Edition du lundi 17 juin 2013

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LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 17 juin 2013 - Numéro 37 - 1,15 Euro - 94e année

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Matthieu Chauvet, Clarisse Casanova, Bernard Quesnel et Selim Vallies

Barreau de Bordeaux Séance Solennelle de Rentrée - 14 juin 2013 RENTRÉE SOLENNELLE

Barreau de Bordeaux

L’avocat, défenseur de la Défense par Bernard Quesnel ............................................................................ Le cercle des plaideurs disparus par Selim Vallies................................................................................... De la nécessité de s’indigner encore par Clarisse Casanova .......................................................................... Eloge de la folie par Matthieu Chauvet ......................................................................

2 7 9 11 AGENDA ......................................................................................5 AU FIL DES PAGES

La loi peut-elle dire l'histoire ?

sous la direction de Bertrand Favreau.............................................

La fraude pénale en droit de la sécurité sociale par Renaud Salomon........................................................................

SOCIÉTÉ

Quel avenir pour les retraites ? Continuité et justice par Jean-Marc Ayrault ....................................

VIE DU DROIT

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Ordre des Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de la cassation Revue annuelle Justice & Cassation : « La bonne administration de la justice » ........................................ Association Internationale de Droit Pénal ........................

15 24 ANNONCES LEGALES ...................................................16

e Barreau de Bordeaux a célébré sa Rentrée Solennelle dans le cadre magnifique du Palais de la Bourse érigé le 9 septembre 1749, il revenait au Bâtonnier Bernard Quesnel d’accueillir ses invités ce vendredi 14 juin 2013. Ce fut un grand rassemblement de prestigieuses personnalités issues des mondes politique, juridique, judiciaire, économique et universitaire qui étaient venues assister à la 190ème édition pour écouter de jeunes et talentueux avocats bordelais, lauréats de la Conférence du Stage, prononcer les discours d’usage. Cette année, le premier secrétaire Selim Vallies a discouru sur le thème « Le cercle des plaideurs disparus », quant à Clarisse Casanova et Matthieu Chauvet, deuxièmes secrétaires ex-aequo, ils ont respectivement choisi de plaider sur « La nécessité de s’indigner encore » et sur « L’éloge de la folie ». Nous les félicitons d’entretenir, par leurs exceptionnelles joutes oratoires, une tradition d’excellence orale. Ayant pris ses fonctions le 1er janvier 2012, le Bâtonnier Bernard Quesnel, après avoir rendu hommage à ses consoeurs et confrères disparus, a dressé un bilan provisoire de ses actions à la tête du Barreau bordelais qui compte 1 330 avocats. Il a voulu placer « sa dernière rentrée » sous le signe de la tradition et de la modernité. Après avoir félicité Anne Cadiot-Feidt qui prendra sa place en janvier prochain, il a incité les avocats de France à méditer les leçons du passé à propos de l’aide

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juridictionnelle et de la taxe sur les actes de justice : rappelant l’impôt instauré par Louis XIV pour financer la guerre de 1674 qui provoqua une profonde révolte à Bordeaux dès le 26 mars 1675, et pour laquelle le Roi envoya, à partir du 17 novembre 1675, 18 régiments pour réprimer les « révolutionnaires ». A l’aube du troisième millénaire, il est donc regrettable de constater que l’Etat, dont la justice est une des cinq missions régaliennes, « fait supporter par la profession d’avocat l’accès au système judiciaire des plus démunis ». L’hôte de la Maison de l’Avocat de la rue de Cursol a ensuite clairement posé la question d’une représentation professionnelle forte des avocats en France : « si le Barreau français ne peut sérieusement se concevoir sans le Barreau de Paris, il ne peut non plus se concevoir sans le Barreau de province. Notre gouvernance doit être repensée ». Faute de trouver une « organisation professionnelle efficiente au 21ème siècle, l’avocat que nous connaissons disparaîtra bien plus rapidement que nous le craignions » ; à moins que ne cessent « les guerres picrocholines entre ceux qui prétendent exercer les plus hautes responsabilités au sein de notre profession » a-t-il ajouté. Pour conclure sa brillante allocution, il a exhorté ses confrères à « rester particulièrement vigilants » afin qu’ils puissent « continuer à vivre sur une terre de liberté dans un contexte plus proche du progrès que de la décadence ».

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE


Rentrée solennelle

LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr

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Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05

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Bernard Quesnel

Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Agnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes Administrateurs Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Magistrat honoraire Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Chloé Grenadou, Juriste d’entreprise Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :

L’avocat, défenseur de la Défense par Bernard Quesnel

Didier Chotard Frédéric Bonaventura

(...) Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 14 187 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS

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Copyright 2013 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2012 ; des Yvelines, du 31 décembre 2012 ; des Hauts-deSeine, du 31 décembre 2012 ; de la Seine-Saint-Denis, du 27 décembre 2012 ; du Val-de-Marne, du 27 décembre 2012 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales. - Tarifs hors taxes des publicités à la ligne A) Légales : Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,48 € Yvelines : 5,23 € Hauts-de-Seine : 5,48 € Val-de-Marne : 5,48 € B) Avis divers : 9,75 € C) Avis financiers : 10,85 € D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 € Seine-Saint Denis : 3,82 € Yvelines : 5,23 € Val-de-Marne : 3,82 € - Vente au numéro : 1,15 € - Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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ne tradition désormais séculaire, nous permet de célébrer la 190ème édition de la Rentrée Solennelle du Barreau de Bordeaux, à laquelle est attachée depuis l’origine, la cérémonie destinée à permettre, aux plus talentueux de nos jeunes Confrères, de prononcer les discours d’usage comme étant lauréats de la Conférence du Stage de notre Barreau. C’est à nouveau sous les voûtes du Palais de la Bourse, chef d’œuvre de l’architecture classique, que le Barreau a choisi d’allier tradition vestimentaire et modernité oserai-je dire « musicale », tant il est vrai que nous nous attachons à notre Robe et notre déontologie tout en investissant des branches de plus en plus nombreuses du droit, et qu’évoluent nos exercices professionnels. Je me préparais à me réjouir au crépuscule de l’exercice de ma fonction de Bâtonnier et à saluer l’heureuse initiative du décret du 15 avril 2013 abrogeant le décret du 3 avril 2012 créant l’article 97.1 de notre règlementation permettant l’accès à notre profession aux « personnes justifiant (de) 8 ans au moins d’exercice de responsabilité publique les faisant directement participer à l’élaboration de la loi… ». Ce conditionnel n’était guidé que par de récentes évolutions législatives à l’égard desquelles j’envisageais, au nom de mes Confrères, de stigmatiser le projet de loi sur la transparence de la vie publique, qui avait cru utile d’exclure, dans un premier temps, les avocats qualifiés d’affaire, catégorie juridique inexistante, des mandats parlementaires et qui marquait, à nouveau, la défiance manifestée par l’ensemble de nos représentants à l’égard de notre profession.

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Des évolutions hiératiques et récentes m’amènent cependant aujourd’hui à souhaiter que le répit partiel dont nous bénéficions soit utilisé efficacement afin que l’image des gens de Robe soit perçue à l’aune de leur compétence et de leur déontologie et non à celle de l’ignorance. Notre Barreau, le Vème de l’hexagone, fort de ses 1330 avocats en exercice, a, dans ce contexte délicat, l’honneur et le plaisir de vous accueillir. (…)

Introduction La loi numéro 71-1130 du 31 décembre 1971 dispose en son article 15 alinéa 2 : « Le Conseil de l’Ordre est présidé par un Bâtonnier élu pour 2 ans… ». Ayant pris mes fonctions le 1er janvier 2012, mon mandat va donc s’achever le 31 décembre de cette année. Sans qu’il s’agisse de dresser un inventaire qui rappellerait inévitablement l’un de ceux à la « Prévert », la diversité des fonctions exercées m’amène à tenter d’établir un bilan provisoire de ces dix-huit mois passés dans cette belle Maison de l’Avocat de la rue de Cursol. Encore très sincèrement merci, à vous tous, mes chers Confrères, de m’avoir permis de vivre cette expérience unique d’avoir pu être, tout au long de ces deux années, ce que l’on appelle communément le premier défenseur de la défense. Nous avons fêté l’année passée le 550ème Anniversaire du Barreau de Bordeaux dont la date de naissance est concomitante à celle du Parlement en 1462. Nous fêtons cette année le 190ème Anniversaire de la Conférence du Stage créée par le Bâtonnier Louis Brochon en 1824. Ces dates sont le signe, bien réel, de la vitalité de notre Barreau, alliant traditions et modernité. L’une des plus profondes mutations de notre Ordre ainsi que de notre profession est son extraordinaire rajeunissement. Nous devons donc, non seulement, former nos jeunes en leur

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Rentrée solennelle consacrent une part importante de leur temps et de leur science, et ce, au profit de la collectivité. Tant qu’il existera des femmes et des hommes capables de donner, notre profession pourra prétendre rester debout. Je ne saurai taire que, pour la première fois dans l’histoire du Barreau de Bordeaux, ce dernier sera dirigé par une femme, je devrai dire : « sera enfin dirigé par une femme ». Il est vrai qu’il n’y a guère qu’en France, pays des droits de l’Homme, que notre Barreau et quelques autres qui n’ont peut-être pas encore franchi le cap du XXIème voire du XXème Siècle, s’interrogent. Fort heureusement, tous les oracles ne sont pas des Cassandres, et je crois très utile que certains d’entre nous trouvent le temps de lire enfin le merveilleux ouvrage de Jean-Denis Bredin et Thierry Levy : « Convaincre ». Ils y trouveront la preuve que selon la formule de François Poullain de La Barre : « L’esprit n’a pas de sexe ».

I. La dérive normatrice Depuis plusieurs décennies, le secteur aidé est source de polémiques au sein et à l’extérieur de la profession. A l’instar des médecins qui ne s’occupent que très rarement de l’organisation des coûts de la santé « ce sont marginalement les Avocats qui s’occupent des dépenses d’aide juridictionnelle ». (1) On ne peut être qu’inquiets de constater, que notre profession a cessé de jouer un rôle majeur, comme conseil du politique. Une telle situation nous conduit inexorablement, non vers un consensus de la décision d’Etat, mais vers une réalité hiérarchique qui nous amène à subir la réglementation, au rebours de notre aspiration profonde, qui est d’inscrire la défense des libertés individuelles et publiques de nos concitoyens, dans notre démocratie.

Il nous importe donc de reconquérir pas à pas, en commençant par les niveaux les plus humbles, l’intégralité des sphères décisionnelles, car nos partenaires ont au moins autant besoin de nous, que nous dépendons d’eux, même si aujourd’hui beaucoup l’ignorent ou feignent de l’ignorer. L’hyperbolisme de la France jacobine voudrait nous imposer dans le droit fil de l’arrêt Cesareo de la 3ème Chambre Civile de la Cour de cassation du 7 juillet 2006, une concentration matérielle des moyens. C’est-à-dire dans un langage clair, une présentation normée de nos écritures et probablement à terme, je crains à court terme une réduction drastique de notre temps de plaidoirie. Pour concevables que soient ces points de vue extérieurs aux nôtres, la tendance à la standardisation des prestations marque un recul du concept qualifié par Louis Assier-Andrieu, de « l’économie de la qualité », si chère à notre profession. Cette tendance, qui a pour corollaire la croyance du citoyen devenu consommateur d’un savoir ou d’un accès au savoir équivalent au nôtre, ne peut conduire, qu’à la défiance et au déclin durable de notre profession, dans sa réalité romano-germanique. Le paradoxe est l’émergence de conventions bi ou multilatérale entre l’institution judiciaire et les barreaux où les particularismes locaux prennent le pas sur l’homogénéisation de la procédure et comportent un réel risque d’inégalité à l’égard du corps social.

II. Les leçons de l’Histoire Si « L’Histoire est encore plus rancunière que les Hommes » selon Nicolaï Karamzine, laissez-moi vous conter la révolte du papier timbré qui se déroula en Guyenne en 1675. Pour financer la guerre de 1674, le Roi Louis XIV instaura une taxe sur le papier timbré

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transmettant nos savoirs et notre déontologie mais avant, et surtout, les protéger. Il s’agit là de la tâche première de notre ordinalité et je sais que mes successeurs l’auront à cœur. A défaut, nos jeunes se tourneront vers d’autres horizons et notamment celui des entreprises. Les arrêts Akzo Nobel et Puke n’y changeront rien, notre profession passant alors inexorablement de celle d’opérateur économique à celle d’acteur de la marchandisation du droit. Nous nous devons donc de mener ce combat sans complaisance mais sans ostracisme pour demeurer ce que nous sommes. Nous avons renforcé les liens institutionnels, tant à l’intérieur du Barreau par le développement des instituts, qu’à l’extérieur par de nombreux jumelages et l’extension territoriale d’une CARPA commune regroupant, à présent dans quatre départements, cinq barreaux du Sud-Ouest, qui en font l’une des premières CARPA de France. Je voudrais insister dans mon propos sur la dimension économique, qui n’est pas à confondre avec la notion marchande, que certains voudraient nous voir adopter tout en nous la reprochant par anticipation. Les Avocats sont à la tête d’entreprises civiles plus ou moins importantes ou plus ou moins limitées, dans tous les cas, ils ont droit à la juste rétribution de leur activité professionnelle à laquelle ils n’ont eu accès qu’à la suite d’épreuves particulièrement longues et difficiles. Alors, je doute que la suppression du timbre de 35 euros, remplacé par une contribution sur le chiffre d’affaires des cabinets, destinée, au moins publiquement, à financer le secteur aidé, soit un signal favorable adressé à l’ensemble de notre profession. Je voudrais enfin remercier l’ensemble des membres du Conseil de l’Ordre avec lesquels j’ai eu l’honneur de collaborer en regrettant que nombre de mes Confrères ignorent, le dévouement avec lequel certains d’entre eux,

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Rentrée solennelle

rendue obligatoire pour tous les actes susceptibles d’être utilisés en justice. Cette taxe augmenta le prix des actes pour les particuliers et diminua sensiblement le nombre des affaires pour les professionnels. De ce mécontentement général, découla un soulèvement qui commença à Bordeaux le 26 mars 1675. Malgré l’arrêt du Parlement de Bordeaux du 28 mars de la même année condamnant les attroupements sous peine de mort, la révolte était si profonde qu’un nouvel arrêt de suspension de cette taxe dû être pris. La conclusion de cette révolte fut, après la répression, la présence à Bordeaux, à partir du 17 novembre 1675, de 18 régiments royaux dont dix de cavalerie qui passèrent l’hiver aux frais de la ville. L’exil du Parlement fut consommé pendant quinze années. Il faut savoir méditer les leçons du passé, ainsi, la réforme du 29 juillet 2011 instituant une nouvelle taxe sur les actes de justice destinée à abonder le budget du secteur aidé à l’encontre du principe d’indivisibilité budgétaire, est d’autant moins comprise, que les Avocats doivent en faire usuellement l’avance, mais que dans le même temps, le budget global de l’aide juridictionnelle a diminué de 30 % ces cinq dernières années. L’évolution des modalités budgétaires de cette taxe n’est pas de nature à satisfaire la profession. La conclusion est que l’Etat, dont la justice est l’une des cinq missions régaliennes, fait supporter par notre profession dite encore libérale l’accès au système judiciaire des plus démunis. Il est certain que de tels artifices ne pourront éternellement perdurer. La profession a, depuis longtemps, milité pour que les charges du secteur aidé soient uniformément réparties sur l’ensemble des activités juridiques mais, jusqu’à présent, sans succès. Il en est ainsi de nombre de nos réformes.

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C’est pourquoi, il faudra bien, qu’enfin, la profession soit fortement impliquée dans l’ingénierie sociale qui doit être à l’origine des décisions de l’Etat.

III. L’adolescence est un âge ingrat Comme en écho, nous nous sommes répondu par discours interposés de Bâtonnier à Bâtonnier sur le maillage territorial. En l’état de nos institutions, je vois difficilement comment se passer de la présence d’un Bâtonnier partout où il existe un procureur, c’està-dire partout où il existe un tribunal de grande instance. Ce n’est probablement pas la meilleure organisation à laquelle l’on pourrait songer mais notre présence est indispensable afin d’assurer la libre expression de nos Confrères, tant que notre Barreau Français ne connaitra pas l’unité indispensable à son efficacité. Par les assauts incessants qu’elle subit tant à l’endroit du périmètre de son exercice, que de la limitation de ses prérogatives citoyennes, de son exclusion à la sécurisation juridique des nouveaux champs d’activité dévolus principalement à des acteurs dont la déontologie est inexistante, notre profession se fragilise. Tant bien que mal le Barreau français avait trouvé un équilibre entre l’ordinalité et la représentation directe, entre Paris et la province, entre le conseil et l’art oratoire. Cette belle unité vient récemment d’être profondément déstabilisée. Si l’impatience est l’apanage de la jeunesse, la volonté de pouvoir si bien analysée par Friedrich Nietzsche est universelle. Il ne s’agit pas de proférer quelque leçon de morale que ce soit mais d’inviter chacun des protagonistes à faire preuve de maturité et de retenue car la politique

de la terre brûlée n’a toujours conduit qu’à l’é chec, même les plus grands conquérants, d’Attila à Napoléon Bonaparte. Dans ce contexte professionnel complexe, il appartient aujourd’hui aux plus grands des Barreaux de province représentant 35 % des effectifs de la profession, d’assumer leurs responsabilités. Si le Barreau français ne peut sérieusement se concevoir sans le Barreau de Paris, il ne peut non plus se concevoir sans le Barreau de province. Notre gouvernance doit donc être repensée. Qu’il y ait débat sur l’organe fédérateur et comme souvent sur les détails c’est-à-dire sa dénomination, ne doit pas occulter le fait que depuis plus de vingt ans le Conseil National des Barreaux (CNB) a permis l’union, certes imparfaite, mais bien réelle de la profession. C’est donc à partir des structures existantes qui devront être très profondément remaniées tant à l’égard de leur composition que de leur gouvernance, que notre Barreau doit s’attacher sans relâche. C’est donc à nous Bâtonniers et Amis des Cent qu’il convient d’être l’interface entre Paris et la province en soutenant loyalement le Président de la Conférence des Bâtonniers qui est le représentant politique de l’ensemble des Barreaux de l’hexagone hors Paris, c’est-à-dire la majorité du Barreau Français. Si d’aucuns se posaient la question de l’utilité de la Conférence des Bâtonniers de France et d’Outre-Mer, elle est aujourd’hui évidente et il nous appartient de ne pas ou plus camper sur des postures, pour aborder enfin la question centrale d’une organisation professionnelle efficiente au 21ème siècle, seule garante de la défense des libertés de nos concitoyens. Mon sentiment est que plusieurs siècles doivent très largement suffire, pour passer de l’adolescence à la maturité, et qu’il est donc grand temps, que tous ceux qui prétendent à exercer les plus hautes responsabilités, arrêtent leurs « guerres picrocholines » pour se mettre au

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Rentrée solennelle service de notre profession, faute de quoi l’avocat que nous connaissons disparaitra et ce, bien plus rapidement que nous le craignions.

IV. Les chances d’espérer

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Depuis plusieurs années les Bâtonniers successifs du Barreau de Bordeaux, fort des liens étroits entre notre ville, ses universités et l’univers francophone, disent et redisent encore, l’absolue nécessité d’un soutien fort et sans faille à l’endroit de nos Confrères venant principalement des pays d’Afrique. Nous sommes persuadés que dans l’exercice de notre langue commune, nous ne nous contentons pas d’échanger des phonèmes, mais une véritable culture. Malheureusement cette culture a, pendant des siècles, été celle du colonialisme et donc de l’inégalité. C’est pourquoi je ferai mien les propos d’Henry de Montherlant pour lequel : « Les colonies sont faites pour être perdues ». Notre langue et nos cultures communes constituent le cinquième groupe de locuteurs dans le Monde. Il en était ainsi en 2009, il en est toujours ainsi en 2013. Si sur le podium, le mandarin, l’anglais et l’espagnol semblent inexpugnables, le russe et l’hindi ont joué aux chaises musicales. Sommes-nous pour cela une langue mondiale avec près de 290 millions de locuteurs ou 400 millions suivant l’OIF représentant 75 pays décomptant les francophones réels et les francophones occasionnels ? En fait, je crains que la grande faiblesse de la francophonie soit l’étiquette ou la référence aux vocations impériales passées. Notre société hexagonale multiculturelle et multi-ethnique du moins en apparence, a toujours demandé à ses citoyens une adhésion sans faille à ses valeurs. A ses partenaires notamment linguistiques, elle demande la reconnaissance de leur « part de France » dans leur culture. Il est donc grand temps que nous reconnaissions aussi dans notre langue et notre culture notre « part d’ailleurs » et principalement d’Afrique puisque notre langue

commune est présente sur tous les continents, tant il est vrai que si nous ne nous reconnaissons pas dans les autres, il y a fort à craindre que les autres ne se reconnaissent pas en nous. Cette universalité culturelle doit nous permettre ensemble d’affronter les grands défis futurs. Les courbes démographiques démontrent que dans près de quatre décennies, notre langue sera la troisième de la planète avec plus de 700 millions de locuteurs. Notre langue maternelle, telle que nous la parlons est, sur terre, la langue de la littérature, de la culture et de l’amour. Peut-être devrionsnous appartenir à l’univers symbolique de la pœsyphonie, nous serions des pœsyphones, c’est-à-dire ceux qui parlent la langue des poètes. La poésie n’a pas de sexe, pas de race, pas de religion, elle est donc un vecteur qu’entend notre cœur. Nous nous sentirions non seulement plus proches, plus solidaires mais nous pourrions dans notre langue commune par-delà nos différences, nous les « avocatus », œuvrer plus efficacement encore pour ce qui est l’essence de nos missions.

V. Le retour à la réalité Deux mille treize, pas plus que les années précédentes, n’est une belle année pour les Avocats pratiquant dans des Etats où l’exercice du pouvoir s’accommode mal de la liberté de ton et de parole de nos Confrères. Il avait déjà fallu lutter contre l’incarcération le 27 juillet 2011 du Bâtonnier Isidore Rufykini, Bâtonnier national du Burundi. Le 1er juillet 2012, le Bâtonnier Mohamed Abdellah Aldouma du Barreau du Darfour était arrêté. Le 10 septembre 2012, le Bâtonnier MbuyMbiye Tanayi du Barreau National de la République Démocratique du Congo était menacé d’interdiction d’exercer la profession et de la perte de son mandat de Bâtonnier. Plus fragile et à la fois géographiquement plus proche de nous, le Barreau Turc en la personne du Bâtonnier d’Istanbul Yuel Sayman avait, dès 1999, eu à s’opposer aux pratiques judiciaires d’un autre âge.

Agenda

LE CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX ET LE BARREAU DE CAEN 15ème rendez-vous de Cabourg : La liberté d'expression Colloque le 22 Juin 2013 Grand hôtel de Cabourg Promenade Marcel Proust 14390 CABOURG Renseignements : 02 31 86 39 39 barreau@caen-avocats.net

2013-450

BUREAU INTERNATIONAL CATHOLIQUE DE L’ENFANCE Justice juvénile : Quelle approche socio-éducative ? Congrès le 26 Juin 2013 Centre de conférences Ministère des Affaires Etrangères et Européennes 27, rue de la Convention 75015 PARIS Renseignements : 01 53 35 01 00 congres2013@bice.org

2013-451

L’UNIVERSITÉ DE ROUEN, L’UNIVERSITÉ DE HANOVRE L’UNIVERSITÉ FRANCO-ALLEMANDE DE SARREBRUCK Le Traité de l’Elysée, Le socle d’une coopération exemplaire 50 ans après Colloque les 27 et 28 juin 2013 Faculté de droit 3, avenue Pasteur 76000 ROUEN Renseignements : 02 32 76 98 82 sylvia.calmes@univ-rouen.fr

2013-452

BARREAU DU VAL-DE-MARNE Les Indispensables Ateliers et Conférences du 1er au 5 juillet 2013 Palais de justice 17-19, rue Pasteur Valléry-Radot 94110 CRETEIL Renseignements : 01 45 17 06 09 l.barbier@ordre94.fr 2013-453

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Campus 2013 « 2013, Année de la Médiation : trois jours de médiation en continu...» Les 9, 10 et 11 juillet 2013 Maison de l'UNESCO 125 avenue de Suffren 75007 PARIS Renseignements : 01 47 55 54 50 contact@avocatcampus.org 2013-454

Les Annonces de la Seine - lundi 17 juin 2013 - numéro 37

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Rentrée solennelle

Le 31 janvier 2013, le nouveau Bâtonnier d’Istanbul, Umit Kocasakal fut inculpé de tentative d’entrave au déroulement d’une procédure judiciaire et a dû subir une première audience pénale le 17 mai dernier, renvoyée au 10 octobre prochain. Cette liste n’est malheureusement pas limitative et partout dans le Monde, des Avocats et leurs représentants sont assassinés, emprisonnés, persécutés parce qu’ils exercent leur mission et que leur ordinalité les défend. De nombreux barreaux se mobilisent ce qui démontre que quand la profession est unie, rien ne lui est impossible. Deux mille treize n’est pas non plus, sur un autre registre, une belle année pour les Avocats français. 1- Le projet de loi sur la transparence prévoyait, dans un premier temps, l’interdiction du cumul des fonctions de parlementaire et d’avocat.

Devant le tollé provoqué par cet ostracisme discriminatoire, nos législateurs ont beaucoup « œuvré » pour faire évoluer ce projet vers une simple incompatibilité, entre les mandats de députés ou de sénateurs avec la seule fonction de « conseil ». Le Conseil National des Barreaux avait jugé cette prétendue notion juridique floue et inconstitutionnelle. Elle était surtout très mal venue. Elle aurait permis tout d’abord pour les plus habiles sous le couvert d’une locution volontairement imprécise de contourner le futur texte. Elle l’était surtout, parce qu’elle marquait une défiance signifiante du pouvoir à l’endroit des gens de Robe par ignorance des règles régissant notre profession règlementée. Le Président du Conseil National des Barreaux, Monsieur le Bâtonnier Christian CharriereBournazel, avait à cet égard écrit un très bel éditorial le 28 mai dernier. Je craignais que ce texte ne soit adopté, restant pour nous, Avocats de base, un texte attentatoire à nos libertés fondamentales dont celle de représenter le peuple souverain. Par le miracle de navettes discrètes tout autant qu’efficaces, la Commission des Lois de

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l’Assemblée Nationale a supprimé cette incompatibilité parlementaire, tout en la maintenant cependant, avec l’exercice des fonctions au Conseil Constitutionnel. Le pire, c’est-à-dire la rupture, a été de justesse évitée. Ne nous réjouissons cependant pas trop vite, les séances parlementaires relatives à la loi de transparence de la vie publique s’échelonnant du 17 au 21 juin prochain, peuvent réserver bien des surprises. C’est pourquoi les Avocats garderont en mémoire que la France, pays des Droits de l’Homme, a sérieusement envisagé d’être le seul pays démocratique à interdire à un avocat en exercice d’être membre du Parlement. Comme il faut parfois être désagréable pour être compris, j’inviterai Monsieur le coprésident du groupe des Députés EELV à plus de retenue et à se souvenir que l’honneur de la révolution française a été portée par les Girondins des Avocats, Guadet, Gensonnet, Vergniaud et Grangeneuve, et que même si certains par provocation s’en réfèrent à Robespierre, ce dernier également était un membre de notre confrérie Je ne ferai pas l’affront à cette assemblée de reprendre mon précédent discours mais s’il est une profession qui a donné à la République ses libertés les plus emblématiques, c’est très certainement la nôtre. 2 - Plus récemment encore, le projet de loi présenté en Conseil des Ministres le 2 mai 2013 créant l’action de groupe à la française exclut la profession d’avocat de son champ d’application.

Au prétexte d’éviter je cite « des effets pervers à l’américaine », cette action a été réservée à 16 associations de consommateurs agréées. Sans qu’il s’agisse d’une remise en cause du rôle fondamental du secteur associatif, cette exclusion, au-delà de la surprise, est totalement inacceptable pour reprendre les termes utilisés par Madame Christiane Feral-Schuhl, Bâtonnier de Paris. Là encore, nos élus se livrent, peut-être involontairement, à une stigmatisation et une exclusion totalement inadmissibles de la profession d’avocat.

3 - Enfin, le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi prévoit la prise en charge financière obligatoire d’un expert-comptable dans le cadre d’un plan de sauvegarde à l’emploi afin d’aider les organisations syndicales dans leurs négociations.

Les avocats qui, par la voix de leurs instances, avaient sollicité qu’un sort identique leur soit réservé, ont été exclus de ce périmètre… Tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin, …. elle se casse. Les avocats sont donc considérés non pas comme étant les acteurs principaux de la défense, ni même de l’exercice du droit, mais aujourd’hui comme une variable d’ajustement qu’il est de bon ton, véhiculant une image d’une profession de nantis, d’assimiler à leur clientèle, pour mieux les affaiblir. Ne nous y trompons pas. Nous sommes en effet entrés dans une période troublée où l’hostilité manifestée, car c’est bien de cela dont il s’agit, à l’égard de notre profession nécessite non plus comme je vous y ai engagé l’année dernière à « nous réveiller » ; mais à mener le combat sur le terrain de la première des libertés qui est celle, de pouvoir défendre une profession forte de sa déontologie et de ses valeurs pour assurer la défense, c’est-à-dire la liberté, de nos concitoyens.

Conclusion Toute limitation à l’exercice des fonctions des Avocats est un signe de régression démocratique. L’absence d’accès aux dossiers en matière de garde à vue et la mise en cause personnelle des Avocats dans le cadre de procédures qu’ils ont eues à connaître en est un signe quotidien avant-coureur et alarmant. Il faut donc rester particulièrement vigilants pour que nous puissions continuer à vivre sur une terre de liberté dans un contexte plus proche du progrès que de la décadence. Parce que nous portons tous la même Robe, parce que nous parlons tous la même langue, celle de la liberté, nous nous devons de respecter notre devoir le plus sacré, La Confraternité. Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention. Que la force soit avec vous… 1 - Des avocats, identité, culture et devenir – Louis Assier-Andrieu.

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Rentrée solennelle Mon père, sur votre chaire vous êtes aux cieux. Que votre nom, la Justice, soit honoré mais que la liberté revienne. Ce soir, je n’ai pour pairs que mes compagnons de robe. Vous ne le savez guère mais voilà des mois que je côtoie la confrérie des avocats disparus, cette Conférence du Stage et ce soir à contre sang mais à cœur plein je vais plaider, plaider pour plaider, Monsieur, plaider pour l’oralité. Les grilles de votre palais sont encore dorées mais c’est désormais le service des monuments historiques qui possède l’imperium sur cette cour d’assises. La porte des vestiaires est fermée, les gens de robe ne sont plus et même votre hermine s’est enfuie dans ce terrier de poussière que laissent tomber les crucifix.

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Selim Vallies

Le cercle des plaideurs disparus par Selim Vallies

’an 2035, la justice n’est plus ! Un 14 juin, une salle d’audience vétuste, une ambiance pesante, une jeune femme frêle au regard bleu trottoir et un numéro inscrit sur un post-it : RG : 60.000/95/B. Il est de coutume lors des rentrées solennelles que nos cœurs se fassent l’é cho d’une fierté passée mais la vue du carton d’invitation de cette année me pousse à évoquer avec vous notre avenir, notre futur à tous. Est née ainsi l’envie de partager avec votre assemblée ce qui pourrait être, sans notre courage, la dernière des plaidoiries. Une plaidoirie écrite en 2035 devant le T.G.I., le Tribunal des Grandes Inepties, transformé sur réquisition en T.I.O., le Tribunal de l’Insurrection Oratoire, une sorte de Cour d’Assises d’exception, extraordinaire, calibrée d’une procédure quasi militaire à l’image de ce qui s’est fait de plus délicieux ou devrais-je dire délictueux et sombre dans l’histoire de notre Justice. Une plaidoirie, je vous le disais, afin de défendre des criminels bien bavards, les derniers apprentis plaideurs. C’est ce que l’on appellera le Procès du « Cercle des Plaideurs Disparus », le procès de la Conférence du Stage. Oui, sous prétexte de célérité, de poly-technicité du métier d’avocat et à coup de réformes incessantes et insidieuses, venues parfois de notre antre fratricide, la plaidoirie et avec elle son alchimie, l’oralité des débats, fut, vous le savez déjà Mes Chers Confrères, interdite, prohibée, exilée, incarcérée, massacrée, guillotinée.

L

Le principe de l’absence de plaidoirie avait même intégré notre R.I.N. (1) devenu R.I.P., pour requiescat in pace ou pour nos contemporains : Rest in peace. Après la justice des débats était née une justice minute, économique, égale pour tous et surtout,

rapide. Un mauvais remake de la justice des questions sacramentelles à l’époque des 12 tables remaniée selon un idéal : le mutisme. L’arène du procès, autrefois spectacle n’était devenue qu’un désordre social qu’il convenait de tarir par tous les moyens y compris en émasculant la défense de son plus bel organe, sa voix. Les fléaux de notre monde avaient été vaincus et l’incontinence verbale du plaideur venait de trouver son vaccin en cette nouvelle justice. La jeunesse des barreaux s’était alors organisée en mémoire à Louis-Ferdinand Bonnet, en conférences particulières afin de sauvegarder leur art de la parlotte durant cette période de prohibition des mots. Une sorte de résistance à l’occupation de l’écrit et à la tyrannie du silence judiciaire. Ils se rendaient coupables, le soir venu, de se réunir dans les bibliothèques de la ville afin de plaider à la chandelle les causes de leur Cabinet que désormais personne et surtout aucun Magistrat ne voulait entendre. Coupables, ils avaient demandé à être jugés. Les plaideurs conférenciers prirent alors place sur le banc noirâtre des accusés dans cette Cour d’Assises, chapelle ardente, spécialement réouverte pour l’occasion et composée tant de Magistrats que de Confrères déontologues et présidée par un certain, un illustre Joseph K(2), lui même étonné de devoir donner la parole à la défense… Défense que l’on avait pris soin de museler en nommant comme défenseur officieux un suppôt de cette nouvelle Justice, croyait-on : la propre fille de Joseph K, Mademoiselle Anna K. Elle n’avait pas les épaules bien larges pour être avocate pénaliste, n’est-ce pas… elle semblait avoir accepté cette justice de l’écrit. Pourtant elle fréquentait assidûment le Cercle des Plaideurs Disparus et ses plaidoiries sur les bancs de la Conférence l’avaient fait surnommer Spécial K ou du nom de la célèbre arme de guerre AK47(3). Son père magistrat, bien sûr ignorait tout de cette déviance. Nous l’entendîmes alors soupirer : « Affaire 60000/95/B, la parole est à la défense ». Monsieur le Président,

Sous prétexte d’une justice rapide, vous avez multiplié les lois jusqu’à en étouffer son principal aspect : la défense par la parole. « La justice devait rendre des arrêts et avant de bien juger, il fallait juger ».(4) Vous avez mutilé Iris, cette belle déesse de la discorde. Vous avez renié vos lumières, et afin d’éviter cette « humanité provocatrice, bruyante, confuse, verbeuse et encombrée de détails(5)» vous avez ré-inventé l’injustice. Sous prétexte que la justice se suffisait à elle-même, vous avez sacrifié ce rouage fascinant, l’avocat, cet « homme placé pour le bien public entre le tumulte des passions et le trône de la Justice(6)». Vous avez retiré la confiance des préceptes de la Justice. C’est par la parole que tous les acteurs du système partageaient un concept nécessaire à toute justice : la Confiance : Confiance entre justiciables et avocats mais également entre avocats euxmêmes puis entre avocats et juges. Et enfin confiance des justiciables envers la justice. Il est nul couple, nul amitié, nul entente, nul ennemi qui ne se parle pas. C’est parce qu’ils pouvaient être écoutés par leurs plaideurs interposés que les citoyens avaient confiance en leur justice. Plaider c’est plaire (7) Monsieur ! Mais ne vous trompez pas, il n’est pas d’avocat qui plaide sans que cela soit le reflet de la Justice sur le timbre de sa voix qui ne séduise. Vous avez préféré une justice sourde et muette à notre justice aveugle(8). Vous avez spolié nos magistrats. Nos chers magistrats, cette oreille de la justice, ce sens si nécessaire afin que la Justice se rende. Sans la plaidoirie, les magistrats ont perdu toute leur prestance. Il n’y a plus d’audience, plus d’écoute, plus d’apparât, plus de robe rouge. Les magistrats sont devenus de simples bureaucrates weberiens(9), de simples boîtes aux lettres où l’on dépose des conclusions réduites à leur plus simple appareil, en un mot : des post-it. De cette guerre des post-it contemporaine envoyés par R.P.V.A., ce Réseau de Plaidoirie Vite Acquises… « de cette guerre jaillit la richesse, la ruine, l’acquittement ou la vengeance satisfaite ».(10) Et ne me parlez pas de cette justice administrative, cette justice où l’écrit règne en maître. Mais qui sont ses maîtres, qui sont ses idoles, si ce ne sont ces plaideurs fous, ces plaideurs sans partie ? Ces commissaires du gouvernement devenus rapporteurs publics. Plaideurs autonomes, ce sont les stars de ce droit écrit qui livrent une plaidoirie d’envie, une plaidoirie d’érudition, une plaidoirie d’artiste.

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Rentrée solennelle

Aujourd’hui, nos idoles se meurent Monsieur et l’une d’entre elles, ce Metzner, indiscipliné et brillant en aura eu marre de briller dans l’obscurité. Surpris par tant de médiocrité, il aura largué les amarres, d’une dernière plaidoirie bien blafarde. Certainement mis à mal, il aura rejoint le Dormeur du Val .(13) Oh Capitaine, mon Capitaine !(14) Fini est « le temps où le cœur battant, les mains tremblantes, nos jeunes confrères allaient avec passion et avidité, en se haussant sur les orteils au milieu d’un public haletant, essayer de surprendre les secrets de la réalité d’un procès »(15), d’un empoisonnement, d’un crime de sang. Fini est le temps où venus entendre une plaidoirie, suspendus à la parole d’un orateur nous sentions courir les frissons et finalement, le sentiment du sublime, découvrions. De votre « banalité du mal »(16), et en retirant la Parole à la Justice vous avez amputé le sentiment et toute humanité si propre à la Justice des hommes. Ce soir, sans vous avoir vaincu, Monsieur le Président, je sais que je vous ai convaincu et votre loi deviendra votre châtiment. Ma fille, Anna, quelle mouche te pique ? Oh père L’O-RA-LI-TE.

« Un si grand et secret amour inavoué, si grand que tous vos outrages me paraissent douceur, si grand qu’à mon Oralité j’en puisse faire hommage, par mes mots je lui donne ce qu’elle aime. Oh mon père je te l’abandonne, et pour moi même à ma folle espérance je renonce. Attachez-moi, maltraitez-moi, nulle souffrance ne m’est trop grande. Ah mon Oralité soit ma suprême offrande. »(17) La péroraison de cette plaidoirie fissura les murs de la Cour et les jeunes conférenciers furent, vous le savez, acquittés. Madame K fut fusillée sur le champ pour avoir osé plaider. Avant d’être sa fille, elle avait osé être poète, elle avait osé être un plaideur.(18) Ironie du sort, on retrouva Monsieur K des années plus tard, fou de chagrin, plaidant sans cesse sa peine. Monsieur le Bâtonnier, Mes chers confrères, « La Plaidoirie est une transformation des âmes et révèle à ceux qui l’écoutent qu’ils ne sont plus ce qu’ils croyaient être. »(19) Nos écritures seront-elles les conclusions de notre histoire ? Ne pensez pas que cette histoire n’est qu’une fable pensée pour l’occasion. Sachez que l’histoire se répète et que cela s’est déjà passé à une époque où nous étions pourtant plus forts qu’aujourd’hui. Notre Ordre a déjà été interdit, notre barreau a déjà été épuré et alors que Desez réussissait à faire acquitter le baron de Besenval(20), au nom d’une liberté devenue folle, on retira toute parole aux plaideurs(21). Et ce fut la Terreur. Ce sont les plus courageux d’entre nous, les avocats du Marais, qui ont su sauver la parole et c’est dans la Bibliothèque de notre Confrère FEREY qu’ont pu être sauvegardées nos règles ressuscitées.(22) N’en déplaise à certains, c’est grâce à leur apprentissage au sein de ce qu’on appellera la Conférence et sa phalange de plaideurs disparus que nous avons réussi à conserver notre art et notre ordre jusqu’à l’empire et bien au-delà. Bossuet affirmait : « Quand l’histoire serait inutile aux autres hommes, il faudrait la faire lire aux princes. » Mais personne ne lit plus aujourd’hui : alors plaidons, plaidons notre histoire.

Vous êtes ce soir, et chaque jour qui passe, Mes Chers Confrères et mes chers amis Magistrats, le Tribunal de cette Insurrection Oratoire. Vous seuls pourrez décider si Anna K a réellement plaidé pour la dernière fois. C’est aujourd’hui que l’Histoire se joue. Monsieur le Bâtonnier, Madame désignée le Bâtonnier, je reste néanmoins confiant car sachez que si 60.000 est le numéro de cette affaire imaginée, c’est aussi le nombre de mots qui recouvrent la robe de la langue française et, nous, la Conférence, ses Secrétaires, vos Mousquetaires et avec nous, tous les avocats, n’hésiterons jamais à brandir « ces armes de la liberté ». Alors aux magistrats je demande l’acquittement de ma passion oratoire. A mes confrères, je livre ma maxime, cet exorde que prononçait la ligue défensive devant le Tribunal de la Convention : « J’apporte à la Justice (Convention) la vérité et ma tète. Elle pourra disposer de ma vie après avoir entendu ma parole. » - Plaidez avec folie, - Plaidez avec indignation, - Mais surtout et de grâce… plaidez. Notes : 1 - Référence au Règlement Intérieur National de la Profession d’Avocat 2 - Joseph K, du nom du héros dans Le Procès de Kafka 3 - Références à la marque de céréales et à l’arme de guerre Kalachnikov 4 - Jacques Charpentier, Justice 65 5 - Jacques Charpentier. Justice 65 6 - D’Aguesseau 7 - De l’ancien français plaider, venant du latin placeo (« plaire »). 8 - Référence à Thémis les yeux bandés 9 - Max Weber, Economie et Société 10 - Jacques Charpentier. Justice 65 11 - Les Avocats du Marais, Jean-Marc Varaut, Premier Secrétaire de la Conférence 12 - Bernard Oudin, Défendre 13 - Référence au soldat d’Arthur Rimbaud 14 - Référence à « O Capitaine! Mon Capitaine » de Walt Whitman, maxime de M. Keating dans le film cercle des Poètes Disparus, qui encourage le refus du conformisme, l'épanouissement des personnalités et le goût de la liberté 15 - Jacques Charpentier. Justice 65 16 - La banalité du mal est un concept philosophique proposé par Hannah Arendt en 1963 dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem 17 - Réplique de Liu dans l’Opéra Turandot 18 - Tout comme le suicide de l’élève Neil dans le film : Le Cercle des Poètes Disparus 19 - Jacques Charpentier. Remarques sur la Parole 20 - Edmond Seligman. La Justice en France pendant la Révolution 21 - Décret du 10 juin 1794 : « Art 16 : La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des Jurés patriotes ; elle n’en donne point aux conspirateurs. » 22 - Les Avocats du Marais, Jean-Marc Varaut, Premier Secrétaire de la Conférence

Selim Vallies, Clarisse Casanova et Matthieu Chauvet

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Blum ou Romieu seraient-ils rentrés dans l’Histoire sans la parole ? Vous avez tari la justice de ses causes. Sans la parole des avocats, combien de combats n’auraient pas pu voir le jour ? Sans les plaidoiries de Monsieur Badinter, la peine de mort aurait–elle été abolie ? Sans les discours d’Abraham Lincoln, appris par cœur par des générations, l’esclavage aurait-il été proscrit ? Sans le combat de Monsieur Mandela, l’apartheid aurait-il reculé ? Vous avez détruit notre passé et nos idoles. Même Fouquier-Tinville, ce Procureur massacreur, à l’écoute de la Plaidoirie de Bellart défendant Madame de Rohan se mit à pleurer. « Quel triomphe d’éloquence, quel triomphe de la parole qu’une telle impression produite sur le cœur d’un tel homme. »(11) Et lorsque notre Gambetta Bordelais eut fini de plaider, au procès du journaliste Delescluze, peu importait la sanction que son client allait subir. Grâce à ses mots, à son souffle, c’est l’empire tout entier qui était condamné.(12)


Rentrée solennelle De la nécessité de s’indigner encore

Clarisse Casanova

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par Clarisse Casanova l y a de cela à peine quinze jours, Monsieur le Bâtonnier Christian CharrièreBournazel, en sa qualité de Président du Conseil National des Barreaux, dans une tribune intitulée « L'honneur d'être Avocat », dénonçait la persistance du gouvernement à nous montrer du doigt, tendance notamment affirmée par la volonté d'instituer une incompatibilité entre le mandat de parlementaire et notre profession. Ces mots m'ont semblé traduire une émotion, une réaction sensible, voire épidermique, face à une situation qu'il juge injuste. A mon sens, c’est cela, la spontanéité d'un sentiment qui n'obéit à aucun mot d'ordre,

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C'est cela, l'indignation. En cette rentrée solennelle, j'invite Stéphane Hessel à ôter son linceul pour revêtir la robe. Place de la Bourse rime avec Tahrir, Bastille, Puerta del Sol, Bellecour et depuis peu Taksim... Le sentiment d'indignation est en effet universel. Il nous concerne tous, avocats du Common Law ou du Code Napoléon, mais avant tout avocats du peuple.

J'entends encore raisonner le cri de mon homologue bruxellois, Christophe Marchand, qui disait (1) : « Aujourd'hui face à un Etat qui rêve de régenter tous les aspects de notre existence, face à la démesure des moyens technologiques à disposition et cette obsession de l'ordre et de la tempérance non seulement des passions, mais aussi du gentil petit

quotidien de nos vies privées, partons à l'abordage ! ». Cette phrase fait écho à l’Éloge de l'indignation entonné par le journal The Guardian à la mort de Stéphane Hessel : « Il arrive que des pays, voire des civilisations entières, prennent de mauvaises habitudes, ou pire. C'est pourquoi, depuis l'époque des prophètes jusqu'à nos jours, l'indignation, la

Jubilé de Monsieur le Bâtonnier Henri Boerner

D.R.

Henri Boerner

esdames et Messieurs, mes chers Confrères, mes chers amis, La longévité professionnelle n’est malheureusement pas la chose la plus aisée qu’il soit pour nous, les avocats. Depuis longtemps déjà notre Barreau célèbre ses plus anciens membres en exercice, car ils sont pour nous l’exemple vivant de la tradition française selon laquelle on plaide « debout et en français ». Notre Barreau va donc célébrer l’un de ses Confrères toujours en activité et pour la première fois, à l’occasion d’une cérémonie publique lors de la Rentrée de la Conférence. Nos amis québécois ne m’en voudront pas, j’en suis sûr, de cet emprunt à leurs traditions, car ce moment rare est

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l’occasion pour tout notre Barreau de se proclamer uni et se définir unique dans ses valeurs et ses institutions. Nous fêtons donc ce jour le jubilé de notre Confrère et ami le Bâtonnier Henri Boerner que j’appelle à mes côtés. Monsieur le Bâtonnier, de nos échanges épistolaires, j’ai appris que nous partagions en commun trois origines. Vous vivons dans la fierté de nos ancêtres, le plus souvent militaires, nous possédons une culture religieuse chrétienne très minoritaire en France, enfin nous venons du Nord où le hasard de la vie de nos aïeuls nous a posé dans ce territoire du Grand Sud-Ouest. Vous avez cependant la particularité qu’étant d’origine alsacienne, vos ancêtres ont opté pour la France ce qui n’était pas sans conséquence, voire sans danger, à l’époque, car notre pays était partagé par la ligne de démarcation et, quoique d’origine agenaise, la place de Bordeaux en zone occupée rendait impensable que vous y poursuiviez votre cursus. Monsieur le Bâtonnier, lorsque vous avez occupé ma place, vous avez défini l’avocat comme « ce solitaire au service d’un idéal. ». Je ne vous ferai pas l’affront de rappeler votre âge mais il est de mon devoir de préciser à notre auditoire que vous avez prêté serment à la Première

Chambre de la Cour d’Appel de Toulouse qui fut la Grand Chambre du Parlement du Languedoc, celui de l’année 1943, le 29 novembre, très exactement 500 ans jour pour jour après le rétablissement du plus ancien Parlement de province. Nous fêtons aujourd’hui vos soixante-dix ans d’exercice professionnel. Vous avez été inscrit au Tableau de l’Ordre des Avocats à la Cour d’Appel de Bordeaux à compter du 13 décembre 1948 où vous attendait « un secrétariat » au cabinet de votre oncle le Bâtonnier Molierac. C’est alors que vous avez créé votre cabinet dans lequel vous êtes toujours associé avec votre fils notre Confrère Jean-David Boerner, par ailleurs Consul du Chili. Elu au Conseil de l’Ordre à compter du 28 juin 1965, vous y siègerez de manière ininterrompue jusqu’en 1970. Elu Dauphin de l’Ordre le 1er décembre 1980, vous avez été Bâtonnier de notre Ordre pendant les années 1982 et 1983. Vous avez poursuivi votre engagement en y siégeant sans discontinuer de l’année 1984 à l’année 1986. Vous avez consacré une part substantielle de votre activité professionnelle à la défense de vos Confrères. Syndicaliste militant de la Confédération Syndicale des

Avocats dont vous êtes devenu le Président, vous avez également présidé la Caisse Nationale des Barreaux Français dont vous êtes devenu Président d’honneur. Vous avez également présidé la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Professions Libérales puis la section sociale de l’Union Internationale des Avocats poursuivant l’ambitieux projet d’instituer une « retraite mondiale des avocats ». Je sais que vous tenez particulièrement à votre présidence pendant 35 années consécutives de l’Association Culturelle Septemvir, Association de soutien et de défense des peintres et sculpteurs d’Aquitaine. Votre cursus personnel est tellement touffu qu’il m’est impossible de citer l’ensemble des institutions auxquelles vous avez participé activement. Vous avez toujours tenu à rappeler que dans votre vie professionnelle jusqu’alors, trois évènements vous ont particulièrement marqués. Tout d’abord, votre plaidoirie sur réquisition d’office dans la tragique affaire d’Oradour sur Glane où vous avez, suivant vos propres mots, plaidé à genoux à l’adjuration de notre Confrère Susson-Martz. Vous avez toujours en mémoire la double exécution capitale où vous avez, comme il était d’usage, assisté jusqu’au dernier instant vos clients et

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dont la plus belle manifestation de leur reconnaissance ont été ces mots prononcés en serrant vos mains : « … Merci Maître ». Vous êtes également intervenu comme partie civile dans la célèbre instance communément appelée : Procès Papon. Je dois également rappeler qu’engagé à l’occasion du deuxième conflit mondial, vous avez atteint dans la réserve le grade de Chef de bataillon. Vous êtes, Chevalier de la Légion d’Honneur, tenant à vous remémorer que la croix vous a été remise par Monsieur le Président Jacques ChabanDelmas, dont tous les bordelais se souviennent avec une certaine nostalgie. Vous êtes Officier dans l’Ordre National du Mérite, également Officier de l’Ordre du Mérite allemand qui est la plus haute distinction allemande équivalente à notre Légion d’Honneur et enfin, Chevalier de l’Ordre Souverain de Malte. Notre Ordre, que je représente, est ému et fier de saluer ici un Grand Monsieur de la profession, vous êtes une personnalité rare qui nous fait honneur. Je vous remets donc, à présent, la médaille d’or du Barreau de Bordeaux en témoignage de notre reconnaissance laquelle porte comme devise : « Vivent per omnem posterorum memoriam ». (...)

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Rentrée solennelle

Palmarès Prix du Barreau de Munich remis par Hansjörg Staehle et Christian Klima à Selim Vallies. Prix du concours d’improvisation remis par Alain Corrèges à Tristam Héliot. Prix Lexbase remis par Fabien Waechter à Selim Vallies. Prix Aviva remis par Franck Chauvel à Clarisse Casanova et à Matthieu Chauvet. Prix de thèse de l’Institut du Droit Public du Barreau de Bordeaux remis par Michel Dufranc à Olivier Chambord pour sa thèse : “Nouveau droit de l’aménagement et contribution à l’étude des rapports entre acte unilatéral et contrat”. Prix de thèse de l’Institut de Droit des Affaires du Barreau de Bordeaux remis par Philippe Duprat à Céline Mangematin pour sa thèse : “La faute de fonction en droit privé”.

colère et les appels à un ressaisissement moral ont de tout temps étaient nécessaires ». De la nécessité de s'indigner encore, le sujet est brandi, scandé, assumé… Car qui ? Qui de mieux placé que nous, mes Chers Confrères, pour en parler ? Nous, dernier bastion de dignité de l'homme que l'on suspecte parfois du pire, Nous, Ordre d'insoumis au service des plus démunis, Nous, Tribuns de la Plèbe. Alors qui mieux que nous ? Je l'affirme, personne.

Mesdames et Messieurs les magistrats, loin de moi l'idée de tomber dans la facilité, vous qui, comme nous, êtes confrontés à ce que Pascal nommé « le vilain fond de l'Homme » (3). Je n'ai pas vu venir l'Aurore avec la volonté de vous accuser. Sans être pour autant trop... Gentil, je ne viens pas vous épingler sur un certain mur, ni vous ressasser Outreau. Vous avez néanmoins fait le choix légitime de vous émanciper de l'autorité judiciaire dans laquelle la constitution de 1958 vous a cantonnés pour devenir un pouvoir à part entière. Or, cette évolution, comme toute évolution, recèle une contrepartie : l’exposition comme Élisabeth Lévi le rappelait un peu trivialement, entre « l'Olympe et Canal + » (4), il faut choisir... Je ne saurais pour autant être indigne pour vous conter mon indignation. Aux Enfants Humiliés de Georges Bernanos de nous enseigner : « On ne méprise que d'en bas, on ne saurait s'indigner qu'à partir d'une certaine hauteur où il faut se maintenir coûte que coûte, sauf à rougir de soi ». Aussi, ai-je besoin de vous regarder dans les yeux pour vous réclamer ma place, celle d'Auxiliaire de Justice et non de commis quoique parfois commise d'office. Mais cette requête n'a de sens... qu'à la condition que nous mêmes, mes Chers Confrères, ne nous comportions pas comme de quelconques prestataires de services. Conseil, affairiste, avocat d'entreprise, une multiplication de dénominations qui participe de notre banalisation. Soyons attentifs à l'avertissement lancé par le Professeur émérite Jean-Paul Doucet dans les colonnes de la Gazette du Palais (5) : « Quand un avocat déserte le Palais pour les affaires, le sacerdoce pour le commerce, il descend de son

piédestal, il devient un simple marchand de droit ». Seule, notre capacité d'indignation offre un réel rempart contre cet écueil, l'in-di-gna-tion...cette posture qui nous différencie du juriste, ce mot qui renferme le mot encore plus précieux de dignité, dignité de notre éminente fonction, dignité qui nous distingue du monde économique. Cependant, pour que ce particularisme perdure, il faut que vous, nos pairs, ceux que l'humilité nous empêche encore parfois d'appeler Confrères, il faut que vous nous y aidiez. Je rejoins en cela François Mitterrand qui estimait que « si la jeunesse n'a pas toujours raison, la société qui la méconnaît a toujours tort ». Alors, je vous en prie ne nous méconnaissez pas, soutenez-nous plutôt à construire dans vos pas, le Barreau de demain. Aux termes de ces développements, et alors que mon intention n'est pas de vous éloigner un peu plus des petits fours tant convoités, je ne peux m'empêcher d'entrevoir certaines critiques. A l'image de notre confrère Goldnadel, dans «Le vieil homme m'indigne », vous pourrez m'accuser d'avoir surfé sur une vague finalement bien maîtrisée dont le rouleau se nourrit de sujets éculés... Peut-être arrive-t-il en effet à mon indignation « d'être simpliste, feinte ou même hors de propos, mais sans elle la vie ne connaîtrait jamais de nouveau départ » (6), Cette conclusion s'impose de fait à l'aube où je m'apprête à donner la vie... Alors, si un jour cette indignation me quitte, je vous promets de la laisser au placard, je parle bien évidemment de ma robe encore si peu portée mais déjà tant chérie, parfois trop lourde, et je l'admets bien volontiers, pour mes frêles épaules, mais que voulez-vous je suis et resterai avocat. Notes :

1 - Conférence du Jeune barreau de Bruxelles - Séance solennelle de rentrée du 18 janvier 2013. 2 - L’Homme révolté, Albert Camus. 3 - Les Pensées, Blaise Pascal. 4 - Mensuel Causeur, numéro 3 juin 2013. 5 - Jean-Paul Doucet, Gazette du Palais, 1992. 6 - The Guardian, après la mort de Stéphane Hessel.

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La capacité de s'indigner constitue l'essence même de notre engagement, Elle est inscrite dans nos gênes, Elle coule dans nos veines, C'est par la dénonciation de certaines injustices que l'on fait la preuve de l'Existence de la Justice, Non que nous soyons les garants d'une justice parfaite telle que perçue par nos âmes selon la doctrine platonicienne, Je ne prétends pas que l'avocat rende l'injustice impossible, Mais il doit être assez fort pour rendre le spectacle de l'injustice intolérable. « Je me révolte, donc nous sommes » écrivait Camus (2), Je m'indigne, donc nous sommes, ais-je envie de croire...

A ces développements théoriques répond une préoccupation pratique, le risque de banalisation de notre profession, et pour beaucoup d'entre nous, de notre vocation. Ce risque, nous le percevons chaque jour un peu plus, face au manque de considération de certaines personnes que nous défendons, et même parfois de certains magistrats.

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Rentrée solennelle Eloge de la folie

Matthieu Chauvet

par Matthieu Chauvet

la manière dont les orateurs italiens saluent une prestigieuse assemblée : je vous salue : « Autorità ! » Qui suis-je ? … Je suis cette indispensable dispensatrice du bonheur que les Latins appelaient « Stultitia » (ce qui donnera l’adjectif « stolto » en italien moderne qui signifie « stupide »), et les Grecs, Morìa… Je suis cet état sans lequel aujourd’hui plus de 1.300 confrères de notre Barreau n’auraient jamais décidé d’embrasser cette profession d’Avocat… Je suis cette prédisposition naturelle mais sine qua non sans laquelle celui qui vous parle n’aurait probablement jamais choisi de devenir Avocat. Comment pourrait, en effet, le jeune avocat supporter l’hypocrisie de son statut d’esclave libéral sans moi ? Lui qui travaille sans relâche, sans ne jamais renâcler, qui est toujours souriant, avenant, disponible, d’humeur constante, sans état d’âme -apparents-, maîtrisant parfaitement ses émotions, et gérant au mieux celles des autres : comment un tel « Chevalier des vents divins » peut-il supporter son quotidien, pavé de difficultés, dans cette véritable jungle du Barreau ? Parce que je suis la sève qui le parcourt, parce que je suis le sang qui l’irrigue, parce que je suis l’eau de la fontaine à laquelle il s’abreuve chaque jour : Je suis la Folie. Ne vous en déplaise, je vous suis totalement indispensable. Vous me devez tout !

Tout d’abord, dans votre vie personnelle Sans moi, par exemple, quel homme, je le demande, tendrait le col au joug du mariage, si comme le faisaient nos sages, il calculait préalablement les inconvénients d’un tel état ? Et quelle femme irait à l’homme si elle méditait ce qu’il y a de dangereux à mettre un enfant au monde et de fatigue pour l’élever ? Mais je le reconnais, dussé-je faire preuve de feinte humilité, je ne suis pas toujours seule… Comme vous tous ici présents devez, très certainement, la vie au mariage, vous devez le mariage à ma suivante : l’Etourderie ! Et à moi… Voyez déjà combien vous m’êtes redevables ! Quelle femme ou quel homme, ayant passé par là, voudrait recommencer si mon cousin, l’Oubli, n’était auprès d’eux ? Toute heure de la vie serait triste, ennuyeuse, insipide, assommante s’il ne s’y joignait le plaisir : c'est-à-dire si je n’y mettais mon piquant. Je peux invoquer ici le témoignage de Sophocle, jamais assez loué, qui dit à mon sujet : « Moins on a de sagesse, plus on est heureux ». Mais allons en détail au fond du débat.

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Qui ne sait que le premier âge est le plus joyeux et le plus agréable à vivre ? Si nous aimons les enfants, les caressons, si un ennemi même leur porte secours, n’est-ce pas parce qu’il y a en eux ma séduction ? D’où vient le charme des enfants, sinon de moi, qui leur épargne la raison, et du même coup le souci ? Quand ils grandissent, étudient et prennent l’usage de la vie, leur grâce se fane, leur vivacité se languit, leur gaîté se refroidit, leur vigueur baisse. A mesure que l’homme m’écarte, il vit de moins en moins… Enfin, voici l’importune vieillesse, à charge à autrui comme à elle-même, et que personne ne pourrait supporter, si je ne venais encore secourir tant de misères. Remerciez-moi ! De la jeunesse à la vieillesse je vous accompagne… mais c’est aussi parce que ces deux états sont très proches… Les vieillards d’ailleurs adorent les enfants et ceux-ci raffolent d’eux, car qui se ressemble s’assemble. Ils ne diffèrent que par les rides et le nombre des années… Cheveux clairs, bouche sans dent, corps menu, goût du lait, balbutiement, babillage, niaiserie, manque de mémoire, étourderie, tout les rapproche, et plus s’avance la vieillesse, plus s’accentue cette ressemblance, jusqu’à l’heure où l’on sort des jours, incapable à la fois, comme l’enfant, de regretter la vie et de sentir la mort… Vous savez maintenant quel est le premier, le plus grand agrément de la vie et d’où il découle : Moi ! La folie. Vous comprendrez, en outre, que sans moi, jusqu’à présent, aucune société n’a d’agrément, aucune liaison n’a de durée. Le peuple ne supporterait pas longtemps son représentant, le valet son maître, le locataire son propriétaire, l’écolier son professeur, l’ami son ami, la femme son mari, l’employé son patron, le camarade son camarade, l’hôte son hôte, s’ils ne se comportaient l’un l’autre dans l’illusion, s’il n’y avait entre eux tromperie réciproque, flatterie, prudente connivence, enfin, le lénifiant échange du miel de la Folie…

Cela vous paraît énorme ? Ecoutez de plus fort ! Dites-moi si l’homme qui se hait soi-même est capable d’aimer autrui, si celui qui combat soimême peut s’entendre avec quelqu’un, si celui qui est à charge à soi-même peut être agréable à un autre. Pour le prétendre, il faudrait être plus fou que moi. Eh bien, si l’on me chassait de la Société, nul ne pourrait un instant supporter ses semblables, chacun même se prendrait en dégoût et en haine. Car la Nature, souvent plus marâtre que mère, a semé dans l’esprit des hommes, pour peu qu’ils soient intelligents, le mécontentement de soi et l’admiration d’autrui.

Je vous suis essentielle dans votre vie sociale et professionnelle Je dirai, en effet, qu’il n’y a pas d’action d’éclat que je n’inspire, pas de bel art dont je ne sois la créatrice… N’est-ce pas, d’ailleurs, au champ de la guerre que se moissonnent les exploits ? Or, qu’est-il de plus fou que d’entamer ce genre de lutte pour on ne sait quel motif, alors que chaque partie en retire toujours moins de bien que de mal ? Quand s’affrontent les armées, à quoi seraient bon ces sages, ces intellectuels, épuisés par l’étude, au sang pauvre et refroidi, qui n’ont que le souffle ? On a besoin alors d’hommes gros et gras qui réfléchissent peu et aillent de l’avant. Ces intellectuels, ces sages, ces juristes, qui n’ont jamais rien su faire dans la vie, témoin Socrate lui-même, le sage par excellence, proclamé tel par Apollon, qui se jour-là manqua de sagesse. Ayant voulu parler au public sur je ne sais quel sujet, il dut se taire devant la risée générale. Il ne montre de vrai bon sens que lorsqu’il se refuse à prendre ce titre de sage, réservé à lui par Dieu seul… Ce qui lui a valu de boire la cigüe, n’est-ce pas là précisément l’inculpation de la sagesse ?

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Rentrée solennelle Tandis qu’il philosophait sur des idées et des nuées, mesurait mathématiquement les pattes de la puce, observait le bourdonnement du moucheron, il n’a rien compris à l’ordinaire de l’existence. Et voici Platon, son disciple, prêt à plaider pour le sauver de la mort, excellent avocat en vérité, qu’ahurit le bruit de la foule et qui peut à peine en public débiter la moitié de sa période ! Que dire même de Théophraste, qui monte à la tribune et tout à coup reste coi, comme s’il apercevait le loup ! Aurait-il à la guerre, entraîné des soldats ? Quant à Isocrate, il fut si timide qu’il n’osa même jamais ouvrir la bouche. Marcus Tullius, pourtant père de l’éloquence romaine, prononçait son exorde avec un tremblement pénible, pareil à un sanglot d’enfant. Quintilien y a vu la marque de l’orateur sensé, qui se rend compte du péril : il vaudrait mieux avouer que la sagesse nuit au succès ! Que feraient, en effet, l’épée à la main, ces hommes que la peur glace, quand le combat n’est seulement qu’en paroles ? A bas les sages orateurs ! Vive les fous !

Si tant est que vous m’étiez tous ici présents redevables, vous êtes, vous, jeunes avocats encore plus redevables envers ma personne…

Barreau… et vos patrons vous en remercient sincèrement : « Surtout ne changez pas ! »… « N’ouvrez jamais les yeux ! » Sans moi : comment supporteriez-vous, en effet, ce téléphone qui sonne toutes les 5 minutes pour vous demander où vous en êtes sur tel et tel dossier, et par la même occasion vous rappeler pour seulement la 3ème fois de la matinée, les choses à ne surtout pas oublier de faire… ? Comment supporteriez-vous de devoir strictement « simultanément » (au sens de l’article 906 du Code de procédure civile), le tout en 30 minutes maximum : Attention … Chronomètre: Top ! 1. Terminer une assignation de 25 pages dans un premier dossier, 2. Mettre en évidence à la vitesse de l’éclair les éléments nouveaux des conclusions adverses dans un deuxième dossier pour pouvoir les envoyer au client afin de prévoir un entretien téléphonique le même jour (en commençant à bâtir une trame de réponse, bien évidemment), 3. Signifier des conclusions sans oublier les mentions de la signification avec leur bordereau dans un troisième dossier, 4. Remplir une déclaration d’appel dans un quatrième dossier, 5. Répondre au téléphone concernant un cinquième dossier, 6. Débloquer l’imprimante qui fait bourrage papier sur bourrage papier alors que vous devez impérativement déposer un mémoire en 8 exemplaires devant la Cour administrative d’appel avant 17h accompagné de ses 35 pièces dans un sixième dossier, 7. Appeler le responsable informatique pour des problèmes de connexion internet qui vous empêche de vous constituer en tant qu’intimé par le RPVA sachant que c’est le dernier jour

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Sans moi, la réalité de la vie vous aurait dissuadés de devenir Avocat, vous auriez laissé parler votre nature peut être contemplative et surtout votre raison.

Celle-ci, dont vous êtes heureusement radicalement dépourvus aurait égrainé les arguments de sa plaidoirie ou plutôt de son réquisitoire : chocs pétroliers, crise économique mondiale, courbe exponentielle du chômage, mort programmée du vieux continent, récession économique de la France, pandémie mondiale du SIDA… Et vous auriez comme plus de la moitié des jeunes diplômés, dont le courage force l’admiration, voulu grossir les rangs déjà saturés et à demi dégoulinants de la plus grande source de dépense étatique : la fonction publique… Moi, la Folie, je ne peux que vous rendre hommage. Car j’ai peut-être trouvé plus fou que moi… : Vous ! Vous avez résisté aux sirènes tant de la fonction publique que du protecteur salariat ! Vous n’êtes pas tombés dans leurs rets faits de chants séducteurs : 35h, retraite à 65 ans, temps partiel, RTT, promesse d’une vie sociale et familiale… Vous vous êtes jetés follement dans l’arène de cette profession libérale -liberticide-, quand bien même notre Etat centralisé, inquisiteur et omnipotent s’est juré de vous le faire payer et ce à coup d’obligations redistributives assommantes en tout genre: cotisations CNBF, URSSAF, déclaration 2035, RSI, Ordre… J’en passe et des meilleurs… « Vous avez voulu être libres, Chères professions libérales ? Vous avez voulu vous émanciper de ma férule ? » « Vous allez souffrir… ». Tout cela serait éminemment insupportable si je n’étais pas sans cesse à vos côtés ! Moi l’éternel compagnon anesthésiant vos prises de conscience et les oignant de l’huile oublieuse mais joyeuse de la folie… Dieu merci, vous pratiquez, -mais je vous y aidevous, jeunes avocats, le déni de réalité ! Vous êtes un peu les Véronique Courjault du

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Rentrée solennelle pour vous constituer, et ce dans un septième dossier, 8. Courir au Palais amener un document à votre patron en extrême urgence dans un huitième dossier et, par la même occasion, le rassurer en lui disant que vous avez bien : rédigé l’assignation dans le premier dossier, mis en évidence les éléments nouveaux des conclusions adverses dans le deuxième dossier, signifié les conclusions dans le troisième dossier, etc, etc… Stooooop ! 26 min ! J’ai encore amélioré mon record ! Tout cela pour ne vous octroyer qu’une prétendue pause déjeuner de cinq minutes vers 17h après l’ouragan, en faisant toutefois parallèlement une recherche de jurisprudence des plus exhaustives et dignes des plus gros cabinets anglo-américains parisiens dont vous avez un jour claqué la porte… parce que… il ne faudrait pas que vous vous détendiez trop quand même !! ... Ceci cinq jours sur cinq de 9h30 à 20h. Et sans ne jamais perdre votre bonne humeur, votre sourire, votre éducation…

Sans moi : comment accepteriez-vous, de plus, de feindre de croire en cette prétendue liberté de développer une clientèle personnelle qui n’est concrètement possible qu’après 20h, les weekends, et les 1er et 8 mai ? Mais… à vous entendre… Il me semble voir où vous voulez en venir, Chers jeunes Confrères… Je vous arrête tout de go! Ne cherchez pas à m’apitoyer Chers Confrères! Dites-le, reconnaissez-le : vous y trouvez votre compte ! Mais c’est encore parce que je suis là ! Et vous développez même, grâce à moi, une forme larvée de syndrome de Stockholm à l’égard de vos tortionnaires, dont vous tacitement reconnaissez (sans pour autant le leur dire…) leurs immenses qualités de formateurs, leur envergure intellectuelle rarissime, leur culture classique et humaniste foisonnante, leur spiritualité, leur humour, leurs immenses qualités rédactionnelles, leur côté tentaculaire à pouvoir se battre sur 3000 fronts différents sans ne jamais fléchir, vos tortionnaires dont vous vous dites au plus profond de vous-même que… vous les

appréciez énormément… et que vous êtes fiers (à votre toute petite échelle) de porter les couleurs du Cabinet dont ils ont forgé la notoriété aux termes de très longues années de travail acharné assorti d’une exigence qui ne s’est jamais fanée d’une quelconque façon… Je vais me permettre une confidence dans la plus stricte intimité de cette Assemblée : ma relation est tellement fusionnelle avec vous, notre symbiose est telle, que je finis même par me demander si, au fond, moi, la Folie, je ne suis pas vous ou inversement si vous n’êtes pas moi… Peu importe, vous avez compris de toute façon… Comme l’écrivait Erasme dans son éloge de la Folie « Rien n’est plus sot que de traiter avec sérieux de choses frivoles, mais rien n’est plus spirituel de faire servir les frivolités à des choses sérieuses, […] si l’amour propre ne m’égare, je crois avoir loué la Folie d’une manière qui n’est pas tout à fait folle ».

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Au fil des pages

La loi peut-elle dire l'histoire ? Droit, Justice et Histoire Sous la direction de Bertrand Favreau

ourquoi des « lois mémorielles » censées déclarer, voire imposer, un point de vue officiel sur des événements historiques ? En France, la loi dite « Gayssot » du 13 juillet 1990 est la première « loi mémorielle ». Son but était de lutter contre le négationnisme et de reconnaître la douleur des survivants et des descendants des victimes face à ces remises en cause. Les lois suivantes ont repris ces objectifs de lutte contre la négation de faits historiques avérés (génocide arménien, esclavage, traite négrière) et de reconnaissance des mémoires blessées (Arméniens, habitants des départements d’Outre-mer, anciens colonisés, rapatriés, harkis ). En Belgique, la loi du 23 mars 1995 tend à réprimer la négation, la minimisation, la justification ou l'approbation du génocide commis pendant la Seconde Guerre mondiale par le régime national-socialiste allemand. La question de l'efficacité de ces dispositifs est en débat. Plusieurs conceptions des rapports entre la loi et l’histoire s'affrontent. Les partisans de telles lois soulignent qu'il ne s'agit pas de dicter l'histoire mais de lutter contre l’oubli des crimes. Les opposants à la loi disent que celle-ci instaure une vérité officielle.

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Certains affirment aussi qu'elles seraient contraires à la liberté d'expression et aux droits de l'homme et donc contraire à plusieurs instruments internationaux. Les « lois mémorielles » n’incitent-elles pas à une « guerre des mémoires » et à une «concurrence des victimes » ? Ces lois ne remettent-elles pas en cause les frontières entre histoire et mémoire ? Faut-il une multiplication de tels textes ou bien au contraire une abrogation totale ou partielle de ces lois ? Dans cet ouvrage Pim den Boer, Francois Delpla, Bertrand Favreau, Jean-François Flauss, Georges Kiejman, Mario Lana, Christophe Pettiti, Michel Puechavy, Gilles Manceron, Emmanuel Naquet, Vincent Nioré, Pierre Nora, de l'Académie française, et Christian Vigouroux, envisagent cette quesion qui divise les historiens.

Edition Bruylant 203 pages - 50 euros 2013-445

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Société

Quel avenir pour les retraites ? Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Déclaration du Premier Ministre du 14 juin 2013 Jean-Marc Ayrault

Continuité et justice par Jean-Marc Ayrault ’ai reçu le rapport de la Commission présidée par Yannick Moreau. C’est un rapport riche, dense et utile et, surtout, d’une grande lucidité, qui laisse au gouvernement toute liberté de choix sur un sujet aussi essentiel que l’avenir de notre système de retraite. Mais la retraite, ce n’est pas un élément parmi d’autres de notre système social, chaque Français en est profondément convaincu. Je crois que la France s’est dotée au fil des

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générations d’un système de retraite qui ouvre un nouvel âge de la vie, c’est pour ça que les Français y sont si attachés. Et en même temps, je crois que si nous savons faire preuve de courage et de lucidité, et surtout rester fidèles aux valeurs qui ont fondé ce régime de retraite par répartition, nous pouvons parfaitement affronter les difficultés qui se présentent à nous. Je crois en effet que nous avons le devoir de vérité, et je comprends l’inquiétude des Français. Le devoir de vérité, c’est que le problème de financement se pose entre maintenant et les 20 ans qui viennent, pour une raison simple que chacun comprend bien, c’est qu’après la guerre la France a connu une démographie très dynamique qu’on appelle le baby-boom. Et donc beaucoup de personnes arrivent aujourd’hui à l’âge de la retraite, et cette situation va durer encore plusieurs années. Il faut donc financer leur retraite, tenir compte de leur espérance de vie qui augmente et par voie de conséquence de la durée de la retraite qui est plus longue qu’autrefois. Donc c’est face à cela que nous devons nous situer pour traiter ce problème avec courage et efficacité. Mais cette réforme, elle est totalement à notre portée, j’en suis sûr. Il y aura des efforts à faire, mais ces efforts ne sont pas écrasants, simplement il faut faire le choix. Et ils seront guidés par deux principes, la continuité et la justice. La continuité, c’est assurer le financement dans la durée, pas seulement pour les 20 ans qui viennent mais pour les générations à venir du financement de notre système de retraite par répartition.

Et le deuxième principe, je l’ai dit, c’est la justice, et là je pense aux petites retraites, je pense aux femmes, je pense à ceux qui ont – à travers leur carrière – cotisé à plusieurs régimes de retraite, je pense aussi aux travailleurs qui ont eu des travaux pénibles et qui sont défavorisés par rapport à la durée de leur retraite, et puis je pense aux jeunes qui entrent et qui entreront plus tardivement dans la vie active. Ce sont ces problèmes qu’il faut traiter, nous allons les traiter mais il y a une méthode pour y parvenir, c’est la concertation, c’est le dialogue avec les partenaires sociaux. (...) C’est la clé même de la confiance dans notre pacte social. Moi je veux être le garant d’une concertation réussie, d’une concertation utile et surtout, je voudrais faire une mise en garde, je refuserai toute opposition entre les jeunes et les retraités, entre les actifs et les retraités et aussi entre les différents régimes. Ça serait une mauvaise méthode qui rendrait la concertation beaucoup plus difficile. Ce qui est essentiel, c’est d’aller rechercher – et j’y contribuerai avec Marisol Touraine et les autres membres du gouvernement qui vont conduire cette concertation – tout ce qu’il y a de commun et d’essentiel que nous pouvons partager, et qui sera - une fois que cette réforme sera réalisée un plus pour la France, un élément supplémentaire de la cohésion nationale et de la cohésion sociale. (...) A la fin de l’été le gouvernement présentera un projet qui sera ensuite soumis au Parlement.

Au fil des pages

La fraude pénale en droit de la sécurité sociale par Renaud Salomon ongtemps inexistant, le droit de la sécurité sociale est né d'une aspiration de l'homme, en tant qu' "animal social", à la sécurité, dans ses liens à la communauté nationale. Afin de lutter contre les diverses fraudes à la sécurité sociale, parfois très sophistiquées, émanant de l'assuré, du salarié, de son employeur, ou parfois même des professionnels de santé, s'est développé, depuis la Seconde Guerre mondiale, un droit pénal de la sécurité sociale. Ce dernier a pris un relief particulier à l'époque contemporaine, marquée par la volonté des pouvoirs publics de lutter plus

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efficacement contre ce type de fraude, comme en attestent les lois successives de financement de la sécurité sociale et les rapports de la Cour des comptes. Ce thème de la lutte contre la fraude pénale en droit de la sécurité sociale intéressera tant les étudiants de droit ou d'économie que les praticiens du droit (magistrats, avocats, experts-comptables, conseils juridiques, entreprises, organismes de sécurité sociale,administrations associés à la lutte contre la fraude .. .). Economica - 311 pages - 37,00 €

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Vie du droit

Ordre des Avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de la cassation Revue annuelle Justice & Cassation : « La bonne administration de la justice » Neuvième édition - Paris, 13 juin 2013

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Pour la deuxième fois, Gilles Thouvenin a présenté, en sa qualité de Président de l’Ordre des Avocats aux Conseils, la revue « Justice & Cassation » éditée chez Dalloz, après « L’accès au juge » en 2008, « L’office du juge » en 2009, « L’enfant » en 2010, « La norme : déclin ou renouveau ? » en 2011, la neuvième édition imprimée en 2013 pour l’année 2012 est consacrée à « La bonne administration de la justice ». Quelques initiés étaient réunis ce jeudi 13 juin 2013 dans la Bibliothèque de l’Ordre pour découvrir la nouvelle édition de cet ouvrage pluridisciplinaire qui rassemble des contributions réalisées par des personnalités des mondes juridique, judiciaire et universitaire. Jean-René Tancrède

Agnès Fossaert, Pierre Delvolvé , Jean-Paul Costa, Ludovic Jariel, Gilles Thouvenin, Jacques Arrighi de Casanova, Alain Lacabarats, Chantal Arens et Daniel Tardif a difficulté que pose la notion de bonne administration de la justice parait être précisément sa définition. Si son analyse permet de dégager des éléments de compréhension, on s'aperçoit rapidement que son contenu varie en fonction de l'usage auquel elle est destinée. Ce sont les finalités poursuivies qui permettent de donner un contenu à la notion, quand ces finalités sont évolutives au gré des nécessités et des impératifs, d'ordre social, économique ou politique, du moment. Leur mise en oeuvre est

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en outre soumise à des tensions contradictoires : les mêmes éléments peuvent concourir à une bonne administration de la justice ou lui être contraires. Une utilisation mesurée des deniers publics, par exemple, participe d'une bonne administration de la justice mais l'économie de la justice ou la recherche de l'efficacité ne peut pas être « l'étalon exclusif à l'aune duquel est mesurée la qualité de la justice ». Célérité, efficacité, qualité et économie de moyens concourent ainsi à une bonne administration de la justice. Si de telles préoccupations sont anciennes, elles sont prises en compte par le droit européen avec, notamment, le délai raisonnable de jugement et l'exigence du procès équitable. Mais l'intrusion actuelle du management, favorisant la célérité, l'économie de moyens et une logique comptable, a pour effet d'éloigner la notion des préoccupations tenant à la qualité de l'acte de juger. Or il ne faut pas perdre de vue la fonction sociale de la justice et les principes majeurs du système judiciaire comme celui de la comparution personnelle ou celui du débat public et contradictoire. L’efficacité doit être au service de l'équité. Au nom d'une bonne administration de la justice, sont notamment prônées l'indépendance de la justice à l'égard de l'autorité administrative et du pouvoir exécutif, ainsi que la dissociation entre une organisation du service public de la justice et l'exercice de la fonction juridictionnelle.

De même, la notion commande un meilleur accès à la justice, la garantie de l'impartialité des juges et l'exécution des décisions juridictionnelles. Mais, à l'inverse, la bonne administration de la justice impose de sélectionner les affaires afin de consacrer les moyens limités dont dispose la justice à celles qui le méritent (...). Or cette sélection des affaires se fait souvent au prix d'un abandon de l'obligation de motiver qui participe également de la bonne administration de la justice et de la fonction sociale de la justice. Des garanties sont donc nécessaires : la non-admission devant le Conseil d'État résulte d'une instruction collégiale du dossier et d'une décision juridictionnelle ; de méme, la non-admission est décidée après que les parties ont été mises en mesure de discuter contradictoirement le rapport de nonadmission qui peut être annexé à la décision de la Cour de cassation pour l'information du justiciable. La bonne administration de la justice exprime ainsi des tensions permanentes entre des objectifs contradictoires et, chaque fois qu'il est porté atteinte en son nom à l'un des éléments la définissant, des garde-fous sont parallèlement institués pour limiter les effets de cet abandon. Tel est l'enseignement que livre le dossier de cette année. Pour en savoir plus, il faut découvrir sans attendre les articles qui le composent. André Breton nous y invitait « tout doit être libéré de sa coque ». Gilles Thouvenin

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Vie du droit

Association Internationale de Droit Pénal Comité de direction annuel - Paris, 7 juin 2013

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

C’est précisément pour préparer la tenue de son congrès que son comité de direction s’est réuni le 7 juin dernier dans la Grand’chambre de la Cour de cassation. De nombreux autres sujets ont été également évoqués par une cinquantaine de représentants venus de nombreux pays d’Europe ou d’Argentine, de Russie, d’Albanie, de Turquie et même de Chine. Parmi ceux-ci, la tenue, l’année suivant le congrès, d’une conférence mondiale sur le droit pénal de l’environnement. L’équipe de direction de l’AIDP représente ellemême les différentes régions du monde. Elle est présidée par le professeur José-Luis de la Cuesta, professeur de droit à l’Université de San Sebastian (Espagne), épaulé par un magistrat français, Jean-François Thony, Procureur général près la Cour d’appel de Colmar. Jean-René Tancrède Notes : 1 - Un réseau mondial au service de la justice pénale 2 - Catherine Thony est Secrétaire générale de l’AIDP 2013-449

Catherine Thony(2) et José Luis de la Cuesta

L

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L’activité scientifique de l’Association Internationale de Droit Pénal s’exprime au travers de la publication de la Revue internationale de droit pénal, de la tenue de conférences internationales et d’un congrès quinquennal qui traite d’un thème donné de droit pénal sous quatre perspectives : le droit pénal général, le droit pénal spécial, la procédure pénale et le droit pénal international. Le prochain congrès, qui se tiendra à Rio de Janeiro du 31 août au 7 septembre 2014, aura pour thème la cybercriminalité.

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Photos © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

’Association Internationale de Droit Pénal(1) (AIDP) a réuni les 7 et 8 juin dernier son comité de direction à la Cour de cassation, comme tous les ans depuis 1924. Cette assemblée annuelle, placée sous la direction de son Président, José Luis de la Cuesta, a été également l’occasion de réunir le comité exécutif, le comité scientifique et le comité de la Revue Internationale de Droit Pénal. Composée de presque 2000 membres dans 64 pays du monde, l’AIDP est un réseau de professeurs de droit, de magistrats et d’avocats spécialisés en matière pénale qui a pour objet de favoriser la réflexion dans le domaine de la politique criminelle, du droit pénal comparé, du droit pénal international et des droits de l’homme dans l’administration de la justice pénale. Créée en 1924, l’Association a tenu son premier congrès autour d’une question brûlante après la Première Guerre mondiale : « faut-il créer une cour pénale internationale ? » et elle a œuvré pendant trois quarts de siècle pour donner corps à cet objectif. Le Comité de rédaction des statuts de la Cour pénale internationale réuni en 1999 sous les auspices des Nations-Unies était d’ailleurs présidé par le Professeur Cherif Bassiouni, Président d’alors de l’AIDP. Son chapitre national français, l’Association Française de Droit Pénal (AFDP), a compté et compte parmi ses membres les plus grands noms du droit pénal français, de Pierre Bouzat à Mireille Delmas-Marty, Robert Badinter, Jean Pradel ou Jacques Buisson qui est aujourd’hui le Président de l’AFDP.


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