LES ANNONCES DE LA SEINE Jeudi 20 septembre 2012 - Numéro 56 - 1,15 Euro - 93e année
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Hubert Haenel, Alain Perret, Francis Hillmeyer, Adrien Leiber, Marie-Colette Brenot, Jean-François Thony, Jean-Marie Bockel et Eric Straumann
Cour d’Appel de Colmar Audience solennelle d’installation - 14 septembre 2012 INSTALLATION
Cour d’Appel de Colmar Histoire et particularismes de la Cour d’appel de Colmar par Adrien Leiber.................................................................................. Améliorer la justice par Jean-François Thony...................................... Garantir une justice pénale indépendante et impartiale par Marie-Colette Brenot .....................................................................
2 4 7 AGENDA ......................................................................................5 CHRONIQUE Le cas éléphant (fralib-Unilever) à l’épreuve du droit des marques par Gérard Haas.........................................................9 CULTURE Les Portes du Temps Favoriser l’éducation artistique et culturelle par Aurélie Filippetti....11 PALMARÈS 22 Edition de la Juris’Cup Le Barreau de Paris vainqueur de la régate ! ..................................13 JURISPRUDENCE Protection de l’environnement Conseil constitutionnel - 27 juillet 2012 - Décision n° 2012-269 QPC ....14 ANNONCES LEGALES ...................................................15 ADJUDICATIONS................................................................27 VIE DU DROIT Nouvelle politique pénale du Gouvernement Conseil des Ministres du 19 septembre 2012 .................................29 DÉCORATION Jacques Diemer, Officier du Mérite .....................................32 ème
adame le Premier Président de la Cour d’Appel de Colmar Marie-Colette Brenot a été installée dans ses nouvelles fonctions ce vendredi 14 septembre en présence des autorités locales et de prestigieuses personnalités des mondes politique, judiciaire et économique au premier rang desquelles le Sénateur Jean-Marie Bockel, ancien Secrétaire d’Etat à la Justice. Le Président de Chambre Doyen Adrien Leiber a assuré l’intérim depuis que le Premier Président Jacques Marion, nommé il y a cinq ans (6 juillet 2007 - 30 juin 2012) à la tête de la Haute Cour Rhénane, a fait valoir ses droits à la retraite, après avoir consacré beaucoup d’énergie à la réforme de la carte judiciaire. Nommée par décret du 21 août 2012, MarieColette Brenot, qui a quitté la Cour d’Appel de Riom où elle a été installée le 22 mars 2006, partage désormais les responsabilités dyarchiques avec Jean-François Thony, Porcureur Général installé le 13 février 2012
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(voir Les Annonces de la Seine numéro 15 du lundi 27 février 2012). Sa carrière professionnelle reflète une expérience exceptionnelle dans l’administration des plus hautes juridictions françaises et une passion pour le métier de magistrat. Elle a déclaré notamment qu’elle s’emploierait à « améliorer les conditions de travail en plaidant la cause de la Cour d’Appel de Colmar auprès des Directions des Services Judiciaires afin de faire pourvoir les postes vacants » et à « conclure une convention relative à la communication électronique » afin que les échanges entre les cabinets d’avocats et la Cour soient dématérialisés dès le 1er janvier 2013. Quant à Monsieur le Procureur Général, après avoir souhaité la bienvenue à la Première Présidente, il a achevé son intervention en souhaitant « ouvrir grand les portes du Palais de Justice pour faire découvrir l’image d’une justice moderne, juste et respectueuse des justiciables ». Jean-René Tancrède
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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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Adrien Leiber
Histoire et particularismes de la Cour d’appel de Colmar par Adrien Leiber adame la Première Présidente, Au nom de la Cour, je vous souhaite tout d’abord la bienvenue en Alsace. Cette région, qui est devenue française en 1648, a connu aux 19ème et 20ème siècles bien des vicissitudes et alternances politiques, mais est restée profondément attachée à la France, même si elle cultive parallèlement certains particularismes liés à une culture d’origine germanique. Ne vous étonnez donc pas si les gens d’ici désignent volontiers les autres départements d’outre-Vosges comme la « France de l’intérieur ». Ils ne se sentent pas pour autant extérieurs à la France. L’identité régionale est cependant forte, les Alsaciens étant attachés à leurs traditions et en particulier au droit local qu’ils considèrent à 92 % comme une « bonne chose » selon un sondage de 2005. On peut les comprendre quand on sait que ce droit local les fait bénéficier notamment de deux jours fériés supplémentaires (le Vendredi Saint et la Saint Etienne) et d’un régime de sécurité sociale plus avantageux. L’Alsace, région réduite en superficie mais dense en population (plus de 1,8 millions d’habitants), dynamique sur le plan économique (2ème revenu fiscal médian de France en 2009), même si la crise actuelle ne l’épargne pas, possède de nombreux attraits par la variété de ses paysages et la richesse de son patrimoine historique. Je suis sûr que vous serez séduite comme l’ont été vos prédécesseurs. Je vous souhaite également, et plus particulièrement, la bienvenue à la Cour d’Appel de Colmar. Colmar n’est pas la plus grande ville d’Alsace mais la Cour y a pris la succession du Conseil Souverain d’Alsace créé par Louis XIV et installé dans cette ville à partir de 1698, après quelques pérégrinations du côté de Brisach et d’Ensisheim. Vers 1905, lorsque les autorités allemandes de l’époque ont pris la décision de construire un
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nouveau palais pour la Cour d’Appel, le maintien de son siège à Colmar a été favorisé par la municipalité qui a offert gratuitement le terrain pour sa construction et a participé au financement des travaux. Nous avons donc la chance de disposer de cette grande et majestueuse demeure de style baroque viennois. Au fil du temps, de l’augmentation des contentieux et des effectifs, les locaux destinés au travail sont devenus insuffisants, malgré des extensions au sous-sol et dans les combles, et certains services de la Cour ont dû émigrer dans un ancien bâtiment préfectoral situé à proximité. La Cour d’Appel de Colmar a connu d’illustres Premiers Présidents dont certains portraits peints ornent les murs de votre cabinet. Je ne citerai que les derniers de cette longue lignée d’Alsaciens que j’ai personnellement connus : Monsieur Mischlich, qui a dirigé cette Cour avec autorité pendant près de vingt ans, Monsieur. Wagner qui lui a succédé pour une durée beaucoup plus brève, mais qui nous a laissé un remarquable collègue en la personne de son fils, M. Haegel, seul survivant de cette lignée, auquel j’adresse mes vœux de meilleure santé, et dont la fille, actuellement président de chambre à la Cour d’Appel de Metz, espère nous rejoindre. Et un jour, en décembre 1994, est arrivé pour la première fois un Premier Président non alsacien, Monsieur Pierre Vittaz, précédemment Premier Président à Bastia, et devenu en décembre 2002 Premier Président à Lyon, en reconnaissance de ses grandes compétences. Lui a succédé à cette date Monsieur Alain Nuée, excellent gestionnaire, qui a ensuite connu une promotion flatteuse à la tête de la Cour d’Appel de Versailles. Le 6 juillet 2007, j’ai eu l’honneur de procéder à l’installation de votre prédécesseur direct, Monsieur Jacques Marion, qui vient de prendre sa retraite au 30 juin 2012. Bien que Monsieur. Marion m’ait exprimé son souhait que je ne parle pas de lui, de sa carrière et de son activité à la Cour d’Appel, je me sens obligé d’outrepasser quelque peu ses consignes. Je rappellerai donc brièvement que M. Marion avait précédemment exercé les fonctions de Premier Président à la Cour d’Appel d’Orléans et qu’il a souhaité revenir en Alsace où il avait déjà passé une grande partie de sa carrière en présidant successivement aux destinées du Tribunal de Grande Instance de Colmar, puis du Tribunal de Grande Instance de Mulhouse, devenant ainsi presque un alsacien d’adoption. Malgré des soucis de santé récurrents, Monsieur. Marion a exercé ici ses fonctions pendant 5 années avec talent et humanité, menant notamment à son terme la délicate réforme de la carte judiciaire. D’une grande culture à la fois juridique et littéraire, M. Marion a fait preuve d’une discrétion sans doute excessive et méritait d’être mieux connu. Nous lui souhaitons une longue et agréable retraite, sachant que nous aurons certainement l’occasion et le plaisir de le revoir puisqu’il reste établi à Colmar, au moins provisoirement. Permettez-moi maintenant, Madame la Première Présidente, de parler de vous, dans la faible mesure de ce que je peux connaître, afin de vous présenter à l’assistance et à vos collègues.
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nombreux postes actuellement vacants ou sur le point de le devenir soient pourvus par de nouvelles nominations pour permettre à la cour de fonctionner de façon normale et satisfaisante. Vous n’avez pas manqué de vous rendre compte que la Cour d’Appel de Colmar, en effectifs de Magistrats et de Fonctionnaires dans le ressort, est d’une dimension sensiblement supérieure à ce que vous avez connu à Riom, ce qui ne signifie pas nécessairement que les éventuelles et parfois inévitables difficultés rencontrées soient proportionnelles. Je voudrais encore évoquer d’autres spécificités qui peut-être sont nouvelles pour vous. La cour de Colmar, cour frontalière, est en effet largement ouverte sur les relations internationales. C’est au Congrès de Vienne, en 1815, qu’a été créée la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin, siégeant à Strasbourg et présidée au cours des dernières décennies par notre ancien Premier Président Paul Haegel. Vous serez en principe appelée à présider le Tribunal d’Appel pour la Navigation du Rhin, mais rassurez-vous, il s’agit d’un contentieux fort rare. Strasbourg est aussi devenue le siège de grandes institutions européennes : le Conseil de l’Europe, le Parlement Européen et la Cour Européenne des Droits de l’Homme, avec laquelle nous entretenons des liens réguliers. La Cour d’Appel, elle-même, a noué depuis une dizaine d’années des relations privilégiées avec les Cours d’Appel de Karlsruhe (en Allemagne) et de Liège (en Belgique). Ce jumelage tripartite a été désigné sous le terme de KALICO - abréviation de KArlsruhe LIege - COlmar. Je me propose de vous présenter tout à l’heure les chefs de cour de Liège et de Karlsruhe qui ont tenu à faire le déplacement pour assister à votre installation, ce dont je les remercie. Enfin, vous serez amenée à vous familiariser avec le droit local, hérité en grande partie de la législation allemande, mais parfois modernisé. En qualité de Première Présidente vous êtes, en effet, membre de droit de la Commission
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d’Harmonisation du Droit Local, dont une prochaine réunion est fixée en octobre, et également membre de droit du conseil d’administration de l’EPELFI, établissement public chargé de la gestion du Livre Foncier, qui se réunira aussi le même mois. Pour clore mon propos, et vous assurant de ma fidèle et loyale collaboration, je veux encore vous dire que vous rencontrerez dans notre cour des Magistrats soucieux d’assumer pleinement leurs responsabilités et des Greffiers et Fonctionnaires compétents et dévoués au service public. Vous apprécierez les grandes qualités morales des Avocats à la Cour, faisant encore office d’Avoués, avec lesquels nous entretenons depuis longtemps des relations faites d’estime réciproque et de confiance, ainsi que le zèle et l’expérience des Auxiliaires de Justice. Au nom de l’ensemble des Magistrats et Fonctionnaires des services judiciaires de la Cour, je vous renouvelle nos félicitations et tous nos vœux de bienvenue en vous souhaitant un parfait épanouissement dans votre nouvel environnement. (…)
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Au vu des renseignements relevés dans l’annuaire de la magistrature, vous avez commencé votre carrière comme Juge d’Instance à Lyon en 1974, puis à Grenoble à partir de fin 1978, ville dans laquelle vous avez ensuite été promue comme Vice-Présidente en 1983, avant d’accéder en avril 1990 au grade de Conseiller à la Cour d’Appel de Grenoble. A partir de septembre 1998, vous exercez les fonctions de Président de Chambre à la Cour d’Appel de Bastia et le 22 mars 2006 vous êtes installée en qualité de Première Présidente de la Cour d’Appel de Riom (comprenant dans son ressort la ville de Clermont-Ferrand pour ceux qui, éventuellement, auraient du mal à situer Riom !). Vous vous êtes fait connaître à Grenoble par votre spécialisation dans les litiges relatifs aux accidents sportifs, notamment de ski dont vous êtes une fervente adepte. Votre séjour en Corse a forgé votre caractère, avez-vous dit à un journaliste. Enfin votre présidence de la Cour d’Appel de Riom a été unanimement considérée et reconnue comme un plein succès et vous laissez derrière vous une juridiction en parfait état. Vous voilà à présent nommée Première Présidente à la Cour d’Appel de Colmar. Comme vous avez pu vous-même le remarquer, c’est la première fois qu’une femme est installée à la tête de cette cour. Il s’agit d’une évolution logique puisque les nouvelles générations de Magistrats sont majoritairement féminines et sont naturellement appelées à exercer de hautes fonctions. Je voudrais ajouter que votre vocation à devenir Première Présidente était quasi-héréditaire puisque votre père était déjà Premier Président de la Cour d’Appel de Besançon. Ayant été moimême nommé Conseiller à cette cour en 1985, j’ai failli travailler sous sa direction, mais il venait tout juste de prendre sa retraite cette année-là. Nos premiers contacts, il y a quelques jours, ont permis de constater votre grande ouverture d’esprit et vous nous avez fait part de votre souci prioritaire d’obtenir rapidement que les
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Jean-François Thony
Améliorer la justice par Jean-François Thony adame la Première présidente, « Malgré la distance qui les séparent, une communication étroite s’est établie entre les Ressorts des Cours d’Appel de Riom et de Colmar, leurs Magistrats acceptant volontiers de se déplacer de l’un à l’autre. Votre nomination ne nous a donc pas surpris et nous sommes heureux qu’elle vienne renforcer le courant de sympathie déjà créée entre deux provinces qui ne demandent qu’à mieux se connaître pour bien se comprendre ». Permettez-moi de vous préciser tout de suite que cette introduction n’est pas de moi. C’est un
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Christine Seyler
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clin d’œil de l’histoire pour vous qui nous venez de la Cour d’Appel de Riom, et il m’amusé de vous relire l’introduction du discours d’Installation prononcé en 1936 à l’adresse du Procureur Général Delaire, nouvellement nommé à la Cour d’Appel de Colmar, et qui arrivait tout droit de la Cour d’Appel de Riom. J’ai eu de la peine à retrouver ce qui expliquait les liens particuliers qui unissaient si fortement à cette époque nos deux Cours d’Appel. Tout autant, je n’ai pas pu trouver, dans les mouvements actuels de Magistrats, de tendance particulière qui établirait entre ces deux Cours une sorte de diagonale des carrières. Mais je note tout de même que Vercingétorix l’auvergnat, outre sa volonté d’unifier les peuples de France, est également devenu un des liens qui unissent nos deux régions – certes bien involontairement - puisque sa statue équestre, qui trône sur la Place de Jaude à ClermontFerrand, est l’œuvre du très colmarien Auguste Bartholdi, lequel avait déjà jumelé quelques années auparavant la ville de Colmar à celle de New York par sa statue de la liberté - je dis cela au cas improbable où quelqu’un ici l’ignorerait encore. (…) Madame la Première Présidente, Quel bonheur pour moi de vous accueillir ici aujourd’hui ! J’avais eu de la peine à laisser partir votre prédécesseur Jacques Marion, quelques mois à peine après que j’eus fait ici mes premières armes. Monsieur le Président Leiber a fort justement, et avec des mots qu’il est bien plus légitime que moi de prononcer, fait l’éloge de ce grand Magistrat dont l’humanité et la bienveillance n’est pas étrangère - c’est une litote - à l’atmosphère de travail chaleureuse qui règne entre tous dans ces lieux. Je suis heureux de vous accueillir à plus d’un titre : d’abord parce que je ne suis plus le plus
jeune dans cette Cour ! Vous êtes ici ma cadette de 6 mois, et en matière de jeunesse, vous vous y connaissez puisque, sportive émérite, skieuse, fondeuse, cycliste, trekkeuse, vous pourriez en apprendre au plus jeune des collègues de cette Cour. Je ne me frotterai d’ailleurs pas en ce qui me concerne au défi que vous m’avez lancé de faire avec vous une randonnée à ski, de peur de faire piètre figure, tout savoyard que je suis ! Ensuite parce que, au travers des discussions que nous avons pu avoir, j’ai trouvé une très forte identité de vue sur la gestion de cette Cour, sur les nouveaux instruments de pilotage que nous souhaitons développer, sur les efforts à conduire en matière de dématérialisation, sur le lancement - enfin ! - de notre plateforme intranet. Vous avez comme moi l’intention de faire vivre de manière la plus dynamique et la plus ouverte la dyarchie, cette gouvernance partagée de la Cour et de son ressort entre le Premier Président et le Procureur Général. Je m’en réjouis parce que la dyarchie est un mode de gestion unique, qui permet de conjuguer la complémentarité de nos fonctions respectives pour le bien de la Cour et de la Justice toute entière, et c’est un mode de gestion qui lance un message fort sur l’unité du corps judiciaire - pourvu bien sûr qu’elle soit pratiquée dans un esprit de loyauté, de transparence et d’effort commun. Je sais, aux travers de nos discussions, que ce sera le cas - et encore une fois, la présence aujourd’hui des deux Procureurs Généraux avec lesquels vous avez exercé cette dyarchie jusque là en est la meilleure preuve ! Vous pouvez compter sur moi pour être en permanence mû par cet esprit de loyauté, et pour être votre plus fidèle soutien. Vous arrivez dans une Cour d’Appel qui, malgré l’importance de son activité et les difficultés budgétaires et en effectifs, fonctionne très bien, de même que les juridictions qui composent son Ressort. Composée de près de 1 000 agents dont 232 magistrats, et dotée d’un budget de plus de 70 M€, hors frais de justice et d’aide juridictionnelle, elle forme un Ressort d’une belle taille, dans une région qui possède une identité très forte, vous l’avez sans doute déjà remarqué, dont l’une des vertus, et non des moindres, est sa culture de la légalité et son respect des institutions, notamment de son institution judiciaire. C’est donc une vraie bénédiction pour un Magistrat d’être amené à travailler pour la Justice Alsacienne, mais aussi une grande responsabilité, celle d’être à la hauteur de la confiance qui lui est faite, et des attentes légitimes des justiciables. Grâce au travail de ses Magistrats et de ses Fonctionnaires, je crois pouvoir dire que la Cour a su répondre à ces attentes. Je ne veux pas vous abreuver de statistiques fastidieuses, et je me contenterai de quelques indicateurs généraux. Au niveau de l’activité civile de la Cour, 6 516 décisions ont été rendues en 2011, et le délai théorique de traitement des affaires est passé de 15 mois à 11 mois en 4 ans. Les juridictions du ressort ont quant à elles rendu près de 19 000 décisions, avec un délai de traitement qui est descendu de 11,5 mois à 10 mois. En matière pénale, la Chambre des Appels Correctionnels de la Cour a rendu 1 444 décisions, et a fait passer en quatre ans le délai théorique de traitement de 11 mois à moins de
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Installation 6 mois. La Chambre de l’Application des Peines a rendu pour sa part 436 décisions, soit une augmentation de plus de 45 % depuis 2008, tout en faisant passer ce délai de plus de 6 mois à moins de 3 mois. La Chambre de l’instruction a rendu 484 décisions, et le délai d’écoulement des stocks est d’un peu plus d’un mois et demi. Les Tribunaux du Ressort quant à eux, dont l’activité s’est heureusement stabilisée depuis 2008 notamment grâce aux mesures alternatives aux poursuites, ont rendu 11 037 jugements, et le délai d’écoulement des stocks est descendu de 4.6 mois à 3.2 mois. La situation est donc saine, vous pouvez le constater, grâce aux efforts constants de tous. Ce n’est pas dû au hasard. Depuis quelques
Marie-Colette Brenot
années en effet, une nouvelle culture a vu le jour dans la Justice, qui prend plus largement en compte les nécessités de la performance et de l’efficacité. Ces deux mots étaient autrefois tabous, notre corps s’interdisant légitimement de sacrifier les impératifs de recherche de la vérité et de service du justiciable aux contraintes de la « productivité », mot haïssable pour tous ceux qui veulent d’abord rendre une Justice de qualité. Malheureusement, la réalité est têtue, et pour faire face à l’augmentation constante du recours à la Justice sans augmenter exponnentiellement les moyens qu’elle peut y consacrer, il a été nécessaire de trouver les marges pour permettre de continuer à rendre un service de qualité tout en contenant les
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COLLOQUE CYCLE HISTOIRE ET JUSTICE 2012 : LES ECRIVAINS EN JUSTICE
Responsabilité pénale de l’auteur et éthique de l’écrivain (XIXème-XXIème siècles) 4 octobre 2012 Cour de Cassation - 75001 PARIS Renseignements : www.courdecassation.fr 2012-646
67ÈME CONGRÈS DES EXPERTS COMPTABLES
l’Expert Comptable entrepreneur : une marque une offre 3, 4 et 5 octobre 2012 Palais des Congrès - Porte Maillot 75017 PARIS Renseignements : www.67.experts-comptables.com 2012-647
8ÈME JURIS CORSICA I SCONTRI 2012
Le dirigeant et l’entreprise 5 et 6 octobre 2012 Palais des Congrès - 20090 AJACCIO Renseignements : asso.corsesdupalais@gmail.com antoine.raccat@rfb-associes.com
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XIXÈME CONGRÈS DU CONSEIL NATIONAL DES COMPAGNIES D’EXPERTS DE JUSTICE
l’Expertise dans le procès équitable, principe et pratique de la contradiction 12 et 13 octobre 2012 Palais des Congrès - 78000 VERSAILLES Renseignements : 01 45 74 50 60 - www.cncej.org 2012-649
38ÈME CONGRÈS DE L’USM
l’indépendance, c’est maintenant 19 au 21 octobre 2012 CREF - 5, rue des Jardins 68000 COLMAR Renseignements : chreg6@yahoo
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Installation
Je disais dans mon discours d’Installation il y a quelques mois que mon expérience internationale m’autorisait à dire que nous n’avions pas à rougir de notre système judiciaire français. Seulement voilà, il ne suffit pas de le dire, encore faut-il en convaincre nos compatriotes qui restent figés sur l’image fausse d’une Justice désuète, lente et peu en phase avec les préoccupations des citoyens. Sait-on qu’aujourd’hui, une affaire est jugée en 10 mois en moyenne devant une Cour d’Appel en France, et en 9 mois devant la Cour d’Appel de Colmar, tout cela malgré l’ensemble des délais qui sont imposés au Juge pour permettre aux parties de préparer leur défense ou de faire valoir leurs droits ? Que ce chiffre tombe à 6 mois en matière correctionnelle, à 3 mois en matière d’exécution des peines et à un peu plus d’un mois devant la Chambre de l’Instruction ? Que la Cour de Cassation statue en matière
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dépenses. Des efforts énormes ont été consentis depuis de nombreuses années par les Magistrats et les Fonctionnaires des Cours et Tribunaux de toute la France. Chacun a mis son imagination à contribution pour rechercher des solutions, parfois très pragmatiques, qui permettent de faire face à la demande grandissante de Justice et d’absorber les contentieux de masse, tout en limitant les délais et en conservant une Justice de qualité. Contrats de Procédure, traitement en temps réel, alternatives aux poursuites, bureaux de l’exécution, communication électronique entre les parties sont autant de réponses qui ont permis d’ajouter de l’efficacité sans nuire à la qualité de la justice rendue. Certes, nous devons veiller en permanence à ne pas tomber dans la religion du chiffre dont on sait à quels excès elle peut mener. Mais, mes Chers Collègues, vous pouvez être fiers des résultats obtenus.
pénale en 132 jours en moyenne ? Madame le Premier Président, de nombreuses tâches nous attendent, mais nous ne saurions négliger celle qui consiste à mieux expliquer la Justice à nos concitoyens, à montrer les efforts qui ont été accomplis, à mieux faire comprendre que malgré les contraintes énormes qui sont les nôtres, chacun des Fonctionnaires et des Magistrats se donne sans compter pour répondre à leurs attentes. Bien sûr, nombreux sont ceux qui n’ont à l’esprit que l’exemple d’une affaire qui s’est mal déroulée ou d’une procédure qui a duré des années, n’ont en tête que le sentiment de n’avoir pas été entendu dans l’affaire de leur vie. Mais que savent-ils des dizaines de milliers de cas par an dans lesquels Justice a été rendue dans une Cour comme celle de Colmar ? Cela, nous devons l’expliquer sans relâche, nous devons sans cesse aller à la rencontre de nos concitoyens pour leur faire découvrir la Justice. J’ai toujours souhaité que plus de citoyens participent au travail de la Justice car à chaque fois, tous les Jurés d’Assises vous le diront, ils découvrent alors toute la complexité du métier de juger, et l’immensité du travail accompli quotidiennement dans les juridictions françaises. Alors ouvrons grand les portes de nos Palais de Justice, allons dans les écoles, les universités, faisons partager l’amour de notre métier et de notre Justice, faisons découvrir l’image de notre Justice moderne, juste, et respectueuse des justiciables. Et ne ménageons jamais nos efforts pour chaque jour l’améliorer encore. Madame la Première Présidente, je vous souhaite beaucoup de succès et de bonheur dans vos nouvelles fonctions au sein de notre Cour d’Appel, et sachez que vous pourrez compter en toute circonstance sur vos collègues du Parquet Général pour vous aider à mener à bien l’ambition que vous avez déjà pour la juridiction qui vous accueille. (…)
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Installation Garantir une justice pénale indépendante et impartiale
Marie-Colette Brenot
par Marie-Colette Brenot omment ne pas être émue et je l’avoue remplie d’une certaine inquiétude en raison du poids des responsabilités qui m’incombent en prenant place aujourd’hui parmi vous devant un tel parterre de hautes personnalités de cette belle région d’Alsace. (…) Je succède à un Magistrat qui a exercé pendant de nombreuses années différentes fonctions en Alsace avant d’occuper le siège qui est désormais le mien. Il avait de cette région une connaissance que je lui envie. Il a eu l’amabilité de me consacrer un peu de temps dès l’annonce de ma nomination pour me donner quelques informations sur le droit local, droit qui effraye tout nouvel arrivant non alsacien dans cette Cour. Je lui sais gré de cette initiation. Doté d’une grande aisance à l’oral, Jacques Marion est un fin lettré, maniant la langue française avec dextérité. Ses discours étaient attendus et appréciés. Je vais avoir des difficultés à m’inscrire dans cette continuité sur ce point, n’étant pas dotée de ce talent. Je vais, par contre, tenter de poursuivre son action à la Présidence de cette Cour et de tout cela, je voudrais lui rendre hommage. A cet instant, permettez-moi d’avoir une pensée pour cette terre d’Auvergne que je viens de quitter et pour les Magistrats et Fonctionnaires avec lesquels j’ai eu plaisir à travailler. Sérieux, solides comme leur pierre de Volvic, les Auvergnats ont un sens élevé du service public qui m’a grandement facilité la tâche. Je garde dans les yeux le souvenir de cette Auvergne des grands espaces, de la vue époustouflante de la chaîne des Puys depuis le haut du Mont-Dore, de ses richesses architecturales et de sa nature si préservée. (…) Mes chers collègues. Pendant de nombreuses années, j’ai occupé les mêmes fonctions que vous et je connais pour les avoirs vécus les doutes et les interrogations qui vous traversent au moment de rendre votre décision, je connais également votre lourde charge de travail dans un contexte inquiétant de pénurie d’effectifs. Je vous sais gré de l’accueil que vous m’avez réservé. La première impression est souvent la bonne et j’ai eu le sentiment immédiat en vous écoutant, de motivation et de compétence. Je vais m’employer à tenter d’améliorer vos conditions de travail en plaidant la cause de la Cour d’Appel de Colmar auprès de la direction des Services Judiciaires afin de faire pourvoir les postes vacants. Une réponse judiciaire rapide et de qualité est un gage de crédibilité de la Justice auprès de nos concitoyens et je mesure les efforts que vous avez accomplis ces dernières années pour réduire les délais de traitement des affaires. Il serait fâcheux que ces efforts soient anéantis par la persistance de postes vacants. Mesdames et Messieurs les Présidents des Tribunaux du Ressort, vous avez la tâche
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difficile de diriger des juridictions dont les Magistrats sont souvent surchargés dans un environnement où la Justice est quelquefois contestée et remise en cause. Je souhaite qu’ils gardent foi en leur mission et qu’ils redoublent d’effort pour garder la confiance de nos concitoyens. Faites leur part de ma solidarité et de mon soutien. Madame la Directrice de Greffe, je vous remercie vivement de l’accueil que vous m’avez réservé et du temps que vous m’avez consacré pour me faire rencontrer les fonctionnaires de cette Cour. Trop méconnus, les Greffiers et Fonctionnaires de justice sont nos collaborateurs les plus proches et les rouages indispensables du bon fonctionnement de notre institution. (…) Madame la directrice du SAR, les réformes budgétaires et organisationnelles n’ont pas manqué ces derniers temps : déploiement dans les services judiciaires de l’application informatique chorus, mise en place de plateformes interrégionales de service et plus récemment création de BOP régionaux (budget opérationnel de programme) qui ont amené la Cour d’Appel de Colmar à n’être qu’une unité opérationnelle dépendante pour son budget d’une cour voisine. Je connais, Mesdames et Messieurs les fonctionnaires du SAR (service d’administration régionale) pour les avoir vécues à la Cour d’Appel de Riom, vos inquiétudes sur l’évolution de votre service dans cette nouvelle configuration. Je souhaite que cette organisation qui a déjà démontré ses inconvénients soit rapidement abandonnée et que la Cour de Colmar dont la gestion budgétaire a toujours été empreinte de rigueur, retrouve l’autonomie budgétaire qu’elle n’aurait jamais dû perdre.
Mesdames et Messieurs les Bâtonniers, Mesdames et Messieurs les Avocats. Sans vos interventions au quotidien devant nous, il n’y aurait pas de véritable Justice donc pas de démocratie. La défense a pris une place croissante dans le procès pénal, puisque vous intervenez à présent pendant la garde à vue suite à diverses décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme dont la jurisprudence a une influence de plus en plus importante sur notre droit positif, du Conseil Constitutionnel et de la Cour de Cassation qui ont abouti à une réforme législative consacrant votre présence à ce stade de la procédure. En matière civile, il nous reste peu de temps pour conclure avec vos Barreaux une convention relative à la communication électronique puisqu’au 1er janvier 2013 les échanges entre vos Cabinets et la Cour d’Appel seront entièrement dématérialisés. Voilà un important défi à relever mais je ne doute pas que vous saurez faire face à ces contraintes. Mesdames et Messieurs les membres de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. La justice ne s’arrête pas au palais de justice. Elle concerne aussi bien la protection judiciaire de la jeunesse que l’administration pénitentiaire auxquelles nous confions une population de mineurs et de majeurs de plus en plus déstructurée que vous devez éduquer et garder dans des conditions de dignité compatibles avec le respect des Droits de l’Homme alors que certains de vos établissements souffrent de surpopulation ou de vétusté. Merci à Monsieur le Directeur de la protection judiciaire de la jeunesse, de la qualité de nos premiers échanges. Je vous l’ai dit, je crois à l’aspect éducatif de votre mission, principe établi
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Installation par Xxxl’ordonnance de 1945 qu’il est opportun de rappeler. La Justice ne commence pas non plus dans les seuls palais de Justice et nous devons entretenir des relations de qualité et de confiance avec les services de Police et de Gendarmerie dont les investigations sont essentielles à la qualité de notre Justice pénale et qui travaillent dans un contexte de violence, qui va, hélas, en s’aggravant. Vous méritez toute notre attention et notre considération. (…) A l’œuvre de Justice participent les Magistrats Consulaires, les Juges du livre foncier, les Conseillers Prud’hommes, les Notaires, les Huissiers, les Administrateurs Judiciaires et Mandataires Liquidateurs, les Experts, les Conciliateurs, les Médiateurs et les Enquêteurs de personnalité. Cette énumération démontre l’ampleur du champ judiciaire, vos interventions sont essentielles au fonctionnement de la Justice, soyez remerciés pour votre implication. A ce stade de mon propos, il serait prétentieux de ma part de vous exposer un programme d’action. Je vais m’attacher à écouter et à recueillir les avis des acteurs de la vie judiciaire et à rencontrer les Magistrats et Fonctionnaires pour déterminer quelques orientations. Je compte me rendre dans les différentes juridictions du ressort pour instaurer
un dialogue que j’espère confiant et constructif. Je crois beaucoup à l’animation d’une Cour par le biais de la formation et à la nécessité d’un accompagnement des réformes. J’ai déjà pu apprécier la richesse du programme de formation de Monsieur le Conseiller Délégué à la formation. Tout ce qui augmentera les liens entre les acteurs de la vie judiciaire sera le bienvenu : réunions fonctionnelles, cercle de bonnes pratiques et, bien sûr, le site intranet de notre cour que nous comptons lancer, Monsieur le Procureur Général et moi dans les prochaines semaines. Il y a 3 ans la fonction de Juge d’Instruction a failli disparaître. Je l’ai défendue avec conviction estimant qu’une justice pénale indépendante et impartiale est garante de la maturité d’une démocratie. La fonction du Juge d’Instruction n’est à ce jour pas menacée mais nous devons, nous Magistrats du Siège, être vigilants sur toute atteinte à notre indépendance vécue non pas comme un privilège mais comme une garantie offerte au justiciable. Monsieur Canivet, ancien Premier Président de la Cour de Cassation dans un discours de rentrée resté célèbre disait : « encourager l’engagement des juges serait pour les chefs de juridiction, donner l’exemple de l’implication,
du courage, de la détermination, donner l’impulsion, viser à la plus efficace répartition des moyens et à la plus performante organisation, solliciter le meilleur de chacun, soutenir ceux qui prennent d’utiles initiatives, accompagner les démarches de progrès » c’est très modestement cette ligne que je voudrais suivre. Avant de conclure, je voudrais vous faire part de ma satisfaction d’avoir été choisie pour présider aux destinées de cette belle Cour d’Appel de Colmar. En arrivant d’Auvergne, j’ai longé les coteaux plantés de vigne, vu des maisons à colombages magnifiques, des jardins remplis de fleurs et aperçu la ligne bleue des Vosges, promesses de nombreuses découvertes et de ballades à pied ou à ski dans un environnement naturel superbe. Région à forte identité en raison de son histoire tourmentée, l’Alsace a tout pour me plaire et j’ai déjà pu apprécier la gentillesse de ses habitants et l’accueil chaleureux qui m’a été partout réservé. L’ouverture Internationale et Européenne de cette région avec notamment la présence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur son territoire avec laquelle la Cour d’Appel de Colmar entretient d’excellentes relations donne à l’Alsace une dimension unique qui la rend très attractive. (…) 2012-638
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Marie-Colette Brenot et Jean-François Thony
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Chronique
Le cas éléphant (fralib-Unilever) à l’épreuve du droit des marques par Gérard Haas* « Si sur la cage d'un éléphant tu vois écrit «buffle», n'en crois pas tes yeux » Alexis Tolstoï « Le coassement des grenouilles n'empêche pas l'éléphant de boire » Proverbe africain
D.R.
pendant la campagne électorale a soutenu les salariés, évoquant une nouvelle loi qui leur permettrait de racheter Eléphant pour un euro afin de relancer une activité de thé en coopérative. Enfin un entrepreneur qui propose de produire des chips sur le site avec le soutien de distributeurs, mais pas des syndicats. Certes la fermeture d’une entreprise est toujours tragique. La résistance qu’opposent les femmes et les hommes qui s’y sont tant investis est parfaitement compréhensible. Mais attention, en voulant fragiliser une entreprise (Unilever) il ne faut ni fragiliser le droit des marques, ni la France.
Gérard Haas e thé, la verveine et la camomille ne sont pas réputés être dangereux. Pour autant, tous les ingrédients d'un cocktail explosif sont réunis dans le dossier Fralib : Surcapacité de production, conjoncture dégradée, syndicats remontés, gouvernement courroucé, dirigeant irrité. Mais au-delà du problème économique, les solutions avancées au regard du droit des marques sont inefficaces voire farfelues. Explications.
L
Un cocktail explosif
En première ligne, Unilever, une multinationale rentable qui a fermé une usine de thé et d’infusion à cause de surcapacité de production de thés et d’infusions en Europe alors qu’elle ne perdait pas d’argent (la verveine et la camomille de Provence sont désormais en concurrence avec des plantes en provenance d’Europe de l’est). Rigide, elle refuse à la fois de céder la marque Eléphant et de faire travailler en soustraitance la société que les salariés de l'usine de Gémenos (Bouches-du-Rhône), fermée par le groupe anglo-néerlandais, souhaitent monter. Pour continuer, des syndicats bouillonnants, qui occupent depuis des mois l'usine, tout juste rachetée par la communauté urbaine avec ses machines pour un euro symbolique et qui considèrent que pour assurer la viabilité de leur future société, Univeler doit leur laisser la marque Eléphant et sous-traiter des volumes. Ensuite, le Président François Hollande, qui,
A qui appartient une marque ? Une marque est un titre de propriété industrielle délivré sur demande en France par l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) pour protéger un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale.
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Comment peut être cédée une marque ? Une question, qui se pose souvent dans la pratique, est de savoir si la cession d'un fonds de commerce entraîne le transfert de propriété des marques, désignant les objets, produits vendus ou fournis par l'exploitant du fonds. La loi qui régit le fonds de commerce énumère le nom commercial parmi les éléments incorporels entrant dans l'universalité juridique que constitue le fonds ; mais elle ne cite pas les marques La jurisprudence a décidé que la cession de fonds de commerce, portant sur la clientèle, n'emportait pas cession des marques (Cour d'Appel de Paris XIX août - novembre 1986). La cession de la marque, quelle que soit la forme qui lui est donnée, est soumise, d'une façon générale, au droit ordinaire des contrats. Il en est ainsi pour ce qui concerne les obligations des parties, les effets de la convention, la nullité ou la résolution de la cession. L'article L 714 - 1
La protection de la marque régulièrement déposée est absolue, et confère à celui qui en est investi une action contre tout ce qui Gérard Haas lui porte atteinte.
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Elle confère sur le signe ou dénomination choisis un droit exclusif, qui permet à son titulaire d’en avoir le monopole d’exploitation. Il s’agit d’un monopole d’une durée de dix ans, renouvelable indéfiniment, pour le territoire désigné, et ce pour des produits et/ou services visés dans le dépôt. Elle peut aussi être déposée au niveau communautaire ou international, pour que cette propriété soit établie dans toute l’Europe ou les pays concernés. La protection de la marque régulièrement déposée est absolue, et confère à celui qui en est investi une action contre tout ce qui lui porte atteinte.
du code de la propriété intellectuelle dans son dernier à l'alinéa, dispose que le transfert de propriété « est constaté par écrit à peine de nullité ». Il est donc bien clair que l'écrit est exigé, non seulement pour apporter la preuve de la cession, mais encore pour assurer sa validité : la sanction du défaut d’écrit est la nullité de la cession. Lors du redressement ou de la liquidation judiciaire d'une société, le repreneur peut racheter la marque. Encore faut-t-il que la société en difficulté soit titulaire de la marque. Dans les autres cas, il faut l'accord du titulaire de la marque.
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Chronique Autrement dit, en droit français, la marque est un actif incorporel indépendant du fonds de commerce ; ainsi donc, et sauf convention expresse contraire, la cession ou la reprise d'un fonds de commerce n'inclut pas les marques.
« Forcer une société à céder une marque reviendrait à une expropriation. Or, la Constitution française protège le droit de propriété »
« Rien ne permet, en l'état actuel du droit français, de forcer le propriétaire d’une marque à la céder ou l'évincer de ses droits au profit d'un tiers »
La marque est un bien protégé par le droit de propriété
Le droit de marque est un droit de propriété Rappelons la valeur constitutionnelle du droit de propriété. Ainsi, l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 proclame : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression », alors que l'article 17 de la même Déclaration proclame quant à lui que « La
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L’é volution caractérisée des finalités et conditions d’exercice du droit de propriété constatée par le Conseil Constitutionnel en 1982 concerne notamment l’extension de son champ d'application à des domaines nouveaux, parmi lesquels figure le droit pour le propriétaire d'une marque de fabrique, de commerce ou de service d'utiliser celle-ci et de la protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France. (Conseil Constitutionnel 15 Janvier 1992, Décision N°91-303 DC, et Conseil Constitutionnel, 8 janvier 1991, Décision N°90283 DC).
La propriété est un droit constitutionnellement protégé qui implique une juste et préalable indemnisation en cas d’atteinte à Gérard Haas ce droit.
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propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ». Le Conseil Constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle de ce droit en ces termes : « conditions d'exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée à la fois par une notable extension de son champ d'application à des domaines individuels nouveaux et par des limitations exigées par l'intérêt général, les principes mêmes énoncés par la Déclaration des droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique » (Conseil Constitutionnel, 16 janvier 1982, Décision N° 81-132 DC) Par conséquent, La propriété est un droit constitutionnellement protégé qui implique une juste et préalable indemnisation en cas d’atteinte à ce droit. La privation (ou la restriction injustifiée et disproportionnée) des droits de propriété d’Unilever sur la marque Eléphant impliquerait en principe une juste et préalable indemnisation. En pratique se poserait alors la question de son montant, qui, compte tenu de l'importance de la marque Éléphant, de son ancienneté et de ses parts de marché, ne pourrait qu'être très élevé, sauf à spolier son titulaire non seulement en l'évinçant du marché mais encore en le privant du juste prix de sa marque.
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Par ailleurs, l’article 1 du Protocole n° 1 de la Convention de la Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, dispose que : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ». Observons enfin qu’il n'existe pas de texte prévoyant des limitations ou des restrictions à ce droit de propriété. « Une expropriation exigerait de justifier d'une cause d'utilité publique et d'indemniser les titulaires de marques ».
Faut-il légiférer pour exproprier le propriétaire d’une marque ? Pendant sa campagne présidentielle, le candidat François Hollande s'est montré favorable à une loi encadrant les fermetures d'usines viables, et a par ailleurs souhaité que le groupe Unilever cède sa marque Eléphant gratuitement. Actuellement, le gouvernement planche sur un dispositif juridique interdisant aux groupes de fermer des usines viables. Toutefois, si dans ce cas, il s’agissait d’exproprier le propriétaire d’une marque, ce dernier disposerait d’au moins trois moyens pour contester la loi : - Saisine du Conseil Constitutionnel (avant promulgation de la loi) : sur le fondement de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 intégrée à la Constitution qui protège le droit de la propriété. - Action à l’encontre de l’Etat devant les Tribunaux français (après promulgation de la
loi) : sur le fondement du droit des marques et de l’article 1er du Protocole additionnel (CESDH). - Recours devant la CEDH (après épuisement des voies de recours devant les Tribunaux français) sur le fondement du droit de propriété et de l’article 1er du Protocole additionnel (CESDH)
La dépossession d’une marque par nationalisation : une idée saugrenue ? On se souvient que par l'effet des nationalisations de 1981/1982 les marques appartenant aux entreprises nationalisées ont été transférées à l'État français. Cependant, ces transferts de propriété de marques n’étaient qu'une conséquence indirecte des opérations de nationalisation proprement dites, elles portaient sur la globalité des entreprises et pas seulement sur leurs marques. L'hypothèse d'une dépossession par nationalisation ne nous semble pas non plus envisageable en l'espèce, car on voit mal l'État français s'impliquer aujourd'hui dans une opération aussi complexe pour une activité de production de thé et d’infusion, qui n'est manifestement pas un produit stratégique pour l'économie française. Enfin sur le plan international, ses effets seraient dévastateurs. Car, en portant atteinte aux droits de marques des entreprises, un tel texte créerait une insécurité juridique considérable et freinerait nécessairement l'implantation et le développement des grandes marques en France, qui y perdrait de son crédit.
Conclusion Pour qu’une société reste vivante et crée des emplois, elle doit pouvoir fermer des usines non compétitives et être assurée que le pays où elle est implantée respecte bien les lois en vigueur, la sécurité juridique étant un gage en période de trouble économique. Si la France ne respecte pas ce principe, les entreprises étrangères pourraient lui préférer d’autres pays pour leurs investissements. Attention donc aux effets dévastateurs du prosélytisme médiatique des syndicats et aux propositions incohérentes qui, en voulant fragiliser une entreprise, pourraient fragiliser un pays. Les deux proverbes qui suivent, illustrent de manière remarquable la sagesse populaire et ils nous invitent à méditer au- delà des tensions économiques, médiatiques et politiques. « Ne te mêle pas d'aider l'éléphant à porter ses défenses. » Proverbe vietnamien « L'éléphant meurt, mais ses défenses demeurent. » Proverbe africain
* Gérard HAAS est Docteur en droit et avocat spécialiste en propriété Intellectuelle
Les Annonces de la Seine - jeudi 20 septembre 2012 - numéro 56
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Culture
Les Portes du Temps Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration - Paris, 31 août 2012
Favoriser l’éducation artistique et culturelle par Aurélie Filippetti e souhaite vous dire le grand plaisir que j’ai ce matin à venir à votre rencontre et à saluer le travail qui est fait par la CNHI pour la quatrième année dans le cadre des « Portes du temps », opération nationale organisée par le ministère de la Culture et de la Communication. Je suis très frappée par la manière dont vous avez à juste titre placé la mise en valeur de l’histoire et des cultures de l’immigration au centre de votre approche de notre Patrimoine, tout en considérant cette histoire comme une source d’inspiration pour les créateurs contemporains. C’est un des aspects de ma visite qui m’a frappée : ce lien permanent que vous avez pris soin de faire entre hier, aujourd’hui et demain, sans nostalgie, mais avec le respect de ce qui a été et dans la curiosité et la confiance, dans les forces créatives de tous. Début juillet,
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J
j’ai participé à la fête à Lens lors de l’inscription du patrimoine minier sur la liste de l’Unesco parce que j’ai la conviction que loin de nous enfermer la connaissance du passé nous libère et nous porte vers un avenir plus fraternel. Vous avez à juste titre souligné votre ambition de promouvoir la diversité (et notamment la diversité des patrimoines) et d’accueillir des publics plus nombreux et différents. Je vous félicite de ces ambitions et des résultats obtenus. Plus généralement, je souhaite souligner ce qui me parait fructueux dans l’opération « Les Portes du Temps » et que je souhaite amplifier à l’avenir : - les partenariats avec les associations d’é ducation populaire et les acteurs de la jeunesse et de la solidarité, mais aussi avec les collectivités territoriales, tant il est vrai que notre Ministère n’agit jamais seul, et qu’il a vocation à mes yeux à être rassembleur d’énergies, - l’ancrage territorial, avec 56 sites dans 18 régions, les Drac désormais associées à ces opérations pourront en devenir les porteurs à l’avenir, - la diversification des sites, au départ essentiellement des musées et des monuments
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Lancée en 2005 par le Ministère de la Culture, l’opération « Les Portes du Temps » est organisée en partenariat avec le Ministère Délégué à la Ville et l’Agence Nationale pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des Chances afin de favoriser l’intégration et l’accès des publics défavorisés à la Culture ; donner accès à la culture au plus grand nombre et dès le plus jeune âge est le rôle essentiel des « Portes du Temps », pour la 8ème édition 2012, Jacques Toubon accueillait Aurélie Filippetti à la Cité Nationale de l’Immigration ce 31 août 2012 où , en sa qualité de Président du Conseil d’Orientation, il met tout en oeuvre, assisté de son Directeur Luc Gruson, pour donner aux jeunes les « clefs pour accéder » au monde de la culture et des arts. Jean-René Tancrède
et surtout situés en zones urbaines, les sites qui accueillent l’opération sont aujourd’hui plus proches des zones rurales (grâce au partenariat avec la confédération des foyers ruraux), je souhaite que cette diversification se poursuive,
Jacques Toubon et Aurélie Filippetti Les Annonces de la Seine - jeudi 20 septembre 2012 - numéro 56
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Culture
Annoncée pendant la campagne comme l’une des priorités culturelles de François Hollande, la généralisation de l’Education Artistique et Culturelle est un grand chantier national mobilisateur pour trois raisons : - parce que le développement de la sensibilité et de la capacité d’accès aux œuvres et au patrimoine est un enjeu démocratique reconnu et partagé par l’Etat et les Collectivités Territoriales, - parce que le développement des talents et de la créativité est un enjeu d’é ducation et de formation central dans un pays moderne, - parce que le développement de la pratique
Aurélie Filippetti
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artistique et culturelle va de pair avec la capacité individuelle d’émancipation et la dynamique collective du vivre ensemble. Ce chantier qui mobilise mes collègues de l’Education nationale, de la jeunesse et des sports et de la vie associative mais d’autres services de l’Etat encore, sera coordonné par le ministère de la Culture et de la Communication. Il est aussi un enjeu partenarial essentiel entre l’Etat et les collectivités territoriales, les expériences réussies ces 20 dernières années ayant montré que la voie de la généralisation passe par la territorialisation, et la contractualisation. Ce chantier, pour réussir, doit enfin associer le milieu professionnel des arts et de la culture, ainsi que les associations d’éducation populaire, et plus largement les milieux socio-éducatifs. Ma méthode sera progressive et pragmatique. Elle partira du terrain, se fondera sur la concertation, s’inspirera des « bonnes pratiques », valorisera la contractualisation. Le schéma national se déploiera à partir de la rentrée 2013. Je souhaite favoriser un accès de tous les jeunes à l’art et la culture et favoriser un parcours d’éducation artistique et culturelle pour tous les jeunes. Mon objectif prioritaire est que chaque enfant puisse bénéficier de parcours artistiques et culturels, à l'école et se prolongeant sur tous ses temps de vie. La concertation nationale sera lancée dans les prochaines semaines, je veillerai à associer tous les partenaires publics, tous les acteurs. J’ai la conviction qu’il est possible et nécessaire de répondre aux attentes de tous et de traduire concrètement aujourd’hui sur tous les territoires cette grande ambition d’une généralisation de l’EAC. Dorénavant, il faut que les parcours d’EAC soient inscrits dans le parcours de chaque jeune. Ces parcours ne répondent pas à des modèles
type mais ils sont nécessaires à tous car ils contribuent à l’intégration sociale tout en faisant partie de la construction de l’individu. C’est le sens de l’engagement que j’ai pris lors de ma prise de fonctions « œuvrer pour que tous les enfants de France aient accès à ces merveilles de l’art et de la culture, à cette ouverture sur la curiosité des belles choses du monde ». Eduquer à l’art, donner le goût des belles choses, c’est en quelque sorte s’exercer à choisir de conduire sa vie, c’est donc, comme l’é crit Hannah Arendt, « humaniser le monde » : le goût est la faculté politique qui humanise réellement le beau et crée une culture. Une personne cultivée devrait être « quelqu’un qui sait choisir ses compagnons parmi les hommes, les choses, les pensées, dans le présent comme dans le passé ». 2012-613
Jacques Toubon, Luc Gruson et Aurélie Filippetti
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Les Annonces de la Seine - jeudi 20 septembre 2012 - numéro 56
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et je fais confiance aux Directeurs régionaux pour porter ce mouvement. Je veux enfin souligner le rôle majeur des établissements nationaux qui comme le fait la CNHI restent ouverts l’été, proposent des activités et un accueil spécifique pendant le temps des congés, ce qui permet à des jeunes de prendre le temps de la rencontre et de la réflexion. 900 participants pendant 10 jours, c’est un beau résultat dont votre établissement peut légitimement être fier. Ces actions spécifiques ont d’autant plus de valeur et d’impact qu’elles prolongent le travail que vous menez tout au long de l’année (depuis 2008, 70 000 élèves accueillis et 3 000 enseignants formés) et dont je vous félicite. Je souhaite que d’ici l’été prochain, nous puissions amplifier ces initiatives, mieux les coordonner et les faire connaitre. Je veux faire de l’été un temps pour l’art, le patrimoine et la culture, privilégiant l’accueil de tous ceux qui en sont éloignés, et notamment les jeunes. En ce temps de rentrée, je souhaite aussi annoncer les grands principes qui vont guider mon action de coordination du grand chantier national de l’éducation artistique et culturelle.
Palmarès
22ème Edition de la Juris’Cup Le Barreau de Paris vainqueur de la régate ! Marseille - 14 / 16 septembre 2012
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2012-643
D.R.
Source : communiqué du 17 septembre 2012
Christiane Féral-Schuhl entourée de l’équipage du Barreau de Paris : Nicolas Béranger (Skipper), Henri de la Motte Rouge (Directeur sportif), Guillaume Debonnet, Aude du Parc, Béatrice Cohen, Anne Laure Mery, Martin Minvieille et Laetitia Rogar (co-équipiers)
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a 22ème édition de la Juris’Cup vient de s’achever à Marseille avec la victoire dans, sa catégorie, du bateau du Barreau de Paris, pour sa première participation à cette course phare réunissant des centaines de professionnels du droit venant de toute l’Europe. « La Juris’Cup me tient particulièrement à cœur. Cette fête sportive est un formidable espace d’é changes et de convivialité. Je félicite tout l’é quipage qui m’a impressionné par son engagement et son esprit sportif » confie Madame le Bâtonnier de Paris Christiane FéralSchuhl. Le Barreau de Paris tient à remercier ses partenaires, la Banque Populaire Rives de Paris et Aon qui ont entièrement financée sa participation à la course. L’équipage, composé de jeunes sportifs avocats, hommes et femmes passionnés de voile, a réussi l’exploit d’arriver en tête pour la première participation du Barreau de Paris à la Juris’Cup. En 2013, le Barreau de Paris remettra avec plaisir cap sur Marseille pour défendre son titre.
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Jurisprudence
Protection de l’environnement Conseil constitutionnel - 27 juillet 2012 - Décision n° 2012-269 QPC
Environnement, protection, mesures autorisant la destruction d’espèces protégées. Article L.411-2 du Code de l’Environnement. Disposition ne prévoyant pas la participation du public. Violation de l’article 7 de la chartre de l’environnement. Article L.411-2 § 4 du code de l’environnement contraire à la constitution. Déclaration d’inconstitutionnalité. Prise d’effet : Le Conseil constitutionnel, Le rapporteur ayant été entendu ; 1. Considérant qu’aux termes du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : « La délivrance de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2°, et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : « a) Dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; « b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ; « c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; « d) À des fins de recherche et d’é ducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; « e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d’un nombre limité et spécifié de certains spécimens » ; 2. Considérant que, selon les associations requérantes, en n’imposant aucune participation du public préalablement à l’édiction des mesures autorisant la destruction des espèces protégées, les dispositions contestées méconnaissent les exigences découlant de l’article 7 de la Charte de l’environnement ; 3. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; 4. Considérant que l’article 7 de la Charte de l’environnement dispose : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » ; que ces dispositions figurent au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu’il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions ; 5. Considérant que les dispositions de l’article L. 411-1 du code de l’environnement interdisent toute atteinte aux espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et toute destruction, altération ou dégradation de leur milieu, lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient leur conservation ; que les dérogations à ces interdictions, notamment
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dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels, pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux, ainsi que dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement, constituent des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ; 6. Considérant que les dispositions contestées du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement renvoient à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions dans lesquelles sont délivrées des dérogations aux interdictions précédemment mentionnées ; que, s’il est loisible au législateur de définir des modalités de mise en œuvre du principe de participation qui diffèrent selon qu’elles s’appliquent aux actes réglementaires ou aux autres décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n’assurent la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques en cause ; que, par suite, en adoptant les dispositions contestées sans prévoir la participation du public, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence ; que, dès lors, les dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement sont contraires à la Constitution ; 7. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l’article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l’abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration ; 8. Considérant que l’abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait pour conséquence d’empêcher toute dérogation aux interdictions précitées ; que, par suite, il y a lieu de reporter au 1er septembre 2013 la date d’abrogation de ces dispositions ; que les dérogations délivrées, avant cette date, en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles, ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité, Décide : Article 1er Le 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement est contraire à la Constitution. - La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet le 1er septembre 2013 dans les conditions fixées au considérant 8. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 2311 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 juillet 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis Debré, Président, M. Jacques Barrot, Mme Claire Bazy Malaurie, MM. Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Hubert Haenel et Pierre Steinmetz. 2012-586
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Vie du droit
Nouvelle politique pénale du Gouvernement
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Conseil des Ministres du 19 septembre 2012
Christiane Taubira a Ministre de la Justice, Garde des Sceaux a présenté en conseil des ministres du 19 septembre 2012 la circulaire pénale définissant les axes de la nouvelle politique pénale du gouvernement. La garde des sceaux conduira la politique pénale gouvernementale en adressant aux Procureurs Généraux et Procureurs de la République des instructions à caractère impersonnel et général, portant notamment sur des domaines de poursuites particuliers ou des situations qui le justifient localement. Conformément aux engagements du Président de la République, Madame Christiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, s’est abstenue volontairement de toute instruction individuelle depuis sa prise de fonction le 17 mai 2012. La circulaire établit clairement cette nouvelle pratique concernant les relations entre le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux
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et les représentants du Ministère Public. La circulaire de politique pénale fonde la nouvelle politique pénale du gouvernement sur sept principes directeurs qui doivent être pris en compte à toutes les étapes du procès pénal : individualisation des décisions, action judiciaire en temps utile, attention portée aux victimes d’infractions, respect des droits de la défense, direction effective des Officiers de Police Judiciaire, recours à l’incarcération lorsque toute autre sanction est inadéquate, spécialisation de la justice des mineurs. Cette politique est fondée sur la triple exigence de fermeté, d’efficacité dans la lutte contre la délinquance et de respect des droits fondamentaux. L’action publique conduite par les Parquets devra se conformer à ses principes et chaque réponse pénale devra être adaptée au contexte et à la gravité des faits reprochés et à la personnalité de la personne mise en cause. La lutte contre la récidive constitue une priorité d’action du gouvernement. Les Parquets devront s’assurer que la majorité des sorties de prison soient encadrées par des mesures de suivi appropriées et que la continuité de ce suivi soit garantie. Tout manquement aux obligations de suivi fera l’objet d’un signalement immédiat à l’autorité judiciaire. L’accueil et l’accompagnement des victimes seront renforcés par la création d’un bureau d’aide aux victimes dans chaque Tribunal de Grande Instance. La Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, attend un engagement déterminé dans la mise en œuvre de ces orientations de la part des Magistrats du Parquet, des Officiers de Police Judiciaire placés sous leur autorité et des personnels de justice en
charge des personnes placées sousmain de justice.
Les axes de la nouvelle politique pénale du gouvernement 1. La fin des instructions individuelles La Garde des Sceaux conduira la politique pénale gouvernementale en adressant aux Procureurs Généraux et Procureurs de la République des instructions à caractère impersonnel et général, portant notamment sur des domaines de poursuites particuliers ou des situations qui le justifient localement. Conformément aux engagements du Président de la République, Madame Christiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, s’est abstenue volontairement de toute instruction individuelle depuis sa prise de fonction le 17 mai 2012. La circulaire établit clairement cette nouvelle pratique concernant les relations entre le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux et les représentants du Ministère Public. Les instructions individuelles ont eu un coût, elles ont miné la confiance dans l’institution et l’image de la Justice. L’action de la garde des sceaux tend donc à : - Définir une politique pénale nationale générale et impersonnelle (déclinaison de l’article 20 de la constitution) - Supprimer les instructions individuelles données par le pouvoir exécutif (déclinaison de l’article 65 de la constitution) - Définir des politiques pénales spécialisées (exemples : dépêche du
27 juin sur les actes à caractère raciste ou antisémite ou dépêche du 3 août sur les armes), territoriale (exemple : dépêche sur la situation à Marseille), pour un évènement (exemple : dépêche du 22 juin relative à la sécurité sur le Tour de France), une question juridique (exemple :dépêche du 6 juillet sur le placement en GAV des étrangers en séjour irrégulier ou dépêche du 7 août faisant suite à la promulgation de la nouvelle loi sur le harcèlement sexuel) ou appuyer une politique publique (exemple : dépêche du 21 août sur la mise en place des zones de sécurité prioritaires) - Renforcer la légitimité des nominations des Magistrats du Parquet : depuis son installation, la Ministre de la Justice, Garde des Sceaux n’est jamais passé outre un avis négatif du Conseil Supérieur de la Magistrature dans la nomination des membres du Ministère Public, la circulaire du 31 juillet 2012 a instauré un principe de transparence – qui n’existait pas jusqu’à aujourd’hui - pour les nominations des Procureurs Généraux, Avocats Généraux près la Cour de Cassation et Inspecteurs Généraux et Adjoints des services judiciaires; ces évolutions seront inscrites durablement dans les normes juridiques, conformément à l’engagement du Président de la République. La fin des instructions individuelles s’inscrit donc dans un ensemble tendant à refonder l’action du ministère public sur des bases conformes aux exigences conventionnelles et constitutionnelles, et notamment aux standards posés par la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et le Conseil de l’Europe. Cette suppression trouvera son aboutissement dans la réforme de
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Vie du droit l’article 30 du code de procédure pénale qui rétablira le Garde des Sceaux dans sa mission de conduite de la politique pénale et les Procureurs de la République dans leur rôle d’exercice de l’action publique. Cette approche avait été mise en œuvre entre 1997 et 2002 avec succès. Toute cette nouvelle politique pénale et structuration du Ministère Public qui la porte tend à un double impératif de restauration de la confiance dans la Justice sur une base d’égalité des citoyens devant la Loi et d’affirmation de son autorité et de son efficacité notamment en matière de lutte contre la récidive, suivant ne cela les orientations définies par le Président de la République durant la campagne et plus récemment le 14 août Les principes directeurs de la nouvelle politique pénale : La circulaire de politique pénale fonde la nouvelle politique pénale du Gouvernement sur sept principes directeurs qui doivent être pris en compte à toutes les étapes du procès pénal : - individualisation des décisions, chaque décision doit – pour être efficace – tenir compte de la gravité des faits commis, de leur
circonstances et des éléments concernant la situation de l’auteur de ces faits (travail, logement, famille, addictions) afin de s’assurer non seulement du caractère punitif de la sanction, mais également de son impact pour prévenir la récidive ; afin de favoriser l’adaptation la plus pertinente des décisions pénales, les instructions enjoignant les parquets à faire systématiquement appel de la non application d’une peine plancher sont abrogées ; - intervention en temps utile, il est demandé de prendre le temps nécessaire à l’individualisation, et de veiller rigoureusement à traiter dans les meilleurs délais les dossiers qui sont actuellement en attente d’audiencement ; - attention portée aux victimes d’infractions, qui doit se concrétiser par un accueil et un accompagnement de qualité des victimes dans tous les Tribunaux de France : des bureaux d’aide aux victimes, 50 ont été créés en 4 ans, seront installés dans la quasi-totalité des Tribunaux de Grande Instance d’ici un an. - respect des droits de la défense, les conseils doivent bénéficier des conditions nécessaires pour exercer leur mission ; - direction effective des Officiers de Police
Judiciaire, les Procureurs de la République sont invités à réunir les OPJ de leur ressort pour leur exposer les orientations de politique pénale ; les OPJ seront tenus informés des suites judiciaires données à leurs investigations afin d’améliorer la performance de celles-ci ; - recours à l’incarcération lorsque toute autre sanction est inadéquate, conformément aux termes de la loi du 24 novembre 2009, il est rappelé que la recherche des modalités de sanction les plus adaptées aux faits commis, à leurs circonstances et à l’objectif de prévention de la récidive constitue une obligation légale et une priorité de politique pénale ; - spécialisation de la justice des mineurs, qui vise à assurer le recours au Juge naturel des mineurs et à garantir la continuité de leur prise en charge. Cette politique est fondée sur la triple exigence de fermeté, d’efficacité dans la lutte contre la délinquance et de respect des droits fondamentaux. L’action publique conduite par les Parquets devra se conformer à ses principes et chaque réponse pénale devra être adaptée au contexte et à la gravité des faits reprochés et à la personnalité de la personne mise en cause.
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Réactions des syndicats POLITIQUE PÉNALE : UN NOUVEAU SOUFFLE par le « Syndicat de la Magistrature » lors que la garde des Sceaux vient successivement d’installer le comité d’organisation d’une conférence de consensus sur la prévention de la récidive et d’adresser à l’ensemble des Magistrats du Parquet une circulaire d’action publique très programmatique, l’heure est venue de faire le point sur les premiers pas du nouveau gouvernement en matière pénale. A l’évidence, le ton et le fond ont nettement changé. Il est loin le temps où Rachida Dati se posait en « chef des procureurs » et leur adressait des directives ineptes visant à doper le « taux de réponse pénale » ou à obtenir un maximum de peines-planchers (1). De même n’est-il plus question d’encourager les parquets à préférer systématiquement l’incarcération – fût-elle inefficace – à ses alternatives utiles, sans tenir le moindre compte de la surpopulation carcérale, comme à l’époque de Michel Mercier (2). Indubitablement, la circulaire d’aujourd’hui marque une rupture importante, qui mérite d’être saluée : fin des instructions individuelles, diversification des modes de poursuites, limitation du recours à la comparution immédiate et à
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l’emprisonnement, réaffirmation de la spécificité de la justice des mineurs, priorité donnée à l’aménagement des peines. L’ouverture d’une réflexion pluridisciplinaire sur les moyens de mieux prévenir la récidive, qui rompt dans sa philosophie avec l’idéologie délétère du tout-répressif / toutcarcéral, constitue également un signal encourageant. Rappelons toutefois qu’une circulaire ne saurait bien sûr tenir lieu de loi pour concrétiser le changement promis, que celle-ci a du reste été tardivement diffusée (elle était attendue en juillet, puis officiellement annoncée pour le 29 août) et qu’un flou certain entoure encore le calendrier des concertations et réformes qui s’imposent pour restaurer la justice des mineurs, garantir l’indépendance des procureurs ou encore faire émerger une police vraiment judiciaire. Concernant le futur mode de nomination des Magistrats du Parquet, l’affaire semble prématurément entendue : la circulaire évoque un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. N’y aura-t-il donc pas de débat ? Le Président de la République s’était pourtant dit ouvert à une réforme plus profonde, que le Syndicat de la magistrature continue à appeler de ses vœux : le CSM doit cesser d’être un organe consultatif, pour être à l’initiative de la nomination de tous les magistrats. Il est par ailleurs surprenant de voir la garde des Sceaux affirmer
qu’elle ne donnera plus d’instructions individuelles tout en maintenant tel quel le lourd système de « remontée » des informations en provenance des parquets. Il est nécessaire d’en finir avec la politique du rapport permanent, en transformant les parquets généraux en parquets d’appel. Quant à la diversification de la réponse pénale, elle constitue sans aucun doute un objectif légitime, mais il est regrettable que la Chancellerie n’ait pas saisi l’occasion pour questionner la réponse pénale elle-même. Il aurait été utile d’inviter les procureurs à favoriser pour certains faits des réponses plus adaptées (ex : les incidents en milieu scolaire dont la justice n’était pas saisie il y a encore quelques années). En revanche, le Syndicat de la magistrature se félicite de l’abandon du terme « dangereux » pour qualifier certains condamnés, un tel concept étant loin d’être consensuel en ce qu’il est porteur d’une essentialisation contraire à la conception de l’humain qui fonde notre droit et notre justice. Il aurait été pour le moins paradoxal de voir resurgir cette notion le lendemain du lancement des travaux sur la récidive, qui semblent s’inscrire dans une autre logique. A cet égard, le discours prononcé par François Hollande le 14 août dans le Var était de nature à inquiéter. Certes, le drame de Collobrières n’a pas été immédiatement récupéré par le pouvoir – ce qui
est loin d’être négligeable après dix ans d’exploitation cynique de la souffrance des victimes –, mais certains réflexes semblent avoir la vie dure, comme celui qui consiste à faire croire après coup qu’il est possible d’empêcher certains passages à l’acte et d’en faire porter la responsabilité à l’institution judiciaire en s’abandonnant au confort de l’illusion rétrospective. Ainsi le chef de l’Etat a-t-il eu la très mauvaise idée de déclarer « Comment comprendre qu’un condamné, qui vient de purger sa peine, puisse ne pas avoir de suivi, de contrôle, alors même que le caractère dangereux est encore évident, après un séjour, quelle qu’en soit la durée, en prison ? ». Le Président de la République n’a d’ailleurs pas résisté à la tentation de promettre une peine infinie, en évoquant « un dispositif de suivi, de contrôle des individus les plus dangereux et notamment ceux qui sont soumis à un contrôle judiciaire ou ceux qui ont achevé leur peine doivent encore être surveillés, compte tenu de leur caractère dangereux ». François Hollande s’était pourtant engagé à revenir sur la « rétention de sûreté », ce qui implique nécessairement de supprimer la « surveillance de sûreté » qui en constitue le support. Dans ce contexte, il est regrettable que la Chancellerie n’ait pas admis la presse lors de la présentation, hier, de la conférence de consensus sur la récidive. Se défaire de l’emprise
sécuritaire nécessitera en effet du courage – et la garde des Sceaux n’en manque pas –, mais aussi une importante pédagogie et une totale transparence, à chaque instant, pour permettre au nouveau souffle impulsé de se déployer pleinement, afin que la raison ait quelque chance de l’emporter sur les fausses évidences qui se sont imposées à la fin des années 1990 et ont fini par interdire tout débat. D’autant que, simultanément, le ministre de l’Intérieur marche dans les pas de ses prédécesseurs et entend occuper le terrain : agitation de la « délinquance roumaine » pour justifier de multiples évacuations de campements de Roms, annonce d’une nouvelle (et absurde) loi antiterroriste ou encore – aujourd’hui – tentative d’enterrement du débat sur les contrôles d’identité au faciès avant même qu’il n’ait débuté ! L’action déterminée de Christiane Taubira n’est pas en cause, elle doit même être largement approuvée à ce stade – même s’il importe qu’elle ne se focalise pas sur la seule question imposée de la récidive pour s’étendre à l’ensemble de la matière pénale et que la garde des Sceaux se saisisse sans attendre d’autres sujets cruciaux (les justices civile et sociale, la justice des mineurs dans sa globalité, l’accès au droit, les conditions institutionnelles et administratives de l’indépendance de la justice). Il est en revanche encore permis
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Vie du droit 2. La lutte contre la récidive et la prévention de la récidive La politique pénale se fonde sur les constats objectifs suivants :
- le taux de surpopulation carcérale demeure extrêmement élevé, entraînant des conditions de détention indignes et des conditions de travail difficiles pour les personnels : 11 établissements pénitentiaires présentent un taux de surpopulation carcérale supérieur à 200 % et 31 situés entre 150 et 200 % - Seules 20 % des personnes incarcérées bénéficient d’un aménagement de peine destinées à préparer leur réinsertion. – 40 % des détenus ont été condamnés à des peines fermes de moins de 6 mois et 45 % des détenus sont à moins de 6 mois de leur fin de peine. A partir de ces constats, la Ministre de la Justice a souhaité réorienter la politique pénale vers plus d’efficacité, dans le cadre du respect des droits fondamentaux. Ces objectifs se traduiront dans : - Le choix des orientations de procédure ; - Le choix des peines requises ; - Un fort accent porté sur les aménagements de peines. de s’interroger sur la volonté du Président de la République et du Premier Ministre de sortir enfin et franchement de l’ère libéralesécuritaire. La justice est-elle bien une priorité pour ce gouvernement ? L’avenir devra le démontrer. Paris, 19 septembre 2012
1- Cf. Notre communiqué du 17 février 2009 : http://www.syndicatmagistrature.org/Politiquepenale-Mes sieurs-les.html 2- Cf. Notre tribune du 26 juillet 2011 : http://www.syndicatmagistrature.org/Prisons-silence-onen tasse.Html
UNE POLITIQUE PÉNALISANTE POUR L’AVENIR par le syndicat « Magistrats pour la Justice » nnoncée pour le 29 août, la circulaire de politique pénale de notre nouvelle Garde des Sceaux a été reportée semaine après semaine jusqu’au Conseil des ministres de ce matin. La faute à un ordre du jour chargé -comme l’indique la chancellerie- ou la crainte de dérapages, voire de franches contradictions politiques et gouvernementales, qui rendait nécessaire une relecture interministérielle vigilante sous l’égide de Matignon et de l’Elysée, la question reste ouverte. On imagine en tout état de cause que la version finale de cette circulaire a été mûrement réfléchie et que ce minutieux travail préalable ne donne que davantage de poids aux orientations définies par notre Ministre. Raison de plus pour en faire une lecture des plus attentives. On s’attendait naturellement au détricotage des « lois sécuritaires » promulguées ces
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Plus d’efficacité, c’est également évaluer rigoureusement l’impact des différents types de peine sur les risques de récidive. Quelle que soit la méthodologie retenue, toutes les analyses françaises et étrangères convergent vers des résultats identiques : la prison aggrave le risque de récidive. La prison comme mode de punition légitime n’est pas remise en cause, mais son impact sur le risque de récidive doit être plus sérieusement pris en compte, sachant que l’incarcération aggrave ce risque puisque 63 % des personnes détenues ayant achevé leur peine sans aménagement sont recondamnées dans un délai de 5 ans, contre 39 % pour celles qui ont terminé leur peine sous le régime de la libération conditionnelle. L’objectif de la nouvelle politique pénale est d’opérer un changement au bénéfice de solutions plus pragmatiques et ayant démontré leur utilité pour promouvoir la sécurité de tous : une grande variété d’aménagements de peine existe pour répondre à la variété des situations (gravité des faits, personnalité de l’auteur, contexte) : semi-liberté, bracelet électronique, suivi encadré par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, notamment dans le cadre des libérations conditionnelles ou des
dernières années ; il était annoncé et il est engagé. Néanmoins le sentiment laissé par cette circulaire à première lecture est plus contrasté. Comme si l’assouplissement répressif voulu n’était pas totalement assumé, comme si une soudaine pudeur s’emparait de l’exécutif. La méthode laisse dubitatif quant à l’interprétation à en faire ; est-ce le fruit d’un consensus, la peur d’annoncer trop clairement ses objectifs à l’opinion publique, la crainte d’avoir à rendre des comptes au prochain scandale, la volonté de laisser les magistrats prendre seuls leurs responsabilités ?... Entre les lignes, au-delà des circonvolutions, le MPJ livre son opinion, fidèle à la lettre et à l’esprit d’ensemble qui se dégage à la fois des orientations données à son action par notre Ministre et des consignes adressées aux procureurs (et, en réalité, à travers eux les attentes exprimées le plus souvent à destination des juges du siège). Entre des évidences troublantes et des instructions périlleuses, les « véritables priorités » de Christiane TAUBIRA s’articulent autour de trois grands axes : - sa conception du rôle du Garde du Sceaux dans ses rapports avec les parquets - ses attentes à l’égard des procureurs dans leur action de manière générale et - ses exigences dans le choix de la sanction et l’exécution des peines. Sur les deux premiers points, rien d’original. On regrettera d’ailleurs la propagande mal séante mêlée aux instructions données à des magistrats dont on veut renforcer l’impartialité, au point de se demander si cette dimension partisane n’est pas destinée à trancher avec la
fadeur du contenu, afin de donner l’illusion d’une vision novatrice et d’une pratique en rupture avec le passé. Ainsi, les spécialistes du monde judiciaire ne manqueront pas de s’étonner de la stigmatisation d’une disposition de la loi Perben qui présentait le mérite de définir pour la première fois le rôle du Garde de Sceaux en le chargeant de conduire la politique d’action publique par voie d’instructions générales aux parquets. De même, on s’étonne que la Ministre affirme vouloir rompre avec les pratiques antérieures, excepté sous le gouvernement Jospin de 1997 à 2002, en renonçant à recourir aux instructions individuelles. Alors qu’à l’évidence elle reprend la même philosophie en matière de politique pénale et fixe les mêmes limites à la prohibition de principe des instructions individuelles que ses prédécesseurs sur les quinze dernières années. Et sur ces deux points, on reconnaîtra bien volontiers que l’équilibre est satisfaisant. En revanche, le MPJ réaffirme qu’afficher des principes censés renforcer l’impartialité des parquets (le mot « indépendance » étant soigneusement écarté) ne suffira pas. Pour éviter d’éventuelles immixtions indues du pouvoir exécutif dans les affaires judiciaires, il faudra poser de puissants garde fous pour s’assurer qu’en pratique et officieusement la main du pouvoir ne pèse pas sur la balance. Il faudra également donner des garanties statutaires aux magistrats du siège comme du parquet. S’agissant des sept principes directeurs de l’action publique qui sont déclinés, on pourrait saluer le bon sens de bon nombre de préconisations (apporter une réponse pénale
sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général. La lutte contre la récidive constitue une priorité d’action du gouvernement. Dans l’immédiat, les parquets devront s’assurer que la majorité des sorties de prison soient encadrées par des mesures de suivi appropriées et que la continuité de ce suivi soit garantie. Tout manquement aux obligations de suivi fera l’objet d’un signalement immédiat à l’autorité judiciaire.
Conclusion Ces mesures immédiates sont nécessaires, mais pas suffisantes. C’est pourquoi, la Ministre de la Justice, Garde des Sceaux a installé hier, mardi 18 septembre, un processus de concertation sous la forme d’une conférence de consensus sur la prévention de la récidive destinée à sortir des échanges polémiques et à bâtir une politique durable assise sur des éléments solides et incontestables. L’ensemble de ces dispositifs doivent nous permettre de progresser significativement en matière de prévention de la récidive 2012-645
« ni trop rapide … ni trop lente », respecter les droits des parties, rendre des décisions adaptées à chaque affaire, rechercher des sanctions justes…). Mais ces obligations professionnelles évidentes, rappelées sous forme d’instructions, porte à s’interroger quant au regard posé sur notre profession, la considération accordée à l’esprit de justice et au sens de l’équilibre des magistrats. Cette approche n’est pas sans rappeler le discours récurent tenu ces derniers temps pour dénoncer ceux qui font « croire à l’opinion publique qu’en enfermant de plus en plus, n’importe comment, et pour n’importe quoi, on assurait sa sécurité. Or, on met aussi des humains en péril. ». Laisser entendre que les magistrats se seraient livrés à une répression aveugle et excessive sous la pression du pouvoir politique est insultant pour l’ensemble du corps et infondé. Dernier axe, le choix de la peine et sa mise à exécution. Le MPJ note avec satisfaction la renonciation implicite à l’abrogation de la loi instaurant la rétention de sûreté. Il salue la fermeté et la réaction ferme, parfaitement justifiées et extrêmement souhaitables, demandées aux parquets à l’égard des condamnés dangereux. Pour le reste, l’affaiblissement généralisé de la réponse pénale et le postulat anti-carcéral inconditionnel et sans alternative sérieuse conduisent le MPJ à émettre les plus vives réserves quant aux conséquences d’une telle politique. S’agissant des peines planchers, au-delà des critiques quant à la motivation et à l’impact de leur abrogation, une question de
principe mérite d’être posée : Les magistrats appliquent les lois et règlements. On ne peut dans un ordre démocratique leur demander d’écarter l’application d’une loi par voie de circulaire sans modifier les textes après un examen et un débat devant le Conseil d’Etat, le Parlement, voire le Conseil constitutionnel. S’agissant du choix de la peine, on relèvera le paradoxe consistant à exiger des magistrats qu’ils soient justes, qu’ils prennent des décisions individualisées et en même temps à attendre d’eux que dans la détermination de la peine ils s’abstiennent de prononcer des peines de prison ferme et ne choisissent pas la peine la mieux adaptée sous prétexte que la prison la plus proche n’aurait pas la capacité d’accueil nécessaire. Un tel traitement pénal affaiblira la répression dans les zones les plus exposées à la délinquance. Il fait dépendre la justice des moyens qu’on lui donne localement et provoque une rupture d’égalité face à la loi. C’est un choix aussi censé que de demander à un médecin de prescrire non ce qui convient le mieux à son patient, mais uniquement en fonction de ce dont dispose la pharmacie du coin et qu’importe si ce n’est pas le plus efficace et le mieux adapté à sa pathologie ! Le MPJ demande qu’une réflexion préalable, sérieuse et scientifiquement étayée soit engagée sans tarder afin d’évaluer les conséquences d’un arrêt du programme de construction et de rénovation des établissements pénitentiaires et les conditions d’une généralisation d’alternatives à l’incarcération ou d’aménagement de peines socialement efficaces. Paris, 19 septembre 2012
Les Annonces de la Seine - jeudi 20 septembre 2012 - numéro 56
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Décoration
Jacques Diemer, Officier du Mérite Paris - 18 septembre 2012
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
René Ricol, Jacques Diemer entouré de son épouse, ses filles et petits-enfants et Agnès Bricard
e mardi 18 septembre, au Conseil Supérieur de l’Ordre des ExpertsComptables, la Présidente Agnès Bricard, aux côtés de René Ricol, accueillait les prestigieux invités de leur confrère Jacques Diemer qui avait organisé une cérémonie au cours de laquelle le Président d’Honneur de l’IFAC (Organisation Mondiale des Experts-Comptables) lui remettait les insignes d’Officier dans l’Ordre National du Mérite ; l’Officiant s’est notamment exprimé en ces termes :
C
« Si nous sommes là ce soir, c'est pour rappeler les mérites qui sont les tiens au service de l'intérêt général. Et, de ce point de vue, ta carrière est indissociable de l'histoire des organismes de gestion agréés. Ces organismes ont été créés dans les années 70, ce sont des « structures associatives de proximité » destinées à aider leurs adhérents dans les démarches comptables et fiscales, à prévenir les difficultés financières et assurer une activité de formation. Tu fais partie des pionniers qui ont vite repéré l'intérêt de ces structures pour les toutes petites entreprises, les artisans ou encore les professions libérales. C'est ainsi que tu fondes le CGARP, Centre de Gestion Agréée de la Région Parisienne, en 1976, puis l'AARP, l'Association Agréée de la Région Parisienne un an plus tard, puis l'UNCA, l'Union des Centres et Associations Agréées, puis la FCGA, la Fédération des Centres de Gestion Agréés, puis l'UNASA, l'Union Nationale des Associations Agréées. Ces différents organismes ont peu à peu fédéré les Centres et Associations présentes sur le territoire. Que tu en sois membre fondateur montre bien une chose : tu n'as eu de cesse de promouvoir, défendre, unifier la profession. Lorsqu'un temps ils ont été menacés de disparition, tu t'es démené pour l'ensemble des personnes qui travaillaient au sein de ces organismes. Rien ne t'y
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obligeait. Ton cabinet d'expertise comptable pouvait largement suffire à occuper tes journées. Ta capacité à rassembler les énergies se manifestera de nouveau lors de la création de France Défi, ce réseau d'Experts comptables regroupés autour d'une marque unique, que j'ai créé en 1989. C'est dans ce cadre que nous avons fait vraiment connaissance et que nous nous sommes liés d'amitié. Ce réseau, qui regroupe aujourd'hui plus de 300 Experts Comptables et 2600 collaborateurs répartis sur l'ensemble du territoire, est un bel exemple de confraternité astucieuse et profitable pour tous. Grâce à ce réseau, des cabinets à taille humaine pouvaient désormais collaborer sur des dossiers de taille importante. Sa mise en place a exigé cependant un engagement constant et beaucoup d'heures y furent consacrées en plus de nos heures de travail. Mais Jacques, adhérent de la première heure, appartient à cette catégorie de gens qui ne se contentent pas de leur propre business, qui sont toujours avides de nouveaux engagements. En 1993, tu pressens que l'informatique va peu à peu représenter une source considérable de gain de temps. Tu participes ainsi à la fondation du Centre d'Edition et de Transfert Informatique de la Région Parisienne, précurseur de la dématérialisation des liasses fiscales. Quelques années plus tard, tu réalises cependant que le rythme que tu t'imposes est trop soutenu et décides de vendre ton cabinet. Décision lourde de sens, mais courageuse, qui te permettra de reprendre du service pour l'intérêt général. En 2008, tu es nommé président de l'Union Francilienne des Centres et Associations Agréés, alors que ces organismes sont menacés de disparition. C'est un retour aux sources puisque tu avais toi-même créé cette association quarante ans plus tôt. Chargé à nouveau de représenter les 70 organismes de gestion agréés présents en Ile de France auprès des institutions politiques et de
l'administration, tu remportes un vrai succès dans un contexte défavorable à ces organismes. Plusieurs organisations professionnelles, qui souhaitaient les voir disparaitre, menaient à cette fin un lobbying plutôt efficace auprès des pouvoirs publics. En 2005, une réforme fiscale avait en effet entr'ouvert la porte et ils furent nombreux ceux qui s'engouffrèrent dans la brèche. De manière intelligente, tu ne t'es pas arc-bouté sur le passé et les avantages fiscaux dont pouvaient se prévaloir jusqu'en 2005 les TPE qui bénéficiaient des services des organismes de gestion agréés. Au contraire, tu as cherché à renforcer la légitimité et l'intérêt de ces structures en faisant en sorte que de nouvelles missions leur soient confiées. C'est ainsi que la prévention des difficultés des TPE et le contrôle de la vraisemblance des déclarations des TVA sont venus renforcer les compétences premières des organismes agréés ». Particulièrement soucieux des autres, le récipiendaire a consacré beaucoup de temps à l’intérêt général, courageux et honnête, Jacques Diemer est écouté et apprécié par ses pairs. Son parcours professionnel s’illustre par des combats dignes qui reflètent une forte capacité à s’engager et une grande détermination. Toujours soucieux du bien-fondé de ses décisions, cet « homme du chiffre » aime les autres a déclaré René Ricol et ses diagnostics comptables sont toujours empreints d’aménité et de justesse. L’exigence d’absolu et le perfectionnisme de Jacques Diemer reflètent l’âme d’un homme, aux multiples talents, qui force l’admiration de ceux qui ont la chance de le connaître. Il était légitime que la République mette à nouveau en lumière les qualités intrinsèques de cet expert-comptable exceptionnel au premier rang desquelles un profond humanisme qui rivalise avec l’amour qu’il porte à sa famille. 2012-651 Jean-René Tancrède
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