Edition du lundi 24 juin 2013

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LES ANNONCES DE LA SEINE Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Lundi 24 juin 2013 - Numéro 39 - 1,15 Euro - 94e année

Le Défenseur des Droits Rapport annuel 2012 - 20 juin 2013 Dominique Baudis

VIE DU DROIT

Le Défenseur des Droits Garantir l’accès au droit par Dominique Baudis..................................

Conseil d’Etat La juridiction administrative face à son avenir par Jean-Marc Sauvé............................................................................

Plume de greffier Exposition à la Cour de cassation jusqu’au 15 juillet 2013 .................

Rapport annuel de la Cour de cassation

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11 AGENDA ......................................................................................5 JURISPRUDENCE

Entre tradition et modernité par Daniel Tardif................................

Restaurer l’égalité entre les travailleurs détenus ou non Conseil constitutionnel - décision n° 2013−320/321 QPC ...............

PASSATION DE POUVOIR

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Chambre Européenne des Huissiers de Justice ...............14

TRIBUNE

Quelles sont les conséquences d’une clause de non-concurrence non-conforme aux critères jurisprudentiels ? par Jacques Brouillet et Alban de Tarlé .......15

AU FIL DES PAGES

Constitution : rien ne bouge et tout change ....................15

ANNONCES LEGALES ...................................................16 PALMARÈS Prix du Sénat du livre d’histoire 2013 ................................24

n deux ans d’existence, par son indépendance et son impartialité, le Défenseur des droits, autorité de rang constitutionnel, a su trouver sa place au service des citoyens et de l’intérêt général, forgeant son identité à égale distance des réclamants et des mis en cause, des pouvoirs publics et de la société civile. Il fonde l’efficacité de son action sur le dialogue, la coopération et la persuasion. Défenseur des droits par le droit, l’Institution met en œuvre grâce à une expertise juridique reconnue l’ensemble des moyens d’action que lui confie la loi. Dans une société minée par les incertitudes, le Défenseur des droits et ses adjoints constituent un interlocuteur privilégié de la société civile, des services publics, des entreprises, des syndicats ou des associations représentant ceux qui s’estiment lésés dans leurs droits et leurs libertés. Dans une société entravée par sa complexité, les collaborateurs - permanents et bénévoles - de l’Institution sont conscients qu’ils constituent au quotidien le dernier recours de proximité pour permettre à tous, gratuitement, d’accéder à des

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droits qu’il est indispensable de garantir et de rendre effectifs. Dans une société qui n’accorde guère d’intérêt qu’à l’instant et aux faits divers dramatiques, le Défenseur des droits a la volonté de s’inscrire en garant rigoureux et attentif de la citoyenneté de tous, en mettant en œuvre les pouvoirs que lui confie la Constitution pour rétablir ceux qui le saisissent dans leurs droits et libertés qui sont l’essence même de notre démocratie. Le rapport 2012 retrace notre activité au long de la première « année pleine » du Défenseur des droits. Tout ce qui a été entrepris ou mené à bien n’a pu l’être que grâce à la compétence des collaborateurs et des délégués. Après une période de quelques mois durant laquelle les quatre équipes se sont rapprochées au sein d’une même institution, 2012 a permis de passer à un autre chapitre de notre histoire. Désormais l’accès au droit est assuré, non plus par quatre institutions rapprochées mais par une seule équipe au service de nos concitoyens, afin de veiller au respect de leurs droits et libertés comme la Constitution nous en a confié la mission. Dominique Baudis

J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE


Vie du droit

LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr

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Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05 Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction :

Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Agnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes Administrateurs Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Magistrat honoraire Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Chloé Grenadou, Juriste d’entreprise Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :

Garantir l’accès au droit par Dominique Baudis ar ces temps de crise, alors que tout devrait être mis en oeuvre pour privilégier le dialogue et l’écoute dans notre société, il apparaît que celle-ci se fait souvent plus rude, notamment envers les

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Didier Chotard Frédéric Bonaventura

Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 975 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS

2012

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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Dominique Baudis

Quelques chiffres > plus de 100 000 demandes d’intervention ou de conseils dont : • 82 416 dossiers de réclamations représentant plus de 90 000 réclamants • 31 116 appels (numéro azur 09 69 39 00 00) > des contacts permanents avec le public et la société civile • 552 000 visiteurs Internet pour 2,5 millions de pages vues • 4 lettres périodiques d’information adressées à près de 10 000 abonnés • 19 réunions des collèges consultatifs composés de personnalités qualifiées • 6 comités de dialogue permanents avec la société civile, soit 12 réunions • 29 groupes de travail ad hoc soit 126 réunions thématiques > une expertise juridique reconnue • 82 % des règlements amiables engagés par l’Institution aboutissent favorablement • dans 68 % des cas, les décisions des juridictions confirment les conclusions exposées • dans des observations de l’Institution • 90 dépôts d’observations effectués devant les tribunaux > une insertion réussie dans le paysage institutionnel • 10 auditions réalisées devant le parlement, à sa demande, dans les domaines les plus variés • 7 recommandations de portée générale adressées en particulier aux ministère de la Justice, de l’Intérieur, des Affaires sociales, de l’Éducation nationale • 10 protocoles d’accord conclus avec les parquets généraux associant 54 juridictions > une équipe au service des droits et libertés • près de 250 collaborateurs au siège • près de 450 délégués présents dans 650 points d’accueil sur l’ensemble du territoire

plus faibles. Lorsque chaque jour plus de 1 000 personnes se retrouvent au chômage, quand 20 % des titulaires de comptes en banque sont à découvert en fin de mois, et alors qu’un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, la société ne peut pas être en harmonie avec ellemême. Au contraire, mettant à mal certains des principes de cohésion sur lesquels elle se fonde, la société peut être perçue au mieux comme indifférente ou pire, comme brutale avec les plus vulnérables : ses rouages administratifs, ses normes, ses modalités de fonctionnement perçues comme difficilement accessibles, ne remplissent pas aussi souvent qu’ils le devraient leur rôle de protection auprès de nos concitoyens, en particulier les plus démunis. C’est par exemple une femme de plus de 90 ans « mise à la porte » de sa maison de retraite, ou bien une enfant de 5 ans « exclue » de la cantine scolaire sous les yeux de ses camarades. C’est aussi le cas de cette famille pauvre à laquelle il a été demandé de quitter un espace culturel car sa présence gênait les autres visiteurs. C’est encore la situation d’enfants qui ne peuvent aller à l’école à cause de leur handicap et parfois en fonction de leurs origines. Ce sont aussi les victimes d’infractions diverses auxquelles policiers ou gendarmes opposent un refus de recueillir leurs plaintes alors même que la loi le prévoit. Ce sont encore ces jeunes femmes sommées de choisir entre l’emploi et la maternité ou ces personnes dites âgées qui se voient écarter peu à peu de l’accès au logement, au crédit… Ces hommes, ces femmes, ces adultes, ces enfants, ces Français, ces étrangers, tous sont victimes de cette violence institutionnelle qui crispe les relations, exacerbe les conflits et pousse ceux qui sont dans la précarité à des actes de révolte ou de détresse. « Mettre à la porte, exclure, quitter, expulser, écarter… » sont des mots qui me frappent chaque jour quand je prends connaissance des réclamations que nous recevons. Ils témoignent d’une société qui croit se protéger de la crise par des mécanismes d’exclusion. Masquer les difficultés ne veut pas dire qu’on les règle. Au contraire, en les cachant, on les laisse s’aggraver. Une société du déni s’installe, nourrie de renoncements et de découragements. Au milieu de ces difficultés une voie d’accès au droit était plus que jamais nécessaire, une voie permettant un accès tout à la fois simple, proche et efficace grâce à des modes d’intervention diversifiés au service de la protection des droits et de leur promotion.

Un accès au droit simplifié Plutôt que d’hésiter entre plusieurs guichets sans savoir auquel s’adresser, le Défenseur des droits offre une entrée commune. Elle est destinée à régler les litiges avec la puissance publique, à faire respecter les droits de l’enfant, à lutter contre les discriminations, ainsi qu’à veiller au respect, par les forces de sécurité, de leurs règles de déontologie. Les difficultés que rencontrent les personnes ne se partagent pas en catégories. Elles relèvent souvent de plusieurs de nos missions. C’est par exemple une famille dont le fils handicapé se

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Vie du droit

Réclamations des usagers des services publics

déplace en fauteuil roulant et qui se heurte à des problèmes d’inscription de ce jeune dans un établissement scolaire. Cette situation, que nous rencontrons souvent, relevait tout à la fois du Médiateur de la République puisqu’il s’agissait d’un litige avec l’Éducation nationale, de la Halde car l’enfant était potentiellement victime d’une discrimination du fait de son handicap, de la Défense des droits de l’enfant car il avait moins de 18 ans. Parfois les parents s’adressaient à ces trois institutions en espérant faire valoir leurs droits plus efficacement, mais au risque de recevoir à des dates différentes des réponses contradictoires. Ces saisines multiples ont représenté plusieurs milliers de dossiers en 2012. Désormais, plutôt que d’ajouter de la complexité au désarroi, le Défenseur des droits offre une seule entrée donnant accès à une équipe unifiée. Au lieu de travailler séparément dans quatre maisons étrangères les unes aux autres, les 250 collaborateurs de l’Institution et ses délégués bénévoles sont aujourd’hui regroupés afin d’agir ensemble en additionnant leurs compétences et en les enrichissant au contact de leurs collègues.

Notre Institution apporte une réponse dans un monde sans cesse plus complexe, qui proclame des droits mais construit paradoxalement des labyrinthes pour y accéder : plus l’individu est précaire, plus les droits ne lui sont accessibles qu’au terme d’un dédale. Dans ces conditions, les plus fragiles ou les moins instruits sont tentés de baisser les bras et de renoncer à faire valoir leurs droits.

Aujourd’hui, toute personne peut nous saisir quel que soit son âge, sa nationalité ou sa situation administrative. Cette simplicité de la saisine du Défenseur des droits s’accompagne évidemment d’une totale gratuité pour l’usager. Les services privés, de par leur nature, et bien souvent les services publics, par nécessité, sont payants ou à l’origine de dépenses importantes qui bien souvent découragent les victimes. Entre un procès coûteux et se résigner à ne rien faire, la saisine du Défenseur des droits n’entraîne aucun frais ni aucun formalisme : un courriel, un courrier, un rendez-vous avec un délégué du Défenseur des droits ou un simple appel téléphonique suffisent pour ouvrir un dossier.

Un accès au droit humanisé « Trop de formulaires, trop de répondeurs téléphoniques et de plateformes Internet qui renvoient de l’un à l’autre. En revanche, pas assez de contact humain, pas assez d’écoute », voilà ce que nous disent beaucoup de citoyens désorientés qui s’adressent à nous. Au total plus de 300 personnes chaque jour, plus de 100 000 sur une année se tournent vers notre Institution, grâce notamment aux délégués qui permettent une relation de proximité et introduisent une dimension humaine dans la prise en compte des difficultés que rencontrent les réclamants. Depuis le regroupement des réseaux préexistants, près de 450 bénévoles extrêmement compétents sont à la disposition du public sur tout le territoire. Ces délégués reçoivent sur quelque 650 points d’accueil répartis à travers l’hexagone et l’outremer. Ce maillage représente en moyenne plus de six lieux de permanence par département. Grâce à ces bénévoles, les citoyens peuvent entrer en relation avec un délégué du Défenseur des droits qui écoute, répond, se renseigne, explique et intervient.

Pour nos concitoyens, face à une situation incompréhensible, c’est parfois le seul moyen de se faire entendre et d’être rétabli dans ses droits. Par exemple, cette femme âgée de 87 ans qui, du jour au lendemain, ne percevait plus sa retraite ni ses remboursements pour frais médicaux. Grâce aux recherches de nos délégués, il est apparu que cette femme était victime d’une coïncidence doublée d’une homonymie. Le décès de l’une a entraîné par erreur la radiation de l’autre. Aucun formulaire, aucune plateforme téléphonique n’avait de réponse à la situation dans laquelle se débattait cette femme. Ou bien ce chef d’entreprise dont les travaux d’adduction d’eau et d’assainissement n’avaient pas été payés par la collectivité qui les avait commandés dans le cadre d’un marché public. Ces retards risquaient de se traduire par des licenciements économiques. L’intervention de notre délégué auprès de la collectivité locale concernée a permis le paiement plus rapidement. Les délégués du Défenseur des droits tiennent leur permanence dans des quartiers, des banlieues, des territoires parfois désertés par les services publics. Ceux qui ont perdu leur liberté mais pas leurs droits ont le plus grand mal à les faire respecter. Les détenus représentent un pour mille de la population mais 5 % de ceux qui s’adressent à nous, soit 50 fois plus que la moyenne. Cent cinquante de nos délégués vont régulièrement dans les établissements pénitentiaires pour s’efforcer de trouver des solutions aux difficultés dont les prisonniers les saisissent. À l’heure où l’on déplore le repli sur soi, l’égoïsme et le manque d’esprit civique, cet engagement désintéressé des bénévoles acceptant de consacrer deux jours par semaine à venir en aide à leurs concitoyens mérite d’être souligné et salué.

Un accès au droit efficace grâce à une panoplie juridique diversifiée au service de la protection des droits La Constitution et la loi organique ont confié au Défenseur des droits des pouvoirs d’enquête qui lui permettent de faire la lumière sur des faits dont il est saisi. Il peut procéder à « des vérifications sur place dans des locaux administratifs ou privés… ». Ainsi, des centres de rétention administrative (CRA) où des enfants étaient internés ont fait l’objet de vérifications près d’une vingtaine de fois. À chaque fois nous avons obtenu que les familles soient libérées sur le champ et, en juillet 2012, le Ministre de l’Intérieur a diffusé une circulaire demandant aux préfets de privilégier d’autres solutions pour les familles et donc pour les enfants. De même, « Le Défenseur des droits peut demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant lui ». Ainsi en 2012 plus de 200 policiers ou gendarmes ont été entendus à la suite de plaintes dont le Défenseur des droits était saisi.

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Vie du droit « Ceux-ci sont tenus de répondre aux demandes d’explications qu’il leur adresse et de déférer à ses convocations. » Ces pouvoirs d’investigation très étendus se prolongent par des moyens d’interventions juridiques extrêmement diversifiés.

La médiation

Intervention de l’Institution du Défenseur des droits en fonction de l’âge des enfants

Bien sûr, « le Défenseur des droits peut procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance par voie de médiation ». C’est évidemment la méthode la plus couramment employée, en particulier pour tout ce qui concerne les litiges entre administrés et puissance publique qui représentent environ la très grande majorité des réclamations que nous traitons. Nous sommes ainsi intervenus plus de 3 000 fois en faveur d’automobilistes visés par un procès-verbal injustifié. C’est aussi le rétablissement du dialogue entre les administrations et les usagers dans des dossiers d’urbanisme, de fiscalité ou plus encore dans le domaine social avec la multiplicité des régimes de retraite que nous arrivons à résoudre des situations de blocage non justifiées.

Les observations devant les juridictions À l’autre extrémité des moyens que la loi confère au Défenseur des droits, « les juridictions civiles, administratives et pénales peuvent, d’office ou à la demande des parties, l’inviter à présenter des observations écrites ou orales. Le Défenseur des droits peut lui-même demander à présenter des observations écrites ou à être entendu par ces juridictions ; dans ce cas son audition est de droit ». En 2012, nous avons fait usage à 90 reprises de cette disposition, faisant appel à près de 70 avocats différents. Dans la plupart des cas, nous intervenons par le dépôt d’observations lorsqu’est jugée une affaire de discrimination prohibée par la loi. Par exemple, cette femme pour laquelle le congé maternité et d’éducation parentale devient un sinistre professionnel qui se traduit par un licenciement, conséquence directe de sa nouvelle situation familiale. Après enquête, nous avons estimé qu’elle était victime d’une discrimination. Le conseil des prud’hommes a condamné l’entreprise à lui verser 220 000 €. Ces condamnations sont réparatrices pour la victime et elles ont une valeur d’exemplarité. La réforme ayant étendu les prérogatives du Défenseur des droits, nous avons pu déposer des observations dans des affaires intéressant les droits de l’enfant. Ainsi cette famille dont les parents ne peuvent pas se marier en raison de la prohibition de l’inceste. Ils sont, en effet, frères et soeurs au regard de la loi à la suite d’une adoption plénière de la fille par les parents biologiques du garçon. Or ces jeunes gens, qui n’ont aucune relation génétique, ont donné naissance à deux enfants à l’égard desquels le père n’avait aucun droit. À la suite des conseils du Défenseur des droits et des observations déposées devant le Tribunal, les parents ont saisi le juge aux affaires familiales qui a accordé une délégation d’autorité parentale au père de ces enfants.

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Nous pouvons exprimer nos observations devant tous les niveaux de juridictions : tribunaux de première instance, Cours d’appel et cours suprêmes. Ainsi la Cour de cassation soulignait-elle, à propos d’arrêts rendus récemment : « Le Défenseur des droits avait présenté des observations concluant en faveur de la solution retenue in fine par la Cour de cassation. » En effet, dans sept cas sur dix, nos observations sont conformes au jugement finalement rendu par la juridiction. Nous pouvons également présenter des observations devant la Cour européenne des droits de l’homme. Entre les accords amiables et les dépôts d’observations devant les juridictions, la panoplie juridique à laquelle nous pouvons recourir est très complète.

Les recommandations C’est une procédure que nous utilisons souvent afin que les discriminations, les dysfonctionnements ou les atteintes à la déontologie de la sécurité que nous avons pu constater ne se reproduisent plus. Certaines recommandations ont une portée générale. Par exemple : à trois reprises, des personnes handicapées vivant dans des régions différentes, s’étaient vu refuser la location d’un logement par le même réseau et pour le même motif : l’allocation adulte handicapé figurait dans leur dossier de ressources. La direction générale du

réseau arguait du caractère non saisissable de cette allocation pour refuser la location au motif de garanties insuffisantes. Une telle pratique, si elle venait à se généraliser, reviendrait à évincer toutes les personnes handicapées du marché immobilier locatif. Par voie de recommandation, nous avons donc enjoint à cette société de mettre fin à cette pratique discriminatoire et d’en informer toutes ses agences. De notre côté, nous avons prévenu l’ensemble des professionnels du secteur et le ministère du Logement. Depuis lors, nous n’avons pas été saisis de réclamations semblables concernant ce réseau. Lorsqu’une dame âgée de plus de 90 ans a été exclue de la maison de retraite parce que sa famille n’avait pas réglé les impayés, nous avons publié une recommandation en faveur de dispositions protectrices renforcées dans les contrats de séjour des résidents. La direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mené une enquête et déclaré : « En écho aux recommandations du Défenseur des droits…, la DGCCRF relève de nombreuses irrégularités dans les structures qu’elle a pu contrôler. » Sur plus de 300 établissements, 58 % d’anomalies ont été recensées et 178 d’entre eux ont fait l’objet d’avertissements. D’autres recommandations ont un caractère individuel. C’est notamment le cas en matière de déontologie de la sécurité. C’est ainsi que des policiers, gendarmes ou surveillants pénitentiaires ont fait l’objet de recommandations en vue de sanctions disciplinaires.

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Vie du droit Les règlements en équité Ils consistent à demander à l’administration de s’affranchir des règles de droit afin d’aboutir à une solution plus conforme à la volonté du législateur. C’est une procédure que nous utilisons principalement en matière fiscale.

Les injonctions Cette procédure vise à enjoindre une personne de se conformer à une recommandation précédemment formulée par l’Institution mais non suivie d’effet. Une injonction est assortie d’un délai pour sa mise en oeuvre. « Le Défenseur des droits peut enjoindre à la personne mise en cause de prendre dans un délai déterminé les mesures nécessaires. » Nous avons utilisé ces dispositions pour demander au préfet compétent de respecter ses obligations en délivrant les inscriptions administratives de scolarisation en milieu ordinaire pour douze enfants d’origine étrangère et assidus à l’é cole depuis plus de dix mois. L’utilisation de ce nouveau pouvoir faisait suite à une visite sur place afin de vérifier la situation des élèves. Nous avons également utilisé ce pouvoir d’injonction pour venir en aide à un citoyen qui avait reçu plus de 40 procès-verbaux injustifiés pour des infractions commises au volant d’un véhicule qu’il ne possédait plus.

La transaction civile ou pénale Afin d’éviter les frais et les délais d’une action en justice, « le Défenseur des droits peut proposer à l’auteur de la réclamation et à la personne mise en cause de conclure une transaction dont il peut recommander les termes. (…) Le montant de l’amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de l’auteur des faits ». Cette transaction, si les deux parties

y souscrivent, doit être homologuée par le procureur de la République. Par exemple, un chef d’entreprise qui avait déclaré à plusieurs reprises qu’il « ne souhaitait pas recruter des personnes d’origine maghrébine » s’est vu infliger une amende transactionnelle de 700 € que son avocat a acceptée et que le procureur a homologuée. De même, alors qu’un bail avait été conclu entre une agence immobilière et des futurs locataires âgées de 75 et 72 ans, le propriétaire refuse de louer. Le Défenseur des droits a considéré que ce refus caractérisait une discrimination fondée sur l’âge. Reconnaissant le préjudice moral et matériel subi par les locataires, le propriétaire s’est engagé à leur régler une indemnité transactionnelle, forfaitaire et irrévocable de la somme de 21 000 €. Fort de cet accord, les réclamants et le propriétaire ont fait savoir au Défenseur des droits qu’ils prenaient acte de la transaction qui éteint ainsi les procédures contentieuses. Mais s’il y a lieu, notre Institution peut également accompagner les réclamants devant les tribunaux. Mais notre rôle n’est pas seulement de contribuer à réparer un préjudice une fois qu’il est survenu. Nous devons également développer une action préventive pour tenter d’éviter le préjudice.

De la promotion des droits et libertés La loi organique prévoit que « le Défenseur des droits mène toute action de communication et d’information jugée opportune dans ses différents domaines de compétences afin de promouvoir toute bonne pratique en la matière » tout particulièrement en matière d’égalité et de droits de l’enfant. Chaque année par exemple, nous menons, avec l’organisation internationale du travail, une enquête sur le ressenti des discriminations dans les entreprises publiques et privées. Les résultats de ce sondage nous permettent de mesurer les évolutions, de mieux identifier les sujets sur lesquels nous devons agir. C’est ainsi que nous

Réclamations adressées à l’Institution dans le domaine des droits de l’enfant

Agenda

BARREAU DU VAL-DE-MARNE

Les indispensables Formation du 1 au 5 juillet 2013 Palais de justice 17-19, rue Pasteur Valléry-Radot 94110 CRETEIL Renseignements : 01 45 17 06 06 l.barbier@ordre94.fr

2013-475

LA LETTRE DES JURISTES D’AFFAIRES ET LA SEMAINE SOCIALE LAMY

Inaptitude : comment se mettre en conformité avec les nouvelles règles ? Matinée-débats le 2 juillet 2013 Hôtel Prince de Galles, 33, avenue George V 75008 PARIS Renseignements : 01 76 73 48 98 matineesdebats@lamy.fr

2013-476

UNION DES JEUNES AVOCATS DE MONTPELLIER

Cinquante nuances d’UJA Gala le 4 juillet 2013 Corum Esplanade Charles de Gaulle 34000 MONTPELLIER Renseignements : 04 67 60 49 95 2013-477

LES RENDEZ-VOUS LAMY LIAISONS SOCIALES

Sécurisation de l’emploi L’application de la réforme, c’est maintenant ! Le point sur les textes réglementaires Colloque le 10 septembre 2013 Hôtel Intercontinental Paris-Le Grand 2, rue Scribe 75009 PARIS Renseignements : 01 76 73 30 30 liaisonsformation@liaisons-sociales.com 2013-478

RENCONTRES INTERNATIONALES DU DROIT DES AFFAIRES EN AFRIQUE

Enjeux Africains de l’arbitrage international : Connaître, anticiper et structurer votre projet d’affaires Rencontre du 23 septembre 2013 Hôtel Le Mauricia Royal Road - Grand Baie ILE MAURICE Renseignements : 01 83 62 26 61 b.lebars@lazareff-lebars.com

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Vie du droit

Observations du Défenseur des droits devant les tribunaux en 2012 par critères

avons publié un guide « Un salaire égal pour un travail de valeur égale » qui permettra aux partenaires sociaux de faire évoluer les mentalités et les comportements afin que se réduisent progressivement les 27 % d’écart que l’on constate entre les rémunérations masculines et féminines. À la demande d’employeurs et de salariés, nous avons publié avec la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) un guide permettant de « Mesurer pour progresser vers l’Égalité des chances ». La diversité des sujets abordés dans nos rapports reflète celle des missions qui nous sont confiées : les enfants à Mayotte, la régulation des contrôles d’identité, les bonnes pratiques dans les cantines scolaires, le droit funéraire ont fait l’objet de notre part d’enquêtes et de propositions destinées aux décideurs et aux pouvoirs publics mais accessibles à tous. Nous éditons également des dépliants brefs et factuels destinés à celles et ceux qui pourraient discriminer ou pourraient être discriminés : « Une grossesse sans discrimination » destinés aux employeurs et salariées, « Louer sans discriminer » destinés aux bailleurs, agences et locataires, etc. « Le Défenseur des droits peut recommander de procéder aux modifications législatives ou réglementaires qui lui apparaissent utiles. » Cette disposition législative nous permet de mettre fin à des dysfonctionnements. Par exemple nous avons proposé que ce soit la date de vente qui fasse foi en matière d’amende et non plus l’inscription du nom du nouveau propriétaire au système informatisé des véhicules. Le Parlement a adopté cette réforme entrée en vigueur au début 2012. Résultat : nous sommes passés dans ce domaine de plusieurs

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centaines de réclamations à quasiment zéro. Elle nous permet également de lutter contre les discriminations dont certaines résultent directement de la loi. Par exemple, le délai de prescription pour injures portant sur le sexe, l’identité sexuelle ou le handicap n’était que de trois mois, alors qu’il était d’un an pour les injures racistes. Une proposition de réforme législative formulée par le Défenseur des droits et reprise par des membres du Parlement vise à unifier les délais de prescription. La rapporteure du Sénat a souligné que « le Défenseur des droits a recommandé cet alignement dans une proposition de réforme. La proposition de loi en est directement inspirée. » Par ailleurs, notre Institution a recommandé, dans une lettre adressée au Premier ministre et aux présidents des deux assemblées, une loi de « clarification » afin qu’employeurs et salariés sachent où s’applique le principe de laïcité et de neutralité religieuse et où doit prévaloir celui de la liberté d’expression. Au cours de l’année 2012 le Parlement a souhaité consulter à dix reprises le Défenseur des droits à propos de textes en relation avec les compétences de notre Institution. De nombreuses fois, les propositions ont été retenues par le législateur à l’occasion de ces auditions. Notamment les textes relatifs à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées, au harcèlement sexuel ou plus récemment pour la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ont été améliorés. Ce travail de promotion, nous le poursuivons au-delà de nos frontières. Plus précisément, notre action internationale vise trois objectifs majeurs.

En premier lieu, nous cherchons en permanence à savoir ce qui se fait ailleurs dans des institutions homologues afin de tirer profit d’expériences couronnées de succès. En deuxième lieu, nous avons le souci de rechercher et d’apporter des réponses coordonnées face à des questions qui se posent dans les mêmes termes et dans des cadres juridiques semblables. Par exemple la politique en direction des populations d’origine rom ou des mineurs isolés étrangers. Enfin, nous avons la responsabilité de mettre à disposition notre expérience et nos moyens au service d’institutions de création récente qui n’ont pas encore le savoir-faire et les instruments pour faire face à la mission qui leur est confiée. Nous le faisons dans le cadre de l’Association des ombudsmans de la Méditerranée (AOM) ou de l’Association des ombudsmans et médiateurs de la francophonie (AOMF) dont la France assure le secrétariat général. C’est dans ce cadre qu’a été engagé en octobre 2012 un plan d’action en vue du renforcement des compétences des 54 membres de ce réseau international dans la protection des droits de l’enfant. Par ailleurs, nous jouons le rôle de « mécanisme indépendant » devant plusieurs comités spécialisés de l’ONU pour faire connaître notre avis dans leurs domaines respectifs, notamment au regard de la promotion et du respect de conventions internationales dont la France est signataire : telle que la Convention internationale des droits de l’enfant et la Convention internationale des droits des personnes handicapées.

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Vie du droit

Conseil d’Etat Visite du Vice-Président Jean-Marc Sauvé à la Cour administrative d’appel et au Tribunal administratif de Marseille Marseille - 10 juin 2013

La juridiction administrative face à son avenir par Jean-Marc Sauvé(1)

(...) a Justice administrative est garante de l’intérêt général et gardienne des libertés et des droits fondamentaux des personnes. Sa mission, qui est de juger les pouvoirs publics et les services publics, la place au coeur de l’Etat de droit. A ce titre, elle a su, je crois, gagner et conserver la confiance et la considération de tous les justiciables. Votre présence ici aujourd’hui en témoigne et je vous en remercie très sincèrement.

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Il n'y a pas d'Etat de droit sans justice de qualité. Cette qualité repose, en ce qui nous concerne, sur trois piliers, qui sont autant d’objectifs que, par ses réformes récentes, la juridiction administrative tend à atteindre. La qualité se traduit d’abord par une exigence de sécurité juridique, c’est-à-dire par une capacité à faire évoluer la jurisprudence, sans déstabiliser les justiciables, et à rendre des décisions solides. Les décisions du juge administratif sont en effet juridiquement sûres : ainsi, 96 % des litiges sont définitivement réglés conformément à la solution adoptée en premier ressort. La sécurité juridique repose dans notre organisation juridictionnelle sur deux piliers : la collégialité et le rôle du rapporteur public. De nombreuses réformes ont été menées pour la maintenir et la renforcer. Elles concernent en particulier les conclusions du rapporteur public, dont le sens est désormais porté à la connaissance des parties avant l’audience et auxquelles celles-ci peuvent répondre oralement et par écrit. Les parties ont aussi le dernier mot à l’audience. En outre, le rapporteur public peut décider de ne plus conclure sur les dossiers ne présentant pas de difficultés, ce qui contribue à recentrer son travail sur les dossiers présentant à juger des questions de fait ou de droit complexes qu’il peut approfondir. La justice administrative se doit ensuite d’être accessible au justiciable. Elle l’est par tradition avec la large ouverture de son prétoire, mais elle doit encore progresser. Nous nous y efforçons

sur d’autres plans, notamment par l’aménagement des bâtiments où elle est installée. Mais notre politique d’accessibilité, c’est aussi l’ouverture résolue aux nouvelles technologies et aux échanges dématérialisés ; c’est encore la réflexion et les réformes entreprises ces dernières années sur la manière dont se déroule l’audience, avec plus d'oralité pour les parties, ou dont sont rédigées nos décisions de justice – j’y reviendrai. Le troisième pilier de la qualité est la maîtrise des délais. Une bonne justice est une justice qui se prononce en temps utile. Des progrès considérables ont été accomplis à cet égard avec l’instauration de procédures d’urgence efficaces à partir du 1er janvier 2001, mais aussi avec le raccourcissement spectaculaire de nos délais de jugement des recours au fond. Ainsi, pour la première fois dans notre histoire, devant toutes les juridictions administratives, en première instance, en appel comme devant le Conseil d’Etat, le délai prévisible moyen de jugement est au 31 décembre 2011 descendu à moins d’un an. Il a encore diminué au cours de l’année 2012. Ce seul indicateur démontre que la juridiction administrative a beaucoup évolué ces dernières années et que les nombreuses réformes entreprises ont porté leurs fruits partout en France, mais aussi ici même à Marseille. L’engagement résolu des magistrats et des agents de greffe du Tribunal administratif comme de la Cour administrative d’appel de Marseille a permis que soient ici remplis ces objectifs de qualité et conciliées des exigences qui sont parfois contradictoires. La situation du Tribunal administratif de Marseille n’a pas cessé de s’améliorer ces dernières années. Un simple chiffre atteste l’ampleur de cette transformation : le délai prévisible moyen de jugement, qui était de plus d’un an et quatre mois à la fin de l’année 2005, est descendu à huit mois et vingt-trois jours à la fin de 2012, soit une durée inférieure à la moyenne nationale. Un réel effort a en outre été accompli pour résorber le stock de dossiers vieux de plus de deux ans : alors que ces dossiers représentaient plus de 34 % des dossiers en instance fin 2005, ce pourcentage est aujourd’hui de 11 %. Cet effort doit toutefois être poursuivi, car ce sont les dossiers les plus anciens qui, à raison, heurtent le plus les requérants en attente de justice.

La Cour administrative de Marseille connaît une situation plus contrastée. Alors même que le nombre de sorties a augmenté de 5 % par an environ depuis l’année 2005, le délai prévisible moyen de jugement, qui est de 1 an, 7 mois et 3 jours, reste trop élevé. Nous avons pleinement conscience de cette situation et l’effectif des magistrats a été continuellement renforcé depuis dix ans pour faire face à l’augmentation de la charge de travail et du nombre des appels résultant notamment de la création des Tribunaux administratifs de Nîmes en 2006 et de Toulon en 2008. Dans ce contexte, deux Chambres supplémentaires ont été créées dès 2007 et 2011. Je ne doute pas que, chacun contribuant à l’effort nécessaire, la situation de la Cour s’améliore sous peu de manière significative. Pour notre part, nous avons décidé la création d’une 9ème Chambre qui sera mise en place en septembre 2013 et qui conduira à porter à 56 l’effectif des magistrats de la Cour de Marseille. Celle-ci sera confortée dans son rang de deuxième cour administrative d’appel de France. On ne peut donc que saluer les remarquables efforts accomplis, comme ceux encore à accomplir, par les magistrats et les agents de ces juridictions. Je remercie également Madame Jacqueline Sill et Monsieur Henri Dubreuil, qui président ces juridictions, de leur implication et je leur renouvelle tout mon soutien pour le travail qu’ils accomplissent, et qui peut en certaines occasions être rendu plus ingrat par l’attitude regrettable de requérants irascibles. J’ai apporté mon soutien, comme vous le savez, Madame la Présidente, à l’une de vos Présidentes de Chambre la semaine dernière. Si les réussites sont incontestables, la juridiction administrative doit néanmoins relever encore de nombreux défis. Le premier de ces défis réside dans la croissance constante du contentieux. Il faut mesurer que, sur l’ensemble du territoire, le contentieux augmente en moyenne de 6 % par an depuis 40 ans. En outre, de récentes législations sollicitent massivement le juge administratif, comme le droit au logement opposable (DALO), le revenu de solidarité active (RSA) ou la législation sur les étrangers, en dernier lieu avec la loi du 16 juin 2011. Si en 2012 le nombre des dossiers enregistrés devant les juridictions de première instance au niveau national a diminué de 2,6 %, cette situation exceptionnelle ne devrait pas se reproduire. Et du reste, à

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Vie du droit aux uns comme aux autres des garanties et de la sécurité. Un collège de déontologie est par ailleurs chargé d’é clairer les membres de la juridiction administrative sur l’application des principes et des bonnes pratiques définis par la Charte et sur tout problème déontologique qui se poserait à eux. Ce collège peut être saisi aussi bien par les magistrats que par les chefs de juridiction et ses avis et recommandations sont rendus publics et accessibles sur notre site internet. Une douzaine d’avis et recommandations ont ainsi été rendus depuis l’installation de ce collège en mars 2012. Inscrire le juge administratif dans la Cité, c’est aussi consacrer sa qualité de magistrat : c’est ce que le législateur a fait par la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire, qui permet, par ailleurs, à un nombre accru de magistrats des tribunaux et des Cours administratives d'appel d'être nommés au Conseil d’Etat. Inscrire la justice administrative dans la Cité, c’est enfin, je le crois, réfléchir aux voies ouvertes pour rendre nos décisions plus simples, plus lisibles, plus intelligibles, sans rien sacrifier de la rigueur du raisonnement juridique. Un rapport m’a été remis en avril 2012 sur cette question et il a débouché sur de premières mesures d’application immédiate. Il donne lieu en 2013, au Conseil d’Etat, à l’expérimentation de nouveaux protocoles de rédaction dans quatre des 10 sous-sections. J’espère que ces protocoles pourront, après évaluation par un comité qui vient d’être mis en place, être adaptés et étendus en fin de l’année dans les chambres volontaires de certaines Cours administratives d’appel et de certains Tribunaux administratifs.

Jacqueline Sill et Jean-Marc Sauvé

D.R.

Conclusion Marseille, les contentieux ont continué à augmenter aussi bien à la Cour qu’au Tribunal. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il ne peut y avoir de réponse à la progression forte et continue des contentieux que dans une réflexion d’ensemble sur les facteurs et les causes qui expliquent cette augmentation ainsi que dans la limitation de celle-ci. Il faut à cette fin favoriser la prévention des litiges portés devant le juge et, pour cela, imaginer des réponses plus appropriées que le seul contentieux : tous les litiges ne sauraient se régler devant un juge. Les modes alternatifs de règlement des litiges, notamment par la médiation ou la conciliation, et les conditions d’accès au juge doivent, selon le cas, être développés ou repensés. Il faut aussi adapter en permanence notre organisation, notre procédure et nos méthodes de travail. De nouvelles initiatives vont être prises à cette fin dès cette année. La juridiction administrative doit ensuite poursuivre son ouverture résolue aux technologies de l’information. Au quotidien, dans nos juridictions, le papier laisse de plus en plus souvent la place au travail dématérialisé. En outre, les téléprocédures, qui permettent aux parties d’échanger par voie électronique avec les juridictions et qui sont expérimentées avec succès en matière fiscale dans les juridictions

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franciliennes, vont être généralisées à l’ensemble des contentieux et à toutes les juridictions : le 2 avril de cette année, en ce qui concerne le Conseil d’Etat ; le 3 juin 2013 pour les cours administratives d’appel de Nantes et de Nancy et les Tribunaux administratifs du ressort de ces juridictions et, au plus tard, le 31 décembre 2013 pour l’ensemble des autres juridictions administratives de métropole, et donc celles de Marseille. Les quelques difficultés que nous avons rencontrées dans la construction de l’interface avec le Réseau privé virtuel des avocats sont maintenant résolues et j’ai signé, cette semaine, une convention avec le Conseil National des Barreaux sur l’utilisation de la communication électronique avec les juridictions administratives. Le troisième défi qu’il convient de relever est celui de la place du juge et de la juridiction administrative dans la Cité. Inscrire le juge dans la Cité suppose tout d’abord de renforcer la garantie de son impartialité et de son indépendance. Une Charte de déontologie, commune à l’ensemble de la juridiction administrative, a ainsi été publiée en décembre 2011. Elle constitue, sur les exigences d’indépendance et d’impartialité ou de prévention des conflits d’intérêts, une référence précieuse, pour les magistrats administratifs comme pour les justiciables. Elle doit apporter

Les défis à relever, vous le voyez, sont nombreux. Ils demandent de poursuivre dans la voie de l'effort et des réformes qui ont été engagées ces dernières années. Je ne méconnais pas les implications des différentes évolutions, passées ou à venir, sur le travail des magistrats comme des agents de greffe. Que notre justice soit de qualité, cela n’est en effet possible que grâce à la mobilisation résolue des femmes et des hommes qui la composent. C’est grâce à eux qu’elle le restera. Je tiens donc à remercier les magistrats et les agents de ces juridictions et, en particulier, du Tribunal administratif et de la Cour administrative d’appel de Marseille et à leur rendre ici un hommage chaleureux. Note : 1 - Texte écrit en collaboration avec Monsieur Olivier Fuchs, conseiller de Tribunal administratif et de Cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du Vice-Président du Conseil d’Etat. 2013-480

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Vie du droit

Plume de greffier

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Exposition à la Cour de cassation jusqu’au 15 juillet 2013 “La Lettre et l’Image dans les archives du Parlement de Paris”

Louis de Carbonnières, Monique Morgat-Bonnet, Vincent Lamanda et Clément Pieyre es Archives nationales abritent les deux fonds les plus prestigieux légués par la France monarchique, celui des archives royales conservées au Trésor des chartes, et celui des archives de la cour du Parlement, véritable joyau de l’Ancien Régime, tant par sa continuité, du règne de Saint Louis à celui de Louis XVI, que par sa richesse évaluée à plus de 11 000 registres. Ce fonds magnifique résulte de l’activité inlassable du Parlement de Paris en sa qualité de cour « capitale et souveraine du royaume » durant plus de cinq siècles. Archives judiciaires donc, faites de plaidoiries d’avocats, de délibérations de la cour et d’arrêts, rendus au nom du roi, source de toute justice. Les registres d’arrêts nous invitent à appréhender la justice de l’Ancien régime, ses règles de droit et de procédure, précises, rigoureuses, constitutives au fil du temps de l’armature de la société et de l’État de droit.

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Le fonds du Trésor des chartes recèle de très beaux exemplaires de chartes royales ornées : en effet, en quelques circonstances

exceptionnelles, les actes du Gouvernement royal recevaient une décoration qui marquait l’intérêt du souverain pour le bénéficiaire de sa faveur ou qui signalait à la postérité l’importance d’une décision prise pour lui-même — et qu’il conservait alors dans ses propres archives. Il arrivait également au roi de parer ses textes d’images pour célébrer un événement politique ou personnel qui n’avait pas de lien direct avec sa décision mais dont il voulait garder trace à cette occasion. Selon les cas, la Chancellerie élaborait des images qui glorifiaient les emblèmes et les insignes de la dynastie, qui portraituraient le roi ou le mettaient en scène avec le ou les destinataires du texte, qui rappelaient les moments forts de la vie princière (la chasse, par exemple) ; il arrivait aussi qu’on laissât les artistes donner libre cours à leur imagination, dans des limites raisonnables ou dans les espaces marginaux de l’illustration. Cette mode fut suivie par les diverses instances de l’administration royale, notamment par la Cour de justice

souveraine, le Parlement. Elles s’approprièrent l’iconographie existante et l’adaptèrent à leurs besoins. Le règne de Philippe VI de Valois (1328-1350) fut une étape décisive du processus de diffusion de l’illustration dans les actes royaux. Au Parlement, les lettres décorées se rencontrèrent dès le début du XIVe siècle, parsemant les registres de manière aléatoire selon l’imagination et le talent des scribes. Les registres d’Arrêts sont agrémentés d’initiales et de lettrines ornées de fleurs de lys - symbole royal introduit dans le décor des chartes en 1304 par Philippe IV le Bel - de torsades, de motifs géométriques, de feuillages, souvent des feuilles de lierre ou de chêne . Sous Charles V et Charles VI, les registres du Parlement contribuent à la banalisation d’une iconographie testée à la chancellerie royale. Le plus bel exemple en est sans doute l’initiale I fleurdelisée en forme de poisson, avec ou sans nageoire. Elle est la descendante de l’initiale J (= I) du nom du roi Jean II le Bon (1350-1364),

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Vie du droit

qui crée ce type au poisson avant même d’accéder au trône, lorsqu’il n’était que duc de Normandie. L’usage de la demi-fleur de lys lui était couramment associé, comme ensuite chez son fils cadet, le célèbre Jean, duc de Berry, qui reprit tel quel le modèle paternel puisqu’il portait le même prénom. La banalisation du poisson comme corps de lettre ou comme jambage d’attaque d’une initiale est acquise dans les chartes royales bien avant 1400 ; le Parlement ne pouvait pas y échapper (1435). Dans la continuité du masque hirsute tirant trois langues qui forme le bas de l'initiale au poisson (1380), on notera les deux longs visages barbus accrochés le long du jambage initial du K (Karolus) d’un registre du temps de Charles VI (1391) et qui apparaissent sur les actes de la fin du règne de Charles V (1378-1380). Ornée de feuilles de chêne tracées à gros traits, et qui constituent un végétal classique des actes des Valois après 1360, cette initiale se situe donc dans la tradition de la chancellerie royale. Certains clichés sont typiques de l’évolution des styles décoratifs à partir de 1400 : les scribes utilisent les cadelures, traits à l’encre noire découpant les lettres en petits ornements, ce qui leur permet de laisser libre cours à leur

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fantaisie. Des motifs végétaux et des portraits peuvent s’y ajouter. Les quatre C comportent des motifs végétaux et floraux de remplissage. L’initiale qui débute un arrêt est parfois ornée

d’un visage, réaliste, ou caricatural et grotesque. Trois exemples sont présentés, trois K de Karolus, le dernier étant typiquement un visage grotesque jouant de la flûte. De même pour les quatre C de Cum dont deux sont affublés de têtes superposées. La veine grotesque avait débuté à la chancellerie royale dès 1286 avant de s’épanouir sous le règne de Charles V. Enfin, certaines initiales comportent à la fois le dessin d’un visage inclus dans la panse de la lettre et celui d’animaux familiers ou appartenant à un bestiaire légendaire. Le greffier de 1339 reprend à plaisir l’insertion du visage humain (de profil, de face ou de trois-quarts) dans les lettres et dessine des dragons ailés, seuls ou en couple, nouveauté dans le décor des actes. Reconnaissables à leurs longues oreilles, à leur museau et leurs pattes, ces dragons témoignent de l’ancrage précoce du nouvel emblème des Valois dans l’écrit royal, sous toutes ses formes. Apparaissant sur une charte de Philippe VI en 1337, le décor des dragons trouve ici son prolongement immédiat dans l’écrit de la plus haute cour de justice du royaume. Charles V (1364-1380) fera prendre aux dragons une ampleur considérable dans les décors de ses chartes. On trouve l’écho, lointain et abâtardi, du motif du dragon dans le registre de 1518 qui décalque, en outre, un motif bien attesté en 1367 dans les chartes royales, où l’un des deux dragons du couple mordait le tronc de l’initiale. Ces dessins insérés dans les initiales des arrêts présentés ici n’ont pas de rapport direct avec le contenu de l’arrêt qui se révèle plutôt banal. Parfois, en bas de page d’un registre, le greffier dessine un phylactère comportant une inscription : il s’agit des premiers mots de la page suivante, ce qui permet de ne pas perdre le fil de la recension et de faciliter l’archivage ultérieur. Conséquence de son origine de Curia Regis, de Cour du Roi, cour des vassaux et des prélats, qui conseillait le souverain et jugeait les pairs, le Parlement a gardé vocation à intervenir aussi dans les affaires générales du royaume à la demande du roi. Cette activité extrajudiciaire a été, elle aussi, consignée par les greffiers dans les registres dits du Conseil. Après 1400, les greffiers du Parlement ont débordé le cadre strict du texte pour orner les marges de ces registres du Conseil d’illustrations

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Vie du droit qui avaient un rapport direct avec le contenu de l’arrêt ou avec les annotations historiques ajoutées entre les sentences. L’image prenait dans ce cas une autre valeur. Elle servait de commentaire, elle signalait et visualisait l’information pour attirer l’attention du futur lecteur ou des collègues de travail qui seraient appelés à manier le registre. Les scribesdessinateurs sortaient de la norme iconographique – trop étroite pour leur talent ?, fondée sur la tradition séculaire des cours royales. Le désir de reconnaissance de ces fortes personnalités, qui n’hésitent plus à livrer leur opinion et leur interprétation des événements au sein de leur travail administratif, est un fait caractéristique du XVe siècle. Comptabilités, livres fonciers, registres administratifs gardent la trace de ce surgissement du moi. Les marges des registres comportent souvent des mains dessinées avec un index démesurément allongé qui pointe vers l’acte que veut isoler et désigner le scribe. Le croquis marginal le plus célèbre est attribué au greffier civil Clément de Fauquembergue qui a brossé un « portrait » de Jeanne d’Arc en face du récit qu’il fait de la levée du siège d’Orléans le 10 mai 1429. Cette représentation de Jeanne d’Arc est précieuse car c’est la seule réalisée de son vivant et elle est révélatrice par les choix que fait le greffier : elle est revêtue d’habits féminins élégants et coiffée de cheveux longs noués en tresse, mais c’est avant tout une combattante qui porte l’épée et brandit un étendard sur lequel flotte le nom de « Jhesus ». Par ce modeste croquis d’une dizaine de centimètres, le greffier sait nous transmettre l’essentiel : Jeanne est une guerrière qui se bat au nom de Dieu. L’écu brisé de Louis, duc d’Orléans illustre de manière explicite la relation faite par le greffier Nicolas de Baye de l’assassinat de ce prince par le duc de Bourgogne Jean sans Peur le 23 novembre 1407. La facture simple de ce dessin symbolise parfaitement l’extrême violence du crime.

La couronne, emblème royal, indique le décès d’Henri V, roi d’Angleterre et régent de France depuis le traité de Troyes signé en 1420 entre le roi anglais et Charles VI, Isabeau de Bavière et le duc de Bourgogne. Le greffier Nicolas de Baye (ou l’un de ses clercs) s’est amusé à se représenter lui-même avec précision et élégance, dans l’exercice de son office, la plume à la main dans la marge de gauche du registre. Dans celle de droite, il dessine son collègue, l’huissier du Parlement. Ces deux dessins illustrent parfaitement l’acte qu’ils encadrent qui concerne le statut, plus précisément la titulature, du greffier et de l’huissier du Parlement qui ont seuls le droit de porter ces titres. Quant aux registres d’Ordonnances qui consignent les lois du roi enregistrées par le Parlement, ils comportent aussi des initiales richement décorées. Le F cadelé agrémenté de torsades est prolongé du portrait d’un personnage qui, bien que dépourvu de couronne, semble être une représentation de

François Ier qui dérogerait à l’usage médiéval de ne pas faire figurer la figure royale sur des copies. L’iconographie des registres du Parlement révèle que ses modèles sont issus de la chancellerie royale qui les lance et les teste, alors que la chancellerie du Parlement les imite, parfois immédiatement, ou avec un léger décalage dans le temps ; on assiste aussi à des reprises tardives comme le motif du dragon au XVIe siècle. Révélatrice d’une possible formation commune des scribes, d’un partage de leurs idées et de leurs croquis, l’iconographie cachée et largement inconnue des registres de la cour souveraine du royaume s’inscrit dans la plus pure tradition royale. L’image au Moyen Âge, qu’elle soit inscrite dans la pierre ou sur le parchemin, est omniprésente et témoigne à l’instar de l’écrit en étant le vecteur d’une communication entre passé et présent. Monique Morgat-Bonnet (CNRS) Ghislain Brunel (Archives nationales) 2013-481

Cour de cassation Rapport annuel 2012 - 24 mai 2013 La publication du Rapport annuel de la Cour de cassation est un document très utilisé par les juristes, dans notre édition du 6 juin 2013, nous avons omis de citer, dans l’éditorial, les activités du SDER (Service de Documentation, des Etudes et du Rapport) dirigé par Daniel Tardif. Ce haut magistrat s’est notamment réjoui de l’ouverture d’un compte Twitter « @courdecassation » permettant au public de mieux « suivre l’actualité de la Cour de cassation dans ses développements les plus récents ». Les nouvelles technologies permettent au SDER d’enrichir sa diffusion et d’inscrire son action dans la modernité. Jean-René Tancrède

Entre tradition et modernité par Daniel Tardif aire comprendre sans dénaturer : telle est l’ambition qui a guidé nos travaux pour l’élaboration du Rapport annuel de la Cour et qui anime, de façon plus générale, le service de documentation, des études et du rapport dans l’exercice de ses missions.

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Ainsi que le relevait M. le Premier président, cette nouvelle édition a été l’occasion de repenser la présentation du rapport annuel afin de rendre ce document plus accessible. Aux modifications de pure forme – telles que le choix de la bichromie et la recherche d’une mise en page plus aérée – se sont notamment ajoutés des renvois de partie à partie, qui constituent autant de liens invitant le lecteur à prolonger sa consultation, en lui signalant les autres commentaires ou données se rattachant à sa recherche.

Cette approche traduit notre souci de prendre en considération, en les conciliant, la nature du Rapport annuel et les besoins de ses utilisateurs. Document de référence, le rapport annuel doit en effet répondre aux exigences du Code de l’organisation judicaire, qui prescrit à la Cour de cassation de rendre compte de son action et lui permet de formuler des suggestions de réformes. Mais il doit également satisfaire les besoins des professionnels, qui recherchent des informations précises et complètes, ainsi que

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Vie du droit

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Daniel Tardif

les attentes du public, désireux de mieux connaître notre juridiction. C’est cet équilibre que nous nous sommes attachés à construire, en veillant à ne jamais céder à la facilité. Ce même esprit gouverne l’ensemble des actions engagées par le service dans le domaine de la diffusion de l’information et de la communication. L’année 2012 a été marquée, en la matière, par la mise en place d’une nouvelle organisation au sein de la Cour, le service de communication ayant été rattaché au directeur du service de documentation, des études et du rapport (le « SDER »). Cette évolution obéit à une logique profonde. Car, pour être efficace et atteindre son public, la diffusion de la jurisprudence, mission historique du SDER, doit désormais s’inscrire dans un ensemble plus large, au sein duquel la communication technique se trouve enrichie par le recours à des outils complémentaires, qui en assurent le relais et permettent une meilleure compréhension. Parmi les actions engagées récemment, on retiendra notamment l’ouverture d’un compte Twitter : « @courdecassation ».

Certains y verront peut être un effet de mode, voire un gadget. Les premiers retours que nous avons de cette expérience prouvent qu’il n’en est rien. L’outil présente, à l’évidence, des contraintes – ne serait-ce qu’en raison des limites qu’il impose quant à la forme des messages. Ces contraintes peuvent toutefois être dépassées pour peu que l’on s’attache à bien utiliser les « tweets », dont la vocation est d’offrir au public la possibilité de suivre l’actualité de la Cour dans ses développements les plus récents. Nos 7 000 « followers » sont ainsi informés en temps réel des décisions les plus importantes mises en ligne sur notre site, ainsi que des principaux événements qui rythment la vie de notre juridiction, tels que les audiences solennelles, les rencontres organisées dans le cadre de ses relations internationales, les colloques et les conférences. Les « tweets » offrent le plus souvent des liens vers d’autres espaces où une information plus détaillée est proposée. Les communiqués qui accompagnent désormais les décisions les plus importantes mises en ligne sur notre site constituent une autre manifestation de notre souci de fournir des éléments propres à favoriser une meilleure compréhension de la jurisprudence. Leur élaboration est le fruit d’un travail collectif, associant les magistrats de la formation qui a rendu la décision, la première présidence, le parquet général et le service de communication afin d’obtenir une présentation explicite, claire et accessible : une présentation qui « fasse comprendre, sans dénaturer ». Mais ces initiatives seraient de peu de portée sans un accompagnement humain. Je tiens à saluer ici le travail accompli par notre chargé de communication dont l’arrivée a permis l’instauration d’une communication plus fluide. Vous disposez désormais d’un interlocuteur identifié, apte à vous guider dans vos recherches d’informations. Cette nouvelle organisation marque la volonté d’ouverture de notre juridiction. Une volonté qui se manifeste également dans ses activités non juridictionnelles, dont le Rapport annuel propose une présentation.

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LES ANNONCES DE LA SEINE

Plus de 40 colloques et conférences ont été organisés en 2012. Les thèmes abordés – tels que le droit et l’économie de l’environnement, le droit de l’Union européenne ou les écrivains face à la justice – révèlent cette double aspiration de la Cour de cassation à toujours rester en lien avec les défis de la modernité ; tout en conservant un ancrage fort dans l’héritage qui la singularise. Ces manifestations sont ouvertes à tous. Si elles attirent – de façon presque naturelle – les professionnels du droit, elles accueillent également de nombreux étudiants, ainsi que des non spécialistes, intéressés par les échanges rendus ainsi possibles sur des sujets souvent essentiels. Elles sont, pour notre Cour, une autre façon de prendre du recul et de mettre en perspective l’œuvre de la justice. Dans le domaine des relations internationales, la Cour de cassation a poursuivi les actions engagées en faveur d’une meilleure compréhension mutuelle et de la promotion du modèle judicaire français. Parmi les événements marquants de cette année 2012, on retiendra notamment l’organisation du cinquième colloque du Réseau des présidents des cours suprêmes judiciaires de l’Union européenne, qui s’est tenu à Paris dans nos murs au mois d’octobre dernier. Cet événement d’importance a permis des discussions de haut niveau sur les conditions de nomination des juges dans les cours suprêmes. 2012 fut aussi l’occasion d’échanges très riches avec des délégations étrangères. Reconnue comme une référence internationale dans le domaine de la dématérialisation des procédures, notre Cour a été sollicitée à de multiples reprises afin de conduire des missions d’expertise à l’étranger. Là encore, la Cour manifeste son ouverture au monde et son inscription dans la modernité. 2013-482

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Les Annonces de la Seine - lundi 24 juin 2013 - numéro 39


Jurisprudence

Restaurer l’égalité entre les travailleurs détenus ou non Conseil constitutionnel - 14 juin 2013 - décision n° 2013−320/321 QPC Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mars 2013 par la Cour de cassation (Chambre sociale, arrêts nos 698 et 699 du 20 mars 2013), dans les conditions prévues à l'article 61−1 de la Constitution, de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la première phrase du troisième alinéa de l'article 717−3 du code de procédure pénale. Le Conseil constitutionnel, 1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; 2. Considérant qu'aux termes de la première phrase du troisième alinéa de l'article 717−3 du code de procédure pénale : « Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail » ; 3. Considérant que, selon les requérants, en excluant que les relations de travail des personnes incarcérées fassent l'objet d'un contrat de travail, sans organiser le cadre légal de ce travail, le législateur prive ces personnes de toutes les garanties légales d'exercice des droits et libertés reconnus par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 ; qu'en outre, ces dispositions porteraient une atteinte manifeste au principe d'égalité et au respect dû à la dignité des personnes ; 4. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa du Préambule de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances » ; qu'aux termes du sixième alinéa : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix » ; que le septième alinéa prévoit que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » ; que le huitième alinéa dispose que « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » ; 5. Considérant que, d'une part, le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ; que la sauvegarde

de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation est au nombre de ces droits et constitue un principe à valeur constitutionnelle ; que, d'autre part, l'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui−ci et préparer son éventuelle réinsertion ; qu'il appartient, dès lors, au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités d'exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne ; 6. Considérant, d'une part, que les principales règles législatives relatives aux conditions de travail des personnes détenues figurent dans l'article 717−3 du code de procédure pénale ; que le premier alinéa de cet article prévoit que les activités de travail ainsi que les activités de formation sont prises en compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés ; qu'en vertu de son deuxième alinéa, au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande ; que le troisième alinéa, outre qu'il prévoit que les relations de travail ne font pas l'objet d'un contrat de travail, précise qu'il peut être dérogé à cette règle pour les activités exercées à l'extérieur des établissements pénitentiaires ; que le quatrième alinéa prévoit que les règles relatives à la répartition des produits du travail des détenus sont fixées par décret et que le produit du travail des détenus ne peut faire l'objet d'aucun prélèvement pour frais d'entretien en établissement pénitentiaire ; qu'en vertu du dernier alinéa,

NOTE ar décision du 14 juin 2013, le Conseil constitutionnel a rejeté la demande qui lui était présentée sous forme de question prioritaire de constitutionnalité visant à reconnaître que l'article 717-3 du Code de procédure pénale n'est pas conforme à la Constitution. De quoi s'agissait-il en l'espèce ? Deux détenus de la prison de Metz, avaient saisi dans le cadre d'une QPC le Conseil constitutionnel dans la mesure où ils considéraient que les dispositions législatives indiquant que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail étaient anticonstitutionnelles dans la mesure où elles

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représentaient une rupture d'égalité. En outre, elles étaient également considérées comme une atteinte à la dignité pourtant intégrées au préambule de la Constitution. Il faut ici, rappeler, que les personnes en détention, peuvent être amenées à exercer une activité professionnelle sur la base du volontariat. Pour autant, ces activités ne sont pas soumises aux règles en matière de contrat de travail et ne sont pas non plus soumises aux règles en matière de salaire minimum. Cela conduit les détenus à exercer une activité professionnelle, souvent semblable à celle qu'ils exerceraient à l'extérieur de la prison mais moyennant une rémunération souvent

extrêmement faible qui pourrait être comprise entre 40 et 60 % du SMIC. Une nouvelle fois la réponse apportée par la Conseil constitutionnel peut surprendre. Pour autant, pour nous, juristes, cette réponse apparaît relativement conforme aux missions du Conseil constitutionnel. Il s'agit pour lui non pas d'apprécier in concreto la situation des deux individus qui ont déposé une QPC, mais au contraire d'apprécier in abstracto si le texte de l'article 717-3 est conforme ou non à la constitution. Or, le fait pour un texte, d'indiquer qu'il peut y avoir une relation de travail sans contrat peut être jugé comme n'étant pas en soi une violation des règles

constitutionnelles en matière d'égalité et de dignité. Comme il l'a déjà fait par le passé le Conseil constitutionnel renvoie au législateur la mission, s'il le considère utile, de modifier la loi dans ce cas. Une fois ces observations faites, il convient néanmoins d'observer qu'il peut apparaître choquant que des individus exercent une activité professionnelle identique à celle qu'ils exerçaient à l'extérieur mais sans bénéficier des mêmes rémunérations et protections. Pourtant la dignité humaine ne varie pas selon que celle-ci est en détention ou libre. En conséquence, nous ne pouvons que souhaiter une modification des règles de droit du travail en situation

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d'incarcération. Cette modification devra être faite en respectant deux exigences : Restaurer autant que possible l'égalité entre les travailleurs détenus ou non. Prendre en compte les conditions de travail nécessairement différentes en situation d'incarcération afin de ne pas entraîner un assèchement des contrats proposés aux détenus par des entreprises privées. La CNA sera extrêmement vigilante dans ce cadre pour que tout soit fait afin que la dignité des détenus soit toujours et en toutes situations parfaitement respectée. Communiqué de Louis-Georges Barret, Premier Vice-Président de la Confédération Nationale des Avocats du 14 juin 2013.

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Jurisprudence la rémunération des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance prévu par le code du travail, ce taux pouvant varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées ; 7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 susvisée : « L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux−ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue » ; 8. Considérant que l'article 33 de la même loi prévoit, en outre, que la participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement par l'administration pénitentiaire d'un acte d'engagement, signé par le chef d'établissement et la personne détenue ; que cet acte énonce les droits et obligations professionnels de celle−ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération et précise notamment les modalités selon lesquelles la personne détenue, « nonobstant l'absence de contrat de travail », bénéficie des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L. 5132−1 à L. 5132−17 du code du travail ;

9. Considérant qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits ; que, toutefois, les dispositions contestées de la première phrase du troisième alinéa de l'article 717−3 du code de procédure pénale, qui se bornent à prévoir que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail, ne portent, en elles−mêmes, aucune atteinte aux principes énoncés par le Préambule de 1946 ; qu'elles ne méconnaissent pas davantage le principe d'égalité ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; 10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de la première phrase du troisième alinéa de l'article 717−3 du code de procédure pénale doivent être déclarées conformes à la Constitution. Décide : Article 1er. − La première phrase du troisième alinéa de l'article 717−3 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Article 2. − La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23−11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 juin 2013, où siégeaient : Jean−Louis Debré, Président, Jacques Barrot, Claire Bazy Malaurie, Nicole Belloubet, Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Hubert Haenel et Nicole Maestracci. 2013-483

Passation de pouvoir

Chambre Européenne des Huissiers de Justice Jean-Daniel Lachkar a succédé à Ivo Goeyens le 24 avril 2013

éuni en Assemblée générale le 22 avril 2013 la Chambre européenne des huissiers de justice (CEHJ) a élu à l’unanimité de ses membres Jean-Daniel Lachkar à la présidence pour un mandat d’un an. Jean-Daniel Lachkar, actuel président de la Chambre nationale française des huissiers de justice, a pris ses fonctions de président de la CEHJ le 24 avril 2013. Il a succédé à la tête de la CEHJ à Ivo Goeyens, président de la Chambre des huissiers de justice de Belgique, qui devient vice-président avec Carlos Calvo, président de la Chambre des huissiers de justice du Grand Duché du Luxembourg. Ferenc Vincz, vice-président de la Chambre des huissiers de justice de Hongrie a été élu administrateur et Angelo D’Aurora, président de l’A ssociation d’huissiers de justice italiens Auge, a été confirmé en ses fonctions de trésorier. Tous les élus ont rendu hommage à l’action d’Ivo Goeyens et à son impulsion au moment du lancement de la CEHJ. Le président Jean-Daniel Lachkar a indiqué les priorités de la CEHJ pour l’année à venir : - intensification des démarches d’adhésion à la CEHJ. A cet égard, la Chambre nationale polonaise a annoncé sa volonté d’adhérer à la Chambre européenne ;

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- création de cinq groupes de travail sur les sujets suivants : - projet de règlement de saisie européenne des saisies de avoirs bancaires ; - réforme du règlement relatif à la signification et à la notification en Europe ; - propriété intellectuelle ; - protection des données personnelles ; - dématérialisation des procédures à travers le programme E-justice. - suivi des projets européens en cours (la CEHJ étant particulièrement en charge de l’annuaire européen des huissiers de justice); - contribution à l’action normative européenne (veille sur l’ensemble de l’activité législative) ; - études et recherches / expertises au profit de ses membres. Jean-Daniel Lachkar a également affirmé que : « La Chambre européenne poursuivra son engagement aux côtés des institutions pour promouvoir le rôle de l’huissier de justice dans l’e space européen de Justice. L’Europe a besoin d’un renforcement de sa culture judiciaire commune, permettant d’avancer sur le rapprochement des droits et des pratiques nationales, facteur de sécurité juridique pour les citoyens et les entreprises ». 2013-483

Jean-Daniel Lachkar

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Bruxelles, 22 avril 2013


Tribune

Quelles sont les conséquences d’une clause de non-concurrence non-conforme aux critères jurisprudentiels ? par Jacques Brouillet* et Alban de Tarlé** a question de la validité d’une clause de non-concurrence dans un contrat de travail a subi une évolution relativement récente depuis les fameux trois arrêts de principe du 10 juillet 2002 (Cass, soc., 10-072002 n° 00-45.387). En effet, c’est à partir de cette date que les entreprises ont dû normalement se poser la question de l’opportunité du maintien d’une telle clause compte tenu en particulier de deux observations majeures tirées de ces arrêts de juillet 2002 à savoir : - L’obligation de prévoir une contrepartie financière. La question restant d’ailleurs de savoir si celle-ci doit être négociée collectivement ou peut l’être individuellement (principe de proportionnalité). - La justification par la fonction exercée conduisant à considérer comme nulle une clause de non-concurrence qui serait identique quelle que soit la fonction par référence à l’article L. 1121-1 du Code du travail. Ces trois arrêts de la Cour de cassation ont posé quatre conditions de validité de la clause de nonconcurrence. Désormais, elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, être limitée dans le temps et dans l’espace, tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporter une contrepartie financière. Ces quatre conditions sont cumulatives.

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Si toutes les conditions ne sont pas remplies, l’employeur n’encourt pas de sanction spécifique, mais seulement la nullité de la clause. La contrepartie pécuniaire est justifiée dès lors qu’il y a atteinte à sa liberté du travail, et elle est d’ailleurs considérée comme un salaire taxable et imposable. En outre, depuis un arrêt de la Cour de cassation rendu le 26 janvier 2005 (Cass. soc., 26 janvier 2005, n° 03-40.200), le seul fait d’instituer une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie pécuniaire permet au salarié de réclamer des dommages et intérêts, peu importe qu’il n’ait jamais eu à la respecter. C’est ensuite au juge d’apprécier le montant de cette compensation en fonction du préjudice subi. La jurisprudence marque ainsi une étape dans l’évolution de la mise en œuvre de la clause de non-concurrence, de ses conditions et de son indemnisation en cas de préjudice subi par le salarié. Puis, la Cour de cassation, dans un arrêt du 11 janvier 2006 (Cass. Soc. 11 janvier 2006, n° 03-46933), a émis une première réserve quant à l’absence de conséquences pour l’employeur, si ce n’est la nullité de la clause, d’une clause de non-concurrence ne remplissant pas les conditions de validité. Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait considéré que le salarié qui avait respecté les

termes de la clause de non-concurrence (bien que cette dernière soit nulle, pour défaut de contrepartie financière) avait nécessairement subi un préjudice dont le salarié était en droit d’obtenir réparation. Le préjudice du salarié était lié au fait qu’il avait respecté l’interdiction que la clause de non-concurrence créait à son encontre et, de ce fait, avait strictement limité le périmètre de sa recherche d’emploi. Désormais, les employeurs se voient donc contraints à payer des dommages et intérêts à leurs salariés du fait du préjudice subi par la clause de non-concurrence nulle. Ces dommages et intérêts ne sont cependant versés que si les salariés ont respecté la clause de nonconcurrence, croyant qu’elle était valide. La Cour de cassation a récemment renforcé au détriment des employeurs les sanctions liées à une clause de non-concurrence non valable. Dans son arrêt rendu le 12 janvier 2011 (Cass. Soc., 12 janvier 2011, n° 08-45280), la Cour de cassation a considéré que la seule présence dans un contrat de travail d’une clause de nonconcurrence nulle créait nécessairement un préjudice au salarié. Ainsi, que le salarié ait ou non respecté la clause de non-concurrence implique son dédommagement par son employeur. * Jacques Brouillet est avocat, cabinet ACD. ** Alban de Tarlé est stagiaire, cabinet ACD 2013-484

Au fil des pages

Constitution : rien ne bouge et tout change par Bertrand Mathieu a Constitution a pour objet de régir une société politique, d'en exprimer les valeurs et d'organiser l'exercice du pouvoir. Rien ne bouge... et pourtant tout change. Si le champ du droit constitutionnel s'est considérablement élargi à l'ensemble du domaine social, l'ordre juridique national est confronté au développement d'autres ordres juridiques, notamment européens ; derrière la permanence de l'idéal démocratique s'opère une transformation profonde de la légitimation et des conditions d'exercice du pouvoir ; la vocation universaliste des droits fondamentaux est contrariée par le développement des communautarismes ; la figure du juge prend une place essentielle dans l'architecture des pouvoirs... Cet essai a pour objet de découvrir, derrière la permanence des concepts, les mutations

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profondes qui affectent l'ordre constitutionnel, qui n'est en fait que le catalyseur de l'identité d'une Nation, de son histoire, de son destin. Retrouver du sens alors que le monde se réorganise, de manière encore incertaine, autour de nouveaux centres de pouvoir, de nouvelles façons de penser, de nouvelles organisations sociales, doit aussi être l'ambition de la réflexion constitutionnelle. Bertrand Mathieu, Professeur à l'École de droit de la Sorbonne-Université Paris l, préside l'Association française de droit constitutionnel. Il est membre du Conseil supérieur de la magistrature et a été membre de la Commission Avril sur le statut pénal du chef de l'État (2002) et du Comité Balladur chargé de proposer une révision de la Constitution (2007). Il dirige la revue Constitutions. 2013-485

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Lextenso- Editions 192 pages - 23,00 euros

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Palmarès

Prix du Sénat du livre d’histoire 2013 epuis 2003, le Prix du Sénat du livre d'histoire rend hommage aux historiens, jeunes auteurs, chercheurs ou historiens confirmés. Présidé par Monsieur Jean-Noël jeanneney, Professeur émérite des Universités, ancien Ministre, le jury, composé d'éminents historiens, a la tâche de choisir, parmi les très nombreux ouvrages publiés dans les 12 derniers mois, le lauréat ou la lauréate qui se verra remettre son prix par Monsieur Jean-Pierre Bel, Président du Sénat, en présence des Sénatrices et de Sénateurs ainsi que d'un très large public d'historiens, de personnalités et d'amateurs d'Histoire. En organisant ce prix et en décernant cette récompense, le Sénat, Assemblée parlementaire, réaffirme l'utilité civique de la réflexion historique au service de l'ensemble de nos concitoyens. Le jury a examiné cette année encore, au cours de plusieurs réunions de travail, près de 150 ouvrages aux formes multiples (essais, récits, enquêtes, mémoires ou biographies) et aux sujets relevant de genres et d'époques historiques très différents.

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Jean-Noël Jeanneney, Jean-Pierre Bel et Jean-Louis Brunaux Le jury 2013 était composé de : Jean-Noël Jeanneney (Président du jury), Professeur émérite des Universités, ancien ministre, Hélène Ahrweiler, Historienne,

Robert Badinter et Jean-Louis Brunaux

Jean-Pierre Azéma, Historien, Jean Cabannes, Directeur du Secrétariat du Bureau, du Protocole et des Relations internationales du Sénat, Philippe-Jean Catinchi, Historien, Journaliste au Monde, Marc Ferro, Historien, Jean Garrigues, Historien, Valérie Hannin, Historienne, Directrice de la rédaction du magazine l'Histoire, Alain Méar, Conseiller d'État, Claude Mossé, Historienne, Jean-Pierre Rioux, Historien, Directeur de Vingtième Siècle (revue d'histoire), Maurice Sartre, Historien, Benjamin Stora, Historien, Laurent Theis, Historien, Conseiller pour l'histoire au Point, Annette Wieviorka, Historienne. Le prix du jury du Sénat du livre d’histoire 2013 a été décerné à Jean-Louis Brunaux pour son livre « Alésia » publié aux éditions Gallimard. Nous présentons nos chaleureuses félicitations à ce brillant auteur.

Alésia par Jean-Louis Brunaux e fut une formidable bataille et une terrible défaite. Après de longues semaines de siège et de famine, Alésia finit par tomber : les armées gauloises cèdent aux légions romaines et leur chef, Vercingétorix, se livre à César. C’est là, sur le mont Auxois, que s’achève l’indépendance gauloise. Et pourtant, l’événement n’aura cessé de résonner dans notre mémoire ; pendant des siècles on le célébrait comme

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l’origine d’une civilisation galloromaine enfin pacifiée. Ce livre propose de le retrouver pour en interroger à nouveau le sens et la portée. La déroute des Gaulois n’avait rien de prévisible ; Vercingétorix disposait de redoutables moyens militaires ; il commandait des forces considérables venues de toutes les contrées de la Gaule ; sa stratégie ingénieuse aurait pu permettre d’emporter la victoire. Seulement, ses

pouvoirs politiques étaient limités et ses troupes trop désorganisées, et mal entraînées, pour mettre en oeuvre son plan ; surtout, l’immense « armée de secours » qu’il avait réunie à Alésia, disparut corps et biens à l’heure décisive de la bataille : le génie diplomatique de Jules César y était pour beaucoup. Si ce moment demeure une journée qui aura fait la France, écrit Jean-Louis Brunaux, c’est moins à Alésia même qu’il faut

en chercher la raison mais, bien en amont, dans l’histoire longue de la Gaule, de sa civilisation, de ses institutions, de ses moeurs politiques : elles seules peuvent faire comprendre comment tout un élan « national » avait pu assembler la plupart des peuples de l’ancienne Gaule pour affronter les Romains. Alésia est ce miroir qui laisse entrevoir l’unité longtemps méconnue des nations gauloises.

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11ème édition - 19 juin 2013


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