LES ANNONCES DE LA SEINE Jeudi 18 juillet 2013 - Numéro 45 - 1,15 Euro - 94e année
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Raymond Auteville, Jean-Claude Marin, Margaret Tanger, Gilbert Pago, Jean-Jacques Bosc, Pascal Fau et Jacqueline Renia
La contribution de la Cour de cassation à l’émancipation des esclaves
dans les colonies françaises d’Amérique entre 1828 et 1848
SOCIÉTÉ
La contribution de la Cour de cassation à l’émancipation des esclaves dans les colonies françaises d’Amérique entre 1828 et 1848 Ouvrir à l’esclave l’accès à la justice par Jean-Jacques Bosc .............. Défendre la cause de l’esclave par Jacqueline Renia ........................... Le code noir par Gilbert Pago ................................................................. Un exemple de résistance à la justice coloniale par un magistrat : Xavier Tanc par Raymond Auteville ................................................... Des juristes d’exception humanistes et combatifs par Jean-Claude Marin ........................................................................ Alexandre-Amboise Gatine : rendre à l’esclave sa pleine personnalité et sa liberté par Margaret Tanger .................................. Hommage à Aimé Césaire par Jean-Pierre Bel et Jean-Marc Ayrault.....
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18 22 AGENDA .......................................................................................... 9 ANNONCES LÉGALES....................................................... 24 DIRECT
Paris Plages 2013 .......................................................................... 38
VIE
DU DROIT
Tumulte au Barreau par A. Coriolis.............................................. 39
PALMARÈS
Prix de thèse du Sénat 2013 .................................................... 39
l’initiative commune d’avocats et de magistrats de Fort-de-France, un colloque a réuni les personnalités élues civiles et militaires ainsi que d’éminents représentants de la famille judiciaire au premier rang desquels Monsieur le Procureur général de la Cour de cassation Jean-Claude Marin, ce mercredi 29 mai 2013 en Martinique, autour d’un noble sujet : « Comment la participation des gens de justice dans l’amélioration de la condition des esclaves des colonies françaises au 19ème siècle a abouti à la disparition du système esclavagiste en 1848 ? » L’objectif de ce colloque co-organisé par Margaret Tanger, Présidente de l’Ecole des Avocats de Martinique et la Cour d’appel de Fort-de-France, fut notamment de porter à la connaissance d’un public élargi le rôle de la Cour de cassation dans l’amélioration de la condition juridique et humaine des esclaves des antilles françaises durant les vingt années qui ont précédé l’abolition de l’esclavage. Ce n’est en effet qu’à partir de la promulgation de l’Ordonnance royale du 24 septembre 1828, rendant applicable aux colonies les codes métropolitains de procédure civile et de procédure pénale, que la Cour de cassation a pu sanctionner les décisions des Cours coloniales. Auparavant les cours et tribunaux antillais appliquaient les dispositions du « Code noir » qui protégeaient le « maître »
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régnant sur les habitations et étouffant les cris de douleurs et de révolte. Progressivement, les avocats parviendront à dénoncer les souffrances atroces dont furent victimes hommes, femmes et enfants. Le Procureur général Jean-Claude Marin mais aussi le Professeur Gilbert Pago, accueillis par Madame le Bâtonnier Jacqueline Renia, ont parfaitement expliqué comment l’action du Procureur général André Dupin et l’Avocat aux Conseils Alexandre Amboise Gatine ont « pesé de toute leur influence » pour « asseoir les arrêts humanistes et réformateurs » de la Cour de cassation qui auront une répercussion directe sur le sort des esclaves et contribueront à « la victoire de la cause abolitionniste par une pression constante exercée sur le législateur de 1848 ». Dans leurs remarquables interventions tant Margaret Tanger que Raymond Auteville, Président de l’Institut des Droits de l’Homme de Martinique, ont expliqué avec talent comment « les anonymes de l’histoire », faisant appel à « la force médiatrice de la loi », ont combattu pour la liberté et le respect des droits fondamentaux. Ce colloque fut particulièrement émouvant car il a démontré comment, grâce à leur courage, certains hommes ont su hisser la cause de la liberté au dessus des cloisonnements sociaux et faire ainsi triompher les convictions du cœur. Jean-René Tancrède
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Société Jean-Jacques Bosc
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2012
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Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas
Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Agnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes Administrateurs Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Magistrat honoraire Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Chloé Grenadou, Juriste d’entreprise Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International
Ouvrir à l’esclave l’accès à la justice par Jean-Jacques Bosc oyez remerciés pour votre présence à cet évènement exceptionnel que constitue cette conférence sur la contribution de la Cour de cassation à l’émancipation des esclaves dans les colonies françaises d’A mérique entre 1828 et 1848, laquelle s'inscrit dans les commémorations de I'abolition de l'esclavage qui ont lieu en France hexagonale et aux Antilles.
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L'évènement est exceptionnel, en premier lieu en raison de la qualité des conférenciers que nous allons entendre: Monsieur le professeur Gilbert Pago, directeur de I'Institut Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM), Monsieur le Bâtonnier Raymond Auteville, Président de l'Institut des droits de l'homme de la Martinique, Madame Margaret Tanger, Présidente de l'Ecole des avocats. Je voudrais tout particulièrement souligner, parmi les conférenciers, la présence du plus haut magistrat du Ministère public, Monsieur Jean-Claude Marin, Procureur général près la Cour de cassation, dont le déplacement en Martinique est à la fois une joie, une marque d'encouragement et une reconnaissance de la justice en Martinique. L'évènement est exceptionnel, en deuxième lieu, car il est une concrétisation solennelle de l'esprit de concertation que je souhaite voir s'instaurer entre la Magistrature et le Barreau, et que j’appelais de mes vœux lors de mon intervention au colloque de la Conférence des Bâtonniers de France et d'Outre-Mer, à laquelle
Madame le Bâtonnier, vous avez bien voulu me convier. Nous avons, dans cet objectif, acté notre volonté d'organiser des formations professionnelles communes : magistrats, avocats, mais aussi avec les huissiers de Justice, les notaires, les experts comptables. Je vous remercie, Madame le Bâtonnier et Maître Tanger, d'avoir permis que cette conférence ait lieu. Je vais consacrer quelques mots au rôle du Ministère public dans cette affaire. Si plusieurs Procureurs se sont distingués, plus nombreux étaient ceux qui se contentaient de se conformer aux « us et coutumes » de la colonie. Or, le Code Noir privait les esclaves de toute personnalité et capacité juridiques. L'esclave réduit à l'état de marchandise ou d'outil de production, était objet de droit et non sujet de droit. Ce principe est posé par l'article 44 qui déclarait « ... les esclaves être meubles », et les rendaient saisissables si le maître ne payait pas ses créanciers (article 46). Les esclaves ne pouvaient donc pas agir en justice pour obtenir réparation de leur préjudice, seul le maître pouvait agir en « réparation des outrages et excès qui auront été commis contre leurs esclaves » (article 31). Il s'agissait plutôt d’une action en réparation du dommage matériel subi par le maître. De même ne pouvait-il détenir aucun patrimoine. L'article 28 du Code Noir disposait : « Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leur maître, et tout ce qui leur vient par industrie ou par la libéralité d'autres personnes ou autrement à quelque titre que ce soit, être acquis en pleine propriété à leur maître, sans que les enfants des esclaves, leur père et mère, leurs parents et tous autres libres ou esclaves puissent rien prétendre par
Les Annonces de la Seine - jeudi 18 juillet 2013 - numéro 45
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Société
succession, disposition entre vifs ou à cause de mort. Lesquelles dispositions nous déclarons nulles, ensemble toutes les promesses et obligations qu'ils auraient faites, comme étant faites par gens incapables de disposer et contracter de leur chef ». La seule disposition aménagée par le Code Noir qui pouvait ouvrir à l'esclave l'accès à la Justice était l’article 26 ainsi rédigé « Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres selon que nous l’avons ordonné par ces présentes pourront donner l’avis à notre Procureur géneral et mettre les mémoires entre ses mains, sur lesquels et même d’office si les avis lui en viennent d'ailleurs, les maîtres seront
poursuivis à sa requête et sans frais, ce que nous voulons être observé pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves ». Quelle a été la portée réelle de cette disposition ? Les historiens pourront nous répondre, mais tout donne à penser qu’elle a été d'application très réduite. Sans un soutien actif du Ministère public comment l'esclave illettré pouvait-il établir un mémoire ? A une époque où il n'existait pas de politique d'accès au droit, où la dénonciation des maîtres exposait les esclaves à de lourdes représailles, la tâche relevait de l'impossible. De plus, le Code Noir posait que le témoignage d’un esclave n'avait pas valeur de preuve en
Justice (article 30) et qu’il était nécessaire qu'un homme libre confirme la dénonciation. A partir de 1828, date d'application du Code de procédure civile dans les colonies d'Amérique, un mécanisme plus efficace que l’article 26 a pu jouer, le pourvoi en cassation dans l'intérêt de la loi. Ce pourvoi est exercé par le Procureur général près la Cour de cassation, indépendamment du statut personnel des parties, dans l'intérêt de la loi, c’est-à-dire quand il considère qu'une décision de justice a violé la loi. Il demande alors à la Cour de cassation d'annuler cette décision. Mais pour la suite il est plus que temps de laisser la parole à nos conférenciers.
Défendre la cause de l’esclave
Jacqueline Renia
’est avec un immense plaisir que je vous accueille ici à la faveur de ce colloque réunissant historiens, avocats et magistrats, autour d’un noble projet : valoriser la participation des gens de justice dans l’amélioration de la condition des esclaves des colonies françaises au 19e siècle, et finalement, à la disparition du système esclavagiste en 1848.
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Je salue cette initiative commune entre les avocats et les magistrats de Fort-de-France, qui permet de nous associer plus étroitement à cette période solennelle de commémoration de l’abolition de l’esclavage et des traites, ponctuée par les Cérémonies de la Journée nationale du 10 mai, et les Célébrations du 22 mai, à la Martinique. Je félicite les deux principaux organisateurs, Maître Margaret Tanger, Présidente de l’École des avocats de Fort-de-France, et Monsieur Jean-Jacques Bosc, Procureur général près la Cour d’appel. Je relève sa disposition naturelle à favoriser un dialogue harmonieux entre nos professions qui s’est concrétisé récemment par sa contribution
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par Jacqueline Renia
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au séminaire de la Conférence des Bâtonniers de France et d'Outre-Mer que nous avons eu le privilège d’accueillir à la Martinique. Je dois dire notre fierté à tous de recevoir Monsieur Jean-Claude Marin, Procureur général près la Cour de cassation, que je remercie de rehausser cette manifestation par sa présence. Il faut préciser que depuis la redécouverte de la jurisprudence rendue par la Cour de cassation sur les causes de l’esclavage au 19e siècle, plusieurs manifestations et colloques ont été organisés à Paris dans lesquelles vous avez toujours tenu à intervenir. Je ne suis donc pas surprise que vous ayez souhaité faire tout spécialement le déplacement pour partager la mémoire de cette histoire avec tous les Martiniquaises et les Martiniquais. Il convient de rendre hommage à Maître Margaret Tanger, pour la publication en 2007, de son ouvrage « Les juridictions coloniales devant la Cour de cassation », qui a mis en lumière le rôle de la Cour de cassation ainsi que de nombreux magistrats et avocats dans cette lutte contre l’esclavage. Il convenait de rendre justice à ces personnages restés trop longtemps dans l’ombre des élus politiques abolitionnistes. Maître Margaret Tanger s’inscrit dans une tradition de notre Barreau, dont plusieurs membres ont mené et mènent encore des études sur cette période de l’histoire de la Martinique, et sur ses conséquences encore actuelles sur nos sociétés antillaises. Je pense aux travaux de thèse du Bâtonnier Chauleau,
Documentation de la bibliothèque de la Cour de cassation
Société
aux écrits de nos confrères Duhamel et Monotuka, sur le Code Noir et la décréolisation, et il en faudrait en citer bien d‘autres… La contribution du Bâtonnier Romain sur la révolte de « L’Esclave Romain » et le récit des affaires judiciaires qui sont remontées jusqu’à la Cour de cassation replacent l’esclave au centre de la bataille juridique menée, pour sa propre liberté dans une heureuse contradiction avec l’image galvaudée de l’esclave attentiste devant sa délivrance à la volonté d’un seul homme, fusse-t-il Victor Schoelcher ! Il me revient d’introduire en quelques mots les conférenciers et les thèmes dont ils vont nous entretenir pendant ces deux heures. L’Historien connu et apprécié à la Martinique, Monsieur Gilbert Pago, interviendra le premier pour resituer le contexte historique et juridique particulièrement dur de l’époque. Entre 1828 et 1848, le « Code Noir » continue de réglementer la marchandisation de l’esclave et à entretenir, au nom du « préjugé
de couleur », une ségrégation entre les populations des colonies. Sans être totalement hors du champ du droit, l’esclave ne peut rien posséder qui ne soit à son maître, cela est aussi valable pour ses enfants, et il n’a accès aux tribunaux que pour y être jugé et sévèrement châtier, et ce, qu’il ait tort ou raison. Le Bâtonnier Raymond Auteville nous fera partager ses recherches sur ce Magistrat métropolitain, Xavier Tunc, malmené par l’oligarchie créole pour avoir manifesté une écoute trop attentive aux plaintes des esclaves. Son cas n’est d’ailleurs pas isolé : Alexandre Belletete, Adolphe Juston, Juges de paix à la Martinique et à la Guadeloupe, HermeDuquenne, Juge d’instruction, le Marquis Maurice d’imbert de Bourdillon, Procureur général à Fort royal, furent la proie d’implacables hostilités de la part des colons qui les affublèrent du sobriquet de « Kalmanquious ». Ce sont ces Magistrats qui ébruiteront jusque dans les couloirs de la Cour de cassation, les exactions qui se perpétuent dans les habitations à l’encontre des femmes, des hommes et enfants esclaves, dans un climat d’impunité quasi générale et d’indifférence des autorités politiques, administratives et judiciaires de la colonie. Monsieur Jean-Claude Marin nous indiquera comment la Cour de cassation, et singulièrement son Procureur général, André Jean-Baptiste Dupin, entreprendra de lutter contre « cette funeste dérogation au droit de la nature » comme le disait l’illustre Procureur. Enfin, parce qu’il n’y a pas de bonne Justice sans bons avocats, Maître Margaret Tanger, nous parlera d’Alexandre Amboise Gatine, cet avocat aux Conseils du Roi et à la Cour de cassation. Non seulement, il consacrera les 18 premières années de sa carrière à la défense de la cause des esclaves, mais il apportera luimême le décret d’abolition à la Guadeloupe, en qualité de Commissaire de la République, après avoir siégé à la Commission d’abolition constituée par Arago.
1900-2000 : figures et procès du Barreau de la Martinique 'histoire du barreau de la Martinique, pourtant très riche, est mal connue. Des pans de son passé ont été ensevelis sous les cendres de la Pelée en 1902. Des avocats regroupés au sein de l'association « Les Amis de la Justice et de l'Histoire » ont choisi d'écrire pour que demain les nouvelles
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générations se souviennent des grandes figures qui ont illustré la vie judiciaire locale. Mais à côté des figures, place a été faite aux procès qui ont défrayé la chronique au cours du vingtième siècle. Ce livre illustré d'anecdotes insolites, de photos inédites est un témoignage de la vie de notre Palais.
Il passionnera les acteurs de la vie judiciaire, intéressera ceux qui ont vécu à la Martinique et servira de référence à ceux qui souhaitent mieux connaître cette terre de l'Outre-Mer.
Edition : La fondation Clément, Association les Amis de la Justice et de l’Histoire, 301 pages.
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Société Gilbert Pago
Le Code Noir : de 1685 à la loi Mackau de 1845. Comment a-t-il évolué ? Pourquoi s’est-il modifié ?
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par Gilbert Pago ’exploitation et la mise en valeur par les puissances européennes, des richesses du Nouveau Monde après les grandes découvertes de la fin du XVème siècle avaient soulevé dans une partie – rien qu’une petite partie ! – de la conscience intellectuelle de l’Occident chrétien quelques interrogations. On sait le retentissement de la célèbre controverse (dont l’esclavage) de Valladolid (vers 1547) entre Sépulveda et Bartolomé de Las Casas ou encore la causticité des « Essais » de Montaigne (1ère édition en 1580) sur la rencontre entre l’Amérique et le Vieux Monde.
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La France et son entrée dans la colonisation Le roi très chrétien du Royaume de France, François Ier, dans la première moitié du XVIème remarquait sèchement en commentant le traité de Tordésillas que le « testament d’Adam ne comportait pas de clause excluant (son pays) du partage ». A sa suite, ses successeurs, autres rois dits très chrétiens, se positionnèrent tous pour leur place dans la partition, mais ne s’engagèrent finalement à grands frais que très tardivement dans la colonisation des « Isles d’Amérique et de Cayenne ». Ce fait s’accomplit avec Louis XIII au début du XVIIème siècle. Il est vrai que « sept guerres de religion » ont ravagé le pays, sinon à l’annonce de la Réforme (les 95 thèses de Luther en 1517) où à l’affaire des Placards de 1534, mais à partir du drame de Vassy (1562) du discours d’Amboise (1563), aux différents massacres collectifs dont la fameuse nuit de la Saint Barthélémy de 1572 jusqu’à l’Edit de Nantes en 1598. Cette pause n’é vita pas l’assassinat d’Henri IV par un fanatique catholique en 1610. Tout ce contexte n’a pas permis aux Français d’être parmi les premiers en lice dans l’entreprise de la traite négrière et les bénéfices à tirer de l’exploitation coloniale. Ils ont été devancés par ces européens de la façade Atlantique dans l’ordre : Espagnols, Portugais, Hollandais et Anglais.
Les 70 premières années de la colonisation francaise Le 23 avril 1615, louis XIII, jeune souverain, se prononce pour une relance de la colonisation, à un moment où personne ne pense (au moins en France !) que l’on pourra utiliser les Arawaks et Caraïbes à l’agriculture voire à leur imposer l’esclavage. Il y a bien sûr le poids des controverses de Bartolomé de Las Casas et de Montaigne, mais aussi et surtout le fait bien marqué depuis les derniers siècles du Moyen-âge de la disparition de la servitude en terre de France.
En soixante-dix ans, de 1615 à la rédaction du Code Noir en 1685, une série d’événements ont estampillé la colonisation française se commençant dans les « Isles du Pérou », terres qui permettront de construire le domaine des « Isles d’Amérique et de Cayenne ». En 1620, par suite d’un naufrage en Martinique, le capitaine Fleury et ses compagnons furent recueillis par les amérindiens qui les accueillirent, les soignèrent et cohabitèrent y compris familialement, plusieurs mois. C’était encore la période des aiguades, des attaques contre les galions espagnols et de la recherche dans les petites Antilles, de lieux de refuge pour la piraterie anti-ibérique. A partir de 1625, brusque renversement puisque s’inscrit le début d’une colonisation française permanente dans les « Isles du Pérou ». C’est l’installation dans l’île de Saint Christophe, l’actuelle Saint Kitts. En 1635 vint l’extension de cette colonisation au départ de Saint Christophe vers la Guadeloupe, La Martinique et plus tard vers Sainte Lucie, Grenade, Tobago, l’île de la Tortue, l’ouest de Saint Domingue. En 1642, Louis XIII, à l’approche de sa mort, pour aller dans le sens des visées économiques et malgré ses réticences religieuses, autorise la traite négrière et l’esclavage par des sujets français. Le 1er août 1645, la Régence française proclame une ordonnance royale portant création du Conseil Souverain que l’on installe en Martinique pour avoir autorité sur toutes les Isles d’Amérique. Ce Conseil Souverain aux mains des plus riches colons a finalement une très large autorité quant à toute la réglementation intérieure de ces territoires éloignés de la métropole et surtout du roi. Leur rôle en matière de justice et de l’esclavage est essentiel, ce qui, ajouté à leur richesse, augmente leur volonté d’un certain autonomisme à l’égard du roi. Si au départ le Conseil Souverain de Martinique s’étend à toutes les îles et à Cayenne, les colonies qui deviennent plus actives et plus puissantes obtiennent leurs propres Conseils se détachant de celui de La Martinique tels Saint Domingue en août 1685 (après la promulgation du
Code Noir) ou encore La Louisiane en 1724. Cette institution n’est pas le seul embarras à l’autorité royale. Il y a aussi, comme entrave, dans toutes les terres colonisées, la multiplication des conflits. Pour ne se limiter qu’à la seule Martinique, nous pouvons citer la fréquence des escarmouches sanglantes entre Caraïbes et colons français en 1655 et 1656. Nous pourrions relever le nombre impressionnant de révoltes d’esclaves (mentionnons particulièrement, ceux de Séchoux en juillet 1655 ou de Francisque Fabulé de 1665 à 1671). Nous pouvons évoquer les actes de marronnage et de coalitions entre Esclaves et Caraïbes (dont ceux du 29 novembre 1656 ou du 29 août 1657). Tout ceci s’accompagne dans les Isles d’Amérique et de Cayenne, de répression sévère des maîtres et du Conseil Souverain. Malgré la mise aux fers et les chasses aux nègres marrons, les condamnations aux galères, le marronnage s’amplifia. La lutte contre les Caraïbes ne s’atténua qu’après les massacres de leurs populations, dont la sanglante tuerie du Fond Saint Jacques de 1659. Le 13 octobre 1671, le Conseil Souverain de la Martinique renforce les dispositions répressives contre les marrons vivant en bandes. Chasses à l’homme systématiques, fouet, mutilations par amputation du jarret et condamnations à mort ! Le 20 juin 1672 : Le Conseil Souverain de la Martinique décide d’appliquer la peine de mort aux esclaves nouvellement arrivés et qui auraient marronné plus de trois mois. En 1683, un règlement du Conseil Souverain de la Martinique interdit l’achat de noirs esclaves ayant séjourné chez les Caraïbes qu’ils aient été marrons ou captifs. Les hommes du terrain, ceux du Conseil Souverain vont plus loin que la volonté royale très chrétienne. Les Isles d’Amérique et Cayenne ont donc connu depuis 1625, soixante années de colonisation avec l’esclavage des noirs, d’abord achetés aux marchands étrangers puis finalement fournis par la traite négrière française autorisée par le roi très chrétien. L’empire colonial américain s’est élargi.
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Les colonies ont servi pour le tabac (le pétun), le coton, l’indigo, le roucou, les épices (cannelle, gingembre, muscade, vanille), le cacao, les cuirs, les écailles de tortue(le caret) mais bientôt et surtout le sucre et son eau de vie (le tafia). Ces produits sous Louis XIV font fleurir le commerce extérieur de la France et Colbert avec son mercantilisme et sa politique interventionniste voit la puissance économique du pays se renforcer. L’importance des territoires, la population qui ne cesse d’y croitre, les écarts de conduite des colons devenant de plus en plus autonomistes, la force accrue de l’esclavage des noirs africains avec les brutalités pratiquées et imposées, la distance prise avec les anciennes réticences des règnes précédents sur la question de la traite négrière et de l’esclavage des noirs, obligent le roi à intervenir.
Promulgation de l’Edit du 16 mars 1685 dit “Code Noir” En 1678, Colbert super intendant de la Marine et des Colonies, sollicite Charles de Courbon, Comte de Blénac, gouverneur général des Isles d’Amérique sur « la police des Noirs ». Blénac lui répond en l’informant. Le 5 septembre1678, il y a eu une révolte de nègres matée par « dix à douze tués à coup de fusil, neuf pendus ou roués, et treize autres jugés ». Il lui fait la proposition d’envoyer aux « galères tous, les nègres indésirables (à condition de les payer à leurs propriétaires »). A la date du 14 novembre 1678, il indique qu’à la suite de cette révolte, il a procédé à une importante chasse aux nègres marrons. Blénac raconte : « (j’ai mis fin aux patrouilles) des habitants contre les nègres marrons, attendu que tous les chefs sont tués, noyés ou roués et quantité d’autres, et qu’il en reste peu dans les bois… ». Il propose : « je serai assez d’avis qu’on se défit des nègres libres en les envoyant à Saint Domingue car ce sont eux qui débauchent les nègres des habitants et les commercent avec les sauvages…Mais c’est une violence que de tirer ces gens de dessus leurs biens, qui leur ont été donnés par récompense pour des services rendus à leurs maîtres, et « leurs libertés » et des donations sont autorisées par Justice. Le nombre des familles va à 40 qui avec le temps feront
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des mulâtres. Mais dans le temps présent, ils sont fort incommodes,… ». Cette recommandation de Blénac n’est pas suivie dans la première rédaction du Code Noir. Par contre sur un autre avis qu’il donne en faisant preuve de plus d’humanité, il ne sera pas non plus suivi. « A l’égard de la punition de mort contre les nègres qui frappent un Blanc, cette manière mérite encore d’être examinée… ». Sur ce point la royauté se montre intraitable. En 1681, Colbert écrit à l’intendant Patoulet : « Sa Majesté estime nécessaire de régler par une déclaration tout ce qui concerne les nègres dans les isles, … pour la punition de leurs crimes …il faut que vous fassiez un mémoire, le plus exact et le plus étendu qu’il sera possible, qui comprenne tous les cas qui peuvent avoir rapport aux dits nègres… vous devez bien faire connaître l’usage observé jusqu’à présent dans les isles et votre avis sur ce qui devrait être observé à l’avenir… » Colbert et ses services entreprennent donc la rédaction des textes et règlements du texte qui sera le Code Noir. Il est quasiment prêt en 1683, à la mort de Colbert cette même année. Promulgué le 16 mars 1685, il s’intitule : Edit du roi, touchant la Police des Isles de l’Amérique Française. Dans son introduction on y lit : «suite aux …mémoires qui nous ont été envoyés par nos Officiers de nos Isles de l’Amérique…pour y maintenir la discipline de l’Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, et pour y régler ce qui concerne l’état et la qualité des Esclaves dans nos dites Isles… »
Le Code Noir se durcit DU POIDS DU CONSEIL SOUVERAIN OU SUPERIEUR Le 6 août 1685, en Martinique, le Conseil Souverain des « Isles d’Amérique et de Cayenne » enregistre le Code Noir promulgué le 6 mars en France sous le titre : Ordonnance concernant « la discipline de l’église et de l’Etat et la condition des esclaves dans les îles d’Amérique ». Ce n’est que le 6 mai 1687 que le Conseil Souverain de Saint Domingue, installé en août 1685, l’enregistre avec deux ans de retard, et le rend applicable dans la colonie.
Tableau peint par Gladys Ranlin
En1703, le Conseil Supérieur de la Martinique est désormais le véritable titre du dit Conseil Souverain. Ce choix d’un vocable plus restrictif est voulu par la royauté pour faire ressortir et respecter l’autorité centrale en période de Monarchie absolue. En fait la population blanche des « isles » continuera à utiliser l’un ou l’autre terme selon les périodes où elle affiche ou pas une revendication d’une plus grande autonomie. DURCISSEMENTS QUANT AUX AFFRANCHISSEMENTS Le 26 décembre 1703, Louis XIV s’oppose à ce que « des lettres de noblesse de certains français des îles soient examinées puisqu’ils ont épousé des mulâtresses ». En 1707, la monarchie proclame la limitation du privilège affranchissant de la terre de France. Le 24 octobre 1713, il est pris un règlement royal restreignant les possibilités d’affranchissement en exigeant une autorisation administrative et un acte écrit passé devant un juge ou un notaire. En 1715, le Code Noir est modifié par ordonnance royale : le maître qui veut affranchir son esclave doit obtenir l’autorisation du gouverneur ou de l’intendant. En octobre 1716, par Edit, le roi supprime le privilège affranchissant de la terre de France pour les esclaves amenés par leurs propriétaires. Lorsque les maîtres n’auront pas accompli les formalités, Les esclaves deviennent libres. En 1720,une ordonnance royale porte modification du Code Noir : l’Interdiction est faite aux maîtres d’affranchir tout esclave âgé de moins de 25 ans. Le 15 décembre 1738, une nouvelle ordonnance royale apporte une modification du Code Noir. L’interdiction est faite aux colons de conduire des esclaves en France sans l’autorisation du gouverneur ou de l’intendant. Si les maîtres n’accomplissent pas les formalités pour leurs esclaves arrivés en France, les dits esclaves seront confisqués au profit du roi et renvoyés aux colonies pour les travaux royaux. En 1746, la royauté institue une taxe d’affranchissement à son profit : 1000 livres pour un homme, 600 pour une femme. En 1766, la taxe d’affranchissement pour une femme esclave âgée de moins de 40 ans est portée
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Société
Société à 2000 livres. Il s’agissait de décourager les maîtres d’affranchir leurs maîtresses de couleur. A travers ces divers dispositifs, on se rend compte de la fermeture de plus en plus forte de la société coloniale. La question ethnique devient une obsession que l’on arrive à faire admettre aussi en France. INTERDIT SUR LES MARIAGES INTER RACIAUX En Mars 1724,lors d’une modification importante du Code Noir au moment de la création de la colonie de la Louisiane, l’article 6 déclare : « défendons à nos sujets blancs, de l’un ou l’autre sexe, de contracter mariage avec les noirs… Défendons aussi à nos dits Sujets blancs, même aux noirs affranchis ou nés libres, de vivre en concubinage avec des esclaves… Lorsque l’homme noir, affranchi ou libre, qui n’était point marié durant son concubinage avec son esclave, épousera…la dite esclave qui sera affranchie et les enfants seront rendus libres et légitimes. » C’est la première réaction aussi vive contre les mariages interraciaux. En outre, il est introduit formellement la différence entre le libre blanc et le libre de couleur. Le 7 décembre 1733,les instructions du ministère de la marine précisent : « Tout habitant qui se mariera avec une négresse ou une mulâtresse, ne peut être officier, ni posséder aucun emploi dans la colonie ».
Le 5 avril 1778,il est pris un arrêt du Conseil d’Etat interdisant les mariages interraciaux en France. Ce sont des dispositifs ségrégatifs qui s’étendent. LA MONTEE DES LIBRES DE COULEUR Le 15 juin 1736, une ordonnance royale modifie le Code Noir : Il est fait interdiction aux maîtres de baptiser comme libres leurs enfants nés de mères esclaves. C’est la manifestation d’une forte réaction contre la montée numérique des libres de couleur et une volonté de renforcer la ségrégation. Elle se renforce en 1745, par la décision royale de limiter les déplacements de libres de couleur vers la métropole avec possibilité d’aller jusqu’à l’interdiction. Le 29 décembre 1774, une ordonnance royale ira jusqu’à décider de la vérification des titres d’affranchissement des libres de couleur. Ceci est contraire aux articles 57 et 59 du Code de 1685. C’est pourquoi cette ordonnance sera annulée par le Conseil d’Etat le 8 juin 1776. Le 9 août 1777,une « Déclaration royale » interdit l’entrée en France des nègres, mulâtres et gens de couleur. REAFFIRMATION DU NON ESCLAVAGE DES AMERINDIENS NI DE LEUR TRAITE Le 2 mars 1739, par ordonnance, le roi de France rappelle l’interdiction de l’esclavage et de la traite des amérindiens.
Cette prise de position n’a rien à voir avec les réticences de la monarchie depuis les prises de positions de Las Casas ou de Montaigne. Il s’agit de stratégie dans le combat contre les Anglais dans les « West Indies », et de l’alliance recherchée avec les territoires dits neutres des Caraïbes des îles de la Dominique et de Saint Vincent. LES PUNITIONS INFLIGEES AUX ESCLAVES Le 12 août 1710, à la suite d’une présomption de révolte d’esclaves (le fameux Gaoulet), à Saint Pierre, le Conseil Souverain interdit de vendre des armes à feu aux mulâtres et aux esclaves. En février 1724, par ordonnance royale sont punis de mort les nègres esclaves ou autres, convaincus de s’être servis de vénéfices (c'està-dire du crime d’empoisonnement par suite de sortilège) ou de poisons… ainsi que ceux qui en auront eu connaissance et n’auront pas dénoncé… Le 1er février 1743, une ordonnance royale porte modification du Code Noir. Désormais la peine des jarrets coupés est infligée, dès la première tentative, aux esclaves marrons. Ce n’est plus à la deuxième fuite et lorsqu’elle a duré au mois un mois. Ceci s’explique par le nombre considérable de soupçons de révoltes, de tentatives de révoltes, de révoltes réelles et d’actes de marronnage. Les maîtres vivent sous la crainte fantasmatique et perpétuelle de
Extraits de l’Édit de 1685 dit “Code Noir” SUR LA RELIGION :
Les articles 1, 3, 5 et 8 interdisent toutes les religions autres que la catholique (dont par conséquent - interdiction non formulée - celles animistes ou musulmanes des africains noirs), expulsion des juifs dans les trois mois, interdiction aux protestants (La Religion Prétendue Réformée) de se mêler au libre exercice de la religion catholique des esclaves. Par contre le groupe d’articles suivants précise : Article 2 : [Tous les esclaves seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine… le baptême doit se faire dans les huit jours de l’achat.] Article 6 : [Interdiction de faire travailler les esclaves les dimanches et jours de fête catholiques.] Plusieurs articles insistent sur le mariage des esclaves et sur leur enterrement en terre sainte (c'est-à-dire au cimetière lorsqu’ils sont baptisés).
SUR LA FAMILLE :
Article 12 : [Les enfants d’un couple esclave appartiennent au maître de la femme esclave.] Article 13 : [Les enfants suivent la condition de la mère dans un couple où il y a un libre/un esclave.] Par contre insistons sur l’article 9 : [Interdiction du concubinage avec les esclaves pour les hommes libres mariés… mais obligation pour les libres non mariés d’épouser son esclave concubine dans les formes observées par l’Eglise. L’esclave sera affranchie et les enfants rendus libres et légitimes.] Cette double obligation du mariage avec son esclave pour le libre non marié et l’affranchissement automatique de la femme esclave concubine entraînant la liberté et la légitimité des enfants déjà nés sont des dispositions disons « libérales» qui seront supprimées dans les évolutions ultérieures du Code Noir.
Le père Labat arrivé en Martinique en 1693 (soit 8 ans après la première édition du Code Noir) mais publiant son récit 15 ans plus tard (Voyages aux Isles d’Amérique) se montre très réticent quant à la « turpitude des isles » et des relations interraciales, reflétant déjà l’opinion qui commençait à devenir majoritaire dans l’élite de la société coloniale. Article 47 : [ne pourront être saisis ou vendus séparément, le mari et la femme, et leurs enfants impubères…] Cet article sera le fondement de plusieurs poursuites judiciaires, après 1828 devant la Cour de cassation, contre des maîtres lorsque ces derniers n’auront pas abusivement assuré cette contrainte.
SUR LES PUNITIONS ET INTERDICTIONS FAITES AUX ESCLAVES : Article 15 : [aucune arme offensive, ni de gros bâtons… sauf pour ceux (des esclaves) envoyés à la chasse par leurs maîtres.] Article 16 : [interdiction de s’attrouper sous prétexte de noces… ni chez leurs maîtres… ni dans les grands chemins ou lieux écartés… sinon fouet, fleurs de lys ou …mort.] Article 19 : [interdiction d’exposer en vente, au marché, ni de porter dans les maisons particulières pour vendre aucune sorte de denrées, même des fruits, bois à brûler, légumes, herbes pour leur nourriture et des bestiaux…] Cet article sera de moins en moins observé car pour ne pas être astreint à fournir aux esclaves de quoi se nourrir, les maîtres se donnaient des moyens de se libérer de cette charge. En outre les esclaves aimaient bien plus ce traitement : plus de latitude et de possibilités d’élargir son pécule ! Article 33 : [L’esclave qui aura frappé son maître, sa femme, ou ses enfants sera puni de mort.] Sur ce dispositif, la royauté reste ferme, malgré la proposition de Blénac d’assouplir cette mesure.
SUR LA NOURRITURE ET L’HABILLEMENT DES ESCLAVES :
Article 22 : [seront tenus les maîtres de fournir, par chaque semaine, à leurs esclaves âgés de 10 ans et au dessus pour leur nourriture deux pots et demi… de farine de manioc ou trois cassaves…avec deux livres de bœuf salé ou 3 livres de poisson…et aux enfants… la moitié des vivres ci-dessus.] Article 23 : [interdiction de donner aux esclaves de l’eau de vie de canne…] L’enivrement des esclaves est cause de bagarres, de morts de main d’œuvre donc de pertes de moyen de travail. En outre l’esclave saoul peut être un danger pour le maître et l’encadrement. Article 24 : [interdiction…de se décharger de la nourriture…des esclaves en leur permettant de travailler certain jour de la semaine pour leur compte particulier.] Une mesure qui sera de plus en plus détournée par les maîtres. Cela revient moins cher. Mais il n’y a pas toujours que la rapacité du propriétaire d’esclaves. En cas de pénurie par retard des bateaux et de l’approvisionnement, cargaisons endommagées et avariées, cyclones, mauvais temps, difficulté d’avoir du numéraire, le travail de l’esclave dans « son » jardin devient une solution. Article 25 : [fournir à chaque esclave par an, 2 habits de toile ou 4 aulnes de toile.] Article 26 : [les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus… pourront en donner avis au Procureur… les maîtres seront poursuivis sans frais…] Quelle peut être l’étendue d’une telle mesure ? Aux XVII et XVIII èmes siècles, il y a peu d’esclaves qui ont la faculté de s’adresser à un procureur. Savoir lire et écrire, avoir l’entregent auprès de libres ne sont pas à la portée d’un grand nombre. Enfin les maîtres sont surtout très protégés dans le milieu judiciaire.
SUR LE MARRONAGE :
Article 38 : [l’esclave fugitif (pendant au moins un mois)… aura les oreilles coupées,… sera marqué à la fleur de lys…En cas de récidive (et de seconde fuite de plus d’un mois) il aura un jarret coupé et la fleur de lys sur l’autre épaule… La 3ème fois sera puni de mort.] Le marronnage est la manifestation que les maîtres craignent le plus, non seulement à cause de la perte de leur main d’œuvre et de leurs investissements mais aussi à cause des rassemblements de marrons et d’éventuelles révoltes. Les futurs aménagements de cet article iront en se durcissant. Article 39 : [les affranchis ne doivent pas donner refuge aux esclaves fugitifs… sinon amende de 300 livres de sucre.]
CONTRE LES MAÎTRES DEFAILLANTS :
Article 42 : [faire enchaîner ou battre de verges ou de cordes… mais interdiction de leur donner la torture, ni de leur faire aucune mutilation de membre sous peine de confiscation des esclaves.] Article 43 :[ poursuivre les maîtres ou les commandeurs qui auront tué un esclave…]
SUR LES AFFRANCHISSEMENTS :
Article 55 : [Les maîtres âgés de 20 ans pourront affranchir leurs esclaves…sans…rendre raison de leur affranchissement.] Article 56 : [Les enfants esclaves faits légataires universels par leurs maîtres… seront réputés affranchis.] Article 57 : […Les esclaves affranchis n’ont besoin de nos lettres de naturalité pour jouir des avantages de nos sujets naturels dans notre royaume…] Article 59 : [Les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes libres…] Les dispositions sur les différents articles quant aux affranchissements iront en se durcissant. Les libéralités vont disparaître tout au long du XVIII ème siècle.
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Société
La Révolution Francaise et ses ambiguites
révoltes. La société esclavagiste devient de plus en plus violente. Les modifications du Code Noir en portent la trace. LA NOURRITURE DES ESCLAVES ET LA RECONNAISSANCE DU JARDIN NEGRE (JADEN NEG) En mars 1724, lors de la modification du Code Noir avec la création de la colonie de la Louisiane, l’article 18 décide d’être plus souple avec les maîtres sur la question des quantités de vivres et d’habillement à fournir aux esclaves. Louis XV demande au Conseil Supérieur de Louisiane récemment créé de donner son avis, bien entendu les colons des autres colonies trouvent leurs comptes dans cette brèche. Le 3 décembre 1784, il est pris une ordonnance royale sur la gestion des plantations coloniales et la condition des esclaves que l’on voudrait améliorer. On redéfinit le Jardin Nègre, (« jadin neg ») et on attribue le « samedi nègre ». En fait on s’inquiétait depuis déjà fort longtemps de la nourriture de ces esclaves arrivant plus nombreux et utilisés pour une production intense de sucre, en particulier à Saint Domingue (voir correspondance du gouverneur du 17 mai 1772). Le 23 décembre 1785, l’ordonnance royale du 3 décembre 1784 sur la gestion des plantations coloniales et la condition des esclaves est remaniée. On modifie les articles 22, 24 et 25 du Code promulgué en 1685 sur la question de la nourriture. LA SERVITUDE DES NOIRS En mai 1771, on lit dans les instructions du ministre de la Marine : « Il importe au bon ordre de ne pas affaiblir l’état d’humiliation attaché à l’espèce noire dans quelque degré qu’elle se trouve. » Il s’agit donc de ne pas se laisser aller à une éventuelle éducation des noirs ni à revenir sur les fameuses « lois somptuaires » mises en œuvre par les Conseils Supérieurs. Ces mêmes Conseils Supérieurs avaient établi une codification des nuances de couleur (la colonie française de
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Le 19 février 1788, on assiste à la création à Paris de la Société des Amis des Noirs. C’est le résultat du mouvement philosophique des « Lumières », des effets du « Bill of Rights » de la Révolution anglaise (la même association existant déjà à Londres) et du souffle de la « Déclaration d’Indépendance américaine » de 1776 à Philadelphie. Désormais le poids du mouvement abolitionniste, bientôt une nouvelle donne, prendra petitement mais progressivement de la force au cours des quatre décennies suivantes. LA MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE Le 26 août 1789, suite à la Révolution parisienne et à l’établissement de la Monarchie Constitutionnelle, la « Déclaration des droits
de l’Homme et du Citoyen » ne peut qu’ébranler le Code Noir, en dépit du fait que l’esclavage, les droits des femmes et ceux des prolétaires ne sont pas abordés. La formule, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit… » ne peut qu’avoir une résonnance considérable auprès des esclaves et libres de couleur dans les colonies, disponibles pour de nouvelles résistances et révoltes. Le 15 mai 1791, l’Assemblée Nationale prend un décret, à l’instigation des Amis des noirs, accordant des droits politiques aux mulâtres nés de père et de mère libres. Ce décret sera annulé 4 mois plus tard, le 24 septembre 1791. Le 4 avril 1792, l’Assemblée Législative accorde la pleine citoyenneté (comprendre la seule jouissance de droits politiques) aux libres de couleur. LA CONVENTION Le 12 octobre 1792, juste au lendemain de la proclamation de la République en France, la Convention supprime la prime accordée à la traite des noirs. Le 4 février 1794 soit le 16 Pluviôse an II, la Convention abolit l’esclavage. C’est la conséquence de toutes les révoltes d’esclaves et de libres dans les colonies d’Amérique ainsi que des événements de Saint Domingue où l’esclavage avait été aboli dès août et septembre 1793. En outre, il s’agit d’une tactique pour se rallier les esclaves dans la lutte contre les anglais. AUX COLONIES ET PAR EXEMPLE EN MARTINIQUE Le 28 septembre 1789, à Fort Royal, les petits blancs patriotes et les soldats de la garnison n’admettent pas que les libres de couleur portent la cocarde tricolore et soient, afin de fêter le nouveau régime, invités par le gouverneur qui donne l’accolade à l’un d’eux. Ce fut toute une nuit de bagarres. Ce trouble se propage à Saint Pierre.
Ordonnance du Roi concernant la dicipline de l’église, et l’état et qualité des nègres esclaves aux Isles de l’Amérique de mars 1685
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Saint Domingue était la plus « avancée » en ce domaine). Ce n’était même pas le Code Noir qui dictait cette conduite. Il s’agissait de la volonté des Conseils Supérieurs, participant à la grande richesse du commerce extérieur du Royaume qui dictait cette conduite au pouvoir central. Le 26 avril 1776, la chambre de commerce de Bordeaux prie instamment le roi de démentir la rumeur selon laquelle « le gouvernement projetterait de rendre la liberté aux nègres… » Nous avons eu de 1685 à 1789,un siècle d’apogée coloniale sur le plan économique se conjuguant avec un durcissement de l’esclavage et une régression du statut juridique des libres de couleur. Ce ne sont pas les écrits d’Epiphane de Moirans (fin du XVIIème) ou de l’Abbé Raynal (XVIIIème) ou les récriminations du cercle des « Lumières » qui, très minoritaires, ont pu faire vaciller l’opinion. Encore que… !
Société Le 27 novembre 1791, on assiste à la tenue d’un rassemblement des mulâtres pour la défense de leurs droits refusés, le 24 septembre 1791 à l’Assemblée nationale. C’est le début d’une prise de distance à l’égard des planteurs qui s’opposent aux patriotes. En janvier 1792, les planteurs des « Petites Isles d’Amérique » au Congrès Général des Îles (Guadeloupe, Martinique, Sainte Lucie, Tobago) s’opposent aux droits politiques des mulâtres dans les Assemblées Coloniales. Le 4 Avril 1792, l’Assemblée Législative accorde la pleine citoyenneté aux libres de couleur. Lorsque la nouvelle sera connue en Martinique, les planteurs feront mine d’accepter le décret pour avoir l’appui des libres face aux patriotes. Le 3 février 1793, Rochambeau, nouveau gouverneur, installe le régime républicain. Fort Royal devient République-ville. Des promesses sont faites aux libres de couleur pour les rallier. L’Assemblée Coloniale est dissoute. On assiste à la création de clubs dits révolutionnaires et des premières associations serviles, luttant pour l’entraide et la fin de l’esclavage. Le 4 février 1794 soit le 16 Pluviôse an II, la Convention abolit l’esclavage. En Martinique la décision n’est pas appliquée car l’île est livrée par les planteurs à l’armée britannique. OCCUPATION ANGLAISE DU 22 MARS 1794 A AVRIL 1802 Le 15 juillet 1794, les autorités anglaises interdisent tout affranchissement et maintiennent l’application du Code Noir. Le 30 octobre 1795, les autorités anglaises renouvellent l’interdiction d’assemblées d’esclaves. Les associations serviles prennent une forme semi clandestine. En mars 1802, le Traité d’Amiens remet la Martinique à la France du Premier Consul Bonaparte. L’occupation anglaise de La Martinique et de Sainte Lucie n’a pas permis la première abolition de l’esclavage et sur ce point constitue une régression par rapport aux mesures prises par l’Assemblée législative et la Convention. SOUS LE CONSULAT ET SOUS L’EMPIRE Le 20 mai 1802, loi du 10 Floréal an X maintenant l’esclavage dans les colonies françaises (Martinique et Sainte Lucie) rendues à la France par l’Angleterre lors du traité d’Amiens et rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe et à Saint Domingue. Cette même année 1802, Bonaparte supprime les droits civiques qui avaient été accordés aux libres de couleur par la loi du 4 avril 1792. Le 10 novembre 1802, Villaret Joyeuse ferme toutes les écoles en Martinique : « L’ignorance est un bien nécessaire pour des hommes enchaînés par la violence ». Le 7 Novembre 1805, l’empereur Napoléon Ier promulgue l’arrêté du 16 brumaire an XIV, prohibant les mariages entre individus blancs et libres de couleur, interdisant aussi entre ces individus les adoptions, les reconnaissances d’enfants naturels, les tutelles datives et officieuses. Le Consulat et l’Empire mettent en place une brutale régression sur la question de l’esclavage et des libres de couleur. Le Code Noir est appliqué dans toute sa rigueur. Par contre trois éléments interviennent qui auront de futures
répercussions. Ce sont : a) Le 1er janvier 1804, la victoire des insurgés et ex esclaves de Saint Domingue conduisent à la proclamation de l’indépendance d’Haïti « où pour la première fois la négritude se mit debout. » Ce sera un encouragement dans toute la Caraïbe pour les révoltes d’esclaves. b) Le 25 mars 1807, l’Angleterre abolit la traite négrière : la mesure sera imitée par le Portugal et les Etats-Unis. c) Le 2 novembre 1807, il y eut une révolte avortée d’esclaves à Basse Pointe. 18 sont condamnés à être brûlés vifs. La résistance servile ne s’arrêtera pas jusqu’en 1848. NOUVELLE OCCUPATION ANGLAISE DU 24 FEVRIER 1809 AU 23 MAI 1815 Le 17 septembre 1811, éclate une nouvelle révolte d’esclaves urbains à Saint Pierre essayant de soulever ceux de la campagne. La révolte est réprimée par les troupes du général britannique Wale occupant la Martinique. Molière, le chef de l’insurrection préfère se tirer une balle dans la tête plutôt que de se rendre. C’est encore le Code Noir qui s’applique et qui prime.
Un entêtement devant les réalités LA TRAITE NEGRIERE INTERDITE Le 9 Juin 1815, le Congrès de Vienne impose l’abolition de la traite négrière. La France, pays vaincu, devra l’appliquer. Le 15 avril 1818, la traite négrière est interdite en France mais la mesure aura peu d’effets car les sanctions sont peu contraignantes. En tous cas, les propos sur un éventuel tarissement de l’arrivée d’esclaves prennent forme. LE TRAFIC CLANDESTIN : EXEMPLES PRIS EN MARTINIQUE Le 8 Février 1822, le navire négrier l’ « Amélie » est intercepté. En pratiquant la traite illégale, il avait à son bord 237 captifs de race ibo dont 100 femmes. Par suite de décès et de détournement de 10 d’entre eux, 212 (116 hommes, 96 femmes) sont ramenés à Fort Royal à la Pointe Simon, le 12 mars. Le 15 Janvier 1826, les autorités pratiquent la saisie de la cargaison du navire négrier le Céron, soit 267 captifs. Le 15 Mai 1826, c’est la saisie de la cargaison du navire négrier la Flèche, soit 242 captifs noirs. Le 31 août 1827, on annonce la capture du navire négrier « le Navarrois » sur la côte du Prêcheur pris dans une tempête. 127 noirs rescapés sont saisis. Le 8 avril 1830, le dramatique naufrage à l’Anse Cafard (Cap 110) au Diamant d’un navire négrier. 86 captifs noirs dont 60 femmes purent être sauvés. 174 esclaves périrent lors du naufrage, tandis que 70 avaient succombé pendant la traversée de l’Atlantique. On ne retrouve que 46 cadavres dont 4 blancs membres de l’équipage. Non seulement les navires capturés sont en grande partie, ceux qui ont eu à subir des tempêtes et des naufrages, ce qui signifie que par beau temps il y en avait d’autres. Mais tous les esclaves emmenés d’Afrique sont libérés cela ne peut qu’inciter les esclaves martiniquais à
Agenda
SCIENCES PO - ECOLE D’ÉTÉ Diriger aujourd’hui Formation du 26 au 29 août 2013 Campus euro-américain 1, place Museux 51100 REIMS Renseignements : 01 45 49 63 62 www.science-po.fr/spf 2013-546
ASSOCIATION D’HISTOIRE ET D’ARCHÉOLOGIE DU XXÈME ARRONDISSEMENT Alexis Trinquet (1835-1882) De Belleville à la Nouvelle-Calédonie, l’itinéraire d’un communard Conférence le 18 septembre 2013 Mairie du XXème arrondissement Salle du Conseil 6, place Gambetta 75020 PARIS Renseignements : http://ahav.free.fr
2013-547
DÉLÉGATION DES BARREAUX DE FRANCE
Pratique du lobbying par l’avocat Colloque le 27 septembre 2013 1, avenue de la Joyeuse Entrée B-1040 BRUXELLES Renseignements : +32 (0)2 230 83 31 valerie.haupert@dbfbruxelles.eu 2013-548
BARREAU DES HAUTS-DE-SEINE
« Le mineur dans le procès pénal Comprendre et défendre » Colloque le 11 octobre 2013 Préfecture des Hauts-de Seine 167/177, avenue Joliot Curie 92000 NANTERRE Renseignements : 01 55 69 17 03 a.crotti@barreau92.com
2013-549
INSTITUT FRANÇAIS DES PRATICIENS DES PROCÉDURES COLLECTIVES DROIT ET PROCÉDURE
Patrimoine familial et procédures collectives : prévention et réalisation du risque Colloque le 11 octobre 2013 Université Lumière Lyon 2 18, quai Claude Bernard Bâtiment Erato 69000 LYON Renseignements : 01 34 74 38 95 jeande.veronique@orange.fr
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Société souhaiter pour eux-mêmes l’abolition. La fin de la traite négrière, l’interdiction de la traite illégale, la libération des captifs, la fin de l’esclavage en Haïti font que l’esclavage a de moins en moins de fondements. LES SOCIETES PHILANTHROPIQUES En 1821, c’est la création à Paris de la Société de la morale chrétienne, animée par le duc de Broglie, favorable à l’abolition de la traite. En1822, intervient la création à Paris du Comité pour l’abolition de la traite. Désormais l’opinion publique en Europe commence petit à petit à être saisie. REVOLTES D’ESCLAVES ET REPRESSION En 1821, on signale une tentative de soulèvement d’esclaves au Lamentin pour lequel un esclave est condamné à mort et exécuté. Le 1er septembre 1822, il est mis en fonction la juridiction d’exception « Cour prévôtale pour la répression des crimes d’empoisonnement » créée le 12 août et jugeant sans appel. Elle prévoit que ceux des nègres qui seront condamnés à mort auront la tête tranchée « avec la hache sur le billot ». Le 12 octobre 1822,la révolte d’esclaves à « Canari Cassé » au Carbet. Elle sera suivie de l’exécution de 21 des révoltés condamnés à la peine capitale. Auparavant 37 autres condamnés aux galères furent marqués au fer rouge et fouettés, chacun de 29 coups. Le 28 Février 1827, le ministère impose la suppression de la cour prévôtale. L’ordre du ministère datait du 10 novembre 1826. Le 2 Octobre 1829, le Conseil Colonial de la Martinique adopte un règlement « relatif à l’administration, la police, la subsistance et l’habillement des noirs du service colonial ». Ce règlement est plus répressif et beaucoup plus conservateur que ceux des autres colonies : Bourbon, Guadeloupe ou Guyane. LA REPRESSION CONTRE LES LIBRES DE COULEUR Le 5 Août 1818, les déplacements de libres de couleur vers la France sont soumis à l’autorisation du gouverneur. Celle-ci remplace l’interdiction complète qui avait été instituée par l’Empire en 1802. Le 12 Juin 1820, on enregistre de modestes modifications (Commission Delamardelle) en faveur des libres de couleur quant à l’arrêté du 7 novembre 1805 (16 brumaire an XIV). En décembre 1823, une brochure clandestine circule : « De la situation des gens de couleur libres aux Antilles françaises ». Elle conduira à la perquisition au domicile de Bissette et à l’arrestation de ce dernier pour détention de la brochure et le texte d’un projet d’adresse à la chambre. C’est le début de l’affaire Bissette, Fabien et Volny. Le 12 Janvier 1824, Bissette, Fabien, Volny condamnés par la cour royale à être marqués au fer rouge et à être envoyés aux galères à perpétuité. Des centaines de libres de couleur sont poursuivis. Le 14 décembre 1829, Une pétition de 334 libres de couleur est présentée aux deux chambres en France réclamant l’égalité pour les libres de couleur, le retour des déportés de 1824 à leurs familles, la répression sévère de la traite clandestine et des mesures d’ « adoucissement » du sort des esclaves.
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Décrépitude du système esclavagiste MESURES EN FAVEUR DES LIBRES DE COULEUR Le 26 septembre 1830, on connaît en Martinique depuis deux semaines, la nouvelle de la Révolution de 1830 en France. Suite à une manifestation joyeuse et bruyante dans l’après midi de libres de couleur à Nouvelle Cité à Saint Pierre, pour l’égalité avec les blancs, le chef de la milice blanche multiplie dans la soirée les provocations contre eux. Le 28 septembre 1830, le Ministère de la Marine et des Colonies supprime l’agent français basé à l’île de Saint Thomas chargé de surveiller les allées et venues surtout des libres de couleur entre les Antilles françaises et la république d’Haïti. Le 28 octobre 1830, au théâtre de Saint Pierre, de jeunes colons s’en prennent à un magistrat (Tanc) et le frappent en l’accusant d’être favorable aux mulâtres contre les blancs. Le 31 octobre 1830, le nouveau gouverneur fraîchement débarqué publie une ordonnance favorable aux libres de couleur : Fin des lois somptuaires, facilité de prendre des noms de blancs, levée d’interdiction professionnelle pour plusieurs métiers, possibilité de porter les titres de sieur et de dame, droit de se placer dans les processions, à l’église et aux spectacles parmi les blancs. Le 21 novembre 1830, les jeunes blancs de Saint Pierre interdisent aux mulâtres de fréquenter la promenade de la batterie d’Esnotz qui doit rester réservée aux blancs. Six jeunes libres de couleur sont durement frappés. Le 24 février 1831, les hommes de couleur obtiennent par ordonnance royale, la jouissance des droits civils. Le 24 avril 1833, une ordonnance royale reconnaît la pleine jouissance de la citoyenneté française aux libres de couleur. Le 5 août 1833, commence l’affaire de la Grande Anse qui se continue du 21 au 31 décembre. Elle engendre la condamnation de Césaire et l’arrestation de Léonce, un ancien de 1824. C’est un soulèvement surtout de libres de couleur et de quelques esclaves. Il y a trois tués chez les insurgés. On procède alors au désarmement des milices de couleur. Le 28 décembre 1834, une ordonnance royale commue les 15 condamnations à mort de l’affaire de la Grande Anse en 20 ans de travaux forcés. Le 8 novembre 1836, une nouvelle commutation de peine aux condamnés de l’affaire de la Grande Anse dont 16 grâces. 23 furent autorisés à rentrer en Martinique. En 1836, les libres de couleur en Martinique déposent une pétition pour l’abolition de l’esclavage. Le 29 avril 1836, une ordonnance royale ordonne la création d’un état-civil pour les affranchis. FACILITES POUR LES AFFRANCHISSEMENTS Le 5 Mars 1831, une ordonnance royale supprime la taxe payable par les maîtres pour affranchissement, et elle permet la régularisation des libres de savane. Le 12 juillet 1832,la procédure de l’affranchissement est simplifiée. Le 29 avril 1836, une ordonnance royale stipule que tout esclave amené en France ou s’y trouvant déjà est automatiquement libre.
Le 11 juin 1839, le mariage entre esclave et libre conduit à l’affranchissement de droit, selon une ordonnance. Sont affranchis de droit les esclaves adoptés par un libre, les esclaves désignés légataires universels de leurs maîtres ou tuteurs de leurs enfants, les esclaves dont les frères ou sœurs sont libres, les enfants naturels des esclaves affranchis. LA TRAITE FRANCAISE DEFINITIVEMENT ABOLIE Le 1er juillet 1831, est publiée en Martinique, la loi du 4 mars, réprimant la traite avec des peines lourdes très dissuasives. Le 8 mars 1832, la monarchie de juillet décrète que les nègres trouvés dans les navires négriers sont proclamés libres. MECONTENTEMENT DES ESCLAVES ET MESURES EN LEUR FAVEUR Le 8 Février 1831, éclate l’affaire Spoutourne : huit esclaves dont une libre de savane portent plainte auprès du juge de paix des mauvais traitements dûment avérés sur cette habitation. Ce sont eux qui seront scandaleusement condamnés à la déportation. Le gouverneur devant un tel déni de justice tarde à faire appliquer le jugement. L’affaire dure trois ans, car à la veille de l’application de la peine, les huit esclaves s’enfuirent pour Sainte Lucie en mai 1834. Le 9 Février 1831, des esclaves à Saint Pierre se révoltent et incendient 11 habitations. Il y aura mort de six esclaves dans les affrontements avec la milice. On en exécutera 26, le 19 mai suivant. Parmi eux des esclaves, des libres, des femmes. Ils allèrent au supplice en chantant : « Nous mourrons pour la liberté,…vive la république, la couleur nous vengera ». Le 10 et 11 février 1831, l’état de siège est proclamé à Saint Pierre pour faire face à des incendies de champs de cannes par les esclaves à Sainte Anne, Basse Pointe, Grande Anse, Vauclin et Lamentin. Le 2 mars 1831, il est entrepris une battue générale contre les nègres marrons. Le 4 août 1833, la loi supprime la « marque » et la mutilation des nègres marrons. Elle exige aussi l’obligation du recensement pour les esclaves. En 1843, une nouvelle révolte d’esclaves. MOUVEMENTS ABOLITIONNISTES EN FRANCE, EN EUROPE ET AUTRES COLONIES En1831, il est créé à Paris le Comité pour le rachat des négresses dans les colonies françaises. En 1832 à Paris, Cyrille Bissette crée la société des hommes de couleur. Le 28 août 1833, l’Angleterre vote la loi d’abolition de l’esclavage avec une période de cinq ans d’« apprentissage » de la liberté. Désormais les îles de la Dominique et de Sainte Lucie deviennent des lieux refuges pour les esclaves qui parviennent à s’évader. En Juillet 1834, Bissette fonde la « Revue des colonies ». Elle Paraîtra jusqu’en juin 1842. En fin de l’année 1834, la Société française pour l’abolition de l’esclavage (SFAE) est créée à Paris. Le 3 décembre 1837, le pape Grégoire XVI dans son Bref In suprema apostolatus fastigio condamne l’esclavage et défend « qu’aucun ecclésiastique ou laïque n’osât soutenir le commerce des nègres sous quelque prétexte que ce soit ».
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Société En 1841, Victor Schoelcher entreprend un voyage dans la Caraïbe dont la Martinique en octobre 1840 et de février à mars 1841. En 1842, Le gouvernement interdit une session en France de la Convention mondiale antiesclavagiste. Le 19 février 1844, la « Pétition des ouvriers de Paris » déposée par Isambert aux deux Chambres (Chambre des pairs et chambre des députés) demande l’abolition de l’esclavage. Cet acte ouvre une série de pétitions en France. En 1846 à Paris, est installé le Bureau de correspondance pour l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises. LA FIN DE L’ESCLAVAGE, LA FIN DU STATUT DE LIBRE DE COULEUR ET DU CODE NOIR Le 5 janvier 1840, l’instruction religieuse et primaire des esclaves des deux sexes est fixée par ordonnance. Elle ne fut pratiquement pas appliquée. Cette même ordonnance instituait le patronage des esclaves. Le Conseil Colonial
s’opposa à la visite des habitations par les juges. Le 18 juillet 1845, Mackau fait voter sa loi qui sera mise en œuvre par les ordonnances de Neuilly du 18 mai 1846 (instruction religieuse et élémentaire) du 4 juin 1846 (le régime disciplinaire) du 5 juin 1846 (nourriture et habillement). Il limite la toute puissance des maîtres sur leurs esclaves en matière de nourriture, d’horaires de travail, de punitions, d’instruction, d’affranchissement etc. Les deux mesures les plus spectaculaires : interdiction du fouet (ou ramené dans certains cas à 15 coups et en présence d’un policier) et remplacement des cachots sur les habitations par la prison en mairie dite, en termes de mépris, « mackauline ». En fait le 4 août 1847 le fouet est définitivement supprimé. le14 décembre 1846, au nom de la loi Mackau, les esclaves de l’habitation Leyritz de Basse Pointe cessent le travail pour refuser le travail de nuit .Plusieurs habitations bougent. Le 25 février 1848, la Révolution gagne Paris.
Arago ministre des colonies annonce que l’esclavage va être aboli. L’Information est connue au Sénégal le 28 février et en Martinique le 25 mars. Le 4 mars 1848, Schoelcher fait adopter le décret annonçant l’abolition imminente de l’esclavage et met en place la commission préparant l’abolition, d’où la fin du Code Noir. L’Information est connue en Martinique le 10 avril 1848 et entraîne l’incompréhension des esclaves et libres de couleur quant aux jugements après cette date, requérant la Mackauline et autres sévices et mêmes des condamnations pour marronnage.
Raymond Auteville
Un exemple de résistance à la justice coloniale, par un magistrat : Xavier Tanc (1829-1853) par Raymond Auteville l’occasion de la commémoration du cent cinquantenaire de la révolution anti-esclavagiste, a été réédité l’excellent ouvrage de Jacqueline Picard, publié aux éditions Caret, les Kalmankious. Subjugué par cet ouvrage, j’avais évoqué la carrière de Xavier Tanc, dans mon discours d’ouverture de la deuxième Conférence du Barreau de Fort-deFrance, le 22 janvier 1999. C’est donc avec plaisir, que j’ai accepté, à la demande de Maître Margaret Tanger, Présidente de l’Ecole des Avocats du Barreau de Fort-de-France (EDA Martinique) de traiter de la résistance de Xavier Tanc à la justice coloniale. L’essentiel de la pensée de Tanc, se retrouve dans un libellé, paru en 1832. Durant cette période, l’esclavage aux colonies d’Amérique et la traite négrière, étaient à leur apogée. Les maîtres soumettaient leurs esclaves à un régime particulièrement inhumain, que les mots ne suffisent pas à décrire, le tout, avec la complicité de la justice, et des autorités administratives. Profondément inspiré par les idéaux de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, Xavier Tanc a parfaitement analysé le système colonial, pour le dénoncer (I), aux prix du sacrifice de sa carrière (II).
I - Xavier Tanc, a bien analysé le système colonial « …Se proclamer peuple libre, et faire en même temps, une si odieuse exception à ce principe, à l’égard d’une caste si nombreuse. C’est mentir à son droit public… ». Cette réflexion comporte toute l’analyse de Tanc,
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du système colonial. Mensonge à soi-même et aux idéaux proclamés, promulgation de lois hypocrites (A), et tolérance d’un système judiciaire qui finira par se gangréner (B). A - HYPOCRISIE DU SYSTEME LEGAL Tanc dénonce sans ménagement, autant l’hypocrisie du Code Noir, que celle de l’abolition non appliquée de la traite négrière. L’hypocrisie du Code Noir On s’accorde généralement pour dater le début de la traite des noirs, vers les années 1450, à l’initiative des Portugais qui furent suivis pas les Espagnols, les Anglais, les Hollandais, et les Français. Dès 1502, les Espagnols transportaient de nombreux esclaves africains, dans les colonies
d’Amérique, pour remplacer la population Amérindienne, qu’ils ont décimée à leur arrivée. Plus de cent mille africains par an, arrivaient dans les colonies d’Amérique. La première version du Code Noir, est l’œuvre de Jean-Baptiste Colbert, promulguée en mars 1685, par Louis XIV. La seconde version, a été promulguée par Louis XV, en mars 1724. Mais, le Code Noir a été modifié à plusieurs reprises. La promulgation du Code Noir, à elle seule, résume toute l’hypocrisie de la situation coloniale. L’esclavage est interdit sur le sol français, depuis le moyen âge, mais il est autorisé aux colonies. Mieux, le Code Noir crée un statut de l’esclavage : - l’esclave doit être baptisé par le maître (Article 2 du Code Noir) ;
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Société - l’esclave ne doit pas travailler le dimanche ni les jours de fête chrétienne ; Il ne peut être vendu ni acheter pareillement, le dimanche ou les jours de fêtes chrétiennes ; - l’esclave peut se marier avec l’accord du maître, mais le maître ne peut le forcer à se marier (article 10) ; - les maîtres sont tenus de nourrir les esclaves : (2 pots ½ de farine de manioc, 2 livres de bœuf salé, ou 3 livres de poisson (article 22), et de les habiller (article 25 du Code Noir). Mais : - les esclaves ne peuvent rien posséder qui ne soit à leur maître, et ne peuvent rien transmettre par héritage (article 28) ; - les esclaves sont déclarés meubles (article 44 du Code Noir) ; - les maîtres pourront enchaîner et battre de verges et cordes, les esclaves, « lorsqu’ils croiront qu’ils l’ont mérité ». - toute rébellion de l’esclave doit être punie sévèrement, même de mort (article 34 du Code Noir). - l’esclave fugitif aura les oreilles coupées, et sera marqué au fer rouge à l’épaule ; en cas de récidive, il aura l’épaule coupé ; la troisième fois, il sera puni de mort (article 38 du Code Noir). Le Code Noir légalise la violation des droits fondamentaux de l’esclave, et Tanc ne le supporte pas : « … battu, mutilé, laissé pour mort sous les coups du maître, l’esclave souffrira et rendra son dernier soupir, comme l’insecte que l’on écrase sous les pieds. Un étranger le frappera-t-il à lui briser un membre, à faire jaillir son sang, à le mettre longtemps hors d’état d’agir, le maître seul pourra porter plainte. L’esclave n’a même pas ce droit… Un esclave aux yeux des colons, n’est pas un homme ». Et à ceux qui opinent que le Code Noir adoucit la situation des esclaves, Tanc a une réponse implacable : Si on adoucit par la loi, la barbarie au lieu de l’abolir, on renforce celle-ci, puisqu’on lui donne un fondement légal. C’est pourquoi Xavier Tanc dénonce avec vigueur le Code Noir « … ces lignes suent le sang … Français, parlez maintenant de la douceur de vos mœurs, de votre civilisation élégante et polie, de votre enthousiasme pour la liberté. Quel contraste choquant ! Quoi ! Si libéraux en France, et si tyran sur le sol américain ! ». Poursuivant son jugement sur le Code Noir, Tanc écrit « …Rapprochez de cette sévérité épouvantable dont le législateur s’est armé contre les noirs, l’absence complète de dispositions pénales contre les crimes des blancs envers les esclaves, et vous verrez que c’est l’impunité consacrée en faveur du despotisme le plus honteux et le plus révoltant… ». Tanc dénonce avec la même lucidité, et le même courage, l’hypocrisie de l’abolition de la traite négrière. L’hypocrisie de l’abolition de la traite non appliquée Pendant toute la période où ont sévi l’esclavage et la traite négrière, autant les individus que les Etats, ont oscillé entre valeurs fondamentales et bassesse de l’appât du gain. En 1571, le Parlement de Bordeaux interdit l’esclave en France ! « Jamais une terre française ne connaîtra cet odieux trafic ». Mais, en 1642, le roi Louis XIII, autorisa la traite négrière, par des compagnies commerciales (1642 – 1664). Et, de 1664 à 1716, le monopole de la traite négrière fut réservé à des compagnies royales. Par le décret du 04 février 1794, la Convention
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abolit l’esclavage. Mais, le Premier consul Bonaparte, le rétablit le 17 mai 1802. Finalement, l’empereur Napoléon Bonaparte abolit la traite, et non l’esclavage, par décret du 29 mars 1815. Mais, la traite continuait de plus belle, les côtes de l’Afrique étaient dépeuplées de « bois d’ébène », pour alimenter en esclave, les colonies d’Amérique. On estime à 7750 navires négriers qui pratiquaient la traite illégale, en toute impunité, entre 1808 et 1867 ; Une opinion publique minoritaire, mais éclairée et active, dénonce l’esclavage. En 1787, se créa à Londres, la Société des Amis des Noirs. La même année, se créa en France également, une société des Amis des Noirs, avec des membres célèbres : Condorcet, l’Abbé Gregroire, Lafayette, Mirabeau, etc… Mais, aux colonies, le système colonial déploie toute la mesure de l’horreur dont il recèle. Sans traite, il n’y a pas d’esclavage, c’est pourquoi Tanc dénonce l’esclavage et la traite, avec des mots clairs et précis : « … Du jour où a commencé leur esclavage, il faut que ces pauvres Africains se dépouillent de leur qualité d’hommes, pour être assimilés à nos animaux domestiques, ou à de simples machines… ». Et, la vérité des faits donne raison à Tanc. Alors qu’en France, l’autorité judiciaire est garante de la liberté et des droits fondamentaux, selon la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, aux colonies, la justice est le complice de l’atteinte aux Droits Fondamentaux de l’esclave. B - UN SYSTEME JUDICIAIRE GANGRENE Sous le régime de Charles X, les horreurs commises aux colonies, sont révélées en France, malgré la censure royale.
A cette époque, il y avait une grande circulation de l’information (journaux, revues, brochures, et les récits faits dans les salons prisés…). Officiellement, la traite négrière est abolie, mais comme l’esclavage ne l’est pas, la traite continue, pour remplacer les esclaves, dont l’espérance de vie était relativement courte, compte tenu du sort qui leur était réservé. Se créent alors, en France, des mouvements de pensée contre la traite et l’esclavage. On peut citer la fameuse Société de Morale Chrétienne, créée en 1821, qui lutte contre la traite illégale, avec en son sein, des personnalités qui comptent : Benjamin Constant, Député, et le Duc de Broglie. Tout cela laisse bien indifférents aux colonies, les maîtres, aidés et soutenus, tant par l’administration, que par la justice coloniale. En Martinique, le Gouverneur Donzelot, fait régner la terreur chez les esclaves, en rétablissant les Cours prévôtales, sortes de Tribunaux forains, composés de Magistrats coloniaux aux Ordres, qui jugent à huis clos, sans avocat, et condamnent, au fouet, à la mutilation ou à mort, les esclaves soupçonnés sans aucune preuve, d’empoisonnement des maîtres et du bétail, ou simplement de sortilèges. Les ordonnances Royales de septembre 1828, ont proclamé une réforme judiciaire aux colonies, dont l’objectif était d’accorder aux Magistrats, indépendance et compétence. En effet, les Magistrats coloniaux recevaient parfois, contre leurs services, prébendes, biens immobiliers, femmes, et même esclaves. Si bien que, l’Ordonnance Royale de 1828, prescrivit vainement, il faut le constater, aux Procureurs généraux, et aux Avocats généraux, l’interdiction de posséder des biens immobiliers aux colonies, et d’épouser une créole. La réforme de 1828 instaure : - l’audience publique ; - l’audition de la partie civile et de l’accusé ;
Extraits de la Loi Taubira du 21 mai 2001 Article 1 La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du xve siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité.
commune au plan international pour commémorer l'abolition de la traite négrière et de l'esclavage, sans préjudice des dates commémoratives propres à chacun des départements d'outre-mer.
Article 4 Le dernier alinéa de l'article unique de la loi no 83-550 du 30 juin 1983 relative à la commémoration de l'abolition de l'esclavage est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés : Article 2 « Un décret fixe la date de la Les programmes scolaires et les commémoration pour chacune des programmes de recherche en histoire collectivités territoriales visées ci-dessus ; et en sciences humaines accorderont « En France métropolitaine, la date à la traite négrière et à l'esclavage de la commémoration annuelle de la place conséquente qu'ils méritent. La coopération qui permettra de mettre l'abolition de l'esclavage est fixée par le Gouvernement après la consultation en articulation les archives écrites la plus large ; disponibles en Europe avec les sources « Il est instauré un comité de orales et les connaissances archéologiques accumulées en Afrique, personnalités qualifiées, parmi lesquelles des représentants dans les Amériques, aux Caraïbes d'associations défendant la mémoire et dans tous les autres territoires ayant connu l'esclavage sera encouragée des esclaves, chargé de proposer, sur l'ensemble du territoire national, des et favorisée. lieux et des actions qui garantissent la pérennité de la mémoire de ce crime Article 3 à travers les générations. La composition, Une requête en reconnaissance de les compétences et les missions de la traite négrière transatlantique ainsi ce comité sont définies par un décret que de la traite dans l'océan Indien en Conseil d'Etat pris dans un délai et de l'esclavage comme crime contre de six mois après la publication de l'humanité sera introduite auprès du la loi no 2001-434 du 21 mai 2001 Conseil de l'Europe, des organisations tendant à la reconnaissance de internationales et de l'Organisation des Nations unies. Cette requête visera la traite et de l'esclavage en tant également la recherche d'une date que crime contre l'humanité. »
Article 5 A l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les mots : « par ses statuts, de », sont insérés les mots : « défendre la mémoire des esclaves et l'honneur de leurs descendants, ». Article 48-1 de la loi de 1881 : Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de défendre la mémoire des esclaves et l'honneur de leurs descendants, de combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par les articles 24 (alinéa 8), 32 (alinéa 2) et 33 (alinéa 3), de la présente loi, ainsi que les délits de provocation prévus par le 1° de l'article 24, lorsque la provocation concerne des crimes ou délits commis avec la circonstance aggravante prévue par l'article 132-76 du code pénal. Toutefois, quand l'infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de ces personnes.
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Société Chambre criminelle, Cour de cassation, arrêt du 5 février 2013 POURVOI NUMÉRO 11-85909 Statuant sur le pourvoi formé par : M. Marie-Joseph X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 30 juin 2011, qui, pour apologie de crime contre l'humanité, l'a condamné à 20 000 euros d'amende, a ordonné la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ; La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 janvier 2013 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort, Buisson, Mme Vannier conseillers de la chambre, Mme Divialle, MM. Maziau, Talabardon conseillers référendaires ; Avocat général : M. Cordier ; Greffier de chambre : Mme Randouin ; Sur le rapport de Mme le conseiller Guirimand, les observations de la société civile professionnelle Gatineau et
FATTACCINI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Cordier ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen relevé d'office, pris de la violation de la loi du 21 mai 2001 ; Vu la loi du 21 mai 2001 ; Attendu que si la loi du 21 mai 2001 tend à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, une telle disposition législative, ayant pour seul objet de reconnaître une infraction de cette nature, ne saurait être revêtue de la portée normative attachée à la loi et caractériser l'un des éléments constitutifs du délit d'apologie ; Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'apologie de crime contre l'humanité et de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale, sur le fondement des dispositions des articles 1er de la loi du 21 mai 2001 et 24, alinéas 5 et 8, de la loi du
- le droit pour les gens libres de choisir un avocat ; - le droit pour les esclaves d’avoir un avocat commis d’office ; - le droit de communication entre inculpé et avocat. Ni le Code Noir, ni l’Ordonnance royale de 1828, n’étaient respectés par les Magistrats coloniaux. C’est ce que Tanc dénonce sans ambages : « …Si cette funeste partialité des lois est encore augmentée par celle des Magistrats chargés de les faire observer, si ces Magistrats favorisent l’oppresseur aux dépens des opprimés, que le sort de ces derniers doit être à plaindre ! Car, il faut le dire, les meilleures intentions des Magistrats venus d’Europe, sont toujours paralysées par l’influence de créoles qui occupent les places les plus élevées de la magistrature. Or, avec leurs préjugés de caste, leurs intérêts, et leurs intérêts de famille, comment espérer que des créoles cherchent à adoucir pour des noirs, la rigoureuse pénalité des lois ?… ». Et pourtant, Tanc va résister à la justice coloniale, au prix de sa carrière.
II - Xavier Tanc va résister à la justice coloniale au prix du sacrifice de sa carrière Ce qui caractérise Tanc, c’est sa capacité d’indignation, et son courage à ne pas accepter l’inacceptable. Pour lui, il n’y a pas l’ombre d’un doute, l’esclavage constitue un crime contre l’humanité, et il n’entend pas y être complice (A), même si sa résistance doit lui coûter le sacrifice de sa carrière (B). A - LA PARFAITE CONSCIENCE QUE L’ESCLAVAGE CONSTITUE UN CRIME CONTRE L’HUMANITE A l’époque de Tanc, le crime contre l’humanité, tel que né au procès de Nuremberg, d’août 1945, n’était pas totalement conceptualisé, mais la perception de la faute lourde contre l’humanité, constituée par l’esclavage, était claire, pour toute personne sincèrement imbue des idéaux de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
29 juillet 1881, à raison des propos suivants, diffusés le 6 février 2009 au cours d'une émission de télévision de la chaîne Canal Plus Antilles et sur le site internet Megavideo.com : " Les historiens exagèrent un petit peu les problèmes. Ils parlent des mauvais côtés de l'esclavage, mais il y a les bons côtés aussi. C'est là où je ne suis pas d'accord avec eux. Il y a des colons qui étaient très humains avec leurs esclaves, qui les ont affranchis, qui leur donnaient la possibilité d'avoir un métier", et " Quand je vois des familles métissées, enfin blancs et noirs, les enfants sortent de couleurs différentes, il n'y a pas d'harmonie. Il y en a qui sortent avec des cheveux comme moi, il y en a d'autres qui sortent avec des cheveux crépus, dans la même famille avec des couleurs de peau différentes, moi je ne trouve pas ça bien. On a voulu préserver la race" ; que le tribunal correctionnel a retenu à l'encontre de M. X... le seul délit d'apologie de crime contre l'humanité à raison des
Les idées saugrenues traversent parfois le temps avec persévérance. Ainsi, en est-il de celle qui consiste à affirmer les bienfaits de la colonisation pour les peuples colonisés. En 1832 déjà, Tanc avait une réponse imparable à ceux qui exprimaient cette opinion : « …Je les croirai sur parole, malgré ce que j’ai vu, si, à l’exemple de plusieurs personnages de l’histoire, ils veulent partager le bonheur de cette position (esclave)… Qu’ils partagent pendant quelques temps le sort de ceux qu’ils disent si heureux… Je les engage donc à éprouver la mansuétude des commandeurs, la volupté des coups de fouet, la saveur d’une morue infecte, la nudité, les ondées, la misère, les caprices de l’insolence, les fureurs de la brutalité, et puis, s’ils ont des femmes ou des filles, l’inexprimable charme de satisfaire à volonté les fantaisies de leurs tyrans… ». Et pourtant, on se souvient qu’il a fallu que le Conseil constitutionnel censure le deuxième alinéa de l’article 4 de la loi du 23 février 2005, qui affirmait les bienfaits de la colonisation pour les peuples colonisés (décision du 31 janvier 2006). Ce qui a permis au décret du 15 février 2006, d’abroger cette disposition. Tanc était, comme beaucoup à son époque, parfaitement conscient que l’esclavage constituait un crime contre l’humanité : « Cette tyrannie d’une caste sur une autre, était opposée à nos idées d’égalité devant la loi, et à notre charte des droits de l’Homme… ». Et, il ne souhaitait pas en conscience, être coupable de ce crime, ne serait-ce que par passivité. « …Je jurai de ne point borner ma compassion à des larmes stériles, mais de venir élever une voix courageuse contre une tyrannie, si peu en rapport avec les lois d’un peuple libre, et qui se dit protecteur des opprimés. Témoin oculaire, je viens déposer au grand procès de l’humanité contre l’esclavage. Quelle cause ! quels intérêts ! quel Tribunal !... ». Il faut le dire avec force, pour être d’un courage exceptionnel, cette position n’était pas d’une exceptionnelle intelligence. Tout être humain censé, sans effort intellectuel démesuré, peut raisonnablement, aujourd’hui, comme hier, savoir, que l’esclavage constitue un crime contre l’humanité :
premiers propos poursuivis, le relaxant pour le surplus ; Attendu que, sur les recours du prévenu, du ministère public et de l'association SOS Racisme, partie civile, la cour d'appel, statuant par motifs propres et adoptés, a confirmé le jugement entrepris sur la culpabilité ; Mais attendu qu'en décidant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ; Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens de cassation proposés : CASSE et ANNULE, en ses dispositions relatives au délit d'apologie de crime contre l'humanité, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de France, en date du 30 juin 2011, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
En effet, Montesquieu enseignait déjà, que le droit positif, a pour mission de traduire en lois, des droits naturels antérieurs et supérieurs. Rousseau de son côté, exigeait le respect des lois fondamentales de la nature humaine, en ces termes « … Retrouvez le droit naturel, c’est déterminer ce qui est juste et raisonnable pour l’homme considéré dans son essence même… ». Par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, l’Assemblée Nationale déclare solennellement des droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme qui s’imposent tant au pouvoir législatif qu’au pouvoir exécutif : Article 1 : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Article 12 :La force publique doit garantir les droits de l’homme. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, proclame des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Cette déclaration est normative, et constitue un fondement positif aux droits naturels de l’Homme. Tanc n’invente donc rien, lorsqu’il affirme en 1832 « … l’histoire des souffrances des esclaves est toute entière dans les lois qui ont établi cette fatale autorité, source de tant de douleurs et de si monstrueux outrages à l’humanité… » D’ailleurs, le décret d’abolition du 27 avril 1848 affirmait clairement que l’esclavage est un « attentat contre la dignité humaine… ». Que la criminalité de l’esclavage soit évidente, n’empêche pas les multiples résistances. Ceci explique que des progrès significatifs en cette matière, soient suivis de régressions déplorables. La Commission des Droits de l’Homme du Conseil Economique et Social des Nations-Unies, a affirmé, dans le texte d’une résolution, en date du 14 avril 1998, que la traite transatlantique et l’esclavage, constituent un crime contre l’humanité. La loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 reconnaît que la traite et l’esclavage constituent un crime contre l’humanité. Mais, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 5 février 2013, sur un moyen relevé d’office, a affirmé que la loi du 21 mai 2001, n’a pas de portée normative. A mon humble avis, cette affirmation est pour le moins contestable :
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Société - l’article 5 de la loi du 21 mai 2001, renvoie à l’article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881. Et cet article modifié par la loi Taubira, donne qualité et intérêt aux associations défendant la mémoire des esclaves, et l’honneur de leurs descendants, pour exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les infractions des articles 24, 32, et 33 de la loi de 1881, relatif à la provocation et à la haine raciale, tout autant qu’à la diffamation et l’injure raciale. - le même article 5 affirme que la présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat. D’autres n’hésitent pas à soutenir qu’il ne saurait y avoir de crime, puisque toute l’humanité y a participé, et qu’il ne saurait y avoir ni coupable, ni réparation. Comme si le crime commis par l’un absout celui commis par l’autre. Et, comme si chacun n’était pas responsable de sa propre iniquité. L’affirmation de Monsieur Franck Terrier, avocat général à Versailles, dans son discours du 7 janvier 1998, prononcé à l’audience solennelle de rentrée, peut éclairer la réflexion. « … Il n’y a pas de génocide sans armes, il n’y a pas d’armes sans hommes pour les porter, armée régulière ou milice organisée. Il n’y a pas d’armes sans Etat pour le vouloir ou le permettre… ». Monsieur Terrier rejoint alors Xavier Tanc qui avait écrit, sans son libellé au député de l’Allier : « …Rappelons seulement quelques-unes des dispositions atroces et sanguinaires, qui sont consignées dans le Code Noir. Nous y verrons que c’est sous la sauvegarde des lois, qu’on a tourmenté et massacré, pendant plus de trois siècles, une classe d’hommes digne d’un meilleur sort… ». Une telle lucidité de Tanc, et surtout, un tel courage, une telle intransigeance, avec sa conscience, ne pouvait que compromettre sa carrière de magistrat. B - UNE CARRIERE SACRIFIEE AU NOM DE SA CONSCIENCE Xavier Tanc a rencontré tous les obstacles possibles, à l’exercice, avec dignité et indépendance, de ses fonctions de magistrat, garant de la liberté individuelle. Né le 17 septembre 1800 dans les Hautes Alpes, Tanc était un homme de conviction. A 27 ans, il est inscrit au Barreau de Paris, où il n’exerce qu’une année, puis rejoint la magistrature.
Décision du Conseil constitutionnel du 31 janvier 2006 Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 37 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ; Vu la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ; Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 susvisée : " Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer,
notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit " ; 2. Considérant que le contenu des programmes scolaires ne relève ni des " principes fondamentaux... de l'enseignement ", que l'article 34 de la Constitution réserve au domaine de la loi, ni d'aucun autre principe ou règle que la Constitution place dans ce domaine ; que, dès lors, le deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 susvisée a le caractère réglementaire,
Il est nommé juge de paix à Capesterre en Guadeloupe, pendant trois années. En 1832, il est nommé substitut du procureur à Argentière en Ardèche. C’est de là, qu’il publie le libellé intitulé : « De l’esclavage aux colonies françaises, et spécialement à la Guadeloupe ». Ce libellé est adressé à Victor de Tracy, Député de l’Allier, auteur d’une proposition aux chambres, en faveur des gens de couleur. Plusieurs pages du libellé sont publiées dans la « Revue des Colonies », dirigée par Bissette, et dans « le Cahier de Lecture ». En 1834, Tanc est destitué pour : « opinions trop avancées, et pour l’opposition qu’il fit au candidat ministériel ». Il est réintégré dans la magistrature, et il est nommé le 2 avril 1848, Procureur de la République à SaintPierre en Martinique. En raison de son caractère trempé, il rencontra quelques difficultés dans l’exercice de ses fonctions à Saint-Pierre. Il est nommé Conseiller à la Cour d’Appel de Fort-de-France. Mais, ses rapports sont mauvais avec le Procureur Général Meynier, pourtant Schoelchériste. Tanc est nommé Conseiller à la Cour de Cayenne,
DÉCIDE : Article premier. - Le deuxième alinéa de l'article 4 de la loi du 23 février 2005 susvisée a le caractère réglementaire. Article 2. - La présente décision sera notifiée au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 janvier 2006, où siégeaient : M. Pierre Mazeaud, Président, MM. Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, MM. Pierre Joxe et Jean-Louis Pezant, Mme Dominique Schnapper et M. Pierre Steinmetz.
où il resta jusqu’en 1853, date à laquelle il fut révoqué une deuxième fois. Evoquer les convictions et le courage de Xavier Tanc, c’est exprimer que le combat pour la liberté et le respect des Droits Fondamentaux de la personne humaine, doit être mené, hier comme aujourd’hui, par tous. Ce combat est de tous temps et de tous lieux. Aujourd’hui encore, des décisions de justice peuvent faire aussi mal aux descendants d’esclaves, qu’une mutilation ou un marquage au fer rouge. Aujourd’hui encore, il faut se battre contre le crachat jeté aux visages des descendants d’esclaves, comme, par exemple, par le Député UMP du Var, Jean-Sébastien Vialatte, qui a écrit sur twitter, à propos des émeutes du 13 mai 2013 à Paris : « Les casseurs sont sûrement des descendants d’esclaves, ils ont des excuses, Taubira va leur donner une compensation… ». Pour terminer, je ne peux que rejoindre, Bernardin de Saint Pierre (Voyage en Ile de France) : « Je ne sais si le sucre et le café sont nécessaires au bonheur de l’Europe, mais je sais bien que ces deux végétaux ont fait le malheur de deux parties du monde. On a dépeuplé l’Amérique, afin d’avoir une terre pour les planter, on a dépeuplé l’Afrique, afin d’avoir une nation pour les cultiver ».
Indemniser les planteurs pour abolir l'esclavage ? britanniques et français (1788 1848) dans une perspective comparée.
Suite aux émancipations du Nouveau Monde (1777-1888), le droit des planteurs à une indemnisation est généralement reconnu tandis que leurs esclaves doivent se contenter de la liberté pour solde de tout compte. Ce phénomène récurrent
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dans les Amériques apparaît aujourd'hui comme insolite voire comme choquant - et soulève un certain nombre d'interrogations. Pourquoi indemnise-t-on les maîtres et non les esclaves ? Comment une telle mesure se justifie-t-elle à l'époque ? L'ambition de cette recherche est d'apporter des réponses à ces questions délaissées par les spécialistes jusqu'à présent. Le phénomène de l'indemnité dans sa globalité et dans son hétérogénéité
sera étudié, par le biais original d'une perspective comparée et par la sélection des débats parlementaires britanniques et français comme sources inédites de travail. Il sera ainsi démontré que la problématique de l'indemnité - mesure d'économie morale constitue une cheville ouvrière d'une émancipation.
Prix spécial du jury de thèse du Sénat 2012. Edition Dalloz 64,00 € - 393 pages
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D.R.
économie, éthique Edesetntredébats politique, une étude parlementaires
Société Des juristes d’exception humanistes et combatifs
Jean-Claude Marin
par Jean-Claude Marin
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
J
usqu’ici, nous n’avons décrété la liberté qu’en égoïstes et pour nous seuls. Aujourd’hui, nous proclamons à la face de l’univers - et les générations futures trouverons leur gloire dans ce décret -, nous proclamons la liberté universelle ! » C’est Danton qui s’exprime ainsi à la Convention, le 4 février 1794 de « …cette voix de Stentor, (qui) retentissait au milieu de l'Assemblée, comme le canon d'alarme qui appelle les soldats sur la brèche » disait Levasseur auteur de la proposition d’abolition de l’esclavage. Ainsi est abrogée l’ordonnance royale de mars 1685 autrement appelée « Code Noir », après 109 ans d’application notamment dans ce qu’il était convenu d’appeler alors les colonies françaises des Amériques. La Martinique ne connaîtra pas ce court temps d’abrogation du support juridique de l’esclavage. En effet, devenue colonie britannique, les lois de la République lui sont alors étrangères. Nous le savons, Napoléon reviendra sur cette abrogation : le 28 mai 1802, l’esclavage est rétabli et les textes en vigueur antérieurement au 4 février 1794 retrouvent application. Il faudra encore attendre 1848 et le travail des consciences engagées dans la lutte contre l’esclavage comme le duc de Broglie, Alexis de Tocqueville ou Victor Schœlcher pour, qu’après les lois Mackau de 1845 qui, tout en adoucissant le régime des esclaves, ne tranchait pas l’essentiel, c'est-à-dire leur liberté, pour qu’enfin, dis-je, l’esclavage soit aboli. En effet, après la nomination de Victor Schoelcher en qualité de sous-secrétaire d’Etat et de président de la commission d’abolition de l’esclavage, les décrets du 27 avril 1848 pris par le Gouvernement provisoire de la IIème République abolissent l’esclavage et punissent les contrevenants de la perte de citoyenneté, la Constitution du 4 novembre 1848, consacrant le principe de l’abolition dans son article 6 qui disposait : « L’esclavage ne peut exister sur aucune terre française ». Ainsi, il était mis fin à une monstruosité, que la loi de 2001, dite loi Taubira, érigera, de manière mémorielle, en crime contre l’humanité, monstruosité qui avait ravalé des femmes et des hommes au rang de meubles, légalement propriété de leur maître, pouvant même devenir immeubles par destination lorsqu’il étaient rattachés à une propriété foncière, taillables et corvéables à merci, susceptibles de prêt, de don, de louage ou de vente. Mais ces meuble se voyaient, dans une sorte de paradoxe existentiel, reconnaître une âme christianisée leur ouvrant les portes du baptême, du mariage chrétien et des obsèques religieuses alors que leur était déniée toute personnalité juridique leur fermant les portes de l’accès au juge, à la justice et à la dignité humaine. Tout cela a été, à l’excellence, démontré par des historiens et des chercheurs dont il faut ici saluer les travaux qui ont permis de raviver les mémoires et de montrer à quel point la condition des esclaves fut ignominieuse et indigne, condition souvent méconnue en dehors des terres soumises ce ravalement inhumain. Mais ce qui va nous mobiliser aujourd’hui c’est un épisode souvent méconnu de l’histoire de
l’esclavage en France et de son abolition : il s’agit de la période allant de 1828 à l’abolition de l’esclavage en 1848. Avant 1828, le régime procédural civil et pénal prévalant outre-mer, et notamment dans les colonies françaises d’Amérique, était dérogatoire au droit commun et les décisions rendues par les cours coloniales échappaient au contrôle de la Cour de cassation. Or, non seulement des textes postérieurs à 1802 ont durci le statut de l’esclave mais encore, les cours coloniales ont eu, de l’interprétation de ces textes, une lecture partiale très défavorable aux quelques maigres droits reconnus aux esclaves. Le 24 septembre 1828 intervenait une ordonnance royale rendant applicables aux colonies le Code civil en son entier mais aussi, et surtout, les Codes de procédure civile et de procédure pénale et donc l’organisation judiciaire de droit commun. Effet insigne des ordonnances de 1828, elles rendaient applicable le contrôle de l’application du droit dans les colonies par notre Cour de cassation. Cette avancée va être l’occasion pour notre Cour d’engager le combat du droit contre l’esclavagisme et ce combat préparera les décrets de 1848 sur l’abolition de l’esclavage. Ce combat va être engagé par tous ceux qui, en qualité d’acteurs de la procédure de cassation, magistrats du siège tels les premiers présidents Henrion de Pansey et Portalis, du parquet général, tel et j’y reviendrai, que le procureur général Dupin dit Dupin l’Aîné, dont le rôle va être décisif, tels enfin nos avocats aux conseils, et on pense nécessairement alors à Isambert et Gâtines. L’humanisme partagé et l’intelligence du Procureur général Dupin, des magistrats de la Cour de cassation et des avocats aux conseils les conduiront à des actions concertées au service de valeurs sociales et morales, fruit d’un héritage commun et point de rencontre de la défense des droits. L’institution judiciaire a ainsi remplit une mission dont elle avait été trop longtemps écartée, grâce
à l’action commune de ceux qui œuvrent avec et pour elle. Si ce travail prétorien est moins connu que le discours des tribuns abolitionnistes, il n’en a pas moins constitué un apport essentiel aux valeurs humanistes, supports de la cause abolitionniste.
Le rôle actif du procureur général Dupin Aîné Un homme va jouer un rôle majeur dans la construction d’une jurisprudence de la Cour de cassation tendant, notamment en cassant des décisions rendues par les cours coloniales, à imposer le respect des grands principes contenus dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyens de 1789 et à une lecture, conforme aux valeurs d’humanité, du droit applicable dans les colonies notamment dans les colonies françaises d’Amérique. De manière liminaire, je voudrais dire que l’implication du Procureur général Dupin dans le combat abolitionniste est le reflet, avec certes son courage et sa détermination propre, du rôle que doit jouer, que joue encore le Ministère public français, et notamment le parquet général de la Cour de cassation, dont la vocation particulière est, pour ce dernier, en toute indépendance, le service de la loi dans une acception digne d’un Etat de Droit et d’une démocratie moderne. L’action du Procureur général Dupin s’enracine dans la grande ordonnance de Philippe le Bel du 23 mars 1303 justifiant que l’accusateur ait également en charge la recherche de la vérité et la bonne application de la loi. A ce titre, Dupin l’Aîné, en qualité de commissaire de la loi, se qualifiait lui-même d’« indépendant des indépendants(1) » affirmant que, je cite, « la liberté est sous la loi ». Dans son éloge funèbre, son successeur, le
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Société
Tableau peint par Gérald Saé
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du Royaume et lui dicte la célèbre proclamation : « La Charte sera désormais une vérité ». Sous la Monarchie de Juillet, Dupin devient Ministre d'Etat sans portefeuille et siège au Conseil des Ministres de Louis-Philippe. Le coup d'Etat du 2 décembre 1851 entraîne la dissolution de la Chambre. Lors de la dernière séance, le Président Dupin invitera ses collègues à quitter les lieux, et déclarera, en leur montrant les gendarmes : « Nous avons le droit, c'est évident, mais ces messieurs ont la force ; partons. »(2) Dupin acceptera toutefois d'entrer au Sénat le 27 novembre 1857 et y restera jusqu'à sa mort. Il est nommé Procureur général près la Cour de cassation le 17 août 1830 et malgré le coup d'Etat du 2 décembre 1851, il conservera son poste de Procureur général, duquel il démissionne le 22 janvier 1852, refusant de s'associer aux décrets de confiscation des biens de la famille d'Orléans, « C'est, dit-il, le premier vol de l'Aigle »(3). Le 25 février 1848, le Procureur Dupin décide que les décisions de la Cour seront désormais rendues « au nom du peuple français ». Il sera à nouveau renommé Procureur général le 27 novembre 1857 et exercera ses fonctions jusqu'à sa mort en 1865. Il aura donc exercé pendant trente ans les fonctions de Procureur général près la Cour de cassation, en même temps d’ailleurs qu’il poursuivait une carrière politique notamment comme parlementaire et ministre, ce qui, à l’époque était concevable voire courant. Mais c’est à la première partie de sa carrière de Procureur général de la Cour de cassation qu’il nous faut maintenant aborder, celle au cours de laquelle éclate au grand jour son humanisme à travers ses profondes convictions antiesclavagistes, réaffirmées avec force et éclat dans ses réquisitions devant la Cour. Rendant hommage aux positions avant-gardistes de la Cour en la matière, inspirées de droit naturel et pétries d'humanité, Jean Carbonnier insiste sur le rôle moteur de Dupin l’Ainé, véritable impulsion anti-esclavagiste : « L'œuvre fut collective. Un nom, toutefois, se détache : celui de Dupin l'Aîné. (…) Ses conclusions anti-esclavagistes sont d'une voix chaude et d'un cœur généreux. (…) Exégèse, philosophie, sciences des textes romains, tout lui est bon pour conclure in favorem libertatis »(4). Ce qui caractérise sans doute le rôle particulier de Dupin l’Aîné c’est qu’il va mener son combat dans le respect de la loi, de sa lettre ou de son esprit. Dépourvu de capacité civile, « non-sujet de droit »(5), l'esclave ne pouvait pas ester en justice. Il ne pouvait Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
procureur général Delangle dira de lui : « Ce qui recommandera surtout la mémoire de Monsieur Dupin à la sympathie et au respect des jurisconsultes, c’est la constance avec laquelle il a poursuivi dans l’exercice des fonctions de Procureur Général, la consécration des principes de 1789 ; c’est le souvenir de la fermeté avec laquelle, dans les questions d’esclavage et de patronage, il a défendu l’humanité. » Mais qui est le procureur général Dupin ? Né à Varzy, dans la Nièvre, en 1783 et mort à Paris en 1865, André Marie Jean Jacques Dupin - dit Dupin l'Aîné - est éduqué par sa mère avant d'être envoyé à l'Ecole de Droit de Paris. Maître-clerc chez un avoué parisien, il devient docteur en droit en 1806. Il échoue au concours pour une chaire de droit à la Faculté de Paris (1810) et commence à publier des opuscules de jurisprudence. Entré au barreau, il est proposé par le Procureur Général Merlin pour le poste d'avocat général près la Cour de cassation, mais sans succès. Il siège à la Chambre des représentants en mai 1815, pendant les Cent Jours. Ni vrai partisan ni farouche opposant, il refuse toutefois de voter l'érection d'une statue de Napoléon sur les bords du Golfe Juan ornée de l'inscription « Au sauveur de la patrie ». Le 22 juin, il propose à ses collègues d'accepter l'abdication de l'Empereur « au nom du peuple français » et s'exprime avec véhémence contre les tentatives de Napoléon II de s'emparer du pouvoir. Aux débuts de la seconde Restauration, Dupin doit s'éloigner de la vie parlementaire de 1815 à 1827, trop jeune pour être éligible. Il se consacre alors à sa carrière juridique et publie plusieurs ouvrages, dont le mémoire au titre célèbre « Libre défense des accusés ». Il assume la défense, avec un talent efficace et redouté, de clients prestigieux comme les Maréchaux Ney, Brune, Gilly, Alix, Rovigo, comme les hommes politiques que sont Isambert, de Pradt, Bavoux, Mérilhou et sa verve anime plusieurs procès politiques et de presse. Dupin devient en 1817 l'un des conseils du duc d'Orléans, auquel il restera fidèle jusqu'à sa mort. En1827, il est élu député de La Charité sur Loire (Nièvre) et siège à la Chambre, dont il devient vice-président en mars 1830. Réélu député le 23 juin 1830, il exercera ses mandats sans discontinuer jusqu'au terme du règne de Louis-Philippe dont il est un proche. Le 30 juillet 1830, au lendemain des Trois Glorieuses, il convainc son ami et client le duc d'Orléans d'accepter la lieutenance générale
donc ni contester une décision prise en sa défaveur, ni réclamer sa liberté. Dès lors, comme dira Gâtines, le seul outil procédural permettant à la Cour de cassation de contrôler les décisions des cours coloniales, majoritairement dévouées aux intérêts des colons(6), était le pourvoi formé dans l'intérêt de la loi relevant du pouvoir propre du procureur général de la Cour de Cassation. Ce fut l'arme procédurale privilégiée du Procureur général André Dupin. Le rappel de quelques affaires marquantes, parmi tant d’autres, permettra d’apporter un témoignage concret de la stratégie judiciaire de Dupin l’Aîné en faveur de la cause abolitionniste Ainsi l'affaire dite du colon Prus va illustrer, dans le champ de la preuve testimoniale en matière criminelle, entre autres, l’utilisation du droit au service de la cause abolitionniste. Pour faire avouer à l'esclave Linval la cachette de ses compagnons de marronage(7), son maître, le colon Prus, va lui infliger des tortures si insupportables que l’homme succombe des suites de ces sévices. La Chambre d'accusation de la Cour Royale de Cayenne considère qu'il n'y pas lieu à poursuivre et déclare irrecevables, comme n’émanant pas de sujets de droit, les dépositions concordantes de dix esclaves attestant de la violence extrême et répétée dessévices. Formant, de sa propre initiative, un pourvoi dans l'intérêt de la loi contre cette décision, Dupin va s'attacher à démontrer que l'irrecevabilité de la preuve testimoniale d'un esclave est contraire à l'ordre public. Cette affaire lui donne une de ses premières occasions de prononcer un réquisitoire anti-esclavagiste en ses termes : « Puisqu'en dérogation au droit sacré de la nature, les lois civiles ont admis l'esclavage, évitons d'aggraver cette position déjà si malheureuse; et si l'homme a pu devenir la propriété de son semblable, que cette propriété du moins ne soit pas celle qu'on a définie jus utendi et abutendi » et qualifiant les sévices du colon Prus de « crimes », Dupin poursuit son réquisitoire en posant le principe qu'il y a lieu de « s'interposer entre le bourreau et la victime pour revendiquer les droits imprescriptibles de l'humanité »(8). La chambre criminelle cassera et annulera l'arrêt de la Cour de Cayenne par un arrêt du 27 janvier 1831. La recevabilité de la preuve testimoniale de l'esclave sera, par la suite, admise en matière civile délictuelle par un arrêt du 9 mars 1848. Une autre procédure, connue sous le nom d’affaire Louisy, lui fournira l’opportunité de s’élever contre l’applicabilité des sanctions pénales aux « nègres patronés ». L'esclave Louisy avait commis une infraction après avoir été affranchi par son maître, mais avant que son affranchissement ne soit enregistré par l'administration coloniale. La question se posait des sanctions pénales applicables : étaient-elles celles réprimant les délits commis par les esclaves envers les hommes libres (plus sévères) ou bien celles réprimant les délits commis par les hommes libres (plus légères)? Dupin va requérir la cassation de l’arrêt de condamnation qui applique à Louisy le droit pénal le plus rigoureux en ces termes : « Qu'est ce que l'esclavage? Une institution contre nature, qui place un homme dans la propriété d'un autre, qui le fait descendre de l'état d'homme à celui de chose, qui le rend meuble ou immeuble. Il n'y a là qu'une question de propriété; mais si le propriétaire y renonce, s'il rentre dans le droit naturel, s'il rend l'homme à sa condition originaire,
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Portrait du Procureur général André Marie Jean Jacques Dupin dit “Dupin l’Ainé”
même indirectement en le nommant son légataire, en épousant son esclave, le lien contraire à la nature est brisé; par la seule volonté du maître, par la seule force de la manumission, l'esclave est devenu libre. » Par deux arrêts en date des 18 juin 1831 et 9 mars 1833, la Cour de renvoi ayant refusé de s’incliner, la chambre criminelle juge que les « nègres patronés » sont assimilés aux hommes libres. Les esclaves affranchis par leur maître, mais n'ayant pas encore obtenu la patente d'affranchissement par le gouverneur de la colonie, doivent se voir appliquer les peines encourues par les hommes libres et non celles encourues par les esclaves. La Cour de cassation étendra cette solution à la matière civile par un arrêt en date du 21 mai 1835. L'affaire Virginie lui permettra d’aborder, au nom du droit, les conséquences familiales de l'affranchissement. En vertu de l’article 47 du Code Noir, je cite : « Ne pourront être saisis et vendus séparément, le mari et la femme, et leurs enfants impubères, s'ils sont sous la puissance d'un même maître (...)(9)» Virginie, affranchie par testament, réclame l'affranchissement de ses deux enfants demeurés esclaves, sur le fondement de l'article 47. Elle se heurte alors au refus des héritiers de son ancien maître, lesquels obtiennent gain de cause devant le Tribunal puis la Cour de Guadeloupe, en des termes que l’on ne peut que rappeler pour montrer ce qu’était alors l’application de la loi outre-mer : ….« considérant que l'affranchissement donné par un maître à son esclave fortifie les liens d'attachement qui existaient déjà et porte l'esclave affranchie à rester près de ses enfants pour les rendre plus utiles à son ancien maître, et les principes de fidélité et de dévouement qui lui ont mérité la liberté ; que cette liberté, loin de produire une séparation, opère un plus grand rapprochement ». Cette solution vidait, évidemment, l'affranchissement de sa substance, dans la mesure
où l'état d'esclavage des enfants contraignait la mère affranchie à demeurer auprès de son ancien maître ou ses héritiers. A l'initiative du pourvoi, le procureur réfute cette interprétation fallacieuse qui fait de l'affranchissement une prolongation de l'état d'esclavage. S'appuyant sur l'article 47 du Code Noir, Dupin élabore un droit de la famille à l'usage des esclaves. Selon lui, l'interdiction de la vente séparée, posée par l'article 47, repose sur le souci de protéger la cellule familiale de l'esclave(10). Dès lors, le refus d'affranchir les enfants à la suite de l'affranchissement de la mère contredit l'article 47 et le procureur général Dupin s’exprime à cet instant dans ces termes : « La pensée vraiment humaine [de cet article47] est que la famille ne doit pas être séparée. Le mari ne doit pas être séparé de la femme, l'enfant ne doit pas être arraché au sein de la mère. (…) La faveur qui s'attache à la liberté de l'homme doit faire interpréter dans le sens le plus large les lois qui, directement ou indirectement, ont pour objet d'étendre cette liberté ». La plaidoirie d'Alexandre Amboise Gâtine ira dans le même sens(11). La cassation est ainsi obtenue par les deux arrêts Virginie, puisque la Cour de renvoi, la Cour d’appel de Bordeaux , s’était rebellé en refusant de s’incliner, arrêts qui donnent un exemple de l'évolution de la notion d'affranchissement, qui devient peu à peu un « droit » à la liberté entendu comme le « droit » de suivre ses enfants impubères ou ses parents libérés antérieurement par le maître. Ainsi par ces arrêts rendus le 1er mars 1841 et, en chambres réunies le 22 novembre 1844, est affirmé solennellement que l'article 47 doit s'entendre comme une « loi d'humanité conforme aux principes du droit naturel, qui ne veut pas que les enfants soient privés des soins de leurs parents tant que la faiblesse de leur âge les leur rend nécessaires »(12).
Cette cassation emporte l'approbation unanime des contemporains, et sera considérée comme un « évangile judiciaire en matière d'esclavage et de liberté »(13), marquant un point de non retour. L'affaire Furcy permettra au Procureur général Dupin de faire évoluer la jurisprudence sur le champ d'application de la maxime « Nul n'est esclave en France ». D'origine indienne, Madeleine a suivi et servi sa patronne à Lorient, avant d'être emmenée à l'Ile Bourbon et réduite à un esclavage de fait. L'un de ses enfants, Furcy, est confié à un propriétaire d'esclaves. Furcy décide en octobre 1817 d'obtenir de la justice sa liberté, en invoquant la Déclaration de 1789. Il se battra judiciairement pendant trente ans, et cette lutte juridique sera largement couverte par la presse parisienne. Malgré l'esclavage de fait auquel sa mère, née libre, a été réduite, l'esclave Furcy n'est-il pas libre luimême? A l'appui de sa liberté, peut-il invoquer l'affranchissement ultérieur de sa mère résultant de son entrée sur le sol métropolitain? Au cours de cette longue procédure, les convictions anti-esclavagistes du procureur général Dupin vont irriguer avec éclat ses réquisitions , je cite encore : « A une époque où tous les efforts de la législation et de la philanthropie se réunissent pour préparer l'anéantissement de l'esclavage, à plus forte raison la jurisprudence doit-elle protéger les hommes libres et les affranchir contre la cupidité de ceux qui s'efforceraient de les retenir ou de les ramener indûment dans les liens de la servitude ». Plaidant pour l'admission de la requête de Furcy, Dupin fonde son argumentation juridique sur la maxime « nul n'est esclave en France» argumentant: « (…) nul n'est esclave en France : voilà la maxime fondamentale, maxime formée par une espèce d'acclamation unanime, respectée par les temps, affermie par l'autorité; maxime peut être la plus glorieuse à la nation et au prince » et concluant avec force « il est évident que Furcy est libre.»(14) La Cour a rendu trois arrêts dans cette affaire, en date des 12 août 1835, 6 mai 1840, et 23 décembre 1843. Par ce dernier arrêt, prononcé à l'audience par le président Portalis, « la Cour dit que Furcy est né en état de liberté. » L'affaire Coralie permet à la Cour de cassation de se prononcer sur l’articulation entre droit des biens et « regroupement familial ». Coralie avait obtenu sa liberté par voie de rachat en 1823 et reçu son titre de liberté en 1826. Entre-temps, demeurée esclave auprès du sieur Valencourt, elle avait mis au monde quatre enfants. Elle a été vendue avec deux de ses enfants à son ancienne maîtresse, la dame Blanchet, le sieur Valencourt ayant conservé les deux autres enfants. L'esclave Coralie a ensuite été vendue, seule, au sieur Noyer. Au décès de la maîtresse Blanchet, les deux enfants ont été revendus. De son côté, le sieur Valencourt avait lui aussi revendu un des autres deux enfants. Reconnue libre, Coralie réclamait la restitution de ses enfants, devenus majeurs. Les juges de Basse Terre puis la Cour d’appel de Guadeloupe la déboutèrent en constatant la bonne foi des tiers acquéreurs, sur le fondement de l'article 2279 du Code civil, qui dispose qu’en matière de meuble, la possession vaut titre, faisant ainsi primer le droit commun des biens sur l'article 47 du Code Noir.
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Société La Cour, dans son arrêt du 6 janvier 1847, sur le pourvoi formé par le Procureur général Dupin, écarte l'application de l'article 2279 au bénéfice d'une interprétation humaniste et extensive de l'article 47 du Code Noir. Par un arrêt solennel, la Cour de cassation énonce que l'article 47 « est général, absolu dans sa nature, et doit trouver application toutes les fois [que par] un acte quelconque de vente, saisie, donation, affranchissement ou rachat, de jeunes enfants se trouvent séparés de leur mère, ou celle-ci privée de ses enfants ». Les juges ajoutent que l'esclave qui s'est racheté « n'est assurément enchaîné par aucun lien de reconnaissance pour cet étrange bienfait qui consiste à vendre à un homme sa liberté naturelle, le bien imprescriptible qu'on lui a ravi ». D’autres arrêts, rendus majoritairement sur pourvoi dans l’intérêt de la loi formé, d’initiative, par le procureur général Dupin, mériteraient sans doute de plus amples développements tels : − L’arrêt rendu par la Chambre criminelle le 8 février 1839 dans l’affaire Sieur Huc. L'esclave du sieur Huc peut-il être confisqué par l'administration douanière au même titre que les marchandises de contrebande qu'il détient ? La Cour fait échec à une lecture emprunte d’une rigueur absurde du droit des biens et énonce que l'on ne peut saisir que des choses, or l'esclave n'en étant pas une, il n'est donc pas confiscable. − Ou celui rendu par exemple par la Chambre des requêtes le 25 mai 1841 dans l’affaire Barrat c/ Lemaître et MP : lorsque la plantation est hypothéquée, les esclaves - en tant qu'immeubles par destination - font partie de la garantie du créancier hypothécaire. Le propriétaire peut-il les affranchir, et ainsi préjudicier aux droits du créancier? La Cour
Alexandre Amboise Gatine : rendre à l’esclave sa pleine personnalité et sa liberté
écarte le droit commun pour privilégier une approche libérale et privilégier l'affranchissement des esclaves aux droits du créancier. Ces exemples sont le témoignage terrible de l’état de servitude dans lequel ont vécu, il y a moins de deux siècles, des femmes et des hommes sur des terres françaises. Ils forcent aussi l’admiration pour ces juristes engagés dans une cause où leur seule arme était le droit, le droit conçu comme l’expression de principes transcendants une vision de la loi réduite au service d’intérêts dominants. Faut-il le souligner, ces magistrats, et parmi eux, le procureur général Dupin, ces avocats aux conseils ne vont pouvoir s’appuyer sur nul principe fondamental, nul droit de l’homme consacré au rang de norme supranationale au soutien de leur position. Leur unique conscience sera le ressort de leur démonstration. Cette action, menée dans l’intimité d’un prétoire, en révélant l’ignominie tout autant que l’absurdité juridique du Code Noir, a véritablement sapé la constitution civile de l’esclavage en le déracinant de ses fondements honteux. Plutôt que d’affronter la loi, volonté de l'expression générale, la Cour de cassation, guidée par son procureur général et ses avocats aux conseils, s’attaquera aux incohérences juridique et économique du Code Noir. Grâce à la persévérance de ces hommes, la Cour de cassation balisera le chemin de la cause politique soutenue par Schoelcher, Tocqueville ou le Duc de Broglie et qui, sans cet engagement des acteurs de notre Cour judiciaire suprême n’aurait peut être pas connue alors son heureux dénouement.
Notes 1. Formule de Dupin cité par Delangle, Procureur général près la Cour de cassation, lors de l’audience de rentrée du 3 novembre 1866, « Monsieur le Procureur général Dupin », ouvrage précité. 2. Victor Hugo ne sera pas tendre avec Dupin, qu'il qualifiera de « honte incomparable » - cité dans le Dictionnaire. 3. Cité dans le Dictionnaire. 4. J. Carbonnier, L'esclavage sous le régime du Code civil, in Flexible Droit, LGDJ 1995, p.207. 5. Gatine (1805-1864) – Un avocat aux Conseils, précité. 6. La majorité des magistrats coloniaux étaient eux-mêmes propriétaires d'esclaves. 7. Le marronage était « la fuite hors de l'habitation avec l'intention de ne pas y rentrer » G. Debien, Le marronage aux antilles françaises au XVIIIe siècle, Vol. 6, n°3, Institut des études caribéennes, 1966. 8. Tous les extraits des réquisitoires de Dupin sont issus de Réquisitoires, Plaidoyers et discours de rentrée, A. Dupin, ou de l'article de P. Ghaleh Marzban et J.L Nadal paru aux Mélanges Costa. 9. « … déclarons nulles les saisies et ventes qui en seront faites; ce que nous voulons avoir lieu dans les aliénations volontaires: sous peine contre ceux qui feraient les aliénations d'être privés de celui ou de ceux qu'ils auront gardés, qui seront adjugés aux acquéreurs sans qu'ils soient tenus de faire aucun supplément de prix. » 10. Même si les esclaves ne formaient point de véritable « famille ». Ils pouvaient se marier religieusement et faire baptiser leurs enfants, mais leur vie commune ne produisait aucun effet civil. 11. Et fit son petit effet parmi les magistrats des chambres réunies: « l'austérité des magistrats de la cour suprême s'émut elle même de cette péroraison », cité par Alexandre Amboise Gatine, avocat aux conseils du roi et à la Cour de cassation, extrait de la Revue des contemporains, Paris 1845. 12. Ces arrêts donnent aussi un bel exemple de la démarche de la Cour : respecter la lettre du texte dans une inspiration naturaliste. 13. J. Richard, Le statut juridique de l'esclave aux Antilles sous l'empire du code civil (1804-1848), in Du Code Noir au code civil, J.F. Niort, L'Harmattan, 2007. 14. Journal du Palais, année 1840, dir. Ledru Rollin, Imprimerie De Guiraudet et C. Jouaust, Paris
Margaret Tanger
par Margaret Tanger Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
e 8 mai 1848, la frégate à vapeur le Chaptal appareille pour les colonies françaises des Iles du Vent avec à son bord les Commissaires généraux de la République porteurs des Décrets d’émancipation des 4 mars et 27 avril 1848, à la rédaction desquels s’était attelée, depuis le 3 mars 1848, la Commission d’abolition réunie par le Gouvernement provisoire de la IIe République. Monsieur Perrinon, Martiniquais, Chef de bataillon de l’artillerie de Marine, se rend à la Martinique. Alexandre Amboise Gatine, français de la Métropole, avocat aux Conseils et à la Cour de cassation, est envoyé à la Guadeloupe et dans ses dépendances, où il arrive le 6 juin 1848.
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Durant les longues semaines de traversée, les esclaves se sont déjà émancipés. En effet, depuis l’adoption du Décret du 4 mars posant que « Nulle terre française ne peut plus porter d’esclave », la nouvelle s’est répandue dans les habitations. Dans un climat insurrectionnel exacerbé par le sentiment d’une attente insupportable, les Gouverneurs de ces deux iles
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furent bien contraints de proclamer l’abolition, avant l’arrivée des émissaires du Gouvernement. Sans doute, Gatine eut-il préféré avoir été présent à l’instant même où « la liberté explosait dans ces colonies », par une volonté symbolique de partage
avec ces hommes, ces femmes et enfants, aux côtés desquels il avait mené durant 17 ans un combat judiciaire âpre et déterminant contre le système esclavagiste, son Code Noir, et ses affidés des colonies. Mais, au moment de fouler le sol
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Société de la Guadeloupe, l’avocat défenseur fidèle et acharné des esclaves ne peut que se réjouir et, à l’adresse de la foule importante qui l’accueille, il aura ces mots justes : « Je croyais descendre sur une terre d’esclavage et je mets les pieds sur une terre de liberté. De tous les faits accomplis, il n’en est pas de plus acceptable assurément que cette anticipation de la délivrance de nos frères noirs. Homme et abolitionniste je m’en réjouis ». Avocat abolitionniste, l’engagement et les valeurs personnelles de Gatine, ses plaidoiries, ses mémoires et pétitions, furent déterminants dans la décision de la France d’abolir l’esclavage en mars 1848. C’est cela que je me propose de vous démontrer, à l’occasion de ce colloque. Pour ce faire, je vais dans un premier temps, vous brosser l’itinéraire d’un avocat de la cause des noirs (I). Non seulement il a lutté pour l’abolition de l’esclavage, mais les combats judiciaires menés ont eu un impact immédiat sur la condition juridique et humaine des esclaves, qui s’est trouvée améliorée. Pour illustrer ce propos, je citerai deux exemples en seconde partie d’exposé (II).
I - Alexandre Amboise Gatine : itinéraire d’un avocat de la cause des noirs Qu’il s’agisse d’évoquer ses origines sociales et familiales, où encore ses débuts dans la profession d’avocat, Gatine aura reçu l’amour du droit en héritage qu’il mettra au service des plus humbles (A). Il sera guidé par le destin qui orchestrera les rencontres déterminantes (B) et nécessaires au triomphe de la cause antiesclavagiste à laquelle il consacrera une grande partie de son existence. A - L’AMOUR DU DROIT EN HÉRITAGE Né à Paris le 30 mars 1805, Alexandre Amboise Gatine se destinait initialement à une carrière de Magistrat, puisqu’après avoir obtenu son diplôme d’avocat à la Cour de Paris en 1827, il devient juge-auditeur au Tribunal de Provins en 1830. Il a d’ailleurs de qui tenir, puisque son grand-père maternel est magistrat et son oncle, Maitre des requêtes au Conseil d’État. Sa mère, Alexandrine Leriche de Cheveigne est en effet la fille du Marquis de Cheveigne, ancien conseiller au Parlement de Paris. Mais pour avoir convolé en justes noces avec le roturier Amboise Magloire Gatine, sa mère sera déshéritée. Un autre événement viendra le détourner définitivement de la Magistrature, c’est l’instauration de la Monarchie de juillet, et la décision de LouisPhilippe de supprimer les Juges-auditeurs issus pour la plupart des grandes familles proches de l’ancienne dynastie. C’est dans ces circonstances que Gatine se déterminera finalement pour une carrière d’avocat. Est-ce la discrimination dont a été la victime son père roturier qui le poussera à regarder en direction des colonies…? ! Toujours est-il que Gatine se distingue en publiant en mars 1831, un article intitulé « De l’inconstitutionnalité de l'ordonnance concernant les colonies, rendue le 26 février 1831 » (Paris, mars 1831), dans lequel il reproche au Gouvernement d’avoir violer la Charte constitutionnelle de 1830, en légiférant par voie d’ordonnance sur des questions concernant les colonies, alors que ce texte réserve
ces matières au domaine de la loi. Ils sont peu nombreux les avocats qui, à cette époque, s’intéressent aux colonies, et cette publication le fera remarquer de l’illustre avocat aux Conseils et Député, François-André Isambert. Maître Isambert a été quelques années auparavant le défenseur des mulâtres Bissette, Fabien et Volny, condamnés aux galères à perpétuité et à la marque en 1824 par la Cour royale de Martinique, pour avoir « colporté un libellé séditieux et avoir formé un dépôt de divers écrits calomniant les tribunaux coloniaux et les blancs créoles » (voir Stella Pame, Cyrille Bisette : un martyr de la liberté, Ed. Désormeaux). En réalité, le seul crime qu’ils ont commis est d’avoir osé réclamer l’égalité des droits politiques avec les autres citoyens libres. L’avocat des libres de couleur avait réussi à obtenir de la Cour de cassation l’annulation de l’arrêt, et après un nouveau procès devant la Cour royale de la Guadeloupe, les mis en cause s’en sortiront avec un peine de 10 ans de bannissement des colonies, que Bissette exécutera en Métropole. Gatine prêtera son serment d’avocat aux Conseils du Roi et à la Cour de cassation le 4 juin 1831, et intégrera le cabinet Isambert, dont il deviendra le digne successeur. C’est dans ce contexte qu’il épousera la cause des noirs esclaves et mènera durant de longues années, une lutte acharnée pour l’égalité des droits et la liberté des esclaves. Assez paradoxalement pourtant, son premier client est un magistrat blanc, Herme-Duquenne, qui a été suspendu et renvoyé de la Martinique. Ce juge d’instruction avait commis le crime de diner « avec des gens de couleur », et le Procureur général de la colonie déclarait ne pouvoir tolérer « une conduite qui blesse, d’une manière aussi forte, des principes aussi sacrés ». Gatine rétorque que « ce qui blesse la loi et la morale, c’e st la conduite des autorités supérieures de la Martinique … c’est l’arbitraire sans pudeur, et dans sa plus hideuse nudité ». Gatine lui prêtera assistance pour son recours, mais ils ne parviendront à contraindre la hiérarchie à revenir sur sa décision. Il poursuivra la lutte sur le terrain politique avec Bissette, et présentera avec lui devant la Chambre des Députés, en 1831, une pétition dénonçant l’interdiction faite aux esclaves de se pourvoir en cassation. À l’origine de cette mobilisation, le drame vécu par Élysée, une jeune esclave de 15 ans, condamnée par la Cour royale de Martinique « à être pendue et étranglée, jusqu’à ce que mort s’ensuive, et son corps jeté à la voirie, pour avoir formé le projet de s’évader et d’avoir ainsi voulu ravir à son maître le prix de sa valeur ». Mais les parlementaires ne sont guères réceptifs à une époque où la cause abolitionniste a cédé beaucoup de terrain face aux poids des intérêts économiques du Royaume. Il faut revigorer le mouvement, et Gatine sait pouvoir compter sur son confrère et ami, le Député Isambert qui fonde en 1834, avec des libéraux illustres comme Tocqueville, Charles de Rémusat, Lamartine, de Broglie, Passy ; et des républicains prononcés comme Ledru-Rollin, Garnier-Pagès, Victor Schœlcher..., la Société Française pour l'Abolition de l'Esclavage (SFAE). B - DES RENCONTRES DÉTERMINANTES Du côté judiciaire, les choses se mettent en place assurément. Maître François-René Isambert est devenu en 1832, Conseiller à la Cour de cassation, et peut sensibiliser à la cause des esclaves
l’ensemble de ses collègues. Il y retrouve d’ailleurs le Procureur général près ladite Cour, André Marie Jean Dupin, installé dans ses fonctions depuis aout 1830. En à peine quelques mois, deux affaires scandaleuses étaient venues conforter l’hostilité que Dupin nourrissait déjà à l’encontre du régime législatif spécial appliqué dans les colonies. Ainsi dans l’arrêt Colon Pruss rendu le 27 janvier 1831, Dupin avait dû former lui-même un pourvoi dans l’intérêt de la loi pour obtenir la cassation d’une décision de non-lieu rendue par la Chambre d’accusation de Cayenne au bénéfice de Pruss, qui avait pourtant torturé à mort un de ses esclaves marrons. Dans l’arrêt Leblond rendu le 15 mars 1831, le Procureur général Dupin prenait des réquisitions soutenant la demande de validation de l’acte de reconnaissance paternelle d’un enfant naturel issu de la relation d’un colon blanc et d’une femme esclave, et son admission à la succession de son père, et ce, en contradiction avec le règlement colonial de la Guyane (voir Margaret Tanger, Les juridictions coloniales devant la Cour de cassation 1828-1848, aux Ed. Economica). Gatine sait qu’il dispose désormais de l’écoute attentive du Parquet général et des conseillers de la Cour de cassation. À partir de 1833, les pourvois en cassation qu’il porte pour le compte des nègres patronnés, des affranchis et des familles esclaves, donneront à la Cour suprême l’occasion de développer une jurisprudence favorable à la cause des esclaves. Pour ce qui a trait à la seule question des affranchissements d’esclaves, Gatine va plaider entre 1841 et 1848, 36 affaires. Soutenus par leur avocat, les esclaves Virginie, Coralie, Leonarde, Henriette, Elia Plata, Coralie, Agnès, Placide Benoit, Marie Sainte Platon et les autres, dont la liberté était contestée par les maîtres, auront la force de s’opposer au système esclavagiste, malgré les risques, et entraineront avec eux dans la liberté immédiate 122 membres de leur famille. Ces nouveaux libres lui adresseront de nombreuses lettres de reconnaissance, dont Victor Schoelcher dira qu’elles sont « une juste récompense du service qu’il a rendu à la cause de l’abolition et de l’humanité, par le zèle infatigable et désintéressé avec lequel il a soutenu Mademoiselle Virginie (…) ». Enfin, le destin de Gatine sera marqué par une ultime rencontre, qui est celle qu’il fait avec François Arago. Alors Ministre des colonies, Arago le recrute au sein de la commission instituée par décret du Gouvernement provisoire de la IIe République, du 4 mars 1848, pour préparer l’acte d’émancipation immédiate dans toutes les colonies. Il y rencontrera des personnalités déjà connues comme Schœlcher, Maestro, Perrinon, Gaumont, Wallon et Percin. Il est alors le seul juriste de la commission. C’est ainsi qu’il est nommé Commissaire général de la République à la Guadeloupe et dans ses dépendances, fonctions qu’il occupera dans ces îles de mai à octobre 1848. Il y multiplie les mesures pour l’égalité civile et la justice sociale, qui lui valent une grande popularité. On lui doit la création des jurys cantonaux — juridiction paritaire comprenant nouveaux libres et anciens maîtres —, qu’il installera dans les colonies pour régler les conflits de travail qui ne manquèrent pas de se multiplier. Gatine cherche à maintenir un climat d’apaisement dans la colonie, essayant de
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concilier les intérêts en présence. Mais son approche est loin d’être partagée par les propriétaires terriens qui critiquent son refus d’adopter des mesures coercitives pour contraindre les nouveaux libres à reprendre le travail. Des complots sont fomentés pour le discréditer publiquement et le pousser au départ. La presse le critique ouvertement, et écrit que Gatine « passe son temps à jouer au billard avec des nègres et des mulâtres ». Mais c’est sur l’autel des enjeux politiques qu’il sera finalement sacrifié. Voyant sa popularité auprès des nouveaux libres, Victor Schœlcher le tient désormais pour un rival sérieux à ses prétentions législatives. Il écrit à Charles Boitel, Directeur de l’intérieur : « Partez sans retard et surveillez le citoyen Gatine pour les élections afin qu’il n’y prenne pas ma place, car je veux être nommé aux colonies » (voir Oruno Lara, Suffrage universel et colonisation, 1848-1852, L’Harmattan, 2007, p. 129). Le Commissaire général Gatine sera finalement rappelé en France le 14 octobre 1848, après seulement 4 mois passés à la Guadeloupe. Il reprend son métier d’avocat aux Conseils en 1849, cesse d’exercer en janvier 1863 et décède à Paris le 21 août 1864.
Les affaires plaidées par Gatine devant la Cour de cassation en matière d’affranchissement sont bien connues, alors que celles concernant la capacité de l’esclave d’ester en justice et l’aide juridictionnelle ont été oubliées. Pourtant, pour bénéficier des arrêts libérateurs de la Cour de cassation, encore fallait-il que le droit de se pourvoir en cassation soit reconnu à l’esclave (A). Une fois ce droit acquis, il restait à le rendre effectif en permettant à ces nouveaux justiciables démunis financièrement d’accéder à l’aide judiciaire (B).
Magistrats de Métropole placés sous l’autorité du Garde des Sceaux). On estime qu’à la Martinique, entre 1675 à 1822, les 11 Procureurs généraux nommés possédaient des habituations sucrières avec de nombreux esclaves. Cinq d’entre eux étaient nés aux colonies, alors que les six autres y avaient contracté le mariage » (Émile Hayot, Les Officiers du Conseil souverain de la Martinique, Limoges, 1965). Gatine doit reprendre son bâton de pèlerin. En 1831, lors de la pétition qu’il avait conduite avec Bissette, il s’était insurgé contre le fait que « le pourvoi des esclaves (n’était) pas reçu dans les greffes de l’ordre exprès des procureurs généraux », et ce, en violation de l’ordonnance du 24 septembre 1828 sur l’organisation de l’ordre judiciaire et l’administration de la Justice en octobre 1828 dans les iles de la Martinique et de la Guadeloupe (Bissette, Gatine, Pétition à la Chambre des Députés, relative au droit dénié aux esclaves de se pourvoir en cassation, 11 août 1831). Ce texte permettait enfin l’application du Code d’instruction criminelle dans les procès, lequel Code ne restreignait pas le droit des esclaves à former un pourvoi en cassation.
A - L’ACCÈS DES ESCLAVES AU POURVOI EN CASSATION Gatine sait combien il est essentiel pour mettre fin à l’impunité des crimes commis, que les décisions rendues par les Cours coloniales soient soumises au contrôle de la Cour de cassation. Or beaucoup de jugements condamnant des esclaves à des peines injustes ou acquittant des maitres tortionnaires deviennent définitifs faute pour les victimes de se pourvoir en cassation. Ainsi sur 72 plaintes en sévices déposées à la Martinique entre aout1845 et décembre 1846, plus de la moitié n’a pas été instruite par le Ministère public. Quatre maîtres ont été renvoyés devant la Cour d’assises pour acquittement, les autres s’en sont sortis avec des peines correctionnelles amoindries (Victor Schœlcher., Histoire de l’esclavage les deux dernières années, Pagnerre 1847). L’unique possibilité pour l’esclave condamné d’obtenir la révision de la décision, était entre les mains des Procureurs généraux de Cours coloniales, si ces derniers décidaient d’user du pourvoi dans l’intérêt de la loi. Mais ces pourvois étaient très rares. Il faut dire que ces Magistrats sont choisis, le plus souvent au sein de l’oligarchie créole par le Ministre de la Marine et des colonies (ce qui est déjà une singularité par rapport aux
Si la Chambre des députés ne l’avait pas entendu à l’époque, il en sera tout autrement de la Cour de cassation devant laquelle Gatine réitère son engagement et plaide que : « Le recours en cassation est un droit naturel : c’est le droit de la défense luimême ». Pour Gatine, les défenses posées par les Procureurs généraux doivent être enfin levées, car « c’est (dit-il) un cri d’humanité ; c’est l’exécution de la loi ! Il importe – poursuit-il – d’alléger le joug qu’on ne veut pas briser, - (et conclut que l’on) ne peut leur refuser encore les droits de l’homme… ». La Cour de cassation ne restera pas indifférente à ce discours, et va saisir l’occasion d’une affaire Antoine, jugée en 1838, pour contrôler les sentences prononcées à l’encontre des esclaves qui n’ont pas pu former de pourvoi. Dans ce dossier, Antoine, noir déclaré libre et ayant par conséquent retrouvé sa pleine capacité, est le seul qui soit juridiquement en mesure de former un pourvoi en cassation contre un arrêt de la Cour d’assises l’ayant condamné à une peine excessive pour un simple vol commis avec la complicité de plusieurs esclaves. La Chambre criminelle va déclarer que ces esclaves pouvaient former un pourvoi, dès lors qu’une ordonnance du 4 juillet 1827 relative au mode de procéder en matière criminelle dans les colonies, permettait à l’esclave
II - Deux exemples d’actions concrètes d’Alexandre Amboise Gatine pour l’égalité des droits des esclaves et leur liberté
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condamné par une Cour d’assises pour des faits de complicité de délit ou de crime avec un libre, de voir son affaire soumise à l’examen de la Cour de cassation en cas de pourvoi formé par le co-auteur ou le complice de condition libre. Il restait encore à trouver les bons arguments pour accueillir ce pourvoi admis hors délai, la Cour retiendra à cet égard que les esclaves n’avaient pas « formellement renoncé au bénéfice de ce pourvoi ». Ainsi la capacité juridique de l’esclave était-elle ainsi implicitement affirmée. En effet, dire que les esclaves n’avaient pas renoncé au bénéfice du pourvoi revenait en fait à les déclarer capables d’exercer une prérogative juridique, à savoir celle de renoncer à un droit, dont ils auraient déjà été titulaires, or lorsque la Cour statue en 1827 la loi ne reconnaît toujours pas que l’esclave est une personne. B - LE BÉNÉFICE DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE Il ne suffisait pas de se voir reconnaître le droit d’agir en justice, encore fallait-il disposer des moyens financiers pour le faire. Tenus dans la plus grande misère et le plus total dénuement, rares étaient les affranchis à pouvoir exposer l’ensemble des frais de justice nécessaires. C’est une contrainte considérable sur laquelle les réfractaires à toute évolution de la condition des noirs aux colonies s’appuyaient pour bloquer les pourvois contre les décisions refusant les affranchissements. C’est d’ailleurs dans ce contexte que Gatine va saisir la Cour de cassation de ces difficultés, l’invitant à assouplir les conditions d’accès à « l’aide juridictionnelle » de l’époque. Pour en bénéficier, les justiciables dépourvus de revenus devaient obtenir préalablement un certificat d’indigence. Un tel document était délivré par le maire du canton issu le plus souvent de la caste des Créoles. Comme on peut s’en douter, les tenants de la cause esclavagiste devaient faire du refus de délivrer ledit certificat, un moyen d’écarter tout contrôle de la Cour de cassation sur la jurisprudence des cours royales coloniales. Le comble du cynisme était atteint lorsque le maire qui devait établir le certificat était aussi le propriétaire de l’esclave. Dans l’ouvrage Histoire de l’esclavage les deux dernières années, Victor Schœlcher relate l’exemple suivant : « Monsieur Gosset, Maire de Saint-Pierre, partie dans une affaire Melchior, où une jeune fille placée sous la tutelle de ce dernier réclame la liberté de sa mère et de quatre de ses frères et sœurs, en vertu de l’article 47 du Code Noir. Monsieur Melchior fait
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Société Cour de cassation suivra la démonstration de Gatine. Dans cette affaire, le jeune Anténor, affranchi de son état, réclame la libération de sa mère Marie Noël. Sa demande est accueillie favorablement par le Tribunal de première instance, mais il succombe devant la Cour royale de la Martinique sur l’appel interjeté par le propriétaire de la mère. Malgré de nombreuses sollicitations, le Maire du canton de Saint-Pierre refuse de délivrer un certificat d’indigence au Sieur Nelson, tuteur du garçon. De ce fait, il ne peut joindre à son pourvoi qu’une attestation signée de plusieurs habitants dans laquelle ces derniers certifient qu’à leur connaissance Marie Noël se trouve dans l’indigence la plus extrême. Les signatures de ces témoins étaient légalisées par le maire lui-même, assorties de la mention suivante : « Le Maire, ne connaissant pas dans quelle position sociale se trouve la personne ci-dessus dénommée, ne peut attester son état d’indigence ». Se posait dès lors la question de la recevabilité de ce document en lieu et place du certificat d’indigence exigé par la loi. Traditionnellement, la Cour de cassation avait sur cette question une jurisprudence plutôt stricte, puisque le Code de procédure civile préconisait purement et simplement le rejet du pourvoi. Dans son réquisitoire devant la Cour, l’Avocat général Chegaray dénoncera l’instrumentalisation de ce dispositif pour « fermer l’accès de la Cour de cassation à des malheureux qui réclament leur liberté », et invitera la Chambre des requêtes à accueillir malgré tout le pourvoi au titre de l’aide juridictionnelle. Conclusion Au moment de conclure ce propos, il me revient à la mémoire un extrait du discours prononcé par Aimé Cesaire le 22 mai 1971, date célébrant la révolte des esclaves pour l’abolition de l’esclavage en Martinique. Rejetant l’idée d’un Schoelchérisme officiel qui ravirait aux esclaves leur contribution à leur propre liberté pour ne l’attribuer qu’à un seul « philanthrope – libérateur des noirs », Cesaire
Les juridictions coloniales devant la Cour de cassation
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a Cour de cassation, cour suprême de l'ordre judiciaire, a porté dès sa création une part de la conscience française, alors que subsistait encore le système inique de l'esclavage, cohabitant avec le Code civil. Il n'est pas exagéré d'affirmer qu'elle ne s'est pas contentée de dire le droit, mais participa, à sa manière, à l’action émancipatrice des noirs des colonies françaises d'Amérique : Martinique, Guadeloupe et Guyane. C'est cette part peu connue de l’action de la cour suprême que le présent livre cherche à retracer en montrant que derrière les arrêts, il y avait des êtres
vivants, des valeurs humaines qu'il s'agissait de faire émerger. Le lecteur non juriste, mais néanmoins sensible et intéressé par cette période qui constitue une partie de l'histoire commune française, trouvera dans cet ouvrage le récit édifiant des drames dans lesquels furent plongés des hommes, des femmes et des enfants, victimes des préjugés mais aussi d'enjeux financiers et de pouvoir. Il y verra aussi à l'œuvre des magistrats intègres et des avocats honnêtes qui, devant des actes ignominieux tolérés voire encouragés par l'autorité coloniale, se dressent pour exiger la justice pour tous.
déclarait : « Et c’est pourquoi, malgré le Décret du 4 mars 1848, malgré le décret du 27 avril 1848, il fallait quand même qu’il y eût un 22 mai 1848 ». C’est dire que la mémoire ne saurait être sélective. L’abolition de 1848 est aussi le résultat de 20 années d’une longue bataille livrée par les milieux judiciaires, magistrats et avocats de la Cour de cassation, mais aussi par ceux qui ont eu le courage, depuis leur position inconfortable auprès des juridictions coloniales, de soutenir et d’alimenter la lutte juridique contre le système esclavagiste jusqu’à son renversement. À travers de sa jurisprudence civile et pénale sur l’esclavage, ce sont bien les principes et droits fondamentaux de la personne humaine que la Cour de cassation mettait en œuvre en faveur de ceux qui en avaient été trop longtemps privés : dignité, liberté individuelle, droit de propriété, droit de mener une vie familiale normale, mais aussi les garanties générales comme le droit au juge, à la défense, à la sécurité juridique, le droit à l’égalité et le respect du principe de légalité des délits et des peines. Ces travaux auront aussi mis en exergue la capacité des esclaves — souvent présentés à tort comme soumis et passifs devant le sort qui leur était fait — à appréhender les contradictions et les faiblesses de la législation pour mieux la combattre. Les esclaves Antoine, Louisy, Virginie, Leonarde, Coralie, Elia Plata, Montout qui ont contribué à bâtir la jurisprudence humaniste de la Cour de cassation, méritent d’être aussi retenus pour avoir su hisser la cause de la liberté au dessus du cloisonnement d’une société, pour s’allier le soutien de tous les hommes de bonne volonté indépendamment de leurs origines familiales et sociales, ne retenant finalement que les convictions du cœur. Que ces anonymes de l’histoire, qui ont su prolonger leur révolte en faisant appel à la force médiatrice de la Loi, restent présents dans nos mémoires. Avec les armes de la raison, ils nous invitent à adopter un regard moins figé sur le passé pour agir sur le présent avec plus d’efficacité, et construire ensemble l’avenir avec lucidité.
par Margaret Tanger Margaret Tanger est Docteur en droit, Avocat à la Cour d'appel de Fort-de-France, Diplômée de la Harvard University Law School. Présidente de l'Association de Recherches Comparées Droits internes et Internationaux, ses publications, parmi lesquelles l'ouvrage intitulé « La faillite en droit fédéral des Etats-Unis », ont fourni au législateur désireux de moderniser le droit français d'inestimables pistes de réflexion. Ce second ouvrage est une contribution tout aussi utile et novatrice. Edition : Economica 139 pages- 20 €
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sommation à Monsieur Gosset par huissier, en date du 24 octobre 1846, d’avoir à délivrer un certificat d’indigence ; à quoi Monsieur Gosset répond que « les esclaves ne sont jamais indigents ayant un maître ». Tous les moyens dilatoires, intimidations et voies de fait étaient mis en œuvre pour empêcher l’esclave de se retrouver avec son certificat d’indigence entre les mains, et les maîtres savaient pouvoir compter sur l’indifférence des instances judiciaires, administratives et politiques jusqu’au Ministère de la Marine et des colonies. Cette situation émut considérablement la Cour de cassation, saisie de ce problème dénoncé publiquement par Maître Alexandre Gatine. L‘avocat plaida pour la reconnaissance de l’état général d’indigence dans laquelle se trouvait toute personne réduite à l’esclavage. Ainsi s’exclame-t-il : « L’esclave n’est-il pas en état d’indigence, constatée par sa condition même ! Et en conséquence, dans les causes de liberté, en Cour de cassation, n’est-on pas dispensé, non seulement de consigner l’amende de 165 francs, mais même de produire un certificat d’indigence ? ». Il devait inviter la Cour de cassation à procéder par analogie, en alignant la situation des esclaves « ce condamné de la loi civile », sur celle des condamnés des Cours d’assises, lesquels étaient dispensés de l’obligation de consigner ou de produire un certificat d’indigence. Selon l’avocat, « Les positions sont pareilles, en ce sens que dans l’une et l’autre, il s’agit d’un droit de l’homme dont la défense ne peut échouer devant les fins de nonrecevoir, devant des obstacles de procédure ou de fiscalité civiles ». Mais l’analogie s’arrête à ce premier constat puisque Maître Gatine relève qu’« à la cause de l’esclave s’attache une immense faveur qui ne saurait être accordée à la cause du condamné. Ce dernier, c’est un criminel ; l’autre est la victime de tous les crimes résumés dans le mot esclavage ». Il termine en ajoutant : « Concluons donc que l’esclavage est un état d’indigence légale, ou si ces mots outragent la loi, un état d’indigence constatée indépendamment de tout certificat…». Dans l’arrêt Marie Noël daté du 9 août 1846, la
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Hommage à Aimé Césaire A l’occasion du centenaire de la naissance d’Aimé Césaire, je souhaite rendre hommage au poète, à l’homme politique engagé et au maire de Fort-de-France pendant plus de 50 ans. Cette figure de la République, écrivain de la négritude, pourfendeur de l’esclavage et des ravages du colonialisme a montré le chemin de la mémoire qui réconcilie. Le courage, l’action et l’œuvre de celui pour qui « la justice écoute aux portes de la beauté » lui valent aujourd’hui une reconnaissance universelle et éclairent les consciences de ceux qui luttent pour la justice, la culture, la fraternité et la dignité. Le Sénat avait accueilli en mai dernier dans son jardin une exposition sur l’histoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions, qui était dédiée au poète. Jean-Marc Ayrault, lors de son voyage à Fort-de-France le 26 juin 2013, a rendu un vibrant hommagre à Aimé Césaire, son discours est publié ci-dessous. Jean-Pierre Bel
ujourd'hui à cette heure-ci, je voudrais vous parler d’Aimé Césaire. Il y a cinq ans, la France attristée perdait Aimé Césaire, le « meilleur des fils de la Martinique ». Au prix d’une juste révolte et d’un engagement de toute une vie pour son « pays natal », Aimé Césaire n’a eu de cesse de rappeler ce qu’il faut de courage pour faire respecter la dignité d’un homme et celle de tout un peuple.
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C’est avec le sentiment de l’honneur qui m’est fait, et conscient du respect dû à une si haute conscience intellectuelle, politique et morale, que je veux aujourd’hui lui rendre hommage, au nom du gouvernement de la République et au nom de la nation toute entière. Je tiens à saluer la présence à nos côtés de ceux, sa famille bien sûr mais aussi beaucoup d’autres, qui l’ont bien connu et parfois accompagné des décennies durant ; mais aussi la présence de ceux qui ont agi sans relâche pour faire connaître sa pensée et poursuivre, comme nous venons de le voir à travers cette inauguration, son action. Qu’ils en soient chaleureusement remerciés. Et puis, si je peux faire d’emblée une confidence : je me sens en cet instant plein d’humilité devant l’homme que fut Aimé Césaire. Dans l’avion, il y a quelques heures maintenant, j’ai relu avec une vraie jubilation, mais aussi avec une authentique admiration quelques-uns de ses discours et de ses grands poèmes. Cela m’a persuadé que la parole politique a besoin de poésie, peut-être plus encore dans une nation comme la France, laquelle est littéraire par tradition depuis des siècles. Et j’entends naturellement par ce mot de « poésie » bien d’autres choses que des songes creux. C’est la manière la plus haute, il me semble, de traduire en images ce que nous sommes tous en train de vivre. En tout cas, une certaine poésie peut avoir cette capacité prodigieuse de transmettre, par la voix d’un seul homme, la sensibilité collective d’un peuple ou d’une génération. Vous, chers compatriotes Martiniquais, vous savez cela d’instinct, parce que vous avez lu, parce que vous avez entendu parler Césaire. Vous l’avez peut-être même croisé dans la rue, quand il surveillait avec scrupule les travaux de sa ville ; quand il a fait construire le premier hôpital ou quand il a fait remplacer les bidonvilles par des centaines de logements décents. Vous savez avec justesse combien la poésie appartient au quotidien des gens. Lui Césaire, à Dakar, quand il s’est
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exprimé sur l’art dans la vie du peuple, considérait la poésie comme le seul remède contre, et je le cite, « l’apparition d’un univers inhumain, sur la trajectoire duquel se trouvent le mépris, la guerre, l’e xploitation de l’homme par l’homme ». « Par l’art », disait-il, « le monde réifié redevient le monde humain, le monde des réalités vivantes, le monde de la communication et de la participation ».
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Chaque élu de la République devrait avoir le même sens des responsabilités qui fut le sien. Bâtir était essentiel à Césaire. Bâtir un poème, bâtir la Martinique ; Jean-Marc Ayrault bâtir Fort-de-France.
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Sa parole, son ton d’invective si particulier, était capable, en vous touchant au fond du coeur, de faire comprendre la souffrance des opprimés. Et pour nous, les Français de l’Hexagone, sa poésie était presque seule à pouvoir révéler, et donc à pouvoir dénoncer la situation d’injustice que vous viviez ici. Le choc que nous avons ressenti quand nous avons écouté Césaire à Paris, tenait à l’exactitude des mots qu’il employait. Dans un long poème tel que le Cahier d’un retour au pays natal, ou dans Les Armes miraculeuses, il est tout à fait impossible d’interchanger les mots : chacun est à sa place, chaque mot est le porte-drapeau d’une identité. Ainsi le mot « Nègre » ne peut être remplacé par le mot « Noir » ! Césaire a choisi de dire « Nègre » comme un emblème, parce que dans l’Europe d’avant-guerre, il voulait retourner en éloge un mot qui était de mépris : « Nègre, oui ! Faire de l’insulte un cri d’identité issu de la chair même de l’histoire. » C’étaient ses paroles ! Mais bien sûr, selon la façon dont on utilise les mots, ils peuvent se charger tantôt de tendresse, tantôt d’une cruauté ou d’une violence de fer. En tant que responsable politique, j’ai beaucoup appris en m’imprégnant des mots de Césaire. Je sais combien il faut oser parfois des mots durs, des mots de sang et de larmes, dès qu’il s’agit d’affranchir une condition inadmissible d’esclave. Il faut savoir parler fort quand on veut prendre le parti des hommes dominés. Dans l’exercice de l’État, je sais combien ce que nous disons
compte à égalité de ce que nous faisons. Notre parole engage un acte, sans quoi elle se vide de substance. Cette leçon de morale politique, je la tiens de Victor Hugo comme je la tiens de Césaire. Cette exigence qu’on peut dire « martiniquaise » est celle du meilleur de notre classe politique aujourd’hui, de gauche comme de droite. Chaque fois que Césaire a saisi la parole publiquement, ce fut pour de grandes causes et pour prendre de justes positions. Il s’est opposé au Régime de Vichy et à son représentant aux Antilles. Il a dénoncé à l’Assemblée nationale la colonisation et la traite des Noirs d’Afrique. Il fut rapporteur de la loi du 16 mars 1946 qui fit de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, et de la Réunion des départements français, parce qu’il pensait à raison que la France était en mesure de respecter des cultures différentes, des identités multiples. Il a souvent évoqué l’humble désarroi des habitants de son île natale, leur misère, le manque d’infrastructures des villes martiniquaises. Il tenait à s’exprimer dans l’hémicycle avec une rigueur de langage, une invention verbale puisant aux sources de son identité, de ses identités. Cela nous imposait. Ses biographes racontent qu’en mars 1941, le Capitaine Paul-Lemerle, un vapeur de la Société Générale des Transports maritimes, parti de Marseille et ayant pour destination les États-Unis d’Amérique, fut arraisonné à Fortde-France. Et dans ses cales, surveillées par des gardes mobiles casqués, s’entassaient environ trois cents migrants dont beaucoup de Républicains espagnols et des intellectuels européens qui fuyaient la barbarie nazie. Alors qu’ils étaient précisément fidèles aux valeurs éternelles de la France, ils furent conduits dans un camp d’internement à l’extrémité de Pointe-Rouge, en lieu et place de l’ancienne léproserie du Lazaret. Parmi eux : Wilfredo Lam, Victor Serge, Anna Seghers, Claude Lévi-Strauss, Jacqueline Lamba, et le pape du surréalisme, André Breton. On les libéra après quelques jours et c’est à ce moment-là que Breton, « au hasard de l’achat d’un ruban pour sa fille », découvre dans une mercerie une revue intitulée Tropiques, que nous avons revue dans le bureau d’Aimé Césaire. « J’abordai ce recueil avec une extrême prévention, rapportera-t-il. Je n’en crus pas mes yeux, mais ce qui était dit là, c’était ce qu’il fallait dire, non
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seulement du mieux mais du plus haut qu’on pût le dire ! Ainsi la voix de la Liberté n’était en rien brisée, elle se redressait ici comme l’épi même de la lumière. Aimé Césaire, c’était le nom de celui qui parlait ». J’aime énormément cette reconnaissance par Breton d’un inconnu, surréaliste sans le savoir encore. J’aime surtout que dans ces temps difficiles, « où l’on croit », comme Breton lui-même, « assister à l’abdication générale de l’esprit », le premier souffle « apte à redonner toute confiance » ait été « l’apport d’un Noir qui est non seulement un Noir mais tout l’homme », ainsi s’exprime Breton. La France, que j’aime, celle qui était défendue depuis Londres par le général de Gaulle dans les maquis par des hommes et des femmes courageux, la France des Droits de l’Homme était aussi là ce jour-là, défendue par un Martiniquais qui avait retrouvé dans son pays natal le « Nègre fondamental ». Ce jour-là, le visage de la France était celui d’un Nègre inconsolé. Ce jour-là, Aimé Césaire montrait également, par-dessus le poète, sa carrure d’homme de réflexion et d’homme politique. Au lendemain de la guerre, il fut élu maire de Fort-de-France. Il obtint du même coup un mandat de député qu’il conservera sans interruption jusqu’en 1993. Pensez-y, chers amis, un des plus longs mandats parlementaires du vingtième siècle ! À cause du blocus imposé par Vichy, à cause de l’effondrement de l’industrie sucrière, la Martinique dont il devenait l’élu était un territoire en détresse. Or pendant plus d’un demi-siècle, Césaire entreprit le redressement de cette île. Il développa, je l’ai dit, un réseau d’infrastructures qui au vrai n’existait pas. Il encouragea les initiatives urbaines et culturelles : le Festival de Fort-de-France, le Parc Floral, le Sermac. Bâtisseur infatigable, il n’est pas une rue, n’est-ce pas, pas un quartier de cette ville qui ne lui doive quelque chose. En politique, Césaire resta un homme libre. Il n’eut jamais tout à fait ce qu’on appelle l’esprit de parti. C’était un homme de gauche, oui ; un anticolonialiste véhément, cela va de soi, mais, sa sympathie envers le communisme ne l’a pas empêché de répondre avec force à Maurice Thorez quand les positions staliniennes du Parti communiste lui parurent inacceptables. Il sut batailler avec son
ami haïtien René Depestre sur l’idée d’une poésie nationale d’assimilation parce qu’il refusait de nier la spécificité de sa culture créole, et de sacrifier la poésie à une quelconque idéologie. Chaque élu de la République devrait avoir le même sens des responsabilités qui fut le sien. Bâtir était essentiel à Césaire. Bâtir un poème, bâtir la Martinique ; bâtir Fort-de-France. Quelques jours avant sa mort, sa fidèle secrétaire Joëlle Jules-Rosette, que j’ai eu l’honneur de rencontrer il y a quelques instants, rapporte qu’il s’est rendu sur les chantiers, même s’il fallait mettre encore les pieds dans la boue. C’est peutêtre ça le véritable engagement, l’art de vivre d’un poète. Comme on l’a parfois noté, Césaire a su rester pareil à la flamme d’un de ses poèmes : « seule et splendide dans son jugement, intègre ».
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c’est le premier d’entre eux, Aimé Césaire, qui nous a fait prendre conscience, à nous Français blancs et métissés de l’Hexagone, que la Nation s’accorde avec la Jean-Marc Ayrault négritude.
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Oui, il faut je crois aussi un bon professeur. Il avait été le premier normalien noir de la Martinique et quand il enseignait le français et le latin au lycée Schoelcher, il savait conjuguer savoir et drôlerie. Son zézaiement et son superbe complet vert perroquet le firent surnommer par ses élèves le Lézard vert. On le décrit d’ailleurs comme nerveux, à la fois tendre et colérique. Ah ! Quand on est jeune, mes chers amis, on aime ce qui est vif. Quand on est jeune, on ne peut résister chez nos professeurs à l’enthousiasme ! Et de fait, Césaire a marqué plusieurs générations d’élèves. Sa saine influence est notable en particulier chez le sociologue Frantz Fanon ou dans l’œuvre du poète-essayiste Édouard Glissant. Permettez-moi qu’enfin je sois, pour mon compte, très sensible au rôle qu’a joué l’école de la République dans les premières années de sa
vie. Dans sa formation d’humaniste, l’École de la République lui a légué quelques valeurs universelles comme la tolérance, ou disons plutôt qu’elle a renforcé chez lui une tolérance native. Je suis d’ailleurs heureux que longtemps avant que la France lui rende un hommage officiel au Panthéon, on ait fait le choix ici, en Martinique, de lui remettre une bourse d’études. Je suis fier qu’il ait reçu ensuite au lycée Louis-le-Grand, à Paris, un enseignement dur peut-être, mais sans nul doute utile pour qui veut développer une pensée libre. L’École de la République, je ne fais que répéter-là les mots d’un professeur de khâgne en 1934, n’avaient jamais eu d’autre mission que de développer chez tous ses élèves l’esprit d’observation. Jamais d’autre mission que d’encourager un art de mettre les idées en ordre, une habitude de les exprimer clairement, car l’École de notre République cherche à faire naître chez ceux qu’elle éduque une probité intellectuelle. Elle cherche à nourrir cette capacité non pas d’avaler sans broncher une leçon dogmatique, mais aussitôt entendue, de la juger par soi-même. J’aurais aimé mieux connaître Césaire. J’ai siégé sur les mêmes bancs que lui et dans le même groupe parlementaire entre 1986 et 1993, lorsque nous étions tous les deux députés. Parfois il écrivait ses poèmes dans la grande bibliothèque de l’Assemblée nationale. Je regrette de ne pas m’être alors assis à ses côtés pour lui dire : « Aimé, mon cher Aimé, votre vie donne l’un de ses sens à mon engagement politique ». J’aurais dû lui rapporter qu’il était l’inspirateur secret de cette importante loi que Madame Taubira a réussi à faire voter en 2001 : la reconnaissance par la France de la traite et de l’esclavage comme crime contre l’humanité. J’aurais voulu lui dire qu’il m’avait donné l’impulsion pour réaliser à Nantes, d’où partirent au dix-huitième siècle tant de sinistres bateaux négriers, un Mémorial de l’abolition de l’esclavage. J’aurais aimé lui faire part de mon affection. Cet écrivain martiniquais Aimé Césaire rejoint dans mon esprit son ami Léon-Gontran Damas. Il rejoint son aîné sénégalais Léopold Sédar Senghor. Ce dernier avait fait de Césaire son bizut dans les couloirs du lycée Louis-le-Grand ; ils s’aimaient comme des frères. Tous les deux, ils furent ce que la France pouvait espérer de mieux après la Seconde Guerre mondiale. À bon droit, ils furent notre mauvaise conscience jusque récemment. Je me rappelle que le 23 février 2005 fut voté au Palais Bourbon, une nuit, un article de loi sur la reconnaissance dans les programmes scolaires du rôle positif de la présence française dans la colonisation. Aimé Césaire est alors sorti de son silence pour s’en indigner, et heureusement, parce qu’il avait parfaitement raison. Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas, Léopold Sédar Senghor furent les écrivains des confins de notre monde. Par leurs discours, leurs poèmes et leur théâtre tragique, ils nous rendirent sensibles à un pan méprisé de la condition humaine. Et c’est le premier d’entre eux, Aimé Césaire, qui nous a fait prendre conscience, à nous Français blancs et métissés de l’Hexagone, que la Nation s’accorde avec la négritude. Je dirai même plus : il nous a fait prendre conscience que par l’histoire, par la richesse des migrations, par le partage d’une même langue, nous avons eu la chance de devenir à la fois Français et Nègres, indissociablement. 2013-551
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Paris Plages 2013
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12ème édition, 20 juillet/21 août
our sa douzième édition, ParisPlages 2013 ouvrira ses portes le 20 juillet prochain de 8 heures à minuit jusqu’au 21 août 2013, la Ville de Paris a voulu donner cette année une dimension plus « balnéaire » que les années précédentes en donnant une place plus importante au « sable ». Sur la voie Georges Pompidou, une plage de sable a été créée sur un
Source : communiqué de la Ville de Paris du 17 juillet 2013.
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kilomètre de longueur grâce à l’apport de cinq mille tonnes de sable, les bassins de baignade, les terrains de pétanque, la base nautique et de nombreuses activités sportives et culturelles sont à la disposition du public et plus particulièrement de celles et ceux qui n’ont pas l’occasion de partir en vacances. 2013-552
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Vie du Droit
Tumulte au Barreau Après l’armistice “Barreau de Paris-Conseil National des Barreaux (CNB)1”, la discorde est de retour. Quelle en est la cause ? La Bâtonnière de Paris et le Président du CNB, dans l’e spoir de trouver un accord sur la gouvernance, avaient décidé de consulter des anciens Présidents du CNB, des Bâtonniers du Barreau de Paris afin de recueillir leurs opinions. Il va de soi que dans leur esprit, le projet qui aurait pu les unir, pour être approuvé devait être soumis au Conseil de l’Ordre de Paris, par la Bâtonnière de Paris, à l’a ssemblée du CNB par son Président, à eux de les approuver, modifier ou rejeter. Il n’en fut rien. Pourquoi ? Le communiqué du Bâtonnier de Paris et du Président du CNB a suscité la réaction des membres élus du bureau du CNB qui ont, à leur tour, rédigé un communiqué le 11 juillet dernier. En en prenant connaissance dans la nuit du 11 au 12 juillet, le Président du CNB, le Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel a donné sa démission par une lettre envoyée à tous les avocats de France. La question : y-a-t-il eu un précédent de la démission d’un Président du CNB au cours de son mandat ? Non, son histoire est trop récente, mais y-a-t-il eu un précédent par analogie ? Celui d’un Bâtonnier en exercice, désavoué par son Conseil, donnant sa démission? A cette question, André Damien, l’incontournable historien de la profession, nous a répondu par la négative à sa connaissance. En revanche, des dauphins désignés, non pas été confirmés, ou d’autres n’ont pas pu prendre leur fonction en raison de leur décès, comme par exemple : René Gain, Jean Mirat, ou encore un Bâtonnier éligible à vie comme c’était encore le cas autrefois au Barreau de Paris : Maurice Ribet n’a pas été réélu. Des élections devraient avoir lieu en septembre. En principe l’élu le serait pour la durée restant à courir du mandat du démissionnaire, mais qui sera-t-il ? Parisien ou provincial ? Là encore, il n’y a pas de précédent mais des usages. S’agissant d’achever le mandat d’un parisien, il devrait être parisien. C’est également l’opinion A. Coriolis d’André Damien. Les jours qui viennent le diront, les candidats ne manquent pas ? (2)
Communiqué de presse commun du Président du CNB et du Bâtonnier de Paris en date du 10 juillet 2013
barreaux, sont les meilleurs remparts face aux mises en cause incessantes dont les avocats font l'objet depuis quelques mois. Christian Charrière-Bournazel Christiane Féral-Schuhl
Le Président du Conseil national des barreaux et le Bâtonnier de Paris ont trouvé un accord sur la désignation des membres de la commission qui sera chargée de définir la méthode de conduite du projet de la réforme de la gouvernance de la profession et d'auditionner les différents acteurs de la profession et des personnalités de la société civile.
Lettre des membres élus du bureau du CNB à destination des membres du CNB en date du 11 juillet 2013
Cette commission est constituée des personnalités suivantes : Messieurs les Bâtonniers Michel Bénichou et Thierry Wickers, anciens Présidents du Conseil national des barreaux Messieurs les Bâtonniers Jean-René Farthouat et Paul-Albert Iweins, anciens Présidents du Conseil national des barreaux Monsieur le Bâtonnier Christian CharrièreBournazel, Président du Conseil national des barreaux Monsieur le Bâtonnier Jean-Luc Forget, Président de la Conférence des Bâtonniers Monsieur le Bâtonnier Marc Bollet, vice-Président de la Conférence des Bâtonniers Madame le Bâtonnier Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier du Barreau de Paris Monsieur le Bâtonnier désigné du Barreau de Paris Pierre-Olivier Sur Elle se réunira pour la première fois le vendredi 12 juillet au Conseil national des barreaux. Cet accord met fin à la suspension de la participation du Barreau de Paris aux travaux du Conseil national des barreaux. Christian Charrière-Bournazel et Christiane FéralSchuhl se réjouissent d'avoir trouvé les termes d'un accord qui garantit l'unité de la profession alors même que les avocats sont attaqués de toutes parts. Les barreaux, avec et dans le Conseil national des
Objet : Communiqué du 10 juillet 2013 de Monsieur Charrière Bournazel, Président du Conseil National des Barreaux et de Madame Féral-Schuhl Bâtonière de Paris, nommant une commission chargée de « définir la méthode de conduite du projet de la réforme de la gouvernance » Mesdames et Messieurs les membres du Conseil National des Barreaux, Chers confrères, Elue démocratiquement, l'Assemblée générale du Conseil National des Barreaux est la seule Assemblée souveraine de la représentation nationale des avocats. Confirmation en est apportée par la reprise des activités de ceux de ses membres qui, pendant quelques semaines., avaient pu envisager de suspendre leur participation au sein du Conseil. Cette Assemblée générale a indiqué à plusieurs reprisres sa résolution de conserver la maîtrise de la réforme de la gouvernance, A cet égard, mandat a été donné au Bureau de « dégager un certain nombres de propositions » pour ladite réforme (PV d'AG des 14 et 15 mai 2012). Lors de l’Assemblée générale du 6 Juillet 2013, il a été acté que ce mandat perdurait. Redevables à l'égard de leurs mandats, les membres du ConseiI élus au Bureau ont le devoir de mettre enoeuvre les décisions de l'Assemblée générale. Ils ont été particulièrement surpris que la signature du Conseil national des Barreaux soit engagée sur
un communiqué qui tend, s'agissant de la gouvernance de notre profession, à dessaisir le Conseil national des barreaux au profit d'une commission de travail qui ne peut tirer aucune légitimité de sa désignation. Sauf à ce que l'Assemblée générale par un vote majoritaire ne dessaisisse le Bureau de ce mandat, les signataires du présent courrier confirment leur volonté de poursuivre leurs travaux aux fins de soumettre au vote de l'Assemblée générale dejanvier 2014 au plus lard un rapporl finalisé sur la gouvernance. Les avocats de France ne peuvent pas envisager que l'unité de leur profession se construise au prix de la mise en cause de leur seul organe national représentatif. Nous vous prions d'agréer, chers confrères, l'expression de nos sentiments confraternellement dévoués. Paule Aboudaram, Pascale Modelski, Patricia Savin, Catherine Gion, Pierre Lafont , Eric Azoulay, Jean-Louis Cocusse, Stéphane Lallement
Lettre de démission du Président du CNB, Christian Charrière-Bournazel en date du 12 juillet 2013 Mesdames et Messieurs les membres du Conseil National des Barreaux, Chères consœurs, Chers confrères, Dans la nuit du 11 au 12 juillet, j’ai pris connaissance comme chacun de vous, de la lettre qui vous était destinée, signée par les huit membres élus du bureau. Il n’a jamais été question de déposséder l’Assemblée générale du Conseil National des Barreaux de ses prérogatives. Rien dans mes propos, ni dans mes écrits, ne peut donner à penser que je l’aurais envisagé. L’Ordre de Paris souhaitait qu’une réflexion fût
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Direct conduite par une commission d’avocats qui aurait été composée aussi de personnalités extérieures à la profession. Je m’y suis opposé. En revanche, il ne m’a pas paru scandaleux de proposer au Bâtonnier de Paris de nous faire aider dans ce cheminement difficile par les quatre anciens Présidents du Conseil National des Barreaux, tous anciens Bâtonniers et ayant, au surplus, milité dans des organisations ou des syndicats professionnels. Cette proposition était connue du bureau après que j’eus pris la responsabilité de la formuler en mon seul nom au Bâtonnier de Paris, sachant que ce groupe n’aurait aucun pouvoir décisionnel mais nous aiderait à construire une méthode de travail
pour permettre à l’Assemblée générale de se déterminer le moment venu. La seule condition que j’avais émise était le retour des membres du collège ordinal parisien au sein de notre institution. Je l’ai obtenu. C’est ce que traduit le communiqué conjoint du 10 juillet du bâtonnier de Paris et de moi-même. Je prends acte de la position du bureau du CNB et en tire les conséquences. Je vous informe de ce que je n’entends plus exercer mes fonctions de Président du Conseil National des Barreaux. Afin d’élire mon successeur, je convoque une Assemblée générale fixée au 6 septembre qui sera
présidée par la Vice-présidente élue, Madame le Bâtonnier Pascale Modelski, à qui conformément aux articles 7.1 et 8.2 du règlement intérieur, je délègue dans l’intervalle, mes fonctions et mes pouvoirs jusqu’à l’élection d’un nouveau Président. Je vous prie de croire, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil National des Barreaux, Chères consœurs, Chers confrères, à l’assurance de mes sentiments toujours confraternellement dévoués. 2013-553 Christian Charrière-Bournazel -1 Assemblée Générale de la Conférence des Bâtonniers du 21 juin 2013 - Les Annonces de la Seine du 11 juillet 2013 page 10.
Palmarès
Prix de thèse du Sénat 2013 e Jury du Prix de thèse, réuni le 6 juin 2013, sous la présidence de Monsieur Jean-Pierre Bel, Président du Sénat, a décerné les récompenses suivantes : Prix de thèse du Sénat Anne-Charlène Bezzina, pour sa thèse intitulée : Les questions et les moyens soulevés d’office par le Conseil Constitutionnel – (Université de Paris 1 – Panthéon – Sorbonne) ; Prix spécial du Jury Marc Patard, pour sa thèse intitulée : La démocratie entre expertise et influence : le cas des think tanks français (1979-2012) – (Institut d’Etudes Politiques de Paris ; Ecole doctorale de Sciences Po) ;
L
Paris,9 juillet 2013
Mentions spéciales – La simplification du droit : essai d’une théorie générale, de Stéphanie Gasnier (Université de Limoges – Faculté de Droit et des Sciences Economiques) ; – Génération politique. Engagement, politisation et mobilisation dans les organisations de jeunesse des partis politiques en RFA et en France (1966 - 1974), de Mathieu Dubois (Université Paris-Sorbonne – Ecole doctorale II Centre d’histoire de l’Europe centrale – Université d’Augsburg, Allemagne) ; – Photographier la Grande Guerre : les soldats de la mémoire, 1915-1919, de Hélène Guillot
(Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – Ecole doctorale Histoire – Centre de recherche en histoire du XIXe siècle) ; – Le Parlement et les Relations Internationales, de Didier Jamot (Université d’Aix-Marseille – Faculté de Droit et de Science Politique) ; – L’idée de loi au XVIIIe siècle dans la pensée des juristes français (1715 1789), de Marie-Laure Duclos-Grécourt (Université de Poitiers – Faculté de Droit et des Sciences Sociales). Nous félicitons les lauréats qui ont reçu leur prix dans les salons Boffrand du Sénat le 9 juillet 2013.
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Marc Patard, Jean-Pierre Bel et Anne-Charlène Bezzina
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