’ordonnance du 19 décembre 2011, en ce qu’elle a adopté cet article L. 322-4 ; Considérant que l’urgence justifie la suspension de l’exécution d’un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ; Considérant que, pour demander la suspension de l’exécution de l’ordonnance contestée, en ce qu’elle a adopté l’article L. 322-4 du Code des procédures civiles d’exécution, le Conseil National des Barreaux fait valoir que l’entrée en vigueur de l’ordonnance, le 1er juin 2012, aura pour effet de priver les barreaux et les caisses des règlements pécuniaires des avocats de fonds qui étaient jusque-là susceptibles d’y être consignés, avec pour conséquence la perte des intérêts résultant du placement de ces fonds ; qu’il fait, en outre, valoir l’intérêt public qui s’attache au bon fonctionnement de la justice ; Mais considérant que si le Conseil National des Barreaux fait état du montant des fonds séquestrés en 2011 en matière de ventes amiables d’immeubles saisis sur les comptes d’une trentaine de barreaux, il n’apporte aucun élément précis sur le montant des ressources que les barreaux tirent du placement de ces fonds ; qu’il ne résulte ainsi pas des pièces versées au dossier soumis au juge des référés, non plus que des indications données à l’audience, que l’entrée en vigueur du nouvel article L. 322-4 du Code des procédures civiles d’exécution, qui prévoit la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations du prix et des frais de la vente amiable des immeubles saisis, porterait à la situation des barreaux,
ou des caisses des règlements pécuniaires des avocats, une atteinte suffisamment grave et immédiate justifiant que l’exécution de cette disposition soit suspendue dans l’attente qu’il soit statué sur le recours pour excès de pouvoir formé contre l’ordonnance contestée ; que l’intérêt public qui s’attache au bon fonctionnement du service public de la justice n’est pas mis en cause par l’application de la disposition contestée ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du recours pour excès de pouvoir formé par le Conseil National des Barreaux non plus que sur les moyens de légalité soulevés, que les conclusions à fin de suspension ne peuvent qu’être rejetées ; Ordonne : Article 1er : La requête du Conseil National des Barreaux est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Conseil National des Barreaux, au Premier ministre et au garde des Sceaux, ministre de la Justice. 2012-383
NOTE ette ordonnance que nous publions suscite émotion et inquiétude au sein des Ordres. Y avait-il urgence à abroger la liberté de choix du créancier, alors que celle-ci ne générait aucune difficulté ? En revanche, elle est de nature à priver les Ordres de ressources financières, alors que les taux d’intérêts sont si faibles, que les CARPAS
C
éprouvent des difficultés à assurer les obligations leur incombant, notamment dans la gestion des fonds d’aide juridictionnelle. La profession d’avocat peut s’interroger sur les motifs de cette décision de nature à affaiblir les ordres, mais peut probablement profiter à d’autres sans que l’intérêt général ne soit mis en cause.
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
11
Jurisprudence
Annulation d’une sanction pour manquement d’initié Conseil d'Etat - 6ème et 1ère sous-sections réunies - 24 avril 2012 - n° 338786
Le Conseil d’Etat, […] Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre la même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; Considérant qu'aux termes du II de l'article L.621-15 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à la décision attaquée : « La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : / a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l'article L.621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L.613-21 ; / b) Les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l'article L.621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L.613-21 ; / c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l'étranger, s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou s'est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d'une fausse information ou à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l'article L.621-14, dès lors que ces actes concernent un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d'initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou pour lequel une demande d'admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (...) » ; qu'en vertu du III du même article, les sanctions applicables sont, pour les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° du II de l'article L.621-9, l'avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l'interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des activités, éventuellement assortis d'une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c et d du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; Considérant que, par la décision du 18 janvier 2010 contestée par Mme A et M. B, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a infligé à ces derniers, gestionnaires de fonds d'investissement à la société Richelieu Finance, un blâme assorti d'une sanction pécuniaire de 30 000 euros pour avoir utilisé une information privilégiée relative à l'imminence d'une offre publique d'achat sur la société Completel, en achetant massivement et de façon inhabituelle, pour le compte de fonds qu'ils géraient, des titres Completel avant que l'opération ne soit rendue publique ; qu'elle a également décidé que sa décision serait publiée au Bulletin des annonces légales obligatoires ainsi que sur le site internet et dans la revue mensuelle de l'Autorité des marchés financiers ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes ; Considérant qu'aux termes de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF : « Une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un
12
ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés. / Une information est réputée précise si elle fait mention d'un ensemble de circonstances ou d'un événement qui s'est produit ou qui est susceptible de se produire et s'il est possible d'en tirer une conclusion quant à l'effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. / Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu'un investisseur raisonnable serait susceptible d'utiliser comme l'un des fondements de ses décisions d'investissement » ; qu'en vertu des articles 622-1 et 622-2 du même règlement général, toute personne qui détient une information privilégiée en raison de son accès à l'information du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions « doit s'abstenir d'utiliser l'information privilégiée qu'elle détient en acquérant ou en cédant, ou en tentant d'acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés » ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, M. B, gérant de fonds d'investissement travaillant pour la société Richelieu Finance, a été contacté le 20 août 2007 par M. C, employé du département Corporate Finance de HSBC France, qui lui a fait état de ce que HSBC était mandaté pour acquérir des titres d'une société dans laquelle Richelieu Finance détenait une participation et a transmis un projet d'accord de confidentialité ; que bien que, dans la journée du 21 août, M. B lui ait indiqué que Richelieu Finance n'envisageait pas de signer cet accord de confidentialité, M. C lui a, le 22, au plus tard à 12 h 15, indiqué que le projet concernait la société Completel, puis, le 23, au plus tard à 9 h 04, fait mention d'un prix de 35 ou 35,50 euros ; que le 23 au matin, M. B a informé sa supérieure hiérarchique, Mme A, de retour de congés ce jourlà, de la démarche dont il avait été l'objet ; que, d'autre part, M. B, les 22 et le 23 août, et Mme A, les 23 et 29 août, ont procédé à l'acquisition de titres Completel pour le compte des fonds qu'ils géraient ; Considérant qu'à défaut de preuve matérielle à l'encontre d'une personne mentionnée aux articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l'AMF, la détention d'une information privilégiée peut être établie par un faisceau d'indices concordants, desquels il résulte que seule la détention d'une information privilégiée peut expliquer les opérations litigieuses auxquelles la personne mise en cause a procédé, sans que la commission des sanctions de l'AMF n'ait l'obligation d'établir précisément les circonstances dans lesquelles l'information est parvenue jusqu'à la personne qui l'a utilisée ; que dès lors, et alors que le caractère nécessairement secret et volontairement dissimulé des opérations fautives ne permet généralement pas de disposer de preuves directes à l'encontre des personnes mentionnées aux articles 622-1 et 622-2 de ce règlement, la commission des sanctions peut légalement réunir un faisceau d'indices concordants en vue d'établir, à l'égard des personnes poursuivies, un manquement aux dispositions de ces articles du règlement général de l'AMF ; Considérant, d'une part, que la commission des sanctions, après avoir qualifié d'information privilégiée la connaissance de l'imminence d'une offre publique d'achat (OPA) sur la société Completel, a reconnu que M. C n'avait transmis à M. B aucune information sur la préparation d'une
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
Jurisprudence telle offre ; que, cependant, elle a estimé que M. B ne pouvait pas ne pas avoir compris, à partir des seules informations communiquées par M. C, qu'une OPA sur la société Completel était imminente et a considéré que Mme A était, en sa qualité de supérieur hiérarchique, également détentrice de cette information ; qu'il résulte cependant de l'instruction que les seuls éléments portés à la connaissance de M. B par M. C, qui ne constituaient pas en eux-mêmes une information privilégiée et dont la transmission n'avait pas pour objet la révélation implicite d'une telle information, ne permettaient pas à M. B de déduire de façon certaine l'existence d'une OPA imminente ; que, par suite, la preuve matérielle n'était pas apportée, dans les circonstances de l'espèce, que les deux personnes poursuivies détenaient une information privilégiée ; Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les fonds d'investissement de la société Richelieu Finance gérés par M. B et Mme A ont procédé à l'acquisition de titres Completel, selon un rythme régulier, depuis le mois de février 2007, de sorte que la société Richelieu Finance détenait 5% du capital de Completel en juin 2007 ; que M. B et Mme A avaient défini une stratégie d'achat de titres Completel avec un objectif de cours de 43 euros ; que les informations données par M. C sur la volonté d'un acteur du marché d'acheter des titres Completel à un cours de 35 ou 35,50 euros, supérieur à la valeur alors constatée du titre, concordaient avec la stratégie mise en œuvre par M. B à l'égard du titre Completel ; qu'ainsi, les achats de titres Completel effectués par M. B et Mme A entre le 22 et le 30 août 2007 peuvent s'expliquer autrement que par la détention d'une information privilégiée ; que cette détention n'est par suite pas davantage établie par un faisceau d'indices concordants et non équivoques ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la commission des sanctions a estimé que les deux personnes poursuivies détenaient une information privilégiée et que les acquisitions de titres Completel qu'elles avaient effectuées les 22, 23 et 29 août 2007 étaient constitutives d'une utilisation d'information privilégiée ; que M. B et Mme A sont dès lors fondés à demander l'annulation de la décision du 18 janvier 2010, en tant qu'elle a infligé un blâme et une sanction pécuniaire de 30 000 euros à chacun d'entre eux et a ordonné sa
publication ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre à l'Autorité des marchés financiers de supprimer la décision publiée de son site internet et d'y publier la décision du Conseil d'Etat dans les mêmes conditions que celles de la décision annulée ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ; Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B et Mme A, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'Autorité des marchés financiers d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le versement à chacun des requérants d'une somme de 3 000 euros au titre de ces dispositions ; Décide : Article 1er : La décision du 18 janvier 2010 est annulée en tant qu'elle inflige un blâme et une sanction pécuniaire de 30 000 euros à M. B et à Mme A et en tant qu'elle a ordonné sa publication. Article 2 : Il est enjoint à l'Autorité des marchés financiers de supprimer la décision publiée de son site internet et d'y publier la décision du Conseil d'Etat dans les mêmes conditions que celles de la décision annulée. Article 3 : L'Autorité des marchés financiers versera à Mme A et à M. B une somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L.761-1 du Code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté. Article 5 : Les conclusions de l'Autorité des marchés financiers présentées au titre des dispositions de l'article L.761-1 du Code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Nathalie A, à M. Julien B et à l'Autorité des marchés financiers. Président : Philippe Martin - Rapporteur : Raphaël Chambon - Rapporteur public : Xavier de Lesquen - Avocats : SCP Celice, Blancpain, Soltner ; SCP Lyon-Caen, Thiriez. 2012-384
Au fil des pages
De Kerviel à Clearstream L’art de communiquer lors des grands procès par Patricia Chapelotte
l'heure où les affaires s'instruisent de plus en plus souvent devant les médias et avec l'irruption d'internet comme source d'information continue, le recours à des professionnels de la communication chargés d'accompagner les accusés lors de leur procès est fondamental pour protéger leur image. Au-delà d'une nouvelle forme de communication, c'est le procès en tant que tel qui ne se vit plus de la même manière. Parce que l'image et la réputation d'une femme ou d'un homme se doivent d'être préservées quelle que soit l'issue du procès, il faut désormais des professionnels aguerris aux médias et capables de se servir des nouvelles technologies comme d'une « arme ».
A
En prenant appui sur son expérience lors de deux affaires majeures - Kerviel et Clearstream - Patricia Chapelotte, experte en communication de crise, pose les règles de la communication sous contrainte judiciaire, en décrypte les enjeux et propose des techniques de travail inédites. Patricia Chapelotte est l'ancienne conseillère en communication de Dominique Perben, ministre de la Justice, garde des Sceaux. Elle dirige Albera Conseil, une agence de communication, stratégie d'influence et lobbying. Spécialiste de la gestion de crise, elle e accompagné entre autres Jérôme Kerviel et Jean-Louis Gergorin. En 2010, elle crée Génération Femmes d'Influence un club de femmes chefs d'entreprise.
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
160 pages - 19,90 € Editions Eyrolles - www.editions-eyrolles.com
2012-385
13
Direct
Association Re-Créer
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Christian de Baecque, nouveau Président aux deux co-présidents qui ont su asseoir la réputation de l’association Re-Créer dans les deux types d’actions qu’elle s’était fixée : actions institutionnelles auprès des pouvoirs publics dans l’anticipation des difficultés des entreprises et dans le rebond du chef d’entreprise ; travail opérationnel sur le terrain pour apporter un réconfort moral aux chefs d’entreprise ayant connu les affres de difficultés majeures de leur entreprise et les aider à rebondir. Le nouveau président entend poursuivre le double objectif de Re-Créer, et le rayonnement de l’Association selon ces deux axes : 1°) Lever les obstacles au rebond du chef d’entreprise
Christian de Baecque hristian de Baecque, Président Honoraire du Tribunal de Commerce de Paris, a été désigné comme nouveau Président de l’Association Re-Créer par le Conseil d’administration du 6 mars 2012, qui s’est tenu à l’issue de l’Assemblée Générale de l’Association. En effet, les deux co-présidents et co-fondateurs de Re-Créer, association qu’ils ont créée début 2000, Maurice Meyara et Hervé Lecesne, ont souhaité, tout en restant administrateurs, se démettre de leurs fonctions et ont approché Christian de Baecque qu’ils ont proposé au Conseil d’administration, en raison de son expérience professionnelle et judiciaire, et de sa parfaite connaissance de l’environnement économique et financier des entreprises. C’est dans ce contexte que le Conseil d’administration a désigné Monsieur de Baecque, après avoir rendu un hommage mérité
C
Il s’agit, d’une part, de faire évoluer les mentalités, et d’autre part d’obtenir des mesures concrètes, afin de diminuer les difficultés que rencontre un chef d’entreprise lorsqu’il cherche à rebondir après avoir traversé une phase difficile. En effet, trop souvent, en France, l'entrepreneur qui a dû « déposer son bilan » est mis à l'index du monde économique. Non seulement il a rarement le droit à une seconde chance, mais encore beaucoup de dispositions législatives ou réglementaires lui causent un réel préjudice. Citons, par exemple, l’indicateur « dirigeant » de la Banque de France, une
2°) Des ateliers pour offrir un réconfort moral aux chefs d’entreprise en difficultés, et un soutien suivi aux chefs d’entreprise
Un dirigeant d’une entreprise en difficultés, même si il est entouré de conseils techniques fort compétents qui l’aideront à trouver les bonnes solutions, mais qui ne vivent pas comme lui l’épreuve qu’il traverse, vit une véritable solitude. D’autres chefs d’entreprise qui ont vécu ce même traumatisme se réunissent régulièrement au sein d’ateliers pour écouter, échanger et accompagner celui qui doit demander l’ouverture d’une procédure judiciaire, ou qui « vit » une procédure de sauvegarde ou de redressement, ou dont l’entreprise a été mise en liquidation judiciaire. Ensemble, les participants exposent les problèmes qu'ils rencontrent, comparent et discutent des solutions concrètes apportées. La priorité est mise sur le vécu et le réel. Re-Créer veut rendre vrai ce qu’écrivait SaintExupéry : « l’échec fortifie les forts. » Source : Communiqué de l’association Re-Créer, avril 2012 2012-386
REPÈRES
Entreprendre est un métier à risque ! n 1994, Hervé Lecesne, dirigeant d'un groupe de 500 salariés, est contraint à déposer le bilan. Avec Maurice Meyara, expertcomptable, qui l'a accompagné dans ces démarches éprouvantes, il constate qu'aucune structure, aucune aide n'existe pour les chefs d'entreprise en difficulté. Fin 1999, ils décident de fonder l'association Re-Créer.
E
Recevez deux fois par semaine
LES ANNONCES DE LA SEINE 3 formules 95 €uros : Abonnement (bi-hebdomadaire) avec suppléments juridiques et judiciaires (hebdomadaire) et suppléments culturels (mensuel) 35 €uros : Abonnement (bi-hebdomadaire) avec suppléments culturels (mensuel) 15 €uros : Abonnement (bi-hebdomadaire)
Abonnez-vous par téléphone en composant le 01.42.60.36.35. (*)
(*) Règlement à la réception de la facture
14
exception française, qui a pour résultat, en pratique, que le chef d’entreprise se voit condamné sans même avoir été entendu.
12 ans aux côtés des chefs d'entreprise Re-Créer accompagne les futurs créateurs, les repreneurs et les entrepreneurs pour construire ou reconstruire un projet dans la pérennité. Re-Créer est aujourd'hui la seule organisation en France, et l'une des rares en Europe, à proposer une démarche concrète aux dirigeants
qui traversent des difficultés. Re-Créer agit aussi auprès des partenaires de l'entreprise pour favoriser une évolution des mentalités et de la Législation.
Source : www.re-creer.com
Oui, je désire m’abonner et recevoir le journal à l’adresse suivante : Me, M. Mme, Mlle :............................................................. Société : ................................................................................ Rue : ..................................................................................... Code postal :............................ Ville : ................................ Téléphone : ............................. Télécopie : ........................ E-mail : ................................................................................. o Formule à 95 Euros o Formule à 35 Euros o Formule à 15 Euros
o Chèque ci-joint o Mémoire administratif
Ci-joint mon règlement à l’ordre de LES ANNONCES DE LA SEINE 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS Internet : http//:www.annonces-de-la-seine.com E-mail : as@annonces-de-la-seine.com
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
Annonces judiciaires et lĂŠgales
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numĂŠro 35
15
Annonces judiciaires et lĂŠgales
16
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numĂŠro 35
Annonces judiciaires et lĂŠgales
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numĂŠro 35
17
Annonces judiciaires et lĂŠgales
18
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numĂŠro 35
Annonces judiciaires et lĂŠgales
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numĂŠro 35
19
Annonces judiciaires et lĂŠgales
20
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numĂŠro 35
Annonces judiciaires et lĂŠgales
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numĂŠro 35
21
Annonces judiciaires et lĂŠgales
22
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numĂŠro 35
Annonces judiciaires et légales
JRT
SERVICES
Domiciliations commerciales
01 42 60 36 35 jr.tancrede@jrtservices.fr 12, rue Notre-Dame des Victoires 75002 PARIS
R. TANCRÈDE S.A. Toutes formalités légales et démarches administratives
01 42 60 36 35 12, rue Notre-Dame des Victoires 75002 PARIS
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35
23
19 rue Cognacq-Jay - 75007 PARIS Téléphone : 01 44 15 60 00
4620
24
Les Annonces de la Seine - lundi 4 juin 2012 - numéro 35