Edition du jeudi 10 octobre 2013

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LES ANNONCES DE LA SEINE Jeudi 10 octobre 2013 - Numéro 57 - 1,15 Euro - 94e année

Michel Roger, Jacques Boisson, Brigitte Grinda-Gambarini, Philippe Narmino et Jean-Pierre Dréno,

Audience Solennelle de Rentrée des Cours et Tribunaux 2013 Monaco - 1er octobre 2013

VIE DU DROIT

Rentrée Solennelle - La justice dans l’espace et le temps par Brigitte Grinda-Gambarini ...... 2 - Le juge, l’avocat et le professeur de droit face à la Convention européenne des droits de l’homme par Jean-François Renucci ..... 4 - Le pouvoir judiciaire par Jean-Pierre Dréno ................................. 7 - Inauguration de l’annexe du Palais par Philippe Narmino ......... 9 l Projet de loi visant à prévenir la récidive et à renforcer l’individualisation des peines par Christiane Taubira .................................................................. 12 l

VIE DU CHIFFRE

68ème Congrès de l’Ordre des Experts-Comptables S’engager auprès des entreprises par Joseph Zorgniotti ............................................................................... 10 l

JURISPRUDENCE

Loi relative à la transparence de la vie publique Conseil constitutionnel - 9 octobre 2013 - Décision 2013-676 DC ...... 13 l

IN MEMORIAM

Jacques Vergès nous a quittés Un avocat s’éloigne par Philippe Champetier de Ribes ............ 18 Pourquoi l’aimez-vous ? par André Coriolis .............................. 19 l

PALMARÈS l

Barreau de Paris Solidarité Trophées Pro Bono 2013 .......... 21

ANNONCES LÉGALES ................................................ 22 ADJUDICATIONS .......................................................... 28 DIRECT l

Pierre-André Peyvel a quitté la Préfecture de Nanterre ...... 32

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’année judicaire 2013/2014 a débuté ce mardi 1er octobre pour les Cours et Tribunaux monégasques, cette fois-ci Son Altesse Sérénissime Albert II de Monaco n’a pu honorer de sa présence la traditionnelle cérémonie qui marque périodiquement la vie judiciaire car il était retenu par les hautes obligations de sa charge. Brigitte Grinda-Gambarini, Première Présidente, et Jean-Pierre Dréno, Procureur Général, ont accueilli leurs prestigieux invités au premier rang desquels Jacques Boisson, Secrétaire d’Etat, représentant Monseigneur le Prince de Monaco. Madame le Premier Président a dressé un bilan de l’année écoulée puis a livré un message fort et symbolique sur « l’espace et le temps judicaires ». Soulignant la présence d’Isabelle Bonnal Directrice de l’Education Nationale et de Christian Vallar Doyen de la Faculté de Droit de Nice qui conforte les liens unissant le monde de l’éducation et du savoir à celui de la justice, elle a conclu son intervention en se fixant quelques objectifs pour l’avenir : rendre des décisions de qualité, améliorer les procédures de mise en état, maîtriser la croissance des frais de justice et favoriser le développement de la communication électronique. Comme le veut la pratique judicaire à Monaco un discours thématique est prononcé, cette année Jean-François Renucci s‘est exprimé sur le thème : « La situation du juge,

de l’avocat et du professeur de droit face à la Convention européenne des droits de l’homme ». Sa brillante analyse sur ce traité écrit le 4 novembre 1950 pour protéger les droits de l’homme lui a permis de constater qu’il n’a préoccupé les juristes qu’à partir des années 1990. Les réactions des trois types de juristes (juges, avocats et professeurs de droit) face à son contenu sont plutôt instructives : « la curiosité chez les universitaires, la gourmandise pour les avocats et la contrariété chez les magistrats ». Cette description un peu caricaturale a amené le passionnant orateur à déclarer que : « la réalité était beaucoup plus complexe et nuancée » : critiquée, la Convention l’est au plan juridique ce qui est classique, en revanche elle l’est aussi au plan politique ce qui est une grande nouveauté : « on en n’a donc pas fini avec la Convention européenne des droits de l’homme » a-t-il ajouté. Quant à Jean-Pierre Dréno, il a notamment parlé du rôle des experts de « La Commission européenne pour la démocratie par le droit » dite « Commission de Venise » dont les « observations, concernant les juridictions qui siègent dans ce bâtiment et les magistrats qui les servent, constituent une garantie essentielle de la prééminence du droit ». Inspirant confiance aux justiciables, ils participent à l’œuvre de justice qui est indispensable à la cohésion sociale. « Il ne saurait y avoir, dans la cité, de paix sans justice crédible », a-t-il conclu. Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ʼA NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE


LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr

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La justice dans l’espace et le temps

Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05

par Brigitte Grinda-Gambarini

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Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Agnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes Administrateurs Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Magistrat honoraire Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Chloé Grenadou, Juriste d’entreprise Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :

Didier Chotard Frédéric Bonaventura

Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 13 144 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de lʼAtlas - 75019 PARIS

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Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de lʼannonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les lignes de titres nʼexcéderont pas lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lʼannonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. Lʼespace blanc compris entre le filet et le début de lʼannonce sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de lʼannonce et le filet séparatif. Lʼensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de lʼannonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début dʼun paragraphe où dʼun alinéa sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans lʼéventualité où lʼéditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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’ouverture d’une nouvelle année judiciaire nous donne habituellement l’occasion de dresser un bilan de l’année écoulée et de la vie des juridictions. Il y a un an déjà, nous avions brièvement évoqué notre relation face à l’espace et au temps. La permanence de notre institution, de nos valeurs, de nos traditions, dont cette audience est l’illustre représentation, ne peut pas dissimuler le fait que la justice évolue au sein d’un monde en constante mutation dans lequel le changement affecte inéluctablement les êtres et les choses. La nécessité de nous adapter continuellement à de nouvelles règles et à des besoins renouvelés ne doit cependant pas nous faire oublier que le premier des devoirs du service public est de garantir à tous l’accès au droit et au juge dans des conditions matérielles et temporelles satisfaisantes. L’espace dans lequel nous évoluons, c’est tout d’abord un lieu de communication, celui du message livré et ce lieu-là ne s’arrête pas aux portes de ce palais. Donner des repères à nos concitoyens, c’est nécessairement ouvrir les portes de nos prétoires et de nos bureaux aux plus jeunes. Dans ce sens, il nous semble indispensable de continuer à répondre favorablement à toute action de communication sur nos professions, notamment en direction des écoles et des universités : Journée des métiers bien sûr, mais également bains en entreprise, interventions dans les établissements scolaires aux côtés d’Officiers de police pour répondre à certaines interrogations, accès encadré à certaines audiences, ou encore stages d’étudiants de second cycle et accueil d’auditeurs de justice de l’Ecole Nationale de la Magistrature. Le rôle du Tribunal de Première Instance est fondamental dans ce type d’actions et d’interventions et nous ne pouvons que louer chaleureusement l’implication totale de ses magistrats et de leur Présidente. A titre symbolique, la présence ce matin de Madame Isabelle Bonnal, directrice de l’éducation nationale et de Monsieur Christian Vallar, doyen de la faculté de droit de Nice, conforte ces liens qui unissent le monde de l’Education et du Savoir et celui de la Justice. L’espace, c’est aussi paradoxalement, une zone de distance réduite entre la peur et l’information. Cette année, sous l’impulsion de notre procureur général et de Mademoiselle Alexia Brianti, Magistrat référendaire, nous avons fait un premier pas vers la création d’une association des victimes. Le projet n’est pas à ce jour abouti mais la prise en compte de ce besoin est effective, les contacts ont été pris et la mise en place d’une première cellule d’accueil déjà envisagée. L’espace, c’est encore l’aménagement de cette même distance entre la peur et certains types de situations. Divers événements fâcheux ont, cette année, marqué les esprits et nous remercions la Direction des services judiciaires d’avoir aussitôt fait réaliser une étude très complète sur la sécurité avant d’initier le plus rapidement possible la mise en place d’un système dissuasif destiné à protéger les magistrats et personnels de justice de tout individu dangereux ou simplement fragile et ce, dans les deux bâtiments du Palais de Justice. Qu’il me soit à cet égard permis de rendre publiquement hommage à la patience et au sang-froid des magistrats, greffiers et personnels

Brigitte Grinda-Gambarini de justice qui ont, dans ces circonstances, permis à la justice de suivre son cours normalement. L’espace, c’est enfin l’accès au juge dans son aspect matériel. Nous évoquions il y a tout juste un an le projet relatif à l’extension de notre Palais de justice au bâtiment délaissé par le Conseil National rue Bellando de Castro qui vient d’être inauguré en présence de Son Altesse Sérénissime le Prince Souverain. Grâce à cette extension, les cabinets de magistrats accueillant des personnes âgées ou à mobilité réduite et ne pouvant se déplacer normalement, se trouvent désormais situés en rez-de-chaussée du nouveau bâtiment. Nous bénéficions également d’une salle d’audience supplémentaire et d’une chambre du conseil pour les juridictions supérieures, la Cour de révision et le Tribunal suprême dans la salle de délibération spécialement affectée au Conseil d’État. Cette très récente inauguration nous conduit à rappeler qu’en décembre 1660, le prince Honoré II avait vu s’achever la construction de la maison commune, ancêtre de notre actuel palais de justice, qui fut édifié au même endroit trois cents ans après et inauguré par le prince Louis II et la princesse héréditaire Charlotte le 2 avril 1930. Moins d’un siècle plus tard, ce bâtiment et les quelques extensions successivement réalisées dans des locaux contigus ne suffisaient déjà plus à abriter l’ensemble de nos juridictions. Ainsi que le rappelait récemment Son Excellence Monsieur Philippe Narmino, l’augmentation régulière de nos activités a justifié -faute d’une emprise impensable sur l’édifice de la cathédrale voisine ou les locaux de l’archevêché- une extension sur ceux du Conseil National, institution exposée au même problème et dont le transfert en un autre lieu était déjà envisagé. La compagnie judiciaire en son entier se réjouit de la parfaite réalisation de ce projet conduit et mené à terme sous l’impulsion de la Direction des services Judiciaires et grâce à l’intervention du gouvernement monégasque dans des conditions de délais particulièrement satisfaisantes. « Le Temple de la Justice » -ainsi que le nommait en 1930 Monsieur Nogues, Président de la délégation communale- se trouve donc agrandi. Veiller à la bonne application de la loi dans les murs mêmes où elle fut votée ne pourra de toute évidence qu’être une source d’inspiration pour les magistrats, tant l’esprit des lois, cher à nos réflexions en délibéré, doit nécessairement y avoir laissé son empreinte. Après ces quelques propos sur l’espace qui nous est consacré, je me dois de rappeler que l’appréciation

Les Annonces de la Seine - jeudi 10 octobre 2013 - numéro 57

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Vie du droit


Vie du droit du temps judiciaire avait été il y a un an une source d’émotion, alors même que la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) venait de classer nos juridictions au rang des mauvais élèves européens sur la base d’indicateurs statistiques peu adaptés à la taille de notre Etat en mettant l’accent sur certains retards dans les durées moyennes des instances. Émues par le rapport critique émanant de la CEPEJ, Madame le Président du Tribunal de première instance et moi-même avions alors publiquement insisté auprès des magistrats, mais aussi des membres du barreau, sur notre responsabilité commune en matière de durée des instances. Certains avocats s’en sont émus. Il n’était de toute évidence pas dans nos intentions de jeter l’anathème sur les membres du Barreau, mais plutôt de sensibiliser tous les acteurs de la vie judiciaire sur l’impérieuse nécessité de mettre en place dès le 1er octobre 2012 de nouvelles pratiques plus respectueuses des attentes des justiciables. Des calendriers prioritaires ont été fixés pour les affaires les plus urgentes et les durées de mise en état de toutes les procédures se sont considérablement réduites. Les excellents résultats obtenus cette année en matière civile par l’ensemble des juridictions permanentes, dont vous aurez un aperçu sur les petites plaquettes statistiques mises à votre disposition, sont révélateurs de notre succès à tous dans cette difficile entreprise de réduction des délais, mais aussi des stocks. Le Tribunal de première instance a fait preuve d’une remarquable efficacité puisqu’il a rendu 1 290 jugements, en ce compris les décisions de la Chambre du Conseil et des Commissions arbitrales de loyers, la formation collégiale du Tribunal ayant quant à elle rendu publiquement 845 décisions, soit 149 de plus que l’année précédente. En matière sociale, le bureau de jugement du Tribunal du Travail a rendu 158 décisions, soit 92 jugements de plus qu’en 2011 – 2012, ce chiffre tenant en partie compte d’un grand nombre de désistements mais reflétant à l’évidence le succès de la nouvelle pratique également mise en place en matière de mise en état. La Cour d’appel a également rempli les objectifs qu’elle s’était fixés. Si 291 décisions civiles, comprenant les affaires de Chambre du Conseil, ont été rendues, la Cour a notamment prononcé

232 arrêts en audience publique, soit quasiment le double par rapport à l’année précédente. Dans tous les cas, les taux moyens de traitement des affaires en matière civile se sont grandement améliorés, la durée moyenne des délibérés également tandis que le nombre des procédures terminées a considérablement augmenté, en dépit d’une hausse significative des affaires nouvelles du moins devant la Cour d’appel. Sans la collaboration active et particulièrement efficace des avocats-défenseurs et avocats tout au long de l’année, j’insiste sur ce point, nous n’aurions certainement pas pu atteindre ces résultats et je prie Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de bien vouloir faire part à l’ensemble de ses confrères de notre très grande satisfaction et de notre volonté de voir perdurer cette démarche commune…en attendant une réforme plus complète de notre procédure civile, que nous appelons toujours de nos voeux et que laisse sans doute augurer la très récente adoption de la proposition de loi sur la nullité des actes de procédure. Avant de conclure ce bref aperçu sur l’espace et le temps au sein desquels nous évoluons, il faut rappeler également que l’adoption de la loi n°1398 relative à l’Administration et à l’Organisation judiciaire en date du 24 juin 2013 va contribuer à faciliter grandement le fonctionnement de la justice. Pour ne retenir que l’essentiel, la durée de l’année judiciaire est désormais identique pour l’ensemble des juridictions, les vacations estivales s’emplaçant du 15 juillet au 30 septembre, ce qui permettra à la Cour d’appel de prévoir des audiences supplémentaires au delà du 30 juin de chaque année. Par ailleurs, certains problèmes récurrents de composition auquel sont de plus en plus souvent confrontées les juridictions de jugement sont en partie allégés puisque la Cour d’appel qui ne comprend que cinq membres peut désormais faire compléter sa formation de jugement par un ou plusieurs magistrats du Tribunal de Première instance, une telle faculté étant également conférée à la cour de révision qui peut faire appel pour siéger à un ou plusieurs membres du Tribunal de première instance ou de la Cour d’appel. A l’issue de ce rapide bilan, je tiens bien sûr à féliciter chaleureusement et à remercier les magistrats du

siège de l’ensemble des juridictions pour le travail très important fourni au cours de l’année écoulée. Avant de conclure mon propos, je crois utile de préciser que le bilan de l’année écoulée ne saurait suggérer une quelconque logique d’entreprise que sous-entendent certains indicateurs internationaux de performance reposant davantage sur des concepts mercantiles inhérents à une activité de production qu’à la mission première de la justice. Célérité oui, mais aussi clarté et accessibilité… De tels critères doivent être nos indicateurs de progrès personnel qui nous permettront d’adapter la Justice à notre monde instable, sans perdre de vue cette phrase de Paul Valery pour qui le droit est « L’intermède des forces ». Monsieur Roger Errera, Conseiller d’État français honoraire, auteur d’un essai original intitulé « Et ce sera justice » estime que le juge est plus que jamais dans la cité. Évoquant l’évolution des mentalités et déplorant la désaffection du monde moderne envers la justice, Roger Errera estime que le niveau d’exigence de nos concitoyens augmente régulièrement… Nous le constatons chaque jour ! Il nous appartient d’y répondre pour éviter tout déficit de confiance en privilégiant certains objectifs simples : l rendre des décisions de qualité dans des délais corrects en matière civile et bien sûr pénale, l améliorer, pour ce faire et par tout moyen, les procédures de mise en état des affaires civiles mais aussi d’exécution des décisions pénales, l maîtriser la croissance des frais de justice, l favoriser le développement de la communication électronique, L’acte de juger ne peut être réduit à des chiffres ou des taux. Bien juger ce n’est pas juger beaucoup, ni juger vite en évacuant les affaires … À ce terme de taux d’évacuation repris par les indicateurs internationaux, nous préférons substituer dans nos propres statistiques, le vocable de traitement, car nous ne pouvons qu’adhérer aux critiques du Premier Président honoraire Canivet qui se demandait comment on avait pu si naturellement accepter l’expression « d’évacuation des dossiers » laquelle sous-entend étymologiquement un acte d’expulsion et de rejet, plus qu’une véritable action de résolution d’un litige.

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Gérard Forêt-Dodelin et Brigitte Grinda-Gambarini

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Vie du droit Jean-François Renucci

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Le juge, l’avocat et le professeur de droit face à la Convention européenne des droits de l’homme par Jean-François Renucci

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e dois donc vous parler du juge, de l’avocat et du professeur de droit face à la Convention européenne des droits de l’homme. Je dois dire qu’au départ, l’entreprise me paraissait facile. La Convention européenne des droits de l’homme est une matière sur laquelle je travaille depuis près de 20 ans, professeur de droit je le suis depuis longtemps maintenant, avocat je l’ai été et juge, je le suis devenu. Par conséquent, ayant exercé cumulativement ou successivement ces différentes fonctions, je me suis dit que rien ne serait plus facile que de traiter un tel sujet, tout simplement en faisant appel à mon expérience, à mes souvenirs et à mes sentiments. Mais, finalement, l’exercice s’est révélé beaucoup plus difficile que je ne pensais. Serait-ce parce que, finalement, plusieurs personnalités s’entrechoquent ? Là cela devient un peu plus problématique : en effet, lorsqu’il est question de double personnalité, cela peut déjà poser problème, mais s’il y en a trois, les choses sont encore plus délicates. Mais, y a-t-il vraiment trois personnalités ? Sans doute pas, mais vraisemblablement une seule exerçant des fonctions différentes. Très bien, mais alors suis-je toujours le même dans les trois cas de figure, ou suis-je plus ou moins différent ? Et si je suis le même, n’est-ce pas dangereux ? Et si je ne suis plus le même, n’est-ce pas encore plus dangereux ? Incontestablement, ça se complique un peu. Finalement, mieux vaut se recentrer sur le terrain purement juridique et laisser de côté ces questions métaphysiques, voire existentielles, auxquelles sont peu habitués les juristes. Là, nous sommes sur un terrain plus familier. La Convention européenne des droits de l’homme est un texte relativement ancien, qui date du début des années 50. Chacun connaît la genèse de ce texte, écrit dans l’après-guerre avec une farouche et belle volonté du « Plus jamais ça » ! Plus jamais d’atteintes aux droits de l’homme ! Plus jamais

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d’horreurs telles qu’on en a connu pendant la Seconde Guerre mondiale ! Mais, si ce texte date des années 50, ce n’est que bien des années plus tard que l’on s’y est intéressé de très près dans les juridictions et dans les facultés. Certes, les États qui, comme la Principauté, ont signé la Convention ces dix dernières années ont été directement confrontés à cette réalité, réalité qui faisait immédiatement partie du paysage judiciaire. Mais pour ce qui est des Etats, comme la France et quelques autres, qui avaient signé la Convention dès les années 50 ou tout de suite après, l’intérêt n’a pas été immédiat, ce qui explique sans doute, du moins en partie, les réactions controversées par la suite…, des réactions au demeurant particulièrement vives, parfois même irrationnelles. En effet, pendant près de quarante ans, la Convention européenne n’intéressait guère les juges et les avocats, pas même les professeurs de droit à l’exception de quelques internationalistes. Bref, dans les Palais de justice, on vivait sans elle (certains d’entre vous sont peut être en train de se dire que ce n’était pas plus mal…, tandis que d’autres sont en train de penser très exactement le contraire…). Puis, dans les années 90, ce fut le choc avec l’irruption de la Convention européenne dans les préoccupations des juristes. Dès lors, dans tous les États membres du Conseil de l’Europe, les juges et

les avocats, ainsi que les professeurs de droit se sont beaucoup intéressés à la Convention. Que s’est-il passé tout d’un coup ? Rien de surnaturel, et rien véritablement de spontané. L’explication est simple : à l’origine, le système européen de protection des droits de l’homme était essentiellement politique et pas encore véritablement judiciaire. En effet, à l’origine, le système reposait principalement sur le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, organe politique puisque composé de tous les ministres des Affaires étrangères des Etats membres : c’est précisément ce Comité des ministres qui était amené à se prononcer sur une éventuelle violation des droits de l’homme par l’un des États. C’est dire que la Convention européenne des droits de l’homme, pas dans son contenu, mais dans sa mise en œuvre, dans son fonctionnement, n’était pas véritablement l’affaire des individus, mais davantage celle des Etats. Mais, une possibilité existait : le judiciaire n’était pas loin même si, au départ, il était assez marginal et presque caché (du coup les mauvaises langues pourraient dire que le judiciaire avance parfois masqué). En effet, si les États le voulaient bien (et uniquement s’ils le voulaient bien), ils pouvaient opter pour la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme, cette juridiction de la Cour étant facultative. Car la Cour existait, mais son rôle était mineur. D’ailleurs, à l’époque, l’activité de la Cour n’était pas très importante (du moins quantitativement) : les juges se réunissaient à Strasbourg une semaine par mois et conservaient bien évidemment toutes leurs activités professionnelles habituelles. Maintenant les choses ont radicalement changé : la Cour est permanente et les juges se consacrent totalement à leur activité juridictionnelle… et d’ailleurs même dans ces conditions la Cour est aujourd’hui presque au bord de l’asphyxie. C’était en effet une option pour les États. Dans le système européen, c’est le Comité des ministres, organe politique, qui jugeait les États, mais, si les États optaient pour la formule judiciaire, c’est alors la Cour européenne, organe judiciaire, qui jouait ce rôle. La politique des petits pas était ainsi enclenchée. Au fil du temps, de plus en plus d’États optaient pour la voie judiciaire. Il y avait là, il faut bien le reconnaître, une petite pression « amicale », politique et diplomatique, de sorte qu’il a fini de ne plus être de

Les Annonces de la Seine - jeudi 10 octobre 2013 - numéro 57


Vie du droit individus plus que des Etats, du moins dans sa mise en œuvre et son fonctionnement. Tout cela a eu pour conséquence une importance croissante et forte de la Convention européenne dans le milieu judiciaire, d’autant plus que conformément au principedesubsidiarité,nulnepeutexercerunrecoursà Strasbourgs’iln’apasépuisélesvoiesderecoursinternes. LepremierjugedelaConventioneuropéenneestlejuge national et c’est donc devant lui que prioritairement une éventuelle violation de la Convention, qui est d’application directe, doit être plaidée. À partir de ce moment là, devant les juges (juges nationaux puis juges européens), l’invocation de la Convention est devenue quasi systématique et n’a fait que monter en puissance au fil des années. Il faut reconnaître que si, la plupart du temps, cette invocation est judicieuse et opportune, parfois elle l’est u peu moins. Mais revenons à notre préoccupation première : les réactions face à la Convention européenne des droits del’hommedujuge,del’avocatetduprofesseurdedroit. Pour résoudre la difficulté, le plus simple serait la caricature : comme on grossit le trait, les choses sont évidemment beaucoup plus faciles. Ainsi, on pourrait dire que lors du premier face à face entre ces trois juristes et la Convention européenne des droits de l’homme, les réactions étaient plutôt instinctives : Comment les caractériser ? Quel est le trait dominant ? Pour le professeur de droit, c’était certainement la curiosité : un nouveau champ d’étude qui apparaît, de nouvelles questions à poser et à se poser, de belles controverses doctrinales en perspective. Pour l’avocat, c’était probablement davantage la gourmandise : de nouveaux arguments à faire valoir devant les cours et tribunaux, une arme nouvelle à sa disposition ; même si ce n’est pas une arme de destruction massive comme certains ont pu (à tort) le penser, son efficacité est certaine. Pour le juge, c’était plutôt la contrariété, surtout pour les juges qui intervenaient en dernier ressort, qui avaient pris l’habitude de dire définitivement le droit : c’était ainsi à l’époque, mais ça, c’était avant. Mais là, je caricature. La réalité est beaucoup

plus complexe, beaucoup plus nuancée, comme toujours. Cela est d’autant plus vrai que la curiosité n’est pas l’apanage des professeurs de droit, et que des magistrats ou des avocats peuvent être tout aussi curieux (je parle naturellement d’une curiosité scientifique). La même réflexion peut être faite pour la gourmandise, et pour ce qui est de la contrariété il en est de même : j’ai connu des confrères avocats, et bon nombre de collègues professeurs de droit qui ont été très contrariés… le mot est faible. Dès lors, mieux vaut parler des juristes et de leurs réactions face à la Convention, lesquels ne constituent pas un ensemble homogène avec des réactions similaires. Nous ne pensons pas tous pareil, et c’est très bien ainsi. En définitive, sur le plan des réactions face à la Convention, il n’y a pas réellement de spécificités propres à ces trois professionnels, même si l’on peut déceler une dominante, et encore. Quoi qu’il en soit, il est assurément difficile d’en tirer des conclusions générales. En réalité, quelle que soit la fonction, chacun réagit en fonction de sa sensibilité propre, et si des dominantes peuvent être observées, c’est peut-être davantage une question de génération qu’une question de fonction. Il est vrai qu’une approche générationnelle peut être intéressante et significative, tant il est vrai que les plus jeunes générations de juristes ont été davantage sensibilisées à la matière, tout simplement parce que depuis quelques années la matière est enseignée dans les Facultés de droit et qu’elle est donc intégrée dans leur formation. Mais, là encore, il ne faut pas généraliser, les approches restant tout de même différentes et les juristes n’étant pas (fort heureusement) une population homogène. Ce qui a probablement le plus changé, ce n’est pas la disparition des approches différentes de la Convention, et encore moins des controverses qui sont parfois très vives, mais davantage la manière dont s’expriment ces divergences. Pour mieux appréhender cette évolution, une rétrospective s’impose. Au début, il y a quelques années, lorsque les juristes ont découvert la matière, je l’ai dit, les réactions étaient plutôt instinctives, voire irrationnelles.

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bon ton de ne pas opter pour la juridiction facultative de la Cour. Bon gré mal gré, tous les États ont fini par admettre la voie judiciaire : au début des années 90, tous les États membres de l’époque avaient accepté la juridiction de la Cour européenne. Mais cette voie judiciaire restait facultative, de sorte que les nouveaux États membres du Conseil de l’Europe, les nouveaux signataires de la Convention européenne des droits de l’homme, pouvaient parfaitement ne pas suivre l’exemple et donc rester justiciables, non pas de la Cour, mais du Comité des ministres. C’est pour cela que l’on continuait à parler de « juridiction facultative » de la Cour. Mais là encore de petites pressions « amicales » devaient intervenir et, de toute façon, cela n’a duré qu’un temps. En 1998, un protocole d’amendement particulièrement important est intervenu (Protocole n° 11) et l’une des principales modifications consistait précisément à juridictionnaliser le système européen de protection des droits de l’homme. La juridiction de la Cour n’était plus facultative, mais obligatoire, et le Comité des ministres n’intervenait plus pour se prononcer sur l’éventuelle violation de la Convention par l’un des États. Son rôle était cantonné (et c’est toujours le cas) à la surveillance de l’exécution des arrêts qui sont rendus par la Cour de Strasbourg, et par elle seule. C’est dire que les nouveaux signataires de la Convention européenne, après 1998, n’avaient plus le choix : la seule instance à se prononcer sur une éventuelle violation de la Convention est la Cour, organe judiciaire. En plus, une autre évolution importante devait intervenir simultanément. À l’origine, le recours individuel devant la Cour européenne était lui aussi facultatif : c’est le recours étatique qui était en quelque sorte la norme (la Convention était donc bien davantage l’affaire des Etats que des individus). Désormais, le recours individuel n’est plus facultatif et il est même devenu le recours principal, le recours étatique étant quant à lui assez marginal désormais. Progressivement, le système a beaucoup changé : on peut même penser qu’il a changé de nature, le recours individuel étant au cœur du système. La CEDH est progressivement devenue l’affaire des

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Vie du droit controverses. Mais il est vrai que les oppositions ont changé de nature : on se place davantage sur le terrain juridique, on argumente en droit. On est « pour » ou on est « contre », mais nous ne sommes plus dans le domaine de l’instinct ou de la croyance, mais dans celui de l’argumentation. On est « contre » parce que… ,ou alors on est « pour » parce que… et on développe des arguments juridiques. Bref, on fait du droit. Les rapports ont donc fini par se normaliser. La Convention européenne des droits de l’homme fait partie des préoccupations professionnelles du monde judiciaire, elle est appliquée, elle suscite des débats : nous sommes dans l’ordre naturel des choses. En définitive, la question n’est même plus véritablement d’être « pour » ou « contre » la Convention, mais de savoir quelles sont les frontières de son applicabilité : ceux qui aiment bien ce texte auront tendance à souhaiter un élargissement de son champ d’application, tandis que ceux qui l’aiment moins (c’est un doux euphémisme) auront plutôt tendance à penser qu’il convient d’en restreindre le domaine… mais tout cela pour des raisons juridiques, tout cela découlant d’une argumentation juridique (exemple : l’applicabilité de l’art. 6 au contentieux de la fonction publique, et même l’applicabilité de la Convention au domaine économique et social). Désormais, les juristes qui sont confrontés à la Convention européenne des droits de l’homme, qu’ils soient juges, avocats ou professeurs de droit, ils raisonnent véritablement en droit. L’heure n’est plus aux croyances, aux réactions instinctives, aux convictions profondes ni aux affirmationspéremptoires,maisauxdémonstrations : c’esttoutdemêmeplusintéressantetplusconstructif. Le grand changement, c’est que la Convention européenne des droits de l’homme est désormais considérée pour ce qu’elle est : c’est un texte juridique, forcément imparfait puisque c’est une œuvre humaine (d’autant plus que c’est le fruit d’un compromis) : ce n’est pas un texte sacré, un texte divin, pas plus que ce n’est un texte diabolique. C’est un texte important, certes, d’autant plus qu’il a une valeur supérieure à la loi (mais pas à la

Constitution) : mais ce n’est jamais qu’un texte de droit : pas moins, certes, mais pas plus. Alors, me direz-vous, tout va désormais pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pas vraiment. En effet, les choses continuent de changer. Aujourd’hui, la Cour européenne des droits de l’homme fait l’objet de critiques : ça c’est classique, mais la nouveauté c’est que ces critiques se font sur le plan, non pas juridique, mais politique. Ca c’est la grande nouveauté et c’est très récent. Mais nous sortons ici du champ d’étude qui est le mien aujourd’hui puisque là, ce n’est plus le juge, l’avocat ou le professeur de droit face à la Convention européenne des droits de l’homme, mais le politique face à cette Convention : c’est sans doute tout aussi intéressant, mais ce serait « hors sujet » et tous ceux qui ont été formés dans les Facultés de droit, et ils sont nombreux dans cette salle, savent à quel point il faut se garder du hors sujet. Pour ce qui est de la préoccupation du juriste, et pour conclure, peut-être pourrais-je vous livrer mon sentiment subjectif sur la Convention. Difficile. Difficile, car le professeur de droit que je suis aura du mal à le faire, tant il est vrai que la noblesse et l’intérêt de la fonction consistent à répondre à des questions sur le plan strictement scientifique et jamais sur le plan purement subjectif : une démarche scientifique est incompatible avec une approche subjective. Et puis, si, dans un moment de faiblesse et oubliant mes devoirs de professeur, j’étais tenté de me laisser aller à une approche purement subjective de la Convention, l’avocat que j’ai été dirait alors au juge que je suis devenu que ce ne serait pas une bonne idée : en effet, certains d’entre vous pourraient alors me reprocher, dès demain et ici même dans cette enceinte ou juste à côté, un défaut d’impartialité qui serait évidemment contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et aux exigences du procès équitable. Alors, je ne puis me permettre de vous donner mon sentiment subjectif, mais ce je puis vous dire, en toute objectivité et avec certitude, c’est qu’on n’en a pas fini avec la Convention européenne des droits de l’homme.

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On était « pour » ou « contre »quasiment par principe ou d’instinct. Les « pour » voyaient dans la Convention un texte sacré et donc intouchable où toute critique était interdite puisque forcément blasphématoire. Les « contre » pensaient très exactement le contraire, et de façon tout aussi instinctive. Chez les « pour », on pouvait à l’époque observer des réactions assez surprenantes : finalement, certains étaient plus que « pour » la Convention européenne des droits de l’homme : ils « croyaient en elle ». Ils croyaient en elle à tel point qu’ils n’en parlaient qu’en des termes idylliques et extatiques. Chez les « pour » d’autres étaient il est vrai un peu plus nuancés : certes il y avait de la sympathie et même de l’admiration, mais à des degrés divers et variables, mais sans passion romantique ni déception post-romantique. Quoi qu’il en soit, nous étions davantage dans le domaine de la croyance : c’était un véritable acte de foi. Chez les « contre », l’hostilité était particulièrement vive, y compris de la part des plus grands noms de la doctrine. Le doyen Carbonnier lui-même faisait état d’une « impression de décousu, de baroque même », ridiculisant la Cour de Strasbourg « qu’un rien amuse » écrivait-il, ajoutant que l’on finirait par s’irriter à la longue d’être (je cite) « gouverné par un conseil de conscience irresponsable, comme une chapelle très cléricale » . Le Doyen Cornu parlait, lui, des « forces majoritaires de l’illusion, de l’utopie, de l’aveuglement et de la présomption », fustigeant « un corps étranger, un droit venu d’ailleurs (…) jouant au désordre plus qu’à la cohérence ». Il a même évoqué (je cite) « un pont aux ânes qui débouche sur un terrain vague » . Bref, vous l’avez bien compris : ceux qui étaient « pour » l’étaient totalement et ne pouvaient pas comprendre un avis contraire, ou alors très difficilement. Et ceux qui étaient « contre » l’étaient de la même manière. Autant dire que le dialogue était particulièrement difficile et les relations tendues. Il était devenu urgent d’apaiser les choses et probablement de se détendre. Ce vœu a été partiellement exaucé. Les choses ont progressivement évolué, les relations se sont apaisées ce qui bien sûr n’empêche pas de vives

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Vie du droit

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Jean-Pierre Dréno

Le pouvoir judiciaire par Jean-Pierre Dréno

J

e vous remercie, Madame le Premier Président. Je vais m’efforcer d’user de cette parole que vous me cédez sans l’évacuer. Mais il me faut quand même respecter dans son usage un délai raisonnable. Je me garderais d’imiter le révérend « Don Balaguère », le chapelain, héros du conte d’Alphonse Daudet intitulé « Les trois messes basses ». Monseigneur me pardonnera. Nous ne sommes pas la veille de Noël. Et je ne veux pas finir comme ce malheureux religieux, terrassé dans la nuit de la nativité par une terrible attaque après avoir bâclé, comme vous le savez, la célébration de ses offices. Comme à l’accoutumée durant l’année écoulée, le Conseil de l’Europe nous a dépêché des experts. Ces experts ont parcouru notre constitution, nos lois et nos ordonnances souveraines, les couloirs du Ministère d’Etat me semble-t-il, en tout cas, j’en suis certain pour en avoir été le témoin, les couloirs de notre Palais de justice, ceux de la maison d’arrêt et ceux de la sûreté publique. Ces experts sont venus évaluer notre niveau de respect de la démocratie, de respect de nos engagements internationaux et de respect des libertés individuelles et de la dignité humaine. Bref, ces experts nous ont expertisé, et je désirais, ce matin, évoquer et non pas évacuer leurs conclusions je crois avoir déjà précisé dans un délai raisonnable. D’emblée j’évacue le sujet qui fâche et les sujets qui paraissent avoir contrarié certaines autorités de la Principauté, Monsieur le Ministre d’Etat me pardonnera, je veux parler des experts de la « Commission Européenne pour la démocratie par le droit », c’est-à-dire de la Commission de Venise.

Mais il m’est impossible d’omettre les observations de ces experts en ce qui concerne les juridictions qui siégent dans ce bâtiment et les magistrats qui les servent. En effet dans son avis, la Commission de Venise n’a pas manqué de relever que notre constitution établissait une juridiction constitutionnelle, le Tribunal Suprême et elle mentionne : « c’est l’une des juridictions de ce type la plus ancienne du monde (103 ans prochainement) qui offre un accès direct aux personnes physiques contre les lois censées violer les droits fondamentaux garantis par la constitution. » L’avis de la Commission ajoute : « cela représente une importante garantie de protection effective des droits de l’homme à Monaco et constitue une garantie essentielle de la prééminence du droit car les particuliers disposent d’une voie de recours contre les actes inconstitutionnels, illégaux ou arbitraires. Les ordonnances du Prince peuvent-aussi être contestées devant le Tribunal Suprême. » Dans ce même avis, je retiens également cette constatation : « la composition et la compétence du Haut Conseil de la Magistrature garantissent l’indépendance de la magistrature monégasque à l’égard de l’exécutif. ». l Enfin, dans le paragraphe consacré au « pouvoir judiciaire » figurent les remarques suivantes : « - Les Cours et Tribunaux ne sont responsables ni devant le Prince ni devant le gouvernement… - La séparation des fonctions administratives, législatives et judiciaires est assurée… - L’indépendance des juges est aussi garantie… - La loi garantit en particulier leur inamovibilité (ce point est prévu par un accord pour ce qui est des juges français détachés à Monaco)… - Les procureurs font partie de la magistrature… - Les règles concernant l’indépendance des juges sont également applicables aux procureurs… » Puis, après la Commission de Venise, c’est à la fin du mois de novembre 2012 que nous avons

également accueilli plusieurs experts du «Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants» dénommé plus couramment CPT. Il s’agissait de la semaine la plus pluvieuse de l’année, sinon même de la décennie et vous verrez que ce constat météorologique n’est pas sans importance. Ces experts ont inspecté - leur rapport utilise le terme plus pudique de « visite » : - la direction centrale de la sûreté publique, - nos cellules ici même dans ce palais, - la maison d’arrêt, - et le service de psychiatrie et de psychologie médicale du Centre Hospitalier Princesse Grace. l Pour la sûreté publique, et il m’est agréable de constater que son Directeur et ses principaux responsables, nous font ce matin, comme chaque année, l’amitié de leur présence. - Les experts du CPT ont considéré que le complexe cellulaire des gardes à vue offrait sans nul doute des conditions de séjour tout à fait satisfaisantes. Ils n’ont enregistré aucune allégation de mauvais traitement et se sont félicités, je les cite, du « contrôle strict opéré par les autorités judiciaires » des gardes à vue. Ils ont également apprécié la présence effective d’un avocat tout au long de la mesure de garde à vue des personnes suspectes. Je rappelle que cette visite avait lieu au cours de la dernière semaine du mois de novembre 2012, c’est-à-dire six mois avant l’entrée en vigueur de la loi n° 1399 du 25 juin 2013 intégrant dans l’ordre juridique monégasque et dans notre Code de procédure pénale, l’assistance obligatoire de l’avocat pendant la garde à vue. Nos experts ont « noté avec satisfaction » - ce sont les termes mêmes de leur rapport : - L’enregistrement électronique des auditions des personnes gardées à vue, - la très bonne tenue du registre de garde à vue,

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Vie du droit - et l’intervention du juge des libertés pour les prolongations des mesures de garde à vue, soit environ une douzaine par an, lequel juge rend une décision motivée. l Le rapport de notre délégation d’experts du Comité pour la prévention de la torture fait part, après son transport dans l’immeuble de la sûreté publique, « d’une impression très positive ». l Pour la maison d’arrêt, et je me réjouis d’apercevoir ici son Directeur et son Directeur-adjoint, je vous livre les extraits suivants de leur rapport : - « L’atmosphère observée par la délégation lors de la visite de la maison d’arrêt était… détendue et empreinte de respect mutuel… » ; - « Les détenus avec lesquels la délégation s’est entretenue ont émis des avis très positifs au sujet de leur contact avec le personnel pénitentiaire » ; - « Les conditions de confort et l’équipement des cellules restaient globalement satisfaisants… » ; - « L’ensemble des locaux de détention étaient dans un état de propreté et d’entretien tout à fait correct ». l Enfin, dernier point qui me permet d’associer aussi les professionnels de la santé du Centre Hospitalier Princesse Grace à ces propos élogieux : - Je n’oublierai pas ce commentaire : « la qualité des traitements médicaux et du suivi des détenus à la maison d’arrêt ainsi que la gestion efficace du service médical est à souligner. Le principe d’équivalence des soins qui devrait prévaloir avec la situation de la population en milieu libre est, quant à lui, largement assuré. » - et il me faut révéler que se trouvait alors détenue une femme enceinte, situation assez exceptionnelle sinon inédite, - mais je m’empresse d’ajouter que la grossesse de cette détenue préexistait à son incarcération. l Enfin, Madame le Premier Président, au risque d’apparaître aux yeux et aux oreilles de notre auditoire comme un insupportable laudateur, je ne saurai définitivement refermer le rapport du Comité Européen pour la prévention de la torture sans extraire cette dernière phrase : « La coopération dont les autorités monégasques ont fait preuve à l’égard de la délégation a été en tous points exemplaire. Elle a eu accès sans délai à tous les lieux de privation de liberté, à toutes les informations nécessaires à l’exécution de sa mission et a pu s’entretenir sans témoin avec les personnes privées de liberté. »

- Au rang des recommandations du CPT, et cela sans doute n’est pas sans lien avec la pluviométrie que les experts ont connue durant leur séjour monégasque, et ses conséquences inéluctables, c’est-à-dire ces infiltrations d’eau dans certaines parties du bâtiment, les experts du CPT ont souhaité un transfert, à terme, de la maison d’arrêt de Monaco dans de nouvelles installations. - Mais je crois comprendre, sinon même je crains, que cette recommandation se heurte à d’incontournables contraintes foncières et immobilières. - J’en ai hélas terminé des éloges puisqu’il me faut enfin évoquer la visite du « Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme », autrement baptisé « MONEYVAL ». - Il y a quelques jours encore avec nos partenaires du service d’information et de contrôle sur les circuits financiers – notre SICCFIN – dont j’ai plaisir à saluer sa directrice, nous étions à Strasbourg pour débattre du contenu définitif du rapport d’évaluation de ces experts. - Ce que dans un premier temps j’avais retenu d’une réunion organisée à l’issue de la visite en Principauté de l’équipe d’évaluation de « MONEYVAL » lors de ce 4ème cycle d’évaluation, c’est qu’elle considérait que des progrès substantiels avaient été accomplis depuis la précédente visite qui avait eu lieu en novembre 2006 et que ces énormes progrès conduisaient à une image totalement différente et bien meilleure de la Principauté. l La réputation de paradis fiscal propice au blanchiment de l’argent sale était dès lors à ses yeux totalement usurpée, ce que nous savons tous déjà mais ce que certains médias s’obstinent toujours semble-t-il à ignorer, ce qui me contraint encore à rappeler et ce n’est pas qu’une incantation qu’il n’y a pas de place ici en Principauté pour des fonds d’origine frauduleuse. l Par contre les experts de « MONEYVAL » s’interrogeaient sur les compétences de contrôle du Procureur général qui vous parle à l’égard des professions juridiques : - les notaires, - les huissiers de justice, - et les avocats. l Nos experts déploraient l’absence d’informations sur les moyens qui m’étaient nécessaires pour exercer cette compétence et les méthodes qui seraient mises en œuvre.

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Marie-Thérèse Escaut-Marquet, Claire Notari, Virginie San Giorgio, Laura Sparacia et Béatrice Bardy

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Ils redoutaient de constater un niveau insuffisant d’efficacité de ce contrôle des professions juridiques. l Bien sûr, ce sont ces observations que j’ai souhaité faire corriger et c’est dans ce cadre que je me suis adressé à vous, Monsieur le Bâtonnier. l Vous avez bien voulu associer vos confrères à une séance d’information sur vos obligations telles qu’elles découlent de la loi (n° 1362) du 3 août 2009 « relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption », l alors même que le recours de votre Ordre contre cette loi n’avait pas encore été examiné par la Cour européenne des droits de l’homme. l Je tiens à vous remercier sincèrement de votre implication et de votre participation dans l’organisation de cette information, durant laquelle évidemment, un représentant du service d’information et de contrôle sur les circuits financiers, le SICCFIN, a tenu un rôle essentiel. l Nous allons ainsi parvenir à rassurer totalement le comité « MONEYVAL » sur la pertinence de notre dispositif. l Mais je dois malheureusement concéder que nos travaux ont été terriblement perturbés par le vacarme engendré par les travaux qui se déroulaient dans la rue qui se situe derrière moi. l Car en réalité, qu’ils appartiennent à la Commission de Venise, au Comité européen pour la prévention de la torture, le CPT, ou encore au Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment, « MONEYVAL », ce que nous sommes parvenus à dissimuler à tous ces experts c’est notre difficulté, durant l’année écoulée, à faire respecter le principe fondamental de l’oralité des débats. l Durant ces 12 derniers mois en effet, le déroulement de toutes nos audiences a été particulièrement chaotique et anarchique en raison de ces travaux extrêmement bruyants. l Nous avons tous réellement souffert de cette situation et je forme le vœu que cette période que j’évoque soit définitivement révolue et que nous n’ayons pas à affronter des situations similaires durant l’année judiciaire qui débute. l Ce sont sans doute ces nuisances qui ont d’ailleurs conduit certains plaideurs à exposer directement leurs affaires aux journalistes plutôt qu’aux juges. l Mais il me faut affirmer que le recours à une telle procédure qui pourrait contribuer à faire de la justice un spectacle me paraît particulièrement périlleux sinon dangereux. l Outre le fait qu’il est peut-être plus difficile de convaincre un journaliste qu’un juge, la critique systématique des procédures en cours et des décisions qu’elles induisent est de nature à altérer gravement le crédit que le public peut accorder à sa justice. l Or nous le savons, et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales le rappelle, dans toutes les sociétés démocratiques et donc dans notre petite communauté, les Tribunaux, les Cours et l’ensemble des acteurs qui participent au fonctionnement de notre institution doivent inspirer la confiance aux justiciables, l et c’est dans cet état d’esprit que tous nous devons apporter notre contribution à l’œuvre de justice. Cette œuvre de justice qui est indispensable pour garantir la cohésion sociale car il ne saurait y avoir, dans la cité, de paix sans justice crédible. l

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Vie du droit Inauguration de l’annexe du Palais de Justice le 13 septembre 2013 par Philippe Narmino

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es concepteurs du Palais de Justice voisin, achevé en 1930, soit à une époque où les affaires judiciaires occupaient une place modeste dans la vie de la cité, ne pouvaient prévoir le développement qu’elles connaissent depuis deux ou trois décennies. Dans les Etats développés, les sociétés sont désormais judiciarisées, parfois même à outrance, à telle enseigne que sont imaginés des procédés divers visant à désengorger les tribunaux et alléger la charge des acteurs judiciaires. Sans aller jusqu’à s’inscrire dans cette tendance, tout en continuant à promouvoir l’Etat de droit, la Principauté de Monaco n’est cependant pas restée à l’écart du mouvement général. Le nombre des avocats, des magistrats, des greffiers et personnels de justice n’a cessé de croître. Le Barreau comptait 11 avocats en 1960, 13 en 1980. Ils sont aujourd’hui 30 à y être inscrits. Les magistrats des juridictions permanentes et du Parquet étaient au nombre de 13 en 1960, 15 en 1980. A ce jour, notre compagnie judiciaire se compose de 26 magistrats, sans compter ceux du Tribunal Suprême et de la Cour de Révision. Le Greffe Général était composé en 1960 de 4 greffiers dont le Greffier en chef. L’effectif était de 9 en 1980. Les greffiers sont aujourd’hui 19. Grâce aux précieux renseignements qui m’ont été transmis par le Directeur des Archives du Palais Princier (et je saisis cette occasion pour le remercier), j’ai découvert que s’est édifié sur ces mêmes lieux, de 1862 à 1865 sous le règne du Prince Charles III, l’Hôtel du Gouvernement. Voici ce qu’en disait le Journal de Monaco du 22 mai 1864 : « Cet hôtel, bâti sur un des points les mieux situés de la ville, à l’extrémité de la rue du Tribunal et en face du Palais de Justice, a une forme des plus gracieuses et des plus coquettes. En l’apercevant de la mer, avec sa terrasse garnie tout autour d’une élégante balustrade, on le prendrait pour une maison de plaisance. » Nous apprenons que le bâtiment présentait donc des similitudes architecturales avec l’actuel, puisque la terrasse dominant la mer, qui rend la maison plaisante, existe encore 150 ans plus tard. Mais l’histoire nous fait un autre signe. Le plan de cet Hôtel du Gouvernement comporte deux bureaux et une salle. Le Directeur des travaux publics de l’époque (A. Barral) en portant des mentions manuscrites, affecte ainsi les locaux :

Michel Roger, Jacques Boisson, Brigitte Grinda-Gambarini, Philippe Narmino et Jean-Pierre Dréno A l’est le bureau du « Gouverneur », à l’ouest celui du « Maréchal ». Derrière, occupant tout l’espace, la « Salle de Conseil ». Or nous savons qu’à cette époque, la Principauté était administrée par un Gouverneur Général (le prédécesseur du Ministre d’Etat et du Directeur des services judiciaires réunis) assisté par un Conseil d’Etat, l’une des plus anciennes institutions monégasques réorganisée sous le règne du Prince Florestan, qui était alors un organe de Gouvernement et auquel succèdera en 1909 un Conseil Supérieur de Gouvernement, devenu de nos jours le Conseil de Gouvernement.

Annexe des locaux du Conseil d’Etat et des juridictions suprêmes

Si bien que la « salle de Conseil » comme la désigne le Directeur des travaux publics n’est autre que celle où se tenait le Conseil d’Etat, à l’endroit même où aujourd’hui s’installe le dit Conseil dans sa version contemporaine. Le cycle semble donc achevé non sans avoir laissé une autre trace remarquable, présente dans l’actuel Hôtel du Gouvernement : la résidence du Ministre d’Etat comporte en effet une grande salle de réception qui jouxte le grand salon, connue par tradition orale comme étant la salle du Conseil d’Etat et au demeurant désignée comme telle par le Journal de Monaco en 1908 à l’occasion de la relation des festivités de la Saint Albert. Le Gouvernement a donc siégé ici pendant une vingtaine d’années de 1865 à 1894 ; le Conseil National s’y est installé en 1955, lorsque le Musée d’Anthropologie Préhistorique s’est délocalisé au Jardin Exotique, et y est demeuré jusqu’à l’année dernière. Aujourd’hui, le cycle semble s’achever là aussi avec l’installation des juridictions. Exécutif, législatif et judiciaire, les trois pouvoirs que la Constitution organise, se sont succédés en trois temps dans ces lieux. Ainsi, à la séparation fonctionnelle des pouvoirs prônée par le Baron de Montesquieu, la Principauté de Monaco peut se targuer d’ajouter une dimension temporelle. Dans un même lieu, à des époques distinctes chevauchant trois siècles, se sont exercés les attributs de la puissance exécutive, législative et judiciaire. Il appartient maintenant aux juridictions d’écrire les nouvelles pages de cette histoire institutionnelle.

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Vie du chiffre

68ème Congrès de l’Ordre des Experts-Comptables Les compétences au service de la performance. Dijon - 2/4 octobre 2013

par Joseph Zorgniotti

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ans un contexte économiquement difficile, pas toujours propice au dialogue et à la concertation, je crois pouvoir affirmer, à l’écoute des messages élogieux pour notre profession prononcés par Jean-Marc Ayrault et Fleur Pellerin, que nous avons su prouver notre utilité et assumer notre rôle d’intermédiaire auprès d’un gouvernement en recherche de clés pour répondre aux enjeux vitaux auxquels font face les entreprises de notre pays. Il a été rappelé dans ces allocutions que nous nous sommes faits les porte-paroles, à l’Elysée, à Matignon et dans les différents ministères concernés, des propositions de simplification de notre profession, reprises en partie par le Comité interministériel de modernisation de l’action publique (le CIMAP) du 17 juillet dernier. Chacune de ces mesures fait désormais l’objet de réunions de travail avec les cabinets ministériels, et d’un suivi attentif de notre Institution. La crise, et son besoin d’expertise de terrain, de solutions pragmatiques, n’y est évidemment pas étrangère. Mais que notre profession soit aujourd’hui autant sollicitée par les pouvoirs publics trouve également sa logique dans la continuité d’une action qui a permis l’ouverture de notre périmètre d’activité. Par la mise en avant répétée de notre utilité, et par là même de notre légitimité professionnelle, nous étions déjà parvenus à transformer une contrainte (la transposition obligatoire de la directive services) en opportunité : permettre à notre profession de s’adapter, de se moderniser, de mieux répondre aux attentes de nos clients et du marché ! Jamais l’institution n’aura autant exercé sa fonction d’intermédiairequ’aucoursdecesdernièresannées ! Jamais l’institution n’aura autant exercé sa fonction d’influence qu’au cours de ces derniers mois ! Mais ne vous y trompez pas ! Loin de nous complaire dans un jeu de courtoisie républicaine, bien éloigné des préoccupations du terrain, notre objectif est bien de peser le plus en amont possible sur les décisions gouvernementales ayant un impact sur les entreprises, et sur notre profession. Ceci ne pouvait se faire que dans la franchise et le respect mutuel qui caractérisent aujourd’hui ces relations. Un événement récent vient de prouver la qualité de ces relations. En effet, concernant le problème des cessions de parts de SCI, le gouvernement m’autorise à vous annoncer aujourd’hui qu’il se porte garant du traitement équitable entre les trois professions de notaires, d’avocats et d’expertscomptables. Je remercie tout particulièrement François Rebsamen, Sénateur-Maire de cette magnifique ville de Dijon, d’avoir accepté de porter et de soutenir les amendements de la profession. Et je voudrais profiter de la présence de Laurent Grandguillaume, député de la Côte d’Or, pour son soutien dans cette démarche. Il peut, quant à lui, compter sur nous pour l’accompagner dans la mission qui vient de lui être confiée par le Premier Ministre concernant le statut de l’entrepreneur.

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Notre institution, Votre institution, assume parfaitementsonrôled’intermédiaireentrelaprofession et les pouvoirs publics ! Ceci n’est finalement que le juste reflet de ce que nous sommes notamment : des professionnels de proximité, intermédiaires entre les chefs d’entreprises et leurs obligations. En réunissant à Dijon ces trois derniers jours, plus de 3 500 professionnels de l’expertise comptable, pour travailler sur nos compétences et notre performance, nous démontrons que nous assumons nos responsabilités et que nous savons mobiliser nos énergies, pour nos cabinets, pour nos entreprises, pour l’économie de notre pays ! Oui, nous sommes les partenaires privilégiés des entreprises ! Oui, nous sommes pour elles les traducteurs naturels des dispositifs publics auxquels elles peuvent prétendre ! Oui, nous rendons intelligible au quotidien la complexité subie par les entreprises ! Oui,notre profession est un acteur essentiel de la simplification pour les TPE-PME ! Il était impensable pour notre profession de ne pas assumer ce rôle d’intermédiaire. Il était impensable pour notre profession de se tenir en dehors de dispositifs dont l’objectif affiché est de redonner aux entreprises les moyens d’investir, d’innover, de se développer, d’exporter et de recruter. C’est la raison pour laquelle le Conseil supérieur a décidé de lancer, dès le mois d’avril, Conseil Sup’ Services, une nouvelle plateforme destinée à donner corps à notre engagement phare de cette mandature : « mieux servir les cabinets pour leur permettre de mieux servir leurs clients ! ». Avec le pôle « missions » de Conseil Sup’ Services, dédié au déploiement opérationnel de vos nouvelles missions, c’est toute une palette d’outils qui a été « packagée » : l une hotline hebdomadaire, gratuite pour tous les professionnels ; l des outils régaliens pour sécuriser chaque nouvelle mission : avec une note méthodologique et des exemples de lettre de mission, et d’attestation du professionnel ; l des outils techniques pour maîtriser le dispositif dans sa mise en œuvre opérationnelle : avec des notes de synthèse, des tableaux synthétiques, et un support de présentation pour les collaborateurs ; l des outils de communication pour informer les clients : avec une lettre d’information détaillée pour les chefs d’entreprises, et un diaporama de présentation grand public ; l une foire aux questions pour compléter l’information. Les missions de préfinancement du CICE, EIRL et SEPA figurent déjà dans ce pôle. Avec le pôle « accompagnement », vous renforcerez la valeur ajoutée de votre intervention au côté du chef d’entreprise. Après une mise à jour du guide des acteurs etdispositifsdesoutienauxentreprises,vousytrouverez tous les outils vous permettant d’accompagner les entrepreneurs concernés par la Loi de sécurisation de l’emploi et les contrats de génération. Et comment ne pas évoquer dans un congrès dédié à la performance, le nouveau pôle « performance » de Conseil Sup’ Services, dans lequel vous retrouverez

Joseph Zorgniotti Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

S’engager auprès des entreprises

les outils destinés à doper la productivité de votre cabinet. A ce jour figurent notamment : l un outil de génération en ligne du manuel de cabinet ; l un outil de diagnostic de la performance ; l de nombreuses fiches pratiques. Issus d’une très belle initiative régionale, le Conseil supérieur se devait d’en faire bénéficier l’ensemble de la profession. Vous l’aurez compris, nos actes rejoignent nos engagements ! Chères Consœurs, Chers Confrères, si nous sommes réunis aujourd’hui en famille, c’est aussi pour tenir entre nous un langage de vérité. Oui, notre profession est audacieuse, innovante, dynamique… et aujourd’hui reconnue par les pouvoirs publics. Elle est aussi pragmatique et réactive, elle sait s’adapter, se remettre en question… pour rester en phase avec le tissu économique de notre pays. Elle n’en demeure pas moins exposée, depuis une dizaine d’années, aux vents de la déréglementation qui soufflent, avec plus ou moins de vigueur, de Bruxelles à Paris. La Commission européenne vient de lancer une revue des textes encadrant les différentes professions réglementées, afin d’en évaluer la pertinence au regard du droit européen. Nous n’avons pas attendu pour prendre les devants ! Dès 2010, nous avons mis en conformité les conditions d’accès à la profession avec la directive qualifications, et adapté notre Ordonnance à la directive services. Il est temps pour notre profession de travailler en toute sérénité, en toute sécurité ! Il nous faut nous préparer à faire face à toute éventualité, sans hystérie ni panique, mais avec lucidité et pragmatisme, en nous appuyant sur ce qui fonde notre expertise, notre utilité, notre légitimité. Je pense à notre formation, notre indépendance, notre déontologie ! C’est précisément sur ces fondamentaux que je me suis appuyé, il y a quatre ans pour défendre l’ouverture de notre périmètre. C’est toujours sur ces mêmes fondamentaux que je m’appuie aujourd’hui pour maîtriser l’ouverture imposée du capital des sociétés d’expertise comptable et parachever les réformes que nous avons souhaitées.

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Vie du chiffre Vous le savez, certains chantiers sont ouverts. Je me suis engagé devant la profession à les finaliser. Permettez-moi de les évoquer avec vous aujourd’hui. La réforme de notre ordonnance, tout d’abord. Notre réglementation concernant la détention du capital et des droits de vote des sociétés d’expertise comptable n’était pas conforme au droit communautaire. Le premier projet de réforme de nos textes proposé par notre tutelle menaçait note indépendance. La solution que nous avons négociée permettra à la profession de respecter ses obligations et de préserver l’indépendance des cabinets. La détention de capital d’une société d’expertise comptable française sera désormais libre (comme dans le reste de l’Union européenne) mais deux tiers au moins des droits de vote devront toujours être détenus par un professionnel inscrit à l’Ordre. Evoquons maintenant ce qui nous intéresse au premier chef : le développement de nos activités professionnelles. Les réformes de 2010 ont permis d’ouvrir notre périmètre d’exercice, d’investir pleinement le champ du conseil et des missions sur le marché concurrentiel ; je vous l’affirme, ces réformes seront stériles si nous ne donnons pas aux professionnels les moyens de se les approprier. Notre objectif est bien de transformer ces opportunités en chiffres d’affaires… pour tous ! Quels que soient la taille et le mode d’exercice de vos structures ! Les professionnels de l’expertise-comptable doivent être libres d’employer les couleurs qui leurs plaisent pour peindre la toile commandée par leur client. Le devoir de notre institution est de leur fournir une palette de couleurs aussi complète que possible. Les « honoraires de succès » et le maniement des fonds s’inscrivent dans cette démarche. Ces avancées peuvent sembler anodines, mais en elles réside notre capacité à fournir demain un service complet aux entreprises ! En elles réside aussi notre capacité à investir totalement le champ du conseil et de l’accompagnement des entreprises, en permettant un mode de rémunération en phase avec les pratiques du marché concurrentiel. Voilà les enjeux de cette dernière réforme de notre Ordonnance ! Je souhaite également vous parler de l’encadrement du démarchage et des activités commerciales accessoires.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire du vide juridique actuel en matière de démarchage. L’interdiction totale du démarchage dont faisait l’objet notre profession a été condamnée par la Cour de Justice de l’Union Européenne. Nous avons donc réécrit l’article du code de déontologie concerné en nous appuyant sur des principes éprouvés du droit communautaire en matière de pratiques commerciales déloyales : l’interdiction de pratiques contraires aux usages professionnels et l’interdiction de pratiques altérant le discernement du client. Notre doctrine en matière de démarchage ainsi clarifiée, permettra enfin aux conseils régionaux d’identifier clairement et de sanctionner les pratiques abusives. Ce projet a été validé par la DGFiP il y a de nombreux mois déjà. Le véhicule réglementaire approprié pour son entrée en vigueur devrait être finalisé d’ici la fin de l’année 2013. En ce qui concerne les activités commerciales accessoires à nos missions principales, elles sont autorisées depuis 2010 aux professionnels de l’expertise comptable mais toujours prohibées aux Commissaires aux comptes. C’est donc l’unité de notre profession qui est en jeu sur ce sujet. Il n’est pas question de prendre des risques ! Le Conseil supérieur de l’Ordre avait saisi dès 2011 la Compagnie des Commissaires aux comptes afin d’engager une réflexion commune pour débloquer la situation auprès des pouvoirs publics. Je me réjouis qu’Yves Nicolas ait décidé d’y donner une suite favorable, dès sa prise de fonction. Nos deux institutions ont donc mandaté une mission conjointe de benchmark des pratiques professionnelles dans les principaux pays européens. Un rapport nous sera remis dans quelques jours. Et je puis affirmer déjà qu’il porte en germe les solutions à ce blocage dont souffrent aujourd’hui les cabinets qui exercent les deux métiers de notre profession. Je terminerai ce discours en revenant sur le sujet que j’évoquais devant vous il y a deux jours. Notre profession a saisi, bien avant d’autres, le virage du numérique, au point d’être souvent érigée en exemple… et de susciter quelques jalousies. Avec la mise en place du portail jedeclare.com, nous avons prouvé aux pouvoirs publics que nous étions des acteurs essentiels de la simplification pour les entreprises. J’en veux pour preuve le succès qu’a représenté les passage en mode EDI d’un certain

nombre de déclarations sociales et fiscales. Ce sont d’importants gains de productivité qui sont à la clé, ainsi que des réductions des coûts de traitement pour les finances publiques, et donc pour le contribuable. Des négociations sont actuellement en cours avec la DGFiP pour généraliser les déclarations en EDI à l’ensemble des déclarations fiscales, et tout particulièrement à l’impôt sur le revenu. Je remercie les très nombreux consœurs et confrères qui se sont mobilisés cette semaine, et qui doivent continuer de se mobiliser, pour répondre au questionnaire du Conseil supérieur sur le sujet. Il sera, je n’en doute pas, déterminant pour convaincre la tutelle de l’utilité du passage en EDI des déclarations d’impôt sur le revenu. La dématérialisation constitue un véritable enjeu de simplification pour la TPE-PME, car elle permet d’organiser le chaînage complet du traitement de l’information. Cependant, la fluidité du traitement est souvent ralentie par le défaut d’éléments dématérialisés non détenus ou non maîtrisés par l’entreprise. La généralisation des téléprocédures nous permettent d’avancer enfin sur le mandat implicite généralisé du professionnel de l’expertise comptable. Le statut actuel de tiers de confiance, qui été créé en matière d’impôt sur le revenu par la loi de Finances 2011, est trop limité. Il devra être élargi à d’autres domaines, notamment pour assurer la dématérialisation généralisée des documents du client et leur certification électronique. Télédéclarations – mandat implicite – tiers de confiance sont les différentes facettes d’un même enjeu : la reconnaissance par les pouvoirs publics du rôle central que joue notre profession dans le développement du numérique des TPE-PME. Comme vous l’avez compris, nous travaillons sur ces sujets avec les cabinets ministériels concernés et la DGFiP. Voilà, Chères Consœurs, Chers Confrères, les chantiers qui nous occupent et qui vont continuer à nous occuper dans les prochain mois. Je vous donne rendez-vous l’année prochaine pour dresser ensemble le bilan de notre méthode en cette année d’actions et de réformes. L’engagement de l’équipe que j’anime est total. Vous pouvez compter sur nous, vous pouvez compter sur moi, pour mieux vous servir et vous permettre ainsi de mieux servir vos clients ! 2013-700

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De gauche à droite : Olivier Servas, Cécile Lachaise, Laurent Fournier, Joseph Zorgniotti, Djibo Mossi, Jacques Moreau, Rémy Seguin et Myrianne Montlouis-Calixte

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Vie du droit

Lutter contre la délinquance

Projet de loi visant à prévenir la récidive et à renforcer l’individualisation des peines Chancellerie - 9 octobre 2013

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Prononcer une peine adaptée pour protéger la société par Christiane Taubira

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’ai cette conviction que la peine doit servir à protéger la société. Pour cela elle doit punir l’auteur du délit, réparer le préjudice infligé à la victime et permettre la réinsertion du délinquant. C’est autour de ces objectifs que nous avons construit le projet de réforme pénale que le Gouvernement propose, avec au cœur du projet, le souci de mieux prévenir les risques de récidive. Je veux d’emblée souligner que la réforme pénale ne réduit ni l’arsenal de peines que les Tribunaux peuvent prononcer (peines d’emprisonnement fermes, peines d’emprisonnement avec sursis ou sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, amende, jours-amendes...), ni davantage le quantum de ces peines (jusqu’à 20 années d’emprisonnement encourues pour les délits les plus graves). En revanche, ce projet tire lucidement conséquence de deux réalités que la Conférence de consensus, que j’ai installée en septembre 2012 et qui a rendu ses travaux en février 2013, a permis de mettre en exergue : l Une évidence souvent négligée : quelle que soit la durée de la peine d’emprisonnement prononcée par un tribunal correctionnel, et exécutée, un condamné sort toujours de prison. Il sort de prison et revient vivre dans la société. Dans ces dernières années, il est devenu trop fréquent qu’il en sorte sans aucun contrôle ni contrainte dans 81 % des cas. Et dans 98 % des cas pour ceux qui ont purgé une courte peine d’incarcération. Ce sont des ‘sorties sèches’. Nous savons pourtant que ces personnes sont pour une grande part d’entre elles sans formation, sans hébergement, sans moyens d’accès aux soins bien qu’étant addictives à des produits stupéfiants ; et certaines d’entre elles sont très ancrées dans une délinquance d’habitude. l Une réalité clairement mesurée et pourtant peu traitée : 63 % des personnes libérées en fin de peine sans contrôle postérieur ont été recondamnées dans les cinq ans. Ce taux chute de 8 ou 24 points lorsque les personnes détenues sont suivies après leur sortie par un aménagement de peine (semiliberté, libération conditionnelle, placement en chantier extérieur, bracelet électronique...). Nous voulons généraliser ce sas qui conduit à un retour progressif à la liberté et réduit le risque de récidive. Cela commence en réduisant le nombre de sorties sèches. Voilà pourquoi le projet de loi crée une libération sous contrainte. Le principe en est simple : au deux tiers de la peine exécutée, le juge examine la situation de la personne condamnée et voit si elle peut bénéficier d’une libération, dont il définira les conditions. Il s’agit donc d’un rendez-vous judiciaire obligatoire, qui induit

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Christiane Taubira une préparation en amont. Le juge prend sa décision librement, au regard des éléments dont il dispose. S’il prononce la libération, le condamné est alors soumis à un contrôle renforcé : rencontre régulière avec un conseiller d’insertion et de probation, interdiction de se rendre dans certains lieux, de rencontrer certaines personnes, obligation de travailler, de suivre des soins, de dédommager la victime... Le juge peut décider le maintien en détention. La prison pourra redevenir alors, en tant qu’institution républicaine, le lieu où s’exécute la sanction, mais aussi où les efforts du détenu peuvent être suscités ou accompagnés afin qu’il parvienne à s’amender, à se réhabiliter et finalement à préparer son retour dans la société, sans danger pour celle-ci. Enfin, nous enrichissons l’arsenal des peines en ajoutant à celles que le Code pénal met déjà à disposition des magistrats, une peine nouvelle nommée contrainte pénale. Cette nouvelle peine, restrictive de liberté, ne peut être prononcée que contre les auteurs de délits pour lesquels la peine d’emprisonnement encourue est inférieure ou égale à cinq ans. Cette peine vise donc principalement des délinquants contre lesquels seraient prononcées des peines d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve ou de courtes peines d’emprisonnement fermes, et chez lesquels il convient de prévenir la récidive par un suivi individualisé, serré, et régulièrement évalué. Le magistrat demeure libre de prononcer ou non cette contrainte pénale. Cette nouvelle peine consiste à soumettre le condamné à des interdictions et des obligations, notamment vis-à-vis de la victime, pour une durée fixée par le tribunal et qui peut aller jusqu’à cinq ans. Elle permet également au juge d’être assuré que la personne qu’il condamne à cette contrainte pénale sera strictement contrôlée par un conseiller d’insertion et de probation, et que le cas échéant elle pourra être incarcérée si elle manquait aux obligations qui lui incombent. Après une période d’évaluation approfondie, le conseiller d’insertion et de probation proposera au juge de l’application des peines un programme individualisé de suivi aux fins de réinsertion. Ce programme évolutif sera réévalué périodiquement. Nous voulons que les magistrats puissent prononcer la peine la plus adaptée, qui

corresponde le mieux aux faits, aux circonstances de l’infraction, à la personnalité de l’auteur du délit, aux efforts que ce dernier accomplit pour réparer le préjudice subi par la victime, et pour sortir de la délinquance. Pour ces raisons, il importe de rendre aux magistrats leur liberté d’appréciation, en abrogeant les automatismes, au premier rang desquels les peines planchers. Les peines planchers se sont avérées inefficaces à contenir la récidive. Les condamnations pour récidive légale n’ont cessé d’augmenter, y compris depuis leur mise en place en 2008. Les moyens de contrôle qui seront mis en œuvre pour la libération sous contrainte ou pour le suivi d’exécution d’une contrainte pénale sont renforcés. Les forces de sécurité pourront s’assurer, grâce à de nouvelles dispositions et capacités d’intervention, que les condamnés respectent bien les interdictions qui leur sont imposées. Les effectifs de magistrats chargés de l’application des peines ou de l’exécution des peines ont déjà commencé d’être renforcés, de même que ceux des conseillers d’insertion et de probation, qui continueront d’être augmentés de manière très significative, en plus des mesures qualitatives sur les profils de recrutement, les méthodes de prise en charge, les référentiels métiers et les outils d’analyse. Le rôle du ministère public est repensé, grâce aux travaux de la Commission présidée par le Procureur général honoraire de la Cour de Cassation, Jean-Louis Nadal. Outre les bases législatives contenues dans ce projet de loi contre la récidive et pour l’individualisation de la peine, qui seront soumises au Parlement, le gouvernement a anticipé les actions publiques nécessaires et se donne les moyens de mettre en œuvre ce projet de réforme pénale et de garantir la crédibilité et l’efficacité du contrôle qui sera exercé. Ce projet approfondi et rigoureux a pu être mené à bien grâce aux études, rapports, évaluations de parlementaires, juristes, membres d’associations, chercheurs qui, depuis plusieurs années, travaillent sur ces sujets, et grâce à celles et ceux qui, participant à la Conférence de consensus, ont ajouté à la rigueur scientifique la légitimité du dialogue par-delà les divergences et les sensibilités partisanes. Hommage leur soit rendu. 2013-701

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Vie du droit Les trois grands axes du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines

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e projet de loi vise à permettre au juge de prononcer une peine adaptée et juste. A cette fin, il supprime les automatismes qui entravent la liberté du juge et font obstacle à l’individualisation de la sanction. Sont ainsi supprimées les peines plancher et les révocations de plein droit du sursis simple ou du sursis avec mise à l’épreuve. La peine encourue par les récidivistes demeurera doublée par rapport à celle encourue par les non récidivistes et le juge conservera la possibilité de prononcer la révocation des sursis antérieurs par décision motivée si la situation le justifie. Il instaure ensuite la césure du procès pénal : le Tribunal pourra, après s’être prononcé sur la culpabilité, ajourner la décision sur la condamnation afin qu’une enquête sur la personnalité et la situation sociale du condamné soit effectuée. Le Tribunal pourra ainsi statuer sur les dommages et intérêts des victimes dès le prononcé de la culpabilité et obtenir les éléments nécessaires pour déterminer la sanction la plus adéquate. Dans l’attente de cette enquête, il pourra placer en détention le condamné si cela est nécessaire. Il crée une nouvelle peine : la contrainte pénale. Cette peine pourra être prononcée lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement maximale inférieure ou égale à cinq ans.

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Cette nouvelle peine n’est pas définie par rapport à une durée d’emprisonnement de référence. Elle ne se substitue pas aux peines existantes mais s’y ajoute, de sorte que les juges disposeront d’un nouvel outil de répression. Cette peine vise à soumettre la personne condamnée, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des obligations ou interdictions justifiées par sa personnalité, les circonstances de l’infraction, ou la nécessité de protéger les intérêts de la ou des victimes ainsi qu’à des mesures d’assistance et de contrôle et à un suivi adapté à sa personnalité. Ces mesures, obligations et interdictions seront déterminées, après évaluation de la personnalité de la personne condamnée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, par le juge de l’application des peines. Elles pourront être modifiées au cours de l’exécution de la peine au regard de l’évolution du condamné dont la situation sera réévaluée à intervalles réguliers et au moins une fois par an, par le service pénitentiaire d’insertion et de probation et le juge de l’application des peines. En cas d’inobservation par la personne condamnée des mesures, obligations et interdictions qui lui sont imposées ou de nouvelle condamnation pour délit, le juge de l’application des peines pourra renforcer l’intensité du suivi ou compléter

les obligations ou interdictions auxquelles le condamné est astreint. Si nécessaire, le juge de l’application des peines pourra saisir un juge délégué, désigné par le président du Tribunal, afin qu’il ordonne l’emprisonnement du condamné pour une durée qu’il fixera et qui ne pourra excéder la moitié de la durée de la peine de probation prononcée par le tribunal ni le maximum de la peine encourue. Cet emprisonnement pourra s’exécuter sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la surveillance électronique. L’objectif est de prononcer une peine de milieu ouvert réellement contraignante, évolutive et adaptée à la personnalité de la personne condamnée. Cette peine n’a vocation à être étendue à l’ensemble des délits qu’après une évaluation qui sera effectuée à échéance de 3 ans. Il s’agit donc d’une première étape. Une commission (composée essentiellement de magistrats et d’universitaires) chargée de l’élaboration d’un code de l’exécution des peines sera mise en place prochainement. Elle devra travailler à la refonte du code pénal et du code de procédure pénale dans ces matières afin que le droit des peines et de l’exécution des peines gagne en simplification, en lisibilité et en cohérence. Elle devra en outre réfléchir à la mise en place d’une nouvelle architecture simplifiée des peines dans laquelle la CP pourrait remplacer le SME, voire d’autres peines

alternatives et restrictives de droit et avoir, aux côtés de la prison et de l’amende, une place essentielle. Il instaure un nouveau dispositif pour éviter les sorties de prison sans contrôle ni suivi. Lorsque les condamnés sortent de prison sans contrôle et sans suivi, le risque de récidive est nettement majoré. Afin d’éviter ce type de sorties, la réforme introduit le principe d’un examen systématique de la situation de tous les condamnés qui ont exécuté les 2/3 de leur peine. S’agissant des longues peines (supérieures à cinq ans), la situation des condamnés sera obligatoirement examinée par le juge ou le Tribunal de l’application des peines qui statuera après débat contradictoire sur l’octroi éventuel d’une libération conditionnelle. S’agissant des courtes peines (inférieures à cinq ans), la situation des personnes condamnées sera examinée par le juge de l’application des peines en commission de l’application des peines. Il pourra prononcer une mesure de libération sous contrainte, qui s’exécutera sous le régime de la semi-liberté, du placement sous surveillance électronique, du placement à l’extérieur, ou de la libération conditionnelle, ou bien refuser la mesure par une décision motivée si elle n’apparait pas possible au regard de la personnalité du condamné. l

Source : Ministère de la justice

Jurisprudence

Loi relative à la transparence de la vie publique Conseil constitutionnel - 9 octobre 2013 - Décision numéro 2013-676 DC Le Conseil constitutionnel saisi par plus de soixante parlementaires dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, de la loi relative à la transparence de la vie publique votée par le Parlement le 17 septembre après le scandale de l’affaire Cahuzac, a rendu deux décisions le 9 octobre 2013 (2013-675 DC et 2013-676 DC) déclarant conforme à la Constitution l’essentiel de cette nouvelle législation validant la création de la Haute autorité de la transparence de la vie publique, nouvelle autorité administrative indépendante, et l’obligation pour les ministres, parlementaires, certains élus locaux et hauts fonctionnaires de publier désormais leurs déclarations d’intérêts et de patrimoines. Ont néanmoins été déclarés non conformes certains points. Les élus ne seront ainsi pas obligés de divulguer les activités professionnelles de leurs parents et enfants, au nom du principe du respect de la vie privée, ils devront toutefois déclarer celles de leurs conjoints, partenaires ou concubins. Chloé Grenadou Le Conseil constitutionnel 1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la transparence de la vie publique ; qu’ils mettent en cause la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 2, 4, 5, 7, 10, 11, 12, 20, 23 et 26 ; qu’ils invoquent notamment la méconnaissance du droit au respect de la vie privée, de la liberté d’entreprendre, du principe d’égalité, des droits de la défense, de la légalité des délits et des peines et de la séparation des pouvoirs ainsi que de l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; – Sur les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d’intérêts et leur publicité : 2. Considérant que le paragraphe I de l’article 4 de la loi déférée institue, pour chacun des membres du Gouvernement, l’obligation d’adresser, dans les deux moisquisuiventsanomination,d’unepart,auprésidentdelaHauteautoritépour

la transparence de la vie publique une déclaration exhaustive, exacte et sincère de sa situation patrimoniale et, d’autre part, au président de cette autorité ainsi qu’au Premier ministre une déclaration faisant apparaître les intérêts détenus à la date de sa nomination et dans les cinq années précédant cette date ; que ce paragraphe prévoit également que l’intéressé déclare toute modification substantielle de sa situation patrimoniale ou des intérêts qu’il détient et qu’il dépose une nouvelle déclaration dans les deux mois qui suivent la cessation des fonctions pour une cause autre que le décès ; que le paragraphe I de l’article 11 soumet à l’obligation d’adresser au président de la Haute autorité une déclaration de situation patrimoniale ainsi qu’une déclaration d’intérêts, dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonctions, les représentants français au Parlement européen, les titulaires de certaines fonctions exécutives locales, les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République, du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat, les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ainsi

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Jurisprudence que toute autre personne exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elle a été nommée en conseil des ministres ; que ce même paragraphe prévoit qu’une nouvelle déclaration doit être déposée en cas de modification substantielle de la situation patrimoniale ou des intérêts détenus et qu’une nouvelle déclaration de situation patrimoniale est également exigée dans les deux mois qui suivent la fin des fonctions ou du mandat ; que le paragraphe III du même article 11 soumet à ces mêmes obligations les présidents et directeurs généraux des sociétés ou autres personnes morales dans lesquelles plus de la moitié du capital social est détenue directement par l’État, des établissements publics de l’État à caractère industriel et commercial ainsi que d’autres sociétés publiques ou établissements publics d’importance ; 3. Considérant que le paragraphe II de l’article 4 de la loi déférée énumère les éléments sur lesquels doit porter la déclaration de situation patrimoniale ; qu’il prévoit que doivent y figurer les immeubles bâtis et non bâtis, les valeurs mobilières, les assurances-vie, les comptes bancaires courants ou d’épargne, les livrets et les autres produits d’épargne, les biens mobiliers divers d’une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire, les véhicules terrestres à moteur, les bateaux et les avions, les fonds de commerce ou les clientèles et les charges et les offices, les biens mobiliers et immobiliers ainsi que les comptes détenus à l’étranger, les autres biens ainsi que le passif ; 4. Considérant que le paragraphe III de l’article 4 de la loi déférée énumère les éléments sur lesquels doit porter la déclaration d’intérêts ; qu’il prévoit que cette déclaration doit mentionner les activités professionnelles donnant lieu à rémunération ou gratification à la date de la nomination et celles ayant donné lieu à rémunération ou gratification au cours des cinq dernières années ; qu’il en va de même pour les activités de consultant exercées ainsi que les participations aux organes dirigeants d’un organisme public ou privé ou d’une société ; que cette déclaration doit aussi mentionner à la date de la nomination les participations financières directes dans le capital d’une société, les activités professionnelles exercées par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin, les enfants et les parents ainsi que les fonctions et mandats électifs exercés ; qu’enfin cette déclaration doit comporter les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts ainsi que les autres liens susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts ; que doit être mentionné le montant des rémunérations, indemnités ou gratifications perçues au titre des activités et participations personnelles non bénévoles ; 5. Considérant que le paragraphe I de l’article 5 de la loi déférée prévoit que la Haute autorité rend publiques les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d’intérêts des membres du Gouvernement ; que le paragraphe III du même article précise les éléments de ces déclarations qui ne peuvent être rendus publics ; que le paragraphe I de l’article 12 prévoit également que la Haute autorité rend publiques, dans les limites définies au paragraphe III de l’article 5, les déclarations d’intérêts des personnes visées aux paragraphes I et III de l’article 11 ; que le paragraphe II de l’article 12 prévoit que les déclarations de situation patrimoniale déposées par les titulaires de fonctions exécutives locales visés au 2° du paragraphe I de l’article 11 sont, aux seules fins de consultation, tenues à la disposition des électeurs inscrits sur les listes électorales ; 6. Considérant que, selon les sénateurs et les députés requérants, en permettant la publication de l’ensemble des déclarations d’intérêts ainsi que la publication des déclarations de situation patrimoniale des membres du Gouvernement et la consultation par les électeurs des déclarations de situation patrimoniale des titulaires de certaines fonctions exécutives locales, les dispositions des articles 5 et 12 de la loi déférée opèrent une conciliation manifestement déséquilibrée entre l’objectif de probité des responsables publics et le droit au respect de la vie privée ; que l’inclusion de certaines des informations dans ces déclarations en vertu de l’article 4 porterait également une atteinte inconstitutionnelle au droit au respect de la vie privée ; qu’en outre, en exigeant que la personne soumise à l’obligation de déposer une déclaration d’intérêts indique les activités professionnelles de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin et de ses enfants et parents, il serait porté atteinte à la liberté d’entreprendre ; 7. Considérant que, selon les députés requérants, en définissant, à l’article 2 de la loi déférée, le conflit d’intérêts comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » et en exigeant, au 8° du paragraphe III de l’article 4, des personnes soumises à l’obligation de déposer une déclaration d’intérêts qu’elles mentionnent les liens « susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts », le législateur a retenu des définitions imprécises et équivoques qui portent atteinte à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; 8. Considérant que, selon les sénateurs requérants, en imposant aux titulaires de certaines fonctions exécutives locales le dépôt de déclarations d’intérêts et de déclarations de situation patrimoniale auxquelles il est donné une forme de publicité, alors que ces personnes peuvent être candidates à l’occasion de futurs scrutins, les dispositions de l’article 12 portent également atteinte à l’égalité des candidats devant le suffrage ;

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En ce qui concerne l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi : 9. Considérant qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, lui impose d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droits contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ; 10. Considérant, en premier lieu, qu’en définissant, à l’article 2 de la loi déférée, le conflit d’intérêts au sens de la loi comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction », le législateur a retenu une définition du conflit d’intérêts incluant les situations d’interférence entre des intérêts publics ou privés non seulement lorsqu’elles sont de nature à influencer l’exercice d’une fonction mais également lorsqu’elles paraissent influencer l’exercice d’une fonction ; que s’il appartient à la Haute autorité, sous le contrôle du juge, d’apprécier les situations de fait correspondant à cette influence ou cette apparence d’influence, le législateur, en étendant l’appréciation du conflit d’intérêts à ces cas d’apparence d’influence, a retenu une définition qui ne méconnaît pas l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; 11. Considérant, en second lieu, que la déclaration de situation patrimoniale, qui doit par ailleurs mentionner les immeubles bâtis et non bâtis, les valeurs mobilières, les assurances-vie, les comptes bancaires courants ou d’épargne, les livrets et les autres produits d’épargne, les biens mobiliers divers d’une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire, les véhicules terrestres à moteur, les bateaux et les avions, les fonds de commerce ou les clientèles et les charges et les offices, les biens mobiliers et immobiliers ainsi que les comptes détenus à l’étranger, doit également mentionner « les autres biens » ; qu’en retenant la mention des « autres biens » qui ne figurent pas dans l’une des autres catégories de la déclaration de situation patrimoniale, le législateur a entendu inclure tous les éléments du patrimoine d’une valeur substantielle, avec en particulier les comptes courants de société et les options de souscription ou d’achat d’actions ; qu’il appartiendra au décret en Conseil d’État prévu par le paragraphe IV de l’article 4 de fixer la valeur minimale de ces autres biens devant figurer dans la déclaration ; que le législateur n’a donc pas méconnu l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; En ce qui concerne le droit au respect de la vie privée : 12. Considérant qu’il appartient au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de fixer les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives et les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ; qu’il lui est à tout moment loisible d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles ; 13. Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le droit au respect de la vie privée ; que le dépôt de déclarations d’intérêts et de déclarations de situation patrimoniale contenant des données à caractère personnel relevant de la vie privée ainsi que la publicité dont peuvent faire l’objet de telles déclarations portent atteinte au respect de la vie privée ; que, pour être conformes à la Constitution, ces atteintes doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et mises en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif ; 14. Considérantquel’instaurationd’uneobligationdedépôt,auprèsd’uneautorité administrative indépendante, de déclarations d’intérêts et de déclarations de situation patrimoniale par les titulaires de certaines fonctions publiques ou de certains emplois publics a pour objectif de renforcer les garanties de probité et d’intégrité de ces personnes, de prévention des conflits d’intérêts et de lutte contre ceux-ci ; qu’elle est ainsi justifiée par un motif d’intérêt général ; 15.Considérant,toutefois,que,silelégislateurpouvaitimposerlamention,dansces déclarations,desactivitésprofessionnellesexercéesàladatedelanominationparle conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin sans porter uneatteintedisproportionnéeaudroitaurespectdelavieprivéecomptetenudela viecommuneavecledéclarant,iln’envapasdemêmedel’obligationdedéclarerles activités professionnelles exercées par les enfants et les parents ; qu’il est ainsi porté une atteinte au droit au respect de la vie privée qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi ; qu’il en résulte que, au 6° du paragraphe III de l’article4delaloidéférée,lesmots :«lesenfantsetlesparents»doiventêtredéclarés contraires à la Constitution ; que, par voie de conséquence, doivent également être déclarés contraires à la Constitution les mots « ou d’un autre membre de sa famille » figurant aux sixième et onzième alinéas du paragraphe III de l’article 5 ;

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Jurisprudence – Quant aux déclarations des membres du Gouvernement : 16. Considérant que les dispositions de l’article 5 prévoient que les déclarations d’intérêts et les déclarations de situation patrimoniale des membres du Gouvernement font l’objet d’une publication par la Haute autorité qui peut assortir cette publication de toute appréciation qu’elle estime utile quant à l’exhaustivité, à l’exactitude et à la sincérité de l’une ou l’autre déclaration, après avoir mis l’intéressé à même de présenter ses observations ; qu’elles prévoient également que tout électeur peut adresser à la Haute autorité toute observation écrite relative à ces déclarations ; qu’en outre les noms et les adresses mentionnés dans les déclarations ne peuvent être rendus publics ; 17. Considérant que le premier alinéa de l’article 23 de la Constitution prévoit que « les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice… de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle » ; qu’eu égard, d’une part, au statut et à la situation particulière des membres du Gouvernement et, d’autre part, à leur pouvoir, notamment dans l’exercice du pouvoir réglementaire et dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation, le législateur, en prévoyant une publication de leurs déclarations d’intérêts ainsi que de leurs déclarations de situation patrimoniale par la Haute autorité, a porté au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi ; – Quant aux déclarations des personnes titulaires de mandats électoraux : 18.ConsidérantquelesdispositionsduparagrapheIdel’article12prévoientqueles déclarations d’intérêts des personnes visées aux 1° à 3° du paragraphe I de l’article 11 font l’objet d’une publication par la Haute autorité ; que les dispositions du paragrapheIIdel’article12prévoientquelesdéclarationsdesituationpatrimoniale des titulaires de fonctions exécutives locales visés au 2° du paragraphe I de l’article 11 sont, aux seules fins de consultation, tenues à la disposition des électeurs inscrits sur les listes électorales ; que ces deux dispositions prévoient également que tout électeur peut adresser à la Haute autorité toute observation écrite relative à ces déclarations ; que les noms et les adresses mentionnés dans les déclarations ne peuvent être rendus publics ; 19. Considérant, d’une part, qu’en prévoyant une publication des déclarations d’intérêts des personnes visées aux 1° à 3° du paragraphe I de l’article 11 par la Haute autorité, le législateur a entendu permettre à chaque citoyen de s’assurer par lui-même de la mise en œuvre des garanties de probité et d’intégrité de ces élus, de prévention des conflits d’intérêts et de lutte contre ceux-ci ; que, s’agissant de personnes élues, l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi ; 20. Considérant, d’autre part, qu’en prévoyant une forme de publicité relative au patrimoine des titulaires de fonctions exécutives locales visés au 2° du paragraphe I de l’article 11, le législateur a, s’agissant d’élus d’établissements publics et de collectivités territoriales qui règlent les affaires de leur compétence par des conseils élus, porté au droit au respect de la vie privée une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ; que, par suite, les sept premiers alinéas du paragraphe II de l’article 12 doivent être déclarés contraires à la Constitution ; – Quant aux déclarations des personnes titulaires d’autres fonctions ou emplois publics : 21. Considérant que les dispositions du paragraphe I de l’article 12 prévoient que les déclarations d’intérêts des personnes visées aux 4° à 7° du paragraphe I de l’article 11 et de celles visées au paragraphe III de ce même article font l’objet d’une publication par la Haute autorité ; qu’elles prévoient également que tout électeur peut adresser à la Haute autorité toute observation écrite relative à celles-ci ; que les noms et les adresses mentionnés dans les déclarations ne peuvent être rendus publics ; 22. Considérant que, pour des personnes exerçant des responsabilités de nature administrative et n’étant pas élues par les citoyens, l’objectif de renforcer les garanties de probité et d’intégrité de ces personnes, de prévention des conflits d’intérêts et de lutte contre ceux-ci est directement assuré par le contrôle des déclarations d’intérêts par la Haute autorité et par l’autorité administrative compétente ; qu’en revanche, la publicité de ces déclarations d’intérêts, qui sont relatives à des personnes qui n’exercent pas de fonctions électives ou ministérielles mais des responsabilités de nature administrative, est sans lien direct avec l’objectif poursuivi et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de ces personnes ; que, par suite, les dispositions du paragraphe I de l’article 12 ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de permettre que soient rendues publiques les déclarations d’intérêts déposées par les personnes mentionnées aux 4° à 7° du paragraphe I de l’article 11 et au paragraphe III de ce même article ; que sous cette réserve, les dispositions du paragraphe I de l’article 12 sont conformes à la Constitution ; En ce qui concerne le grief tiré de l’atteinte à la liberté d’entreprendre : 23. Considérant qu’il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ;

24. Considérant que l’exercice des fonctions publiques ou emplois publics visés aux articles 4 et 11 ne relève pas de la liberté d’entreprendre ; que, par suite, le grief tiré de l’atteinte à l’article 4 de la Déclaration de 1789 est inopérant ; En ce qui concerne le grief tiré de l’atteinte au principe d’égalité : 25. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi : « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; 26. Considérant qu’en imposant aux titulaires de certaines fonctions publiques ou de certains emplois publics une obligation de dépôt d’une déclaration d’intérêts ainsi que d’une déclaration de situation patrimoniale et en prévoyant alors la publicité de certaines de ces déclarations, les dispositions contestées ont pour objet de traiter différemment des personnes placées dans une situation différente ; que cette différence de traitement est en rapport direct avec l’objectif poursuivi par le législateur ; qu’en conséquence, le grief tiré de la violation du principe d’égalité doit être écarté ; En ce qui concerne le grief tiré de l’atteinte au principe de la légalité des délits et des peines : 27. Considérant que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de la légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ; 28. Considérant que le 8° du paragraphe III de l’article 4 impose de renseigner dans la déclaration d’intérêts les « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts », sans donner d’indication sur la nature de ces liens et les relations entretenues par le déclarant avec d’autres personnes qu’il conviendrait d’y mentionner ; qu’il résulte des dispositions de l’article 26 que le fait de ne pas avoir mentionné d’élément dans cette rubrique peut être punissable sans que les éléments constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis : qu’ainsi, les dispositions du 8° du paragraphe III de l’article 4 méconnaissent le principe de la légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution ; que doit également être déclarée contraire à la Constitution, par voie de conséquence, la référence «8°» au dernier alinéa du paragraphe III de l’article 4 ; 29. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que doivent être déclarés contraires à la Constitution, au 6° du paragraphe III de l’article 4, les mots : « , les enfants et les parents », le 8° du même paragraphe III et la référence au « 8° » au dernier alinéa de ce paragraphe, aux sixième et onzième alinéas du paragraphe III de l’article 5, les mots : « ou d’un autre membre de sa famille » ainsi que les sept premiers alinéas du paragraphe II de l’article 12 ; que les articles 2 et 11 doivent être déclarés conformes à la Constitution ; qu’il en va de même du surplus des articles 4 et 5 et, sous la réserve énoncée au considérant 22, du surplus de l’article 12 ; – Sur la haute autorité pour la transparence de la vie publique : 30. Considérant que l’article 19 de la loi déférée institue la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ; que l’article 20 détermine ses missions ; qu’en particulierle1°duparagrapheIdecetarticleprévoitqu’ellereçoitlesdéclarationsde situationpatrimonialeetlesdéclarationsd’intérêtsdesmembresduGouvernement, desdéputésoudessénateursetdespersonnesmentionnéesàl’article11etenassure la vérification, le contrôle et le cas échéant la publicité dans les conditions prévues par les articles 4 à 12 de la loi déférée ; que le 2° de ce même paragraphe I dispose qu’elle se prononce sur les situations pouvant constituer un conflit d’intérêts dans lesquelles peuvent se trouver les membres du Gouvernement et les personnes mentionnées à l’article 11 et peut leur enjoindre d’y mettre fin, à l’exception des membres du Parlement européen ; que le 4° de ce paragraphe I prévoit qu’elle se prononce, en application de l’article 23, sur la compatibilité de l’exercice d’une activité libérale ou d’une activité rémunérée au sein d’un organisme ou d’une entreprise exerçant son activité dans un secteur concurrentiel conformément aux règles du droit privé, avec des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales énumérées au 2° du paragraphe I de l’article 11 ; 31. Considérant, en outre, que l’article 7 de la loi prévoit que la Haute autorité contrôle la variation de la situation patrimoniale des membres du Gouvernement telle qu’elle résulte de leurs déclarations, des éventuelles observations et explications qu’ils ont pu formuler et des autres éléments dont elle dispose ; qu’aux termes du second alinéa de cet article : « Lorsqu’elle constate une évolution de la situation patrimoniale pour laquelle elle ne dispose pas d’explications suffisantes, après que le membre du Gouvernement a été mis en mesure de présenter ses observations, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique publie au Journal officiel un rapport spécial, assorti des observations de l’intéressé, et transmet le dossier au parquet » ; qu’en vertu du paragraphe V de l’article 11, l’article 7 est également applicable aux personnes mentionnées à l’article 11 ; 32. Considérant que le paragraphe II de l’article 20 dispose que la Haute autorité peut, en cas de manquement à ses obligations par une des personnes mentionnées auxarticles4et11,sesaisird’officeouêtresaisieparlePremierministre,lePrésident

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Jurisprudence de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat ainsi que par les associations agrééesseproposant,parleurstatut,deluttercontrelacorruption;queletroisième alinéa de ce paragraphe II dispose que la Haute autorité peut demander aux membres du Gouvernement et aux personnes mentionnées aux articles 11 et 23 toute explication ou tout document nécessaire à l’exercice de ses missions ; 33. Considérant que l’article 22 prévoit que lorsque la Haute autorité constate qu’un membre du Gouvernement ou une personne mentionnée à l’article 11 ne respecte pas les obligations prévues aux articles 1er, 2, 4 et 11 ou se trouve dans une situation prévue à l’article 7, elle en informe, selon le cas, l’autorité dont cette personne relève pour l’exercice de ses fonctions, le président de l’assemblée ou de l’autorité dont elle est membre ou son autorité de nomination ; 34. Considérant que le paragraphe I de l’article 23 dispose que la Haute autorité se prononce sur la compatibilité de l’exercice d’une activité libérale ou d’une activité rémunérée au sein d’un organisme ou d’une entreprise exerçant son activité dans un secteur concurrentiel conformément aux règles du droit privé, avec des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales énumérées au 2° du paragraphe I de l’article 11 exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité ; qu’aux termes du paragraphe II de l’article 23 : « Les avis de compatibilité peuvent être assortis de réserves dont les effets peuvent s’imposer à la personne concernée pendant une période maximale expirant trois ans après la fin de l’exercice des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales. « Lorsque la Haute Autorité rend un avis d’incompatibilité, la personne concernée ne peut pas exercer l’activité envisagée pendant une période expirant trois ans après la fin de l’exercice des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales. La Haute Autorité notifie sa décision à la personne concernée et, le cas échéant, à l’organisme ou à l’entreprise au sein duquel celle-ci exerce d’ores et déjà ses fonctions en violation du premier alinéa du I. Les actes et contrats conclus en vue de l’exercice de cette activité : 1° Cessent de produire leurs effets lorsque la Haute Autorité a été saisie dans les conditions fixées au 1° du I ; 2° Sont nuls de plein droit lorsque la Haute Autorité a été saisie dans les conditions fixées au 2° du I. Lorsqu’elle est saisie en application du même 2° et qu’elle rend un avis d’incompatibilité, la Haute Autorité le rend public. Elle peut rendre un avis d’incompatibilité lorsqu’elle estime ne pas avoir obtenu de la personne concernée les informations nécessaires » ; 35. Considérant qu’aux termes du paragraphe IV de l’article 23 : « Lorsqu’elle a connaissance de l’exercice, par une personne mentionnée au I, d’une activité exercée en violation d’un avis d’incompatibilité ou d’une activité exercée en violation des réserves prévues par un avis de compatibilité, et après que la personne concernée a été mise en mesure de produire des explications, la Haute autorité publie au Journal officiel un rapport spécial comprenant l’avis rendu et les observations écrites de la personne concernée » ; 36. Considérant que l’article 26 institue des infractions pénales ; que, notamment, sonparagrapheIpunitdetroisansd’emprisonnementetde45000eurosd’amende lefait,pourunmembreduGouvernementouunepersonnementionnéeàl’article 11 de ne pas déposer l’une des déclarations de situation patrimoniale ou d’intérêts, d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine ; que son paragraphe II punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, le fait pour ces mêmes personnes ainsi que pour les personnes mentionnées à l’article 23 de ne pas déférer aux injonctions de la Haute autorité ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission ; 37. Considérant que, selon les députés requérants, en confiant à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique le pouvoir de porter une appréciation sur les éventuelles situations de conflit d’intérêts de personnes élues, alors que cette autorité administrative est composée de personnes n’ayant pas exercé de mandat électoral et dont les garanties d’indépendance et d’impartialité ne sont pas assurées, le législateur a porté atteinte à la séparation des pouvoirs ; qu’il en irait ainsi en particulier compte tenu de l’inclusion dans le champ de compétence de la Haute autorité des députés et des sénateurs ainsi que des collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat ; qu’en outre, le respect des droits de la défense ne serait pas assuré à l’égard des décisions de cette autorité ; 38. Considérant que les sénateurs requérants font valoir, en premier lieu, que le pouvoir d’injonction confié à la Haute autorité pour faire cesser une situation de conflit d’intérêts peut avoir pour effet d’interdire l’exercice d’une activité professionnelle à une personne de l’entourage du destinataire de cette injonction ; qu’il en résulterait une atteinte à la liberté d’entreprendre ; que le pouvoir conféré à la Haute autorité par l’article 23 d’interdire l’exercice d’une activité professionnelle à un ancien titulaire d’une fonction gouvernementale ou d’une fonction exécutive locale porterait également atteinte à cette liberté ; 39. Considérant qu’ils soutiennent, en deuxième lieu, que le pouvoir confié à la Haute autorité par les articles 7, 10, 22 et 23, d’apprécier soit une évolution non justifiée de la situation patrimoniale, soit une situation de conflit d’intérêts ou une situation d’incompatibilité relative à un ancien membre du Gouvernement ou à un ancien titulaire d’une fonction exécutive locale à l’égard de l’exercice d’une

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activité professionnelle, revêt un caractère arbitraire qui méconnaît le principe de la légalité des délits et des peines ; que serait en outre méconnu le droit à un recours juridictionnel des personnes intéressées compte tenu de l’inversion de la charge de la preuve que ces dispositions opèreraient et de l’absence de disposition prévoyant l’exercice de voies de recours contre les décisions ou injonctions de la Haute autorité ; 40. Considérant qu’ils soutiennent, en troisième lieu, que les dispositions organisant la saisine de l’autorité judiciaire par la Haute autorité ont pour effet de subordonner à l’accord d’une autorité administrative l’exercice de ses missions par l’autorité judiciaire ; qu’il en résulterait une atteinte à la séparation des pouvoirs ; 41. Considérant qu’ils soutiennent, en dernier lieu, que l’instauration d’un délit réprimant le fait de ne pas déférer aux injonctions d’une autorité administrative méconnaît le principe de la légalité des délits et des peines ; En ce qui concerne les griefs tirés de l’atteinte à la séparation des pouvoirs : 42. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; 43. Considérant, en premier lieu, que, si le 1° du paragraphe I de l’article 20 dispose que la Haute autorité reçoit des députés et des sénateurs leurs déclarations de situation patrimonialeetleursdéclarationsd’intérêtsetd’activités,enassurelavérification,lecontrôle etlapublicité,cesdispositionssebornentàrappeler,danslecadredelaprésentationgénérale descompétencesdecetteautorité,lespouvoirsquiluisontconférésparlesarticlesL.O.135-1 etL.O.135-2ducodeélectoraltelsqu’ilsrésultentdel’article1erdelaloiorganiquerelativeàla transparence de la vie publique adoptée définitivement par le Parlement le 17 septembre 2013;que,danssadécisionn°2013-675DCsusvisée,leConseilconstitutionnelaexaminéla conformitéàlaConstitutiondecesdeuxarticles;que,dirigécontrelesdispositionsdelaloi, le grief tiré de ce que les pouvoirs de la Haute autorité à l’égard des députés et des sénateurs méconnaîtraient la séparation des pouvoirs doit être écarté ; 44. Considérant, en deuxième lieu, que le 5° du paragraphe I de l’article 11 a pour effet de soumettre aux obligations de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d’intérêts les collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat ; que le 2° du paragraphe I de l’article 20 permet à la Haute autorité de faire injonction aux personnes mentionnées à l’article 11 de mettre fin à une situation de conflit d’intérêts ; que la méconnaissance d’une telle injonction est pénalement réprimée par le paragraphe II de l’article 26 ; 45. Considérant que le principe de la séparation des pouvoirs ne fait obstacle ni à ce que la loi soumette les collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat à l’obligation de déclarer à une autorité administrative indépendante leur situation patrimoniale ainsi que leurs intérêts publics et privés ni à ce que cette autorité contrôle l’exactitude et la sincérité de ces déclarations, se prononce sur les situations pouvant constituer un conflit d’intérêts, et porte à la connaissance du Président de l’Assemblée nationale ou du Président du Sénat les éventuels manquements ; que, toutefois, les dispositions du 2° du paragraphe I de l’article 20 de la loi ne sauraient, sans méconnaître les exigences de la séparation des pouvoirs, autoriser la Haute autorité à adresser aux personnes visées au 5° du paragraphe I de l’article 11, lesquelles relèvent de la seule autorité du Président de l’AssembléenationaleouduPrésidentduSénat,uneinjonctiondemettrefinàune situation de conflit d’intérêts ; 46. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l’article 16 de la Déclaration de 1789 impliquent, en outre, le respect du caractère spécifique des fonctions juridictionnelles, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement, ainsi que le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif et le droit à un procès équitable ; que, toutefois, ni les dispositions de l’article 7, qui prévoient la saisine du parquet par la Haute autorité, ni celles de l’article 26, qui instituent des sanctions pénales, ne portent atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ou à celui de l’indépendance de l’autorité judiciaire garantie par l’article 64 de la Constitution ; 47. Considérant, en quatrième lieu, que le paragraphe II de l’article 19 de la loi fixe la composition de cette autorité administrative indépendante et les modalités de nomination de ses membres ; qu’ainsi, elle est composée, outre son président nommé par décret du Président de la République, de deux conseillers d’État, deux conseillers à la Cour de cassation, deux conseillers-maîtres à la Cour des comptes et deux personnalités qualifiées ; que le paragraphe III de cet article 19 dispose que ses membres sont nommés pour une durée de six ans non renouvelable ; que le paragraphe IV fixe les incompatibilités et les obligations auxquelles sont soumis ses membres ; que le paragraphe V fixe les conditions dans lesquelles sont recrutées les personnes qui l’assistent dans l’exercice de ses missions ; que le paragraphe VI dispose notamment que le président de la Haute autorité est ordonnateur des crédits qui lui sont affectés ; que, par ces dispositions, sont instituées des garanties de nature à assurer l’indépendance et l’impartialité nécessaires pour que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique puisse exercer les missions qui lui sont confiées ; 48.Considérantqu’ilrésultedecequiprécèdeque,souslaréserveénoncéeauconsidérant 45, les dispositions précitées ne méconnaissent pas la séparation des pouvoirs ;

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Jurisprudence En ce qui concerne le grief tiré de l’atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et aux droits de la défense : 49. Considérant, en premier lieu, que, d’une part, la décision de la Haute autorité, prévue par le deuxième alinéa du paragraphe I de l’article 5, d’assortir la publication d’une déclaration de situation patrimoniale ou d’une déclaration d’intérêts d’un membre du Gouvernement d’une appréciation quant à l’exhaustivité, à l’exactitude et à la sincérité de cette déclaration, la décision de cette autorité, prévue par le second alinéa de son article 7, de publier au Journal officiel un rapport spécial relatif à l’évolution de la situation patrimoniale, l’injonction prononcée par cette autorité, en application de l’article 10 ou du 2° du paragraphe I de l’article 20, tendant à faire cesser une situation de conflit d’intérêts et les avis d’incompatibilité prévus par l’article 23 ne constituent pas des sanctions ayant le caractère d’une punition ; que, d’autre part, aucune des dispositions qui prévoient ces décisions et avis et en organisent les modalités n’a pour objet ou pour effet d’inverser la charge de la preuve quant à l’existence des situations de fait dont ces décisions supposent le constat et à l’appréciation de ces situations au regard des règles relatives aux conflits d’intérêts et aux incompatibilités ; 50. Considérant, en second lieu, que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique est une autorité administrative ; qu’aucune des dispositions contestées n’a pour effet de porter atteinte au droit de contester les décisions de cette autorité devant la juridiction compétente ; 51. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l’atteinte aux droits de la défense et au droit à un recours juridictionnel effectif doivent être écartés ; En ce qui concerne le grief tiré de l’atteinte à la liberté d’entreprendre : 52. Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi » ; qu’il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ; 53. Considérant, en premier lieu, que le 6° du paragraphe III de l’article 4 soumet les membres du Gouvernement et les personnes mentionnées à l’article 11 à l’obligation de mentionner, dans la déclaration d’intérêts qu’ils sont tenus de remettre à la Haute autorité, les activités professionnelles exercées à la date de la nomination par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin ; que le 2° du paragraphe I de l’article 20 dispose que la Haute autorité se prononce sur les situations pouvant constituer un conflit d’intérêts, au sens de l’article 2, dans lesquelles peuvent se trouver les membres du Gouvernement et les personnes mentionnées à l’article 11 et, le cas échéant, leur enjoint d’y mettre fin ; 54. Considérant que les obligations qui résultent de l’article 2 de la loi en matière de conflits d’intérêts et celles qui peuvent résulter des injonctions délivrées par la Haute autorité lorsqu’elle ordonne qu’il soit mis fin à un tel conflit d’intérêts ne s’appliquent qu’aux personnes soumises à l’obligation d’adresser une déclaration d’intérêts ; que, par suite, manque en fait le grief tiré de ce que ces dispositions pourraient porter atteinte à la liberté des membres de la famille de ces personnes d’exercer leur profession ; 55. Considérant, en second lieu, que, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 23 de la loi, la Haute autorité peut interdire à certaines personnes d’exercer, pendant une durée de trois ans, une activité professionnelle jugée incompatible avec les fonctions qu’elles ont antérieurement exercées ; qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu rendre applicables aux membres du Gouvernement et à certains élus des exigences comparables à celles qui sont applicables à tous les fonctionnaires ou agents d’une administration publique en application de l’article 87 de la loi du 29 janvier 1993 susvisée ; qu’il a ainsi entendu prévenir les situations de conflit d’intérêts ; qu’en soumettant à cette procédure les personnes ayant exercé des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales il n’a pas porté à la liberté d’entreprendre une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi ; 56. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l’atteinte à la liberté d’entreprendre doivent être écartés ; En ce qui concerne le grief tiré de l’atteinte au principe de la légalité des délits et des peines : 57. Considérant que le principe de la légalité des délits et des peines ne fait pas obstacle à l’institution d’un délit réprimant la méconnaissance, par une personne, d’une injonction qui lui est adressée par une autorité administrative ; que le grief tiré de ce que le paragraphe II de l’article 26 méconnaîtrait le principe de la légalité des délits et des peines doit être écarté ; En ce qui concerne les exigences tirées des articles 8, 13, 20, 23, 34 et 72 de la Constitution : 58. Considérant, en premier lieu, que l’article 8 de la Constitution dispose que le Président de la République nomme les membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions ; que son article 23 dispose : « Les fonctions de membre du Gouvernement

sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle » ; que le constituant n’a pas habilité le législateur à compléter le régime des incompatibilités des membres du Gouvernement ; 59. Considérant, en deuxième lieu, que l’article 20 de la Constitution prévoit que le Gouvernement dispose de l’administration et de la force armée ; que le troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit notamment que les préfets, les représentants de l’État dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les recteurs des académies et les directeurs des administrations centrales sont nommés en conseil des ministres ; 60. Considérant, en troisième lieu, que le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution dispose que, dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales s’administrent librement « par des conseils élus » ; qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe notamment les règles concernant : « les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales » ; que tout texte édictant une incompatibilité et qui a donc pour effet de porter une atteinte à l’exercice d’un mandat électif doit être strictement interprété ; 61. Considérant que la Haute autorité a vocation à contrôler les situations de conflit d’intérêts des membres du Gouvernement et des personnes mentionnées à l’article 11 en se fondant notamment sur la déclaration d’intérêts que ces personnes ont déposées ; qu’au nombre des éléments qui doivent être déclarés, figurent non seulement des activités exercées, des participations à des organes dirigeants ou d’autres fonctions qui existent à la date de la déclaration mais également des activités exercées ou des participations à des organes dirigeants au cours des cinq années précédentes ; 62. Considérant que les dispositions constitutionnelles précitées ne font obstacle ni à ce que la loi soumette les membres du Gouvernement et les personnes visées à l’article 11 à l’obligation de déclarer à une autorité administrative indépendante leurs intérêts publics et privés ni à ce que cette autorité contrôle l’exactitude et la sincérité de ces déclarations, se prononce sur les situations pouvant constituer un conflit d’intérêts et porte les éventuels manquements à la connaissance de l’autorité compétente pour que, le cas échéant, celle-ci en tire les conséquences ; que, toutefois, les dispositions de l’article 10 et celles du 2° du paragraphe I de l’article 20 ne sauraient, sans méconnaître les principes constitutionnels précités, être interprétées comme habilitant la Haute autorité à instituer des règles d’incompatibilité qui ne sont pas prévues par la loi ; que la Haute autorité ne saurait davantage adresser et donc rendre publique une injonction tendant à ce qu’il soit mis fin à une situation de conflit d’intérêts que si la personne destinataire de cette injonction est en mesure de mettre fin à une telle situation sans démissionner de son mandat ou de ses fonctions ; que, sous ces réserves, l’article 10 et le 2° du paragraphe I de l’article 20 ne sont pas contraires à la Constitution ; 63. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les articles 7, 23 et 26, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution ; qu’il en va de même, sous les réserves énoncées aux considérants 45 et 62, des articles 20 et 10 ; 64. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel de soulever d’office aucune autre question de constitutionnalité, Décide : Article 1er – Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la transparence de la vie publique : – au 6° du paragraphe III de l’article 4, les mots : « , les enfants et les parents » ; – le 8° du paragraphe III de l’article 4 et, au dernier alinéa de ce paragraphe, la référence au « 8° » ; – au sixième alinéa et au onzième alinéa du paragraphe III de l’article 5, les mots : « ou d’un autre membre de sa famille : » ; – les sept premiers alinéas du paragraphe II de l’article 12 ; Article 2 – Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi : – l’article 10, sous les réserves énoncées au considérant 62 ; – le paragraphe I de l’article 12, sous la réserve énoncée au considérant 22 ; – l’article 20, sous les réserves énoncées aux considérants 45 et 62 ; Article 3 – Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi : – l’article 2 ; – le surplus de l’article 4 et de l’article 5 ; – les articles 7 et 11 ; – le surplus du paragraphe II de l’article 12 ; – les articles 23 et 26. Article 4 – La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 octobre 2013, où siégeaient : Jean-Louis Debré, Président, Jacques Barrot, Claire Bazy Malaurie, Nicole Belloubet, Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Valéry Giscard d’Estaing, Hubert Haenel et Nicole Maestracci.

Source : www.conseil-constitutionnel.fr

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In Memoriam

Jacques Vergès nous a quittés 5 mars 1924 - 15 août 2013 Chacun sait que l’enthousiasme pour la vie qu’avait Jacques Vergès l’incitait à avoir de nombreux projets, parmi ceux qui lui tenaient le plus à cœur, il devait se marier en octobre 2013 avec Madame la Marquise Marie-Christine de Solages. Comptant de nombreux amis parmi les avocats, les témoins choisis étaient Mériem Vergès, Roland Dumas et Carbon de Sèze. Dans cette édition, nous rendons à nouveau hommage à sa mémoire et publions des photos inédites provenant de la collection personnelle de celle que le défunt souhaitait épouser. En raison d’une grave erreur à la septième ligne de l’article 2013/656 inséré le 19 septembre 2013 page 11 sous la signature d’André Coriolis (lire : … les uns et non : … les cons), nous avons décidé de le republier dans son intégralité à la suite du nouvel hommage qu’a souhaité rendre Philippe Champetier de Ribes à son confrère décédé. Nous remercions nos lecteurs pour leur compréhension. Jean-René Tancrède

Un avocat s’éloigne par Philippe Champetier de Ribes

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Photo © Marie-Christine de Solages

E

n 1978, Jacques Vergès se réinscrit au Barreau de Paris après avoir disparu pendant 8 ans.Notre promotion de la Conférence du Stage 1979 est unanime pour l’inviter à présider une Berryer et comme premier secrétaire je me charge de téléphoner à mon lointain ancêtre pour le convier, ce qu’il accepte aussitôt avec joie. Pour nous, Jacques Vergès était un avocat d’exception par son engagement dans les procès du FLN, son courage et son talent. Quelques fussent nos convictions et je ne partageais en rien ses engagements politiques, ni dans les procès de la guerre d’Algérie ni dans le parti communiste Français, nous brûlions tous de la rencontrer, de le questionner et d’apprendre de lui sa conception de l’avocat et de son rôle, notamment dans ce qu’il avait défini comme la « défense de rupture ». C’était l’avocat Jacques Vergès qui nous fascinait et non pas ses engagements politiques pas plus que sa parenthèse mystérieuse. Nous lui avons donc demandé de présider une conférence Berryer et comme d’usage, nous l’avons invité à diner au défunt Vert Galant, place Dauphine, avant la conférence. Nous avons découvert un homme d’une exquise courtoisie qui était manifestement sensible à notre invitation alors que, de retour au Barreau, il était confronté à l’hostilité quasi générale de ses confrères de tout bord politique. Il devait rapidement, à travers les grands procès dont il a été chargé, faire taire les sceptiques mais pas les envieux qui sont, de loin, les plus nombreux. Il a raconté une anecdote significative. Il avait violemment pris à partie, de sa voix suave qui pouvait devenir cinglante comme un fouet, les Juges de la Cour d’Assises et le Président, choqué de l’impertinence et du culot de ce jeune avocat l’a interpellé en lui disant « qu’est-ce qui vous autorise à parler à la Cour sur ce ton et en ces termes? » et Vergès de répondre : « je suis premier secrétaire de la Conférence du Stage ». Il avait une haute idée de la Conférence et en tirait une fierté qui le rendait capable de tout. Lors de notre diner nous lui avions demandé une contribution à la Conférence. C’était l’époque des « flagrants délits ». Chaque semaine des incidents sérieux opposaient les secrétaires de la Conférence aux Juges du Tribunal Correctionnel. Nous avons donc demandé à Jacques Vergès de venir plaider à nos cotés aux flagrants délits. Il s’y est engagé et a tenu parole en venant un début d’aprèsmidi défendre quelques délinquants arrêtés dans

la nuit qui n’ont pas réalisé, sans doute, que c’était Jacques Vergès qui portait la parole de la défense pour eux. Par la suite je l’ai revu de loin en loin jusqu’au jour où la famille de Jean-Marc Varaut a remis à l’Ordre son épée d’académicien, après sa disparition. J’avais été le collaborateur de Jean-Marc Varaut qui fut mon seul maître au Barreau et à qui je dois tout. Son fils Alexandre m’a demandé de prendre la parole à cette cérémonie et il a également prié Jacques Vergès, son contemporain et souvent son contradicteur, de s’exprimer. Jacques Vergès m’a invité à lui rendre visite dans son appartement, cabinet, musée de la Place Clichy et j’ai passé un samedi matin inoubliable en sa compagnie. On a dit qu’il aimait parler de lui, c’est vrai ! Mais c’était un sujet passionnant, original, inattendu et inépuisable. Sortant son agenda il me dit : « regardez mon emploi du temps ! » avec stupéfaction je constatais que les pages étaient presque toujours vierges.

De temps en temps un rendez-vous ponctuait les pages blanches. Il me déclara que les seuls rendez-vous notés concernaient des affaires qui faisaient marcher tant bien que mal son cabinet et qu’il avait plaidé sans recevoir d’honoraires la quasi-totalité des affaires qui avaient rempli les colonnes des journaux. Bien sûr il fumait le cigare et s’enveloppait voluptueusement des volutes de son Cohiba, le meilleur des havanes, tout en souriant malicieusement. Evoquant sa famille, il m’a parlé avec beaucoup d’émotion de la disparition de son fils. J’ai lu dans les articles parus après son décès des propos sévères sur la notion de « défense de rupture » dont il est l’inventeur et sur les lourdes condamnations des clients qu’il a défendu. Il faut replacer cette notion dans son contexte qui est celui des procès du FLN. Refusant aux Juges la qualité de juger, il n’a pas paralysé, bien entendu, les Tribunaux, mais les a déstabilisés à tel point

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In Memoriam qu’aucune condamnation à mort n’a été exécutée. Il ne faut pas oublier qu’aux yeux de Jacques Vergès il s’agissait de procès politiques. Plus tard sa défense du jardinier Marocain que d’aucuns ont jugé médiocre, a néanmoins entrainé ultérieurement une grâce présidentielle. Enfin il a défendu des causes que certains considéraient comme indéfendables. Mais y a-t-il pour un avocat une cause, un homme indéfendable ? Non ! Il disait par provocation qu’il aurait défendu Hitler. Même au procès du Nuremberg il y eut des avocats pour défendre les criminels nazis. Au moment de sa disparition, c’est d’abord l’avocat que je voulais évoquer. Sa conception du rôle de l’avocat, de son indépendance, de son intransigeance dans la défense, de son courage et de sa capacité à résister seul contre tous s’il le faut, reste un exemple pour nous et pour tous les jeunes avocats qui embrassent avec enthousiasme une profession où on ne fait pas carrière mais dans laquelle chaque jour on s’engage tout entier.

Pourquoi l’aimez-vous ? Je réponds citant Montaigne parlant de La Boétie : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi » par André Coriolis

C

haque accusé, peu importe « la faute commise », brigandage, acte de terrorisme ou meurtre, a droit à l’assistance d’un conseil. L’acte de barbarie consisterait précisément à priver d’une défense digne de ce nom l’auteur de telles infractions. L’avocat du « diable admiré par les uns », activiste de la fausse défense pour les autres, entre dans l’histoire(1). Dans son dernier livre paru en février dernier que rien ne résume mieux que son titre « De mon propre aveu »(2), il prévoyait sa fin prochaine dans le dernier chapitre intitulé « L’inconnue », il dit : « Jusqu’à il y a peu, à chaque départ, correspondait une destination connue, dûment cartographiée. De sorte que je pouvais m’équiper en conséquence : vêtements légers quand j’allais sous les tropiques, lainage quand je remontais vers le Nord. Cette fois-ci, j’ignore tout du pays qui m’est réservé. Je dépends entièrement de ma mort ; à elle de prendre soin de moi et d’être un guide sûr. De même jusqu’à présent, à chaque départ correspondait un retour. J’abandonnais les choses en l’état afin de les retrouver telles que je les avais laissées, le livre de chevet entrouvert sur la page lue et relue. Mais demain, mon voyage sera sans retour, aller simple. Laissant ma vie derrière moi, je la couvrirai d’un voile afin de la protéger de la poussière comme en prévision d’une longue absence. Vais-je prendre le dernier métro comme autrefois, assis sur l’avant-dernière banquette du dernier wagon, le dos tourné à la marche pour échapper aux recherches ? La mort va-t-elle s’asseoir en face de moi et me désigner du doigt en disant “C’est ton tour !” ? À dire vrai, elle revient sans cesse hanter mes songes. Ce matin encore, comme je rêvais, déambulant mollement dans un magasin d’objets funéraires, une main s’est posée en douceur sur mon épaule : - Lequel choisis-tu ? me demanda l’inconnue. - Celle-ci, lui dis-je en lui montrant un lot de gisants à deux places. - Moi aussi, approuva la voix. Hier, une jeune femme m’a offert des fleurs aux couleurs passées, comme extraites d’une veille peinture, violine, mauve, amarante. “C’est pour ton anniversaire”, me glissa-t-elle. Je lui fis remarquer que

ce n’était pas mon anniversaire. “C’est l’anniversaire de ta mort qui vient”, rétorqua-t-elle, et elle rit, un rire sans fin comme les trilles d’un oiseau éperdu d’amour. Avant-hier, au petit matin –le meilleur moment pour rêver–, elle m’est apparue, me fixant des yeux comme pour m’interroger. Je humai son parfum de santal. Alors, écartant les jambes, elle ouvrit pour moi la porte des mystères ». L’auteur de l’excellente préface de son dernier livre dit : « L’inconnue qui le clôture, c’est la visiteuse qui vient au soir de la vie réclamer son dû. « De la splendeur du vrai » peut se lire comme une apologie du métier d’avocat et une méditation sur l’art judiciaire dont un serial plaideur monté au Théâtre de La Madeleine et interprété par l’auteur serait la version théâtrale. » Avocat(3), une carrière au service des accusés, quels qu’ils soient, non pour les absoudre mais pour les comprendre. Avocat, oui, mais également homme de lettres, philosophe, journaliste, historien. Ses ouvrages sont le témoignage d’une culture universelle, encyclopédique, d’un esprit libre et engagé(4), pourvoyeur de la pensée unique, un danger dans la liberté d’expression. Il l’exprime magistralement dans son livre « Suicide de la France », écrit de concert avec Bernard Debré, l’un des fils de Michel, le Premier Ministre du général de Gaulle(5). Au journaliste Éric Branca, ils répondent sur la pensée unique : « Nous avons le corset Maastricht, le corset du marché unique et le corset de la monnaie unique. Bientôt celui de l’armée européenne unique. Il est assez logique que nous subissions le corset de la pensée unique. Mais, après tout, vous dites ce que vous dites sans qu’on vous empêche ! Pensez-vous sérieusement que la liberté d’expression soit en danger en France ? » Ils répondent de concert : oui (p. 184). Homme de droit et homme de lettres, il voit une parenté formelle de l’œuvre judiciaire à l’œuvre littéraire. Un dossier de justice, dit-il, est toujours le résumé d’un roman d’Antigone, une tragédie en forme de procès aux procès de Jeanne d’Arc, un procès en forme de tragédie de Calas, au procès de Charles Baudelaire, Gustave Flaubert dont il qualifie les réquisitions du Procureur de la République Pinard de « sentinelle du conformisme ». Combien d’autres sont l’objet de ces critiques, assassinés parmi eux : Violette Nozières dont le père était un père incestueux ? Plus révélateur de sa pensée, de cet avocat héraut des guerres, de la colonisation, du concept du procès de rupture, un procès qui ne relève pas de celui du quotidien qu’il évoque et analyse sous le titre « Les avocats du FLN ou le rire du bretteur » : « Le concept du procès de rupture a été forgé pendant la bataille d’Alger en 1957. Tous les avocats algériens ayant été arrêtés, la défense des prisonniers du Front de libération nationale (F.L.N) a échu à des avocats venus de France. Eux aussi, comme l’avocat d’Ernest von Salomon, étaient désireux de nouer un dialogue avec les juges des Tribunaux militaires sans se douter qu’un tel dialogue était pour les mêmes raisons impossible, les valeurs des uns et des autres étant aux antipodes. Pour le Juge militaire, l’accusé était un citoyen français. Il avait pour penser cela, d’excellentes raisons, au premier rang desquels la Constitution française, qui faisant de l’Algérie trois départements français, sans compter l’Organisation des Nations unies (O.N.U) qui reconnaissait le caractère éminemment français de l’Algérie. Par conséquent, le FLN ne pouvait être, non une organisation de résistance, mais une association de malfaiteurs. Il en découlait que l’attentat perpétré par l’accusé s’apparentait à un crime et faisait de son auteur un criminel. Élémentaire… Dès lors, aucun dialogue n’était possible. Nous avions à la place deux monologues voués à ne jamais se rencontrer. Du coup, l’accusé encourait la peine suprême, car

sincère et intraitable, il apparaissait comme l’ennemi irréductible d’un ordre public absurde ». Cette quête de Jacques Vergès d’une justice et d’une défense idéales, ignorant les erreurs judiciaires, dans sa recherche de comprendre les comportements des hommes, la raison de leur crime, s’est interrogée sur les rapprochementsentreladéontologieduprêtreetcellede l’avocat, d’où le livre du dialogue entre « l’avocat du diable et l’avocat de Dieu(6)» de Jacques Vergès et du Père de La Morandais qui a présidé la célébration de ses obsèques. La réponse de Monsieur de La Morandais : « Je peux rassurer en disant que pour l’avocat, son honneur est d’être un artisan de paix ». Réponse de Jacques Vergès : « La parole de l’avocat n’est pas une parole d’amour mais une parole de paix (7)». Le prêtre comme l’avocat cherche à comprendre, l’interroge, le confesse en tête à tête. L’avocat également, a cette supériorité sur le Juge qui ne peut s’adresser au prévenu qu’en présence d’un greffier. À l’occasion d’une rentrée du jeune barreau de Pontoise il y a quatre ans environ, Jacques Vergès comparaissait comme témoin et l’a magnifiquement exposé. Il en fit de même à la rentrée du jeune barreau de Bobigny en 2005. Résumer l’œuvre de Jacques Vergès, ses neuf vies, exigerait un livre, sans oublier ses procès les plus célèbres pour ne citer que Carlos, Barbie, Omar m’a tuer, Caseta... Avant de clôturer ce trop long propos, pardonnez-moi, c’est mon cœur qui parle en rappelant qu’il fut aussi un historien, un politique. Ses livres : « Justice pour le peuple serbe », « Le suicide de la France », « Sarkozy sous BHL », « Pour en finir avec Ponce Pilate(8)» en témoignent. Dans l’un (« Pour en finir avec Ponce Pilate »), en relation avec le procès Barbie, un procès truqué faute d’avoir recherché qui avait dénoncé Jean Moulin à Barbie, dans le chapitre « La marche vers l’abîme », il s’en explique : Une explication, un nom que nous avait révélé “Porthos” en présence du juge d’instruction de l’affaire Barbie sur renvoi de cassation. Encore un point final sur Jacques Vergès et l’institution judiciaire. Son livre « Dictionnaire amoureux de la justice » est son œuvre majeure. Monsieur Serge Petit, avocat général près la Cour de cassation, dans la Gazette du Palais(9), en relève les traits essentiels que l’on ne peut que partager : « Justice bien-aimée ou Un abécédaire du crime et de la vie. L’auteur de ce « Dictionnaire amoureux de la justice » estil lui-même un artiste judiciaire puisant sa lucidité dans la tentation du crime qu’il décrit dès les premières pages? Dans un style à couper le souffle, il récite l’alphabet à l’aide des mots interdits de la justice. L’Amour d’abord, qui côtoie le crime, la mort et les prétoires. Il est présent au fond des geôles. La Jalousie n’est pas un sentiment qu’on emprisonne. L’Amour qu’on ne place pas sous sauvegarde de justice. L’Amour des causes indéfendables, c’est celui de Jacques Vergès qui s’élève contre la confusion entre impunité et morale. L’amour qui peut provoquer des “carnages de bonheur”. Foisonnement de références littéraires et historiques, de Maurras à Thorez, de Shakespeare à Kundera, de Dostoïevski à Jeanne d’Arc. Voici pour la lettre B, B comme Beauté et comme Bûcher. Et l’on apprend que Stendhal a rencontré les personnages de son roman “Le rouge et le noir” dans la Gazette des Tribunaux. On s’étonne ainsi que l’art, fût-il judiciaire, peut jeter un pont entre le crime et la beauté. Justice de “Connivence”, Dignité de la justice. C’est l’agonie de Maître Pierre dont la faiblesse invincible est de croire en la justice. Un véritable recueil de confidences, une éphéméride du malheur, un recueil encyclopédique qui ne peut laisser indifférent ceux qui seraient tentés de pardonner la banalité des “Erreurs judiciaires”. Un notable tué par la justice avant jugement. Fragilité du témoignage, aveux inexplicables, intime conviction des juges, oracle

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In Memoriam de l’expertise. De l’affaire Besnard au procès de Christian Ranucci, le lecteur cheminera dans les méandres de la recherche de la vérité. “Le vrai n’est pas plaidable s’il n’est vraisemblable” lance l’auteur. L’erreur judiciaire obéit à la loi de proximité qui désigne le coupable. Quand vous verrez un cadavre, prenez le large ! … Et si l’état de “Nécessité” effrayait les juges ? Eux qui pensent que les lois sont éternelles. Trouble à l’Ordre public, Opportunité des poursuites, Passion de défendre ! L’auteur rend un hommage appuyé à Jacques Isorni, Jean-Louis Tixier-Vignancour, Paul Baudet et à Albert Naud, dont le titre de l’ouvrage testament “Les défendre tous” devrait être la devise de tout avocat. De l’ombre à la lumière, du roman au procès, la certitude n’a pas sa place, la respiration de la vie dépose sa buée. Comment douter de la sincérité du propos ? La question ne se pose pas. Elle ne sera pas posée car elle gêne la défense. Défense de rupture pour un procès de rupture. L’accusation est conservatrice par principe. Elle ne prête pas sa voix à ceux qui nient ouvertement la loi et ne contestent l’ordre établi que dans des circonstances exceptionnelles. Celles du procès de rupture, qu’il soit de droit commun ou politique. Celles, étranges, où c’est l’accusé qui réclame le Respect de la loi. Défilent alors Louis XVI, les incendiaires du Reichstag, Socrate, le FLN, la Raison d’État. La justice est rendue au forceps quand la marche organisée, processuelle, n’est plus de connivence. L’artiste se retire, la cause est entendue, le cher maître à l’allure juvénile nous laisse à déguster une œuvre sincère et aboutie dans laquelle se dissimulent de façon imperceptible espoir et optimisme. Qui d’autre que cet amoureux de la vie pouvait donner à la justice un dictionnaire du même non ? » Infaillibilité, révision, cruauté du duel judiciaire, trouble à l’ordre public. Cet ouvrage est le fil d’Ariane de sa pensée sur la justice(10), de celui, selon le titre du livre, d’Albert Naud qu’il admire, « Les défendre tous ». L’avocat Nous avons pensé que pour définir Jacques Vergès, l’avocat tel qu’il est ou devait être dans un palais où la fraternitéestlarègle,quecelle-cineconnaitpasdefrontière quelles que soient les opinions, les convictions politiques ou religieuses de l’avocat, le discours prononcé par lui le 28 novembre 2005(11), à la remise de l’épée d’académicien à l’Ordre par sa famille en est l’illustration. Souhaitons que cet esprit y demeure, que les avocats ne suivent pas l’exemple du Parlement de la Vème République composé des bons et des méchants, majorité et opposition. Le diable les sépare : ni communication, ni amitié, ni convivialité possible entre eux ne sont permises. Le Palais doit maintenir cette confraternité dont l’exemple est celle ayant existé entre Jacques Vergès, Jean-Louis Tixier-Vignancour, Jean-Marc Varaut et le regretté Tiénot Grumbach, décédé également en août, et l’amitié qui le liait à André Damien. Allocution de Jacques Vergès « Jean-Marc était Action française, il était l’avocat des militants de l’Algérie française. J’étais membre du PC et je défendais les militants du FLN. Et nous étions amis. Notre qualité d’avocat nous avait donné le sens de la complexité des hommes et des événements… … Quand certains au Palais ont signé une pétition demandant au Garde des Sceaux de faire engager des poursuites contre mes amis et moi, Jean-Marc avait refusé de signer cette infamie, tout comme Jean-Louis Tixier-Vignancour, Isorni, Biaggi et quelques autres. … Quand, après avoir fait abattre mon confrère Ould Aoudia, le gouvernement de l’époque me fit traduire devant le Conseil de l’Ordre, Isorni et Jean-Marc tinrent publiquement, eux aussi, à me manifester leur solidarité. Je fus suspendu un an.

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Un an plus tard, Isorni était suspendu trois ans. Il ne fut pas surpris, il l’avait annoncé : « nous paierons le précédent Vergès au triple ». Plus tard, inscrit au barreau d’Alger, j’eu à intervenir au Palais. Jean-Marc tint à me prêter sa robe. Cette amitié entre adversaires surprend les esprits médiocres, sectateurs de la pensée unique. Un soir, un Premier Ministre fut invité à la Berryer. Jean-Marc et moi étions prévus comme orateurs. Le discours de Jean-Marc avait particulièrement déplu à l’éminent invité. Il lui reprocha la longueur de son texte. Quand vint mon tour de prendre la parole, passant devant Jean-Marc, je lui serrai la main. Monsieur le Premier Ministre y vit le signe d’un complot : seule une volonté maligne pouvait expliquer que deux adversaires à la barre puissent se serrer la main. Du coup, invoquant l’heure tardive, celle du dernier métro (!), il demanda que la séance fût levée. Monsieur le Bâtonnier Stasi dût intervenir pour qu’il se rassoit et me subisse. La pensée unique et sa police avaient, ce soir-là, connu un échec. Ami des Algériens, j’avais, comme citoyen, peu de sympathie pour Monsieur Papon, mais je fus heureux et fier pour la profession, quand Jean-Marc accepta de le défendre, de prendre selon les vers de Rimbaud, « le sanglot des infâmes et la clameur des maudits ». Car il n’y a pas, comme le répètent Tartuffe et Monsieur Prud’homme, d’accusé indéfendable, sauf dans les pays totalitaires, et je dirais même que plus il est éloigné de nous, plus notre concours a du mérite. C’est l’exemple que Berryer nous donne : légitimiste, il défend le maréchal Ney sous Louis XVIII et le prince Louis Napoléon sous Louis Philippe. Combien de fois a-t-il dû entendre lui aussi cette phrase pire qu’imbécile : « Il a le droit d’être défendu, mais pas par vous ». Le Larousse du 19 ème siècle dit de lui : « Ce mélange de principes légitimistes et de comportement libéral, tout en donnant une originalité très piquante à sa physionomie, ne fut pas sans causer quelques embarras à ses amis ». Mais cela ne l’empêchait pas d’avoir ses idées propres, de manifester sa sympathie à la duchesse de Berry, ce qui lui vaudra une poursuite pour atteinte à la sûreté de l’État et une incarcération à Blois. Et quand le prince Napoléon devint Napoléon III, Berryer sut repousser ses offres, pensant, à juste titre, que faire de la prison pour ses idées était plus honorable que de devenir favori du prince contre ses idées. Nous ne sommes pas obligés d’accepter une cause. C’est là un grand privilège. Mais quand nous disons oui au client, sa confiance nous oblige à le défendre par toutes les voies de droit, dut-on déplaire au Prince et à sa Cour. Mais nous n’avons pas à nous identifier à lui, ce serait nous asseoir à ses côtés quand notre présence est devant. C’est là que certains ne comprennent pas. Quand, à un procès, des confrères lui ont refusé sa main tendue, Jean-Marc qui était un tendre, en a beaucoup souffert. - Tu as de la chance, me dit-il. Comme Beethoven, cela t’épargne d’entendre des insanités.

Pourquoi veux-tu que notre profession soit la seule à n’avoir pas ses déviants ? Quand des prêtres ont des enfants et n’ont plus la foi, quand des démocrates ne cachent même plus leur mépris du peuple, pourquoi n‘y aurait-il pas des gens pour penser que leur vocation n’est pas la défense mais la vengeance, que leur rôle n’est pas d’affronter l’accusation mais de trotter devant elle comme un équipage devant un cocher… La noblesse des rapports confraternels semble parfois en perdition. Les couards nous reprochent de manquer de délicatesse. Mais tant qu’il y aura des confrères comme Jean Marc, l’espoir demeure d’une renaissance. À ses funérailles à Saint-Eustache, cet espoir me gonflait le cœur en voyant pleurer ses jeunes collaborateurs et Jean-Marc dut sourire quand il a vu Monsieur Jean-Marie Le Pen et notre confrère Roland Dumas se donner le baiser de la paix(12). Récemment à Alger, à la journée de l’avocat, célébrant le sacrifice des avocats assassinés pour avoir accompli leur devoir de défense pendant la guerre, je fus heureux d’entendre de la bouche du responsable de la défense du FLN, cet hommage rendu à Isorni et à Tixier : « C’étaient nos ennemis, c’étaient nos adversaires à la barre, mais c’étaient de vrais avocats. » Il n’y a aucune raison pour que cette noblesse des rapports humains ne règne pas aussi dans ce palais, le nôtre. … Cher Jean-Marc, tu es une lumière dans ton tombeau. Grâce à toi, notre barreau demeure ce qu’il a été, celui de Malesherbes et de Sèze face à la Convention de Gambetta défenseur de Delescluze, futur dirigeant de la Commune face à Napoléon III, de Labori défenseur de Dreyfus, de Lafarge, Mellor et autres, défenseurs des Juifs et des communistes devant les sections spéciales, d’Isorni défendant Pétain, de Tixier face aux cours de justice, d’Ould Aoudia devant les TPFA, celui de Jean-Marc Varaut avocat français. 2013-703 1. Décédé dans la nuit du 15 au 16 août. Ses obsèques ont été célébrées en l’église Saint-Thomas d’Aquin le mardi 20 août, voir Annonces de la Seine du 22 août 2013 et l’admirable message d’adieu de la marquise Marie-Christine de Solages. 2. Préface remarquable de livre par François Bousquet. 3. Avocat au Barreau de Paris (1955-1962), avocat au Barreau d’Alger (1961-1979), avocat au Barreau de Paris (19792013), Premier secrétaire de la Conférence sous le bâtonnat du Bâtonnier René William-Thorp (1956-1957), promotion F. Sarda. Thème de son discours : « La réunion en anthologie d’écrits licencieux empruntés à des auteurs connus et qui n’avaient pas été poursuivis pour outrages aux bonnes mœurs, tombe-t-elle sous le coup des dispositions de la loi qui réprime les outrages aux bonnes mœurs commis par la voie du livre ? ». 4. Voir leur liste dans l’encadré page 12. 5. Esprit ouvert, sans ressentiment, son père avait saisi le conseil de l’Ordre du Barreau de Paris en vue d’une sanction disciplinaire. 6. Avocat du diable, avocat de Dieu, éditions de La Renaissance, 2001. 7. Dans un Barreau du Nord, une avocate de 35 ans est dominicaine (ordre fondé par Saint Dominique). 8. Éditions Le Pré aux Clercs, 1983. 9. Gazette du Palais, 18 janvier 2003. 10. Édition Robert Laffont, 1973. 11. Ce discours, à notre connaissance, n’a pas été publié. 12. Les deux derniers orateurs du Parlement.

Liste des ouvrages de Jacques Vergès l De mon propre aveu,

La Table ronde, 2004 ;

Presses de la Renaissance, 2001 ;

Éditions PGDR, 2013 ;

l Justice pour le peuple serbe,

l J’ai plus de souvenirs que si j’avais

l Sarkozy sous BHL

L’Âge d’homme, 2003 ;

(avec Roland Dumas), Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2011 ;

l Le suicide de la France, Olbia, 2002 ; l L’apartheid judiciaire ou le TPI,

l Journal, La passion de la défense,

Éditions du Rocher, 2008 ;

arme de guerre, (avec Pierre-Marie Gallois), L’Âge d’homme, 2002 ;

mille ans, La Table ronde, 1998 ; l Omar m’a tuer : histoire d’un crime, Michel Lafon, 1994 ; l Le salaud lumineux : entretien

l Que mes guerres étaient belles !,

l Dictionnaire amoureux

Éditions du Rocher, 2007 ;

de la justice, Plon, 2002 ;

(avec Jean-Louis Remilleux), Michel Lafon, 1990 ; l Beauté du crime, Plon, 1988 ;

l Malheur aux pauvres, Plon, 2006 ;

l Avocat du diable, avocat de Dieu

l De la stratégie judiciaire,

l La démocratie à visage obscène,

(avec Alain de La Morandais),

Minuit, 1981.

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Palmarès

Barreau de Paris Solidarité Trophées Pro Bono 2013, Hôtel de Ville de Paris - 7 octobre 2013 Le Barreau de Paris a remis les Trophées Pro Bono mettant à l’honneur les initiatives bénévoles les plus remarquables des avocats parisiens. Le jury, présidé par Monsieur Xavier Emmanuelli, ancien Ministre, créateur du Samu social et parrain du fonds de dotation « Barreau de Paris Solidarité » a décerné les cinq prix suivants : le Prix de l’accès au droit et de la défense des droits de l’Homme à Marie-Hélène Isern-Réal, avocate à la Cour pour l’accès au droit des majeurs vulnérables ; le Prix de la promotion de la diversité et de la lutte contre l’exclusion à McDermott Will & Emery pour son action en partenariat avec « The Human Dignity Trust » ; le Prix de la défense de l’environnement et du développement durable à Latham & Watkins pour son soutien auprès de « Kinomé » ; le Prix de la promotion de l’entrepreneuriat social et de l’insertion et du développement économique à Bird & Bird pour son soutien auprès de « La Tournée » ; le Prix de l’accès à la santé et à l’éducation à Hogan Lovells pour son partenariat avec « Make-A-Wish » France et le Prix Spécial du jury, hors catégorie, au cabinet Gide Loyrette Nouel pour les actions de tous les membres du cabinet, au travers du fonds de dotation « Gide Pro Bono ». Nous adressons nos chaleureuses félicitations aux lauréats. Jean-René Tancrède

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Les actions solidaires des avocats parisiens par Christiane Féral-Schuhl

L

’an dernier, vous étiez nombreux à assister à la première cérémonie de remise des Trophées Pro Bono. Cette mise en lumière a permis à l’ensemble des confrères parisiens de prendre conscience de l’ampleur des initiatives portées par la profession. Forts de cet élan, vous avez été encore plus nombreux, cette année, à présenter au jury vos actions bénévoles. Monsieur le Ministre Xavier Emmanuelli, parrain du fonds « Barreau de Paris Solidarité », vous avez présidé avec sérieux et enthousiasme ce jury. Vous étiez entouré des membres du comité de parrainage, qui tout au long de ces deux années, ont également étudié d’autres projets : ceux d’associations, présentes également ce soir. Je vous remercie et rends hommage à votre implication. Laissez-moi citer nos confrères Philippe Ryfman, Rachel Saada et Henri Leclerc, ainsi que Hélène Ruiz-Fabri, Elodie Vialle, Helène Dantoine, Yves Sabouret et Luc Lamprière. Et puis bien évidemment, Monsieur le Vice-Bâtonnier, Yvon Martinet, qui est le grand initiateur du Fonds de dotation Barreau de Paris Solidarité. A l’heure où la profession est mise en cause sur des fondements éthiques ou moraux, ces Trophées Pro Bono prennent tout leur sens et leur résonance. Ils viennent rappeler que nous sommes, tous, avocats,

en cabinet ou en exercice individuel, d’« affaires » ou « plaidants », au cœur de la cité, des acteurs essentiels de notre démocratie. Le Barreau de Paris demeure solidaire, de plus en plus impliqué, et tous, œuvrons pour l’accès au droit, particulièrement menacé, comme vous le savez. Vos initiatives solidaires recouvrent de nombreux domaines : la défense des droits de l’Homme, la promotion de la diversité et la lutte contre les exclusions, la défense de l’environnement et le développement durable, la promotion de l’entrepreneuriat social, l’accès à la santé et à l’éducation. Le fonds « Barreau de Paris Solidarité », c’est la mutualisation de vos actions et de celles que l’Ordre porte depuis 2003. Monsieur le Bâtonnier Paul-Albert Iweins, c’est à vous que nous devons le Bus de la Solidarité, qui fête ses 10 ans.

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Paul-Albert Iweins, Yvon Martinet, Xavier Emmanuelli et Christiane Féral-Schuhl

Les parisiens vous en remercient, et nous tous ici aussi : vous avez institutionnalisé le pro bono à Paris. Comment ne pas citer également INITIADROIT, dont l’action vient également élargir le champ du pro bono. Je rends hommage ce soir à Didier Cayol et Lucile Rambert, ainsi qu’à tous les confrères qui vont à la rencontre des collégiens et des lycéens pour l’éducation citoyenne. Les avocats, mais également des associations, prônent l’accès au droit et la défense des droits de l’Homme. Le fonds « Barreau de Paris Solidarité » a soutenu 50 actions, depuis janvier 2012, en France et à l’International. C’est tout ce champ des possibles qu’a souhaité développer le conseil d’administration du fonds de dotation. Je souhaite remercier tous ses membres : Messieurs les Bâtonniers Paul-Albert Iweins et Yves Repiquet, Monsieur le Vice-Bâtonnier Yvon Martinet, Jean-Christophe Barjon, Dominique Basdevant et Antoine Diesbecq. Et bien évidemment Dominique Attias, dont l’implication dans le pro bono, je viens de l’apprendre récemment, sera récompensée lors du « European Pro Bono Forum », à Varsovie à la fin du mois. Cette soirée, et tous les évènements organisés dans le cadre de l’« Avocat dans la Cité » sont à l’image de notre Barreau : Un Barreau dont l’engagement nous rend fiers d’exercer la profession d’avocat. Soyez toutes et tous remerciés et découvrons à présent les lauréats de cette seconde édition des Trophées Pro Bono. 2013-704

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Direct

Pierre-André Peyvel a quitté la Préfecture des Hauts-de-Seine Nanterre - 3 octobre 2013

M

erci à vous, toutes et tous, d’être venu aussi nombreux partager ce moment de convivialité à l’occasion de notre départ, ma femme et moi, de cette préfecture et de ce département. Votre présence aussi nombreuse nous va droit au cœur, d’autant qu’il ne s’agit pas d’un départ ordinaire pour un autre poste comme c’est habituellement le cas. Des deux ans et demi que je viens de passer avec vous comme préfet de ce département, je ne vais pas faire le bilan. Je vous épargnerai les souvenirs et n’exprimerai que mes remerciements. Remerciements d’abord au préfet de région et au préfet de police pour la confiance qu’ils m’ont témoigné et pour la qualité du travail qu’ils ont impulsé. Remerciements aussi à vous tous, Mesdames et Messieurs les élus, pour les relations de confiance que vous avez bien voulu établir entre nous. Au cours de ces deux années et demi, j’ai beaucoup apprécié votre souci du partenariat et vous sens de l’intérêt général. Ils nous ont permis, sur les sujets délicats, de toujours trouver une solution acceptable par tous et respectueuse du bien commun. Nous avons ensemble pratiqué le compromis au meilleur sens du terme, et sans compromission.

Qu’avec les élus et dans le même esprit soient remerciés tous les partenaires de l’Etat territoria : responsables économiques et consulaires, chefs d’entreprise, organisations syndicales, associations et toutes les communautés ici présentes. Remerciements encore aux responsables des services de l’Etat dans le département et la région ainsi qu’à leurs équipes. Nous avons traité ensemble de nombreux dossiers importants, complexes ou délicats, - ou les 3 à la fois - qui n’auraient jamais abouti sans leur expertise, leur diligence et leur souci constant du bien public. Remerciements enfin à l’équipe des sous-préfets toujours mobilisés et disponibles, ainsi qu’à l’ensemble des cadres et agents de la préfecture. A chacune et à chacun j’ai beaucoup demandé et ils ont fait preuve d’un grand professionnalisme, d’un constant souci d’améliorer la prestation de la structure, et d’un dynamisme modernisateur que beaucoup nous envient. Mais, mesdames et messieurs, ce départ n’est pas pour moi un départ ordinaire, un de ces nombreux départs professionnels toujours douloureux mais inhérents par la carrière. Ainsi, en 25 ans, mon épouse a dû assumer 13 déménagements. Vous me permettrez de lui dire devant vous toute ma gratitude pour avoir accepté toutes les contraintes de notre nomadisme tant sur sa vie professionnelle que sur notre vie familiale. En quittant la préfecture des Hauts-de-Seine j’achève ma vie professionnelle après 43 ans d’activité. Cette vie professionnelle m’a permis d’exercer deux métiers : 18 ans enseignant 25 ans dans le corps préfectoral. Deux métiers passionnants, aux points communs finalement plus nombreux qu’on le

pense, dans lesquels je me suis parfaitement épanoui, où j’ai eu le sentiment d’apporter ma modeste pierre à la construction de notre société. Mais aujourd’hui, comme le dit Aragon « j’aborde où je suis étranger ». Soyez assurés que j’entame cette nouvelle vie sans repli sur les souvenirs, l’amertume ou les regrets ; bien plutôt comme un explorateur curieux de tout et décidé à découvrir toutes les potentialités qu’offre cette nouvelle étape. Je voudrais aussi user de ce temps pour continuer, par d’autres voies et moyens, à me rendre utile en participant encore à la construction du vivre ensemble dont nous avons tant besoin. Au terme de cette traversée d’une quarantaine d’années j’emporte av des travaux conduits à chaque étape, depuis le lycée professionnel où j’ai débuté comme maître auxiliaire jusqu’à la préfecture des Hauts-de-Seine. J’emporte surtout les plus vifs souvenirs de notre collaboration avec vous, Mesdames et Messieurs, car les hasards de mes 25 ans de carrière préfectorale m’ont conduit à exercer 7 ans dans les Hauts-deSeine sans compter 2 ans à la préfecture de la région Ile-de-France. On m’avait décrit un département et une région à la taille écrasante et à l’anonymat complet. J’ai trouvé avec vous, grâce à vous, un espace d’hommes et de femmes qui œuvrent ensemble au bien commun. J’ai pu nouer des relations personnelles avec nombre d’entre vous et vous m’avez ainsi apporté un incroyable viatique. Je pars le cœur et l’esprit plein de toutes ces richesses dont je vous remercie. Pierre-André Peyvel 2013-705

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Madame et Monsieur Pierre-André Peyvel

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