LES ANNONCES DE LA SEINE Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Lundi 16 juillet 2012 - Numéro 47 - 1,15 Euro - 93e année
Barreau de Marseille Rentrée Solennelle - 29 juin 2012 Ophélie Kirsch, Jérôme Gavaudan et Olivier Le Mailloux
RENTRÉE SOLENNELLE
Barreau de Marseille
Dialoguer et progresser ensemble par Jérôme Gavaudan ..................
VIE DU CHIFFRE
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Conseil Supérieur de l'Ordre des Experts-Comptables et Conseil National des Barreaux Signature d’une convention avec l’Agence Française pour les Investissements Internationaux .............................................
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Ministère de l’Economie
12 AGENDA ......................................................................................5 VIE DU DROIT
Economie numérique : création d'une mission d'expertise ............
Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer
Trente ans après Montego Bay ............................................................
Institut Français des Sciences Administratives
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La coordination de l’action de l’Etat en mer ....................................... “Mélanges” en l’honneur de Jerry Sainte-Rose ...............
JURISPRUDENCE
Campagne d'affichage du mouvement raëlien et liberté d’expression
13 ANNONCES LEGALES ...................................................14 DÉCORATION Marc Bellanger, Chevalier du Mérite ..................................23 SUPPLÉMENT Cour Européenne des Droits de l'Homme - 13 juillet 2012 ............
Conférence du Jeune Barreau de Marseille
a Rentrée Solennelle du Barreau de Marseille s’est tenue le 29 juin 2012, l’occasion pour le Bâtonnier Jérôme Gavaudan et son Dauphin Erick Campana d’accueillir leurs prestigieux invités au Silo ; on a notamment remarqué la présence simultanée des trois représentants de la profession d’avocat en France : Christian Charrière-Bournazel Président du Conseil National des Barreaux, Christiane Féral-Schuhl Bâtonnier de Paris et JeanLuc Forget Président de la Conférence des Bâtonniers mais aussi d’éminentes personnalités des mondes judiciaire, économique, politique et universitaire. Lors de son discours d’usage, le Bâtonnier a rappelé les points marquants de l’année écoulée et plus particulièrement « l’accélération folle des réformes » auxquelles son Barreau a dû faire face et au premier rang desquelles la mise en place du nouveau régime de la garde à vue, la réforme de l’hospitalisation sous contrainte, l’intégration des avoués, la postulation par voie électronique devant la Cour d’Appel et la procédure participative. Il a ensuite exhorté ses jeunes confrères à profiter de “ce beau métier, si difficile, ne vous découragez jamais, consacrez-vous avec passion à votre activité et consacrez aussi du temps à l’intérêt collectif, développez vos talents et faites-en profiter les autres et surtout, sachez rester libres” afin que le Barreau de
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Marseille rayonne dans tous les secteurs de la société civile. C’est Madame le Bâtonnier de Paris, Christiane FéralSchuhl qui a remis le Prix Césaire-Platy-Stamaty (Bâtonnier de Marseille de 1894 à 1896) au troisième lauréat du concours du Jeune Barreau 2011 MélodyAngélique Desvaux et à Emmanuel Gili, troisième lauréat du concours du Jeune Barreau 2012 ; quant à Jean-Luc Forget, il a remis à Emilie Lombard le prix Marie-Paule Dejax (décédée subitement le 5 septembre 1981 et lauréate du Stage en 1978) du 2ème lauréat du concours du Jeune Barreau 2011 et à Stéphanie Spiteri le prix du 2ème lauréat du concours du Jeune Barreau 2012. Le prix Michel Guerre (jeune lauréat du Stage, mort accidentellement le 20 août 1970) fut remis par Christian Charrière-Bournazel à Ophélie Kirsch 1er lauréat du concours du Jeune Barreau 2011 et à Olivier Le Mailloux 1er lauréat du concours du Jeune Barreau 2012, ce fut une façon pour le Président du Conseil National des Barreaux de dire à ses jeunes confrères toute son admiration après leurs remarquables plaidoiries dans le procès fictif « Marseille, Culture contre Footballe : le Procès » devant le tribunal arbitral constitué pour cette audience très spéciale et émouvante au Silo de la ville phocéenne. Jean-René Tancrède
J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE
Rentrée solennelle
LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr l
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Jérôme Gavaudan
Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05 Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction :
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Didier Chotard Frédéric Bonaventura
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Dialoguer et progresser ensemble par Jérôme Gavaudan
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- Tarifs hors taxes des publicités à la ligne A) Légales : Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,43 € Yvelines : 5,22 € Hauts-de-Seine : 5,48 € Val-de-Marne : 5,41 € B) Avis divers : 9,75 € C) Avis financiers : 10,85 € D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 € Seine-Saint Denis : 3,80 € Yvelines : 5,22 € Val-de-Marne : 3,83 € - Vente au numéro : 1,15 € - Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas
Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International
(…) e cours de la vie est si rapide que nous prenons en réalité assez peu de temps pour nous poser, et jeter un regard en arrière. Pour autant, il convient de le faire : car il nous faut savoir ce que nous avons accompli, ce que nous sommes en train d’accomplir, et envisager avec force et sérénité l’avenir que nous devons bâtir. Il faut bien le reconnaître, nous avons vécu, ces derniers mois, une folle accélération des réformes auxquelles le Barreau a su faire face.
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- la mise en place du nouveau régime de la garde à vue, - la réforme de l’hospitalisation sous contrainte, - l’intégration des avoués et la postulation par voie électronique devant la Cour d’Appel. Tout cela a mobilisé énormément d’énergie, et une fois de plus, l’ensemble de la famille judiciaire a su faire face à ces défis qui, trop souvent, ont été lancés dans la précipitation. Mais nous avons également su mettre en place les outils qui nous permettent de conquérir de nouveaux champs d’activité, des outils modernes, qui consacrent l’avocat comme l’homme de l’art, capable de mieux sécuriser les relations juridiques et économiques. - l’acte d’avocat pour lequel nous nous sommes tant battus, - la procédure participative,
Elle rappelle avec force que les Avocats sont d’abord les femmes et les hommes de la solution négociée, - la possibilité de détenir un mandat à titre accessoire dans le cadre d’une transaction immobilière, - l’avocat tiers de confiance en matière fiscale constituent autant d’avancées importantes. L’avocat est replacé au centre de la relation contractuelle et des préoccupations des citoyens et des entreprises. Il faudra aller encore plus loin, et valoriser le rôle de l’avocat notamment dans les modes de règlement alternatif des conflits. Félicitons nous encore, du travail accompli afin de moderniser nos outils informatiques, les développements futurs du e-barreau auxquels nous travaillons, offrent des perspectives formidables au profit de la profession. Ces avancées significatives sont le fruit de larges progrès dans notre organisation collective. La disparition d’un échelon local de représentation des avocats est rejetée par la profession. Nous le disons les uns et les autres, inlassablement, là où il y a un Président de Tribunal de Grande Instance, un Procureur de la République, il doit y avoir un Bâtonnier. Pour autant, nous avons besoin d’une représentation nationale forte. Certes, les marges de progression sont importantes, mais il faut se féliciter du rapprochement, dans un esprit de travail constructif, de la Conférence des Bâtonniers, du Conseil National des Barreaux et du Barreau de Paris. Monsieur Christian Charrière-Bournazel, Président du Conseil National des Barreaux, Monsieur Jean-Luc Forget, Président de la
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Conférence des Bâtonniers, Vice-Président du Conseil National des Barreaux, Madame Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier de Paris, Vice-Présidente du Conseil National des Barreaux, votre présence à Marseille aujourd’hui et la tenue, demain, d’un bureau commun de la Conférence des Bâtonniers et du Conseil National des Barreaux, au sein de notre Maison
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Nous ne cherchons pas à valoriser l’avocat uniquement parce que c’est la plus belle profession du monde, nous cherchons le bien commun, parce que le Droit fonde la Démocratie, parce que la robe de l’avocat est le rempart contre toutes les injustices, et leur savoir-faire un atout essentiel du développement d’une société apaisée.
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Jérôme Gavaudan
de l’Avocat, sont des signes forts donnés à l’ensemble de la profession, de la volonté des instances nationales de progresser ensemble. Voilà la profession que nous aimons, voilà la profession qui se bâtit dans la diversité, s’organise, va de l’avant, se dynamise et, dès lors, prospère.
Nous ne cherchons pas à valoriser l’avocat uniquement parce que c’est la plus belle profession du monde, nous cherchons le bien commun, parce que le Droit fonde la Démocratie, parce que la robe de l’avocat est le rempart contre toutes les injustices, et leur savoir-faire un atout essentiel du développement d’une société apaisée. Et ces avancées dont je parle, nous les avons obtenues dans le respect de nos grands principes et de nos traditions. Il n’y a pas d’avenir dans la profession d’avocat sans respect de notre déontologie. Voilà pourquoi, nous nous opposons fermement à une dérèglementation aveugle. Notre profession règlementée assure et assume un rôle social éminent en matière de respect de droit de la défense, d’accès au droit des plus démunis, et de sécurisation des relations contractuelles. Comment enfin ne pas être optimiste devant la qualité du Jeune Barreau qui, chaque année, rejoint nos rangs. Comment ne pas se réjouir de tous ces jeunes avocats qui ont participé au concours de la Conférence du Jeune Barreau et dont les premiers lauréats vont prendre la parole dans quelques instants. Chers Jeunes, vous êtes l’avenir de notre profession, vous êtes attachés à votre robe, à votre déontologie, vous êtes attachés à votre Ordre à ceux qui vous représentent Profitez de ce beau métier, si difficile, ne vous découragez jamais, consacrez-vous avec passion à votre activité et consacrez aussi du temps à l’intérêt collectif, développez vos talents et faites-
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Rentrée solennelle
en profiter les autres et surtout, sachez rester libres. Avec le Conseil de l’Ordre, les anciens Bâtonniers et le Bâtonnier désigné, j’ai souhaité que le Barreau de Marseille rayonne dans les secteurs de la vie en société, et qu’il soit un acteur du développement de la cité phocéenne. J’ai souvenir de moments d’émotion lors de l’accueil de l’artiste résidant à la Maison de l’Avocat, dans le cadre des ateliers de la Méditerranée, Marseille-Provence capitale européenne de la Culture, de la passion soulevée à l’occasion de la reconstitution du procès de Gaston Crémieux, de la voix de notre Barreau, portée avec ferveur au cours du forum mondial de l’eau, organisé à Marseille à la fin de l’hiver dernier, de la qualité des travaux lors de colloques scientifiques et d’actualité au sein de
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Au premier plan : Christiane Féral-Schuhl, Jean-Luc Forget et Christian Charrière-Bournazel
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Rentrée solennelle
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Profitez de ce beau métier, si difficile, ne vous découragez jamais, consacrez-vous avec passion à votre activité et consacrez aussi du temps à l’intérêt collectif, développez vos talents et faites-en profiter les autres et surtout, sachez Jérôme Gavaudan rester libres.
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la Maison de l’Avocat que j’ai souhaité ouverte à tous les débats de société, juridiques et culturels. J’ai souhaité que le Barreau de Marseille démontre qu’en tout domaine, un dialogue fructueux est toujours possible. Madame la Première Présidente, Monsieur le Procureur Général, Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Marseille, Monsieur le Procureur de la République, nous avons justement entretenu un dialogue permanent.
dialogue nait la solution, et je crois pouvoir dire que nous l’avons vérifié tout au long de ces derniers mois. Et nous continuerons ainsi. Madame et Monsieur les premiers Lauréats, il y 20 ans, presque jour pour jour, à ce même pupitre, mais à votre place, j’allais discourir sur un sujet très grave : devions-nous célébrer le 500ème anniversaire de la découverte de l’Amérique ? ! Je suis convaincu que mon discours aura passionné les foules …..
Mais vous, vous allez nous faire assister, sans aucun doute, à un procès très décalé devant un tribunal arbitral constitué pour l’occasion. Culture contre foot, quelle idée ? Vous êtes plein de talent, et vous l’avez voulu ainsi …. Et nous y revenons donc : tradition et modernité, être très sérieux …. mais ne pas se prendre au sérieux. Je vous remercie et je vous laisse la parole. (…)
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Dialoguer, ce n’est pas renoncer à ce que l’on est, ce n’est pas renoncer à ce que l’on doit. Dialoguer, ce n’est pas être complaisant, car du
Christian Charrière-Bournazel, Jérôme Gavaudan, Ophélie Kirsch et Olivier Le Mailloux
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Vie du chiffre
Agenda
Conseil Supérieur de l'Ordre des Experts-Comptables et Conseil National des Barreaux Avocats et experts-comptables se mobilisent pour mettre en place deux réseaux-clés au service de l’attractivité de la France et de l’accompagnement des investisseurs étrangers Signature d’une convention avec l’Agence Française pour les Investissements Internationaux - Paris, 12 juillet 2012
FORMATION CONTINUE EDAGO
Université d’été Edago 30, 31 août et 1er septembre 2012 119, rue du Maréchal de Lattre de Tassigny 44500 LA BAULE Renseignements : 02 40 11 51 51 www.altantia-labaule.com
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51ÈME CONGRÈS NATIONAL DES EXPERTS-COMPTABLES
Du chiffre à la lettre : l’expert-comptable de justice et la sincérité de l’information financière
Pierre Grafmeyer, David Appia et Christian Charrière-Bournazel ’Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII), représentée par David Appia, son Président, a signé une convention de partenariat avec le Conseil National des Barreaux (CNB), représenté par son Président, Christian Charrière-Bournazel, et le Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables (CSOEC), présidé par Agnès Bricard elle-même représentée par Pierre Grafmeyer. Ce partenariat ouvre la voie à une collaboration autour de deux objectifs : - favoriser le développement des investissements étrangers en France, en s’appuyant sur la connaissance des milieux d’affaires de chacun des partenaires ; - contribuer par des actions concertées à promouvoir l’image économique et l’attractivité de la France auprès des décideurs et plus généralement des réseaux d’influence à l’étranger. Dans ce cadre, trois domaines de coopérations opérationnelles sont prévus : - la promotion de l’image économique et de l’attractivité de la France à l’étranger, au travers d’un partage d’informations sur les atouts du site « France » et sur les politiques publiques de nature à renforcer l’attractivité de notre pays. Le CNB et le CSOEC mobiliseront leurs réseaux respectifs pour diffuser et relayer auprès des communautés d’affaires étrangères une information actualisée et argumentée transmise par l’AFII sur les facteurs d’attractivité de la France ; - l’amélioration de l’attractivité de la France grâce à l’association des avocats et des experts comptables à la réflexion conduite annuellement par l’AFII sur les mesures de nature à renforcer l’attractivité de la France, notamment dans les domaines de la
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simplification administrative, de la fiscalité, de l’immigration et de l’économie numérique ; - l’élargissement de l’offre d’accompagnement des entreprises étrangères, grâce à la mise à disposition de l’AFII, par le CNB et le CSOEC, d’informations sur des cabinets d’avocats et d’experts comptables à même de proposer une offre globale de services pour l’accompagnement des investisseurs étrangers en France. « Je me réjouis de cette coopération renforcée avec une importante agence de l’administration française dans l’intérêt de notre pays et de partager ce projet avec les experts comptables avec lesquels le barreau ne peut qu’entretenir d’e xcellentes relations : nous sommes, chacun dans sa compétence, au service des mêmes personnes. » a déclaré Christian CharrièreBournazel. « Voici un nouvel exemple d’interprofessionalité fonctionnel au service du développement de notre pays et de nos entreprises. Je ne peux que me féliciter qu’ainsi les 19.000 experts-comptables français apportent leur pierre à cette édifice », a conclu Pierre Grafmeyer représentant Agnès Bricard excusée. « Les experts comptables et les avocats sont des prescripteurs essentiels pour le développement des entreprises en France comme à l’étranger. Cette nouvelle coopération entre l’AFII et ces deux professions au service de l’attractivité de la France et de l’accueil des entreprises étrangères va permettre de diffuser largement l’image d’une France attractive et innovante, premier pays d’accueil des investissements étrangers industriels en Europe.» souligne David Appia, Président de l’AFII.
20 et 21 septembre 2012 Centre des Congrès Pierre Baudis 11, esplanade Compans-Caffarelli 31000 TOULOUSE Renseignements : 01 44 90 30 00 www.notaires.fr
108ÈME CONGRÈS DES NOTAIRES DE FRANCE
La transmission 23 au 26 septembre 2012 Le Corum 34 000 MONTPELLIER Renseignements : 01 44 90 30 00 www.notaires.fr 2012-529
FORMATION PIDA - ICC
Arbitrage commercial international 24 au 27 septembre 2012 Chambre de Commerce Internationale 38, Cours Albert 1er - 75008 PARIS Renseignements : events@iccwbo.org 01 49 53 28 91 2012-530
XXÈME CONGRÈS L’ACE
Avocat : une profession unie dans sa diversité 27 au 29 septembre 2012 Hôtel Martinez - 06400 CANNES Renseignements : mc.midavaine@avocats-conseils.org www.avocats-conseils.org
Source : communiqué commun du 12 juillet 2012
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Vie du droit
Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer : trente ans après Paris - 12 juin 2012
Ce 12 juin 2012, dans l’Amphithéatre Foch de l’Ecole Militaire, le Centre d’Etudes Supérieur de la Marine, l’Académie de la Marine et l’Institut Français de la Mer ont organisé un colloque trente ans après la signature de la Convention de Montego Bay, l’occasion pour le Secrétaire Général de la Mer Michel Aymeric de rendre hommage à ceux « qui ont eu la vision de ce que sont et seront les défis des océans et des mers ». Jean-René Tancrède ne «révolution tranquille », ainsi s'exprimait le secrétaire général des Nations Unies il y a trente ans, en qualifiant le texte proposé à la signature des Etats, après neuf ans de travaux. Une « révolution tranquille », y a-t-il plus grand paradoxe que l'association de ces deux termes dans la même expression? Et pourtant, c'était déjà une formule juste, une formule heureuse et elle l'est restée. Une révolution parce que c'est tout un ordre politique et juridique qui allait être modifié par la convention. Elle se substitue à quatre conventions, celles de Genève d'avril 1958 dont on mesure avec le recul du temps qu'elles manquaient d'une vision d'ensemble. Sont traités séparément la haute mer, le plateau continental, la mer territoriale et la zone contigu, la pêche et la conservation des ressources biologiques. Elles manquaient aussi de représentativité quand on compare les contours de la communauté internationale de la fin des années 1950 avec celle issue des émancipations et décolonisations. Les règles posées en 1958 avaient une allure décalée; elles étaient le produit d'un monde qui allait disparaître et de, ce fait, elles ne pouvaient pas être une réponse aux revendications qu'allaient exprimer les Etats en construction. En outre, on assistait là à ce qui est qualifié de fragmentation du droit; ce phénomène aboutit à un résultat curieux: un Etat pouvait être Partie à l'une des conventions sans adhérer à aucune des trois autres. Il y avait une sorte d'adhésion à la carte pouvant se traduire par l'absence de toute adhésion. On devine dès lors, immédiatement, sans qu'il soit besoin d'une longue démonstration pourquoi l'on peut parler de révolution : une seule Convention et un contenu d'une richesse à nulle autre comparable sur lequel je reviendrai. Une révolution «tranquille»: l'avènement de la Convention s'est traduit par la consécration de concepts nouveaux, d'espaces nouveaux, de procédures nouvelles, par la création d'institutions nouvelles. Tranquille, ce mouvement l'a été aussi parce qu'il a permis l'apaisement sur des questions plutôt controversées comme la largeur de la mer territoriale enfin fixée à 12 milles nautiques alors que cela avait causé l'échec de la 2ème conférence des Nations Unies sur le droit de la mer en 1960.
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Ou bien encore, il n'est pas sans intérêt, pour nous, de relever la stabilisation du régime des détroits, en particulier le libre passage en transit dans les détroits servant a la navigation internationale. Certes, des tensions furent perceptibles sur des aspects particuliers, comme la fameuse Partie XI, celle qui faisait des fonds marins le Patrimoine commun de l'Humanité, an point qu'il a fallu recourir an vote pour adopter la Convention là on la conférence espérait un résultat par consensus, toujours plus présentable. Un autre cas de tension du fait de la création de la zone économique exclusive a laquelle sont opposées les principales puissances maritimes dans un premier temps ; la France s'est rapidement ralliée a ce nouvel espace, sa loi portant création de la ZEE est d'ailleurs de juillet 1976, dans la foulée de la session reconnaissant la ZEE, sans attendre la conclusion globale des travaux de la Convention. II n'en demeure pas moins que la passion fut à la mesure des enjeux dont cette Convention a, d'une certaine façon, permis l'émergence en même temps qu'elle posait les termes dans lesquels il convenait de les appréhender dorénavant. A cet égard, un considérant du Préambule mérite d'être cite tant il exprime, avec quelques décennies d'avance, ce que nous considérons relever de l'évidence et que nous qualifions de politique maritime intégrée : « Les Etats Parties à la Convention sont conscients que les problèmes des espaces marins sont étroitement liés entre eux et doivent être envisages dans leur ensemble » Avec la Convention de 1982, on dispose d'une véritable constitution pour les océans et les mers, l'expression d'ailleurs est entrée dans le langage commun au sein des Nations Unies. Il est vrai qu'elle porte sur un texte fondateur d'un ordre juridique appelé à devenir la référence et la source de toute activité humaine marine et maritime. Des lors, il n'est pas excessif d'admirer l'architecture, on plutôt la structure du texte issu de dix ans de travaux : 320 articles, plusieurs annexes, un acte final, une commission préparatoire pour la mise en place du régime des fonds marins au-delà de la juridiction nationale et du tribunal du droit de la mer. Chaque fois que nous tenons entre les mains la Convention, nous tenons un monument de la
codification et du développement du droit international, un cas unique d'élaboration du droit, venant clore une décennie exceptionnelle qui a été celle de la 3ème conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Architecture d'inspiration audacieuse également par la création de trois institutions internationales répondant à des fonctions spécifiques : - il y a un classicisme formel du Tribunal international du droit de la mer créé pour régler les différends nés de l'application ou de l'interprétation de la Convention mais il faut souligner ce qu'il y a de nouveau dans cette création d'une juridiction dont la mission centrale, exclusive, est de traiter du droit de la mer dans ses diverses composantes; - la création de la Commission des limites du plateau continental, organe de type inconnu jusqu'alors en droit de la mer qui n'est subordonné à aucune instance et dont la tâche se révèle d'une particulière importance pour l'affirmation de droits souverains sur les fonds marins; - enfin, la mise en place d'une Autorité internationale des fonds marins chargée de la gestion des ressources minérales dans un espace, la Zone, échappant dorénavant à la haute mer et à l'appropriation individuelle pour relever d'un mécanisme d'allocation obéissant à des principes et des règles plutôt collectives. L'apparition de ces institutions souligne le renouvellement de la famille des organisations internationales. Il faut donc saluer, trente ans après, l'avènement de la Convention et l'évènement qu'a constitué son ouverture à la signature, le 10 décembre 1982, à Montego Bay. Célébrer le trentième anniversaire de l'ouverture à la signature de la Convention est ainsi un évènement que la France ne pouvait pas ne pas marquer ainsi que nous le faisons aujourd'hui. C'est pour moi l'occasion de dire combien la France est présente trente ans après sa signature au sein des institutions puisqu'elle a un juge au tribunal du droit de la mer, un commissaire qui vient d'être élu au sein de la Commission des limites du plateau continental, un commissaire élu au sein de la commission juridique et technique de l'Autorité des fonds marins. Il faut rappeler que la France, puissance maritime, fut un acteur majeur de la 3ème conférence ; qu'elle fut cohérente avec son engagement pendant les travaux puisqu'elle fut avec un tout petit nombre d'Etats (Danemark,
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Vie du droit
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Michel Aymeric
Grèce, friande, Pays Bas), de ce qui ne se nommait pas encore l'Union européenne, à exprimer ouvertement son soutien à la nouvelle Convention en la signant dès le 10 décembre 1982, là où deux Etats européens majeurs, le Royaume-Uni et l'Allemagne, sont absents de la signature. Et il y avait des raisons à cette politique de soutien qui ne s'est jamais démentie : des raisons tenant à des enjeux de défense nationale ou de sécurité, au sens large du terme puisque s'y retrouvent aussi bien l'accès à des ressources considérées comme stratégiques (et c'est l'époque des nodules polymétalliques) que la reconnaissance du principe de l'immunité souveraine pour les bâtiments de guerre (et plus largement pour les navires d'Etat). Si je devais donner deux exemples confirmant que cet engagement a, d'une certaine manière, constitué le bon choix que notre pays fit dès cette époque, je les prendrais dans le domaine de l'accès aux ressources minérales: la France vient de déposer une demande de permis pour l'exploration des sulfures auprès de l'Autorité des internationale fonds marins. Elle rejoint en cela la démarche engagée par la Chine, la Russie, et la Corée du sud. Le deuxième exemple est la confirmation que la stratégie adoptée dans le dossier nodules, qu'il était de bon ton de railler pour son irréalisme; elle se trouve confortée par le fait que l'Allemagne a rejoint ce club des contractants miniers, et que le Royaume Uni vient de soutenir, en la patronnant, la demande d'un permis pour les nodules. Un consortium belge a également demandé un permis pour l'exploration des nodules. La Convention, trente ans après, est ce qu'elle est aujourd'hui. Apres cette présentation, par petites touches, volontairement impressionniste, venons-en aux lignes de force qui la caractérisent et qui en font un texte unique : - ce qui frappe c'est l'équilibre entre des exigences contraires de différents acteurs de la scène mondiale. On a pu dire de la Convention qu'elle est la résultante d'une série de compromis mais l'ensemble de ces compromis forme un tout indissociable. La marge de manœuvre des puissances maritimes a dû s'accommoder de cette contrainte des lors qu'elles préservaient la sacro-sainte notion de la liberté de navigation ;
- ce qui retient l'attention et qui participe a l'équilibre général décrit plus haut, c'est la reconnaissance du rôle majeur des Etats côtiers, donc la légitimité de leur emprise nationale sur les espaces marins et leurs ressources naturelles. Au point qu'il ne serait pas déplacé, si l'on a le goût de la métaphore historique, d'évoquer une inspiration de nature westphalienne dans l'élaboration de la Convention. En effet, les espaces maritimes sont l'objet d'une attention particulière au bénéficie des Etats côtiers, l'on pense bien sûr à la ZEE et au plateau continental étendu. La création de la zone économique exclusive a conféré à l'Etat qui la met en place une projection vers le large qui n'a pas d'équivalent dans le passé. La largeur de la ZEE qui ne peut excéder la limite de 200 milles nautiques d'une part, et la possibilité de l'extension du plateau continental au-delà des 200 milles nautiques d'autre part, sont là pour témoigner de la vivacité de ce prisme favorable à l'Etat côtier, sa souveraineté, ses droits souverains et sa juridiction nationale. Trente après, ces vérités de la Convention sont toujours présentes, vivantes, produisant des effets dans la conduite quotidienne des affaires de la mer. Le secrétaire général de la mer peut en témoigner : il y a, dans la Convention trentenaire, une reconnaissance du fait régalien et la Convention serait d'inspiration française que ni vous, ni moi n'en serions surpris.
d'évaluation des impacts des atteintes à l'environnement (les fameuses études d'impact), la désignation des écosystèmes rares ou délicats, la protection de l'habitat des espèces menacés, en régression ou en voie d'extinction, autant de signes que, dans ce domaine, il y a plus d'obligations que de droits. Trente ans après, il est temps de mettre fin à une forme de procès d'intention récurrent fait à la Convention de n'être point un instrument de défense de l'environnement. Ce procès est la résultante de deux facteurs dont la conjugaison a pu conduire certains à envisager de demander la révision de la Convention de Montego Bay. Le premier facteur, il est vrai, est l'empressement des Etats côtiers, largement bénéficiaires de droits nouveaux, à n'envisager que la mise en œuvre des mesures rendant ces droits effectifs et opposables aux tiers. L'insistance à mettre en évidence le droit à l'exploitation des ressources marines a fini par occulter durablement ce qu'il y avait d'obligations protectrices dans le texte ouvert à la signature en 1982. Le second facteur n'est alors que la conséquence de ce qui précède: l'adoption de la Convention sur la diversité biologique, en 1992, a été perçue comme le texte fondateur de la protection de l'écologie derrière la consécration de la notion, fort complexe, de biodiversité. La circonstance que cette dernière convention, née une décennie après celle de Montego Bay, reconnaisse dans une disposition précise que
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L'assemblée générale de l'ONU n'a eu de cesse de souligner dans ses résolutions annuelles que cette Convention est le seul cadre politique et juridique au sein duquel doivent s'inscrire toutes les activités menées dans tous les océans et les mers, sur l'eau et Michel Aymeric sous l'eau jusqu'aux fonds marins.
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La Convention nous confère ainsi des droits. Elle nous oblige aussi, même si l'oubli de ce volet est un phénomène plus répandu que la revendication de nos droits. La Convention nous oblige quant à la durabilité de l'exploitation des ressources biologiques. Elle évoque déjà le risque de la surexploitation des ressources biologiques et appelle l'Etat à prendre les mesures appropriées de conservation de ces ressources. La Convention nous oblige quant à la préservation et la protection du milieu marin, son article 192 étant d'une concision qui lui permettrait de trouver sa place dans le Code civil : « Les Etats ont l'obligation de protéger et de préserver le milieu marin ». Par cet article, la Convention ouvre toute sa partie environnementale, écologique, qui lui confère sa dimension de Convention-cadre, remarquable par l'énonce d'objectifs a atteindre et invite les Etats à prendre les mesures pour les rendre effectifs. Trente ans après, cette Partie de la Convention n'a pas encore donné la pleine mesure de son effectivité. L'inventaire des formes de pollution énoncées dans la Convention, l'indication des moyens
s'agissant des espaces marins, il existe un droit de la mer auquel elle renvoie, n'y a rien fait. Le déni de la Convention a longtemps persisté, relayé par diverses instances et parties prenantes qui vraisemblablement n'avaient pas lu la Convention de Montego Bay et de ce fait en méconnaissaient la richesse. La guerre des conventions a bien eu lieu, parfois ouverte, souvent feutrée et la «trentenaire» s'est imposée précisément en raison du caractère complet de son contenu, en raison aussi de son universalité. Et parce qu'elle est la fille des Nations Unies. L'assemblée générale de l'ONU n'a eu de cesse de souligner dans ses résolutions annuelles que cette Convention est le seul cadre politique et juridique au sein duquel doivent s'inscrire toutes les activités menées dans tous les océans et les mers, sur l'eau et sous l'eau jusqu'aux fonds marins. Est-elle pour autant immuable, non évolutive, non adaptable aux temps nouveaux, aux technologies nouvelles, aux défis nouveaux? L'histoire des trente ans qui viennent de s'écouler apporte des éléments de réponse. Dès avant son entrée en vigueur en novembre
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Vie du droit 1994, un Accord d'août 1994, portant sur la Partie de la Convention consacrée aux fonds marins internationaux, celle qui avait provoqué l'ire des Etats-Unis, est adopté. Cet Accord est, dans la pratique, une modification de dispositions de la Convention en gelant certains aspects de l'exploitation des ressources et en promouvant une forme de gouvernance raisonnable de la Zone internationale. La Convention connait aussi son deuxième instrument d'application avec l'Accord de 1995 consacré aux stocks dits chevauchants et aux grands migrateurs, accord négocié et fondé sur les dispositions relatives à la ZEE. S'il fallait un indicateur de la flexibilité attractive de la Convention de 1982, l'Accord de 1995 le fournirait aisément des lors que l'on retiendra que les Etats-Unis ont signé puis ratifié, parmi les tout premiers Etats, dès 1996 cet Accord. On s'interroge souvent sur le refus, ou le rejet, de la Convention de Montego Bay par les EtatsUnis en oubliant de relever que ce refus est tout relatif. De manière générale, la Convention ellemême est loin d'être rejetée par ce grand pays. Les principales créations sont reprises dans la législation américaine, telle que la mise en place de la ZEE par le Président Reagan en 1983, il y a bientôt...trente ans. Et sans attendre d'être
Partie à la Convention, l'extension du plateau continental a conduit à la mise en place de l'équipe américaine en charge de la constitution des dossiers. Des contacts et des réunions de travail ont eu lieu avec l'équipe française en charge d'EXTRAPLAC. Autrement dit, au reproche de non-universalité qui est fait a la Convention du fait de cette absence majeure, il convient d'opposer l'universalité de son processus d'élaboration, l'universalité de son contenu. Il y a en perspective un troisième accord de mise en oeuvre dont il est souvent question ; qui serait consacré à la conservation et à l'utilisation durable des ressources de la biodiversité au-delà des limites de la juridiction nationale. L'ampleur de ce chantier juridique et politique est réelle puisqu'il y sera traité des outils de la conservation du milieu marin, par exemple des aires marines protégées en haute mer en y associant les fonds marins ; il sera aussi envisagé de définir le régime juridique des ressources génétiques marines dans ces espaces au-delà de la juridiction nationale. Depuis l'année dernière sous l'impulsion de l'UE et avec le concours de notre pays, cette idée a trouvé un écho auprès de l'Assemblée générale des Nations Unies au point qu'un groupe de
travail est chargé de mettre en place les conditions de définition d'un mandat de négociation. Il a fallu des années pour que la 3eme conférence, avant d'aboutir à Montego Bay, dispose de son mandat de négociation. Mais la différence, c'est que le futur mandat s'inscrira dans les perspectives tracées par la Convention. il n'est pas exclu d'envisager d'évoquer, un jour, non plus la Convention mais le système de Montego Bay par agrégation autour du texte fondateur, de tous les accords pris pour son application. Nature évolutive, adaptabilité et flexibilité : ainsi se présente à nous la Convention trente ans après sa signature. Ce sont là des qualités qui sont la marque des grands textes fondateurs et qui durent. Appliquées au droit de la mer, ces qualités furent celles des personnes qui ont eu la vision de ce que sont et seront les défis des océans et des mers et auxquelles je rends hommage. Tout n'est pas traité dans la Convention, mais rien ne peut plus l'être en dehors d'elle. C'était vrai il y a trente ans. Il en sera encore ainsi, certainement, pour les trente ans à venir. 2012-536
Institut Français des Sciences Administratives « La coordination de l’action de l’Etat en mer : permanence et évolutions » L’Institut Français des Sciences Administratives (I.F.S.A.) présidé par Jean-Marc Sauvé est une association qui contribue au développement de la science administrative, au perfectionnement des méthodes et techniques de l’administration et au rayonnement du modèle français de l’administration ; deux rencontres annuelles sont organisées, l’une sur un sujet transversal en lien avec l’actualité, l’autre qui prend la forme d’un colloque historique ; le 2 décembre 2011 un colloque d’actualité s’est déroulé au Conseil d’Etat sur le thème de « La coordination de l’action de l’Etat en mer : permanence et évolutions ». Nous publions ci-après l’intervention du Vice-Président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé qui a remarquablement tracé « la physionomie de l’action de l’Etat en mer » et décrit les défis que l’Etat doit relever face à la globalisation des échanges dans les espaces maritimes. Jean-René Tancrède
L’action de l’Etat en mer : perspectives historiques par Jean-Marc Sauvé* (…) our esquisser l’arrière-plan des débats d’aujourd’hui, que peut-on dire, sur un plan historique, de l’action de l’Etat en mer, entendue à la fois d’un point de vue opérationnel, comme un ensemble d’actions concrètes entreprises sous la direction et/ou pour le compte de l’Etat, et d’un point de vue juridique, comme l’adoption et l’application d’un corps de règles propres à ces opérations ? Historiquement, l’action de l’Etat en mer a été discontinue et d’une intensité variable, ce qui ne laisse pas de surprendre compte tenu de la façade maritime et de la présence Outre-mer importantes qui ont été et restent celles de la France (I). De cette action, il subsiste de nos
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jours quelques institutions et normes, et c’est un héritage en demi-teinte que celui de l’histoire de cette action (II).
I. L’action de l’Etat en mer, qui a principalement poursuivi des objectifs commerciaux et militaires, a été caractérisée par des périodes de flux et de reflux 1. Il n’est pas réellement possible de dater les premiers moments où la monarchie s’intéressa à la mer comme moyen d’assurer sa puissance
L’entrée de Philippe Auguste dans Rouen en 1204, qui permit le rattachement de la Normandie au domaine royal, puis la création du «clos des galées» en 1293 par Philippe le Bel dans cette même ville, constituent toutefois un point de départ commode. A partir de cette
dernière date, à défaut d’avoir une véritable marine de guerre, le royaume dispose de son premier arsenal. De celui-ci sortirent les bateaux composant la flotte qui sombra lors de la bataille de l’Ecluse en 1340, première grande bataille de la Guerre de cent ans(1). Sombre présage pour la marine française : pendant quelque trois siècles, la puissance maritime de la France demeura très modeste et presque dérisoire. La Hollande, l’Angleterre, l’Espagne, Venise et Gênes avaient une marine puissante ; la France, ce «si grand royaume flanqué de deux mers»(2), comptait pour sa part uniquement quelques vaisseaux mal équipés. Cette situation convenait bien, on s’en doute, aux rivaux de la France. Alors qu’avec Richelieu, la marine française commençait à s’organiser, la Guerre de trente ans souligna encore son impuissance sur les mers(3). C’est avec Colbert que notre marine prit véritablement son essor. Colbert devint, en 1669, secrétaire d’Etat à la marine, réunissant le Ponant et le Levant en un seul ministère, qui comportait à la fois des attributions militaires -
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la marine royale - et civiles - la marine marchande -, ainsi que les ports, les arsenaux et les colonies(4). De nombreux navires sortirent des chantiers. Par plusieurs ordonnances furent créés le système de l’inscription maritime, le service des classes ainsi qu’une institution sociale importante, la «caisse des invalides»(5) qui, sous une forme renouvelée, existe toujours. Toutefois, ce sont les ordonnances de 1681 et de 1689, à l’origine d’un véritable code maritime, qui sont restées comme l’une des marques distinctives de l’œuvre de Colbert(6). Après cette période faste, ce fut la mer d’huile et la pétole(7) sous Louis XV, puis le vent forcit à nouveau sous Louis XVI(8). Survint alors la crise : après les alizés, la tempête de la Révolution. Bon nombre de membres des élites de la marine se montrèrent favorables aux transformations qui s’annonçaient(9). Mais des sujets de querelle apparurent, comme la question du pavillon que la marine voulait maintenir blanc, provoquant l’ire de Mirabeau qui y voyait un acharnement à conserver la livrée du tyran. Surtout, les autorités maritimes n’ont pas échappé au vent de défiance qui toucha la plupart des dépositaires de la puissance publique à cette époque et beaucoup d’officiers émigrèrent. L’air de la révolte gagna en outre nombre de marins : des équipages prévinrent qu’ils ne se battraient contre les Anglais que si cela leur semblait juste, tandis que des émeutes embrasèrent ports et arsenaux(10). C’est ainsi que sous la Révolution, la marine s’affaiblit. Napoléon Ier tenta de lui rendre ses lettres de noblesse, mais, alors même que, sur terre, la supériorité de la Grande Armée ne pût longtemps être démentie, sur les mers, la défaite de Trafalgar marqua la fin d’ambitions et le début d’une suprématie anglaise restée incontestée jusqu’à la Grande guerre. Le règne de Napoléon III fut toutefois une période faste d’interventionnisme étatique en mer. L’Empereur y voyait un moyen d’assurer la présence française dans le monde. Il pouvait en outre s’appuyer sur Dupuy de Lôme, qui fut à l’origine de la conception en 1850 du Napoléon, premier vaisseau de combat à hélice, et, en 1859, de La Gloire, première frégate cuirassée. Aux débuts de la IIIème République, la politique coloniale de la France imposait de prendre appui sur la marine. Celle-ci connut un nouvel essor. Sous l’influence de la «jeune école», elle emprunta toutefois une voie, celle du développement de petits navires et des premiers sous-marins aux dépens des grands cuirassés,
qui ne fût pas couronnée de succès. Mais c’est surtout après la première guerre mondiale, qu’un vaste programme de rénovation et de modernisation de la marine fut lancé sous l’impulsion de Georges Leygues, trois fois ministre de la marine durant l’entre-deuxguerres. La puissance navale française, alors restaurée, connut un funeste destin : Churchill, qui cherchait à éviter que cette force ne tombe dans les mains allemandes, la fit détruire en partie à Mers El-Kébir le 3 juillet 1940. Le reste de la flotte se saborda en rade de Toulon le 27 novembre 1942 après le débarquement allié en Afrique du Nord. L’histoire de l’action de l’Etat en mer a ainsi été faite de flux et de reflux. La constante est que la France a longtemps été une puissance maritime, mais une puissance plutôt modeste, alors même qu’elle dispose de l’une des plus importantes zones d’influence maritime au monde. 2. Quels ont été les objectifs principaux de l’Etat dans les périodes d’interventionnisme en mer ? Il me semble qu’ils sont principalement au nombre de trois
Tout d’abord, l’Etat s’est donné pour objectif de développer la marine marchande afin d’accroître le commerce et, par conséquent, sa prospérité et sa puissance. Il s’agit du but qui a été poursuivi avec le plus de constance. La nécessité de concurrencer les Hollandais et les Anglais en matière de commerce triangulaire ainsi que la volonté de tirer le plus grand profit des colonies ont conduit l’Etat à soutenir et encadrer ces différents types de commerces, notamment au moyen des compagnies qui, il est vrai, dépendaient surtout de quelques grands armateurs. Les compagnies étaient toutefois placées sous le contrôle étroit de l’Etat, telle la Compagnie des Indes(11). L’action de l’Etat a en outre été normative. L’Etat réglementait ainsi l’octroi des passeports aux navires partant pour les colonies ou favorisait certaines routes en déchargeant de tout droit les marchandises circulant sur celles-ci(12). L’Etat poursuivait aussi, bien sûr, des ambitions militaires. Celles-ci constituaient la contrepartie et même le soubassement de la prospérité du commerce, et elles avaient également pour but de ne pas laisser la France en position de faiblesse par rapport à ses ennemis ou concurrents, notamment les Anglais. Plus largement, l’action de l’Etat en mer poursuivait des fins de sécurité avec, par exemple, la lutte contre la flibuste au début du XVIIIème siècle : sous l’action conjuguée des Français, des Espagnols et des Anglais, les flibustiers furent forcés de quitter la mer des Caraïbes et, lorsqu’ils ne continuèrent pas leurs activités sur d’autres mers, ils bénéficièrent pour certains de la clémence du jeune Louis XV(13). Enfin, l’ambition maritime à cette époque était également impériale et scientifique. Elle reste associée à des noms comme Bougainville, qui partit sur La Boudeuse autour du monde(14), et La Pérouse, qui navigua sur L’Astrolabe et La Boussole pour rivaliser avec James Cook et compléter ses découvertes(15). Elle fut aussi marquée par le voyage de La Romanche, entrepris par le ministère français de l’instruction publique en Terre de Feu (1882-1883). Avec ses hauts et ses bas, l’action de l’Etat en mer a au total principalement poursuivi des objectifs commerciaux, militaires, mais aussi politiques et scientifiques.
II. De cette histoire, que reste-t-il ? Si certains modes d’action, historiquement liés à la politique de l’Etat en mer, ont sombré «corps et biens», d’autres notions et institutions, qui ont contribué à façonner au cours des siècles le droit maritime, constituent encore aujourd’hui des repères 1. Un certain nombre d’éléments qui ont caractérisé l’histoire de l’action de l’Etat en mer n’ont pas résisté à l’épreuve du temps, ni aux évolutions sociales, économiques et technologiques
J’en prendrai trois exemples. Le premier concerne la guerre de course. Des règles juridiques strictes s’y appliquaient, faisant des corsaires de véritables collaborateurs de la mise en œuvre d’une politique maritime mercantiliste(16). Pour partir en course, le capitaine devait disposer d’une patente, délivrée au nom du Roi et faisant l’objet d’un enregistrement au bureau des autorités maritimes, ainsi que d’une caution pécuniaire, qui garantissait l’honnêteté de sa campagne. De retour sur terre, les prises devaient être déclarées, ce qui déclenchait une procédure juridictionnelle, qui fut à partir de l’an VIII portée devant le Conseil des prises, juridiction administrative spécialisée. L’Etat récupérait une partie des gains des campagnes. La guerre de course fut abolie en 1856 par la Déclaration de Paris. Elle a néanmoins très récemment connu une résurgence légale, aux Etats-Unis(17). Le ministère de la Marine est une autre institution qui n’a pas résisté au temps. Ce ministère a connu à partir des années 1880 un lent déclin. Il a progressivement perdu ses attributions : en 1887 fut créé un secrétariat d’Etat aux colonies indépendant ; entre 1906 et 1929, plusieurs évolutions privèrent le ministère de la Marine de ses attributions commerciales, au profit du ministère de la Marine marchande, lorsque celui-ci a existé, du ministère du Commerce ou du ministère des Travaux publics ; enfin, ce ministère disparut purement et simplement en 1958 par le transfert de ses dernières attributions militaires au ministère de la défense(18). La fin du ministère de la Marine et l’é clatement de ses attributions entre différents ministères impliquent aujourd’hui une coordination interministérielle sur les questions maritimes, assurée par le secrétariat général de la mer et le comité interministériel de la mer. Enfin, la justice militaire maritime, qui a constitué pendant de longues années une justice d’exception, a aussi disparu(19). Elle était caractérisée par une division entre la justice des hommes, selon laquelle seuls des marins peuvent juger des marins, et la justice du port, comme lieu voué à l’activité maritime, faisant écho à la distinction entre le corps d’épée, naviguant et combattant, la justice de celui-ci étant dévolue aux amiraux et, sur mer, au capitaine, et le corps de plume, sous l’autorité de l’intendant et du tribunal de l’intendant. La
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Vie du droit justice militaire maritime s’est quelque peu humanisée avec le code de justice maritime adopté en 1858, qui a mis fin à des châtiments comme la cale ou la bouline(20). Elle a définitivement disparu en tant que justice d’exception avec la loi du 8 juillet 1965, qui a instauré des règles uniques pour les trois armées de terre, de mer et de l’air(21). 2. Mais si quelques institutions ont disparu, d’autres ont résisté aux tempêtes de l’histoire et continuent de jouer un rôle éminent dans l’action de l’Etat en mer
Institution centrale de la coordination de l’action de l’Etat en mer, le préfet maritime peut être regardé comme le successeur de l’intendant de marine, officier civil appartenant au corps des officiers de plume et qui représentait l’autorité royale dans les ports et les arsenaux, disposant notamment de compétences en matière de gestion et de police. C’est pendant le Consulat que la fonction de préfet maritime a été créée, celui-ci étant chargé de la «sûreté des ports, de la protection des côtes, de l’inspection de la rade, et des bâtiments qui y sont mouillés»(22). La pérennité de cette institution marque l’attachement de l’Etat à la coordination de son action par une autorité déconcentrée. La notion de mer territoriale est un autre pilier du droit maritime actuel, qui délimite, de manière évidemment non exclusive, une part du champ de l’action de l’Etat en mer. C’est au XVIème siècle qu’un certain nombre d’auteurs, dont Jean Bodin, ont revendiqué la souveraineté de l’Etat sur les eaux maritimes adjacentes à la côte. La notion de mer territoriale s’est alors formée, selon l’expression d’Albert de la Pradelle, «sur la base du canon à une époque où l’on garnissait les côtes de pièces à feu pour les défendre »(23). La portée maximale du canon était de trois milles nautiques : la mer territoriale s’étendrait d’autant, et cette définition, qui relevait de la coutume, se retrouvait également dans certains actes ou traités. Ce n’est qu’avec la convention de Montego Bay de 1982 que la mer territoriale fut étendue jusqu’à la limite de 12 milles nautiques(24). Les limites de la notion de mer territoriale ont en outre donné naissance à la zone économique exclusive durant la deuxième moitié du XXème siècle(25). L’histoire de la notion de mer territoriale permet ainsi de souligner le rôle essentiel joué par la coutume pendant plusieurs siècles. De nombreuses dispositions de celle-ci sont désormais codifiées. D’autres institutions ont subsisté et gardent aujourd’hui un rôle important. Il en va ainsi par exemple de l’Académie de la Marine, à laquelle Rouillé a donné une existence officielle en 1752(26), ou des premières écoles d’hydrographie, fondées sous Richelieu, ancêtres de l’école navale créée en 1830 au tout début de la Monarchie de Juillet. Au terme de cette brève incursion dans l’histoire, il apparaît que l’action de l’Etat en mer a été marquée, sur la très longue période, par son intermittence : à des périodes d’engagement et d’ambition ont succédé des phases de repli ou de désintérêt. Aussi paradoxal que cela soit, l’intérêt stratégique de la mer n’a pas toujours été bien compris au cours des siècles par l’Etat et la présence d’une puissance maritime de premier plan, à proximité immédiate de nos côtes, a sans doute contrarié les ambitions maritimes françaises, militaires et civiles, et
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partant l’action de l’Etat en mer. En outre, alors même qu’un certain nombre de traits historiquement distinctifs de l’action de l’Etat en mer ont sombré dans les abysses, parfois pour le meilleur, comme l’existence d’une justice d’exception, cette action a survécu à toutes les traverses, elle s’est diversifiée et amplifiée, tout en restant marquée par des concepts et institutions qui ont contribué à façonner au cours des siècles le droit maritime. La physionomie de l’action de l’Etat en mer est pourtant aujourd’hui totalement différente de ce qu’elle était il y a encore cinquante ans. Cela est dû, selon moi, à plusieurs facteurs. Le premier est celui de l’émergence de nouveaux acteurs internationaux. La Marine française peut ainsi être engagée dans le cadre de l’OTAN, tandis que la politique de la pêche est un domaine qui relève très largement du droit de l’Union européenne. Le second facteur, intimement lié au premier, est la place prise par le droit conventionnel. La lutte contre la pollution marine, la sécurité en mer ou la lutte contre la piraterie sont par exemple des questions qui relèvent de plus en plus d’une approche commune à de nombreux Etats et plus seulement d’une approche monoétatique. La multiplication des activités, des opportunités mais aussi des risques ayant pour support l’espace maritime impose enfin d’adapter l’action de l’Etat et lui confère de nouvelles obligations. Espace dédié à des transports ou des trafics de toutes natures, espace stratégique d’un point de vue militaire, la mer est aussi le réservoir de ressources multiples mais pas infinies (avec la pêche et l’exploitation des fonds marins et du sous-sol). Elle est donc le cadre et le support d’activités économiques, voire de loisirs, mais aussi d’activités délictuelles ou criminelles. Réglementer ces multiples usages tout en assurant la sécurité de chacun, en préservant les ressources et en luttant contre les pollutions constitue un ensemble de défis importants pour l’autorité publique. Ces défis sont d’autant plus pressants que la globalisation du monde et des échanges ainsi que la multiplication des acteurs publics et privés en mer accroît les risques de choc des intérêts dans les espaces maritimes. Dans ce contexte, des responsabilités nombreuses pèsent sur l’Etat, du fait de ses intérêts, certes, mais également de l’exigence de protection de ses ressortissants comme de ses engagements internationaux. Comment par exemple agir lors du naufrage d’un navire battant pavillon maltais, dont l’armateur est italien et qui est affrété par une société française ? Comment lutter de manière efficace et coordonnée contre toutes les formes de piraterie ? Comment, encore, protéger les frontières maritimes dans le cadre de l’Union européenne ? L’intérêt d’une action efficace de l’Etat en mer ne saurait donc être méconnue, aujourd’hui moins que jamais, ni, par là même, l’intérêt de ce colloque.
Notes : (1) A. Anthiaume, Le Navire. La construction en France et principalement chez les Normands, Paris, Ed. Eugène Dumont, 1922. (2) Selon la formule du cardinal d’Ossat, grand diplomate, qui estimait au début du XVIIème siècle que c’était une honte qu’un «si grand royaume flanqué de deux mers n’ait pas de quoi se défendre par mer contre les pirates et corsaires, tant s’en faut contre les princes» (cité par P. Clément, Histoire de la vie et de l’administration de Colbert, Paris, 1846, Guillaumin, p. 375). (3) Ch. de la Roncière, Histoire de la marine française : la Guerre de trente ans ; Colbert, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1920, tome 5. (4) B. Barbiche, «Les questions coloniales au Conseil du Roi, de Richelieu à Louis XVI», in J. Massot (dir.), Le Conseil d’Etat et l’évolution de l’outremer français du XVIIème siècle à 1962, Dalloz, 2007, p. 16-17. (5) L’inscription maritime réglemente l’enrôlement des gens de mer, qui servent sur les bâtiments du roi selon un système de rotation (système des classes). Quant à la caisse des invalides, elle constitue la première mesure sociale qui fut spécifique aux marins et fut instituée afin de secourir les marins blessés ou invalides. (6) Le plus célèbre commentateur de l’ordonnance de 1681 ne craignait d’ailleurs pas les superlatifs pour décrire ce « chef d’œuvre législatif » : «l’admiration fut universelle, à la vue d’une ordonnance si belle dans sa distribution économique, si sage dans sa police générale et particulière, si exacte dans ses décisions, si savante enfin que dans la partie du droit, elle présente autant de traités abrégés de jurisprudence qu’il y a de sujets qui en font l’objet» (Valin, Nouveau commentaire sur l’ordonnance de la marine du mois d’août 1681, La Rochelle, 1761, tome premier, p. 3). L’ordonnance de 1681 se compose de 704 articles, répartis en cinquante-trois titres, dans lesquels sont passés en revue les détails du commandement, les pavillons, la sûreté à bord, la garde des ports et des arsenaux… L’ordonnance de 1689 se compose pour sa part de 1406 articles répartis en 108 titres. Sur tous ces points, voir notamment P. Clément, Histoire de la vie et de l’administration de Colbert, op. cit., p. 374 et s. ; dans R. Mousnier (dir.), Un nouveau Colbert, Paris, 1985, Sedes, les contributions de M. Boulet-Sautel, «Colbert et la législation», p. 119 et s. et de E. Taillemite, «Colbert et la Marine», p. 217 et s. (7)Voir, par exemple, J. Tramond, Manuel d’histoire maritime de la France, Paris, Ed. Challamel, 1916 ; M. Filion, «La crise de la Marine française, d’après le mémoire de Maurepas de 1745 sur la marine et le commerce», Revue d’histoire de l’Amérique française, 1967, vol. 21, n° 2, p. 230 et s. (8) E. Taillemite, Louis XVI, le navigateur immobile, Paris, Payot, 2002. (9) Des hommes comme l’amiral Kerguelen ou le comte de LatoucheTréville appelaient ainsi de leurs vœux un état de chose plus conforme à la raison et à la justice. Voir par exemple G. Delépine, L’amiral Kerguelen et les mythes de son temps, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 179 et s. (10) Sur tous ces points, voir J. Tramond, Manuel d’histoire maritime de la France, Paris, Ed. Challamel, 1916, p. 567 et s. ; W. S. Cormack, Revolution and political conflict in the French navy (1789-1794), Cambridge University Press, 1995. (11) B. Barbiche, «Les questions coloniales au Conseil du Roi, de Richelieu à Louis XVI», op. cit., p. 16-18. (12) E. Taillemite, «Le Conseil du Roi et les colonies sous Louis XIV», in Le Conseil d’Etat et l’évolution de l’outre-mer français du XVIIème siècle à 1962, op. cit., p. 9 et s. (13) A. Berbouche, Pirates, flibustiers et corsaires de René Duguay-Troüin à Robert Surcouf. Le droit et les réalités de la guerre de course, Paris, Ed. Pascal Gaboldé, 2010, p. 74-75. (14) L.-A. de Bougainville, Voyage autour du monde par la frégate du Roi La Boudeuse, Paris, Saillant et Nyon, 1771. (15) L.-A. Milet-Mureau, Voyage de La Pérouse autour du monde, Paris, Plassan, 1798. (16) Sur tous les points développés par la suite, voir A. Berbouche, op. cit. (17) Les Etats-Unis, qui n’ont pas signé la déclaration de Paris de 1856, ont récemment renoué avec la course, une loi de 2001 permettant en outre au Département d’Etat de délivrer des licences corsaires sans l’aval du Congrès. Une entreprise américaine de sécurité maritime a armé en 2007 un navire de guerre et poursuivi dans le golfe d’Aden les pirates oeuvrant au large de la Somalie ; voir A Bercouche, op. cit., p. 224-225. (18) Voir J.-P. Zanco, «Cent ans rue Royale. Le siège de l’administration de la marine au XIXème siècle», Revue historique des armées, 2007, n°248, p. 12 et s. (19) Voir J.-P. Zanco, «Autour du Code de justice maritime (1858-1965). Une brève histoire de la justice maritime», Revue historique des armées, 2008, n° 252, p. 72 et s. (20) La cale consistait à arrimer la personne à une vergue et à la plonger dans l’eau plusieurs fois de suite ; la bouline consistait à faire passer plusieurs fois la personne entre deux rangées de marins armés de cordes. (21) Loi n°65-542 du 8 juillet 1965 portant institution d’un code de la justice militaire. (22)Par une ordonnance du 7 floréal an VIII, voir Rapport d’information sur l’action de l’Etat en mer, Sénat, 2004-2005, n°418, p. 7-8. (23) Cité par J.-P. Pancracio, Droit de la mer, Paris, Dalloz, 2010, p. 151. (24) Sur l’évolution historique de la notion de mer territoriale, voir J.-P. Pancracio, op. cit., p. 150-155. (25) Ibid., p. 170. (26) M. Allard, «Antoine-Louis Rouillé, secrétaire d’Etat à la Marine (17491754)», Revue d’histoire des sciences, 1977, t. 30, n°2, p. 97 et s.
*Texte écrit en collaboration avec M. Olivier Fuchs, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat.
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Vie du droit
“Mélanges” en l’honneur de Jerry Sainte-Rose Cour de cassation - 9 juillet 2012
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Catherine Puigelier, Professeur à l’Université Paris Lumières et Vincent Lamanda, Premier Président de la Cour de cassation ont remis ce 9 juillet à Jerry Saint-Rose un ouvrage volumineux en deux tomes intitulé “Mélanges en l’honneur de Jerry Sainte-Rose” sur le thème de la diversité du droit, face à un parterre de prestigieuses personnalités issues des mondes judiciaire, universitaire, économique et politique. Par ces quelques lignes, nous nous associons à l’hommage rendu au grand juriste, par les quatre-vingt auteurs et François Terré (rédacteur de la préface), qui a participé avec un dévouement sans faille à l’œuvre de justice. Jean-René Tancrède
Jerry Sainte-Rose a remise de Mélanges est toujours l'occasion de remerciements. Des remerciements adressés aux quatre-vingt auteurs d'un travail remarquable et touchant. Quatre-vingt auteurs qui ont patiemment et efficacement marqué leur amitié et leur admiration à l'égard d'un grand magistrat, quatre-vingt auteurs qui ont été bousculés lors du rassemblement des épreuves de ces Mélanges mais qui ont toujours fait preuve d'une élégance et d'une patience inégalées. Le livre auquel ils ont (ici) participé est d'une grande qualité scientifique et il marque déjà la mémoire du droit. Des remerciements adressés au Centre de recherches en théorie générale du droit (parrainé par l'Académie des sciences
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morales et politiques) créé par Monsieur. le garde des Sceaux Jean Foyer et désormais présidé par Monsieur. le Professeur François Terré qui a accepté d'accueillir ce livre parmi ses travaux annuels. Des remerciements adressés à Monsieur. Jean Vandeveld, Madame Stéphanie Michaux, Madame Julie Pennewaert et Madame Valérie Le Pape qui ont permis à ces Mélanges de voir le jour au sein des prestigieuses éditions Bruylant. Leur gentillesse et leur efficacité se sont bien accordées avec les plumes tout aussi prestigieuses de ce livre. Des remerciements enfin adressés à Monsieur. le Premier président Vincent Lamanda et à la Cour de cassation qui ont
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Vie du droit accepté de nous recevoir ce 6 juillet 2012 dans l'Atrium de la Grand'Chambre pour permettre la remise à Monsieur. l'Avocat général Jerry Sainte- Rose d'un ouvrage qui nous est très cher. Pourquoi sommes-nous si heureux de remettre aujourd'hui ces Mélanges à Monsieur. l'Avocat générale Jerry Sainte-Rose ? Parce que Monsieur. Jerry Sainte-Rose a choisi, comme ceux qui interprétaient la loi à Rome ou au siècle des Lumières, de participer à l'important effort des gens de justice a l'essor intellectuel ou culturel de la France. Il a rejoint ces jurisconsultes et magistrats, ces historiens et philologues, ces écrivains et moralistes de premier ordre que furent le Président Guillaume de Lamoignon ou le Chancelier d'Aguesseau. Monsieur Jerry Sainte-Rose a pour parfaire les théories de l'adjudication été successivement Commissaire du gouvernement au Tribunal des conflits, Avocat général a la Cour de cassation et Conseiller d'État en service extraordinaire. II a présenté des avis ou des observations devant ces juridictions suprêmes (et centrales de notre système judiciaire). ll a rédigé un nombre considérables d'études de droit et de notes de jurisprudence. Toutes les branches du droit furent approchées et maitrisées. On trouve, au sein de sa littérature, les sources du droit, les libertés publiques, le droit des personnes et des incapacités, le droit de la
filiation, le droit du manage, le droit des biens, le droit de la propriété intellectuelle, le droit de la consommation, le droit des sociétés, le droit des assurances, le droit médical, etc. II a publié dans les plus grandes revues françaises et étrangères, pas moins de sept cent références de publications ont été citées au sein de ces Mélanges. II existe encore d'autres publications a travers le monde qui n'ont pu être rappelées. Monsieur Jerry Sainte-Rose a, en tant que représentant (notamment) du Parquet général à la Cour de cassation et missionnaire d'une interprétation, donné son avis sur à peu près toutes les grandes affaires qu'a connu le monde judiciaire depuis ces vingt-cinq dernières années. La finesse de sa pensée a souvent marqué les esprits, souvent retenu l'attention (pour plus de précisions je renvoie ici à la belle étude de Gilles Raoul-Cormeil publiée aux Petites Affiches) des juges du Tribunal des conflits, de la Cour de cassation ou du Conseil d'État. Elle a également marqué les travaux des universitaires qui l'ont toujours lu avec beaucoup d'attention et beaucoup de respect. Mais il y a bien plus. Monsieur Jerry Sainte-Rose a incontestablement apporté à l'histoire judiciaire ou à l'histoire tout court. Il a donné une idée de la justice et offert le rappel d'un discours judiciaire comme il en existait dans les Mémoires d'Ancien Régime.
Il est possible de trouver dans son travail aux côtés des grands textes de Mémoires de SaintSimon, Stendhal, Chateaubriand, Bassompierre, Robert Challe, d'Argenson, Voltaire..., l'écriture de lignes de droit qui en appelle à la liberté et à la justice, aux Lumières et à l'intelligence. Il n'est pas vain de comparer les travaux de SaintSimon, de Stendhal, de Chateaubriand avec ceux de Monsieur Jerry Sainte-Rose tant la qualité de l'écriture et la profondeur des messages de ces grands hommes (qui se sont intéressés au droit) sont à retenir. Plus simplement, l'on ne peut que s'incliner devant la carrière magistrale de Monsieur l'Avocat général qui constitue un exemple pour tous, s'incliner devant ses écrits qui dépassent l'idée de droit pour atteindre celle de justice, s'incliner devant la passion et la rigueur d'un homme dont le nom restera en résonnance dans les murs de l'Atrium de la Cour de cassation. Voltaire s'était sur cette même Ile de la Cite risque a exprimé des réticences à l'égard des juristes. Il ne les aimait pas beaucoup, disait-il. C'est parce qu'il n'avait pas rencontré M. l'Avocat général Jerry Sainte-Rose qui quelques siècles plus tard réconciliera le droit et la littérature en devenant l'un des plus grands représentants de la magistrature. C'est pour le rappeler et lui rendre hommage que nous sommes tous ici réunis. Je vous remercie infiniment de votre présence. 2012-533
Direct
Ministère de l’Economie Economie numérique : création d'une mission d'expertise
Le Ministère de l’Economie et des Finances et le Ministère du Redressement productif ont confié à Pierre Collin, Conseiller d’Etat et Nicolas Colin, Inspecteur des Finances, la mission de dresser l’inventaire des impôts et taxes actuels relatifs à l’économie numérique, leurs conclusions seront rendues dans le courant de l’automne 2012. Jean-René Tancrède ierre Moscovici, ministre de l’Economie et des Finances, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances, chargé du Budget et Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Economie numérique, annoncent la mise en place d’une mission d’expertise sur la fiscalité du numérique. Cette mission sera confiée à Pierre Collin, conseiller d’Etat, et Nicolas Colin, inspecteur des Finances.
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Notre système fiscal appréhende difficilement les nouvelles formes de transactions issues du développement de l’économie numérique. Il en résulte un manque à gagner pour les finances publiques et un désavantage compétitif pour les entreprises françaises, par rapport aux groupes internationaux qui s’organisent pour éluder ou minorer leur imposition. La mission dressera un inventaire des différents impôts et taxes qui concernent aujourd’hui ce secteur, effectuera sur ce sujet une comparaison internationale et évaluera la situation des sociétés au regard de cette fiscalité. Elle formulera des propositions visant à créer les
conditions d’une contribution à l’effort fiscal du secteur mieux répartie entre ses différents acteurs et favorable à la compétitivité de la filière numérique française. La mission s’attachera notamment à dégager des propositions en matière de localisation et d’imposition des bénéfices, du chiffre d’affaires, ou, éventuellement, sur d’autres assiettes taxables. Elle rendra ses conclusions à l’automne. Parallèlement, les ministres seront attentifs aux réflexions issues du Conseil national du numérique ainsi qu’à l'évolution des travaux parlementaires en cours. Source : Communiqué du 12 juillet 2012
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Jurisprudence
Campagne d'affichage du mouvement raëlien et liberté d’expression Cour Européenne des Droits de l'Homme - Grande Chambre - 13 juillet 2012 Requête n° 16354/06 Dans son arrêt de grande chambre dans l’affaire Mouvement raëlien suisse c. Suisse (requête no 16354/06), la Cour Européenne des Droits de l’Homme dit, à la majorité, qu’il y a eu : Non-violation de l’article 10 (liberté d’e xpression) de la Convention européenne des droits de l’homme. L’affaire concernait le refus des autorités d’autoriser l’association Mouvement raëlien suisse de poser des affiches représentant des extraterrestres et une soucoupe volante au motif que l’organisation se livrait à des activités jugées contraires aux bonnes moeurs. La Cour a estimé que le refus répondait à un « besoin social impérieux » et que les autorités n’avaient pas outrepassé l’ample marge d’appréciation dont elles disposaient au vu de la dimension non politique de la campagne d’affichage. La restriction était de plus limitée au seul affichage sur le domaine public, laissant la possibilité à l’association de s’e xprimer par d’autres canaux. Principaux faits L’association requérante, créée en 1977, est une association à but non lucratif ayant son siège à Rennaz (Canton de Vaud, Suisse) et dont le but est d’établir des contacts avec les extraterrestres. En 2001, elle demanda à la direction de la police de Neuchâtel l’autorisation de poser des affiches représentant des visages d’extra-terrestres et une soucoupe volante et indiquant son adresse Internet et son numéro de téléphone. La demande d’affichage fut refusée par la direction de la police, le conseil communal et le département neuchâtelois de la gestion du territoire, au motif que l’organisation se livrait à des activités contraires à l’ordre public et aux bonnes moeurs. Le mouvement faisait la promotion de la « géniocratie », un modèle politique basé sur le coefficient intellectuel, et du clonage humain. En outre, un tribunal du canton de Fribourg avait jugé qu’il prônait « théoriquement » la pédophilie et l’inceste. Le mouvement avait par ailleurs fait l’objet de plaintes pénales pour certaines pratiques sexuelles envers des mineurs. L’association requérante allégua une censure pure et simple et affirma que la simple défense de la « géniocratie », du clonage et de la méditation sensuelle n’avait rien de choquant. En 2005, le tribunal administratif et le tribunal fédéral confirmèrent la décision des autorités locales. Le juge administratif reconnut que l’organisation pouvait se prévaloir de la liberté d’opinion et de la liberté de religion, mais que ses vues sur la « géniocratie » et ses critiques des démocraties contemporaines étaient susceptibles de troubler l’ordre et la sécurité publics ainsi que les bonnes moeurs. Le Tribunal fédéral rejeta le pourvoi du mouvement au motif qu’ouvrir l’espace public à cette campagne d’affichage aurait donné l’impression que l’État tolérait ou approuvait pareil comportement. Des affiches similaires ont été autorisées en 1999 dans plusieurs villes suisses telles que Zurich et Lausanne. L’association requérante a par ailleurs mené d’autres campagnes avec des affiches différentes de celle en cause entre 2004 et 2006, dans plusieurs villes suisses. En revanche, en 2004, le conseil communal de Delémont refusa d’autoriser une campagne souhaitée par la requérante avec une affiche comportant l’affirmation « Dieu n’existe pas ». L’association requérante voyait dans le refus des autorités d’autoriser sa campagne d’affichage une violation de ses droits découlant de l’article 10 (liberté d’expression) et de l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion). La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 10 avril 2006. Dans son arrêt de chambre du 13 janvier 2011, la Cour a conclu, à la majorité, à la non-violation de l’article 10. Le 20 juin 2011, l’affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre à la demande de l’association requérante, conformément à l’article 43 de la Convention. Une audience s’est tenue au Palais des droits de l’homme à Strasbourg le 16 novembre 2011. L’organisation Article 19 a été autorisée à intervenir en qualité de tierce partie dans la procédure (conformément à l’article 36 de la Convention). Dans les observations qu’elle a soumises à ce titre, Article 19 soulignait l’importance de la liberté d’expression sur Internet au regard du droit international et recommandait d’accorder en la matière une étroite latitude (marge d’appréciation) aux Etats. L’arrêt a été rendu par la Grande Chambre de 17 juges.
Neuchâtel) et qu’elle poursuivait les buts légitimes de prévention du crime et de protection de la santé, de la morale et des droits d’autrui. Contrairement à d’autres affaires que la Cour a examinées, l’association requérante n’a pas été confrontée à une prohibition générale de la divulgation de certaines idées mais à une interdiction de l’utilisation d’un espace public réglementé et encadré. Comme la chambre l’a relevé, les individus ne disposent pas d’un droit inconditionnel ou illimité à l’usage accru du domaine public, surtout dans le cas de campagnes de publicité ou d’information. La Cour rappelle tout d’abord que la latitude (marge d’appréciation) qu’ont les Etats pour apporter des restrictions à la liberté d’expression est faible en matière politique mais plus large dans des domaines susceptibles d’offenser des convictions morales ou religieuses ou encore dans les domaines publicitaire et commercial. C’est à ce dernier domaine que se rattachait le discours de l’association requérante puisque son site Internet cherchait à rallier des personnes à sa cause et non à aborder des questions relevant du débat politique en Suisse. Si ce discours échappait au cadre publicitaire, il s’apparentait néanmoins à un discours commercial puisqu’il était porteur d’un certain prosélytisme. Ainsi, la gestion de l’affichage public dans le cadre de campagnes non strictement politiques peut varier d’un Etat à un autre, voire d’une région à une autre au sein d’un même Etat, surtout si son organisation est de type fédéral. Par conséquent, l’examen de la légalité d’un affichage relève de la marge d’appréciation des Etats et il n’appartient pas à la Cour de s’immiscer dans ce domaine. La Cour souligne ensuite, qu’à la différence d’autres affaires, aucune question ne se pose quant à l’efficacité du contrôle juridictionnel effectué par les tribunaux suisses. Cinq juridictions ont examiné l’affaire, en ne se penchant pas seulement sur l’affiche mais aussi sur le contenu du site Internet, et ont soigneusement justifié le refus d’affichage en raison de la promotion du clonage humain et de la « géniocratie » opérée par l’association requérante, ainsi que de la possibilité que son discours engendre des abus sexuels sur des mineurs de la part de certains de ses membres. Si certains de ces motifs, pris isolément, pourraient ne pas être de nature à justifier l’interdiction de la campagne d’affichage, la Cour estime qu’au vu de l’ensemble de la situation, ce refus était indispensable aux fins de la protection de la santé et de la morale, de la protection des droits d’autrui et de la prévention du crime. L’association requérante a fait valoir que cette interdiction compliquait à l’excès la diffusion de ses idées. La Cour estime que limiter la restriction au seul affichage sur le domaine public réduisait au minimum l’ingérence dans ses droits. Le Mouvement raëlien pouvant en effet continuer à diffuser ses idées, notamment par le biais de son site Internet ou de tracts, l’interdiction de la campagne d’affichage n’était pas disproportionnée. La Cour conclut, par neuf voix contre huit, à la non-violation de l’article 10, estimant que les autorités suisses n’ont pas outrepassé l’ample marge d’appréciation dont elles disposaient dans cette affaire, et que les motifs de leurs décisions étaient « pertinents et suffisants » et répondaient à un « besoin social impérieux ». Article 9
La Grande Chambre dit avec la Chambre qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le grief de l’association requérante sous l’angle de l’article 9.
Décision de la Cour Article 10
Il n’est pas contesté que l’interdiction opposée à l’association requérante avait une base légale (article 19 du règlement de police de la ville de
Opinions séparées : Le juge Bratza a exprimé une opinion concordante ; les juges Tulkens, Sajó, Lazarova Trajkovska, Bianku, Power-Forde, Vučinić et Yudkivska ont exprimé une opinion dissidente commune ; les juges Sajó, Lazarova Trajkovska et Vučinić ont exprimé une opinion dissidente commune et le juge Pinto de Albuquerque a exprimé une opinion dissidente. 2012-535
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Annonces légales
Décoration
Marc Bellanger Chevalier du Mérite Paris - 22 juin 2012
e 22 juin 2012, les invités de Marc Bellanger furent accueillis par Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier de Paris, à la Maison du Barreau ; c’est son prédécesseur Jean Castelain qui a « officié » la cérémonie au cours de laquelle il a remis les insignes de Chevalier du Mérite à son confrère, il s’est notamment exprimé en ces termes :
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(…) Tout me rapproche de Marc Bellanger. Je suis issu des vallées de la Savoie, il descend de bretons malouins ; j'aime la montagne, adore la plongée ; je suis privatiste, il est publiciste... Entre l'est et l'ouest, les sommets et les profondeurs, le droit écrit et le droit compile, nous ne pouvions que nous rencontrer... et devenir amis, tant l'amitié procède souvent d'une mystérieuse alchimie des contraires. Marc Bellanger est né le 20 février 1965 à Argenteuil. Son père est ingénieur, sa mère secrétaire de direction. L'un travaille pour la fusée Ariane, l'avenir de tous, l'autre pour une caisse de retraite, le destin de chacun. Ils ont donné une sœur à Marc, qui est institutrice. Ils sont partis l’un et l'autre trop tôt pour être présents ce soir. Mais je suis sûr qu'ils sont là par la pensée. (…) Il prête le serment d'avocat en 1996. Quoique praticien, Marc poursuit une carrière universitaire pour être chargé de cours en droit du contentieux administratif, en droit administratif général, en droit de l'urbanisme. Devenu avocat, il enseignera a l'Ecole spéciale des travaux publics de Paris et à l'Ecole Supérieure des professions immobilières de Paris. (…) Parallèlement, Marc travaille auprès des avocats au conseil d'État et à la Cour de Cassation.
Les Annonces de la Seine - lundi 16 juillet 2012 - numéro 47
Je sais toute l'estime que nos confrères portent à Marc, leur présence en nombre ce soir en porte témoignage. Il est vrai que Marc maîtrise à merveille l'art si délicat de la procédure de Cassation. C'est une belle école de rigueur que de ciseler dans un mémoire le moyen qui permettra de faire aboutir un pourvoi. Le droit français, notre droit, progresse - aussi - par sa construction jurisprudentielle qui lui apporte la souplesse et l'adaptation nécessaires aux évolutions de notre temps. Cette responsabilité du juge est la contrepartie de la créativité juridique de l'avocat. De 1996 à 2003, Marc travaille seul. Il exerce en cabinet individuel. Sa petite entreprise ne connaît pas la crise. Nonobstant ce succès, en 2003, conscient de l'é volution de notre profession, Marc rejoint le cabinet fondé par Bernard du Granrut... en 1957. Je peux témoigner ici de l'estime, et même de la complicité, voire de l'affection, que cet immense bâtonnier avait pour son jeune confrère. Marc, il est vrai, s'investit totalement dans ses dossiers avec un dévouement complet pour ses clients. Il ne compte ni son temps, ni sa peine. Les associés en sourient parfois quand il s'étonne par e-mail d'être seul à travailler. Il est trois heures du matin et il s'en va, ou cinq heures et il arrive... Il plaide tous ses dossiers. C'est a priori distrayant de le dire quand on sait que la procédure administrative est écrite. Mais Marc tient à l'oralité des débats, à la nécessité d'emporter la conviction du juge par la force de son verbe et de le persuader, par l'intelligence de sa dialectique, de la pertinence de la solution souhaitée par son client. Et il plaide, demandant à son assistante de lui organiser des trajets impossibles pour être le matin à Douai et l'aprèsmidi à Perpignan, le lundi à Rennes et le mardi à Fort de France... C'est un expert du voyage, que dis-je du voyage, de l'e xpédition judiciaire.
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Photo © Nicolas Fagot
Décoration
Jean Castelain, Marc Bellanger, Christiane Féral-Schuhl et André Santini Il est vrai qu'il gagne beaucoup et souvent. Sans doute conduit-il ses procédures comme il joue aux échecs, car ce juriste est d'abord un stratège. (…) À mes côtés, pendant deux années, Marc s'est occupé, avec Jean-Jacques Israël, des relations de l'Ordre avec les juridictions administratives et, avec Emmanuelle Hauser-Phelizon, du droit des étrangers. Avoir auprès de soi un spécialiste est, pour le bâtonnier, un véritable bonheur. Sur quelque question que ce soit, sur quelque difficulté qu'il faille régler, Marc m'a apporté des réponses à chaque fois précises et documentées. Votre présence ce soir, Mesdames et Messieurs les Présidents et Conseillers des juridictions administratives, porte témoignage de la qualité des relations que nous avons entretenues ensemble pendant ces deux années. C'est à Marc Bellanger qu'en revient, pour une bonne part, le mérite. En se retournant un instant sur 2010 et 2011, les avocats se remémorent aisément les réformes qui ont été menées et qui ont bouleversé leur exercice professionnel : la communication sous forme électronique avec les juridictions civiles, la fusion avec les avoués, l'inter-professionnalité capitalistique, la réforme de la carte judiciaire, l'arrivée de l'avocat dans la garde à vue, la création de l'acte d'avocat... On oublie que, dans le même temps, des réformes importantes ont marqué la procédure administrative.
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Si les juridictions administratives connaissaient déjà une relation électronique avec les avocats pour mettre en ligne l'avancement des procédures, deux réformes importantes ont été mises en place. La première consiste à faire connaitre aux parties, avant l'audience, les conclusions du rapporteur public. C'est un progrès, même si les avocats regrettent encore que le sens des conclusions du rapporteur public ne soit pas suffisamment éclairé. De même, l'émergence de l'oralité des débats dans les juridictions administratives, au moment où les juridictions civiles tendent à diminuer celleci, est un progrès incontestable. Sur ces deux points, aux côtés de Jean-Jacques Israël, Marc a joué un rôle indéniable. Il est vrai que Marc sait l'importance du débat oral pour éclairer tel ou tel point que le mémoire n'aurais pas permis de mettre parfaitement, soit en lumière, soit en perspective. Enfin, le déménagement de l'Ecole du Barreau a Issy-les-Moulineaux a occupé Marc qui a fait office a la fois de conseiller spécial, sans en porter le nom, de mouche du coche pour faire avancer tel ou tel qui semblait s'arrêter, de facilitateur lorsque les discussions semblaient s'enliser, de médiateur pour la résolution des conflits... Bref un formidable appui pour le bâtonnier que j'ai été. Vérifiant les documents administratifs, s'assurant de ce que les recours des tiers n'étaient pas engagés, poussant les feux pour que le permis de construire soit délivré sans délai, contrôlant que les questions de sécurité étaient réglées, veillant a ce que la voie qui accueillera l'Ecole du Barreau
porte bien le nom de Berryer, en hommage a cet immense avocat du début du 19e siècle qui est un modèle pour l'ensemble du Barreau, Marc a été une espèce de génie au sens moyen-oriental de ce terme, c'est-A-dire qu'il surgissait toujours a mes cotes lorsque des difficultés se présentaient - qu'il surgissait même parfois avant qu'elles ne se présentent car il les avait anticipées - et qu'à chaque fois, avec un dévouement sans faille, il les résolvait. De tout ceci, cher Marc, je veux, à titre personnel, te rendre hommage. Lorsque, demain, 1.700 élèves avocats pousseront la porte de l'École d'Issy-les-Moulineaux, c'est un peu à toi qu'ils devront d'avoir des conditions matérielles exceptionnelles pour parfaire leur formation de juriste. (…) Le récipiendaire est un juriste consciencieux, intègre et loyal ; il a « l’esprit clair » a tenu à préciser Jean Castelain ; c’est dire combien il sait conseiller et écouter ses clients qui l’apprécient et reconnaissent en lui les qualités d’un juriste attentif et clairvoyant. Spécialiste en droit administratif, la procédure de cassation n’a pas de secret pour lui et les avocats aux Conseils lui portent une grande estime. Nous adressons nos chaleureuses félicitations à cet homme courageux et travailleur dont la fidélité reflète l’amour qu’il porte à sa famille.
Les Annonces de la Seine - lundi 16 juillet 2012 - numéro 47
Jean-René Tancrède 2012-537
LES ANNONCES DE LA SEINE Supplément au numéro 47 du lundi 16 juillet 2012 - 93e année
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Olivier Le Mailloux et Ophélie Kirsch
Conférence du Jeune Barreau de Marseille Rentrée Solennelle - 29 juin 2012 a séance solennelle de Rentrée du Barreau de Marseille s’est déroulée ce 29 juin au Silo en présence d’éminentes personnalités des mondes judiciaire, politique, juridique, économique et universitaire accueillies par le Bâtonnier Jérôme Gavaudan. Les lauréats du concours d’éloquence oratoire du Jeune Barreau ont animé le procès fictif “Marseille, Culture contre Football : le Procès” devant un tribunal arbitral constitué pour l’occasion.
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Olivier Le Mailloux, premier lauréat 2012 et Ophélie Kirsch, premier lauréat 2011 ont plaidé respectivement en demande et en défense avec un remarquable talent. Nous adressons nos chaleureuses félicitations à ces brillants avocats voués à une belle carrière. Jean-René Tancrède
J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
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Rentrée solennelle
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Olivier Le Mailloux
L’ultime espoir de la culture par Olivier Le Mailloux 'est le cœur bien lourd et gonflé d'affliction et de tristesse, qu’en cette belle et douce soirée de juin, j’ai l'heur et l'honneur de me présenter devant votre juridiction pour que justice soit enfin rendue. C'est à la requête de la Culture, humiliée, rabaissée, et même agonisante, à tous égards outragée dans ses droits les plus fondamentaux, que nous avons assigné le football en abus de position dominante et concurrence déloyale. Nous nourrissons l'ardent espoir, en dépit du chagrin qui nous étreint, que justice soit enfin rendue ce soir. Nous formons le vœu qu'enfin l'équité et le droit transcendent la lâche et insidieuse démagogie des dérives du football. Nous formons le vœu de nouveau, que ce soir, votre jugement et votre entendement corrigent les outrages de l'Histoire. Nous savons depuis la nuit des temps, depuis que l'Homme est Homme, « cet animal social » conscient et tourmenté par sa finitude, que selon les propres dire de Malraux, « la Culture ne s'hérite pas, mais elle se conquière ». En réunissant ce qui est épars, la culture a permis aux civilisations d'émerger, de réunir au-delà des différences, de fédérer, de bâtir le Temple de la liberté, de la fraternité et l'égalité, et ce temple hélas, est aujourd'hui profané. Ainsi unis par la connaissance, la naissance commune, la « gnosis » si chère aux philosophes grecs dont Phocée, notre ville est l'héritière outragée, des individus composites ont forgé les hommes et les femmes que nous sommes aujourd'hui… C'est donc tout à la fois en qualité d'héritier, en qualité d'homme conscient de cette insupportable tragédie et d'avocat humblement
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mandaté par la culture expirante mais fière que je me présente devant vous. J’espère que la cause soit en ce lieu entendue et que le football, pris en ses dérives car il faut bien les nommer, soit condamné à réparer le préjudice causés à la culture, pour concurrence déloyale et abus de position dominante. Je ne peux, Monsieur le Président, évaluer ce préjudice tant il est immense, itératif et intense. C’est la raison pour laquelle je vous propose de démontrer qu'il est nécessaire de condamner avec la plus diligente et exemplaire sévérité le football et ses dérives, non point en tant qu'idéal, jadis mais en qualité de félon et d'indigne héritier. Qu'accomplira-t-il encore ce fils déshonoré ? Se drapera-t-il des oripeaux de Britannicus et de Néron ? Qui interrompra son bras criminel ? L’Histoire, fille elle-même de la culture se fait parfois cruelle. Mais peut-être appartient-il dans un ultime expire, à la culture, de devenir l'Histoire. Et c'est ce soir en lieu, en ce forum dans sa plus belle et sa noble acception, que se joue, peutêtre, au fond et non en référé, notre destin commun. Nous n'irons pas au cirque en demandant du pain, mais seulement Justice pour châtier le Malin. ________ Vous avez, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du jury, Nous entendu les témoins aux charmes bucoliques, ainsi que l'erratique propos de l'adversaire que je n'ose nommer, tant il est infâme et dévoyé, tant il a trahi les idéaux dont il fut, jadis investi. J'en appelle à votre sagacité, à votre intelligence et à votre sagesse pour faire droit à notre demande et à ne pas céder à la facilité, au populisme et à la démagogie.
Je vous exhorte à entendre, à observer, à percevoir les faits et les seuls faits, à faire fi de toute argumentation contraire, à ne pas céder à la pression populaire, aux clameurs de ce Peuple qui s'abîme et s'oublie dans des libations indignes et des violences criminelles, les soirs de rencontres supposément sportives. Songez, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du jury, à ce qu'il peut advenir, à Furiani ou ailleurs, quand la sécurité dans les stades fait défaut en dépit des obligations de sécurité et les dispositions du Code pénal qui incriminent les violences volontaires, les homicides... Rappelez-vous ces drames, ces violences extrêmes ou pour un mauvais résultat quand la victoire semble acquise, les Hooligans avinés déchaînent leur colère. N’oublions pas que pour une main malhonnête, prétendument divine, certains joueurs ont déifiés un comportement qui confine au cynisme et à la tricherie le plus détestable. Trop souvent la ligne blanche a été franchie… et l’on s’est bien compris Pour vous, la fin justifie les moyens et ces pseudo dieux du stade ne sont qu’en fait veaux d’or aux pieds d’argiles. Encore faut-il vos pseudo joueurs que vous aimez tant daignent descendre de leur bus. Alors ne vous y trompez, oui j’aime le football quand il est pratiqué avec cœur, oui j’aime le football quand il unit et rassemble au sein d’une émotion et d’un destin commun. Autant je l’exècre quand il se dévoie et qu’il ne devient qu’une rencontre de sponsors par joueurs obnubilés par l’argent ou qu’il n’est qu’un torrent d’insultes envers l’arbitre ou envers le public. Or, je constate qu’aujourd’hui, le football tel qu’il est pratiqué déçoit et confère un bien triste exemple en flattant nos instincts les plus bas. Il promet, aux plus jeunes d'entre nous, une gloire vaine et stérile en valorisant l'argent, supposément obtenu aisément. De façon plus grave, il subvertit les rêves de notre jeunesse quand ses représentants, ses légats se font scélérats. Nul besoin d'évoquer la tragédie du dopage, qui résulte du culte pour le moins malheureux du « Toujours plus haut, plus vite, plus loin », toujours plus d’arrogance et de mépris, toujours plus d’argent, voilà la réalité Il trahit de même les idéaux olympiques portés hier, par le baron de Coubertin, en exposant au quotidien la triste réalité désenchantée du mercantilisme le plus détestable et le plus outrancier. Je n’oublie pas la sordide réalité médiaticojudiciaire de rencontres achetées et de la complicité de certains politiciens corrupteurs et complaisants. Avons-nous perdu la raison pour idéaliser et valoriser de si détestables pratiques ? Le football, notre adversaire s'est avili dans des amours tarifées, comme un ministre il y a peu l'avait confessé. Nous avons tous souvenance d'une jeune femme, mineure de surcroît, au moment des faits, négociant âprement ses charmes supposés avec plusieurs « joueurs », le terme est bien choisi, promptement reconvertie par ailleurs dans le monde des affaires.
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A cet égard, je forme pour elle le souhait que ces dernières soient de nature économique, et non point judiciaire. Mais gardons-nous de toute caricature : ce n'est pas dans les bras de quelque hétaïre ou péripatéticienne que le football s'est oublié. C'est dans la sombre démagogie du footballspectacle, où s'entremêlent tout à la fois débauche, violence, capitalisme irraisonné, insulte, que de telles dérives nous entrainent inexorablement. Les valeurs de notre société, de solidarité, d’exemplarité, d’irréprochabilité sont malmenées. Tel est le triste constat que j'esquisse, ce soir, devant vous. C’est pourquoi, la reconnaissance de la culpabilité, du football à l'égard de la culture, est ici sollicitée. Trop souvent la culture passe au second plan par rapport au football. Le taux de remplissage des stades de foot est inversement proportionnel à celui des musées. Autant il est aisé de ne pas avoir connaissance d’une exposition, autant nous sommes bien souvent pris en otage les soirs de match. Vous l’avez bien entendu ! Ne nous y trompons pas, la culture est tout à la fois mère éplorée, âgée et digne expirant sous les coups d'un fils adulé et choyé, incestueux comme Œdipe, épouse délaissée au crépuscule de sa vie et victime majestueuse. Elle se soumet au droit, confiante en les valeurs que vous représentez. Alors qu'est-il donc advenu, Monsieur le Président ? Quels sont donc les ressorts de cette tragédie grecque qui se joue de l'Histoire, ironise parfois, dans une cité précisément fondée par les Grecs ? Alors même que Marseille, sera, demain, en 2013, capitale européenne mais éphémère de
la culture, je crains hélas, de n'être pas certain que ployant sous les assauts de ce fils rebelle et ivre du pouvoir qu'il a conquis sur les esprits, la culture ne soit sur le point de pousser son dernier soupir. Nul besoin de vous présenter quelque expertise médicale absconse, ni d’abondant test anti dopages… L'évidence et les faits témoignent du caractère légitime et poignant de cette instance. C’est vrai mes alarmes sont fondées et je suis certain à l'heure où je vous parle, qu’elles sont partagées. Comme une ultime évidence. Bien sûr, nous pourrions tenter d'esquisser le sublime tableau culturel, de Phocée, devenue Massalia puis Marseille. Marseille l'insoumise, Marseille la rebelle... Marseille, liée au destin de Pompée quand César devint Prince. Marseille, se fait plurielle, se décline et se conjugue, à l'infini, et ce depuis toujours, ne redoutant ni les bien-pensants ni l’absolutisme : Accueillante et fraternelle, elle ouvre ses bras « aux aimés que la vie exila » se plaisait à dire Apollinaire. Cette si belle et touchante Phocée fille de Gyptys et Protis se doit d'être accueillante pour son enfant blessée. Ville de culture, dont elle est aussi la matrice nourricière, berceau de la civilisation méditerranéenne et trait d’union entre les cultures d’Orient et d’Occident, se doit d'être accueillante pour son enfant blessée. Le MUCEM n’en est-il pas le plus vibrant hommage ? Elle se présente à vous meurtrie mais confiante. Vous la voyez blessée mais non résignée. Elle s'empourpre de colère quand l'injustice l'étreint, elle se fait alors rouge comme une œuvre d’Ambrogiani pour enflammer les sens et l'imaginaire.
Elle sait aussi se faire éther comme le sfumato d’un tableau de Ziem. Avant-gardiste elle l’est surtout lorsque Monticelli fut le digne précurseur de l’impressionnisme et que le grand Vang Gogh lui-même l’avait pris pour modèle. A la pointe, Marseille l’est également avec son Opéra qui fait naître non pas des stars d’une saison mais des danseurs étoiles, semeurs d’éternité. Accessible et émouvante, populaire et non populiste, avec les œuvres de Daudet, Pagnol, et de Giono qui ont enchanté notre réel et qui demeure l’un des plus merveilleux patrimoine que Marseille se doit d’honorer. Courroucée, elle gronde un hymne devenu national se manifestant dans ses rues à la Révolution. Elle fut jadis radieuse, aussi, il y a déjà longtemps déjà quand par Le Corbusier elle s'est illuminée. Ce temps, je l’espère, n’est pas révolu... Songe-telle à se venger telle Monte-Cristo, de ce fils si cruel, pour ses années d'exil, non au Château d'If mais au stade Vélodrome ? Elle n'a plus hélas, le charme juvénile de Roxanne, certes non, mais Cyrano, petit-fils de Marseille car enfant de Rostand n'aurait pas renié sa tendre inclination. Puget, Daumier, tant d'autres encore, peut-être oubliés l'on ne compte plus ceux qu'elle a enfantés. Nous tous dans notre humanité sommes ses descendants... Ce sublime tableau s’efface par l’effet du temps auquel notre adversaire contribue, adversaire ce soir. Nos sculpture les plus belles telle que celle représentant Berryer près du Palais de justice deviennent anonymes et oubliées y compris pour les membres de notre profession.
Christian Charrière-Bournazel, Jérôme Gavaudan, Ophélie Kirsch et Olivier Le Mailloux Les Annonces de la Seine - Supplément au numéro 47 du lundi 16 juillet 2012
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Haute juridiction de céans de le dire car vous incarnez l'ultime espoir de la culture. Soyez le phare qui la guide dans cette houleuse traversée, comme Phocée fut le phare pour tous les exilés. Accueillez-là, ouvrez-lui vos bras et rendez-lui justice. Votre jugement fera foi. La culture confère à l'homme son humanité et unit les hommes sans distinction d'ethnie, de couleur et de religion, car elle lutte sans relâche contre les passions, le fanatisme et l'ignorance. Elle favorise l'édification intellectuelle et morale de chacun en utilisant les ressources de tous, et
ce afin de répandre la connaissance, parce qu'enfin, la culture est la vraie richesse d’une société. C’est pourquoi, Messieurs les membres du jury, je vous demande de faire droit à notre demande et de rendre une décision empreinte de sagesse et d'équité. Soyez le phare phocéen qui accueille sa mère nourricière pour célébrer dignement les festivités de 2013. « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », professait Rabelais. Qu'il plaise à la Cour de reconnaître ce soir que « Société sans culture n'est que ruine sociale ». Et ce sera Justice.
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Que restera-il de notre patrimoine, de notre civilisation, quand nous aurons oublié jusqu'à notre Histoire ? Comment lutter ? La culture est bien désabusée. Peut-on admettre qu'elle soit, selon le bon mot attribué à Edouard Herriot, ce qui reste quand on a tout oublié, ou tout effacé. Que subsiste-il quand l'oubli s'insinue alors même que nous sommes tenus au devoir de Mémoire ? Peut-on se résigner? Il vous appartient, ce soir, Monsieur le Président et Mesdames et Messieurs les membres de la
Rentrée solennelle Les lettres de noblesse du football par Ophélie Kirsch n m'a commise d'office pour jouer « en levée de rideau » ! Le football a en effet eu du mal à trouver un défenseur. Et c'est moi que Monsieur Le Bâtonnier a désigné pour voler à son secours, moi, une femme qui n'y connaît rien au football ! La tâche est difficile mais c'est bien connu : « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ! ». Pour ne pas rester sur la touche, il n'existe qu'une solution : entrer dans le jeu !!! Mais comme je n'ai pas vocation à jouer les sparring-partners, je suis disposée à rendre coup pour coup. Alors débutons cette joute inédite ! Le dossier, je n'ai eu que quelques heures pour le préparer. Mais c'est bien suffisant car je constate qu'il n'y a rien de sérieux que l'on puisse reprocher au football, en dépit des propos emphatiques de mon confrère qui laissent à penser que le football a tué la culture ! Mais je vais faire en sorte de ne pas réagir sur un coup de tête. Jouant franc jeu, je vais plutôt essayer de reprendre la balle au bond afin de ne pas tomber dans vos filets ! Aujourd'hui, dans le football, la parole est à la défense. Rappelez-vous, il n'y a pas très longtemps, au lendemain de la finale de la Coupe d'Europe des clubs champions opposant Chelsea et Bayern : Qui est en 1ère page de l'équipe ? Le goal : Petr Chech. Car c'est celui qui prend le moins de but qui l'emporte. C'est un bon point pour moi ! Monsieur le Président, nous sommes aujourd'hui attaqués de front, et nous ignorons, pour l'heure, les reproches précis qui nous sont faits. Nous savons simplement que nous sommes poursuivis pour concurrence déloyale et abus de position dominante. En ce qui concerne la concurrence déloyale : Encore faudrait-il que nous prétendions à un même objet, pour être en concurrence ; et que nous en usions de façon déloyale. Quel pourrait être cet objet s'agissant de l'opposition football/culture ? Est-ce le droit à une reconnaissance universelle ? Le football n'a pas cette prétention... Quant à cette prétendue déloyauté, accuseriezvous la ferveur populaire portée à son paroxysme d'être déloyale ? Vous vous feriez bien des ennemis ! S'agissant du second motif de notre présence ici, l'abus de position dominante : Votre Dame culture attire-t-elle les foules ? Fédère-t-elle à ce point les gens et les peuples qu'ils en oublient leurs différences ? Non ! Un soir de finale, A moins de se réfugier sur une île déserte, nul ne peut échapper à cet événement où la France retient son souffle. Le temps est suspendu, et tout passe au second plan. On ne peut pas plus parler de concurrence déloyale que d'abus de position dominante car le football passionne, le football fait vibrer. Il a acquis la place qu'il occupe aujourd'hui, naturellement, sans abus ni déloyauté. Le sport le plus pratiqué au monde, c'est le football. La chose du monde la mieux partagée, c'est la connaissance du football. Quelle que soit
Ophélie Kirsch la nation à laquelle vous apparteniez, quelle que soit votre langue maternelle, quelle que soit votre culture, tous vous partagerez cette communion puisque, dès la prime enfance, shooter dans un ballon est inné. Edgard Morin écrivait : « Le football est un grand art dont les subtilités sont intelligibles à son public le plus populaire ». Le foot, c'est le creuset des nouveaux héros auxquels les supporters vont vouloir s'identifier. Mais il n'est pas élitiste comme la culture. Certes, il a son glossaire et son vocabulaire car il faut être initié pour pouvoir traduire cette phrase : « il a mangé la feuille de match » ! Mais on ne peut parler de déloyauté car le football a des règles connues de tous alors que la culture, véritable boule à facettes, peut nous prendre à contre-pieds. Etre déloyal c'est prendre par surprise. La culture nous surprend par son espace de liberté ! Qui ne s'est jamais posé la question de savoir pourquoi le tableau noir de Soulages est reconnu comme étant de l'art ? Le spectacle du football est accessible immédiatement alors que la culture nécessite souvent d'avoir des clés, oblige à un effort, et du temps, car pour acquérir tout au moins du savoir et qui sait de la sagesse, il faut attendre que les sédiments se redéposent. Pour l'homme
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pressé qui a besoin de sa dose d'adrénaline comme de sa dose de rêve, le football est un succédané, un ersatz de la culture plus moderne, plus accessible et dont la vocation sociale est indéniable. Il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie quatre jeunes supporters de l'OM préparer leur voiture pour le prochain match, cela vaut le détour ! C'est une ambiance, un contact humain que recherche l'amateur de football : Regardez d'ailleurs avec quelle minutie vous sortez vos agendas une fois publié le calendrier officiel, pour penser décommander cette soirée entre amis, qui passe ainsi au deuxième plan.... Alors que la culture est une occupation qui n'a pas besoin de témoins, et dont les satisfactions sont toutes intériorisées, le football est une expérience collective, et c'est sans doute cc qui plait, c'est sans doute ce qui fédère ! Je dois donc, à ses passionnés, de rendre ses lettres de noblesse au football que vous avez l'outrecuidance de défier ce soir ! ________ Mon contradicteur caricature le football en lui faisant supporter toutes les tares : violence, argent, dopage, prostitution.
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Rentrée solennelle Mais que nous vaut cet excès d'honneur ou cette indignité ! C'est comme si notre contradicteur se jetait dans un étang pour éviter une petite pluie ! Mais nous n'en demandons pas tant ! Vous savez que ce qui est exagéré n'a pas de valeur... Vous parlez, mon cher Confrère, d'une culture « outragée », je vous répondrai qu'elle se fait en ce lieu, et par vos mots, « outrageante » ! N'avons-nous pas vu naguère drapé dans sa robe d'inquisiteur et l'anathème aux lèvres notre accusateur se répandre en invectives et vilipender les dérives démagogiques du football en stigmatisant ses joueurs, tombés dans les rets tendus par les gourgandines et les ribaudes. En matière d'opprobre et de scandale, la culture n'aurait-elle pas part au procès ? Il serait trop facile de se défausser au regard de l'actualité. Je renvoie la balle à l'envoyeur ! N'est-ce pas plutôt à Dame Culture de se racheter une conduite, elle qui depuis l'avènement du sacro-saint petit écran se livre à une débauche de compromis et de compromissions en flattant les instincts les plus vils du peuple, en multipliant les émissions racoleuses, grotesques, indigestes, invitant des pseudo artistes à l'instar de « Qui veut gagner des millions ? », pour tomber ensuite dans celles rebaptisées à tort pour la circonstance « télé réalité ». De la réalité, elles n'en ont pas même un reflet et le constat tombe de lui-même : Au nom de la liberté d'expression peut-on tout se permettre ? Allez, mon cher Confrère, faire un tour au Festival d'Avignon. Je vous garantis que Jean Vilar se retournerait dans sa tombe s'il voyait à quel niveau de débauche et de licence ont tournés certains spectacles de rue en marge des manifestations officielles. Mais le « in » est souvent pire que le « off » Est-ce tout ce que vous nous proposez, au nom de Dame Culture (que vous semblez avoir anoblie à la façon anglo-saxonne) ? Mon Confrère avez-vous peut-être en ces mots confondu Dame Culture et Dame Nature ? Je gage que vous appelez à votre aide l'éloquence et son cortège d'illustres défenseurs. Or, depuis l'extinction de la race des tribuns, ce sont les tribunes, où l'on se presse, qui donnent de la voix. La politique de la chaise vide a montré ses limites, et comme la nature a horreur du vide, le football a pris la place vacante que lui a abandonnée la culture. Qui pourrait nous le reprocher ? Aujourd'hui, il est certain que le football a pris une place importante dans notre société, mais n'enlève pas le pain de la bouche a la culture, il ne vient pas manger dans sa gamelle - encore un terme de Baby-foot décidément nous sommes cernés ! On tente de nous rendre responsables de la perte d'intérêt pour la culture. Mais « nul ne peut invoquer sa propre turpitude » et ce serait faire preuve de mauvaise foi que de rejeter la faute sur le football ! La culture désinvestit la place et elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même si elle ne sait plus trouver son centre, oscillant entre deux extrêmes. Elle s'est en effet dans un premier temps, volontairement mise en retrait de l'espace public en se voulant élitiste. Favorisée en cela par ses codes, elle a encouragé l'attitude d'une catégorie de la population qui
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s'est autocensurée (l'opéra, ce n'est pas pour moi, la musique classique ça me gonfle, etc.), ce qui traduit un complexe perceptible. La culture aristocratique a tendance à regarder le football avec une condescendance certaine, cherchant ses repères dans un monde qui n'existe déjà plus, et dans lequel Stephan Zweig, dès 1942, ne se reconnaissait plus. On nous taxe de friser souvent le ridicule, nous, amateurs de football, mais voyez ou entendez plutôt sur France Musique le dimanche aprèsmidi dans le Jardin des critiques, les musicologues qui s'ébaubissent sur le vibrato ou le legato de telle ou telle soprano colorature, celle-ci « poitrine », cette autre a un parfait phrasé, une belle tessiture, une scansion impeccable ! La couleur de la voix de tel ténor donne lieu à des jugements définitifs et des mises au pilori. Si vous n'êtes pas un initié vous serez incapables de comprendre toutes ces subtilités dont ces experts se gargarisent avec un air gourmand. Nous « on refait le match » ! Les cinéastes avertis ou les musicologues dissèquent chaque mesure, chaque plan de la même façon. Ces exégètes de la pensée unique censés préserver l'orthodoxie du verbe ne sont après tout... que nos avatars. Vous pensez que le football est superflu voir superficiel et vous avez votre libre-arbitre, votre quant-à-soi, campé que vous êtes sur vos certitudes. Mais je reprendrai cet adage célèbre de Voltaire : « le superflu, chose bien nécessaire. »... Au moins le football ne se prend pas au sérieux ! Un peu de dérision d'ailleurs ne nuirait pas pour secouer un peu cette bonne vieille baderne qu'est devenue la culture qui a tendance à se laisser aller. Un peu de sang neuf pour régénérer cette vieille dame qui perd quelquefois la mémoire faute de ne pas vouloir se renouveler. Elle radote, tourne en rond, nous entrons dans le règne de l'immobilisme. Nous, au football on va toujours de l'avant. « En avant Guingamp ! ». Et puis, le football innove. Il a sa façon de dédicacer. C'est Bebeto, le footballeur brésilien, qui en dédicace à son enfant qui vient de naître fait semblant de bercer un enfant imaginaire. C'est Vahirua qui, à chaque fois qu'il marque un but, simule des coups de pagaie de pirogue tahitienne ! Avouez que cela a plus de gueule que d'aller déposer un grigri que personne ne verra plus au bas d'une page de garde ! Aujourd'hui, par un phénomène de bascule, la culture veut regagner du terrain en se voulant populaire, tombant d'un excès dans l'autre. J'en veux pour preuve la position de François de Closets, l'écrivain et journaliste émérite, qui milite pour la suppression de l'orthographe et pour que les jeunes écrivent phonétiquement, et nous allons jusqu'à supprimer l'épreuve de culture générale au concours de Sciences Po Paris. Quant aux « Dossiers de l'écran » avec Armand Jammot, ils sont « Perdus de vue » et nous avons lancé un avis de recherche Les émissions littéraires sont reléguées à des heures indues sur des chaines improbables comme « Public Sénat » ou « Bibliothèque Médicis ». Ces programmes confidentiels s'excuseraient presque d'exister !
Osons le reconnaître. Tant que la culture utilisera les mêmes moyens de distribution que le football en phagocytant les vraies librairies qui d'ores et déjà s'inscrivent dans une « chronique d'une mort annoncée » au profit des grands monopoles dont les deux tiers des best-sellers empilés en tête de gondoles sont voués par avance au pilon, la culture ne pourra s'en prendre qu'à elle-même. Faire masse pour forcer à la consommation comme on vend des boîtes de petits pois, en plébiscitant d'avance le dernier Guillaume Musso, la dernière pochade de Marc Lévy ou de John Grisham en ignorant délibérément les grands écrivains comme Umberto Ecco ou Gunther Grass (dont la venue à Aix-enProvence est passée totalement inaperçue), c'est condamner la véritable littérature en jouant sur les instincts supposés du grand public et son aspiration à des textes mièvres et lénifiants. La création est en panne. Avec les livres en ligne sur Internet, les opéras sur musiques classiques réduits à quelques morceaux à succès. Tout est prédigéré. Rien d'étonnant à ce que la culture perde du terrain ! Nous, amateurs du football, nous ne sommes pas dépositaires, de la défense de la culture ! Je renvoie la balle dans votre camp ! Pour l'édification des jeunes, il y avait Voltaire et Rousseau. Il y a maintenant Zinédine Zidane et Lilian Thuram. II faut bien vivre avec son temps ! Finies les années yéyé ou les années Pelé, un demi-siècle plus tard nous sommes passés aux années Gaga et Kakà. Il m'est d'avis que, seul le football, n'y a rien perdu ! A l'inverse, pour la culture, nous sommes passés du règne du beau livre à celui de la BD érigée en 9ème art, plus facile à assimiler, des joutes oratoires au carcan du SMS, des figures de style à l'écriture phonétique, malgré les dictées de Bernard Pivot, seul naufragé volontaire sur son île déserte à agiter encore les bras en guise de sémaphore, l'un des derniers à avoir essayé de réconcilier football et culture ! Le statut d'icône vivante, autrefois dévolu à Erasme, est attribué aux artistes du ballon rond. Que David Beckham soit seulement annoncé comme partant du Los Angeles Galaxy pour rejoindre le PSG et c'est l'effervescence à tous les niveaux et pas simplement dans la presse sportive. Qu'on demande au Français moyen quelle est la personnalité la plus populaire et ce sont les noms de Zidane et Messi qui reviennent en boucle. 0 temporal ! 0 mores! aurait dit Cicéron. Vous évoquez une violence intrinsèque supposément incarnée dans le football. De grâce, gardez-vous de tels clichés aussi stériles. Le hooliganisme, et j'ose moi-même prononcer ce mot que vous n'avez su formuler qu'à demimot, n'est que la maladie du football comme l'ignorance ou la bêtise celles de la culture ! Vous avez cherché à nous tacler en invoquant le caractère universel de la culture au moment où Marseille s'apprête en 2013 à devenir capitale européenne de la culture. Or, justement alors que le numéro de mars 2012 du National Geographic Magazine titre « 'Marseille's Melting Pot » comment ne pas rendre hommage au football, sport roi dans la capitale phocéenne qui agrège autour de l'OM toutes les communautés ethniques et religieuses réunies pour aller « Droit au but » !
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Deux ans après les larmes de Bari, « Basilou », notre Basil Boli, brandit la coupe aux grandes oreilles en finale de la Coupe d'Europe des clubs champions, propulsant l'OM au Zénith, par une tête d'anthologie. N'est-ce pas là tout un symbole pour Marseille ? Cette ferveur populaire s'illustre dans le portrait géant et incontournable de Zizou placardé pendant des années sur une des façades de la Corniche. Quel évènement culturel local serait susceptible de l'égaler ? Aucun. Est-ce que cela peut s'assimiler à de la concurrence déloyale ? Le peuple doit être souverain dans ses choix. Pourquoi lui imposer ce qu'il doit ou ne doit pas aimer ? D'aucuns diront que le football a rompu le contrat social en recourant au texte du chantre des principes de la Révolution française. Rousseau postule que l'intérêt particulier est contraire à la recherche de l'intérêt général, seul objectif du contrat social. En quoi le football se sentirait concerné ? A ma connaissance il n'exclut personne. Bien au contraire. La dissolution du contrat social, c'est le retour à l'état de nature, primitif, présocial, tyrannique. Une société qui rompt son contrat social ne serait plus une société... En quoi le football rompt l'ordre social alors même qu'il circonscrit les instincts guerriers et le droit du plus fort aux limites d'un terrain de football ? Vous accusez encore le football d'être corrompu par l'argent. Certes il n'y a plus comme au temps des Malraux ou des Debré, de ministère commun au sport et à la culture pour réconcilier les inconciliables, mais il serait vain d'affirmer que le sport a plus de moyens que la culture. Les chiffres sont têtus et incontestables ! Alors que les budgets de la culture de nos voisins européens ont été revus à la baisse sur fond de crise économique et financière généralisée, la
France a augmenté son budget de la culture et de la communication en 2012 de 0,9% avec un montant consacré de plus de 7,4 milliards d'euros quand celui du sport plafonne à 470 millions d'euros ! Non, les pouvoirs publics ne favorisent pas le football. Ils ne sont pas les “deus ex machina” qu'on voudrait nous faire croire. Regardez ces petites équipes de football, Quevilly par exemple avec ses bouchers, ses boulangers, qui sont arrivés en finale de la Coupe de France. Les accuseriez- vous d'avoir été subventionnés ou ne sont-ils pas, à leur façon, de petits artisans ? Quant à l'attaque que vous portez en taxant les fans de foot d'être des gens incultes, je rétorquerai simplement avec les mots d'un illustre écrivain qui repose à quelques kilomètres d'ici, Albert Camus, passionné de football « ce que je sais sur la morale, c'est au football que je le dois ». C'est pour lui, la meilleure école de vie qu'il n'ait jamais eue. Nous nous inscrivons ici en faux contre l'argumentation fallacieuse qui tendrait à assimiler le football à la débauche et à la dépravation. Ne voit-on pas Dame Culture s'avancer dans ses plus beaux atours en vierge effarouchée, poussant des cris d'orfraies lors même que la place n'est pas encore investie ? Non le football n'a pas sonné, avec la fin du match, l'hallali de la culture et nul n'est besoin de crier encore au loup ! Non, rassurez-vous, cette Sainte Nitouche ne restera pas sur la touche et ne fera pas banquette. Notre banc est bien trop riche pour que nous la mettions au ban de l'humanité. Elle aura toujours ses chevaliers servants prêts à pourfendre les mécréants de leur plume acérée. D'ailleurs ne s'envoie-t-elle pas, par le truchement de son mentor des fleurs - de rhétorique - partant du principe qu'« on est
jamais mieux servi que par soi-même » ! Qu'elle reste l'arbitre des élégances et l'ornement des salons, et ce n'est pas un prétexte parce que les latins ont confisqué pendant des décennies aux peuples nordiques la suprématie de notre sport favori, qu'il faut nécessairement qu'elle en perde le sien, de latin. Certes elle est imbue de ses prérogatives, mais qu'est-ce qu'« un but » sinon le Saint Graal pour les passionnés que nous sommes ! Nul besoin d'emphase, de grandiloquence et d'effets de manches pour faire encore illusion et masquer la réalité. Feindre d'ignorer la force d'attraction supérieure du phénomène football sur les masses ce serait comme revenir au temps de l'obscurantisme et nier la rotondité de notre planète. Cette minuscule sphère de cuir n'a-t-elle pas à son échelle la force d'attraction d'un « trou noir » dans le Cosmos ? Le football, vous le savez, n'est pas qu'un simple jeu. C'est aussi et surtout, le reflet de notre société. Il véhicule un certain nombre de valeurs : le courage, l'abnégation, le dépassement de soi, l'esprit d'équipe. Il rejette toutes formes de discriminations, et je prendrai pour exemple ces coupes du monde déclarant persona non grata les dictateurs et pays en guerre. Le ballon rond a toujours été symbole de résistance au pouvoir raciste. Nelson Mandela portant le maillot des Bafana Bafana, c'est une caution pour le football qui a valeur d'icône ! Quant à la première et seule rencontre entre la République démocratique et la République fédérale allemande en 1974, elle préfigurait déjà l'inéluctable réunification entre l'Est et l'Ouest Le football, c'était le sport réservé aux habitants des townships comme des favelas au Brésil. Garincha et Pelé étaient eux-mêmes issus de
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Ophélie Kirsch, Jérôme Gavaudan, Erick Campana et Olivier Le Mailloux ces milieux défavorisés. C'était le seul ascenseur social et pour beaucoup, le football symbolisait le dernier recours. A ce titre, il s'apparentait à une religion. La comparaison entre un match de football et la célébration de la messe catholique s'impose d'ailleurs spontanément à bien des esprits : Thierry Rolland, entre nous l'un des plus grands défenseurs du football, parlait de chasuble pour désigner le maillot, et de bas pour les chaussettes. Pour faire accéder le football au rang de nouvelle religion c'est un cocktail réussi ! Le football est riche d'une sémantique religieuse : les commentateurs sportifs évoquant le coup du sort, le coup de pouce du destin, l'arrêt providentiel du gardien, appelant au miracle quand l'OM était menée 4 à 0 face à Montpellier, la cité phocéenne remportant à la fin 5-4, à croire que le ciel était avec eux ! C'est encore Maradona, invoquant la providence divine, pour justifier son but de la main : « Moi j'ai mis la tête, Dieu la main ». On peut se demander si ce génial footballeur argentin n'a pas lui-même joué avec les mots ! Non seulement le football est un condensé des valeurs culturelles dans leur ensemble, mais la démonstration vaut aussi dans le détail, car le football est un concentré des arts majeurs. II est universel, théâtre de la vie, il alimente les rêves, titille l'imagination, et touche au cœur les émotions. Comme au théâtre, nous avons les coulisses (vestiaires), la scène (le terrain de football, lieu commun qui reconstitue l'agora ou le forum : Wembley, Santiago Bernabeu), le public, et surtout, nos « 22 acteurs » ! Une partie s'organise comme une pièce de théâtre : Dans un premier temps, les équipes se jaugent. L'intrigue se noue émaillée de coups de théâtre : de joie, de peur, de tristesse, renversement de situation, expulsion, blessure... qui feront dire à l'issue du temps imparti et lorsque le rideau tombera : c'était un beau match ! Ah, si seulement le théâtre aujourd'hui pouvait nous offrir de telles dramatiques ! Combien verrions-nous de zélateurs du football se convertir, contre toute attente à Shakespeare ? Zidane supplanté par Hamlet ! Ces scènes épiques de théâtre nous en connaissons tous. Rappelons-nous par exemple (je n'étais pas née mais ai dû m'instruire pour la
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circonstance), ce match France/Allemagne gagné à l'arraché par notre adversaire. Du sang et des larmes, de l'amour, et de la haine envers ce Schumacher qui renvoya aux vestiaires l'un de nos héros. Plus près de nous, et plus connu encore, cet exemple de Zidane : zen au moment de la Panenka, a fallu un seul mot de Materazzi pour changer « la face » du match ! Enfin, pensons à ces joueurs italiens sortis tout droit de la Comedia Dell'arte, avec leur comédie burlesque, personnifiée par le fameux Fabrizzio Ravanelli ! C'est une tragi-comédie mais c'est un condensé de la vie en 90 minutes. Je vous le concède volontiers, les chants qui accompagnent nos idoles, en dehors de ceux de nos amis britanniques, maîtres ès chants, soutiennent difficilement, en matière d'harmonie, la comparaison avec les petits chanteurs à la croix de bois ! Toutefois, force est de constater que le chant choral a trouvé un nouveau terrain d'élection : le stade. Les chants résonnent à l'unisson dans ces stades immenses entrant en fusion, faisant frissonner ceux qui s'y trouvent. Ce qui compte, ce n'est pas tant que la note « la » soit respectée mais plutôt que l'ambiance y soit. L'expérimentation instrumentale s'y donne également libre cours avec ses tambours, vouvouzela et autres trompettes qui ont suscité bien des danses rituelles. Mais cette comparaison avec la danse ne se limite pas à cela. Pelé, Garicha, Maradona, autant de danseurs connus et reconnus dans leur art. On pourrait aisément les comparer à des danseurs de ballet, flirtant avec la balle, et virevoltant dans les airs, mais également à des danseurs contemporains s'appliquant à entreprendre une chorégraphie parfaitement orchestrée avec leurs partenaires de jeu. Certains footballeurs ont d'ailleurs donné leur nom à des figures à l'instar de Salchow, Lutz ou Axel en patinage artistique. On évoque effectivement la roucoulette de Falcao, la bicyclette de Zidane, la talonnade de Rabah Madjer, l'aile de pigeon de Christiano Ronaldo, une Zubizarreta depuis l'incroyable but contre son camp de ce gardien de but face au Nigéria ! Tout comme la danse, le but recherché est que
le spectateur ait l'impression que tout coule de source, que tout semble facile, oublier la technique au profit de l'art, que tout soit fluide et relève de l'évidence telle une partition de Mozart. Si certains apprécieront à sa juste valeur le jeu subtil de la main gauche (non pas celle de Thierry Henri mais celle du pianiste virtuose), les glissandos sur le clavier, l'autre s'enthousiasmera pour une talonnade effectuée dans la course, un coup du sombrero, ou un lobe venu d'ailleurs. Qui peut affirmer la prééminence de l'un sur l'autre ? D'ailleurs, Eric, pour notre plus grand plaisir ne s'est pas « cantonné » au football ! Il a brûlé les planches, lui qui enflammait les stades. Il s'est aussi illustré dans la peinture, lui qui ne faisait jamais de « toiles » ! Eric, je pense que tu ne pourrais que nous donner raison ! Le football n'est pas l'ennemi de la culture. Quand Thuram prête sa plume pour soutenir les droits de l'homme, Bernard Pivot, porte drapeau de la culture et fer de lance de l'orthographe, se fait fan de football. Le football peut mener à la culture et n'en est pas, n'en déplaise à mon Confrère, l’« indigne héritier » ! Mais faut-il vraiment trancher sur le tapis vert pour vider la querelle entre football et culture ou ne faut-il dérouler le tapis rouge que pour la culture ? Football et culture ne sont pas forcément antinomiques, et quand on mélange les divins footballeurs et les peintres à l'huile, cela ne tourne pas forcément au vinaigre ! Comme les deux pôles d'un aimant ou le + et le - en électricité, ne dit-on pas que pour faire un beau couple il faut la conjonction d'un signe de feu et un signe d'eau ? Entre eux, c'est l'amour vache, mais la réconciliation se fait toujours à la 3ème mi-temps. L'homme de culture et le sportif ne s'excluent pas, c'est Juvenal, dans sa 10ème satire : « mens sana incorpore sano » « Un esprit sain dans un corps sain ». Si avec tout cela, Monsieur le Président, vous ne considérez pas que notre adversaire a été renvoyé dans ses 18 mètres, à défaut de lui mettre un carton rouge, je rends mon maillot ! Alors, Monsieur le Président, déboutez en touche maintenant ! 2012-524
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