Edition du lundi 14 octobre 2013

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LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 14 octobre 2013 - Numéro 58 - 1,15 Euro - 94e année

Jean-Luc Forget

VIE DU DROIT

Conférence des Bâtonniers - Contribuer à un projet professionnel par Jean-Luc Forget ....................................... 2 - Ordre et avocat : être adéquats sans se perdre par Marie-Anne Frison-Roche ............................................................................... 4 - La valorisation de la prestation de l’avocat par Manuel Ducasse et Pascal Eydoux .............................................................. 5 - Les ordres et l’Europe par Roland Gras et Michel Bénichou ......................... 6 l Conseil d’Etat Etude annuelle 2013, « Le droit souple » ........................... 8 l Confédération Nationale des Avocats ................................................ 21 l

JURISPRUDENCE

Loi « anti-fracturation » du 13 juillet 2011 Interdiction d’explorer et d’exploiter des gaz de schiste Conseil constitutionnel - 11 octobre 2013 ............................................ 10

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EVIRONNEMENT

Avocat pour l’environnement - Le dommage écologique par Christian Huglo .......................................... 12 - Batailles judiciaires par Christiane Féral-Schuhl ....................................... 14 l

VEILLE LÉGISLATIVE............................................................................ 16 VIE DES CABINETS D’AVOCATS ................................................. 17 INSTALLATION COUR D’APPEL DE NÎMES - Les combats judiciaires par Jean-Gabriel Filhouse .................................. 18 - Améliorer la qualité de la justice par Michel Desplan ............................ 19 - La mission du juge par Bernard Keime Robert-Houdin ........................... 20

CHRONIQUE

La consignation comme moyen alternatif à l’arrêt de l’exécution provisoire Thomas Molins, Avocat au Barreau de Paris .................................................. 23 l

ANNONCES LÉGALES ................................................................ 24 DÉCORATION Rémy Robinet-Duffo Grand Officier de l’Odre du Mérite Civil de la Couronne Espagnole .......................... 32

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Conférence des Bâtonniers 1ers Etats Généraux des Ordres Maison de la Chimie, 3 octobre 2013

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es Etats Généraux des ordres furent l’occasion pour les Bâtonniers de province, sous la présidence de Jean-Luc Forget, de réfléchir sur les thèmes représentant les principaux enjeux professionnels auxquels sont actuellement confrontés les avocats. Ce jeudi 3 octobre 2013, le Président de la Conférence des Bâtonniers avait notamment convié quatre grands témoins venus « porter leurs regards critiques sur la profession d’avocat » : Anne Lauvergeon, Marie-Anne Frison-Roche, Christiane Féral-Schuhl et Thierry Derez. Les participants aux premiers Etats Généraux des Ordres ont également pu confronter leurs points

de vue sur d’autres questions d’actualité telles que la révolution numérique, l’avocat et l’économie, les rapports des ordres avec l’Europe et la valorisation de la prestation de l’avocat. Des rapports ont été rédigés sur ces thèmes par Jean-Luc Médina, Thierry Wickers, Marc Bollet, Bernard Chambel, Roland Gras, Michel Bénichou, Manuel Ducasse et Pascal Eydoux que nous félicitons. Au cours de sa remarquable intervention, Jean-Luc Forget a exhorté ses confrères à « s’investir et participer à l’élaboration du nécessaire projet professionnel que les avocats doivent s’approprier ». Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ʼA NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

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Jean-Luc Forget

Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05

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Vie du droit

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Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Contribuer à un projet professionnel par Jean-Luc Forget

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’est l’une des immenses richesses des ordres locaux que de bénéficier de ce travail collectif, désintéressé ou plutôt intéressé à la seule défense de l’avocat. C’est l’une des immenses richesses de notre profession. Cette journée est une journée de travail. C’est l’occasion de vous présenter votre travail. Ce n’est pas une journée de délibération. C’est une journée de réflexion, de débats, de confrontation et donc de convivialité. Nous accueillons : l Le Président du Conseil National des barreaux, Jean-Marie Burguburu, auquel nous voulons dire notre confiance et qui sait pouvoir compter sur notre soutien, sur notre loyauté, sur notre travail en une période particulièrement complexe et délicate ; l Madame le Bâtonnier de Paris Christiane Féral-Schuhl avec laquelle nous avons plaisir et utilité à travailler sans relâche pour nos confrères, pour que les ordres, tous les ordres puissent leur permettre de bénéficier de services pertinents et cohérents. Nous accueillerons toute à l’heure : l Madame Christine Maugüé Directrice de Cabinet de Madame la Garde des Sceaux, qui pourra mesurer que les ordres, toujours et fort heureusement prompts à réagir, ne sont pas que réaction. Qu’ils proposent et sont ainsi disponibles pour toutes concertations à condition que les concertations s’ouvrent avant les décisions. l des parlementaires et des représentants de profession avec lesquels nous travaillons au quotidien. La Conférence des bâtonniers vous appartient. Elle appartient aux 160 ordres des régions de France qui la composent. Ces 160 ordres représentent près de 60 % des avocats français. Elle inscrit son action au bénéfice des ordres dans l’unité avec le Conseil national des barreaux, l’institution représentative de la profession d’avocat, notre institution représentative auprès des pouvoirs publics, celle qui détermine nos règles professionnelles et leurs évolutions, celle qui organise la formation de nos confrères,

l’institution qui assure la communication de toute une profession. Les ordres assurent : l Au quotidien, la défense de la Défense et donc le contrôle : ce sont les outils de régulation de la profession. l Les services aux avocats. Je n’ai pas parlé de notre « gouvernance ». Et pourtant, je viens de vous décrire notre organisation professionnelle, une organisation dont nous pourrions être fiers si nous nous accordions simplement sur les compétences de nos structures. Si les unes et les autres mettaient fin aux ambiguïtés qui affaiblissent. Elles doivent se considérer, se respecter, s’inscrire dans cette logique de complémentarité et de confiance et non dans une logique de substitution et de défiance. L’organisation de notre profession, ce n’est pas un jeu de mots : il nous appartient de la construire sans toujours considérer que tout est toujours à refaire. C’est ainsi que nous ne faisons rien. - Les ordres assurent donc au quotidien les services aux avocats. Nos confrères les reconnaissent comme ces lieux de services qui peuvent être mis à disposition grâce à des structures nationales de mutualisation, c’est-à-dire de solidarité. Parmi ces structures : - la Société de courtage des barreaux créée par la Conférence, la SCB, qui assure les risques responsabilité civile ou maniement de fonds de la très grande majorité des barreaux mais qui peut également proposer à chaque avocat de France des garanties individuelles spécifiques telles la « garantie perte de collaboration ». - La Prévoyance des Avocats, LPA, qui se préoccupe de notre prévoyance et qui peut présenter des garanties individuelles telle la « chance maternité ». - La centrale de référencement nationale des avocats «Praeférentia-Coréfrance». La centrale à laquelle aujourd’hui près de 40.000 avocats français peuvent avoir gratuitement accès et à laquelle, demain, tous les avocats français auront accès dès lors que tous les bâtonniers y auront consenti. Cette centrale propose à nos confrères des tarifs attractifs sur un certain nombre de prestations indispensables à leur activité professionnelle.

Les Annonces de la Seine - lundi 14 octobre 2013 - numéro 58


Vie du droit - Et enfin, maintenant, la conservation de l’acte d’avocat. La conservation «papier» de l’acte d’avocat. Je vous avais indiqué le 25 janvier dernier, que nous allions apprécier si les ordres pouvaient être en capacité de proposer une solution à la profession. Le 21 juin, nous vous avons présenté la solution élaborée en vous précisant qu’elle serait mise en place au 1er octobre… Nous avons perdu. Nous sommes le 3 octobre… Et je ne peux que vous annoncer que la conservation de l’acte d’avocat, que la conservation de l’acte d’avocat papier, sera effective à compter de ce lundi 21 octobre. A cette date, les bâtonniers pourront autoriser les avocats de leurs barreaux à accéder au site «Avosactes» pour, dans le cadre d’un processus sécurisé, assurer la conservation de l’acte papier contresigné par avocat au sens des articles 66-3-1 à 66-3-3 de la loi de 1971 et l’archivage de sa copie numérisée. Nos textes sont ainsi faits : aujourd’hui, la conservation de l’acte d’avocat ne peut qu’être une conservation de l’acte papier. En effet, c’est le seul ayant valeur probante. Ce n’est pas facile que de conserver du papier. Cela présente des difficultés. Nous les avons surmontées. Nous n’avons pas toujours été aidés mais nous avons conçu toutes les critiques comme des aides, même lorsqu’elles étaient bien maladroitement exprimées. Plus encore nous soutenons tous vœux, nous avons voté toutes résolutions proposées par le Conseil national des barreaux tendant à ce que, demain, l’acte numérisé ait valeur probante et qu’à cet effet soit inséré à la loi de 1971 un article 66-3-4 reconnaissant cette valeur probante de l’acte électronique. Il sera alors beaucoup plus facile de le conserver. Nous le savons. Nous soutenons avec enthousiasme la perspective d’un acte d’avocat numérique natif.

Mais nous répondons à l’instant présent aux besoins quotidiens de nos confrères. Merci à tous ceux qui se sont investis pour donner réalité à ce projet (François Axisa, la SCB, l’UNCA, le Barreau de Paris). Ce processus évoluera, s’adaptera, s’améliorera, mais il débutera dans quelques jours maintenant. J’en viens donc à notre travail de ce jour. Les ordres ont leur mot à dire dans l’expression des propositions de la profession. Tel est bien l’objectif de cette journée de travail, de ces « états généraux des ordres ». Il y a plus d’un an, nous avons déterminé 4 questions, 4 thèmes qui nous paraissaient devoir être autant de lieux de réflexion, de débats pour être des lieux de propositions pour la profession. Les ordres, qui réalisent au quotidien, ont des choses à dire à la profession. Ils ont des idées à porter dans l’institution représentative pour que ces idées y soient confrontées avec celles de toutes les forces de notre profession. Ces 4 thèmes, ce sont un peu 4 « corners », ces lieux du terrain, du marché, où l’on paraît parfois s’être enfermé. Ces évolutions, ces débats auxquels nous avons cru pouvoir parfois substituer des confrontations souvent stériles qui nous évitent les évolutions. Nous avons décidé « d’en sortir par le haut », de tirer vers le milieu du terrain, vers le marché, pour y marquer nos buts. Ces 4 thèmes, ces 4 corners se sont : - la lancinante question du rapport du droit avec l’économie, de l’avocat avec l’économie. Oui, nous allons associer ces mots parce qu’ils sont quotidiennement associés, et nous parlerons de l’avocat avec l’entreprise. Merci au groupe de travail réuni autour de Marc Bollet et de Bernard Chambel, ce groupe qui s’est investit dans une question que l’on pensait dangereuse au point d’éviter de nous la poser. Merci à Madame Anne Lauvergeon d’avoir accepté de venir réagir, de venir nous interpeller,

nous signifier les attentes du monde de l’économie et de l’entreprise à l’égard du monde du Droit et des avocats. - L’indispensable réponse, envie et nécessité d’avancer que nous impose la révolution numérique. Il s’agit déjà, mais il ne s’agit pas simplement, d’une nouvelle technique de travail quotidien. Il s’agit d’une révolution avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur le marché, sur la prestation de droit que les professionnels formés, compétents, responsables et assurés doivent aux citoyens. Merci à Jean-Luc Medina et à Thierry Wickers d’avoir exploré ces technologies, d’en mesurer toutes les conséquences et de nous inviter à nous les accaparer. Merci à Madame le Bâtonnier du Barreau de Paris d’avoir accepté de relever le défi, de nous interpeller en dessinant quelques réponses prospectives de la profession. - Les rapports des ordres avec l’Europe et non la confrontation avec l’Europe. Une Europe qui peut porter nos valeurs, qui peut nous imposer jusque dans les commissariats, qui peut protéger le secret professionnel, mais qui parfois, toute à sa perspective de libre échange nous fait peur comme si elle oubliait notre place, notre identité, les valeurs, nos valeurs que nous devons imposer au marché. Merci à Roland Gras et à Michel Bénichou d’avoir mis toute leur passion et leurs compétences dans cette réflexion qui nous impose ici encore de nous adapter, de nous organiser pour répondre à des défis qui sont des chances. Merci à Madame le Député européen, Constance Le Grip, qui viendra tout à l’heure nous faire part de son regard d’élu européen sur notre professsion. - Enfin, nous aborderons en fin de journée un thème que la profession évoque depuis des dizaines d’années et qui est toujours d’actualité peut-être parce que nous avons tous peur de

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Pascale Modelski, Jean-Marie Burguburu, Paule Aboudaram et Christiane Féral-Schuhl

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l’aborder frontalement. L’actualité ne me démentira certainement pas. Nous évoquerons la valorisation de la prestation de l’avocat, le coût de notre prestation et la manière dont nous la présentons. Oui, nous parlerons prévisibilité et transparence. Et nous évoquerons nos relations avec l’Etat ou les assureurs de protection juridique. Merci à Manuel Ducasse et à Pascal Eydoux d’avoir accepté de nous engager encore dans ce débat à nouveau conflictuel dans lequel nous devons inscrire notre rapport de force. Merci à Thierry Derez, Président-DirecteurGénéral de Covea, assurance de protection juridique, d’avoir accepté d’engager le débat, je dis bien le débat et non la confrontation, avec notre profession. Oui, la profession doit s’inscrire dans un rapport de force avec l’Etat. Nous ne pouvons pas accepter le désengagement de l’Etat au regard d’une mission qui est la sienne. Nous ne pouvons pas tolérer que le gouvernement puisse imaginer des taxes ou des démodulations qui viennent affecter les seuls avocats et maintenant les seuls confrères qui assument la défense des plus démunis, au détriment et parfois au péril de leur cabinet. Nous le dirons simplement. Peut-être même silencieusement. Mais avec la fermeté et la résolution de ceux qui font, qui assurent, qui se donnent, et qui exigent considération alors que les projets gouvernementaux et leur communication expriment la méconnaissance de notre profession quand ce n’est pas la suspicion. Voilà, en ce matin, nous en sommes encore à nous poser des questions. Les membres du Bureau - tous les membres du Bureau même si j’en ai nommé certains - mais encore des bâtonniers en exercice, des avocats, des personnes intéressées, ont travaillé pour vous proposer des réponses. Ils ont établi des rapports denses. Mais vous ne disposez que de synthèses très incomplètes car notre travail doit encore être enrichi par nos débats. Je dois ici remercier tout particulièrement Madame le Professeur Marie-Anne FrisonRoche qui depuis des mois, accompagne nos réflexions, nous pose des questions auxquelles nous ne souhaitons pas penser, nous interpelle sur la cohérence de nos réflexions et qui a accepté de jeter un regard distancié mais bienveillant sur nos évolutions. Merci Madame le Professeur de votre aide. Merci de vos interpellations qui encore aujourd’hui, nous seront particulièrement bénéfiques. Nous savons dans quelles perspectives nous vous proposons d’aller. Nous voulons vous les faire découvrir et vous aurez charge d’en débattre. Et puis nous poursuivrons le débat dans le courant de ce mois d’octobre sur le site de la Conférence des bâtonniers pour le clore - car les plus beaux débats sont ceux qui se clôturent - par l’édition dans le premier trimestre 2014 d’un ouvrage auprès des éditions Dalloz. Ce sera notre contribution à un projet professionnel. Ainsi, par la complémentarité de nos fonctions, par la densité de nos travaux, nous serons plus forts. Nous, ce n’est pas la Conférence, ce ne sont même pas les ordres, c’est notre profession. Notre profession a besoin d’être plus forte. Cette journée a pour seule mais ferme ambition d’y contribuer.

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Vie du droit

Ordre et avocat : être adéquats sans se perdre par Marie-Anne Frison-Roche

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e sous-titre appelle une explicitation, en ce qu’il entend résumer ce qu’expriment les différents rapports rédigés par une profession qui parle à elle-même, pour déterminer ce qu’elle est, où elle en est, afin de formuler où elle doit aller, à travers l’expression qu’en font les Ordres. C’est l’enjeu même des Etats Généraux des Ordres du 3 octobre 2013. Etre adéquat sans se perdre. En quoi cela traduit l’ensemble des réflexions de la Conférence des Bâtonniers et qui cela vise-t-il ? L’« adéquation » est une situation qui s’établit par l’heureuse coïncidence entre un instrument, une personne, une institution, d’une part, et un besoin, d’autre part. En cela, l’adéquation est soit le fruit d’un heureux hasard, soit l’aptitude à s’ajuster pour satisfaire ces besoins. Ainsi, si l’on constate que des personnes ou des situations évoluent, alors sans doute les personnes qui visent à les satisfaire, les institutions qui les servent doivent évoluer en conséquence. Si l’on pense en termes d’adéquation, il y a une part de diagnostic et de projet. En effet, il convient de se demander s’il y a actuellement adéquation et, si la réponse est négative, réfléchir dans un second temps, concevoir les modalités d’adaptation, mais uniquement sur les points d’inadaptation. Plus encore, pour porter ce diagnostic d’adéquation ou d’inadéquation – par exemple la structure ordinale de la profession d’avocat est-elle adéquate ?-, encore faut-il avoir une idée précise de ce qu’est un avocat, ce qu’est un Ordre, et ce qu’attendent d’eux les clients et l’Etat de droit. Ainsi, si l’on détermine des besoins, alors on peut ensuite déterminer les institutions, les personnes, les instruments, qui sont « adéquats » pour satisfaire ces besoins. Par exemple, s’il s’agit de satisfaire une demande de consommation de services juridiques, cela et seulement cela, il faut des personnes, les offreurs, et un mécanisme performant, (le marché), pour que ce besoin soit satisfait.

Les avocats apparaissent à certains comme ne tenant pas toujours ce type de discours, regrettant que les traditions se perdent, que les palais de justice s’effacent, que le marbre s’effrite, que la robe se raccroche, que l’individualisme se propage(1). « Monde d’hier » ? Pourtant, que les avocats soient de la « vieille école » ou dans le « vent de la modernité », celle du commerce international ou des technologies numérique, c’est toujours au même socle qu’ils se réfèrent, autour de ce même socle qu’ils se retrouvent, tous immédiatement unis sans concertation préalable, sans chica nerie ou donnant-donnant : la déontologie. C’est l’indépendance, le secret professionnel, le rapport non-immédiat à l’argent qui font qu’un avocat en reconnaît un autre, qui font l’avocat dans une unicité qui aboutit à l’identité commune de l’avocat, qui les réunit tous dans des Ordres. De cela, les Bâtonniers ont pleine conscience puisque cela transparaît dans chaque ligne qu’ils écrivent. Cela tient en partie au fait que les Ordres sont les gardiens de cette déontologie, non seulement de son respect par l’ensemble de la profession, mais de l’imprégnation de ses règles particulières, presque contre-nature, chez chaque avocat (par exemple défendre au besoin sans être payé, défendre jusqu’au pire criminel, conseiller dans l’intérêt du client, rester extérieur à celuici). Cela tient aussi au fait que l’avocat qui a voulu devenir Bâtonnier est celui qui a le sens le plus aigu de la nécessité qu’exigent au quotidien ces règles dans la pratique des cabinets. Or, les cabinets d’avocats ont changé, les pratiques professionnelles se sont adaptées aux marchés et aux entreprises. Plus encore, si l’adaptation ne s’est pas assez bien faite, les Bâtonniers expriment la volonté d’aider les avocats dans leurs démarches d’adaptation. Mais alors, que devient la déontologie ? Lorsque l’on prend connaissance de l’ensemble des réflexions élaborées par les groupes de travail de la Conférence des Bâtonniers, on mesure que l’angle par lequel la Conférence a choisi d’aborder la situation actuelle des Ordres et de la profession d’avocat est un angle technique. En effet, il s’agit d’appréhender l’état actuel et futur de la profession ainsi que le rôle joué par les Ordres, actuellement et à l’avenir, à travers la dématérialisation, les rapports

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Vie du droit

1 Notamment du fait des nouvelles technologies, v. rapport la dématérialisation et les activités de l’avocat. 2 Le Guépard.

La valorisation de la prestation de l’avocat

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ux termes de l’article 17 de la loi du 31 décembre 1971 : « le Conseil de l’Ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l’exercice de la profession et de veiller à l’observation des devoirs des avocats ainsi qu’à la protection de leurs droits (…) Il a pour tâche notamment (…) de traiter toutes questions intéressant l’exercice de la profession, la défense des droits des avocats et la stricte observation de leur devoir ». Dans ce cadre, et dans l’état de l’actuel contexte économique et social, les Ordres ne peuvent se désintéresser de la manière dont l’intervention de l’avocat est prise en considération d’une manière générale par la société et plus précisément par ses clients que sont les particuliers, les entreprises et l’Etat lui-même. Soit directement, dans l’arbitrage des honoraires par le Bâtonnier, soit indirectement par les débats auxquels participe en leur nom la Conférence des bâtonniers en matière d’aide juridictionnelle, par la politique qu’ils entendent mener directement ou par le financement des organes nationaux dans la promotion du rôle de l’avocat, les Ordres sont concernés par ce qui a été qualifié de « valorisation de la prestation de l’avocat » en reprenant le néologisme issu de l’anglais « valorization » qui est l’acte de donner une valeur financière à un bien ou à une prestation (« to valorize »). Les avocats, désormais à la tête de véritables entreprises quelle qu’en soit la dimension et quelle que soit la nature de l’activité traitée, sont eux-mêmes à la recherche de points de repère qui leur permettent d’aborder de manière plus satisfaisante ce sujet avec leurs clients. La nature toute particulière de la prestation de l’avocat, non substituable aux autres prestations juridiques, doit être mise en valeur et justifiée pour expliquer les particularités de la traduction chiffrée à laquelle doit aboutir la valorisation. En effet, nous ne devons pas perdre de vue les sentiments ambivalents qui partagent le public face à notre profession :

Manuel Ducasse

Pascal Eydoux

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par Manuel Ducasse et Pascal Eydoux

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entre l’avocat et l’entreprise, la rémunération de la prestation, l’Europe. Pourtant, à la lecture de chacun des travaux, il est frappant que c’est de ces anciennes et permanentes règles déontologiques dont il est toujours question, à travers chaque question technique, qui en est traversée, habitée. On mesure ainsi à quel point, alors même que l’approche est technique, technicité privilégiée parce qu’elle nous saisit plus en raison de sa modernité, « la nature revient au galop », parce que la déontologie fait qu’un avocat en est un et qu’il se distingue des autres prestataires du droit. Le souci est pour chacun des Bâtonniers que ces règles demeurent actives, alors même qu’il convient par ailleurs que les ordres accompagnent les avocats dans leur insertion dans l’Union européenne, dans l’exploitation des nouvelles technologies, dans le calcul justifié des honoraires qu’ils demandent en rétribution de leur travail, dans l’efficacité qu’ils apportent à l’entreprise. Etre moderne sans se perdre. Cela ressort avec force et unité car c’est l’existence même de la profession d’avocat qui s’exprime ainsi : pour demeurer, il faut changer (la formule est célèbre) mais précisément nous ne sommes pas dans le monde littéraire. Au lieu de pleurer devant la glace après le Grand Bal du Bâtonnier, comme aurait pu le faire un Prince Salina, qui savait ses valeurs aristocratiques emportées par le nouveau mode du commerce(2), les Bâtonniers relèvent le défi tout à la fois d’accroître l’aide que les ordres apportent aux avocats dans leur adaptation à la technique et au système marchand et dans le même temps, de maintenir la conservation, la transmission, voire l’amplification de la déontologie par les ordres. C’est ce qui ressort dans chacun des travaux, comme étant tout à la fois ce qui doit être la volonté de chacun des avocats français, mais aussi celle des ordres, à savoir celle de maintenir chez chacun des avocats cette conscience d’une déontologie par laquelle ils s’identifient, quitte à ne pas toujours la respecter, mais en ayant conscience d’en commettre alors la violation, ce qui permet à l’avocat de ne pas se dissoudre dans d’autres professions du droit, tout en favorisant l’adaptation des structures et des comportements des avocats comme agents économiques, en compétition entre eux et vis-à-vis d’autres experts du droit. Les devoirs déontologiques sont le fil rouge de tous les travaux, dont les thèmes sont pourtant à la fois très techniques et très différents les uns des autres, mais dont le contenu fait référence en permanence aux charges déontologiques et à la fierté de l’avocat de cette spécificité déontologique. A l’unisson, les travaux expriment ainsi l’ambition des ordres de renforcer cette médaille à double face qu’est l’avocat, à la fois agent économique et professionnel libéral porteur d’une déontologie. C’est pourquoi l’Ordre apparaît dans chaque propos comme « intime de l’avocat ». Cela est naturel, l’Ordre étant le prolongement de l’ensemble des avocats, le Bâtonnier étant élu par ses pairs. Mais ce système ancien peut aussi étouffer, segmenter. L’Ordre ne doit pas isoler l’avocat car le monde est aujourd’hui ouvert. Dans ce prolongement, il s’avère que l’ordre permet à l’avocat de s’ouvrir à ce monde qui l’entoure et dont les règles ont beaucoup changé : l’Ordre est le « vecteur de l’avocat ».

d’une part, une confiance légitimement placée dans une profession qui s’illustre par une réelle tradition de défense des droits et de promotion de la démocratie ; d’autre part, un sentiment de défiance à l’égard d’une opacité réelle ou supposée des pratiques de la profession en matière de rémunération. On mesure ainsi la difficulté du sujet et son étendue. Dans ce rapport, qui se veut une ouverture sur des débats plutôt qu’une série de réponses définitives, quelques thèmes ont été sélectionnés, regroupés en trois chapitres. Dans un premier chapitre intitulé « la mise en valeur de la prestation de l’avocat », l’accent a été mis sur l’importance du lien de confiance personnel entre l’avocat et son client, marque distinctive de la profession libérale et sur la concrétisation de ce lien dans la valorisation de la prestation de l’avocat par la convention d’honoraires. Les textes récents dans les procédures de divorce ont confirmé le rôle essentiel de cette convention consacrée à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971. Pour favoriser le recours à ce mode d’information privilégiée sur la rémunération de l’avocat, des propositions ont été faites en vue d’assurer une plus grande efficacité à la convention dès lors que celle-ci répond aux exigences du Code civil. Dans un chapitre II, nous nous attachons aux différentes questions que pose l’évaluation de l’honoraire, expression de la valorisation de la prestation de l’avocat. Nous avons particulièrement insisté sur la nécessité de bien déterminer le coût de fonctionnement du cabinet de l’avocat, la notion de « point mort » qui regroupe les charges nécessaires à la mise en œuvre de la prestation de l’avocat constituant la base à partir de laquelle une véritable rémunération de l’avocat peut être envisagée. Des données statistiques comparatives sur les trois dernières années permettent de se faire une idée plus précise des moyens qu’un avocat doit mobiliser avant de parvenir à une véritable rémunération. Une étude parallèle a été menée sur ce sujet entre les cabinets d’avocats pratiquant une activité plutôt judiciaire et ceux qui ont une

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Vie du droit

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Les ordres et l’Europe

Michel Bénichou

par Roland Gras et Michel Bénichou

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ourquoi évoquer l’Europe et les Ordres d’avocats ? Le propre de la profession d’avocat est d’avoir su traverser les siècles en s’adaptant aux diverses évolutions mais en gardant un cap, celui de la déontologie dont les Ordres sont les gardiens. L’objectif de notre réflexion est de proposer une vision stratégique sur les évolutions de notre société et du monde qui nous entoure et, d’abord, de répondre à la question essentielle sur le fait de savoir si nos règles déontologiques sont en phase avec l’Europe et si les Ordres, centres de gravité de la profession d’avocat, sauront accompagner les mutations nécessaires de celle-ci. L’idée de départ était une Europe des valeurs, d’un espace européen où l’on était libre d’aller et de venir sans discrimination : l Liberté d’aller et de venir ; l Egalité avec suppression des discriminations ; l Europe de la fraternité, de la solidarité entre les peuples. Ces idées n’ont pas été perdues de vue, mais des dissensions sont apparues du fait que l’Europe a pris comme modèle unificateur le marché et celui de la libre concurrence, et pour cause puisque l’Europe est devenue l’opérateur économique le plus puissant au monde et on ne peut ignorer les règles de compétitivité qu’elle impose. Une chose est certaine, c’est que l’Europe nous impose de faire évoluer nos règles dans la mesure où nous sommes dans un espace judiciaire européen. L’objectif de ce rapport est d’examiner quelques aspects de la législation française et européenne au regard des Ordres. Il s’agit essentiellement de poser des questions auxquelles la Conférence des bâtonniers sera appelée à répondre dans un proche avenir. Il est proposé d’examiner : 1- Les Ordres 2- Les services fournis par les Ordres aux avocats 3- Les Ordres et les avocats et leurs évolutions probables Quelques questions pratiques que les Bâtonniers doivent fréquemment trancher démontrent qu’il n’est pas si simple d’apporter une réponse qui tienne compte, d’une part de nos règles professionnelles et d’autre part des grands principes du droit européen en matière de libre concurrence : l Les bureaux secondaires ; l L’obligation de domiciliation ; l La vérification et la taxe des honoraires ; l La postulation. Dans sa recommandation du 29 mai 2013 (COM(2013) 360 final), la Commission demande à la France d’éliminer « les restrictions injustifiées à l’accès et aux services professionnels et à leur exercice, notamment en ce qui concerne leurs formes juridiques, la structure d’actionnariat, les quotas et les restrictions territoriales ». Ainsi, les Ordres d’avocats, autorités de régulation, ne peuvent échapper aux évolutions de notre société et il est de notre devoir d’y réfléchir : l’avenir ne se prévoit pas, il se prépare. En premier lieu, il ne parait pas que l’existence des Ordres soit menacée par les institutions européennes, l’Ordre étant au regard des décisions de justice de l’Union européenne un organe de

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activité plutôt juridique pour aboutir à la conclusion que les données de base ne sont finalement pas très différentes. Les méthodes de fixation de l’honoraire nous ont conduit à envisager la question des tarifs et des barèmes qui reviennent régulièrement dans nos débats pour conclure que les conventions bien construites étaient sans doute le meilleur moyen d’assurer à l’avocat une rémunération correspondant exactement à la diversité des prestations qu’il est amené à accomplir. Dans un chapitre III, nous avons regroupé les conséquences que les analyses précédentes peuvent avoir dans deux domaines qui suscitent des débats particulièrement vifs dans la profession et dont les Ordres ne peuvent évidemment pas se désintéresser : l l’aide juridictionnelle ; l la protection juridique. La comparaison des modalités actuelles de rémunération des avocats prêtant leur concours à l’aide juridique avec les données relatives au coût de fonctionnement des cabinets d’avocat, confirme le constat d’un décalage grandissant dont nous avions déjà l’intuition. Ce décalage conduit à un risque non négligeable de division de la profession qui ne peut laisser les Ordres indifférents. Plusieurs propositions sont avancées dans le rapport pour améliorer une situation jugée critique. Est d’abord envisagée une réforme de la répétibilité de l’honoraire telle qu’elle est régie par l’article 700 du code de procédure civile. Une modulation de l’aide juridictionnelle en fonction des domaines selon l’importance des droits mis en cause est également envisagée. La question du recours à un tarif de référence tenant compte des contingences économiques précédemment évoquées est également suggérée. L’autre sujet irritant pour la profession est celui de la protection juridique à l’heure où on envisage de recourir à ce système comme un complément, un palliatif ou un mécanisme de substitution à celui de l’aide légale. Beaucoup d’espoir avait été mis dans la réforme législative qui a abouti à la loi du 19 février 2007 dont il faut faire le bilan d’application malheureusement très décevant en raison du comportement de bon nombre de compagnies d’assurance. Il faut donc améliorer un système qui pourrait présenter bien des avantages en permettant à une clientèle de particuliers et de petites entreprises de retrouver le chemin des cabinets d’avocat pour assurer une meilleure défense de leurs droits qu’ils ont aujourd’hui du mal à financer. Mais, pour cela, un important travail doit être fait pour rétablir l’équilibre économique entre assureur, assuré et avocat. Ce meilleur équilibre ne pourra être trouvé que dans le cadre d’un dialogue que la profession doit appeler de ses vœux avec la participation des consommateurs, l’Etat devant assurer son rôle de régulateur du secteur de l’assurance dans ce domaine qui peut être déterminant pour rendre effectif l’accès au droit qu’attendent nos concitoyens. Les thèmes abordés dans ce rapport rejoignent ainsi la problématique d’ensemble de ces Etats Généraux dans le souci de conforter la place de la profession d’avocat dans son rôle social essentiel pour favoriser le développement de l’Etat de droit dans notre pays.

prévention et de régulation. La profession d’avocat a su tirer parti de la jurisprudence européenne et il suffit de penser : l Aux règles du procès équitable ; l Aux avancées en matière de garde à vue. Mais si la menace ne pèse pas directement sur nos institutions ordinales, la question de la compatibilité de certaines de nos règles déontologiques avec l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (interdiction des ententes) demeure entière. Il faut bien admettre qu’à la lumière des règles européennes, certaines de nos règles apparaissent constituer une entrave à la législation européenne et nous devons donc réfléchir à une adaptation de celles-ci. Depuis l’arrêt Wouters du 19 février 2002, l’ordre professionnel des avocats est considéré comme une association d’entreprises au sens du droit de la concurrence : mais il peut néanmoins imposer des règles d’organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité nécessaires pour garantir l’intégrité des services juridiques, une bonne administration de la justice et le bon exercice de la profession d’avocat. En revanche, l’Ordre ne peut en utilisant son pouvoir conféré par la loi fausser le jeu de la concurrence, comme vient de le rappeler la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans plusieurs affaires emblématiques : (1) l Arrêt du 28 février 2013, affaire C-1/12 ; l Arrêt du 18 juillet 2013, affaire C-136/12 sur le tarif des géologues italiens(2) ; l Arrêt du 5 avril 2011, affaire C-119/09, qui rappelle que la directive 2006/123 s’oppose à une réglementation interdisant totalement le démarchage(3). Force est de constater que de trop nombreuses discriminations existent encore entre les Etats membres et même, dans le cadre de l’application effective du droit européen. Parmi les multiples questions qui sont régulièrement abordées sur l’évolution de nos pratiques professionnelles, nous avons sélectionné quatre thèmes principaux : La domiciliation professionnelle et la postulation Au regard des principes établis de la liberté de

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Vie du droit

L’interprofessionnalité et l’évolution vers les Alternative Business Structures Le thème de l’interprofessionnalité a traversé les trois dernières décennies en suscitant nombre de débats, de colloques et de questions qui ne sont toujours pas résolues. Son objectif est de permettre un rapprochement entre plusieurs professionnels en vue de mettre en complémentarité leurs compétences dans le souci d’offrir un meilleur service à la clientèle. Parallèlement à la pression qui existe sur le Barreau français pour qu’il accepte l’interprofessionnalité d’exercice, se développe en Angleterre et au Pays de Galles, les Alternative Business Structures (ABS) où les professions juridiques peuvent être minoritaires. D’origine anglo-saxonne les ABS sont des structures commerciales permettant l’association entre des professionnels réglementés ou non réglementés, des juristes ou des non juristes, dans le but de permettre une amélioration de la qualité des services mais, surtout, le développement des cabinets grâce à des capitaux extérieurs : une société de protection juridique (D.A.S.) vient de créer un ABS avec les avocats. On aura compris l’objectif…. On constate l’émergence forte du marché, le client se transformant en un consommateur de prestations juridiques, assurées dans un cadre « concurrentiel » faisant fi de nos règles et valeurs. Le Conseil National des Barreaux a adopté une motion à l’unanimité, s’opposant à la création des Alternative Business Structures dans la mesure où ces structures ouvertes à des non juristes, sont de nature à compromettre les garanties apportées à nos règles déontologiques, et de nature à porter une atteinte irrémédiable au principe de l’indépendance de l’avocat. Le Conseil des Barreaux Européens (CCBE) a pris également position contre ce régime des ABS

Marc Bollet et Jean-Luc Forget

définition plus précise du démarchage qui devrait être encadrée dans le respect des principes essentiels de la profession.

du fait que la participation de non avocats à ces structures, en tant qu’investisseurs ou dirigeants de cabinet, sont susceptibles de compromettre l’intégrité de la structure dans son ensemble. En synthèse, ces structures sont difficilement compatibles avec notre identité et nos valeurs. Le démarchage interdit par notre législation pour les avocats L’arrêt Fiducial de la CJUE du 5 avril 2011 rappelle la contradiction de toute règlementation qui interdit le démarchage avec la directive « services » du 12 décembre 2006. Cependant, entre interdiction répressive et liberté échevelée, il y a sûrement un juste milieu à trouver. Où devons-nous placer le curseur du contrôle déontologique afin de concilier les principes de la libre concurrence avec les principes essentiels de notre profession ? La Commission européenne vient d’ailleurs d’émettre, en février 2013, un avis proposant à la France d’harmoniser sa législation sur ce point particulier. Ainsi, si la loi sanctionne à ce jour les actes de démarchage incompatibles avec le principe de dignité et de discrétion professionnelle qu’on est en droit d’attendre des avocats, la Commission et la Cour de justice nous invitent à revoir notre législation sur ce point. Le Conseil National des Barreaux a formulé des propositions d’amendement à la loi en supprimant de notre règlementation le terme « démarchage » pour le remplacer par celui de « sollicitation personnalisée » qui devrait être respectueux du secret professionnel et conforme aux principes essentiels de la profession d’avocat, de dignité, de délicatesse, d’indépendance, de loyauté et de confraternité. Cependant la différence entre démarchage et sollicitation est infime. Ne vaudrait-il pas mieux parler vrai et n’autoriser le démarchage que sous respect des principes essentiels de la profession, en encadrant celuici et en imposant à l’acteur d’un démarchage de se désigner comme tel et de préciser qu’il s’agit d’un démarchage publicitaire, dans un souci de protection du consommateur ? Il nous faudra donc réfléchir à l’adoption d’une

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circulation et d’établissement, il apparaît que les restrictions imposées par nos règles en matière de domicile professionnel soient incompatibles avec les règles européennes : la Commission européenne est en train d’étudier les coûts supplémentaires que cette rigidité engendre et si, de façon générale, cela ne constitue pas un frein au bon fonctionnement de la législation européenne…

Le pacte de quota litis Aujourd’hui, le pacte de quota litis est interdit par la loi et les usages. Cette interdiction risque de ne pas résister longtemps en Europe, dans la mesure où le pacte de quota litis est déjà autorisé dans certains pays et l’interdiction constitue donc une forme de discrimination (Espagne, Angleterre, Pays de Galles). D’autre part, le développement des class-actions rendra certainement nécessaire le recours au pacte de quota-litis qui permet le financement de ce type d’action : mais cela supposera non seulement un changement des mentalités mais également de la jurisprudence de la Cour de cassation, et que soit remis en question le droit d’immixtion du juge dans la fixation des honoraires convenus et celui de la révision du contrat qui porte atteinte au principe de l’intangibilité du contrat. Le rétablissement du droit de rétention étant difficilement envisageable, il conviendrait, en cas de contestations, de réfléchir à une proposition de séquestre des honoraires dus à l’avocat, le temps d’obtenir une décision définitive et ceci pour concilier les intérêts contradictoires en présence. En synthèse, l’Europe a posé les principes de la liberté d’aller et de venir et de la libre prestation de services. Les citoyens attendent surtout de l’Europe qu’elle ait un effet positif sur leur quotidien et que soient supprimées les barrières et difficultés qui limitent leur liberté d’aller et de venir, de vivre et de travailler au sein de l’Union européenne sans discriminations indues. Force est de constater que l’ensemble des conditions d’accès à la libre prestation de services rend parfois délicat l’exercice de cette dernière. Si la profession ne veut pas qu’il lui soit fait le reproche d’être corporatiste et de freiner le développement économique en faussant le jeu de la concurrence, il nous faut réfléchir à une harmonisation européenne de nos règles professionnelles, en gardant le cap sur les valeurs essentielles de la profession – indépendance, secret, humanité. Le CCBE travaille à l’élaboration d’un code de déontologie destiné précisément à harmoniser nos règles professionnelles. Le Barreau français a la possibilité de se faire entendre car la voie judiciaire reste un canal fondamental de production du droit au niveau européen, et nous y participons directement. Ne perdons pas de vue que les avocats sont des acteurs incontournables de la justice qui est une des valeurs essentielle de la démocratie. Viviane Reding, Vice-présidente de la Commission européenne et commissaire chargée de la Justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, l’a d’ailleurs rappelé : « Les avocats, en s’appropriant les textes européens et les valeurs qu’ils véhiculent, contribuent à la construction d’une culture juridique européenne au service de la libre circulation et de la prospérité de tous ». Saisissons l’opportunité qui nous est offerte. 2013-706 1 « Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas » 2 « Consiglio nazionale dei geologi contre Autorità garante della concorrenza e del mercato et Autorità garante della concorrenza e del mercato contre Consiglio nazionale dei geologi ») 3 « Société fiduciaire nationale d’expertise comptable Contre Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique »

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Vie du droit

Conseil d’Etat Etude annuelle 2013, « Le droit souple »

D.R.

Le Conseil d’État a retenu comme thème «le droit souple» pour son étude annuelle pour 2013, rendue publique le 2 octobre 2013. L’ambition de l’étude est de contribuer à prendre la pleine mesure d’un phénomène dont l’importance ne peut plus être ignorée, et de doter les pouvoirs publics d’une doctrine de recours et d’emploi du droit souple pour développer la simplification des normes et améliorer la qualité de la réglementation. En publiant une étude sur ce thème, le Conseil d’Etat nourrit ainsi une double ambition. Il entend d’abord contribuer à la prise de conscience de la production et de l’utilisation croissante du droit souple tant par les acteurs publics que par les entreprises en France et dans le monde. Jean-René Tancrède

L

e développement du droit souple est souvent regardé comme un symptôme de la dégradation de la norme, et ce faisant de l’affaiblissement de l’État. Le Conseil d’État ne partage pas ce point de vue car le droit souple peut, au contraire, contribuer au renouvellement de l’État, par un élargissement de la gamme des moyens d’action des pouvoirs publics, dès lors que sont respectés les principes d’égalité et de nondiscrimination. Le Conseil d’État, conformément à son office de gardien des droits fondamentaux et de conseil de l’administration, retient du droit souple son utilité et son effectivité au service de la relation qu’entretiennent l’administration et les usagers. L’administration y trouve de nouvelles marges de manœuvre et d’action, les usagers, de leur côté, sont placés dans une situation plus ouverte, disposant de solutions alternatives à la contrainte et dont il aura été vérifié qu’elles sont juridiquement sécurisées. Pour Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, « il n’existe aucune contradiction entre la reconnaissance du droit souple ainsi que son expansion et une meilleure qualité du droit. En donnant un plus grand pouvoir d’initiative aux acteurs, et au-delà plus de responsabilités, le droit souple contribue à oxygéner notre ordre juridique. Par un emploi raisonné, il peut pleinement contribuer à la politique de simplification des normes et à la qualité de la réglementation. » Afin de donner aux pouvoirs publics une doctrine et des outils pour l’action, le Conseil d’État, dans son étude annuelle, a formulé 25 propositions :

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Proposition n°1 Analyser l’opportunité du recours au droit souple en fonction d’un faisceau de critères, organisé en trois « tests » cumulatifs : le test d’utilité, le test d’effectivité et le test de légitimité. Pour conduire le test d’utilité, examiner si le droit souple envisagé remplit à l’égard du droit dur une fonction de substitution, de préparation, d’accompagnement ou d’alternative pérenne. Pour conduire le test d’effectivité, prendre en compte les critères suivants : l la probabilité d’une dynamique d’adhésion ou au contraire l’existence de fortes oppositions parmi les destinataires ; l l’évaluation des résultats d’une utilisation antérieure ; l les difficultés d’assurer le contrôle d’un instrument de droit dur. Pour conduire le test de légitimité, vérifier si : l le droit souple n’est susceptible, en aucun cas, de porter atteinte à une liberté ou un droit fondamental et, d’une manière générale, à des règles de droit international fixant des minimas indérogeables ; l s’agissant du droit souple émis par des personnes publiques, l’auteur est compétent dans le domaine concerné ; l s’agissant du droit souple émis par des personnes privées, il n’exerce pas une influence excessive sur la situation de tiers. Proposition n°2 Inciter les administrations à recourir, lorsque c’est approprié, aux directives au sens de la jurisprudence Crédit foncier de France, renommées « lignes directrices ». Le recours aux lignes directrices pourrait notamment être développé pour remplir quatre fonctions : l La définition de critères et de priorités, notamment en matière d’attribution des aides en matière économique, sociale ou environnementale ou de gestion des agents publics. l L’orientation d’échelons déconcentrés disposant d’un pouvoir d’appréciation. l L’accompagnement d’un pouvoir de dérogation individuel à la règle de droit, préalablement encadré par la loi ou le décret. l La définition d’orientations en matière de gestion des agents publics. Proposition n°3 Consacrer, par une évolution de la jurisprudence ou l’adoption d’une disposition législative, la possibilité pour les chefs de service de définir par des lignes directrices, sans renoncer à leur pouvoir d’appréciation, les orientations générales qu’ils

retiennent concernant la gestion des fonctionnaires et des agents publics. Proposition n°4 Favoriser la rédaction de textes législatifs et réglementaires plus brefs en : l ménageant la possibilité pour les autorités chargées de leur application de préciser leur portée par voie de lignes directrices ou de recommandations ; l renvoyant explicitement au droit souple, par exemple à des normes techniques, le soin d’assurer leur mise en œuvre. Proposition n°5 Encourager, plutôt que l’édiction de normes contraignantes, l’élaboration de recommandations de bonnes pratiques dans les domaines de compétences décentralisées et, en particulier, sur les conditions techniques d’exercice de ces compétences, selon des modalités qui garantissent l’implication des collectivités territoriales. Proposition n°6 Appliquer aux catégories de schéma existantes et à tout projet de création d’une nouvelle catégorie un bilan coût-avantages, permettant de déterminer leur utilité. Abroger les schémas n’ayant pas fait la preuve de leur utilité. Proposition n°7 Assurer l’implication des principales parties prenantes dans l’élaboration du droit souple par les pouvoirs publics. Proposition n°8 Conduire les consultations nécessaires préalablement à l’adoption de lignes directrices selon des modalités appropriées à l’importance du sujet concerné. Proposition n°9 Réfléchir aux conséquences, sur le calendrier parlementaire, du poids nouveau des recommandations des institutions de l’Union européenne sur les politiques économiques et budgétaires, en étudiant notamment les voies suivantes : l organisation au mois de février ou de mars d’un « débat d’orientation ropéen » dans chaque assemblée, qui pourrait soit être distinct du « débat d’orientation des finances publiques » prévu par l’article 48 de la LOLF, soit être fusionné avec celui-ci ; dans cette dernière hypothèse, la loi organique serait modifiée en conséquence ; l organisation par le Gouvernement au cours du

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Vie du droit mois d’avril, sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, d’un débat suivi d’un vote dans chaque assemblée sur son projet de PSC. Propositionn°10 Clarifier les règles de compétence en matière d’édiction du droit souple par les acteurs publics, en respectant les principes suivants : l toute autorité investie d’un pouvoir de décision individuelle ou d’un pouvoir hiérarchique à l’égard d’une autre autorité investie d’un tel pouvoir peut définir des lignes directrices ; l l’adoption de recommandations destinées aux tiers doit se rattacher aux missions de l’autorité émettrice. Propositionn°11 Promouvoir l’utilisation par les pouvoirs publics d’une nomenclature stable, permettant de distinguer plus aisément les instruments contraignants de ceux qui ne le sont pas. Proposition n°12 Respecter strictement dans les textes de loi le partage entre dispositions relevant des lois de programmation et dispositions normatives au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Proposition n°13 Lorsqu’un même instrument rassemble des dispositions impératives et d’autres qui n’ont qu’une valeur de recommandation, les distinguer clairement par des règles de présentation ne laissant pas de place à l’ambiguïté. Proposition n°14 Modifier la circulaire du 30 mai 1997 sur la négociation internationale en ce qui concerne les accords internationaux non contraignants, en reconnaissant leur existence pour mieux encadrer leur usage. La circulaire devrait notamment énoncer les règles suivantes : l Lorsque l’objet du projet d’accord est plus large que celui d’un arrangement administratif, ou en cas de doute sur sa portée juridique, soumission préalable pour avis au ministre des affaires étrangères. l Nécessité de veiller à ce que la rédaction ne laisse pas d’ambiguïté sur le caractère juridiquement non contraignant. l Publication des accords non contraignants, sauf

Proposition n°19 Élaborer une charte de l’autorégulation et de la corégulation, pour le droit souple émanant des acteurs privés. Y inscrire des recommandations d’implication des parties prenantes et de transparence sur l’identité des personnes ayant participé à l’élaboration d’un instrument de droit souple et sur leurs liens d’intérêt. Cette charte pourrait être adoptée par le Conseil économique, social et environnemental.

Synthèse des propositions pour « Le droit souple » Analyser l’opportunité du recours au droit souple en fonction d’un faisceau de critères, organisé en trois « tests » cumulatifs : le test d’utilité, le test d’effectivité et le test de légitimité. Favoriser la rédaction de textes législatifs et réglementaires plus brefs en : l ménageant la possibilité pour les autorités chargées de leur application de préciser leur portée par voie de lignes directrices ou de recommandations l renvoyant explicitement au droit souple, par exemple à des normes techniques, le soin d’assurer leur mise en œuvre. Assurer la publication des instruments de droit souple émis par les pouvoirs publics, notamment par la voie d’internet. Faire évoluer le processus d’élaboration du code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées : Doter l’État d’une capacité de veille stratégique sur Le droit souple des acteurs privés, en s’appuyant sur un réseau des administrations les plus concernées.

Proposition n°20 Promouvoir des démarches de RSE auditables et comparables en préconisant le recours à des standards internationaux communément acceptés. Rationaliser les différentes obligations de compterendu (« reporting ») incombant aux entreprises en matière sociale et environnementale, en favorisant notamment la convergence entre l’obligation de bilan social et celle relative au rapport RSE.

lorsque le secret de la défense nationale ou les exigences de la conduite de la politique extérieure, telles qu’appréciées par le ministre des affaires étrangères et les autres ministres concernés, s’y opposent. Proposition n°15 Assurer la publication des instruments de droit souple émis par les pouvoirs publics, notamment par la voie d’internet. Veiller à la modération des tarifs d’accès aux normes techniques de l’Afnor. Proposition n°16 Inscrire la doctrine de recours et d’emploi du droit souple dans une circulaire du Premier ministre, se rattachant à la politique de qualité du droit. Proposition n°17 Insérer une partie consacrée au droit souple dans le guide de légistique, afin d’aider les administrations à retenir, chaque fois que possible, les solutions alternatives à la réglementation. Compléter les études d’impact, afin qu’elles se prononcent effectivement sur la possibilité que des instruments de droit souple puissent ou non se substituer à des normes contraignantes. Proposition n°18 Faire place au droit souple dans la formation initiale et continue des fonctionnaires.

Proposition n°21 Faire évoluer le processus d’élaboration du code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées : l en rendant public le processus de consultation des parties prenantes et d’évaluation ; l dans une étape ultérieure, en envisageant de modifier la loi pour prévoir que le code de référence soit élaboré non seulement par les organisations représentatives des entreprises, mais aussi par celles des salariés et des investisseurs ainsi que par les pouvoirs publics. Proposition n°22 Assurer une plus grande effectivité de l’implication des parties prenantes dans l’élaboration des normes techniques. Proposition n°23 Dans les domaines de corégulation, veiller à la conservation par les pouvoirs publics d’une capacité propre d’expertise. Proposition n°24 Doter l’État d’une capacité de veille stratégique sur le droit souple des acteurs privés, en s’appuyant sur un réseau des administrations les plus concernées. Proposition n°25 Faire de l’influence dans certains lieux bien sélectionnés de la production de normes internationales de droit souple une priorité de la politique extérieure de la France. 2013-707 Source : www.conseil-etat.fr

Au fil des pages

« Les facultés de droit, demain ? »

L

ibertés universitaires ; autonomie des établissements et tutelle de l’État ; statut des personnels ; recrutement et carrière ; grades et diplômes ; évaluation ; patrimoines universitaires ; contentieux ; bases constitutionnelles ; coopération internationale...

Les articles ici regroupés abordent tous ces aspects avec le souci aussi de faire de cet ouvrage un instrument d’informations et de références au quotidien dans la vie des Facultés de droit. 2013-708

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LGDJ, lextenso éditions - 68 euros

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Jurisprudence

Loi « anti-fracturation » du 13 juillet 2011

Interdiction d’explorer et d’exploiter des gaz de schiste Conseil constitutionnel - 11 octobre 2013 - Décision n° 2013-346 QPC Le Conseil constitutionnel a été saisi le 12 juillet 2013 par le Conseil d’État (décision n° 367893 du 12 juillet 2013), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société texane Schuepbach Energy LLC, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 1er et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique en France et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. Le 11 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision confirmant sans réserve la validité de la loi du 13 juillet 2011. A cette occasion, Philippe MARTIN, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, a tenu à souligner : « Nous sommes confortés par cette décision majeure. Plus que jamais, s’impose la nécessité de mettre en œuvre ma feuille de route, celle que m’ont fixée le président de la République et le Premier ministre : conduire la transition écologique et énergétique, afin, notamment, de réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles en diminuant de 30 % la consommation des énergies fossiles d’ici 2030 ». Chloé Grenadou Le Conseil constitutionnel Sur le fond : 3. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 13 juillet 2011 susvisée : « En application de la Charte de l’environnement de 2004 et du principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche sont interdites sur le territoire national » ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article 3 de la loi du 13 juillet 2011 susvisée : « I. - Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux remettent à l’autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherches. L’autorité administrative rend ce rapport public. « II. - Si les titulaires des permis n’ont pas remis le rapport prescrit au I ou si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés. « II. - Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’autorité administrative publie au Journal officiel la liste des permis exclusifs de recherches abrogés. « IV. - Le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la roche sans l’avoir déclaré à l’autorité administrative dans le rapport prévu au I est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende » ; 5. Considérant que, selon la société requérante, les dispositions de l’article 1er de la loi du 13 juillet 2011 portent atteinte à l’égalité devant la loi ainsi qu’à la liberté d’entreprendre et méconnaissent le principe de précaution consacré par l’article 5 de la Charte de l’environnement ; que les dispositions de l’article 3 de la loi du 13 juillet 2011 porteraient atteinte à la garantie des droits et au droit de propriété ; qu’enfin l’ensemble des dispositions contestées méconnaîtraient le principe de conciliation des politiques publiques avec la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social consacré par l’article 6 de la Charte de l’environnement ; – En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi : 6. Considérant que, selon la société requérante, en interdisant le recours à tout procédé de fracturation hydraulique de la roche pour l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, alors que ce procédé de fracturation hydraulique de la roche demeure autorisé pour la géothermie, l’article 1er de la loi du 13 juillet 2011 méconnaît le principe d’égalité devant la loi ; 7. Considérant que l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

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8. Considérant qu’en l’état des techniques, les procédés de forage suivi de fracturation hydraulique de la roche appliqués pour la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures diffèrent de ceux appliqués pour stimuler la circulation de l’eau dans les réservoirs géothermiques tant par le nombre de forages nécessaires que par la nature des roches soumises à la fracturation hydraulique, ainsi que par les caractéristiques et les conditions d’utilisation des produits ajoutés à l’eau sous pression pour la fracturation ; que, par suite, en limitant le champ de l’interdiction aux seuls forages suivis de fracturation hydraulique de la roche pour l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux, le législateur a traité différemment des procédés distincts de recherche et d’exploitation de ressources minières ; 9. Considérant qu’en interdisant tout recours à la fracturation hydraulique de la roche pour rechercher ou exploiter des hydrocarbures sur le territoire national, le législateur a entendu prévenir les risques que ce procédé de recherche et d’exploitation des hydrocarbures est susceptible de faire courir à l’environnement ; qu’il ressort également des travaux préparatoires que le législateur a considéré que la fracturation hydraulique de la roche à laquelle il est recouru pour stimuler la circulation de l’eau dans les réservoirs géothermiques ne présente pas les mêmes risques pour l’environnement et qu’il a entendu ne pas faire obstacle au développement de l’exploitation de la ressource géothermique ; qu’ainsi la différence de traitement entre les deux procédés de fracturation hydraulique de la roche qui résulte de l’article 1er est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; – En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre : 10. Considérant que la société requérante conteste l’atteinte à la liberté d’entreprendre résultant de l’interdiction de recourir à des forages suivis de la fracturation hydraulique de la roche ; 11. Considérant qu’il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ; 12. Considérant que l’interdiction de recourir à des forages suivis de la fracturation hydraulique de la roche pour rechercher ou exploiter des hydrocarbures sur le territoire national est générale et absolue ; qu’elle a pour effet de faire obstacle non seulement au développement de la recherche d’hydrocarbures « non conventionnels » mais également à la poursuite de l’exploitation d’hydrocarbures « conventionnels » au moyen de ce procédé ; qu’en interdisant le recours à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche pour l’ensemble des recherches et exploitations d’hydrocarbures, lesquelles sont soumises à un régime d’autorisation administrative, le législateur a poursuivi un but d’intérêt général de protection de l’environnement ; que la restriction ainsi apportée tant à la recherche qu’à l’exploitation des hydrocarbures, qui résulte de l’article 1er de la loi du 13 juillet 2011, ne revêt pas, en l’état des connaissances et des techniques, un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi ;

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Jurisprudence – En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des articles 2, 16 et 17 de la Déclaration de 1789 : 13. Considérant que, selon la société requérante, en prévoyant l’abrogation de permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures qui avaient été légalement délivrés à leurs titulaires, l’article 3 de la loi du 13 juillet 2011 porte atteinte au droit au respect des situations légalement acquises garanti par l’article 16 de la Déclaration de 1789 ainsi qu’au droit de propriété de ces titulaires de permis exclusifs de recherches ; 14. Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; que le législateur méconnaîtrait la garantie des droits s’il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ; 15. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu’aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité » ; qu’en l’absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l’article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ; 16. Considérant, en premier lieu, que le paragraphe I de l’article 3 impose de nouvelles obligations déclaratives aux titulaires de permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi du 13 juillet 2011 ; qu’en outre, l’article 1er de cette même loi interdit à compter de l’entrée en vigueur de la loi tout recours à la fracturation hydraulique de la roche pour l’exploration des hydrocarbures liquides ou gazeux ; qu’en prévoyant que les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures sont abrogés lorsque leurs titulaires n’ont pas satisfait aux nouvelles obligations déclaratives ou ont mentionné recourir ou envisagé de recourir à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, le paragraphe II de l’article 3 tire les conséquences des nouvelles règles introduites par le législateur pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux ; que, ce faisant, le paragraphe II de l’article 3 ne porte pas atteinte à une situation légalement acquise ; 17. Considérant, en second lieu, que les autorisations de recherche minière accordées dans des périmètres définis et pour une durée limitée par l’autorité administrative ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs titulaires d’un droit de propriété ; que, par suite, les dispositions contestées n’entraînent ni une privation de propriété au sens de l’article 17 de la Déclaration de 1789 ni une atteinte contraire à l’article 2 de la Déclaration de 1789 ;

– En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des articles 5 et 6 de la Charte de l’environnement : 18. Considérant que, selon la société requérante, l’interdiction du recours à tout procédé de fracturation hydraulique de la roche pour l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par l’article 1er de la loi du 13 juillet 2011 méconnaît le principe de précaution consacré par l’article 5 de la Charte de l’environnement ; que tant cette interdiction que l’abrogation des permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux prévue par l’article 3 de la loi du 13 juillet 2011 méconnaîtraient également l’article 6 de la Charte de l’environnement, qui impose la conciliation des politiques publiques avec la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ; 19. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 6 de la Charte de l’environnement : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable.Àceteffet,ellesconcilientlaprotectionetlamiseenvaleurdel’environnement, ledéveloppementéconomiqueetleprogrèssocial » ;quecettedispositionn’instituepas undroitouunelibertéquelaConstitutiongarantit;quesaméconnaissancenepeut, enelle-même,êtreinvoquéeàl’appuid’unequestionprioritairedeconstitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ; 20. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 5 de la Charte de l’environnement : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » ; qu’est en tout état de causeinopérantlegrieftirédecequel’interdictionpérennedurecoursàtoutprocédé defracturationhydrauliquedelarochepourl’explorationetl’exploitationdesmines d’hydrocarbures liquides ou gazeux méconnaîtrait le principe de précaution ; 21. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 13 juillet 2011, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté garanti par la Constitution, doivent être déclarées conformes à la Constitution, Décide : Article 1er.– Les articles 1er et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique sont conformes à la Constitution. Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 octobre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis Debré, Président, M. Jacques Barrot, Mmes Claire Bazy Malaurie, Nicole Belloubet, MM. Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Hubert Haenel et Mme Nicole Maestracci. Source : www.conseil-constitutionnel.fr

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Conséquences de la décision rendue par le Conseil constitutionnel Par Christian Huglo, avocat à la cour, spécialiste du droit de l’environnement

recherches d’hydrocarbures qui avaient été légalement délivrés portaient atteinte au droit au respect des situations Rejet des principaux arguments légalement acquises ainsi qu’au droit de de la société pétrolière : propriété tels que consacrés par les articles 1. Concernant la méconnaissance 16, 2 et 17 de la Déclaration de 1789. du principe d’égalité devant la loi : Le Conseil constitutionnel rappelle dans selon le Conseil constitutionnel, ce sens que les permis de recherche la violation prétendue du principe ne sauraient être assimilés à un droit d’égalité invoquée par le pétrolier de propriété et que, par conséquent, ne saurait être accueillie dès lors que leur suppression ne pouvait revenir à la technique de la fracturation hydraulique une privation de propriété ou à une atteinte pour la recherche d’hydrocarbure disproportionnée au droit de propriété. n’est pas comparable à la géothermie 4. Concernant la méconnaissance des quant à ses effets sur l’environnement. principes de précaution et de conciliation 2. Concernant la méconnaissance des politiques publiques avec la protection de la liberté d’entreprendre : le Conseil et la mise en valeur de l’environnement, constitutionnel estime, contrairement le développement économique et le à ce que soutenait la société, que la liberté progrès social (articles 5 et 6 de la Charte d’entreprendre n’était pas entravée dès de l’environnement): la violation au lors que la protection de l’environnement principe de conciliation est écarté sans en justifiait la restriction. surprise dès lors qu’il n’institue pas un droit 3. Concernant l’atteinte au droit au respect invocable par le biais de la procédure de des situations légalement acquises ainsi la question prioritaire de constitutionnalité. qu’au droit de propriété : il était soutenu L’argument tiré de la violation du principe que l’abrogation des permis exclusifs de de précaution est finalement déclaré

inopérant, c’est-à-dire sans effet. Le Conseil constitutionnel reprend ici sa position déjà adoptée dans sa décision OGM de 2008, selon laquelle le principe de précaution n’a jamais prohibé l’adoption de mesures d’interdiction. Il la renforce simplement en ajoutant que ce principe n’interdit pas non plus les interdictions pérennes. L’avenir du gaz de schiste La tactique des pétroliers de s’attaquer à la loi est un échec définitif, la décision du Conseil constitutionnel est sans recours et s’impose à toutes les juridictions. À cela s’ajoute que le Conseil d’État, dans un arrêt du 17 juillet 2013 rendu sur la requête de l’association France Nature Environnement, a parallèlement invalidé le décret du 2 juin 2006 qui organisent la procédure de déclaration des travaux d’exploration des mines d’hydrocarbures comme étant contraire aux principes fondamentaux du droit de l’environnement. Les dossiers attribués sur cette base devraient donc tomber.

À cela s’ajoute la décision du Parlement européen du 9 octobre dernier imposant une étude d’impact à tout forage de recherche ou d’exploitation de gaz de schiste par la technique de la fracturation hydraulique. L’Europe vient donc au secours de la décision du Conseil constitutionnel pour dessiner les nouveaux contours d’un Code minier qui devrait être soumis au Parlement d’ici la fin de l’année. Finalement, si la société Schuepbach a affiché son intention de réclamer un milliard d’euros à l’État, une telle demande ne résiste pas à l’examen. En effet, comme le rappelle le Conseil constitutionnel, les permis de recherche ne sont pas assimilés à des droits de propriété, comme indiqué ci-dessus. Pour obtenir une indemnisation, encore faudrait-il que la société réclamante puisse se prévaloir d’un préjudice grave et spécial qui, manifestement, n’existe pas dans ce cas précis. Le Conseil constitutionnel laisse donc l’initiative d’un éventuel changement de positionnement juridique au seul Parlement.

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Environnement

Avocat pour l’environnement Paris -17 septembre 2013 LexisNexis et le Cabinet d’avocats Huglo Lepage Associés Conseil ont organisé une conférence à la Maison du Barreau de Paris qui avait pour thème « Les grands procès de l’environnement, de l’Amoco Cadiz aux gaz de schiste . Hier, aujourd’hui et demain ». Ce fut l’occasion pour Madame le Bâtonnier Christiane Féral-Schuhl de rendre hommage, ce 17 septembre 2013, au talent et au dynamisme de son confrère Christian Huglo, grand spécialiste du droit de l’environnement ; quant à Guillaume Deroubaix, Directeur Editorial de LexisNexis, il a annoncé la création de la nouvelle collection « Environnement » chez LexisNexis. (Les Annonces de la Seine du 18 avril 2013 pages 29 à 32). Jean-René Tancrède

Le dommage écologique par Christian Huglo

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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

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lors, les grands procès, qu’est-ce que cela veut dire ? qu’est-ce que cela signifie ? Bien entendu, du point de vue de l’éthique, il n’y a pas de grands procès et de petits procès puisque tous méritent attention. En réalité, le sujet que je souhaite traiter est tout simplement celui-ci : comment de grands procès peuvent-ils créer le droit et continuer à le faire avancer ? pourquoi et dans quelles conditions, dans les grands procès d’environnement qui sont des procès de masse (dans lesquels les Collectivités publiques, la population, les associations sont impliquées) se trouvent mis en cause de graves questions liées au devenir de notre écologie. C’était le cas du procès de la marée noire de l’Amoco Cadiz (chargé de 220.000 tonnes de fuel) qui, à la suite d’un naufrage le 16 mars 1978, a pollué la côte bretonne de Brest jusqu’à Saint-Brieuc, qui s’est déroulé entièrement à Chicago de 1978 à 1992 ; tel est également le cas du procès de l’Erika (chargé d’un produit beaucoup plus dangereux que le pétrole brut de l’Amoco Cadiz puisqu’il a laissé déverser des résidus de fond de cuves de la raffinerie Total de Dunkerque) qui, lui, s’est déroulé en France essentiellement devant le Juge pénal (199/2012). Il y a des procès d’environnement moins spectaculaires mais plus longs, tel que celui de la pollution du Rhin par le sel des Mines de Potasse d’Alsace qui a duré de 1979 jusqu’à 2009, qui mettait en cause non pas seulement l’écologie du fleuve mais l’alimentation en eau potable de presque la moitié de la Hollande qui, comme chacun sait, dépend du Rhin pour son approvisionnement en eau, puisqu’elle n’a pratiquement pas de nappe phréatique. Mais un grand procès d’environnement peut toucher, non pas les questions de pollution mais aussi le droit des protections, c’est aussi celui de la Rocade de la Baule qui a duré plusieurs années, dans lequel se sont regroupés des scientifiques, des élus et 60 associations, et qui ont défendu l’écologie du marais de Guérande dont sa richesse biologique alimente la productivité primaire biologique au-delà de 400 kilomètres des côtes. Bien entendu, pour moi, le procès le plus important a été le tout premier grand procès que j’ai mené, celui de la Montédison qui s’est déroulé en Italie, puis en France de 1972 jusqu’en 1985 et qui mettait en cause le déversement de 3.000 tonnes d’acide sulfurique et des produits chimiques au large de la Corse (les fameuse boues rouges qui, d’ailleurs, étaient également verdâtres). C’est un procès emblématique, le premier du genre (on a toujours de l’affection pour les premiers événements)

Christian Huglo qui a affirmé – et c’est l’essentiel – la juridiction du Juge national, même pour des faits commis en dehors du territoire national en haute mer ; c’est le premier procès qui a abouti à faire condamner les responsables principaux de cette pollution endémique; c’est là qu’est apparue la première décision sur le préjudice écologique (tribunal de grande instance de Bastia du 3 juillet 1985 qui est reproduit en fin de l’ouvrage qui a été mis à votre disposition à l’occasion de cette conférence). Toutes ces grandes affaires ont abouti finalement à faire juger, après l’affaire Montédison, plusieurs points de droit fondamentaux et innovants, à savoir la responsabilité de la maison mère pour les filiales dans l’affaire de l’Amoco Cadiz, le Tribunal fédéral, puis la Cour d’Appel de Chicago, jurisprudence qui fait pleinement autorité aux Etats-Unis. L’affaire de l’Erika, elle, a consacré en plus, et au plus haut niveau, le préjudice écologique ; c’est ce qui résulte de la décision de la Cour de Cassation du 25 septembre 2012. L’affaire de la Rocade de la Baule, quant à elle, qui s’est déroulée devant le Tribunal administratif de Nantes, a permis finalement (mais avant la loi de 1976) d’établir

pour la puissance publique le devoir de prendre en considération les effets externes d’une décision, ou si l’on préfère, l’impact de celle-ci sur le milieu naturel, ce que l’on retrouve aujourd’hui dans le droit de l’étude d’impact écologique. Cette perspective nouvelle a été transformée et étendue par le Tribunal administratif de Strasbourg dans une décision du 27 juillet 1983, s’agissant non plus du territoire national mais de l’obligation de prendre en considération les impact à l’étranger d’une décision en France, ce que l’on appelle aujourd’hui les études d’impact transfrontières, consacrée dans les années 1990 par une convention internationale, la convention d’Espoo. Ce qu’il y a bien de spécifique dans les grands procès d’environnement, c’est donc qu’ils ont, bien sûr, non seulement abouti à un résultat concret en ce qui concerne les intérêts en cause, (en particulier celui de la population et du milieu naturel), mais ont surtout permis de faire avancer le droit et souvent la source d’un développement législatif, non seulement au niveau national mais au niveau communautaire, ou même international. Tel a bien été l’objet en particulier des procès dits

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Environnement des boues rouges ou du bioxyde de titane qui se sont déroulés, comme indiqué, en méditerranée, mais également en France dans l’estuaire de la Baie de Seine ou dans les Pas de Calais. Aussi, ces trois procès qui mettaient face à face les marins-pêcheurs et les industriels du bioxyde de titane (tioxyde à Calais, Thann et Mulhouse en Baie de Seine) ont abouti à la première directive européenne en matière d’environnement, la directive dite du bioxyde de titane en 1978. Celui de la Montédison a inauguré les conventions de Barcelone sur la Méditerranée. Aujourd’hui, la notion de dommage écologique fait l’objet de travaux législatifs et de travaux au Ministère de la justice, conduits par le Professeur Jegouzo ici présent, mais elle trouve sa source dans les développements judiciaires que j’ai conduits seul d’abord, puis avec Corinne Lepage et mes associés. En réalité, les grands procès d’environnement aujourd’hui ne sont plus seulement des procès liés à la responsabilité ou aux dommages, ils se transforment et posent des questions fondamentales au plus haut niveau de la hiérarchie judiciaire. Aussi, le 24 septembre prochain, le Conseil Constitutionnel examinera en effet la constitutionnalité de la loi du 13 juillet 2011 qui prohibe la technique de la fracturation hydraulique pour obtenir l’extraction du gaz de schiste ; c’est un grand procès d’environnement non pas seulement en raison des parties en cause (dans lequel je représente la Région Ile de France et le Département de Seine et Marne dans des conditions d’ailleurs difficiles) mais surtout ou plutôt par la mise en cause du principe de précaution. L’appel au secours par les pétroliers, du principe de précaution au sujet d’une technique spécifique estimée dangereuse pour l’environnement, se fonde sur le fait que la loi ayant interdit la technique de la fracturation hydraulique, elle aurait dû conduire, pour les demandeurs, à préconiser uniquement des mesures provisoires et proportionnées. La décision du Conseil Constitutionnel qui sera rendue dans le cadre du contentieux dit de la question prioritaire de constitutionnalité aura autant d’importance que celle qu’il a rendue dans le cadre d’un contentieux a priori qui était le contentieux dit des OGM dont la décision remonte à l’année 2008 (1). Le contentieux de l’environnement, c’est aussi le contentieux des grandes décisions de principe que l’on retrouve dans les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne ou de la Cour de Strasbourg qui, depuis 1994, accomplit une œuvre absolument considérable et purement prétorienne. En réalité, les principales questions qui touchent notre sujet sont au nombre de deux : 1°) comment fonctionnent-ils et à quoi servent-ils ? 2°) Ne comportent-ils pas certaines limites et si tel est le cas, comment les dépasser ? Sur le premier thème, trois questions se posent : l Comment fonctionnent ces grands procès d’environnement ? (A) l Pourquoi sont-ils indispensables ? (B) l Et en définitive, à quoi servent-ils réellement ? (C) I.- Fonctionnement et utilité : A.- Les conditions relatives à l’existence d’un grand procès d’environnement sont en réalité au nombre de 4. La première condition est celle de la juridiction. J’ai indiqué brièvement que dans l’affaire de la Montédison, la question de la compétence était fondamentale ; il y a eu juridiction en Italie tout d’abord, parce qu’une loi italienne avait incriminé l’atteinte à la ressource du poisson, même lorsqu’elle était commise dans le domaine international. Sans

cette disposition légale de la Loi italienne de 1965, il n’y aurait jamais eu de procès à Livourne. Le procès pénal a été gagné après le séquestre des navires mais la loi italienne a été immédiatement abrogée fort opportunément peu après. Ultérieurement, lorsque le contentieux s’est déplacé en France, est intervenue une décision de la Cour de Justice de Luxembourg (du 30 novembre 1976) fort importante qui a affirmé, quelques jours avant la décision du Tribunal de Grande Instance de Bastia sur la compétence, qu’une personne, ou plusieurs personnes, victimes d’une pollution pouvaient à leur gré assigner devant les tribunaux de l’Etat où était commis le fait dommageable, ou au contraire, assigner devant le Tribunal de l’Etat où les faits dommageables ont produit leurs effets. Cette condition fondamentale a ouvert la juridiction européenne à l’environnement. Mais il n’y a pas que ce critère ; il y a le critère de l’efficacité. L’expérience a montré, notamment dans l’affaire de l’Amoco Cadiz, qu’il n‘était pas opportun de saisir nos tribunaux mais au contraire qu’il était absolument indispensable d’assigner aux Etats-Unis car un procès en France au pénal puis au civil, qui aurait duré pratiquement plus de 13 ans, aurait dû être repris complètement pour être mis en application et en exécution aux Etats-Unis, (puisque les Etats-Unis ne reconnaissent pas notre système judiciaire). Il fallait donc attaquer directement à Chicago sur le lieu où un jugement avait une chance d’être exécuté facilement. Notons que dans l’affaire de Chicago, à la différence d’autres affaires entreprises par des étrangers pour des problèmes d’environnement, l’affaire dite de l’Amoco Cadiz a été la seule qui a réussi jusqu’au bout, à la différence de l’affaire Ixtoc 1 ou de l’affaire Bhopal. La question de la compétence est donc cruciale ; de plus, en ordre interne, il est possible de jouer sur la compétence entre ordres administratif, judiciaire, civil ou pénal. Les procès d’environnement ne sont pas équilibrés, la victime ne fait généralement pas le poids avec le pollueur. Ainsi, l’action par exemple d’un marin pêcheur a beaucoup plus de chances d’aboutir au pénal que par une attaque directe au civil où l’intéressé doit effectivement avancer les frais d’expertise et avancer les frais du procès et les preuves. Le caractère inquisitorial du procès pénal et du procès administratif entrepris en même temps a évidemment des avantages importants dans des contentieux déséquilibrés, ce que je n’ai pas manqué d’utiliser à plusieurs reprises, en déclarant qu’il s’agissait pour moi de procès en tenaille. Le deuxième point, et sans doute le plus important, est la question de l’intérêt pour agir. La question de l’intérêt pour agir commande l’accès à la juridiction et il peut être restreint. Il a fallu des années et de nombreuses décisions de justice pour que la notion d’intérêt pour agir en matière d’environnement s’élargisse non seulement aux personnes, aux associations concernées ou spécialisées, et encore aux collectivités territoriales, (point extrêmement important qui a facilité en particulier l’affirmation du dommage écologique dans l’affaire de l’Erika au profit des collectivités publiques à la suite du vote de l’amendement dit Retailleau introduit in fine dans la loi du 1er août 2008 de la transposition de la Directive 2004/35 sur la réparation du dommage environnemental). La troisième condition est celle de la preuve qui est tout à fait fondamentale. Tout le droit de l’environnement tourne autour de la preuve. Il a fallu une évolution des techniques scientifiques d’observation et de contrôle pour

arriver à établir le lien de causalité réclamé dans le contentieux de la responsabilité ou même dans le contentieux de l’excès de pouvoir. Ainsi, les horticulteurs hollandais ont-ils pu faire la preuve de la faible croissance des végétaux dus à la présence du sel dans le Rhin par des expertises savantes et développées, ce que n’ont pu faire les maraichers qui accusaient, dans les années 1960, le gaz de lacq d’être à la source de la faible croissance de leurs végétaux. Notons que l’expertise est préalable et que très souvent, dans les grandes affaires d’environnement, il faut effectivement commencer par des expertises et des constats judiciairespour figer la réalité. Enfin, et en dernier lieu, l’abondance des sources juridiques venant du droit international, du droit constitutionnel, du droit public et du droit privé, ce que l’on appelle également les grands principes généraux du droit, doivent permettent au plaideur de bénéficier d’une souplesse évidente d’interprétation qui n’existe pas dans d’autres disciplines. A toutes ces conditions juridiques s’ajoutent sans doute les conditions matérielles qu’il est impossible de détailler. Notons que dans l’affaire de l’Amoco Cadiz, la partie adverse a dépensé plus de 400 millions d’euros, chiffre équivalent à l’appréciation du préjudice causé par la marée noire, tel qu’évalué par les Commissions d’enquête parlementaire de 1978 ! Il reste surtout que l’information des Juges, l’information des avocats, comme le rôle de la doctrine, sont les ferments indispensables au succès. B.- En fait, si les grands procès obéissent à un certain nombre de conditions techniques ou non, indispensables à leur réussite, il n’en reste pas moins que s’ils existent et doivent se poursuivre, c’est qu’ils répondent effectivement à un besoin fondamental qui est appelé de l’ensemble des citoyens, et surtout par ce qu’ils apportent souvent à la place du politique. Il est assez évident qu’il y a un divorce entre la perspective du politique qui vise l’immédiat, le court terme, alors que l’environnement vise le long terme, la conservation des équilibres : tout le monde comprend ici que les deux perspectives sont antinomiques. En réalité, si le juge dispose d’un rôle et d’une responsabilité considérables dans l’affirmation et le développement du droit de l’environnement, c’est sans doute en raison de la supériorité de sa méthode de travail mais aussi pour des raisons de positionnement. Comme l’a écrit Corinne Lepage dans la postface de l’ouvrage « les grands procès d’environnement » : « Le politique et le juridique entretiennent des rapports extrêmement étroits et en même temps concurrentiels. C’est le politique qui fixe le cadre en votant la loi, en acceptant de se lier par des conventions internationales ; mais le politique se trouve par ailleurs les mains liées lorsqu’il s’agit d’appliquer un droit qui contrevient à des intérêts économiques et financiers que le politique, pour une raison ou pour une autre, ne veut pas contrarier ou ne peut pas contrarier. Le droit devient alors un outil au service de l’intérêt général et de la société civile pour faire en sorte non seulement que l’état de droit trouve une réalité dans la vraie vie, mais encore que les intérêts incompatibles avec l’intérêt général l’emportent pour des raisons souvent mauvaises, et parfois inavouables. C’est alors que le juge peut faire son œuvre s’il en a le courage et que les textes lui en ouvrent la possibilité, l’innovation et l’imagination juridique n’étant pas, évidemment interdites. » Le juge a précisément les moyens techniques d’inventer grâce à des règles en définitive simples : le recours à l’expertise, la confiance dans l’expert (alors

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Environnement

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II - Les limites : C’est sur la question des limites que je vous invite à réfléchir. Quelles sont-elles (A) ? et comment les transcender (B). A.- Tout d’abord, les grands procès d’environnement se sont surtout développés dans la répression et la réparation civile. La réparation civile (ou même pénale) d’un dommage causé à l’environnement n’est pas sans inconvénient par rapport au but du droit de l’environnement. Bertrand Jouvenel l’avait dit il y a longtemps. « que fait-on quand on indemnise des personnes distinctes et mortelles pour qu’elles autorisent les atteintes portées à un lieu ? on désintéresse ces personnes ; c’est là le terme banal. Il fait sentir toute sa force ; il signifie que la personne désintéressée est obligée à ne plus s’intéresser aux altérations dans le lieu, a fait abandon de toutes prétentions, a discuté ses altérations, et cela implique que le lieu en question a perdu ses défenseurs. Ceux-ci acceptent un prix pour déserter, pour livrer le lieu à un usage abusif, ce qui peut être trahison de l’intérêt général ». Réfléchir sur l’indemnisation du dommage écologique n’est pas une fin en soi ; ce qui compte, c’est la préservation du patrimoine. C’est à notre sens la grande fonctionnalité du droit de l’environnement de demain : Guillaume Sainteny, dans son dernier ouvrage sur la fiscalité environnementale relève que l’on perd en France 85 000 hectares de bonne terre par an, soit, dit-il, la surface d’un Département tous les 7 ans… Alors, où va-t-on ? Les grands procès d’environnement devront demain faire face à des défis sans précédent même s’ils ne paraissent plus à priori adaptés à nous aider à cette fin. Le philosophe Dominique Bourg les a caractérisés par cinq mots importants : Globalité (le réchauffement climatique) Invisibilité (pollution radioactive, pollution diffuse) Imprévisibilité (aucun défi d’environnement n’a été imaginé) aussi, personne n’a jamais pensé qu’il pouvait y avoir un trou dans la couche, personne ne l’a anticipé ; on ne l’a vu qu’après son apparition) Non réversibilité ( la perte en biodiversité ou la pollution radioactive) Irréparabilité (4 ou 5 millions d’années seront nécessaires pour faire revivre correctement et normalement la végétation autour de Tchernobyl. Ne parlons pas de Fukushima !) Alors, que peuvent les procès d’environnement face à une situation de ce genre ? Si l’on veut être précis, on rappellera simplement que le grand procès d’environnement doit obéir à la règle des trois unités : de temps, de lieu et d’action ; Aussi, la logique voudrait que l’on développe une juridiction internationale sur le sujet déterminé puisque les Nations ne s’accordent pas, et en particulier cela a été dit clairement à Rio + 20, sur la création d’une organisation mondiale de l’environnement. La France y travaille, mais en vain, car personne n’en veut vraiment. Mais il y a quelques pistes que l’on peut développer. Tout d’abord, constater que sur le territoire de la planète actuellement, en Colombie, en Afrique, en Inde, les grands procès d’environnement, tels que ceux que nous avons développés en Europe, ont pris de l’ampleur. La recherche des responsabilités ultimes, des maisons mères pour les filiales, et l’indemnisation du dommage écologique ne sont pas des cas isolé de jurisprudence. On peut certes faire confiance au juge local sans doute mais réfléchir comme indiqué à une juridiction internationale reste très délicat, car comment notamment accepter un droit pénal international de

l’environnement sanctionné par une Cour de justice. Nos réflexions iraient plutôt vers une juridiction préventive dans le cadre d’une action déclarative. Il faut sans doute y réfléchir et mettre, sans illusion, le projet d’une Cour internationale sur la place publique à titre d’exemplarité. Dans l’attente, on peut développer trois idées : l La première, c’est de rechercher au-delà des Etats nation des lieux judiciaires ou quasi judiciaires pour rassembler. Il y a une vocation internationale incontestable propre au droit de l’environnement et l’idée de réfléchir à une Cour Internationale est déjà quelque chose d’important ; mais en l’attente, recueillir et confronter les expériences nationales reste utile. l La deuxième, c’est savoir aller au-delà des acquis de la décision du juge. Ainsi, pour la théorie des dommages écologiques, cette avancée est utile mais elle vaut surtout pour le passé. Mais si l’on imagine par exemple qu’on peut l’appliquer dans l’étude d’impact à titre d’anticipation, c’est mieux, Donc, l’argent n’achète pas tout ; la pénalité n’achète pas tout non plus ; il faut inventer un système qui est un système de compensation ; il y a de nombreux projets sur ce sujet ; il faudrait trancher rapidement. En France, la création d’une vraie agence sur la biodiversité se fait attendre. l Et la troisième et dernière chose, c’est dans tous les cas de figure, est de faire respecter l’impératif de rester dans l’exemplarité. Je terminerai sur cette phrase : c’est dans la préoccupation constante, effective et vérifiée de la reconnaissance d’un droit des générations future que l’humanité peut continuer à conserver sa dignité. Les grands procès d’environnement devraient toujours viser ce but. (1)Depuis que ce discours a été prononcé le 17 septembre 2013, le Conseil constitutionnel, par une décision du 11 octobre 2013 a validé la loi.

Batailles judiciaires par Christiane Féral-Schuhl

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uel bonheur de vous retrouver, car vous êtes, avec Corinne Lepage, celui qui m’a tout appris du métier d’avocat ! A ce titre, c’est un grand honneur pour moi d’être parmi vous tous afin de fêter la naissance de votre dernier livre, et c’est l’occasion de vous rendre hommage.

Christiane Féral-Schuhl

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qu’au Parlement, ce sont les intérêts dominants qui font la décision) ; l’arme principale du juge est bien celle du contradictoire, c’est à dire l’obligation d’échanger des arguments. Cette méthode de prise de décisions ressemble fortement à la méthode d’élaboration de la décision scientifique indispensable dans notre domaine. Il n’y a pas de décision scientifique utile et valable sans échange des données, sans échange des arguments, sans publicité et sans débats. Cela tient surtout au fait que le Juge, dans un système démocratique, est indépendant, et l’on voit bien que le droit de l’environnement prospère difficilement dans les pays qui ne reconnaissent pas un véritable pouvoir du juge (citons la Chine et la Russie qui, pourtant, progressent face à l’Inde, en particulier, qui, elle, dispose d’une expérience anglo-saxonne de la juridiction. Voyez l’affaire du démantèlement du Porte-avions Clémenceau jugée par la Cour suprême de l’Inde il y a quelques années). Le juge, pour l’évolution du droit de l’environnement, est donc un élément essentiel qui est déterminant de sa pérennité et de son effectivité. Reste à savoir pourquoi ces grands procès d’environnement ont une fonction essentielle. Le souci était que cette fonction ne se limite pas simplement à la Nation mais à la planète toute entière, même si la technique du procès, comme on le verra dans la deuxième partie de cet exposé. C.- Les trois fonctions fondamentales du procès d’environnement sont, à mon avis, les suivantes : 1°) Tout d’abord, rappeler le long terme par rapport au court terme. Que fait-on pour les générations futures ? Va-ton se contenter de régler des questions au jour le jour ? les habitants d’un territoire n’ont-ils pas la responsabilité de gérer celui-ci pour le long terme pour la conservation des équilibres et la biodiversité. N’est-ce pas la grande question de demain ? 2°) Rendre les enjeux économiques transparents : en effet, la plupart des investissements économiques ou financiers sont faits ou réalisés sans que soient prises en compte les externalités. Les mises sur le marché de produits tels que l’amiante, l’ont été sans mesure des externalités ; certains pesticides sont accusés de porter atteinte à la santé, etc… Un jour ou un autre, les grands procès d’environnement doivent permettre de mesurer les externalités et de les corriger. 3°) La dernière fonctionnalité est le rappel constant de la nécessité du recours au droit. Les puissances économiques et financières qui dominent le monde à travers les Etats ne cherchent généralement qu’une seule chose : à contourner la loi, s’en séparer, au besoin la transformer. L’affaire dite de la loi Jacob sur le gaz de schiste est tout à fait symptomatique à cet égard ; la voie fiscale intéresse les puissants mais non la loi qui protège l’environnement. De plus, il y a souvent connexion entre corruption et pollution ; rappelons-nous l’affaire dite du poulet à la dioxine ou l’affaire Trafigura : 3 000 personnes en Côte d’Ivoire ont été victimes de transfert et d’abandon de déchets toxiques qui auraient dû être traités sur le port de Rotterdam. Finalement, comme le dit un excellent observateur du monde contemporain Hervé Juvin : « l’économie et la finance se sont annexés la vérité ; le vrai, le juste, ne surplombent plus les activités humaines ». De ce fait, le droit de l’environnement a d’évidence et surtout une valeur éthique. Personne ne peut le nier même si l’on doit aussi constater que la technique même des grands procès a des limites.


Environnement En retraçant votre carrière, on a le sentiment qu’à chaque fois qu’il y a une catastrophe naturelle, vous êtes là ! Comme si la nature vous appelait au secours dès qu’elle était atteinte. Vous avez, durant ces 40 dernières années, cherché autant à réparer les dommages qu’à les prévenir, rappelant que la plupart des atteintes à l’environnement, même si elles sont réparables en argent, demeurent en tant que telles des dommages causés à la nature. Vous êtes sur tous les fronts, et vous n’avez pas hésité à aller combattre les compagnies internationales en Italie, aux Etats-Unis, ou à défendre la Ville d’Amsterdam où votre réputation vous a précédé. Ces grands procès, ils ont presque tous une couleur en réalité. Rouge. Rouge comme les boues rouges en Méditerranée, votre premier grand procès, entre 1972 et 1976. Vous affronterez la société Montedison, première puissance chimique italienne de l’époque, qui procédait au déversement en mer des résidus de production du bioxyde de titane, les « boues rouges ». Très rapidement, vous trouvez une faille dans la loi italienne, puis vous faites séquestrer par le juge italien les deux navires affrétés par Montedison. L’affaire fait l’effet d’un coup de tonnerre : pour la première fois un juge intervient pour interdire une pollution dont les effets se font ressentir dans un autre État. Vous continuerez le combat en reprenant le procès en France et vous obtenez, en 1985, la réparation pour la Corse de l’atteinte à son image de marque, et pour les pêcheurs de Bastia, réparation de leur préjudice. En réalité, vous veniez de faire admettre la théorie du dommage écologique, c’est une première. Jaune. Jaune comme les boues jaunes de la baie de Seine et de la Manche, les résidus de la production d’engrais phosphatés. Vous repartez en 1979 au combat sur l’atteinte grave aux ressources de la mer et aux poissons qui en résultait. Défendant les marins-pêcheurs de la baie de Seine, vous refaites le coup du séquestre : le président du tribunal de grande instance du Havre ordonne le séquestre des navires déverseurs. Mais la Cour d’appel de Rouen, alarmée, saisie en urgence par les industriels, annule cette décision. Les marins-pêcheurs, plongés alors dans une forte amertume, commencent le cycle des barrages de port, et notamment celui de Deauville le jour de l’ouverture d’une régate. Les blocages continuent, celui du port du Havre est une véritable catastrophe économique, le ministère de l’Intérieur vous demande alors de négocier le déblocage, ce que vous faites avec la promesse d’une commission d’enquête de la Cour des comptes. Finalement, le tribunal vous donnera raison et les marins-pêcheurs obtiendront 4 millions de francs. Corinne Lepage qui vous a rejoint pour ce procès, sera pour tous vos combats en quelque sorte votre Marie Curie. Car vous n’entendez pas être les Bonny and Clyde du droit de l’environnement, mais plutôt les Pierre et Marie Curie, faisant de chacun de ces grands procès votre laboratoire du droit de l’environnement. Jaune également comme le symbole du nucléaire. Vous n’attaquerez pas moins de quatre centrales nucléaires : Flamanville en 1976, Belleville et Cattenom en 1982, Creys-Malville en 1991. Orange comme la potasse, et le procès de la

Hollande contre les Mines de potasse d’Alsace, que vous mènerez de 1979 à 2009. La Hollande est menacée par la pollution engendrée par l’exploitation des Mines de potasse d’Alsace et les résidus salins rejetés dans le Rhin, les collectivités néerlandaises vous contactent. Vous engagez une procédure devant le tribunal administratif de Strasbourg pour dix collectivités publiques de Hollande. L’audience a lieu en juin 1983, et au lieu de prendre votre vol à Roissy, vous allez le prendre à Orly… Vous manquez votre avion. A l’époque, les tribunaux administratifs avaient annulé de nombreuses élections municipales qui concernaient des municipalités communistes. Le ministre et son directeur de cabinet n’avaient pas hésité à les accuser de partialité. A votre arrivée à l’audience, vous demandez immédiatement une minute de silence, car vous ne pouvez pas accepter, en tant qu’avocat, qu’un juge administratif soit accusé de partialité et vous affirmez toute votre solidarité d’avocat en faisant ce geste et en adoptant cette attitude. Vous dîtes vous-même que si cela bien entendu n’influença pas la décision des juges, cela fera au moins oublier votre retard. C’est un nouveau succès. Blanc. Blanc comme le Sel de Guérande, menacé par la construction de la rocade de La Baule. Nous sommes en 1972, le marais salant est confronté à une grave crise, et la pression foncière et les projets d’aménagement touristique menacent de le faire disparaître purement et simplement. Pour empêcher un projet de rocade qui coupera en deux le marais salant, les paludiers vous font confiance à leur tour. Vous vous attachez à la question écologique, comparant les marais salants à des mécanismes d’horlogerie qui s’emboîtent les uns dans les autres. Le juge administratif ne vous suit malheureusement pas, mais la mobilisation et les combats juridiques empêchent la réalisation de la rocade, les nouveaux conseils municipaux qui avaient pris la tête des procédures refusent les subventions indispensables à la construction de la route. Vous avez, une nouvelle fois, gagné. Noir. Noir comme le fuel de l’Amoco Cadiz qui s’est déversé sur les plages de la Bretagne nord, puis celui de l’Erika sur les plages de la Bretagne Sud 20 ans plus tard. 14 ans pour le procès de l’Amoco, 13 pour celui de l’Erika. Votre persévérance payera, votre persévérance mais également celle de vos associés Corinne Lepage et puis plus tard Alexandre Moustardier. Grâce à votre travail, la Cour d’appel de Paris consacre pour la première fois la reconnaissance judiciaire du préjudice écologique pur. Si l’on récapitule toutes les marées noires dans lesquelles vous êtes intervenu et toutes les compagnies pétrolières que vous avez poursuivies, c’est à se demander dans quelle station-service vous êtes encore autorisé à faire le plein. Dans tous ces combats vous avez été guidé par la même flamme, par la même volonté, celle de faire avancer le droit de l’environnement. Je vous soupçonne d’attendre une nouvelle marée noire pour repartir de nouveau en croisade… Comment ne pas rendre hommage à votre talent, votre dynamisme, votre implication sans faille ! La passion qui vous anime est contagieuse. Sous votre air débonnaire, bienveillant, Votre regard est malicieux, caustique… Votre intelligence est pétillante. Je souhaite une longue vie à votre ouvrage « Avocat pour l’environnement » ! 2013-710

Agenda

LES RENCONTRES NOTARIALES 34ème Edition « Se relancer dans la vie » Conférence le 17 octobre 2013 Ecole du Notariat 10, rue Traversière 75012 PARIS Renseignements : 01 44 90 31 74 caroline.gaffet.csn@notaire.fr

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FONDATION POUR LE DROIT CONTINENTAL 5ème Convention des Juristes de la Méditerranée - Les contrats dans l’espace méditerranéen le 24 octobre 2013 Auditorium de Maroc Télécom Avenue Annakhil Hay Riad RABAT - 99 MAROC le 25 octbre 2013 Ecole Nationale d’Administration 1, avenue de la Victoire RABAT - 99 MAROC Renseignements : 01 70 22 41 41 nsouletie@fondation-droitcontinental.org 2013-712

MOTO LÉGENDE 16ème Salon du 25 au 27 octobre 2013 Parc Floral Bois de Vincennes 750102 PARIS Renseignements : 01 60 39 69 61 www.salon-moto-legende.fr

2013-713

UNION INTERNATIONALE DES AVOCATS (UIA) 57ème Congrès du 31 octobre au 4 novembre 2013 Conrad Macao, Cotai Central Sands Cotai Central Estrada da Baía de N. Senhora da Esperança, s/n, Taipa, MACAO SAR, CHINE Renseignements : 01 44 88 55 66 uiacentre@uianet.org

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COMMISSION EUROPÉENNE POUR L’EFFICACITÉ DE LA JUSTICE 3ème Conférence des Présidents des Cours d’appel d’Europe du 16 au 18 octobre 2013 à Pampelune (Espagne) Renseignements : 00 34 91 390 21 82 cristina.gutierrez@mjusticia.es

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Veille législative

Accès dérogatoire à la profession d’avocat Assemblée Nationale - 1er octobre 2013 La Ministre de la justice Christiane Taubira a répondu le 1er octobre 2013 à la question d’Axelle Lemaire, députée des français établis en Europe du Nord, qu’elle lui avait adressée le 21 mai 2013, portant sur la possibilité pour les juristes d’entreprises français travaillant à l’étranger de bénéficier de l’accès dérogatoire à la profession d’avocat qui dispense les juristes justifiant d’un minimum de huit ans de pratique professionnelle en entreprise de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession en vertu de l’article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. La Garde des sceaux s’est positionnée en faveur de cette évolution en affirmant que « Le Ministère de la justice est favorable à l’accès de ces juristes à la profession d’avocat compte tenu de l’intérêt que présente leur parcours dans un contexte d’internationalisation croissante des services juridiques ». Chloé Grenadou

Question d’Axelle Lemaire me Axelle Lemaire attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conditions d’accès par voie parallèle à la profession d’avocat, qui dispense les juristes justifiant d’un minimum de huit ans de pratique professionnelle en entreprise de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession. L’article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 qui organise les accès spécifiques ou dérogatoires à la profession ne pose aucun critère de territorialité pour l’exercice de l’activité en entreprise. Mais l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui énumère les conditions d’accès à la profession d’avocat, prévoit en son alinéa 2 l’existence de dérogations au profit de « personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France ». Par application conjointe de ces deux dispositions, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 28 mars 2008, que les huit années de pratique professionnelle doivent avoir été effectuées sur le territoire français, excluant de facto juristes français ayant travaillé à l’étranger. Comme l’affirme l’Association française des juristes d’entreprise, de plus en plus de juristes choisissent aujourd’hui d’exercer une partie de leur carrière hors de France. Les structures des ressources humaines des entreprises se sont internationalisées pour refléter la mondialisation des marchés, et il n’est pas rare qu’un ressortissant français tire avantage de son expertise en droit français et de sa maîtrise de la langue française pour acquérir une expérience professionnelle en entreprise à l’étranger. Alors que la libre circulation est un droit fondamental garanti aux citoyens de l’Union européenne par les traités, et dans le but de tenir compte du développement de la libre circulation des prestataires de services comme de l’enrichissement apporté par une expérience professionnelle de ce type, elle lui demande si l’application du décret en cause peut être étendu aux juristes d’entreprises français justifiant d’un minimum de huit ans de pratique professionnelle en entreprise à l’étranger au contact du droit français.

Christiane Taubira

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Réponse de Madame le garde des Sceaux n application des dispositions de l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, l’accès à la profession d’avocat est en principe réservé aux titulaires d’une maîtrise en droit ou d’un diplôme reconnu comme équivalent, ayant réussi l’examen d’accès à un centre régional de formation professionnelle d’avocats (CRFPA), suivi d’une formation théorique et pratique de dix-huit mois et obtenu le Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). Le 2° de cet article prévoit qu’il soit dérogé à ce cursus par des dispositions réglementaires pour les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France. Des voies d’accès spécifiques au profit des personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France sont notamment prévues à l’article 98 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat ; c’est le cas des juristes d’entreprise qui peuvent devenir avocats en étant dispensés de la formation comme de l’obtention du CAPA, dès lors qu’ils sont titulaires d’une maîtrise en droit et qu’ils justifient de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein

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du service juridique d’une ou plusieurs entreprises. Ce texte aménageant des voies d’accès dérogatoires à la profession d’avocat, les dérogations ne doivent avoir pour effet ni de concurrencer la voie d’accès principale à la profession, ni de s’y substituer. Dans cette mesure, la Cour de cassation donne une interprétation stricte des cas de dispense ; ainsi l’activité juridique prise en considération doit avoir été exercée exclusivement sur le territoire national français, quelles qu’aient été les modalités du contrat encadrant cette activité juridique. L’article 98 3° ne prévoit pas, en effet, la prise en compte d’une activité de juriste exercée à l’étranger, y compris sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne. La profession d’avocat entend cependant mener une réflexion sur l’ensemble des dispositifs organisant actuellement des accès dérogatoires à cette profession. A cette occasion, la situation des juristes d’entreprise français exerçant leur activité professionnelle à l’étranger devrait pouvoir être abordée. Le ministère de la justice est favorable à l’accès de ces juristes à la profession d’avocat compte tenu de l’intérêt que présente leur parcours dans un contexte d’internationalisation croissante des services juridiques. 2013-716 Source : http://questions.assemblee-nationale.fr

Les Annonces de la Seine - lundi 14 octobre 2013 - numéro 58


Vie des cabinets d’avocats

L’avenir de l’Europe à l’horizon 2033 Paris - 9 octobre 2013 Linklaters souligne cet automne son ancrage européen à l’occasion de ses 175 ans d’existence et de ses 40 ans à Paris. A moins d’un an des échéances électorales européennes, le cabinet Linklaters et ses associés ont souhaité organiser un dialogue de référence entre deux acteurs majeurs de la politique européenne, deux Présidents : Valéry Giscard d’Estaing, ancien Président de la République française et Herman van Rompuy, Président du Conseil européen. Ce débat exceptionnel a été animé par Jean-Dominique Giuliani, Président de la Fondation Robert Schuman. Jean-René Tancrède

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Paul Lignières, Valéry Giscard d’Estaing, Jean-Dominique Giuliani et Herman van Rompuy

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Herman Van Rompuy, Président du Conseil européen, le premier Président de l’Europe. L’objectif n’était pas de remettre en question les institutions européennes quelques mois avant leur renouvellement, mais d’aborder les étapes concrètes de la construction de l’Europe dans les 20 prochaines années. Si la tempête est derrière nous, nombre de chefs d’entreprises, européens convaincus demandent un éclairage,une orientation. Où allons-nous ensemble, et jusqu’où ? Est-ce que c’est cette Europe-là que nous avons voulu créer? Les demandes et les réponses ne vont pas toujours dans le même sens.

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es 175 ans d’implication dans l’histoire économique européenne et ces 40 ans de présence à Paris font de Linklaters l’une des plus anciennes entreprises européennes. Pour commémorer cet anniversaire, les associés du cabinet Linklaters, en partenariat avec la Fondation Robert Schuman qui commémore le 50ème anniversaire de la mort de Robert Schuman ont organisé jeudi dernier au George V devant près de 400 chefs d’entreprises, banquiers, élus et institutionnels un dialogue exceptionnel entre deux Présidents, Valéry Giscard d’Estaing, ancien Président de la République et

Cette conférence unique a offert aux deux Présidents leur premier échange. Les intervenants sont également revenus sur les attentes des nouvelles générations d’Européens, nées vers 1968 pour qui des certitudes et des gages sont nécessaires pour investir. Des générations sensibles au droit sont davantage intégrées au quotidien dans la vie des entreprises que dans les jeux politiques ou dans des théories macro-économiques. La priorité absolue est désormais à la croissance et l’emploi. Depuis le tout début, c’est l’objectif principal. Certes, il n’a pas toujours été facile, pendant les deux dernières années de sommet en sommet, de faire comprendre aux européens que sauver l’euro, restaurer la stabilité financière, ne se fait ni pour les banques, ni pour le plaisir, mais pour à terme retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi. C’est de confiance dont les chefs d’entreprises voulaient entendre parler, ils sont repartis optimistes, ainsi interpellés par le Président Van Rompuy « la France, en Europe, n’est pas n’importe quel pays. C’est votre pays, main dans la main avec l’Allemagne, qui depuis les premiers jours a donné et donne les grandes impulsions à l’aventure européenne. Vos partenaires et toute l’Europe ont besoin d’une France déterminée à jouer ce rôle européen, d’une France qui réponde non seulement à l’attente des Français et mais aussi à celle des autres peuples ». Le 9 octobre 2013, Linklaters a fait entrer l’Europe au cœur du débat d’opinion à Paris. 2013-717

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Installation

Cour d’appel de Nîmes Audience Solennelle d’installation - 23 septembre 2013 Le doyen des Présidents de chambre de la Cour d’appel de Nîmes a prononcé le discours d’usage pour l’installation du premier Président Bernard Keime Robert-Houdin ce 27 septembre 2013 face aux personnalités élues, civiles, militaires et religieuses locales. Ce fut également l’occasion pour le Procureur général Michel Desplan de souhaiter la bienvenue au Chef de juridiction qui succède à Bernard Bangratz nommé premier Président de la Cour d’appel de Besançon. Une fois installé dans son fauteuil, le premier Président a souhaité rappeler les grandes lignes de la mission du juge et s’est fixé pour enjeu « la construction de la justice du 21ème siècle ». Beau et noble défi à relever dans le respect de la dyarchie souhaitant qu’elle devienne protectrice des plus faibles et réponde « à l’obligation de confiance que demande le citoyen ». Jean-René Tancrède

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Jean-Gabriel Filhouse

Les combats judiciaires par Jean-Gabriel Filhouse

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onsieur le premier Président, je dois à l’honneur qui m’a été fait d’assurer l’intérim des fonctions qui vous reviennent, le privilège de vous accueillir dans votre juridiction au nom de l’ensemble de mes collègues et de tous ceux qui, nombreux, demeurent attachés à la vie de notre institution, et j’en suis d’autant plus heureux qu’il y a encore peu, nous nous apprêtions à rendre les clefs de ce Palais de Justice pour nous fondre à la Cour d’appel de Montpellier et que votre destin professionnel aurait alors été tout autre. Vous n’ ignorez pas, en effet qu’à l’occasion de cette grande opération de réorganisation de la carte des installations judiciaires, la suppression de la Cour d’appel de Nîmes, bien que celle-ci soit considérée se situer à la onzième place par rang d’importance, était programmée, car les limites de son ressort présentent aux yeux du pouvoir central l’inconvénient de ne pas correspondre à celles des autres organes déconcentrés de l’administration de l’État, ni à celles de l’une de nos régions administratives décentralisées, défaut qui constituerait une entrave à la prise de décisions. Nous nous étions sereinement préparés à cette perspective, car il est vrai qu’en embrassant la carrière nous avions intégré le fait, qu’elle devait nous amener à faire des concessions à la mobilité. Mais il est tout aussi vrai que cette annonce a créé

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un petit séisme local, tant le projet passait outre les particularismes géographiques et l’expression des désirs d’une justice de proximité, provoquant la mobilisation de nombre de nos partenaires et des élus locaux pour résister à sa mise en œuvre, et certains d’entre eux sont ici présents pour vous accueillir, ce qui vous permet de mesurer les attentes et les espoirs qu’ils peuvent reporter aujourd ‘hui sur votre personne. Car si la fermeture de la Cour d’appel de Nîmes a été provisoirement écartée c’est grâce à ces femmes et à ces hommes de cette région (j’emploie sciemment l’adverbe provisoirement, parce que nous savons tous que les causes mises en avant par le projet ne pouvant que s’aggraver dans le cadre d’une politique de concentration des moyens, la menace persiste). Ce sont eux qui ont su sensibiliser votre prédécesseur et celui de Monsieur le Procureur général, Messieurs Jean-Pierre Goudon et Jacques Fayen, qui ont consacré l’été 2007 à de multiples réunions pour recueillir leurs aspirations et témoignages, puis soutenir leurs positions. J’en profite pour rendre hommage à l’action de nos deux collègues, admis depuis lors à faire valoir leurs droits à la retraite, qui ont également dû gérer entre autres : l d’une part, l’annonce de la suppression de la profession des avoués, qui a présenté un moindre retentissement, mais a néanmoins constitué un réel traumatisme social pour les personnels concernés par la réforme ; l d’autre part, une importante crise relationnelle et institutionnelle, qui a divisé les magistrats du Tribunal de grande instance de Nîmes. C’est dans ce contexte délicat que Monsieur le premier Président Bernard Bangratz a pris ses fonctions, le 13 septembre 2010, à la tête de notre juridiction, laquelle avait vraisemblablement besoin d’une période de transition. Monsieur le premier Président Bernard Bangratz, originaire de la région d’Alsace où il avait laissé sa famille, présentait assurément toutes les qualités requises pour cette transition. Si son tempérament combattif, a pu être diversement apprécié, il a su apporter à cette Cour l’énergie nécessaire à la mise en place de la réforme de la nouvelle procédure devant la Cour d’Appel, qui accompagnait celle de la suppression de la profession des avoués, et c’est ainsi que nous lui devons, notamment, la réorganjsation en profondeur du greffe civil et l’adaptation des magistrats et des fonctionnaires du greffe à la communication électronique.

Monsieur le Procureur général, avec lequel il a su tisser des liens d’amitié, peut témoigner, depuis le mois de janvier 2012, de ses qualités relationnelles, de sa générosité dans l’engagement et, d’une manière générale, de l’intérêt et du soin qu’il apportait au traitement des affaires, qu’il abordait comme autant de missions à accomplir avec les moyens mis à sa disposition. Certes la presse nationale a fait écho de divers remous judiciaires, auparavant traités par la presse locale, et qui pourraient vous donner une mauvaise image des juridictions dont la responsabilité vous a été confiée. Je pense en premier lieu aux suites de la crise qui a divisé les magistrats du Tribunal de grande instance de Nîmes et qui a justifié plusieurs enquêtes de l’Inspection Générale des Services Judiciaires. Je pense ensuite au mouvement de grève des avocats des Barreaux du Gard et du Vaucluse directement dirigée contre les magistrats de cette Cour d’appel, lequel mouvement a fait tache d’huile. Mais je pense pouvoir vous rassurer : l la crise du Tribunal de grande instance semble appartenir au passé à la suite de divers mouvements de personnels ; l au surplus, je crois savoir que certains magistrats qui avaient été mis en cause et qui sont demeurés en place, ont depuis lors été rétablis dans leur dignité ; l quant au mouvement des avocats, qui a permis de révéler le niveau de solidarité qui existait, d’une part, au sein des membres des barreaux, d’autre part, entre les magistrats de la Cour, il ne faut pas en tirer de conclusions hâtives sur la qualité des relations entretenues entre les acteurs de nos deux professions, qui j’en témoigne, et je parle sous leur contrôle, demeurent excellentes. Pour comprendre cette apparente antinomie, il faut savoir que les femmes et les hommes de cette région sont à l’image de celle-ci : contrastée, marquée par son climat, son histoire et ses traditions. Mon propos n’est pas de vous dresser un tableau historique et géographique des juridictions de votre Cour : Nous avons appris que vous aviez l’intention de vous y installer et vous avez tout le temps d’en apprécier la diversité et la complexité. Vous percevrez rapidement que les acteurs de cette belle région sont tout à la fois : l généreux et d’une grande gentillesse, l fiers et parfois susceptibles, défendant leurs

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convictions, en assumant la plus ou moins grande bonne foi de leur argumentation, l héritiers tout à la fois de Rome et de leurs traditions camarguaises, cévenoles, provençales, minières, ouvrières, religieuses... (J’en oublie certainement), l culturellement habitués aux diversités ethniques et religieuses. Quand vous irez vous promener à pieds sur les hauteurs de Nîmes, vous y découvrirez à l’horizon les première crêtes des Cévennes et vous essayerez d’imaginer du côté du Chemin des rondes les patrouilles de ses habitants en charge de la surveillance des accès de la ville, refusant qu’il soit porté atteinte à leur libre choix, état d’esprit qui a perduré jusqu’à ce jour, le nîmois se définissant avec orgueil : « reboussier ». Ces âmes rebelles, prêtes à s’enflammer pour une cause, aiment tous les combats : joutes taurines, bien sûr, mais aussi poétiques, humoristiques, politiques et évidemment judiciaires. Mais malgré l’âpreté de la lutte qui peut être menée, les adversaires aiment qu’il y soit apporté la manière, et il n’est pas surprenant que les citoyens de nos cités, toutes opinions et classes sociales réunies, goûtent de se retrouver régulièrement sur les gradins des arènes pour y apprécier l’affrontement de la bête et de l’homme. Métropole tauromachique, Nîmes s’enorgueillit de ses arènes où il est coutume de se rendre, autant pour être vu que pour assister au spectacle, et où le reboussier trouve une idéale tribune pour interpeller, dans un esprit bonenfant et accepté de tous, les représentants de l’ordre établi. Car au-delà du résultat final du combat, qui doit se terminer par la victoire du torero, c’est la beauté du combat livré qui est jugée, le vainqueur ne pouvant tirer sa gloire que de la qualité de son adversaire, dont le public exige le respect, d’autant plus qu’il se sera montré noble et brave. La région ne se compose pas exclusivement d’afficionados et compte même des anticorridas, mais cet esprit de lutte pour l’affirmation des idées se retrouve à tous les niveaux de la vie sociale locale. C’est pourquoi, si au cours de votre Présidence vous deviez être amené à gérer un conflit se rapportant à un groupe de défense d’une cause quelconque, qui serait susceptible d’attirer l’attention d’un public, celui-ci commencera à observer la manière avec laquelle vous recevrez la charge, et si vous parvenez à la contenir avec maîtrise, les jambes immobiles en conservant la cuisse et le bras bien ferme, vous susciterez immédiatement l’admiration. À partir de 1978, alors en association avec l’un de ses fils prénommé Philippe, il devait exercer cette profession près la Cour d’appel de Versailles. Il avait un fils cadet prénommé Bernard et en se penchant sur votre biographie il était impossible de ne pas faire le rapprochement. De crainte de vous attribuer un lien de filiation erroné, j’ai pris la liberté de vous interroger et vous m’avez confirmé être ce fils. En songeant à la fierté qui aurait été la sienne d’assister à cette audience, je vous assure que nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous et, nous formons le voeu qu’au jour de votre départ, vous ayez sincèrement le sentiment d’aimer cette ville, ce département, cette région et surtout les femmes et les hommes qui en sont l’âme.

Michel Desplan

Améliorer la qualité de la justice par Michel Desplan

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onsieur Bernard Kelme, cette Audience Solennelle est, avant tout, votre audience puisqu’au delà de votre installation en qualité de premier Président de la Cour d’Appel de Nîmes que je vais requérir dans un instant, elle est, pour vous, la manifestation publique d’une brillante promotion à la tête de l’une des 36 Cours d’Appel que compte notre institution et, pour tous ceux qui y assistent, la chance de faire votre connaissance ou de mieux vous connaître. Monsieur le premier Président, puisque tel est désormais votre titre, je suis heureux, au nom du parquet général de Nîmes, des parquets du ressort et, plus encore, de tous les magistrats et fonctionnaires de la Cour d’Appel de vous adresser nos plus sincères félicitations pour votre nomination à ce poste éminent et de vous souhaiter la bienvenue au sein de cette belle Cour d’Appel. Il serait suffisant de dire, vous concernant, qu’ayant été choisi pour ces fonctions par le Conseil Supérieur de la Magistrature, vous êtes, à l’évidence, le magistrat qu’il convenait de nommer pour occuper ce poste. Votre parcours professionnel atteste de vos compétences professionnelles de magistrat, ce qui est essentiel, ainsi que de gestionnaire, ce qui est désormais indispensable. C’est parce que vos qualités humaines et professionnelles sont des plus appréciées que vous avez occupé des fonctions aussi importantes que celles de Conseiller du Premier Président Pierre Drai, auquel de très nombreuses générations de magistrats vouent un respect immense, de secrétaire général du Président puis du premier Président de la Cour d’Appel de Paris et, enfin, de président de deux importantes juridictions de province : Besançon et Metz. Mais peut être encore plus que tout cela, la présence aujourd’hui, à vos cotés, du premier Président honoraire de la Cour d’Appel de Paris, Monsieur JeanMarie Coulon, du Doyen honoraire de la Cour de Cassation, Monsieur Gérard Pluyette, et de Monsieur le Bâtonnier Bernard Petit, Bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Metz, que je suis honoré de saluer, atteste de vos qualités remarquables, de votre

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Installation haute idée de la justice et de votre sens des relations humaines. Soyez donc, Monsieur le premier Président, le bienvenu à Nîmes, mais également dans tout le ressort de la Cour d’Appel : nous vous souhaitons de trouver toutes satisfactions dans vos nouvelles fonctions et beaucoup de plaisir à découvrir notre si belle région. Ces souhaits de bienvenue s’adressent également à votre épouse, que je suis heureux de saluer, et à tous vos proches. Je vous redis publiquement ma loyauté dans la direction, en commun, de cette Cour, ainsi que la loyauté du Ministère Public. Vous savez que durant de nombreuses années, j’ai occupé des fonctions de magistrat du Siège et je connais d’expérience les exigences qui s’imposent à celui-ci et que nous devons, nous, magistrats du parquet, respecter. Vous allez succéder au premier Président Bernard Bangratz, qui a été installé vendredi dernier premier Président de la Cour d’Appel de Besançon, après trois années passées à la tête de celle de Nîmes. Je souhaite rendre un hommage appuyé au premier Président Bernard Bangratz, dont chacun sait ici qu’il est pour moi, plus qu’un collègue de promotion, un ami. Bernard Bangratz a beaucoup donné et beaucoup fait pour la Cour d’Appel de Nîmes et nous devons lui en être reconnaissants. Grâce à son énergie peu commune, à ses qualités de gestionnaire -le contrôle interne comptable n’a pas de secret pour lui- mais bien plus encore grâce à ses qualités d’Homme et de magistrat, il a fait accomplir à notre Cour d’Appel des progrès très importants en l’espace de trente six mois; permettez-moi d’ailleurs d’associer à cet hommage, son secrétaire général, Monsieur Jean-Paul Risterucci, qui l’a assisté dans ce remarquable travail. Le Premier Président Bernard Bangratz a pu, à la faveur d’une nomination à Besançon, se rapprocher de sa famille et de son Alsace natale; nous en sommes heureux pour lui et l’assurons de notre fidèle et amical souvenir. Monsieur le Premier Président Bernard Keime, lorsque vous allez, dans un instant, occuper le siège qui sera désormais le votre, siège aux armes de la ville de Nîmes, vous allez devenir le premier Président de la 11ème Cour d’Appel de France, une Cour d’Appel que certains pourraient qualifier d’atypique en raison de son implantation administrative, mais dont l’unité résulte du temps, de la géographie et de ce que les hommes en ont fait. La Cour d’Appel de Nîmes, dont le ressort comprend les quatre départements de l’Ardèche, du Gard, de la Lozère et du Vaucluse, soit près de 1,7 millions habitants, s’étend sur trois régions administratives: Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et Provence Alpes - Côte d’Azur. On retrouve le même découpage en ce qui concerne les directions régionales de l’administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse, de la gendarmerie nationale et de la police judiciaire. Cela ne facilite bien évidemment pas la tâche de coordination dévolue, en ce qui concerne l’action publique, au Procureur général. Mais au fond, le découpage particulier de la Cour d’Appel de Nîmes n’est que l’illustration, ô combien marquante, de celui de la France, tant au plan politique, qu’administratif ou judiciaire. Face à ce qui pourrait être une incongruité administrative, la Cour d’Appel de Nîmes a su forger son unité, justifiant sa raison d’être. Cette unité, elle la doit d’abord aux femmes et aux hommes qui oeuvrent à la mission de justice au sein

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Installation

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Président, comme partout en France, au sein de notre institution, le même sens du service public, le même sérieux, la même volonté farouche de répondre aux aspirations de justice de nos concitoyens. Vous pourrez également constater, notamment au regard d’une augmentation importante de la démographie, une efficacité de l’institution judiciaire tout à fait correcte au regard de ses moyens. J’en veux pour preuve deux exemples : Celui tout d’abord du greffe de la cour d’Appel de Nîmes, en tant que juridiction, qui avec à peine 50 greffiers et fonctionnaires assure au quotidien le fonctionnement de la Cour, laquelle rend, en moyenne chaque année, 6 400 arrêts civils et 2 400 arrêts au pénal, soit un total de l’ordre de 8 800 décisions, qu’il convient de mettre en forme, notifier, exécuter ; ces cinquantes fonctionnaires et greffiers ont également la charge de faire fonctionner des services comme le parquet général, les assises, la numérisation des procédures, l’archivage des dossiers et j’en passe. Je profite de cette audience solennelle pour les remercier publiquement et leur dire ma satisfaction pour les efforts quotidiens accomplis pour satisfaire au mieux les justiciables. L’autre exemple d’efficacité dans le fonctionnement de la Cour que je souhaite mettre en exergue est le Service Administratif Régional : le SAR. Ce service est composé seulement de 17 fonctionnaires, greffiers et greffiers en chef qui assistent toutes les juridictions du ressort en matières budgétaire, immobilière, informatique, des ressources humaines et de la formation continue. Ils assistent également les Chefs de Cour dans la préparation et l’exécution du budget de fonctionnement qui est de l’ordre de 6 millions d’euros pour la Cour d’Appel de Nîmes. Je salue leur travail, souvent dans l’ombre, et celui de leur Directeur délégué, Monsieur le Greffier en Chef Gérard Goedert, indispensable au bon fonctionnement de notre Cour. Pour être le plus efficace possible, la justice a su également s’organiser entre Cours d’Appel : c’est ainsi que le pôle Chorus implanté auprès de la Cour d’Appel de Montpellier regroupe le traitement des frais de justice de nos deux Cours et ce, à notre plus grande satisfaction. Ces frais de justice, qui comprennent les frais d’expertises, d’interprétariat, de recherches de traces ADN et autres, se montent à près de 10 millions d’euros pour la Cour de Nîmes. Je salue le premier Président et le Procureur général de la Cour d’Appel voisine et amie de Montpellier, qui nous font encore aujourd’hui l’honneur et l’amitié d’être présents parmi nous, Cour avec laquelle nous entretenons d’anciennes et importantes relations de travail en commun. Je vous saurais gré, Messieurs les Chefs de Cour de Montpellier, de bien vouloir transmettre aux fonctionnaires du Pôle Chorus et bien évidemment au Greffier en Chef, Directeur de votre SAR, tous nos remerciements pour les efforts qu’ils déploient dans le traitement des frais de justice et ce, dans un contexte rendu encore plus difficile par la situation budgétaire que nous connaissons. Ce discours pourrait laisser à penser à un fonctionnement quasi idyllique de la justice au sein de la Cour d’Appel de Nîmes. Bien évidemment et bien malheureusement, la vérité est plus nuancée : vous aurez largement le temps Monsieur le premier Président de le constater. Mais pour aujourd’hui, croyons ce que disait Marc Aurèle lorsqu’il affirmait : « même dans un Palais, la vie peut être agréable ».

Bernard Keime Robert-Houdin

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des 28 juridictions du ressort de la Cour : l six Tribunaux de grande instance, à Nîmes et Alès, Avignon et Carpentras, Privas et Mende, l onze Tribunaux d’instance, l sept Conseils de prud’hommes, l quatre Tribunaux de commerce, ainsi que trois maisons de la Justice et du Droit. Vous pourrez être sûr, et rapidement fier, Monsieur le premier Président, de l’implication des fonctionnaires, greffiers, greffiers en chef, magistrats, juges de proximité, conseillers prud’hommes, juges consulaires, conciliateurs, sans oublier les réservistes, qui oeuvrent au quotidien au sein de ces juridictions. Ensemble, ils représentent un total de près de 1 200 personnes,dont185 magistratset466 fonctionnaires. Ils ne sont bien évidemment pas les seuls à participer à l’œuvre de justice et vous pourrez également compter sur les avocats des six Barreaux du ressort, sur les officiers publics et ministériels, notaires et huissiers de justice, sur les experts judiciaires et commissaires aux comptes dont les bâtonniers, présidents de chambre ou représentants ont tenu à assister à votre installation et que je salue avec respect et considération. Ce ressort si particulier au plan administratif, doit aussi son unité à la géographie. Cette unité est forgée par un fleuve, le Rhône, des montagnes, les Cévennes et un vent, le Mistral. Le Rhône est en quelque sorte l’ossature de cette région, qui irrigue jusqu’aux plaines de la Camargue et unit l’Ardèche, le Vaucluse et le Gard. Les Cévennes permettent de rattacher les hauts plateaux et sommets des Monts Lozère aux plaines du Gard. Le Mistral donne aux ciels de ces départements la même couleur bleu azur qui se confond avec la Méditerranée. L’unité de la Cour d’Appel de Nîmes s’est enfin forgée avec l’Histoire. Notre Cour d’Appel n’est certainement pas l’une des plus anciennes de France et ne trouve pas son origine dans un parlement d’ancien Régime, comme celles de Toulouse ou de Rennes. Toutefois, elle apparaît dans l’histoire judiciaire avec la création d’une Cour Présidiale, en 1552, qui avait compétence étendue sur les actuels départements du Gard, de l’Ardèche, de la Lozère et même de la Haute Loire. C’est la Révolution qui, dès 1790, crée à proprement parlé une juridiction d’appel, le « Tribunal Supérieur d’Appel », devenu ultérieurement Cour Impériale d’Appel, puis Cour d’Appel dont le ressort est, d’emblée, celui d’aujourd’hui par l’extension au département de Vaucluse. Ici, à Nîmes, en ce lieu, la justice a toujours été rendue, depuis l’époque romaine jusqu’à aujourd’hui, en passant par l’importante sénéchaussée de Beaucaire et Nîmes, laquelle avait même compétence sur l’arrondissement de Montpellier ! Notre Cour d’Appel a donc des fondations solides car enracinées dans l’Histoire et la géographie de notre région, avec un fort sentiment d’appartenance à cette région de la part des populations. A propos de ces populations, je voudrais en sorte d’apmté, évoquer ce qui pourrait parfois s’apparenter à une « querelle », non pas des anciens et des modemes, mais des gens du Nord et de ceux du sud, du « Midi » comme on aime à le dire ici. Pour avoir exercé des fonctions aussi bien au Nord de la Loire que sur le pourtour méditerranéen, je suis en mesure d’affirmer que certains a priori sur la manière de travailler dans nos régions sont non seulement injustifiés mais plus encore injustes. Certes, les mentalités, la manière de vivre ou de se comporter varient d’une région à l’autre. Mais, et je parle d’expérience, vous trouverez ici, Monsieur le premier

La mission du juge par Bernard Keime Robert-Houdin

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e succède à Bernard Bangratz, gestionnaire avisé,magistrat soucieux de l’indépendance de la Justice dont il avait une conception exigeante ; il a accompli à la tête de cette Cour un très important travail dont la qualité simplifiera ma tâche ; je m’attacherai à poursuivre son action. Ce bilan est le sien mais également est le fruit du travail de l’ensemble des magistrats et fonctionnaires de toutes les juridictions du ressort Tribunal de grande instance, Tribunal d’intance, Tribunal de Commerce, Conseil des prud’hommes et de toux ceux qui concourent à l’œuvre de Justice. A cet instant, je voudrais dire à tous les magistrats ainsi qu’aux fonctionnaires du greffe de la Cour, du service administratif régional et des juridictions du ressort que je suis conscient de l’ampleur de vos missions et de vos difficultés ; je tiens à vous exprimer ma considération et mon soutien. Il serait prématuré et sans doute présomptueux de vous exposer un programme de travail ; d’abord parce que beaucoup de choses ont été faites par mon prédécesseur, je l’ai dit, qu’il conviendra juste de poursuivre et de développer ; ensuite parce que je n’ai encore qu’une connaissance très partielle des questions se posant dans cette Cour ; enfin parce que n’étant arrivé dans cette belle ville de Nîmes au passé particulièrement riche que depuis quelques jours, je n’ai pas pu encore effectuer toutes les visites d’usage et n’ai pas pu rencontrer tous les magistrats, fonctionnaires et auxiliaires de Justice du ressort et que je tiens à ce que les orientations soient réfléchies collectivement. Aussi, je dirai juste deux ou trois mots de ce qui me semble important et du contexte dans lequel nous allons travailler. La Justice est un service public certes particulier car elle crée du symbole, de la référence, de la norme, mais c’est un service public ; quel est son sens pour nous aujourd’hui ? Le service public de la Justice signifie la mise en œuvre d’une politique judiciaire régulatrice de la Cour d’appel et d’orientations générales au niveau des juridictions du ressort avec la prise en considération de trois facteurs essentiels : l tout d’abord les normes européennes notamment procédurales telles le délai

Les Annonces de la Seine - lundi 14 octobre 2013 - numéro 58


Installation raisonnable, l’égalité des armes, l’impartialité subjective et objective du juge, l en deuxième lieu et à tous les niveaux de l’action judiciaire, la reconnaissance du temps comme exigence première de la part du justiciable, l et enfin l’engagement réfléchi mais fort dans les voies d’une politique publique. La mission du premier Président, me semble-t-il, est de créer les conditions pour que la Justice rendue au sein de cette Cour se rapproche le plus possible des objectifs que je viens de rappeler. L’accès effectif à la Justice, la Cour européenne des droits de l’Homme nous le rappelle, comprend naturellement le droit d’appel mais celui-ci doit retrouver sa véritable vocation et ne doit pas servir de prétexte à une prolongation inutile des procédures ; le caractère trop systématique de l’appel peux entraîner la banalisation du travail des Cours d’appel et nuire à la crédibilité des décisions de première instance; l’appel civil doit retrouver ce point d’équilibre entre les intérêts des particuliers et la satisfaction de l’intérêt général. Chers Collègues, je mesure la charge qui vous est demandée car l’attente de qualité du justiciable et de la société est forte. Bien juger doit conduire à éviter les deux fossés qui bordent le chemin emprunté par le Juge : une qualité détériorée de la réponse judiciaire et un perfectionnisme incompatible avec les exigences légitimes du justiciable ; nous devons unir nos efforts pour donner une réponse judiciaire adaptée à travers la gestion des stocks, le souci des délais de jugement, l’application de toutes les dispositions procédurales traditionnelles et récentes. Cette mission du Juge doit aussi s’exercer pleinement dans le domaine pénal compte tenu de l’importance des enjeux humains qu’on y rencontre : Chambre d’instruction, Chambres correctionnelles, Cour d’assises, nous devons apporter aux actes de délinquance qui nous sont soumis une réponse adaptée à leur impact social et à la personnalité de leurs auteurs, sans bien sûr oublier les victimes ; l’objectif essentiel est d’éviter la récidive et un tel résultat ne peut être atteint qu’en utilisant la large palette des peines offertes par la loi ou de celles qui seront proposées. Mais la Justice ne commence pas dans les seuls palais de Justice: policiers et gendarmes, vous

êtes le premier maillon de la chaîne pénale ; vos investigations sont essentielles à la qualité de notre Justice pénale ; vous méritez toute notre attention et notre considération; une fois rendue, la Justice ne s’arrête pas non plus à la porte du palais de Justice: membres de la protection judiciaire de la jeunesse ou de l’administration pénitentiaire, vous êtes naturellement associés à cet hommage : vous à qui nous confions une population de mineurs et de majeurs de plus en plus déstructurée et que vous devez éduquer et garder. Le contexte dans lequel nous exerçons notre mission qui est actuellement délicat risque de se compliquer ; en effet les prochains mois, les prochaines années vont connaître des départs assez massifs à la retraite tant au niveau des magistrats que des fonctionnaires ; parallèlement, on peut raisonnablement craindre que les arrivées des générations nouvelles soient insuffisantes pour compenser les départs et que les forces vives manquent pour faire face aux contentieux qui nous sont soumis. Nous allons donc devoir relever ce défi qui consiste à répondre à une légitime demande de Justice, d’autant plus importante que nous connaissons de réelles difficultés économiques et sociales, dans un contexte budgétaire très contraint avec des forces qui, au moins temporairement, vont se réduire. Ce constat ne doit pas cependant conduire au découragement mais orienter notre action. Sans attendre les conclusions des groupes de travail constitués par le Garde des Sceaux sur la juridiction du 21ème siècle et le Juge du 21ème siècle, nous devons examiner ce qu’il est possible de faire à notre niveau c’est-à-dire au sein de la Cour et des Juridictions du ressort. Nous devons bien sûr poursuivre le développement des nouvelles technologies permettant la communication électronique, la numérisation des pièces, la dématérialisation de procédures, la visioconférence lorsque ses avantages l’emportent sur ses inconvénients. Mais nous disposons d’autres modes de résolution des conflits que nous n’utilisons peut-être pas suffisamment. La conciliation dans les litiges du travail doit être accentuée; par ailleurs, nous devons favoriser en concertation avec nos partenaires privilégiés que sont les avocats le développement de la médiation

civile qui procède de la conviction qu’une solution négociée des différends présente beaucoup plus d’avantages pour les justiciables qu’une solution imposée. Ce partenariat doit être également mis en oeuvre avec les autres professions: les notaires que ce soit en amont des procédures de divorce sur les conséquences matrimoniales ou en matière de tutelles des mineurs ; avec les huissiers pour établir ou développer les relations dématérialisées notamment dans le cadre des injonctions de payer; avec l’agence régionale de santé sur toutes les questions touchant l’hospitalisation d’office; avec les experts. Dans le contexte que je viens d’évoquer, je considère comme mon devoir de renforcer les liens avec les juridictions du ressort auxquelles je rendrai visite prochainement, je veux assurer les Chefs de juridiction de mon écoute et de mon soutien ; plus spécialement aux Présidents je dirai : ne désespérez pas des contraintes budgétaires et sachez qu’indépendamment des difficultés présentes, la conception de projets de service ou de juridiction cohérents propres à améliorer le fonctionnement des juridictions ne constitue pas une vaine entreprise. Par ailleurs, l’accès à la Justice et non seulement au Juge passe par la vitalité des CDAD, par des partenariats importants avec les professions mais aussi avec les Associations qui travaillent avec ceux qui se trouvent en situation de précarité et se considèrent exclus de tout y compris de l’accès à leurs droits. L’enjeu est la construction de la Justice du 21ème siècle. Notre crédibilité, alors que le travail de régulation du Juge est de plus en plus sous les feux de l’actualité, repose sur notre passion collective pour la Justice et notre responsabilité à l’égard des citoyens. Cette double obligation s’impose particulièrement aujourd’hui, dans une société qui, à travers ses convulsions, est à la recherche de ses repères et se doit d’être protectrice des plus faibles. Monsieur le Procureur général, je suis certain que nous travaillerons ensemble dans ce sens ; vous pouvez compter sur ma collaboration loyale et franche; la richesse de tous les membres de cette Cour nous autorisera, j’en suis convaincu, à répondre à cette obligation de confiance que demande le citoyen à l’institution judiciaire. 2013-718

Vie du droit

Confédération Nationale des Avocats

A

près le très réussi Forum CNA de Nice en juin 2013, la CNA a tenu son Forum du second semestre 2013 à Bayonne et Biarritz vendredi 13 septembre 2013. Les exposés de la journée ont illustré la diversité des métiers unis par les principes de notre profession et la situation de l’avocat élu, ouvert des voies pour l’avenir de notre profession et souligné l’importance pour elle de la globalisation du monde. Diversité des métiers d’avocat et avocat dans la cité : La diversité des métiers a été illustrée par quatre exemples. Maître Philippe Moriceau a

impressionné l’auditoire par son engagement et le prix qu’il faut payer pour assumer la défense, parfois au péril de sa vie, toujours difficilement, devant les juridictions pénales internationales : la situation des avocats dans un pays donne une image de la situation des citoyens dans ce pays. Son activité a un caractère militant qui l’éloigne souvent de Bayonne en limitant la possibilité d’y développer son cabinet. Une des tâches des « Avocats sans frontières » est d’aider les avocats en difficulté dans leur pays. L’avocat ne défend pas que les innocents et les victimes, il plaide aussi pour des auteurs de crimes contre l’humanité. Maître

Moriceau a foi en l’avenir d’une justice pénale internationale en train de s’installer durablement dans le monde. Pour Maître Pintat, le rôle de l’avocat publiciste est minoré, notamment dans la procédure contentieuse administrative par son caractère inquisitorial, il conserve sont rôle spécifique dans la préservation de l’état de droit, spécialement dans le contentieux de la légalité, et son rôle pédagogique à l’égard des clients et de diffuseur des bonnes pratiques dans les collectivités publiques. Le marché est très évolutif : 398 avocats ont la spécialité en droit public (96 au Barreau de Paris),

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Vie du droit Alberto Taramasso, Brigitte Longuet, Heidi Rançon Cavenel, Juan Antonio Cremades

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avec un doublement en dix ans, mais 7 % des 57 000 avocats français déclarent pratiquer une activité de droit public. Depuis 15 ans on observe une externalisation des services (réductions de personnels publics) mais aussi un effort de prévention des contentieux. Enfin, la concurrence s’accroît sur un marché où la spécialisation est devenue forte et où interviennent des techniciens, des financiers et des juristes obligés de travailler en équipe et où le recours obligatoire aux appels d’offres, avec la transparence qu’elle entraîne, est coûteuse pour les cabinets spécialisés. Maître Pintat a conclu en traçant des voies du renforcement de la position des avocats dans la pratique du droit public, valables pour tous les avocats : la réactivité et la mobilité, la haute valeur ajoutée de la prestation, une déontologie qui renforce la confiance, une aptitude à la rédaction de qualité (contrats, procédures écrites, consultations) et un rapport privilégié avec le droit et le juge dans une société qui se judiciarise. Maître Faivre-Vernet, après d’intéressants rappels des valeurs qui unissent les membres du Barreau, a exposé les conséquences pour les avocats de compagnies d’assurances du regroupement des sociétés d’assurances en quelques grands assureurs. Non seulement la pression sur les prix s’est accrue mais beaucoup de dossiers jadis confiés à des avocats sont maintenant traités sans eux par les services juridiques des assureurs, plus étoffés et qualifiés que naguère. Il n’empêche, le métier d’avocat de compagnies d’assurances a de l’avenir. L’assurance, notamment l’assurance obligatoire, s’étend. Maître Thi My Hanh Ngo-Folliot a décrit comme un métier à part entière l’activité de l’avocat bilingue qui sert de relais entre son client dont il parle la langue étrangère et ayant une affaire en France ou entre son client, français ou non, qui a une affaire dans le pays étranger et a besoin d’un avocat parlant la langue de ce pays. Elle a souligné qu’il ne suffit pas de parler la langue du pays étranger, que l’avocat relais international doit avoir la prudence de ne pas se montrer ni être pris comme spécialiste du droit de ce pays où il n’est pas ou plus un praticien expérimenté. La seconde qualité exigée est la pédagogie d’un passeur de connaissances et d’informations, parfois une sorte de « client délégué » (comme on dit un « maitre d’ouvrage délégué ») pour que le client participe dans un rapport interactif à la stratégie et joue son rôle de client à chaque étape de l’affaire. Premier maire-adjoint de Bayonne, Maître JeanRené Etchegaray s’est indigné de déclarations et de

l’essentiel qui doit être conservé et le sera si le Barreau fait les efforts qu’il faut. Maître Brigitte Longuet a rejoint une position de la CNA maintenue depuis bien des années : elle ne pense pas possible, en particulier en l’état de la jurisprudence européenne, la création en France d’un statut d’avocat salarié d’entreprise.

projets qui expriment la suspicion voire le mépris de nos gouvernants à l’égard des avocats, en tout cas la méconnaissance par eux de notre profession. Par ailleurs, il a illustré par des exemples le caractère délicat de situations que rencontre l’avocat du fait qu’il est un élu. Il a conclu que l’avocat qui accepte un mandat électif doit prévoir que le développement de son cabinet sera limité par les contraintes légales et morales. L’avenir de notre profession Il était revenu, en début de matinée, à Maître Brigitte Longuet de faire un peu sensation en ouvrant violemment les fenêtres du XXIème siècle. Elle a eu ou elle a d’importantes charges dans le domaine des professions libérales et elle n’a pas déçu les organisateurs et les participants qui attendaient des avis dérangeants et bien argumentés. Maître Longuet a déclaré en introduction que le barreau ne constitue qu’un relativement petit sous-ensemble des professions libérales et qu’il faut donc que les avocats partent de l’existence d’un danger pour la profession de subir le sort commun de l’ensemble auquel elle appartient, sans traitement particulier, notamment par l’Union européenne. Elle a demandéé d’envisager l’avenir de la profession en termes de « survie ». Aussi a-t-elle appelé à réagir en rétablissant par tous moyens la nécessaire reconnaissance de l’identité distinctive de l’avocat, et d’abord en s’adressant à tous publics. Quant aux changements, elle a dit sa conviction de la nécessité urgente de faire le tri entre ce qu’on attend du Barreau et qui peut être concédé et

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Thi My Hanh Ngo-Folliot et Vincent Berthat

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L’ouverture sur le monde globalisé. Deux avocats du Barreau de Paris, l’un espagnol (inscrit au Barreau de Madrid), Maître Juan-Antonio Cremades, et l’autre italien (inscrit au Barreau de Gênes), Maître Alberto Taramasso, tous deux membres du Comité Directeur de la CNA, ont donné des aperçus des différences entre la situation des avocats en France et de l’autre côté des Pyrénées ou de l’autre côté des Alpes. Les avocats espagnols sont libres d’avoir toutes sortes d’activités professionnelles, notamment commerciales. Ils sont plus nombreux qu’en France (60 000 avocats à Madrid) mais une protection de leur rémunération résulte assurément de ce que le juge espagnol interroge l’ordre des avocats sur le montant normal de l’honoraire pour le fixer luimême. La jurisprudence qui en découle est publiée. En Italie, où exercent 230 000 avocats, l’honoraire minimum fixé par décret par le Conseil National a perdu son statut absolu et le gouvernement a abaissé les « paramètres » utilisés pour fixer l’honoraire, réduisant dramatiquement le revenu de beaucoup d’avocats. La loi organisant la profession d’avocat en Italie, du 31 décembre 2012, a remplacé la loi 1933 ! Elle sera complétée par des décrets avant 2015. Un fait remarquable pour les avocats français, le Consiglio Nazionale Forenze (notre CNB avec des pouvoirs plus étenus, notamment de juger en matière disciplinaire) a fait entendre sa voix pendant la procédure parlementaire. Ces comparaisons, dans la continuité de réunions internationales organisées par la CNA, ont convaincu une fois encore que les avocats de nos pays doivent confronter les situations nationales, diffuser la connaissance concrète des autres barreaux, tirer de cette connaissance des enseignements pour euxmêmes. Elle ont convaincu qu’un barreau national a désormais besoin d’alliés pour défendre ses membres sur le territoire national et que les barreaux nationaux doivent faire front ensemble pour s’opposer aux courants destructeurs de ce qu’ils ont en commun. Tant les différences que le socle commun qui unit et définit l’avocat et doit assurer l’avenir de la profession sont ensemble des raisons d’échanges et de coopérations internationales. 2013-719

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Chronique

La consignation comme moyen alternatif à l’arrêt de l’exécution provisoire

L

’exécution provisoire dont est assorti le jugement de première instance effraie le succombant – appelant qui peut craindre, en cas d’infirmation de la décision par la Cour d’appel saisie, de ne pas retrouver ses petits ou de faire face à des difficultés pour recouvrer les sommes ou encore de devoir mettre en œuvre des mesures d’exécution forcée. Face à une décision avec exécution provisoire, l’appelant a la possibilité de se fonder sur l’article 524 du Code de procédure civile pour solliciter du Premier Président de la Cour d’appel, ou de son délégataire, la suspension de l’exécution provisoire en démontrant les conséquences manifestement excessives qu’entraînerait la poursuite de cette exécution. Les conséquences manifestement excessives sont étroitement entendues par les Premiers Présidents, puisqu’elles relèveraient du domaine financier. Ces juridictions attendent en conséquence du requérant qu’il démontre les réelles difficultés, livres comptables à l’appui, qu’engendrerait pour lui cette poursuite. Il pourra aussi démontrer l’impécuniosité du bénéficiaire des condamnations provisoires qui l’empêcherait de recouvrer les sommes remises et ce, en cas d’infirmation du jugement par la Cour d’appel. En pareille matière, le Premier Président dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier les conséquences manifestement excessives qu’entrainerait la poursuite de l’exécution matérielle et attend des parties qu’elles apportent la preuve soit de l’impossibilité de régler les condamnations, soit de celle d’en obtenir le remboursement ultérieurement, le cas échéant. L’alternative du débiteur des condamnations par provision est donc un aménagement de l’exécution provisoire. Ainsi, pour éviter ce débat sur les conséquences manifestement excessives, les plaideurs sont tentés de saisir ce même Président pour requérir à titre principal la consignation des sommes en se fondant sur l’article 521 du Code de procédure civile qui dispose que : “

La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. En cas de condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine”. A la lecture du texte, les conditions à remplir ne seraient pas nombreuses, puisque le législateur n’a soumis cette demande qu’à l’autorisation du juge qui dispose d’un pouvoir d’appréciation, comme rappelé par la Cour de cassation(1). Pourtant, outre l’autorisation du juge, la jurisprudence, notamment des juridictions versaillaise et parisienne(2), a ajouté la nécessité d’apporter la preuve d’un motif sérieux ou légitime pour obtenir cette autorisation par le demandeur à la consignation. En effet, la demande de consignation ne peut être sollicitée par pure convenance et ce, au risque de priver le créancier du bénéfice d’une décision assortie de l’exécution provisoire. Le Premier Président de la Cour de Paris, par ordonnance du 13 juin 2013(3), a rappelé cette jurisprudence dans une affaire dans laquelle une société Y, après avoir échoué à obtenir la suspension de l’exécution provisoire, a sollicité de cette juridiction l’autorisation de consigner la somme de 1 700 000 €, mettant en avant la qualité d’Etablissement Public international du bénéficiaire des condamnations avec le risque de se voir opposer une immunité de juridiction et d’exécution si la Cour venait à infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris. Le Premier Président a rappelé : “- que si la possibilité d’aménagement de l’exécution provisoire prévue aux articles 517 et 521 du Code de procédure civile n’est pas subordonnée à la

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condition prévue par l’article 524 du même Code, à savoir que cette exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, encore faut-il que celle-ci réponde à un motif légitime ; - que la constitution d’une garantie, à seule fin d’échapper à l’exécution provisoire, ne répond pas à cette exigence ; - considérant que le statut de X, invoqué par Y, était connu de cette dernière, et ne suffit pas en toute hypothèse à priver le créancier de la condamnation de l’exécution provisoire dont il a bénéficié ; - qu’aucun élément ne vient étayer le risque de non restitution en cas d’infirmation”. Ainsi, si la consignation est envisagée comme aménagement de l’exécution provisoire, il est préférable pour le requérant de justifier un motif légitime à l’appui de sa demande et de proposer à la consignation le montant total des condamnations. La consignation pourrait également être proposée comme moyen de défense pour éviter la radiation de l’appel du rôle de la Cour. En effet, l’intimé également bénéficiaire des condamnations en application de l’article 526 du Code de procédure civile qui n’a pas obtenu le règlement des condamnations provisoires, peut solliciter du Premier Président ou du Conseiller de la mise en état dès qu’il est saisi, la radiation de l’appel. Le défendeur à l’incident qui propose la consignation, devra prouver le motif sérieux ou légitime justifiant cette demande. Qu’elle soit présentée en demande ou en défense, si la consignation est accueillie et qu’elle est effective, l’appel ne sera pas radié et la procédure se poursuivra avec un débiteur satisfait de n’avoir pas eu à régler les sommes directement à son créancier. 2013-720 Thomas Molins, Avocat au Barreau de Paris (1) Cass. 2ème civ., 6 décembre 2007, n°06-19.134 ; bull. civ. 2007, II, n°262 (2) Cour d’Appel de Paris, ordonnance du 2 février 2011, RG 10/24432 ; Cour d’Appel de Versailles, 8 juillet 2011, RG 11/00183. (3) 1er Président CA Paris, Pôle 1- Chambre 1 – 13 juin 2013 – RG 13/06185.

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Décoration

Rémy Robinet-Duffo Grand Officier de l’Ordre du Mérite Civil de la Couronne Espagnole

Rémy Robinet-Duffo et Son Excellence Carlos Bastarreche

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Paris - 10 octobre 2013

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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

M

onsieur l’Ambassadeur d’Espagne, Carlos Bastarreche, en sa résidence parisienne du 15 avenue George V, recevait les prestigieux invités de Rémy Robinet-Duffo afin qu’ils assistent, dans l’intimité, à la cérémonie au cours de laquelle il lui a remis les insignes de Grand Officier de l’Ordre du Mérite Civil Espagnol jeudi dernier 10 octobre 2013. C’est par arrêté royal de sa Majesté le Roi Juan Carlos d’Espagne que le récipiendaire a été élevé au rang de Grand Officier afin de le remercier d’avoir noué et développé des relations et des contacts entre la France et l’Espagne. Homme de fidélité et de tradition mais aussi d’action et de communication, le récipiendaire a exercé avec éclat son métier notamment dans le domaine de la protection sociale. Dans le monde des affaires, il est apprécié et reconnu pour sa grande loyauté et ses valeurs morales, moteurs d’une incontestable réussite professionnelle. La seule façon d’être de cet entrepreneur d’exception emporte conviction. Rémy Robinet-Duffo a livré de nombreux et audacieux combats, particulièrement au MEDEF, pour défendre les acteurs économiques français bien au-delà de nos frontières. Sa grande culture, son attachement à la transparence et son ouverture d’esprit sont à l’image d’un homme curieux et réfléchi dont la droiture et la vive intelligence ont été, à nouveau et légitimement, mises en lumière. Nous adressons nos amicales félicitations à celui dont la générosité et le sens profond de l’amitié privilégient l’intérêt du plus grand nombre. 2013-721 Jean-René Tancrède


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