LES ANNONCES DE LA SEINE Jeudi 17 octobre 2013 - Numéro 59 - 1,15 Euro - 94e année
Audience Solennelle de Rentrée
RENTRÉE SOLENNELLE
Cour administrative d’appel et Tribunal administratif - La lisibilité des décisions juridictionnelles par Patrick Frydman.............. - Servir une justice réactive et rigoureuse par Michèle de Segonzac .................................................................. - Justice dans la cité par Katia Weidenfeld et Timothée Paris ......... - Une justice au service des citoyens par Christiane Taubira ........ l
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SOCIÉTÉ
Association Olga Spitzer 90 ans d’action pour l’enfance par Bernard Landouzy ............. 10
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VIE DU DROIT
Société de législation comparée. La codification du droit privé et l’évolution du droit de l’arbitrage ............................... 12 Le Barreau de Paris s’exporte à Phnom Penh ....................... 17
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JURISPRUDENCE
Les « Malgré-nous » : les limites de la liberté d’expression ? Cour de cassation, 16 octobre 2013 .................................... 16 Gens du voyage Cour européenne des droits de l’homme 17 octobre 2013...... 18
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DIRECT l
Signature de la convention « Télérecours »............................ 20
CHRONIQUE
Faut-il maintenir le privilège de certains avantages aux seuls Cadres ? ......................................................................... 21
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ANNONCES LÉGALES ................................................ 22 DÉCORATION l
Denis Vilarrubla Chevalier de la Légion d’honneur ........... 32
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our la première fois la Cour administrative d’appel de Paris et le Tribunal administratif de Paris ont organisé une audience solennelle de rentrée commune ce 10 octobre 2013. Malgré les spécificités de ces deux juridictions tant au plan de leurs compétences que de leurs missions respectives, leurs chefs Patrick Frydman et Michèle de Segonzac ont saisi cette occasion pour annoncer à leurs prestigieux invités accueillis à l’Hôtel de Beauvais, au premier rang desquels Christiane Taubira, JeanLouis Debré, Jean-Marc Sauvé, Jacques Degrandi et Jean Daubigny, les objectifs qu’ils se sont fixés pour améliorer le service rendu aux justiciables et pour rendre compte du travail accompli par les magistrats et les greffiers afin de satisfaire toujours davantage aux exigences du service public de la justice. Particulièrement engagés dans l’utilisation de l’informatique, La cour et le Tribunal se sont mobilisés pour la généralisation de l’application Télérecours qui permettra, dès le 2 décembre 2013, grâce à la numérisation des
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Cour administrative d’appel et Tribunal administratif de Paris 10 octobre 2013
dossiers et à leur communication électronique, d’accélérer les transmissions des dossiers donc de raccourcir les délais. Avant de céder la parole à Katia Weidenfled, premier conseiller au Tribunal administratif de Paris et Timothée Paris, premier conseiller à la Cour administrative de Paris qui sont intervenus sur le thème « La justice dans la cité », Patrick Frydman et Michèle de Segonzac se sont déclarés tout deux intransigeants sur la qualité des décisions rendues et se sont engagés à tout mettre en œuvre pour que la justice administrative soit toujours plus réactive, rigoureuse, innovante et rapide ; ils ont adopté ainsi sans réserve le précepte de La Bruyère qui écrivait : « Une circonstance essentielle à la justice que l’on doit aux autres, c’est de la faire promptement et sans différer, la faire attendre, c’est injustice ». Quant à Madame le Garde des Sceaux, elle a notamment salué « l’exemplarité » des juridictions administratives parisiennes qui, depuis la mise en place d’une charte de déontologie en janvier 2012, assurent « une mission d’écoute et de clarification ». Jean-René Tancrède
J OURNAL O FFICIEL D ʼA NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE
LES ANNONCES DE LA SEINE
Rentrée solennelle
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Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05 Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède Comité de rédaction :
Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Agnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes Administrateurs Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Magistrat honoraire Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Chloé Grenadou, Juriste d’entreprise Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :
Didier Chotard Frédéric Bonaventura
Commission paritaire : n° 0718 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 13 164 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS
2012
Copyright 2013 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2012 ; des Yvelines, du 31 décembre 2012 ; des Hautsde-Seine, du 31 décembre 2012 ; de la Seine-Saint-Denis, du 27 décembre 2012 ; du Val-de-Marne, du 27 décembre 2012 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales. -Tarifs hors taxes des publicités à la ligne A) Légales : Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,48 € Yvelines : 5,23 € Hauts-de-Seine : 5,48 € Val-de-Marne : 5,48 € B) Avis divers : 9,75 € C) Avis financiers : 10,85 € D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 € Seine-Saint Denis : 3,82 € Yvelines : 5,23 € Val-de-Marne : 3,82 € - Vente au numéro : 1,15 € - Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES
Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas
Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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Patrick Frydman
La lisibilité des décisions juridictionnelles par Patrick Frydman
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adame la Garde des Sceaux, Pour la première fois à Paris, des juridictions relevant de l’ordre administratif, dont l’une des spécificités est sans nul doute une faible imprégnation de traditions protocolaires, ont décidé d’adopter, parce qu’elles en ont ressenti le besoin, l’un des rites les plus classiques du monde judiciaire, en organisant une audience solennelle de rentrée. Que vous ayez accepté, en dépit de la lourdeur de vos obligations, d’honorer cette audience de votre présence est une marque d’estime à laquelle nous sommes, sachez-le, extrêmement sensibles et qui vous vaut toute notre gratitude. Monsieur le Président de la Commission des lois du Sénat, La loi, que vous représentez ici, en compagnie d’autres parlementaires, est bien entendu au cœur même de notre mission. Chaque jour, nous l’appliquons, chaque jour, nous l’interprétons et, toujours, nous nous attachons à la faire respecter. Nous vous sommes profondément reconnaissants de la considération dont votre présence témoigne pour les efforts des magistrats qui, en rendant la justice, se mettent d’abord à l’entier service de la loi. Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Nous contribuons, à notre niveau, avec ardeur, et aussi avec une certaine fierté, au nouveau « dialogue des juges » institué par la question prioritaire de constitutionnalité. Sachant tout l’intérêt que vous portez à l’essor de cette procédure, pour le plus grand bénéfice de l’Etat de droit, nous nous réjouissons de votre assistance à cette audience, qui nous honore autant qu’elle nous encourage à persévérer dans cette voie. Monsieur le Vice-président du Conseil d’Etat, Vous êtes ici chez vous. Nous avons déjà eu la chance de vous recevoir en maintes occasions à l’Hôtel de Beauvais, mais la fréquence de ces visites n’altère en rien, sachez-le, l’honneur que représente chacune d’entre elles. Celles-ci attestent de la constante attention accordée par le Conseil d’Etat aux juges
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Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr
du fond. Nous vous assurons, en retour, de notre indéfectible attachement. Mesdames, Messieurs, Les remerciements que j’exprime ici au nom de tous les magistrats et agents de la Cour et du Tribunal s’adressent également à vous tous, qui avez tenu à être des nôtres aujourd’hui. Nous sommes très sensibles à l’intérêt – teinté, espérons-nous, de sympathie – que vous nous manifestez ainsi, et dans lequel nous voyons une marque de reconnaissance du travail accompli quotidiennement par nos juridictions au service des justiciables. L’Hôtel de Beauvais a été témoin, dans sa longue histoire, de bien des inaugurations mais cette première audience solennelle de rentrée, commune aux juridictions administratives parisiennes de première instance et d’appel, ne comptera sans doute pas parmi les moins significatives. Que cette première audience solennelle se tienne représente déjà, en soi, une certaine réussite : celle de l’association fructueuse de nos deux juridictions. C’est en effet par la conjonction de nos énergies, certes favorisée par notre voisinage immédiat, qu’a été rendue possible cette initiative pionnière. L’intervention, tout à l’heure, de Katia Weidenfeld et de Timothée Paris, respectivement premiers conseillers au Tribunal et à la Cour, vous donnera un aperçu de la fécondité de cette collaboration en dressant, dans un chœur à deux voix, un panorama de la jurisprudence rendue cette année par nos juridictions sous forme d’une « flânerie contentieuse » à travers leur ressort. Mais ce rapprochement du Tribunal et de la Cour ne saurait pour autant gommer nos différences, qui tiennent à celles affectant nos missions respectives. D’une part, le ressort de la Cour, loin de se limiter à la capitale, comme celui du Tribunal administratif de Paris, couvre une partie de l’Ile-de-France et s’étend même, outre-mer, jusqu’aux antipodes. Si la mégalomanie me gagnait, je pourrais observer, à l’instar de Charles-Quint contemplant son empire, que le soleil ne s’y couche jamais. Mais, d’autre part, le nombre d’affaires enregistrées au Tribunal est sans commune mesure avec celui que nous connaissons en appel. Dans la grande « fabrique du droit » qu’est la juridiction administrative, la Cour a l’allure d’un atelier, ignorant tout, ou presque, des procédures d’urgence ou des audiences à juge unique, qui tiennent une large place dans l’activité du Tribunal. Il se façonne cependant, dans cet atelier, des pièces ciselées, se voulant, en principe, plus ouvragées encore qu’en première instance, ne serait-ce qu’en raison de l’enrichissement, en appel, du débat contentieux entre les parties. Depuis maintenant dix ans, la Cour a le privilège d’être installée dans ce prestigieux Hôtel de Beauvais. Aussi majestueuse que révolutionnaire pour son temps, l’architecture de ce joyau du Marais, toute en trompe-l’œil et en fausses symétries, a servi de cadre à une fort riche histoire. Songez, en particulier, que c’est du balcon situé au fond de cette salle, où flottent aujourd’hui les drapeaux de la République française et de l’Union européenne, qu’Anne d’Autriche et Mazarin accueillirent, en présence de toute la Cour, Louis XIV et l’infante Marie-Thérèse, le jour de leur entrée solennelle à Paris au retour de leur mariage. Songez aussi que, voilà tout juste 250 ans, Mozart, alors âgé de sept ans seulement mais déjà adulé comme enfant prodige, logea pendant six mois dans un appartement situé au-dessus de cette même salle, où il composa les premières œuvres publiées de son vivant. Les occupants actuels de ces lieux n’ont certes pas l’ambition d’atteindre à un statut aussi illustre, mais si, pour poursuivre cette galerie, on dresse aujourd’hui
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Rentrée solennelle
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Contentieux Fiscal Étrangers Fonction ,7 publique
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Logement
Police administrative
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Urbanisme et environnement
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Contentieux Fiscal
Autres matières
Fonction publique
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Police administrative
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(1) Ces données statistiques portent sur l’année « glissante » Urbanisme environnement allant du 1er aoûtet2012 au 31 juillet 2013. (2) Le taux de couverture est le rapport entre le nombre Autres matières d’affaires jugées et celui des affaires enregistrées.
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leur portrait, ce qui les distingue sans doute, plus encore que leur formation ou leur expertise, est la conscience de leur mission, et la motivation qui s’en nourrit : celle de rendre toujours le meilleur service possible aux justiciables. Les membres de la Cour 22 ainsi à en faire une juridiction tout à la s’attachent , fois pleine de vitalité (1.) et résolument tournée vers l’avenir (2.). Contentieux Fiscal 1.1. La vitalité de la Cour se manifeste, d’abord, à Étrangers travers les résultats dont nous pouvons aujourd’hui Fonction publique nous prévaloir. Logement Fiscal Police administrative Sans Contentieux être, certes, aussi spectaculaires que ceux du Urbanisme environnement Étrangers Tribunal, ceux-ci montrent que notreetjuridiction jouit Autres matières Fonction publique aujourd’hui d’une situation statistique tout à fait saine. AidéeLogement en cela, il est vrai, par un récent fléchissement Police administrative des entrées, la Cour juge désormais, 7,7 nombre 4du Urbanisme et environnement
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Logement
Autres matières
La Cour administratif de Paris, en chiffres(1) Nombre d’affaires enregistrées : 4 860
Nombre d’affaires jugées : 5 480
Taux de couverture(2) 113 %
Délai prévisible moyen de jugement : 9 mois et 24 jours
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un juge de premier et dernier ressort. Elle aura ainsi désormais à connaître, comme toutes les autres cours administratives d’appel, du contentieux des décisions prises par la Commission nationale d’aménagement commercial en matière de création ou d’extension de « grandes surfaces ». Mais aussi et surtout, elle exercera, à l’instar de son homologue judiciaire, la Cour d’appel de Paris, des compétences de premier et dernier ressort dont elle sera spécifiquement investie. Elle s’est déjà vu confier, à ce titre, le contentieux des arrêtés du ministre chargé du travail relatifs à la représentativité des organisations syndicales. Elle connaîtra dorénavant, en outre, de l’essentiel des recours contre les décisions prises par le Conseil supérieur de l’audiovisuel en matière d’attribution de fréquences. Il va sans dire que la Cour s’attachera à se montrer digne de la confiance que viennent ainsi de lui témoigner les pouvoirs publics en décidant de lui attribuer ces contentieux aussi importants que sensibles. 2. Mais, par-delà cette vitalité et l’entrain qui l’anime dans l’accomplissement de ses missions actuelles ou naissantes, la Cour se préoccupe aussi de l’avenir. Bien qu’installés dans un monument historique, les occupants actuels de l’Hôtel de Beauvais ne sont certes pas des hommes et des femmes du passé. Comme les y incite d’ailleurs le parti, adopté lors de la restauration de ce monument, de le doter d’œuvres d’art et d’un
Juan Fernando López Aguilar
Sophie Delormas, Jean-Jacques Moreau, Patrick Frydman, Michèle de Segonzac, Jacques Rouvière, Patricia Chanud
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chaque année, nettement plus de requêtes en stock qu’elle n’en enregistre de nouvelles. Sur les douze derniers mois, son taux de couverture s’élève ainsi, selon les tout derniers chiffres disponibles, à plus de 114 %, ce qui a encore permis de réduire son stock de dossiers en instance, sur la même période, de 13 %. Aussi le délai prévisible moyen de jugement d’une affaire, qui est bien entendu l’indicateur le plus pertinent pour le justiciable, Contentieux Fiscal a-t-il considérablement diminué,Étrangers pour se stabiliser aujourd’hui à un niveau proche de 9 mois,publique ce qui est, somme toute, une durée Fonction assez normale pour une gestation. Logement Ces progrès n’ont, fort heureusement, pas été réalisés Police administrative au détriment de la qualité des décisions rendues, si l’on Urbanisme et environnement en juge par la proportion de celles-ci qui subissent la Autres matières censure du Conseil d’Etat. Eu égard, à la fois, au faible taux de pourvois en cassation constaté et, surtout, au fort taux de non-admission ou de rejet des pourvois formés, cette proportion s’établit en effet, sur les cinq dernières années, à moins de 2 % de nos arrêts. Les artisans des résultats ainsi obtenus sont bien sûr, au premier chef, les magistrats, agents du greffe et assistants de justice de la Cour, dont je tiens à saluer ici publiquement la compétence et l’engagement au service de leur métier. Un autre moteur des progrès accomplis réside dans le recours à des méthodes de gestion innovantes, comme, par exemple, l’utilisation d’un calendrier prévisionnel d’instruction et d’audiencement des dossiers, connu sous le nom de « CALI-CALA ». Derrière la cocasserie de ce singulier acronyme se dissimule un précieux outil de programmation du traitement des affaires, qui, conçu en 2009 par la Cour elle-même, demeure, aujourd’hui encore, novateur au sein de la juridiction administrative. 1.2. Nous croyons pouvoir trouver, dans la toute récente attribution à la Cour de nouvelles compétences–et,quiplusest,decompétencesd’un nouveau type – une marque de reconnaissance de son bon fonctionnement. Depuis octobre 2012, en effet, et cette réforme sera complétée au 1er janvier prochain, la Cour a cessé d’être seulement un juge d’appel pour devenir aussi
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Origine et répartition (en %) des affaires jugées(1) par type de contentieux
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Rentrée solennelle
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faire de la dématérialisation, comme j’ai coutume de le dire, sa « marque de fabrique ». La modernisation, au mois de mai dernier, de la présentation de notre lettre de jurisprudence, exclusivement consultable sous forme numérique et désormais dotée d’un logiciel de feuilletage en ligne, participe de la promotion de cette vocation. Ces préoccupations actuelles, que nous partageons avec le Tribunal, rejoignent celles d’autres juridictions en Europe, qui sont de plus en plus nombreuses à s’engager dans la voie de la dématérialisation. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons souhaité accueillir, en qualité d’invité d’honneur de cette audience solennelle, le président de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, Monsieur Juan Fernando López Aguilar, ancien Ministre de la justice d’Espagne. Nous lui sommes particulièrement reconnaissants d’avoir bien voulu accepter de nous exposer, tout à l’heure, les rapports qu’entretiennent la justice et les nouvelles technologies en Europe, avant que Madame la Garde des Sceaux ne vienne conclure cette audience solennelle, pour le plus grand honneur de nos deux juridictions, par une brève allocution. Conclusion On le voit, la manière de rendre la justice a beaucoup progressé depuis la venue de Louis XIV en ces lieux. Il y a pourtant, entre le XVIIème et notre XXIème siècle, de troublantes constantes. La Bruyère, avocat obscur mais moraliste fameux, écrivait alors qu’« une circonstance essentielle à la justice que l’on doit aux autres, c’est de la faire promptement, et sans différer : la faire attendre, c’est injustice ». La Cour a désormais adopté sans réserve ce précepte, qu’elle s’emploie chaque jour à mettre en pratique. Mais, les siècles ayant passé, celui-ci ne suffit plus pour autant à rendre une bonne justice. S’y ajoutent d’autres conditions, à commencer par une intransigeante exigence de qualité des arrêts rendus, un scrupuleux respect des règles déontologiques et la prise en compte de nouvelles attentes des justiciables, telles celle d’une meilleure lisibilité des décisions juridictionnelles. Sachez que la Cour s’attache tout autant à se montrer exemplaire dans ces différents domaines.
Servir une justice réactive et rigoureuse par Michèle de Segonzac
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’est un honneur et un plaisir, pour moi comme pour l’ensemble des membres du tribunal administratif de Paris, de vous accueillir à l’occasion de cette audience solennelle commune à la Cour et au Tribunal. Et je m’associe très chaleureusement aux remerciements exprimés par le président de la Cour qui vient de saluer la présence de chacune et chacun de vous parmi nous. AunomduTribunal,jeveuxsaisircetteopportunité pour vous dire : l quelle est la réalité de notre travail, l quel est le chemin que nous avons parcouru ces dernières années,
Michèle de Segonzac
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mobilier résolument contemporains, ils cultivent même l’ambition de vivre à la pointe de leur temps. 2.1. La dématérialisation du travail juridictionnel, par laquelle la Cour s’est déjà distinguée, en est une illustration emblématique. Certes, la Cour n’est heureusement pas, loin s’en faut, la seule juridiction administrative à avoir recours à l’informatique. Mais elle a développé très tôt, à l’instigation de mon prédécesseur, le président Martin Laprade, un usage novateur de ces moyens en les adaptant au plus près du travail du juge administratif. La dématérialisation est entrée dans notre culture, à telle enseigne que la Cour ne pourrait plus, aujourd’hui, envisager un retour aux méthodes de travail antérieures et que notre savoir-faire « s’exporte » auprès de nombreuses autres juridictions, en France et dans le monde. L’innovation n’a pas seulement consisté à doter chaque magistrat et agent du greffe d’un poste informatique digne d’une salle de marchés. Elle a trouvé toute sa mesure dans le développement d’un travail collaboratif en réseau, qui a notamment permis d’intensifier la collégialité au sein des chambres et contribué, par là-même, à renforcer la qualité des décisions rendues par la Cour. 2.2. Après cette dématérialisation du travail des juges, le temps est venu de procéder à celle du dossier lui-même. C’est la voie ouverte par l’application Télérecours, dont la Cour fait déjà usage à titre expérimental, en contentieux fiscal, depuis maintenant cinq ans. Lorsqu’un requérant choisit cette option, toutes les pièces de la procédure sont alors adressées à la juridiction et communiquées aux parties sous forme numérique. Ce saut technologique sera généralisé à l’ensemble des matières contentieuses et à toutes les juridictions administratives de métropole, le 2 décembre prochain. Aussi cette date symbolique, habituellement associée à l’anniversaire d’un sacre impérial, d’une glorieuse bataille et d’un coup d’Etat, sera-t-elle également celle d’une authentique révolution, même si celle-ci ne se déroulera qu’à la modeste échelle de la juridiction administrative. 2.3. La Cour est si convaincue des avantages offerts par l’usage des nouvelles technologies qu’elle a voulu
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Police administrative
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Au-delà des chiffres, la singularité parisienne, ce sont aussi des ,8affaires à fort enjeu. 22 17 , Un fort enjeu lié à l’incidence de nos jugements sur l’activité économique, à leur portée dans la vie de la cité, voire à leur résonance médiatique. 22 projets d’aménagement aux marchés Des grands , et contrats publics, nous avons souvent à traiter des dossiers complexes, dont la solution est très Contentieux Fiscal attendue. Le poids des personnes Étrangers publiques qui sont parties à nos litiges yFonction est évidemment pour publique Logement quelque chose : les autorités centrales de l’Etat, Contentieux territoriale Fiscal Policeaadministrative la collectivité qui le plus important environnement Étrangers budget de France, le plusUrbanisme grand etétablissement Autres matières Fonction publique hospitalier du pays, la SNCF (dont le tribunal Logement 7 juge Police l’ensemble des marchés passés en 47,publics administrative Voilà ce que l’on trouve à Paris ! 7,7 Urbanisme 4France)... et environnement MaisAutres le fortmatières enjeu que j’évoquais, il peut être aussi individuel, personnel. Les étrangers en passe d’être reconduits à la frontière, les mal-logés qui font valoir leur droit au logement opposable, les bénéficiaires d’aides sociales, les patients qui ont subi un dommage dans un hôpital public… Pour tous ces requérants, l’affaire est déterminante. Il s’agit peut-être aussi du seul passage de leur vie devant la juridiction administrative. C’est pour cette raison que nous avons à cœur, quel que soit le nombre ou l’analogie des requêtes, d’y répondre avec une même exigence de qualité, de sérieux, et bien sûr de délai – car les délais sont évidemment essentiels. La réduction des délais, c’est précisément là qu’a porté, ces dernières années, l’effort du tribunal administratif de Paris. Et cela s’est traduit par des résultats réels. Mesurons ensemble le chemin parcouru. Il y a quelques années encore, l’image du tribunal administratif de Paris, chez les avocats, chez les justiciables, était celle d’une juridiction lente, incapable de vider ses armoires pleines d’affaires en attente – j’allais dire « en souffrance ». Cette
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Police administrative
(1) Ces donnéesetstatistiques portent sur l’année « glissante » Urbanisme environnement allantdu 1er août 2012 au 31 juillet 2013. Autres matières (2) Le taux de couverture est le rapport entre le nombre d’affaires jugées et celui des affaires enregistrées.
situation avait des origines multiples. Je peux vous dire aujourd’hui que les choses ont changé. Le redressement continu, déjà engagé du temps de mes prédécesseurs, que le Tribunal a opéré est spectaculaire : fin 2004, nous avions plus de 37 000 affaires en stock ; le délai prévisible de jugement était d’un an et dix mois. Aujourd’hui, nous n’avons plus que 10 000 affaires qui attendent d’être jugées, et le délai s’est réduit à 6Fiscal mois. Autant dire que nous Contentieux sommesÉtrangers passés à un traitement en flux tendus. Bien sûr,Fonction cette évolution ne s’est pas faite en un jour ; publique elle est d’ailleurs toujours en cours. Logement Elle nécessite un vrai changement culturel au sein Police administrative du Tribunal. Il est à l’œuvre. et environnement Elle passeUrbanisme aussi par un changement dans nos relations matières avec lesAutres justiciables. Les avocats comprennent nos attentes, s’y adaptent, et voient le bénéfice qu’ils en retirent eux aussi. Nous avons également engagé des démarches de coordination des calendriers avec nos principaux défendeurs publics : cela nous a permis de faire comprendre notre nouveau rythme, tout en tenant compte des contraintes qui sont celles des administrations. Chacun a ses impératifs. Le nôtre résulte d’une attente forte des justiciables. Une justice rendue trop tard est une justice qui n’est plus au service de ses usagers. Le Tribunal l’a compris. De ces résultats positifs, nous tirons une ambition. L’ambition, d’abord, de consolider nos acquis. Nous nous étions donné pour objectif de tout faire pour réduire à un niveau incompressible les dossiers déposés depuis plus de plus de deux ans. Ayant relevé ce premier défi, nous y avons récemment Contentieux Fiscal ajouté un nouvel engagement. Celui de bientôt parvenirÉtrangers à juger, dans un délai moyen réduit à Fonction publique seulement une année, toutes les affaires ordinaires Logement – c’est-à-dire celles qui ne relèvent ni de procédures Police d’urgence, ni deadministrative délais fixés par la législation. Cela doit Urbanisme environnement concerner tous lesetcontentieux, y compris celui de Autres matières l’urbanisme, pour lequel la rapidité est si importante dans la période économique actuelle. Car c’est en consolidant nos acquis, et en progressant encore, que nous continuerons de mériter la confiance des acteurs publics et privés, comme celle du législateur et du gouvernement. Récemment, les pouvoirs publics nous ont confié de nouvelles compétences – je pense à la loi sur la sécurisation de l’emploi – et ont réformé nos procédures, notamment en matière de contentieux sociaux. Nous devons tout faire pour être à la hauteur de cette confiance. Notre ambition, c’est aussi celle d’une qualité toujours plus haute de nos jugements. Juger vite et juger bien ne sont pas incompatibles. Au contraire, la qualité est un gage d’efficacité. Si la qualité n’est pas suffisante, si les parties ne sont pas convaincues de la solidité du raisonnement et de la fidélité de celuici aux textes et à la jurisprudence, elles seront plus nombreuses à se tourner vers le juge d’appel, vers le juge de cassation, et le délai nécessaire avant que le litige ne reçoive une solution définitive s’allongera d’autant. Aujourd’hui, dans 94 % des cas, la solution du tribunal administratif est définitive en l’absence d’appel ou après sa confirmation en appel. Ambition de célérité, de qualité, donc. Mais aussi ambition d’innovation. Depuis plusieurs années déjà, les nouvelles technologies rendent notre travail plus efficace.
Le Tribunal administratif de Paris, en chiffres(1) Nombre d’affaires enregistrées : 18 290
Nombre d’affaires jugées : 18 290
Taux de couverture(2) 104 %
Les Annonces de la Seine - jeudi 17 octobre 2013 - numéro 59
Délai prévisible moyen de jugement : 5 mois et 30 jours
Rouge202®
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Logement
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Fonction publique
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Contentieux Fiscal
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4,9 1,1
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l et quelle est l’ambition que nous portons pour notre juridiction. La réalité de notre travail, c’est d’abord celle que connaissent les juges administratifs français de premier ressort. Juges, cela signifie que nous sommes guidés au quotidien par les exigences d’impartialité, de rigueur et de diligence qui sont celles du service public de la justice dans son ensemble. Je tiens à cet égard à remercier Madame la Garde des Sceaux de sa présence parmi nous aujourd’hui. Juges administratifs, cela implique que nous ne perdions jamais de vue la nature spécifique des litiges ,4 en jeu qui nous sont soumis, et qui mettent toujours 17 l’action des collectivités publiques. L’administration, nous la connaissons bien : par notre 9,9 formation, par les parcours antérieurs d’une partie ,4 17 d’entre nous, par les expériences professionnelles qu’au cours de notre carrière nous sommes amenés à effectuer à l’extérieur de la juridiction. Nous sommes le juge de l’administration, c’est notre spécificité. Mais nous sommes aussi, à part égale, le juge des administrés. Pour résoudre les litiges qui opposent ces deux grandes catégories de justiciables, nous nous appuyons sur des méthodes éprouvées : une collégialité approfondie, un travail en amont de l’audience, et le souci constant de la cohérence jurisprudentielle – c’est notamment le rôle de cette institution précieuse qu’est le rapporteur public, lorsque celui-ci éclaire la formation de jugement, en toute indépendance, sur la,solution 8 17 qu’il convient d’adopter. Juges administratifs français, enfin, cela veut dire que nous sommes aux prises avec les enjeux les plus contemporains de1notre pays et de notre ville, Paris 7,8 22 , – car le juge de première instance est par définition le premier à être confronté aux questions nouvelles. Mais français, cela veut dire aussi que nous sommes juges de droit commun du droit européen, qu’il s’agisse du droit de l’Union européenne ou des droits et des libertés garantis par la Convention européenne des droits de l’homme. Je veux dire à cet égard au Président Lopez Aguilar, qui nous fait l’honneur d’être parmi nous aujourd’hui, que nous sommes conscients du rôle qui est7 le nôtre dans 47, la construction d’un espace de droit et de justice commun en Europe. Au-delà de l’application qu’ils font au quotidien des normes européennes, un nombre important de magistrats du tribunal administratif de Paris participent chaque année à des séjours d’échange dans les juridictions d’autres États membres, et nous-mêmes accueillons fréquemment des magistrats pour ce type de stages. C’est cela aussi, notre insertion dans l’Europe du droit. Mais la réalité de notre travail, ce n’est pas qu’une réalité commune à tous les tribunaux administratifs. C’est aussi une réalité singulière, celle de Paris. En premier lieu, le tribunal administratif de Paris est hors norme par la taille. Le volume de son activité le place au premier rang de sa catégorie, et de loin : ce sont environ 20 000 requêtes qui arrivent chaque année dans notre boîte aux lettres, à nos guichets. Un volume imposant, qui justifie une organisation adaptée : 18 chambres, regroupées en 6 sections qui permettent de répartir les compétences, tout en réajustant celles-ci régulièrement. Chaque jour, à l’hôtel d’Aumont, superbe immeuble classé dont la façade sud vient d’être remarquablement restaurée par l’Etat, ce sont près de 230 personnes – magistrats, agents du greffe, assistants de justice et stagiaires –, qui sont mobilisées, et je veux saluer leur engagement de tous les instants.
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Rentrée solennelle
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Par les bases de données jurisprudentielles et documentaires, par le travail collaboratif sur des fichiers partagés, par les tableaux de suivi de nos calendriers d’instructions. L’informatique permet aussi aux parties de gagner en visibilité, quand le calendrier contentieux est annoncé à l’avance, quand elles accèdent au sens des conclusions du rapporteur public avant l’audience. Le passage à la numérisation des dossiers est un saut plus important encore. Le tribunal administratif de Paris est mobilisé pour la généralisation, dès la fin de cette année, de l’application Télérecours qui a été développée à cette fin. Elle va nous permettre, à
Timothée Paris
Justice dans la cité
par Katia Weidenfeld et Timothée Paris
T
imothée Paris : Installés dans de splendides bâtiments qui les unissent à son histoire, le Tribunal administratif de Paris et la Cour administrative d’appel de Paris participent tous deux à la vie et à l’évolution contemporaine de notre capitale. Puisant dans l’énergie bouillonnante de cette ville-monde les sources de leur activité, nos juridictions regardent aussi plus loin que les frontières apparentes de cette cité, ne serait-ce que, en ce qui concerne la Cour, du fait de son ressort qui recouvre, outre celui du Tribunal administratif de Paris, celui du Tribunal administratif de Melun, et ceux des lointains Tribunaux de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna. Katia Weidenfeld : Pour satisfaire l’honneur qui nous revient de vous présenter, au nom de l’ensemble des magistrats et des agents de nos juridictions, les traits les plus marquants de notre activité, nous sommes heureux de vous convier à une flânerie contentieuse dans le ressort de nos juridictions. Au contact des femmes et des hommes qui les façonnent, nous cheminerons ainsi au gré de quelques unes des décisions de justice que nous avons rendues au cours de l’année écoulée. TP : Ce parcours débute au cœur de Paris, sur l’île de la Cité, où siège la Préfecture de police. Son bâtiment cache les vestiges de l’ancienne Lutèce. Les activités qu’il abrite ont aussi, historiquement, un lien particulièrement étroit avec la compétence
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nous mais aussi aux avocats et aux administrations, d’accélérer les transmissions, de réduire le papier au strict nécessaire, de desserrer nos contraintes logistiques. Enfin, notre ambition est celle de l’ouverture. Longtemps, nous sommes restés repliés sur nousmêmes. Ce temps-là aussi est révolu. Ouverture, d’abord, vis-à-vis de nos collègues de l’ordre judiciaire, avec lesquels nos échanges se multiplient, dans le plein respect des compétences de chacun. Ouverture, aussi, en nous faisant connaître auprès des publics toujours plus variés que nous
accueillons au tribunal : étudiants en droit, avocats en formation, magistrats étrangers. Ouverture au grand public, enfin, par le développement de notre site internet et par une meilleure communication autour de nos décisions importantes. Voilà pourquoi, mesdames et messieurs, je tenais à vous présenter le tribunal administratif de Paris, une juridiction qui s’efforce d’être pleinement inscrite dans sa ville, dans son époque, et de s’engager au service d’une justice qui soit toujours plus réactive, rigoureuse et innovante.
de nos juridictions. Le contrôle de légalité des mesures de police administrative a en effet constitué, et constitue toujours, une part non négligeable de leur activité. KW : On peut penser aux classiques contentieux des fermetures de débit de boissons (ou de leur ouverture nocturne), aux travaux de sécurité sur les édifices menaçant ruine ou plus généralement aux décisions prises en vue du maintien de l’ordre. Au début de l’été dernier, le tribunal administratif s’est ainsi penché sur la réglementation, par le Préfet de police, des articles pyrotechniques. Il a ainsi confirmé la légalité des restrictions posées à l’acquisition et à la détention des artifices de divertissement pendant la semaine du 14 juillet, en vue de limiter les accidents. TP : Mais comme le bâtiment de la préfecture, dans lequel résonnent aujourd’hui toutes les langues et se croisent toutes les nationalités, le contentieux de la police administrative a depuis plusieurs décennies un visage nouveau, qui est celui de la globalisation. La globalisation des échanges, mais aussi celle du droit, qui se traduit, en Europe notamment, par l’interpénétration croissante de normes imposant un respect accru des libertés et droits fondamentaux. Cette évolution a conduit à faire évoluer profondément le sens et la portée de notre contrôle des décisions de police administrative. Le contentieux des mesures en matière d’immigration l’exprime avec évidence. KW : Le contrôle de ces mesures se fonde, aujourd’hui, à la fois sur des dispositions constitutionnelles et législatives d’origine interne, sur des dispositions qui sont la transposition de directives de l’Union, sur des conventions internationales bilatérales et sur des normes internationales plus étendues, telle que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Et il appartient au juge interne, chargé de contrôler les mesures individuelles prises dans ce domaine, d’articuler ces normes juridiques entre elles, pour respecter les volontés des législateurs sans méconnaître les garanties dues aux droits fondamentaux. TP : Dans cette articulation, l’inscription de nos décisions dans un dialogue avec les jurisprudences européennes est essentielle. C’est ainsi par exemple que la Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt du 14 juin 2012 a été conduite à annuler une décision qui éloignait un ressortissant étranger vers la Grèce en faisant application du règlement européen dit « Dublin II ». Ce règlement fixe, au sein de l’Union, l’Etat compétent pour l’examen d’une
demande d’asile. L’appliquant à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de celle de la Cour européenne des droits de l’homme, nous avons jugé qu’il n’apparaissait pas que le ressortissant étranger bénéficierait, en Grèce, de toutes les garanties nécessaires à l’examen de sa demande d’asile. (Cour administrative d’appel de Paris, 14 juin 2012, requêtes 11PA02349-11PA05314). KW : Plus largement, le Tribunal et la Cour se sont pleinement appuyés, au cours de l’année écoulée, sur les instruments du dialogue entre les juges. Même s’ils sont sollicités avec modération, ceux-ci participent à nos efforts pour apporter une meilleure sécurité juridique à ce contentieux. TP : Quittons à présent l’île de la Cité et longeons les quais, jusqu’à rejoindre la cour carrée du Louvre que nous traversons également pour atteindre Le Palais-Royal. L’aile Montpensier de ce palais incarne désormais l’un de ces instruments du dialogue entre les juges : la question prioritaire de constitutionnalité, à la mise en œuvre de laquelle nos juridictions participent pleinement. L’on peut penser à la question transmise par la Cour administrative d’appel de Paris au Conseil d’Etat sur le respect du principe d’égalité par les dispositions législatives attribuant de plein droit une carte de séjour temporaire aux conjoints de ressortissants français. Ces dispositions ne prévoient pas, en effet, la délivrance d’un tel titre au profit des personnes unies par un pacte civil de solidarité. La question, jugée sérieuse par le Conseil d’Etat, a été transmise par celui-ci au Conseil constitutionnel, qui a déclaré les dispositions conformes à la Constitution. Dans l’aile centrale du Palais-Royal, se déploie un autre outil du dialogue des juges : la procédure de demande d’avis contentieux, qui permet à une juridiction administrative de saisir le Conseil d’Etat d’une difficulté nouvelle susceptible d’être posée dans un grand nombre de litiges. Cette procédure contribue, notamment dans le domaine du contentieux des étrangers, à une meilleure unité de l’application de la règle de droit. Il en est allé ainsi, par exemple, des demandes d’avis adressées par la Cour au Conseil d’Etat, qui ont permis de résoudre des difficultés d’articulation entre, d’un côté, les règles nationales relatives à l’admission exceptionnelle au séjour et, de l’autre côté, les stipulations des conventions bilatérales conclues entre la France et plusieurs Etats d’Afrique (CE 7 mai 2013 M. D., 366481 – Mali- ; CE 5 juillet 2013 M. H., 367908- Bénin-). KW : Au-delà même de la police administrative des étrangers, les demandes d’avis nous permettent de limiter les incertitudes dans
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Rentrée solennelle
Katia Weidenfeld la résolution de conflits qui se rattachent à d’importantes questions de société et sur lesquelles les juridictions de premier ressort risquent de se diviser. C’est la raison pour laquelle, par exemple, le Tribunal a préféré soumettre rapidement à l’examen du Conseil d’Etat une question particulièrement sensible : celle de savoir si, au nom du droit au respect de la vie privée garanti par la Convention européenne des droits de l’homme, le receveur d’un don de gamètes pouvait obtenir des informations concernant le donneur, au-delà de ce que prévoit aujourd’hui la loi. Le Conseil d’Etat a, le 13 juin dernier, répondu que la loi ne portait pas atteinte à la vie privée, y compris en ce qu’elle interdit toute levée de l’anonymat du donneur (demande d’avis du 21 septembre 2012, arrêt CE 13 juin 2013 n°362981). TP : De l’ici à l’ailleurs, du local au global, comme du passé au présent, le travail quotidien de nos juridictions est un cheminement permanent. Pour l’illustrer, remontons la rue de Rivoli jusqu’à revenir dans un autre quartier historique de notre capitale, celui-là même où nous nous trouvons actuellement : le Marais. KW : Ce lieu –où se trouvent les Archives de France-, est l’occasion de souligner que l’action de nos juridictions s’inscrit dans un édifice plus vaste, celui de la justice dans son ensemble. Les archives publiques font partie du domaine public. A ce titre, la juridiction administrative se prononce, en principe, sur les contentieux qui les concernent. Mais le Tribunal des conflits a tracé des limites à cette mission que nous nous efforçons de respecter. Le Tribunal administratif de Paris a ainsi jugé que la légalité de la revendication comme archives publiques par le directeur des Archives de France de brouillons manuscrits de messages rédigés par le général de Gaulle, qui étaient en possession du musée des Manuscrits, ne pouvait être appréciée que par l’autorité judiciaire. Le litige conduisait en effet, avant tout, à établir la propriété d’un bien, qui était en la possession d’une personne privée. Ce jugement atteste, s’il le fallait, que le contrôle du respect du droit par les administrations, est aussi le fruit d’une œuvre commune des deux ordres de juridiction, administratif et judiciaire et, au-delà, l’œuvre de la justice dans son ensemble. TP : La mission de contrôler l’action administrative n’en reste pas moins confiée en premier lieu, bien
évidemment, au juge administratif. Et, puisque nous évoquions les archives, la protection du patrimoine public relève de cette mission. Il existe ainsi bien des hypothèses dans lesquelles la Cour et le Tribunal sont amenés à se prononcer sur les contours de ce patrimoine, sur les possibilités de les accroître, de les restreindre ou de les modifier. KW : Transportons-nous vers l’ouest le long de la Seine et traversons-la à nouveau. Depuis l’Institut de France, une belle marche nous attend. Nous atteignons bientôt la promenade nouvellement créée sur le site historique des berges de la Seine. La légalité de l’opération d’aménagement, inaugurée par la Ville au printemps dernier, a été débattue devant le tribunal administratif de Paris, en référé, d’abord, avant que ne débutent les travaux, puis au fond. A ces occasions, [nous avons estimé que la procédure de déclaration d’intérêt général du projet avait été respectée]. Il nous appartenait aussi d’apprécier si le projet revêtait un caractère d’intérêt général. Pour y apporter une réponse affirmative, nous avons pris en considération, d’un côté, la mise en valeur des berges de la Seine, l’amélioration des circulations douces, l’impact environnemental positif du projet –et son caractère réversible en cas de graves difficultés de circulation-, de l’autre, l’allongement des temps de parcours automobiles et le coût financier qu’il impliquait. TP : Cheminant ainsi, nous atteignons notre nouvelle destination : le Musée des arts premiers du quai Branly. L’une des décisions rendues par la Cour concernant ce musée permet d’illustrer le contrôle approfondi qu’exerce le juge administratif sur la légalité des décisions administratives. Le litige concernait l’exercice d’un droit de préemption par l’Etat au profit de ce musée, sur une « figure à crochets Yipwon », production de l’art statuaire du XVIIe siècle de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Cette statuette avait été acquise lors d’une vente aux enchères par un ressortissant néerlandais. Appliquant le premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège le droit de chacun au respect de ses biens et les Traités de l’Union européenne, qui prévoient le principe de liberté de circulation des marchandises, tous deux sous la réserve de certains intérêts publics, la Cour a jugé légale la décision de préemption. Elle ne l’a toutefois fait qu’après avoir exercé un contrôle minutieux, qui l’a conduit à mettre en balance l’ensemble des intérêts en présence : d’un côté, l’intérêt éminent qui tient à la protection des droits dont était titulaire l’acquéreur et, de l’autre, l’intérêt public qui s’attachait à la protection de cette statuette, du fait de son importance historique (CAA Paris M. B. n°10PA01590 31 juillet 2012). KW : Après la longue marche à laquelle nous vous avons déjà convié, nous vous proposons d’utiliser ensemble, pour ce nouveau trajet, le service de voitures électriques en libre service aujourd’hui disponible dans la région parisienne. « Autolib » (CLIC). Le Tribunal, puis la Cour, ont jugé que la mise en oeuvre de ce service d’autopartage revêtait un intérêt public suffisant pour qu’il ne soit pas regardé comme portant une atteinte disproportionnée à la libre concurrence (TA Paris, Chambre syndicale des loueurs de voiture 11PA02157 et 11PA02158, 3 juillet 2012). TP : Nous poursuivons sur le Quai Branly et passons à proximité du bâtiment flambant neuf qui héberge aujourd’hui la préfecture de Paris, préfecture de la région d’Ile-de-France. C’est toujours à bord de ce véhicule électrique, dont
le développement nous a paru revêtir un intérêt public en raison, notamment, de la moindre atteinte portée à l’environnement et à la qualité de la vie que les véhicules à essence, que nous nous engageons sur la chaussée intérieure du boulevard périphérique. A ce propos, la Cour administrative d’appel de Paris a imposé aux auteurs du plan de protection de l’atmosphère de la région Ile-deFrance une obligation de moyens dans la mise en œuvre de l’objectif de réduction des substances polluantes dans l’atmosphère. KW : Entrant de nouveau dans Paris par la porte de Clichy, nous voici arrivés, dans le quartier des Batignolles, non loin de cette Plaine Monceau dont l’urbanisation, au XIXème siècle, a fait couler tant d’encre. C’est ici, sur la zone d’aménagement concertée dite « Clichy-Batignolles », que doit être installée la nouvelle Cité judiciaire. Le litige auquel elle a donné lieu devant le tribunal administratif de Paris permet aussi de souligner la place qu’occupe, dans nos décisions, le respect des règles du contentieux administratif. Parmi celles-ci, figurent les règles dites « de recevabilité » qui font obstacle à ce que le juge se prononce effectivement sur certaines demandes. Elles sont le fruit, disait Hauriou , d’un subtil équilibre d’une « juridiction administrative modeste et réservée », qui s’efforce de ne pas empiéter trop fortement sur la marche de l’administration, mais doit remplir le rôle de « garantie suprême de la bonne administration » qui légitime son existence. C’est l’application de ces règles et, en particulier, l’exigence d’un intérêt à agir, qui a conduit le tribunal à rejeter la requête dont il a été saisi par l’association « La Justice dans la Cité ». Celle-ci demandait l’annulation de la décision attribuant à la société Arelia le contrat de partenariat pour la réalisation et l’exploitation du futur Palais de Justice. Mais l’objet statutaire de l’association était de s’opposer au transfert du tribunal de grande instance hors de l’Ile de la Cité. Or la décision attaquée ne concernait que les modalités d’exécution de ce transfert, le principe, en luimême, ayant été décidé depuis plusieurs années. L’objet de l’association a donc paru trop éloigné de celui de la décision attaquée pour que la requête soit regardée recevable. (n°1209054 17 mai 2013). [La Cour est saisie de l’appel]. TP : Le Tribunal et la Cour sont néanmoins régulièrement amenés à se prononcer effectivement sur de nombreux grands projets qui façonnent le paysage de notre capitale et de ses alentours. KW : Si nous restons dans l’ouest de Paris, il en est ainsi du projet d’aménagement du nouveau stade Roland Garros. Ce contentieux posait de nombreuses questions juridiques complexes. Le tribunal administratif avait à apprécier, avec le droit communautaire en ligne de mire, si en autorisant la Fédération française de tennis à occuper des parcelles du bois de Boulogne pour qu’elle réalise et exploite de nouvelles infrastructures, la ville avait en réalité conclu une concession de travaux. L’enjeu était de savoir si la passation du contrat devait ou non respecter les procédures de mise en concurrence. Le Tribunal a estimé que ce n’était pas le cas. Il avait également à apprécier le montant de la redevance prévue par le contrat au regard des avantages que la Fédération française de Tennis pouvait tirer de l’occupation du domaine public et il a jugé cette redevance insuffisante. La balle est aujourd’hui dans le camp de la Cour
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Rentrée solennelle administrative d’appel qui statuera à son tour très prochainement sur ces questions. Les incertitudes du droit communautaire, les hésitations dans sa transcription en droit interne, comme la difficulté qu’il y a à apprécier le caractère adéquat du montant de la redevance d’occupation quand il s’agit d’infrastructures exceptionnelles, et par nature uniques, font que, dans de tels litiges, la solution puisse évoluer entre la décision de première instance et celle du juge d’appel. TP : De fait, lorsque nous rendons la justice, à la Cour comme au Tribunal, mais aussi dans l’ensemble des juridictions administratives, la solution d’un litige est l’aboutissement d’une analyse approfondie du dossier, comme des normes écrites applicables et de la jurisprudence. Elle est également le fruit d’un échange, d’une discussion : entre les parties bien sûr, mais aussi au sein d’une même formation de jugement, au sein d’une même juridiction, ou encore entre les juridictions. L’affaire dont a eu à connaître la Cour concernant un autre grand projet urbanistique, plus au centre de Paris celui-ci, à savoir la construction de la canopée des halles en témoigne avec éclat. La question posée était, en substance, celle de savoir si une augmentation de plus de 28 % du prix du marché de maîtrise d’œuvre pouvait être réalisée par un simple avenant, ou si elle avait pour effet de bouleverser l’économie du contrat initial. Cela aurait imposé la passation d’un nouveau marché. La question était particulièrement délicate, car y répondre demandait de porter une appréciation à la fois sur le montant de l’augmentation du marché, et sur de nombreux autres facteurs, tels que les caractéristiques du marché initial, les relations entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre, ou encore, le caractère indissociable ou non des nouvelles prestations par rapport au marché initial. L’appréciation faite par la Cour de ces éléments a été différente de celle du Tribunal et, cette fois-ci, les parties semblent s’en être satisfaites puisqu’elles ne se sont pas pourvues en cassation. KW : Apporter une solution à un litige commande aussi, et peut-être même avant tout, de mettre en balance deux exigences inhérentes au contrôle de l’administration : à savoir, d’une part, la protection des droits des personnes face à l’action de la puissance publique ; d’autre part, la nécessité de préserver à celle-ci la marge de manœuvre sans laquelle elle ne pourrait remplir ses missions. TP : Concilier ces deux exigences est une part de l’âme, de l’esprit, du souffle dont nous nous efforçons d’imprimer les solutions que nous rendons. Un souffle… qui s’écoule du toit de la canopée, s’envole et nous conduit au faîte des éoliennes qui jaillissent des plaines de Seine-et-Marne. C’est en jugeant de la légalité d’un arrêté créant, dans ce département, une zone de développement de l’éolien que la Cour a été conduite à préciser la portée de l’un de ces droits qui révèle les nouvelles formes de l’action administrative : le droit de participation du public aux décisions en matière d’environnement. Nous avons considéré qu’en l’absence de possibilité laissée au public de consigner ses observations, les réunions et les visites qui avaient été organisées n’avaient pas permis de l’associer effectivement à l’élaboration du projet. KW : C’est aussi cette attention aux droits
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reconnus par la loi au public dans ses relations avec l’administration qui a conduit le Tribunal à considérer, dans divers domaines, que l’administration se devait d’informer les personnes intéressées de la manière la plus large possible. A ainsi été posée la question de savoir si l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger devait indiquer les motifs de sa décision, lorsqu’elle refusait d’octroyer une bourse scolaire à un enfant français résidant à l’étranger. Après avoir constaté que l’Agence avait adopté une instruction générale instaurant un barème détaillé d’attribution de ces bourses, le tribunal a considéré que le refus d’accorder une bourse faisait partie des décisions individuelles défavorables qui, selon la loi, doivent être motivées (TA Paris 5 mars 2013 M. B.M. n°1213644). TP : En matière de responsabilité hospitalière, selon un mouvement analogue de protection et de conciliation des droits, la Cour a quant à elle interprété de manière particulièrement protectrice pour les patients l’obligation d’information qui incombe aux médecins. Elle a jugé que la survenance d’un risque opératoire chez un à deux pour cent des personnes, même si ce risque ne peut être qualifié de grave, doit être porté à la connaissance des patients avant l’hospitalisation, faute de quoi la responsabilité de l’établissement hospitalier est engagée (CAA Paris 12 novembre 2012 H. n°11PA02031). C’est encore une dynamique similaire qui a conduit la Cour, par un arrêt rendu en mai 2013, à interpréter dans un sens restrictif les possibilités ouvertes à l’administration fiscale par la loi, de procéder à la taxation d’office, c’est-à-dire sans les garanties de la procédure contradictoire, des revenus fonciers perçus par les associés de sociétés de personnes, telles que les sociétés civiles immobilières (CAA Paris, 28 mai 2013 12PA03642). KW : Dans un tout autre domaine, il a semblé au Tribunal que publier la vacance d’un poste de fonctionnaire sur le seul site internet de l’établissement public de rattachement, la Bibliothèque nationale de France en l’occurrence, était insuffisant : cette publicité doit en effet permettre au plus grand nombre de personnes de se porter candidates et, dans le même temps, offre à la personne publique qui recrute un choix plus vaste parmi des personnes aux qualifications différentes. (TA Paris 14 février 2013 Syndicat national de l’administration scolaire universitaire et des bibliothèques n°1114228). C’est bien également la perspective de donner toute son efficacité à l’exigence démocratique de transparence administrative que met en jeu le jugement rendu (en avril dernier) quant à la « réserve parlementaire ». Le tribunal a en effet estimé que les documents relatifs à l’utilisation de ces crédits -dont les députés et les sénateurs disposent pour financer des projets dans leurs circonscriptions- sont des documents administratifs, au sens de la loi du 17 juillet 1978. De fait, ils sont en principe communicables à toute personne qui en fait la demande (TA 23 avril 2013, association pour une démocratie directe, 1120921/6-1). Le jugement a, depuis lors, été pleinement exécuté : le site du ministère de l’intérieur publie le détail des aides apportées en 2011 et 2012 dans chaque département par les députés et les sénateurs et le principe de transparence de la réserve parlementaire, entériné par le Sénat au début de l’été, est en passe de l’être au Palais Bourbon.
TP : Le Palais Bourbon ! Quel autre lieu de Paris, conjointement avec le palais du Luxembourg, permet-il mieux de souligner que notre travail repose avant tout sur la loi, sur son application comme sur son interprétation, mais aussi sur ses évolutions, que nous nous efforçons d’accompagner au mieux. KW : La reconnaissance du droit au logement opposable, par exemple, a eu une incidence importante sur notre activité. Elle nous a également conduits à en tirer toutes les conséquences contentieuses. TP : Confirmant un jugement du tribunal, un arrêt de la Cour a ainsi reconnu la possibilité d’engager la responsabilité de l’Etat pour défaut d’exécution de la décision d’injonction de relogement et pour n’avoir pas mis en œuvre son obligation au relogement. La solution conduit à permettre l’indemnisation des troubles de toute nature résultant pour les personnes de leur maintien dans des logements dont l’état les rend impropre à l’habitation (CAA Paris 20 septembre 2012 n°11PA04843) KW : Si de nombreuses décisions, comme celle qui viennent d’être évoquées, font assurément la part belle à notre mission de protection des droits fondamentaux, nos juridictions, cela va de soi, gardent aussi pleinement en ligne de mire l’intérêt public qui s’attache à ce que l’administration ne soit pas inconsidérément bridée dans son action. C’est particulièrement vrai en matière fiscale : il revient au juge administratif de veiller à la régularité des procédures et au respect du principe du contradictoire. Lorsque les services fiscaux remettent en question l’appréciation d’un bien, en se fondant sur des transactions portant sur d’autres immeubles, le tribunal veille à ce qu’une information étendue soit donnée au contribuable sur les comparaisons retenues. Mais nous avons jugé que la possibilité, pour l’administration, d’avoir accès plus facilement qu’un simple contribuable aux informations sur les transactions, via notamment l’accès aux fichiers gérés par la conservation des hypothèques, ne porte pas atteinte, en soi, au principe d’égalité des armes (TA Paris 19 juin 2013 Sté Cidinvest n°1210254) TP : Ce devoir de protection de l’intérêt public s’est aussi clairement manifesté dans une décision rendue le 3 juillet dernier. La Cour a jugé que les dépenses de rémunération consenties par la collectivité de Polynésie française à raison des mises à disposition d’élus municipaux auprès de certaines communes n’avaient pas été exposées dans l’intérêt général du territoire, dès lors que ces dépenses avaient en réalité pour objet de contourner certaines règles applicables aux indemnités de fonctions des élus locaux (CAAP 3 juillet 2013, 11PA04632). Dans cette affaire, la Cour, comme les juridictions financières et les juridictions pénales, a réitéré avec force le principe qui s’attache à ce que les dépenses publiques répondent à des exigences d’intérêt général. KW : autrement dit, ce qui, au terme de ce parcours qui nous a conduits de Paris à l’autre bout du monde, caractérise l’activité de nos deux juridictions au cours de l’année écoulée, c’est de nous être efforcés d’appliquer, de coordonner et de concilier les différentes normes juridiques entre elles, que celles-ci soient d’origine interne, européenne ou internationale. TP : c’est de nous être efforcés de protéger les libertés et les droits fondamentaux. KW : et de concilier cette protection avec celle de l’intérêt général.
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Rentrée solennelle
Christiane Taubira
Une justice au service des citoyens par Christiane Taubira
M
onsieur le Président de la Commission, merci pour votre présence et vous avez raison, l’Union européenne n’est pas en bonne et belle forme, mais l’idée européenne est une trop belle idée. Elle a porté un projet trop ambitieux, trop généreux, trop libérateur pour l’ensemble des peuples d’Europe pour que nous puissions la laisser s’éteindre, donc nous avons à revigorer cette idée européenne, à redessiner un projet européen, et surtout à rappeler qu’au quotidien, les institutions européennes participent à l’amélioration des droits et des libertés. Monsieur le Président, Madame la Présidente, vous avez donné à cette audience solennelle de rentrée une tonalité particulière dans vos interventions et dans l’exposé à deux voix que nous ont présenté Monsieur le Premier conseiller de la Cour administrative d’appel et Madame le Premier conseiller du tribunal. Je ferai une brève allocution parce qu’en fait, sa dimension symbolique est bien plus importante que son contenu. Mais compte tenu de la tonalité que vous avez donnée à vos interventions et à la tenue même de cette audience, je me permettrais de faire référence à certains auteurs dont on ne sait pas s’ils se sont référés à des témoignages ou à leur imagination, mais certains ont prétendu que Louis XIV aurait été déniaisé à l’hôtel de Beauvais. Cela sans aucun doute ôte un peu de la solennité de la monarchie, mais apporte incontestablement de la vitalité au roi. Nous sommes en un lieu néanmoins solennel où l’ordre administratif, l’ordre judiciaire administratif, montre à quel point il est dynamique et performant puisque vous traitez d’un contentieux massif, important : 220 000 affaires pour l’année 2012, un contentieux qui double tous les dix ans, mais que vous traitez avec de plus en plus de célérité. Les délais qui m’ont été communiqués affirment que le tribunal traiterait des contentieux en moyenne en dix mois, la Cour en une année, le Conseil d’État en
neuf mois. Pour un contentieux massif, ce sont des délais admirables, d’autant que la sécurité juridique n’est pas mise en péril puisque vous le rappeliez, Monsieur le Président, le taux d’annulation des décisions par le Conseil d’État ne dépasse pas 5 %. Tout cela a été possible, bien entendu, par la qualité de la présidence que vous assurez, la qualité du travail et de direction d’équipe, mais aussi par l’implication très forte des magistrats, des greffiers, des agents de greffe et des assistants de justice ; une forte mobilisation des personnels dans leur institution et dans leur juridiction. Et puis, admettons-le, aussi des moyens qui ont été reconnus à l’ordre administratif puisque les effectifs continuent de progresser. Il en sera ainsi encore en 2014. Les moyens budgétaires sont à peu près corrects, sinon Monsieur le Viceprésident y aurait veillé. Mais vous avez eu le souci, vous avez eu le souci surtout de renouveler les méthodes, de procéder à une meilleure allocation des compétences et de renouveler également les procédures. Vous rappeliez tout à l’heure, Monsieur le Président, que vous servez la loi et que le règlement vous sert. Le règlement vous sert puisque le décret du 23 décembre 2011 a permis des améliorations incontestables, notamment par le fait que le président de la formation de jugement peut autoriser le rapporteur public, à sa demande, à ne pas prononcer ses conclusions en séance. Le décret du 13 août 2013 a également amélioré les choses puisqu’il a réorganisé les matières dans lesquelles le juge statue seul et celles dans lesquelles il juge en premier et dernier ressort. Déjà le décret du 22 février 2010 avait apporté une meilleure prévisibilité de l’instruction pour les parties, ce qui est fort appréciable, notamment par la procédure du calendrier. Tous ces progrès ont incontestablement contribué à votre performance, à vos performances, aux performances de nos juridictions administratives, qui montrent d’ailleurs que la créativité peut accompagner la performance. Je pense notamment aux mardis de Beauvais, à l’initiative du Président Pierre-François Racine, qui prouvent que vous entretenez l’effervescence intellectuelle malgré le temps que vous consacrez à l’amélioration des procédures, donc à l’amélioration technique et juridique de vos activités. Vous avez évité d’évoquer la part que vous prenez à la jurisprudence. Il arrive que vous consolidiez la jurisprudence du Conseil d’État. Par exemple avec l’affaire Boussouar et Payet, dans le prolongement de l’arrêt Marie et Hardouin. C’est un arrêt extrêmement important parce qu’il a réduit de façon assez substantielle le champ de l’ordre intérieur dans l’administration pénitentiaire, ce qui a élargi en contrepartie le champ d’accès au juge pour les personnes détenues. Voilà pourquoi c’est un arrêt qui m’a intéressée plus particulièrement. Mais il est arrivé aussi que vous contredisiez la jurisprudence du Conseil d’État. Evidemment, tout cela se fait dans une ambiance extrêmement paisible et pacifique, cordiale. Je pensais simplement à l’arrêt Nicolas Julien concernant le caractère d’ordre public des directives européennes dans notre droit interne qui semble avoir mis un terme à la jurisprudence Morgane du Conseil d’État. Je veux insister sur les compétences nouvelles que vous avez intégrées dans votre activité. Je pense notamment pour la Cour au fait de fonctionner comme juridiction de premier ressort. Une capacité qui a été étendue par le décret du 13 août
2013 pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel et pour la Commission nationale d’aménagement commercial. C’était déjà le cas avec le décret de 2011 pour les contentieux concernant le ministère du Travail et la représentativité des organisations syndicales. Vos juridictions ont une attractivité absolument incontestable, une attractivité d’autant plus incontestable et appréciée que vous constituez aussi un vivier pour le Conseil d’État puisque le Conseil d’État accueille chaque année deux magistrats en qualité de maître de requêtes, et un magistrat tous les deux ans en qualité de conseiller d’État. Et il m’a été indiqué que les juridictions de Paris pourvoyaient assez régulièrement le Conseil d’État. C’est un élément d’actif tout à fait appréciable pour les juridictions parisiennes. Je veux saluer en particulier votre exemplarité, et je pense là à la charte de déontologie mise en place en janvier 2012, avec ce collège qui a été installé en mars 2012, et qui assure une mission d’écoute, une mission de clarification, une mission de recommandation aussi. Cette charte de déontologie inspire d’ailleurs, et a inspiré, les dispositions qui ont été prévues, vous le savez, pour la déontologie et les conflits d’intérêt, la prévention des conflits d’intérêt pour les magistrats et pour les fonctionnaires publics. Cette activité, cette célérité, cette sécurité juridique, cette créativité que vous avez montrée prouvent à quel point l’ordre administratif est en bonne santé, mais est devenu surtout de plus en plus accessible aux citoyens. De plus en plus, les citoyens saisissent l’ordre administratif. Cela signifie qu’ils reconnaissent la légitimité des décisions qui sont prises par vos juridictions, et à telle enseigne que vous vous êtes interrogés sur la façon de rendre plus accessibles les arrêts que vous prononcez. Et sur la base du rapport du président Philippe Martin, vous avez réfléchi à la façon de concilier à la fois l’accessibilité, c’est-àdire un langage plus intelligible pour le citoyen ordinaire, sans mettre en péril la rigueur, et donc la sécurité juridique des arrêts qui seront rendus par la suite. Il m’a été indiqué, là aussi, que la dixième sous-section aurait récemment rédigé des arrêtés tenant compte des préconisations de ce rapport. Lorsqu’on parle de l’accessibilité, il y a évidemment l’accessibilité en termes de compréhension, donc d’intelligibilité des décisions qui sont rendues, qui doivent être lisibles, compréhensibles pour le citoyen ordinaire. Il y a aussi l’accès au juge, l’accès à la Justice et j’en profite pour rappeler que nous avons décidé de supprimer le timbre de 35 euros dont vous savez qu’il avait réduit l’accès au juge pour les citoyens à revenus modestes puisque le seuil d’exonération est très modeste lui-même, et que cette décision contribue à mettre la Justice davantage encore au service de nos concitoyens. J’aurai très bientôt l’occasion de vous revoir parce que nous allons célébrer prochainement le 60e anniversaire de la juridiction administrative. A cette occasion, je développerai plus largement les vertus et les qualités qui sont reconnues à cet ordre judiciaire particulier, à cet ordre administratif, ses qualités et ses vertus que Benjamin Constant qualifiait « d’aurores de réputation ». Et si je cite Benjamin Constant, c’est à dessein parce que des auteurs aussi prétendent qu’il aurait usé de ses relations tumultueuses avec Madame de Staël pour se faire nommer maître de requêtes au Conseil d’État. Il m’a été dit par ailleurs que le procédé ne prospère plus. 2013-722
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Société
Association Olga Spitzer 90 ans d’action pour l’enfance, Hôtel de Ville de Paris, 9 octobre 2013
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Bernard Landouzy
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n’ont été introduits en France que par la loi du 22 juillet 1912. Ils sont encore peu implantés et les pratiques des magistrats relèvent plus du militantisme que de techniques éprouvées. Si des foyers d’observation et de rééducation pour des enfants malheureux ou difficiles existaient à l’étranger, rien de tel n’était encore réalisé en France. Le Service social de l’enfance en danger moral peut donc être considéré comme la matrice d’une partie de la protection de l’enfance. Ces quatre fondateurs ont eu un grand mérite à œuvrer pour l’enfance en danger. En effet, ces années 20 sont caractérisées par le retour ou une tentative de retour à une certaine insouciance. Après l’horrible massacre de la guerre de 1914-1918, les Français veulent retrouver cette douceur de vivre qui avaient marqués, selon certains, la France de 1900, celle d’avant guerre C’est l’époque des années folles avant la montée des totalitarismes, la grande crise de 1929, l’irruption des fascismes à l’étranger. L’égoïsme triomphe. Après la foi des fondateurs, l’ardeur de ceux qui les entourent et vont leur succéder parmi lesquels je citerai les noms des préfets Alfred Morin, Achille Villey, le grand résistant Emile Bollaërt de 1955 à 1976, de l’ancien Président du Conseil René Pleven de 1976 à 1987 et ensuite les Préfets Christian Lobut, Lucien Lanier, Edouard DuchêneMarullaz, conseiller maître à la Cour des comptes.
D.R.
L
orsque le 10 juillet 1923, le Journal Officiel publia la déclaration d’une association dénommée « Service social de l’enfance en danger moral », qui aurait pu se douter que 90 ans plus tard elle serait l’une des plus importantes dans notre pays à se consacrer à la protection de l’enfance ? Qui aurait pu penser que 90 ans plus tard ce « Service social de l’enfance en danger moral » devenu en 1972, après le décès de sa fondatrice le 9 janvier 1971, l’Association Olga Spitzer, emploierait 906 salariés, des médecins, assistants sociaux, éducateurs, psychologues, travailleurs sociaux, dans 20 établissements ou services répartis à Paris et dans les départements des Hauts-deSeine, du Val-de-Marne, de l’Essonne ? C’est d’abord dû à la rencontre de quatre personnes : l Le juge Henri Rollet, premier magistrat pour enfants du Tribunal de la Seine, l Miss Chloé Owings, une assistante sociale américaine, l Mademoiselle Marie-Thérèse Vieillot, une assistante sociale française, l Madame Olga Spitzer, épouse d’un banquier qui mettra sa fortune pour la réalisation de ce projet. Ces quatre personnes, j’allais dire ces quatre missionnaires, avaient la même foi. Le premier, Henri Rollet, juge philanthrope par excellence, faisait depuis longtemps de l’enfance traduite en justice une véritable croisade devant l’opinion. Il se montrait particulièrement indulgent selon les critères de l’époque à l’égard des jeunes délinquants, quitte à s’attirer les critiques et les blâmes de ceux qui avaient une conception plus sévère de la justice. La deuxième, Chloé Owings, ayant travaillé auprès d’un Tribunal pour enfants aux Etats-Unis avait une bonne expérience des problèmes judiciaires concernant l’enfance. Après la guerre, elle vint en France étudier le traitement de l’enfance délinquante. Ses investigations rejoignaient les préoccupations des magistrats du Tribunal pour enfants de la Seine qui cherchaient des réponses pour prévenir la délinquance des jeunes.
Pour réaliser ce projet, Henri Rollet et Chloé Owings trouvent auprès de l’épouse d’un banquier, Madame Olga Spitzer, l’appui financier indispensable, et sollicitent les compétences de Marie Thérèse Vieillot. Ancienne élève de « l’Ecole pratique du Service social » Marie-Thérèse Vieillot avait complété sa formation aux Etats-Unis. Elle fut la cheville ouvrière du premier « Service pour l’enfance auprès du Tribunal de la Seine » qui s’agrandit très vite. Ces quatre fondateurs, implantaient les premiers jalons de la protection socio judiciaire de la jeunesse en milieu familial. Au-delà d’une aide immédiate à des enfants ou adolescents en danger, ils entendaient être les inspirateurs d’une modification progressive des lois et surtout des mentalités. Ils avaient deux ambitions : empêcher que ces enfants soient envoyés en prison ou en maison de correction ; éviter que les parents indignes soient déchus de l’autorité parentale en leur apportant aide et conseils. Il leur apparaissait indispensable de préserver ces enfants de conditions de vie néfastes. Dans le courant des années 20, la création d’un « Service social près le Tribunal pour enfant » et plus tard en 1929 l’implantation « d’un Foyer d’accueil et d’observation à Soulins » en Seineet-Oise, sont une innovation dans la protection judiciaire des mineurs et de leur famille. En effet, les Tribunaux pour enfants et adolescents
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Société
Ces Présidents sont assistés depuis 1974 d’un Directeur général et je m’en voudrais de ne pas rappeler la compétence et les capacités remarquables des deux derniers, Alain Peyronnet et Jean-Etienne Liotard, présents parmi nous aujourd’hui. Dès lors, ce service de l’enfance en danger moral, reconnu d’utilité publique dès le 31 mars 1928, va connaître un développement considérable. Que l’on en juge ! Ce développement va même s’accélérer depuis les années 60 avec, notamment, la création du Service Social de l’Enfance de Paris en 1961. En 1968, c’est la création du Service social des Hauts-de-Seine, puis de l’Essonne et en 1969 celui du Val-de-Marne, en 1984 le Service SOS Familles en péril, en 1989 Espace Famille Médiation… Je ne les citerai pas tous. Ils sont 20 et emploient au total 906 salariés, mais je tiens la liste à votre disposition ! Tout naturellement, le Conseil d’administration est composé de bénévoles qui ne perçoivent aucune indemnité. L’action éducative s’est attachée à : l la protection de près de 12 000 enfants ou adolescents, qu’ils soient en danger dans leur milieu ou qu’ils présentent des difficultés d’ordre psychologique ;
la réinsertion de ces jeunes dans leur famille et dans leur environnement qu’il soit d’ordre scolaire, social ou professionnel. Le tout est mis en œuvre par : l des actions de prévention et de médiation, l des missions d’investigations et d’évaluation, l des interventions éducatives et sociales, l des suivis et prises en charge médicopsychologiques. Notre association entend mettre l’enfant, l’adolescent, intimement lié à sa famille, au centre de son action. Mais, en aucun cas, l’Association Olga Spitzer entend céder à une autosatisfaction. Les problèmes de la protection de l’enfance sont trop immenses. En France, 6 % des jeunes quittent leur scolarité à l’âge de 16 ans et, faute de suivi, nous ne savons pas ce qu’ils deviennent. Beaucoup se retrouvent sans formation, sans emploi, bien souvent livrés à eux-mêmes avec tous les problèmes de désœuvrement que cela induit. Nous sommes parfaitement conscients de la nécessité d’être sans cesse vigilants. A l’unanimité, Conseil d’administration et salariés, nous avons édifié une Charte qui affirme les valeurs et les options fondamentales que tous poursuivent. Le texte de cette Charte est affiché dans tous les bureaux de nos établissements. Il est ainsi affirmé que l’enfant est au cœur de la réflexion et de notre soutien à sa famille. « Notre éthique s’appuie sur des principes de démocratie, de respect, de laïcité, d’indépendance, de solidarité. » Nous avons l’obligation de réfléchir sur les évolutions de la protection de l’enfance et faire des propositions. Pour cette raison, une Commission de la protection de l’enfance a été créée. Elle a deux missions : d’une part, une réflexion sur les activités nécessaires pour améliorer l’efficacité des mesures pour la protection de l’enfance, d’autre part, une étude des moyens d’améliorer le fonctionnement de nos structures médicosociales. Nous avons pu élaborer un dossier de référence intitulé : La protection administrative et judiciaire de l’enfant dans l’Association Olga Spitzer : cadre juridique et pratique. Un autre document intitulé : Les actions médicosociales dans l’Association Olga Spitzer a été rédigé. l
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Jean-Etienne Liotard
Ces deux ouvrages sont des plus utiles après la loi du 5 janvier 2005 rénovant les actions médicales et sociales, et la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance de manière fondamentale. Ils rappellent toutes les législations et règlementations en cours, insistent sur les pratiques utilisées et bénéfiques. Ils comportent de nombreux modes d’emploi pour les services de la protection de l’enfance. C’est en vertu d’une délégation régulièrement renouvelée du maire de Paris et des Présidents des Conseils généraux des Hauts-de-Seine, du Val-deMarne et de l’Essonne que nous menons notre action, ainsi qu’avec l’Agence Régionale de Santé. Dans une société en constante évolution et privée souvent de repères, notre association doit être plus que jamais au service des enfants, des familles, des élus, des juges et du législateur. Dans ce contexte d’évolutions institutionnelles et législatives, au coeur desquelles des mutations profondes de notre société se confrontent à nos modes d’intervention, le temps est venu de réaffirmer notre attachement à nos valeurs partagées, bien inscrites dans la Charte, et de renouveler le Projet associatif. Ce nouveau cadre, ainsi élaboré sur la base d’une participation active de tous au sein de notre association, implique une gouvernance qui saura donner à nos orientations un nouvel élan, des objectifs clairement déclinés, tout en explorant de nouveaux champs d’action à partir de notre expertise et de nos savoirs faire. Aussi je confie à Monsieur Liotard, Directeur général, le soin de procéder à sa mise en œuvre et de présenter, à l’occasion de notre prochaine Assemblée générale, les étapes d’une démarche dont la dimension prospective est essentielle. Ainsi, chacun d’entre vous, et nos partenaires, s’appuiera sur un socle institutionnel stable et résolument orienté vers l’avenir, renforcé par des stratégies d’actions à portée pluriannuelle. Enfin, et ce n’est pas le moins important, notre Association ne serait pas ce qu’elle est si son Conseil d’administration n’était pas aussi uni et dynamique et si son personnel ne travaillait pas avec autant de dévouement et d’intelligence. Que vous toutes et vous tous, soyez en vivement et chaleureusement remerciés. 2013-724 Bernard Landouzy
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Vie du droit
Société de législation comparée
La codification du droit privé et l’évolution du droit de l’arbitrage Journées franco-sudaméricaines de droit comparé, Paris - 3/4 octobre 2013 Les 3 et 4 octobre 2013 se sont tenues à l’Université Paris-Dauphine, dans la salle Raymond Aron, les journées francosudaméricaines de droit comparé organisées par la section Amérique latine de la Société de législation comparée, l’Asociación Argentina de Derecho Comparado, l’Institut Droit Dauphine, le Comité Français de l’Arbitrage et l’École de Droit de Sciences Po. Le colloque a été piloté par Diego Fernández Arroyo, professeur à l’Ecole de droit de Sciences-Po et Joël Monéger, professeur à l’Ecole de droit de Paris-Dauphine.
La première journée du colloque a été consacrée à la codification : à celle du droit civil et commercial en Argentine, au regard du projet de réforme du Code civil, préparé par plusieurs des intervenants présents au colloque, et aux questions posées par la codification en France et au sein de l’Union européenne. La question centrale était celle des besoins, enjeux et difficultés de la codification des droits civil et commercial, au début du 21e siècle. Bénédicte Fauvarque- Cosson, de l’Université Panthéon-Assas Paris II, Christophe Jamin, de l’École de Droit de Sciences Po, et Aída Kemelmajer de Carlucci, de l’Université de Mendoza ont, successivement, évoqué la difficile mesure des besoins de codification, d’évaluer les enjeux et la pertinence de nouveaux codes. Bénédicte Fauvarque-Cosson, pour le droit civil et commercial français, et Aída Kemelmajer de Carlucci, pour le droit argentin, ont montré, que les besoins étaient très importants. Elles ont souligné que si l’art de la codification avait évolué, la réalisation de codes répondait à l’impérieuse exigence d’accessibilité au droit
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pour les citoyens et l’ensemble des opérateurs économiques. L’exemple du travail réalisé pour établir un nouveau code civil et commercial argentin, par une commission présidée par M. Ricardo Lorenzetti avec Mmes Elena Highton de Nolasco et Aída Kemelmajer de Carlucci au cours des années 2011-2012, a permis l’audition d’un nombre considérable de professeurs de droit argentins et étrangers et la reconstruction de ce code, sur le modèle du code unique italien, pourrait être une source d’inspiration pour la France et l’Union européenne. L’essentiel a été de construire de conserve, sans querelle excessive, mais non sans passion car, comme ce fut déjà le cas lors de l’élaboration du code en 1869, la diversité des opinions a été un élément de croisement des regards sur le droit pour aboutir à une construction cohérente, à un code ancré dans les principes constitutionnels. Dans un titre préliminaire, que l’on aimerait voir inséré dans le Code civil français, sont énoncés les principes cardinaux de lecture du droit, par les juges et les sujets de droit, les modes d’exercice des droits : bonne foi, abus de droit, abus de position dominante (modernité oblige), ordre public, fraude à la loi, droit de l’environnement et droits collectifs. Les auditeurs ont appris beaucoup en écoutant Aída Kemelmajer de Carlucci. Il en a été de même du débat entre Bénédicte Fauvarque-Cosson et Christophe Jamin. La première a montré à la fois l’impérieux besoin
Joël Monéger
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aurent Batsch, président de l’Université Paris-Dauphine, en ouvrant le colloque en espagnol, a souligné l’ouverture au monde de son université et notamment des développements importants réalisés au cours des années récentes par l’Institut Droit Dauphine sous l’impulsion de son directeur, Joël Monéger, aujourd’hui co-organisateur avec le Professeur Diego Fernández Arroyo de l’Ecole de droit de Sciences Po, de ces journées. Bénédicte Fauvarque-Cosson, président de la Société de législation comparée, et Julio César Rivera, ancien président de l’Asociación Argentina de Derecho Comparado et professeur à l’Université de Buenos-Aires ont souligné l’un et l’autre, l’ancienneté des relations entre les deux sociétés et les deux pays. Le Code civil argentin est, notamment, un code qui conserve une forte filiation avec les principes du droit civil français, tant sur la méthode que sur la substance. Dès 1948, les deux sociétés ont établi des liens très forts et les deux présidents ont souligné l’intérêt renouvelé des échanges. Ces journées parisiennes font suite aux journées tenues à Buenos Aires, il y a deux ans.
de codifier, ne serait-ce que parce que le droit supplétif est un instrument utile pour les parties à un acte juridique qui ne peuvent ou ne veulent tout prévoir et les difficultés qu’il pouvait y avoir à codifier trop tôt ou les dangers de trop tarder. Bénédicte Fauvarque-Cosson a souligné, en particulier, combien cela était difficile au sein de l’Union européenne de codifier le droit civil, voire le seul droit des contrats. Finalement, la voie des «petits pas», chère à Jean Monnet et Robert Schuman, les pères fondateurs de l’Union de l’Europe, est la méthode à suivre, car nul n’ignore, même si cela n’est pas mesuré avec précision, qu’un droit unique sur un marché unique serait un facteur de réduction des coûts de transaction. Elle a montré que le temps était plus au droit «souple», à l’énoncé de principes et de standards, qu’à une unification systématique qui peut irriter. C’est aussi le cas des lois modèles telles que la CNUDCI les propose. Christophe Jamin a, pour sa part, sans être réticent au principe même de codification, voulu en montrer les limites. Il lui semble que le code pour le Code est une méthode dépassée. L’imaginaire attaché au code est daté. Pour lui, et en cela il rejoint Bénédicte Fauvarque-Cosson, son expérience de membre de la Commission de codification, et une réflexion épistémologique, il est des pans entiers de réglementation qui restent allergiques au principe même de la codification. Pour Christophe Jamin, s’appuyant sur les travaux de Denys de Béchillon ou encore Duncan Kennedy, les concepts gardent leur apparence, mais leur contenu est recontextualisé. Il sera d’ailleurs noté, plus tard dans cette journée, que même le projet de code civil argentin n’a pas pu tout appréhender. Nombre de lois complémentaires subsistent hors le code. Comme l’a dit Aída Kemelmajer de Carlucci : « Codifier, c’est innover, mais c’est aussi conserver ». L’équilibre est souvent bien difficile à trouver car « la codification n’est pas une chose aisée » écrit M. Ricardo Luis Lorenzetti, dans sa préface au projet de code civil et commercial argentin. Mais, nul ne peut nier que le code est un moyen d’accès au droit. De même, le code est un acte d’autorité, un choix social de sécurité. Selon Mme de Carlucci le code offre la certitude face à l’incertitude. Reste, comme le rapporteur général de la journée le remarquera, plus tard dans l’après-midi, en s’inspirant des réflexions de Galileo à propos de la Terre, dire qu’il faut limiter la codification,
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Vie du droit
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Julio César Rivera, Jean-Pierre Ancel, Diego Fernández Arroyo, Joël Monéger, Bénédicte Fauvarque-Cosson et Christophe Jamin
voire en nier l’intérêt : «Et pourtant l’on a jamais autant codifié, que ce soit en Afrique, en Asie, dans les Amériques du sud et du nord ou en Europe». Ce dernier ajoutait d’ailleurs, avec une pointe d’étonnement, qu’aucun des acteurs privés de codification n’avait été cité. Or, si les codes publiés par les éditeurs privés sont si prisés, c’est sans doute, que les praticiens du droit en ont un besoin quotidien !
La deuxième table ronde a été consacrée à la codification du droit de la famille. Graciela Medina, de l’Université de Buenos Aires, Anne-Marie Leroyer, de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne ont présenté sous la présidence de Françoise Monéger, ancien conseiller S.E. à la Cour de cassation, leurs points de vue sur ce thème. Graciela Medina a examiné la confection du livre 2, consacré au droit de la famille, du projet de code civil de 2012. D’abord, elle souligne la place importante accordée aux principes d’égalité et de liberté entre les époux. Ensuite, elle insiste sur les traits marquants de cette réforme : mariage ouvert à tous (ce qui est déjà le droit positif), suppression du divorce pour faute ce qui entraîne la disparition de l’obligation de fidélité en tant qu’obligation juridique, mise en place d’une pluralité de régimes matrimoniaux, tout en précisant que l’article 463 du projet de code dispose qu’à défaut d’option pour un régime particulier, le régime de communauté d’acquêts s’applique. Enfin, elle indique que les «pactes de vie» commune (pactos de convivencia) sont fondés sur la liberté contractuelle dans les limites de l’ordre public. Elle observe que le projet de code prévoit une compensation pécuniaire en cas de rupture si un déséquilibre manifeste de ressources existe. Elle termine en indiquant qu’il y a toujours une forte réserve du droit argentin et de la société civile à l’égard de l’adoption. Anne-Marie Leroyer a montré que l’un des problèmes majeurs d’une codification du droit de la famille en France est l’éclatement de ce droit entre plusieurs codes : le code civil, le code
de la famille et de l’aide sociale et le code de la santé publique sans compter les diverses lois non codifiées à ce jour ainsi que les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme ; et plusieurs sources de législation utilisant des vocabulaires et des concepts différents. A bien des égards, le droit de la famille s’inscrit dans une démarche plus politique que juridique. Cela se constate au travers du vocabulaire. Celui-ci change. Il pénètre parfois le droit sans un contenu déterminé et telle la cellule extérieure injecté dans un corps qui ne la connaît pas, ronge les concepts reçus jusqu’alors. Elle donne l’exemple du mot parentalité, terme nomade venu de la psychologie qui instille une relation totalement différente de celle que le Code civil apparaît conserver. Pour elle, la codification du droit de la famille risquerait de conduire à un recul plus qu’à un progrès, en raison des compromis inévitables entre les différents ministères concernés. Elle insiste, ensuite, sur l’inadaptation du plan du Code civil aux évolutions actuelles du droit de la filiation et du mariage.
La troisième table ronde a été consacrée au droit patrimonial, sous la présidence de Gérard Canalès, ancien président de la Chambre des notaires de Paris et ancien vice-président de la Chambre nationale des notaires. Ignacio Escuti de l’Université Nationale de Córdoba et Arnaud Cermolacce de l’Université de Lorraine ont présenté les traits saillants de deux aspects du droit patrimonial. D’abord, Ignacio Escutti a choisi, au sein des divers champs du droit patrimonial, le droit commercial. Il part de l’idée d’un retour à la contractualisation du droit et d’un déplacement croissant de l’ordre impératif du droit des sociétés vers le droit des marchés. Ensuite, il souligne que l’inadéquation du droit commercial positif aux réalités économiques, nationales ou internationales provoque une rupture idéologique et psychologique vers les droits dominants ; ce qui accentue le phénomène de décodification. Enfin, en abordant le projet de code civil et commercial de 2012, il montre
combien il est difficile de se vouloir législateur national dans un monde global. A cet égard, il lui semble que le projet peine à importer et à naturaliser les modes d’organisation patrimoniale appropriés au droit des sociétés. Arnaud Cermolacce prend une orientation différente. Il axe son propos sur le droit patrimonial de la famille, en indiquant, à titre préliminaire, que la notion de droit patrimonial, comme l’avait souligné dans son introduction, Me Gérard Canalès, n’est pas clairement définie. Il y a une multitude de domaines, une pluralité de codificateurs. Le droit patrimonial, c’est tantôt, le droit des biens, le droit fiscal, le droit des sociétés, le droit des époux, le droit des successions et que telle ou telle branche ne peut être examinée sans l’observation croisée des autres. Le droit patrimonial peut-il être codifié ? Comment peut-il l’être ? s’interroge Arnaud Cermolacce. C’est à nouveau le débat lancé par Bénédicte Fauvarque-Cosson et Christophe Jamin qui resurgit. Pour Arnaud Cermolacce, au départ, une codification unitaire existait pour un droit unifié. La fiscalité n’avait pas pénétré la matière. Le droit des sociétés était balbutiant. Il était soit purement contractuel, soit purement réglementaire. Le Code civil reste au cœur du droit patrimonial. Il en est la matrice fondamentale. En 1804, le droit des biens s’imposait dans le code exprimé au travers du droit de la propriété et de ces dérivés ou démembrements et au service et au travers de la famille. On a peu touché au Code civil ; mais les dispositions ont évolué dans le Code. Celui-ci suit les mœurs pour la famille, même dans les aspects patrimoniaux. Il faudra deux siècles pour que soient consacrées d’importantes modifications du droit patrimonial de la famille. En particulier, et cela rejoint l’observation d’Ignacio Escutti, le droit patrimonial de la famille se contractualise s’agissant de la protection des personnes, des stipulations matrimoniales, des libéralités et du partage. Ces réformes restent inscrites dans le Code civil ; un peu comme dans le code argentin de 2012. Cela dit, Arnaud Cermolacce relève un phénomène de codification multiple au travers de codes éclatés. Cela a été relevé par Anne-Marie Leroyer pour le droit de la famille.
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La dernière table ronde a été réservée au droit international privé. Sous la présidence de Caroline Kleiner de l’Université de Strasbourg, le dualisme des droits exposés devient clair après les exposés de María Susana Najurieta de l’Université de Buenos Aires et juge à la cour d’appel fédérale de Buenos-Aires, et de Louis Perreau-Saussine de l’Université Paris-Dauphine. María Susana Najurieta relève dès le début de son propos que le Code civil argentin dès l’origine avait, sous l’impulsion de Vélez Sàrsfield, inscrit le droit international privé dans ses dispositions. La question de la codification ne semble pas, a priori, se poser. C’est celle de sa mise en harmonie avec les exigences du temps, de sa recodification qui se pose. Les projets se succèdent : un très beau projet en 1974, dû à Werner Goldschmidt, faisait de la tolérance le principe cardinal de la mise en œuvre en Argentine des normes régissant les conflits de lois et de juridictions ; un projet de code codification autonome, en 2003, avant de revenir à un code civil généraliste embrassant tous les domaines, en 2012. Dans ce projet, comme dans ce colloque, le droit international privé est l’ultime titre du code dans le livre consacré aux dispositions communes aux droits personnels et réels. Il comporte près de quatre-vingt articles couvrant les modalités d’application du droit étranger devant les juridictions argentines, le renvoi, la fraude à la loi, l’ordre public, les règles relatives à la compétence internationale et des dispositions particulières s’agissant des personnes, des unions, de la filiation, de l’adoption, de la responsabilité parentale, des restitutions des enfants victimes d’enlèvement, des successions, des contrats, de la responsabilité, etc… Madame Najurieta observe que le principe de tolérance, suggéré par Werner Goldschmidt, est inscrit à l’article 2600 pour n’éliminer, au nom de l’ordre public argentin, les dispositions des lois étrangères, que si elles conduisent à des solutions incompatibles avec les principes fondamentaux qui inspirent l’ordre juridique argentin. S’agissant des normes étrangères, le code civil disposera, s’il est finalement publié, que les situations liées à différents ordres juridiques seront réglées selon les traités et conventions internationales applicables et, à défaut, les dispositions du droit argentin inscrites dans ce titre du Code civil. Maria Susana Najurieta précise alors que le code prévoit aussi que le juge
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confronté à différentes dispositions émanant de plusieurs Etats, se doit de les concilier et de les adapter pour respecter, autant que faire se peut, les différentes finalités envisagées par chacun d’eux. Sans pouvoir entrer dans le détail des dispositions, Maria Susana Najurieta souligne, ce qui est assez remarquable, qu’il existe dans le droit international privé argentin, un véritable corpus propre au droit des enfants, s’agissant de l’adoption internationale ou de l’enlèvement d’enfants. Elle conclue en observant combien il est difficile de concilier le souvenir d’hier, le droit d’aujourd’hui, et le rêve de demain. Elle fait sienne la formule de Madame Gaudemet-Tallon que le juge en appliquant le droit international privé reste le funambule qui tente de maintenir l’équilibre entre le mouvement, la prévision et la sécurité. Louis Perreau-Saussine s’interroge sur la codification du droit international privé français. Pour lui, il peut paraître étrange que le pays du Code, n’ait pas codifié son droit international privé, sauf quelques dispositions minimalistes. Il s’interroge sur la pertinence d’une codification nationale ou d’une codification européenne. S’agissant de la première idée, il rappelle les échecs de Niboyet (1950), Batiffol (1959) et Foyer (1967). Il les explique par l’absence de volonté politique et de besoin social. Il ajoute qu’il y a une jurisprudence qui, appuyée par la doctrine, créé une sorte de code de règles et principes généraux. Il considère que la codification nationale ne semble pas nécessaire pour le futur car les règlements européens, la jurisprudence des Cours européennes de Luxembourg et de Strasbourg contribuent à l’émergence d’une codification originale. La codification européenne du droit international privé serait-elle la panacée, s’interroge-t-il ? Le pour et le contre se balancent dans son esprit. Pour : la volonté politique existe sans nul doute, les règlements sont bien adoptés au niveau européen – moins quelques Etats -; le Parlement européen est convaincu de la nécessité d’un code. Contre : le code est un symbole et il risque de lui manquer l’identité européenne, encore en devenir ; le champ d’application de la codification européenne demeure incertain ; le consensus pour un nouvel équilibre entre le droit de l’Union et les droits des Etats lui semble incertain. Louis Perreau-Saussine en conclut qu’il faut d’abord clarifier, réfléchir et trouver la voie des évolutions à pas comptés.
Diego Fernández Arroyo
En définitive, les rapporteurs de cette journée, constatent que les idées majeures dégagées au départ se trouvent illustrées dans les différents domaines observés, avec une persistance plus grande en Argentine du besoin de code, de la croyance dans le code, alors que les intervenants français sont restés, au pays du code, incertains ou du moins convaincus que si l’outil reste de première importance, l’imaginaire semble moins fort. La formule de Jean Carbonnier qui faisait du Code civil, la constitution civile des Français apparaît aujourd’hui dépassée. C’est sans doute, par et dans l’Europe, à petits pas, par l’émergence de principes, de standards et de méthodes communs à tous que se forgera le «Code» de demain. La prudence des intervenants quant à l’affirmation d’un nouveau credo est notable.
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Les mêmes critiques peuvent être formulées. Même si l’on reste dans le corpus du Code civil, nombre de réformes (prescription, fiducie), changent d’axes de référence ou de substance. Le droit des biens, par exemple aurait dû accueillir la fiducie, les normes patrimoniales du Pacs. Le mariage pour tous a des effets patrimoniaux mal maîtrisés dans un code de structure ancienne. S’y ajoute, comme l’observait Christophe Jamin et Anne-Marie Leroyer, une multiplication des codes relatifs au patrimoine : le droit de l’urbanisme, le droit de l’environnement, le code des assurances, le droit fiscal. Alors, pour Arnaud Cermolacce, il semble bien difficile de parler de codification du droit patrimonial, sauf à limiter le sens des mots, à la seule méthode de présentation dispersée. Reste aux praticiens et aux destinataires des normes multiples à apprendre comment jongler avec une pluralité de codes et la diversité de sens des mots.
La seconde journée du colloque a été consacrée à l’évolution législative et jurisprudentielle de l’arbitrage et à la codification du droit de l’arbitrage. Qui mieux que Jean-Pierre Ancel, président de chambre (h.) à la Cour de cassation, pour présider à la première session qui a vu Julio César Rivera de l’Université de Buenos Aires et Jacques Pellerin, avocat, débattre de la codification du droit de l’arbitrage. Ce dernier a présenté le décret, dans sa genèse et dans sa substance, montrant sa modernité, sa souplesse et son efficacité. Il a conclu que le nouveau droit élaboré initialement par les praticiens de l’arbitrage et, en particulier, le comité français de l’arbitrage, avait gagné en précision lors de son séjour, un peu long semble-til, sur la table de la direction des affaires civiles et du sceau, maître s’il en est de la rédaction des textes. Le décret a eu aussi la chance de ne pas appartenir au champ de compétence constitutionnelle du parlement. Il est en effet, plus aisé de conserver une cohérence sémantique et technique lorsqu’un seul auteur est là et non chacun des députés et sénateurs avides d’inscrire leur apport dans un domaine où parfois leur légitimité politique n’est pas renforcée par leur connaissance technique du domaine examiné. Il sera dit par Eric Loquin dans sa synthèse, en fin de journée, qu’il aurait fallu ajouter que les choix du gouvernement français intégraient l’existence du marché international de l’arbitrage et la volonté de garder Paris comme capitale de l’arbitrage international. Sans aucun doute, Jacques Pellerin n’a pas voulu l’ignorer ; mais cela lui a vraisemblablement semblé appartenir plus aux raisons d’agir qu’au résultat de l’action codificatrice. Comme l’observe Jacques Pellerin et plus tard, Eric Loquin, le texte, inséré au code de procédure civile français, est riche de dispositions dont le contenu frise l’évidence. Ainsi en serait-il de l’obligation de loyauté des parties et des arbitres ; du principe de l’égalité entre les parties dans l’arbitrage. En effet, le droit commun procédural et l’obligation de respecter le principe du contradictoire, comme celui de l’impartialité suffisent. Le décret est ainsi venu consacrer la jurisprudence que les décrets de 1980 et de 1981 n’avaient pas envisagée. Un des exemples frappant est celui de la clause compromissoire. La référence au juge d’appui en est une autre. Née de la jurisprudence, elle se trouve consacrée et renforce l’efficacité et la sécurité juridiques pour les parties à l’arbitrage comme celle des arbitres. La disparition de
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La deuxième session a été consacrée au rôle de l’arbitre sous la présidence de François-Xavier Train de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, avec les présentations d’Horacio Roitman de l’Université de Córdoba, d’Yves Derains, avocat, et de Christian Albanesi, de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI. Horacio Roitman a montré que les règles de l’arbitrage, les pratiques et les décisions des juges ne vont pas vraiment dans le sens du développement de l’arbitrage en Argentine, à la différence de ce qui se pratique en France. Toutefois, et c’est là un élément d’évolution très intéressant qui n’est pas sans rappeler les premières décisions françaises en ce domaine, il a indiqué que la Cour d’appel fédérale de Buenos Aires a su dire qu’il y avait une autonomie de la clause d’arbitrage, et ce même si le code n’en dit rien. C’est toujours le juge qui va scruter la sentence pour déterminer si les dispositions de l’ordre public argentin sont respectées. L’arbitre n’est pas à l’abri des vents extérieurs, c’est là une évidence qu’il est difficile de nier. Le monde de l’arbitrage prend parfois l’apparence d’un club d’expert du commerce international ou du droit interne lorsque la clause compromissoire ne vise qu’un contrat régi par la loi nationale. L’indépendance devient nécessaire. Yves Derains a bien décrit l’évolution de la jurisprudence française en la matière vers plus de rigueur. Les déclarations d’indépendance ont fleuri depuis quelques années après que les coups de semonce de la Cour de cassation ont conduit les praticiens à plus de transparence et d’indépendance. Il est certain que la modération doit se conjuguer avec la rigueur. Les parties doivent savoir si les arbitres désignés ont une distance suffisante à leur égard
et, en particulier, qu’ils ne se trouvent pas être des «mandataires» de la partie qui les désigne. Il faut que la révélation puisse avoir une influence sur la nature et le degré d’indépendance. A l’inverse, comme le souligne YvesDerains,aucune personne présente dans cette salle ne sera tenue de préciser qu’elle a participé à ce colloque. Là encore, la méthode de la CCI avec des standards évite les différentes perceptions, selon que l’on découvre l’arbitrage, en particulier international, ou que l’on est une personne chevronnée, habituée à recourir à cette méthode de solution des litiges. Yves Derains a souligné les difficultés en ce domaine et a eu des développements intéressants sur ce qu’il a appelé l’arbitre «terroriste» qui, dès le début de l’arbitrage, entend saper celui-ci. Il a aussi indiqué que parfois l’arbitre savant, l’arbitre d’expérience apportait des moyens d’apaisement bienvenus… Peut-être serait-il bon de mieux réguler le contrat d’arbitre dira en conclusion Eric Loquin.
L’exécution des sentences arbitrales étrangères est une question de première importance dans la pratique. Sous la présidence de Beatriz Burghetto, avocat, Paul Arrighi de l’Université de Montevideo et Jérôme Orstcheidt, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, ont exposé la question avec un souci des détails tout à fait remarquable. A l’évidence, Jérôme Ortscheidt connait la matière dans ses moindres recoins et a montré les lacunes du droit français en dépit du caractère très récent de la réforme. Il en est ainsi de la question de la suspension de l’exécution de la sentence ou encore de la procédure d’exequatur qui ne connaît pas le principe du contradictoire. Est-ce une bonne solution ? Les avis ont semblé partagés. Certains pensent qu’il serait préférable de développer la contradiction à ce stade car, à défaut, le débat reprendra lorsque la sentence sera contestée devant la cour. Ne serait-il pas mieux d’avoir un contradictoire, dira Eric Loquin dans son propos conclusif de la journée ; mais avec la prudence de ne pas trancher. D’autres préfèrent le respect du contradictoire afin de ne pas retarder l’exécution. Paul Arrighi dira de son côté qu’il y a encore un long chemin à parcourir pour installer l’arbitrage dans son pays et combien est importante la formation des personnes dans ce domaine particulier. Pour certains encore, il semblerait pertinent que le contrôle de la flagrance de la violation de l’ordre public puisse se faire dès que celui-ci est violé. Sur cette question, Diego Fernández Arroyo, dans ses mots conclusifs, a insisté sur le fait que l’exécution des sentences privées ne rencontre pas de véritables difficultés. Ce qui n’est pas le cas avec les sentences CIRDI.
Le dernier thème retenu par les organisateurs était celui de l’arbitrage d’investissements. Sous la présidence de Sébastien Manciaux de l’Université de Bourgogne, José Manuel Garcia Represa avocat et Sophie Lemaire de l’Université Paris-Dauphine ont montré l’importance croissante de ce mode d’arbitrage. Ici, comme le dit José Manuel Garcia Represa,
c’est un mode très original. Il ne résulte pas au sens strict de la volonté des parties intéressées, mais des Etats impliqués par les contrats et les traités qu’ils ont signés et ratifiés. Même si ce mécanisme de règlement des litiges doit, à strictement parlé, être détaché du droit de l’arbitrage, José Manuel Garcia Represa souligne que cela permet un accès à un mode de solution des litiges qui montre que le principe du développement de l’arbitrage est acquis. Cela signifie aussi qu’une formation plus approfondie des négociateurs des traités bilatéraux d’investissements, comme des arbitres, doit être mise en place. Diego Fernández Arroyo souligne que ce qui est vraiment important est la formation des juges en matière d’arbitrage, en remarquant l’activité développée par l’organisation des Etats américains dans ce sens. Restait à Sophie Lemaire à développer la question du point de vue français et européen. Après que Sophie Lemaire a indiqué qu’une seule affaire récente existait (aff. Postova Banka c. Grèce : CIRDI arb 13/8) et qu’il était trop tôt pour en dire quoique ce soit, les auditeurs ont frissonné. A deux points de vue : quantitatif d’abord ; qualitatif, ensuite. 1200 traités d’investissements ont été signés par les Etats membres de l’Union européenne et la France est partie prenante dans au moins cent traités avec des Etats tiers. Ensuite, depuis le Traité de Lisbonne en vigueur en décembre 2009, les traités sont de la seule compétence de l’Union et c’est à la Commission européenne d’agir au nom de celle-ci (art. 207 §1). A titre d’exemple, un traité de l’UE avec le Pérou est entré tout récemment en vigueur. A titre transitoire, les Traités signés par les Etats membres conservent leur force juridique survivent (Règl. n°1219/2012 du 12-12-2012). La question la plus délicate, actuellement, est celle de savoir comment gérer la question de la primauté du droit de l’Union entre les Etats membres. En effet, les 190 traités signés dans les années 1990 entre les Etats membres et les Etats de l’Est de l’Europe sont-ils compatibles avec les dispositions du droit de l’UE qui s’imposent à tous les Etats à compter de leur intégration au sein de l’Union ? Sophie Lemaire rappelle que la convention de Vienne sur les Traités devrait conduire à constater l’extinction des Traités antérieurs. Seules deux décisions juridictionnelles ont été rendues : l’une en 2007 (Eastern Sugar c. Rép. tchèque) qui constate l’extinction du traité antérieur et donne compétence à la Cour de justice de l’UE car aucune discrimination n’est plus possible ; l’autre rendue par la Cour d’appel de Francfort, le 10 mai 2012, qui prend la position inverse, en jugeant que les parties au litige n’étaient ni parties au traité entre les deux Etats, ni à celui de Lisbonne de 2009. Que faire primer : le traité ou le droit de l’UE, s’interroge Sophie Lemaire ? Bien difficile de trancher. Il faut que la CJUE soit invitée à éclairer les juges nationaux sur la survie du traité ancien. En l’état du droit, deux décisions CIRDI sont contradictoires (AES c. Hongrie, 23 sept. 2010 ; Electrabel c. Hongrie, 30 nov. 2012). La première considère qu’il y a primauté du Traité sur la Charte de l’énergie, car le droit de l’UE n’est, au regard du raisonnement en l’espèce, que du fait et ne peut justifier la violation du Traité initial. La seconde pose, à l’inverse, la primauté du droit de l’UE. La question qui va alors se poser est celle de la responsabilité de l’UE car l’Etat signataire n’est pas responsable à lui seul des normes de droit édictées par les institutions européennes. 2013-723 Joël Monéger et Diego Fernández Arroyo
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Jurisprudence
Les « Malgré-nous » : les limites de la liberté d’expression ? Cour de cassation, 16 octobre 2013 - Pourvoi numéro P 12-35.434
Dans son livre « Oradour- sur-Glane, le drame heure par heure » paru en 1992, Robert Hebras écrivait que, « parmi les hommes de main, il y avait quelques Alsaciens enrôlés soi-disant de force dans les unités SS », phrase modifiée lors de la réédition de son livre en 2004 « dans un souci de réconciliation avec l’Alsace ». Mais en 2008, un nouveau tirage, dont il ne serait pas à l’origine, reprit la première version, d’où la plainte de deux associations de « Malgré-nous » alsaciens. Débouté en première instance à Strasbourg en 2010, Robert Hebras a été condamné par la Cour d’appel de Colmar le 14 septembre 2012 à verser un euro symbolique de dommages et intérêts et 10 000 € au titre des frais de justice pour avoir contesté une « vérité historiquement et judiciairement établie ». Il s’est pourvu en cassation et la Cour suprême a rendu sa décision le 16 octobre 2013. Suivant les conclusions de l’avocat général, la Cour a cassé cette condamnation estimant que l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, sur la liberté d’expression, avait été violé. Chloé Grenadou
Sur le moyen unique : Vu l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les associations des évadés et incorporés de force du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont assigné M. Hebras, survivant du massacre perpétré en limousin le 10 juin 1944, en qualité d’auteur de l’ouvrage intitulé « Oradour-sur-Glane – Le drame heure par heure », ainsi que la société Les chemins de la mémoire, éditeur de l’ouvrage contenant le passage suivant : « au procès de Bordeaux, furent également jugés les Alsaciens (13 sur 21 prévenus) qui étaient, lors du massacre les hommes de main qui exécutèrent les ordres de leurs supérieurs hiérarchiques. Tous prétendirent avoir été enrôlés de force dans le corps SS. Je me permets d’apporter une nuance à cette affirmation. Lorsque les Allemands annexèrent l’Alsace et la Lorraine, il est certain que des jeunes furent pris de force pour aller combattre sur les fronts. Hormis sans doute quelques volontaires isolés, on ne constata pas la présence de Lorrains parmi les SS. Alors pourquoi des Alsaciens ? Je porterais à croire que ces enrôlés de force fussent tout simplement des volontaires » ; Attendu que pour accueillir les demandes des associations prétendant qu’avaient été dépassées les limites de la liberté d’expression en mettant en doute le caractère forcé de l’incorporation des Alsaciens dans les unités allemandes des Waffen SS, notamment ceux ayant participé ou assisté au crime de guerre commis en ces lieu et date, l’arrêt attaqué énonce que les commentaires de M. Hebras ne peuvent pas être assimilés à un témoignage et tendent davantage à poursuivre une polémique née après la guerre et opposant pendant des décennies le Limousin à l’Alsace, qu’il est en effet un fait historique constant qu’à partir d’août 1942, les Alsaciens ont été incorporés de force dans l’armée allemande, sous peine de graves mesures de rétorsion, qu’à partir de février 1944 le Gauleiter Wagner, qui concentrait tous les pouvoirs en Alsace, a étendu cet enrôlement forcé aux unités SS, contrairement au Gauleiter Burckel en Moselle, ce qui explique l’absence des Mosellans dans ces unités, que M. Hebras a déduit à tort de cette circonstance que les Alsaciens présents à Oradour étaient des volontaires, qu’en outre, le caractère forcé de l’incorporation de treize Alsaciens présents à Oradour le 10 juin 1944, un quatorzième étant volontaire, a été reconnu tant lors du procès tenu à Bordeaux en 1953 que par la loi d’amnistie du 20 février 1953 ; Qu’en statuant ainsi quand les propos litigieux, s’ils ont pu heurter, choquer ou inquiéter les associations demanderesses, ne faisaient qu’exprimer un doute sur une question historique objet de polémique, de sorte qu’ils ne dépassaient pas les limites de la liberté d’expression, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
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Joachim Gauck, Robert Hebras et François Hollande à Oradour-sur-Glane le 4 septembre 2013
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La Cour de cassation, première chambre civile, a rendu l’arrêt suivant :
Vu l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ; Attendu que plus aucun point de droit ne restant à juger, il n’y a pas lieu à renvoi de l’affaire et qu’il convient de débouter les associations de toutes leurs demandes ; Par ces motifs : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 14 septembre 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ; DIT n’y avoir lieu à renvoi ; Déboute l’Association des évadés et incorporés de force du Bas-Rhin ainsi que l’Association des évadés et incorporés de force du Haut-Rhin de leurs demandes ; Les condamne aux dépens lesquels incluent ceux exposés devant les juges du fond ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille treize. Source : www.courdecassation.fr
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Agenda
Vie du droit
Le Barreau de Paris s’exporte à Phnom Penh Campus Asie 2014 - 16 au 18 février 2014 Après le succès de la première édition de Campus Asie 2013, qui a réuni plus de 100 avocats francophones à Ho-Chi-Minh-Ville, au Vietnam, le barreau de Paris installera son Campus Asie 2014 à Phnom Penh, au Cambodge, du 16 au 18 février 2014. Au programme : des modules de formations et d’échanges inédits entre avocats, investisseurs et pouvoirs publics.
C
ampus Asie 2014 a vocation à réunir l’ensemble des avocats français installés en Asie afin de contribuer à l’émergence d’une force collective au service du développement du droit continental dans cette région du monde. Pour Christiane Féral-Schuhl, bâtonnier de Paris : « Avec Campus Asie, j’ai souhaité poursuivre l’ouverture du barreau de Paris à l’international en accompagnant le développement des avocats à l’étranger et en les rapprochant des investisseurs et des décideurs dans des zones géographiques à forte croissance. Après le succès de la 1 ère édition de Campus Asie au Vietnam, je me réjouis que Pierre-Olivier Sur, bâtonnier désigné, et Laurent Martinet, vice-bâtonnier désigné, aient souhaité renouveler cette opération en 2014, en choisissant le Cambodge qui est un pays cher à bon nombre d’avocats du barreau de Paris ». Campus Asie au Cambodge permettra aux avocats, sur trois journées :
Le 24 octobre 2013 Maison du Barreau 2, rue de Harlay 75001 PARIS
l de valider 20 heures de formation continue en participant à des conférences juridiques organisées en partenariat avec l’association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, dont un volet spécial justice pénale internationale avec l’exemple des chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, l de rencontrer des confrères installés en France et en Asie et d’échanger sur le thème de la profession et sur les opportunités du marché asiatique, l de rencontrer des entreprises françaises implantées au Cambodge avec la coopération de l’Ambassade de France au Cambodge, la Chambre de commerce et d’industrie française au Cambodge et les Chambres de commerce et d’industrie en France. Les avocats souhaitant participer à cet évènement sont invités à se rapprocher de Scarlett CramerChevallier, Ordre des avocats de Paris : campusinternational@avocatparis.org 2013-726
Renseignements : 01 42 60 52 52 symposiums@revue-experts.com
Conférence du 3 au 5 novembre 2013 The Mandarin Oriental 500 Brickell Key Drive MIAMI FLODIDE - ETATS-UNIS Renseignements : 01 49 53 30 30 events@iccwbo.org
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COMPAGNIE NATIONALE DES EXPERTS-COMPTABLES 52ème congrès national « L’expertise, la preuve et l’Expert-Comptable de justice » Le 15 novembre 2013 Palais des Congrès 2, Place de la Porte Maillot 75017 PARIS Renseignements : 01 43 18 42 16 www.expertcomptablejudiciaire.org
Le retour des États
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CERCLE DES JURISTES ALSACIENS ET LORRAINS Dîner-débat « Dérives sectaires et internet »
L
Le 21 novembre 2013 Chez Jenny 39, boulevard du Temple 75003 PARIS Renseignements : 01 44 90 17 10 christian.roth@rothpartners.eu
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SOCIÉTÉ DE LÉGISLATION COMPARÉE Droits fondamentaux et gaz de schiste : « Regards croisés d’un géologue et d’un juriste » Conférence le 28 novembre 2013 Conseil constitutionnel 2, rue de Montpensier 75001 PARIS Renseignements : 01 44 39 86 24 caroline.lafeuille@legiscompare.com 2013-732 D.R.
2013-727
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INTERNATIONAL CHAMBER OF COMMERCE International Arbitration in Latin America
Au fil des pages
a mondialisation voulait effacer le rôle des États, mais la crise rappelle leur nécessité. «Les Etats reviennent dans le monde », écrit Michel Guénaire, pour lequel «les Etats ne seront pas que la manifestation d’une puissance nouvelle des nations, mais l’expression de leur identité.» Dans ce livre qui est une fresque historique et politique, Michel Guénaire analyse les types culturels des grands ensembles politigues qui renaissent dans le monde, l’instrument de l’Etat moderne et son action à travers la diplomatie, enfin le rôle des hommes qui conduiront la nouvelle action politique. Ce livre dit et montre ce que les responsables politiques et les intellectuels en Occident ne veulent pas voir, parce que tous continuent de croire à la mondialisation. Un nouveau monde est en train de naître. Cet essai de Michel Guénaire propose de le découvrir. Reconnu et distingué dans la profession d’avocat qu’il exerce, Michel Guénaire poursuit une oeuvre de libéral exigeant contre les dérèglements de la mondialisation. Il a publié notamment Déclin et renaissance du pouvoir (Gallimard, 2002), Il faut terminer la révolution libérale (Flammarion, 2009) et Les deux libéralismes. Anthologie (Perrin, 2011). Le retour des États est son huitième essai. Edition Grasset 395 pages - 21,50 euros
REVUE EXPERTS Symposium « Le secret et son partage »
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Jurisprudence
L’expulsion de gens du voyage, établis de longue date sur des terrains, a violé leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile Cour européenne des droits de l’homme - 17 octobre 2013 Dans son arrêt de chambre, non définitif (1), rendu ce jour dans l’affaire Winterstein et autres c.France (requête no 27013/07), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :Violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme et réserve en entier la question de l’application de l’article 41 (satisfaction équitable). L’affaire concerne une procédure d’expulsion diligentée contre des familles du voyage qui habitaient un lieu-dit depuis de nombreuses années. Les juridictions internes ordonnèrent l’expulsion de ces familles sous astreinte. Ces décisions n’ont pas été exécutées, mais de nombreuses familles ont quitté les lieux. Seules quatre familles ont été relogées en logements sociaux, les terrains familiaux, sur lesquels les autres familles devaient être relogées, n’ayant pas été réalisés. La Cour relève que les juridictions n’ont pas pris en compte l’ancienneté de l’installation, la tolérance de la commune, le droit au logement, les articles 3 et 8 de la Convention et la jurisprudence de la Cour, alors qu’elles admettaient l’absence d’urgence, ou de trouble manifestement illicite en l’affaire. La Cour souligne à cet égard que de nombreux textes internationaux ou adoptés dans le cadre du Conseil de l’Europe insistent sur la nécessité, en cas d’expulsions forcées de Roms ou de gens du voyage, de leur fournir un relogement. Les autorités nationales doivent tenir compte de l’appartenance des requérants à une minorité vulnérable, ce qui implique d’accorder une attention spéciale à leurs besoins et à leur mode de vie propre lorsqu’il s’agit d’envisager des solutions à une occupation illégale des lieux ou de décider d’offres de relogement. Principaux faits Les requérants sont d’une part vingt-cinq ressortissants français, en leur nom et au nom de leurs enfants mineurs et d’autre part le Mouvement ATD Quart Monde. Pour la plupart issus du monde du voyage, les requérants résident sur la commune d’Herblay (Val d’Oise). Le département du Val d’Oise, qui connaît une présence très ancienne des gens du voyage, dispose de deux instruments : un schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage (prévu par les deux lois Besson de 1990 et 2000) et un plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées. Sur la commune d’Herblay résident plus de 2000 personnes du voyage (soit environ 10 % de la population de la commune) réparties sur 400 ou 500 caravanes. Environ quatre cinquièmes de ces caravanes sont en infraction avec le plan d’occupation des sols (POS). En 2000, une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS) fut mise en place pour le relogement des gens du voyage sédentarisés sur la commune. Le schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage 2004-2010 a exonéré la commune d’Herblay, en raison du nombre de caravanes de familles sédentaires qu’elle compte, ainsi qu’en raison du projet de MOUS en cours, de l’obligation de créer une aire d’accueil pour les gens du voyage itinérants. En application de la loi Besson du 5 juillet 2000, le maire d’Herblay adopta en juillet 2003 et en janvier 2005, deux arrêtés interdisant le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage sur l’ensemble de la commune. Les requérants habitaient un lieu-dit à Herblay depuis de nombreuses années ou y étaient nés. Ils faisaient partie d’un groupe de vingt-six familles (quarante-deux adultes et cinquante-trois enfants soit au total quatre-vingt-quinze personnes). Ils étaient établis sur des terrains en qualité de propriétaires, de locataires ou d’occupants sans titre. Sur le plan d’occupation des sols, ces parcelles étaient situées en « zone naturelle qu’il convient de protéger en raison de la qualité du paysage et du caractère des éléments qui le composent ». Cette zone permet le camping-caravaning à condition que les terrains soient aménagés à cette fin ou que les intéressés bénéficient d’une autorisation.
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Le 30 avril et le 11 mai 2004, la commune fit assigner 40 personnes – dont les requérants – devant le juge des référés afin de voir constater l’occupation interdite des lieux et condamner ces quarante personnes à évacuer tous leurs véhicules et caravanes et débarrasser toute construction des lieux moyennant une astreinte de 200 euros par jour de retard. Par ordonnance du 2 juillet 2004, le juge des référés rejeta la demande de la commune. Il considéra qu’il était suffisamment établi que les défendeurs occupaient les terrains depuis de nombreuses années et cela bien antérieurement à la publication du plan d’occupation des sols et que la longue tolérance de la commune, si elle ne constituait pas un droit, ne permettait pas de constater l’urgence ou le trouble manifestement illicite, seuls susceptibles de justifier la compétence du juge des référés. Le juge observa en outre que la commune était soumise à l’obligation édictée par la loi Besson du 5 juillet 2000 de prévoir une aire de stationnement pour les gens du voyage itinérants. En septembre 2004, la commune fit assigner quarante personnes dont les requérants devant le tribunal de grande instance de Pontoise, en formulant les mêmes demandes que devant le juge des référés. Par un jugement du 22 novembre 2004, le tribunal fit droit aux demandes de la commune. Le tribunal jugea qu’en implantant leurs caravanes et cabanes sur les terrains en l’absence d’autorisation ou d’arrêté préfectoral en leur faveur, les défendeurs avaient enfreint le plan d’occupation des sols, exécutoire de plein droit. Le tribunal condamna les défendeurs à évacuer le terrain dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement sous astreinte de 70 EUR chacun par jour de retard. Par un arrêt du 13 octobre 2005, la cour d’appel confirma le jugement en relevant en premier lieu que l’occupation des terrains par les intéressés était contraire au plan d’occupation des sols. Elle estima que l’action de la commune reposait sur un fondement légal tiré du respect de dispositions règlementaires d’intérêt public s’imposant à tous sans discrimination. La cour d’appel ajouta que l’ancienneté de l’occupation des lieux n’était pas constitutive de droit pas plus que la longue tolérance de cette occupation par la commune. Les requérants formèrent un pourvoi en cassation, mais s’en désistèrent en raison du refus d’aide juridictionnelle qui leur fut opposé.
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Jurisprudence A ce jour, la commune d’Herblay n’a pas fait exécuter l’arrêt du 13 octobre 2005, mais nombre de requérants ont quitté les lieux de crainte de son exécution et de la liquidation de l’astreinte. Après l’adoption de cet arrêt, les autorités ont décidé de mener une maîtrise d’oeuvre urbaine et sociale (MOUS) pour l’ensemble des familles concernées par la procédure judiciaire, afin de déterminer la situation de chacune et d’évaluer les possibilités de relogement envisageables. Il ressortait notamment de la MOUS que la plupart des familles souhaitaient être relogées sur des terrains familiaux, petites structures permettant le stationnement de caravanes, que la commune avait prévu d’aménager. A la suite d’une délibération de la HALDE du 22 février 2010 estimant que la dispense accordée à la ville d’Herblay par le schéma départemental n’était pas conforme à la loi Besson, la commune a décidé d’affecter les parcelles prévues pour la création de terrains familiaux à une aire d’accueil pour gens du voyage itinérants. Parmi les requérants, quatre familles ont été relogées selon leur souhait en logement social entre mars et juillet 2008, et deux familles sont parties habiter dans d’autres régions. Les autres requérants, dont seule une minorité est restée sur place, vivent dans la précarité sur des terrains non adaptés dont ils peuvent être chassés à tout moment. Griefs, procédure et composition de la Cour Invoquant en particulier l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), seul et combiné avec l’article 14 (interdiction de la discrimination), les requérants se plaignaient de ce que leur condamnation à l’évacuation du terrain qu’ils occupaient de longue date constituait une violation de leur droit au respect de leur vie privée et familiale ainsi que de leur domicile. La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 13 juin 2007. L’arrêt a été rendu par une chambre de sept juges composée de : Mark Villiger (Liechtenstein), président, Angelika Nußberger (Allemagne), Boštjan M. Zupančič (Slovénie), Ann Power-Forde (Irlande), André Potocki (France), Paul Lemmens (Belgique), Helena Jäderblom (Suède), ainsi que de Claudia Westerdiek, greffière de section. Décision de la Cour Article 8 La Cour observe que les requérants étaient établis depuis de nombreuses années – entre 5 et 30 ans – sur le lieu-dit à Herblay ou y étaient nés. Ils entretenaient des liens suffisamment étroits et continus avec les caravanes, cabanes et bungalows installés sur ces terrains pour que ceux-ci soient considérés comme leurs domiciles, indépendamment de la légalité de cette occupation. La Cour considère que cette affaire met également en jeu le droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale, dans la mesure où, d’une part, la vie en caravane fait partie intégrante de l’identité des gens du voyage et où, d’autre part, il s’agit de l’expulsion d’une communauté de près d’une centaine de personnes, avec des répercussions inévitables sur leur mode de vie et leurs liens sociaux et familiaux. La Cour estime que l’ingérence dans les droits des requérants était prévue par la loi et visait un but légitime, à savoir la défense de l’environnement. Quant à la proportionnalité de l’ingérence, la Cour tient compte des éléments suivants : tout d’abord, la commune d’Herblay a toléré leur présence pendant une longue période avant de chercher à y mettre fin en 2004. Ensuite, le seul motif qui a été avancé par la commune pour demander l’expulsion des requérants tenait au fait que leur présence sur les lieux était contraire au plan d’occupation des sols. La Cour observe que, devant les juridictions internes, les requérants ont soulevé des moyens fondés sur l’ancienneté de leur installation et de la tolérance de la commune, sur le droit au logement, sur les articles 3 et 8 de la Convention et sur la jurisprudence de la Cour.
risque d’en être victime doit en principe pouvoir en faire examiner la proportionnalité par un tribunal. Dans la présente affaire, les juridictions internes ont ordonné l’expulsion des requérants sans avoir analysé la proportionnalité de cette mesure. Elles ont constaté la non-conformité de leur présence sur les terrains au plan d’occupation des sols et ont accordé à cet aspect une importance prépondérante, sans le mettre en balance avec les arguments invoqués par les requérants. La Cour tient cette approche pour problématique car elle ne respecte pas le principe de proportionnalité. L’expulsion des requérants ne pouvait être considérée comme nécessaire dans une société démocratique que si elle répondait à un besoin social impérieux qu’il appartenait en premier lieu aux juridictions nationales d’apprécier. Cette question se posait d’autant plus que les autorités n’avaient avancé aucune explication ni aucun argument quant à la nécessité de l’expulsion : les terrains en cause étaient déjà classés en zone naturelle dans les précédents plans d’occupation des sols, il ne s’agissait pas de terrains communaux faisant l’objet de projets de développement, et il n’y avait pas de droits de tiers en jeu. La Cour considère que les requérants n’ont pas bénéficié d’un examen de la proportionnalité de l’ingérence dans le cadre de la procédure d’expulsion qui les a frappés. Le principe de proportionnalité exigeait aussi qu’une attention particulière soit portée aux conséquences de l’expulsion et au risque que les requérants ne deviennent sans abri. La Cour souligne à cet égard que de nombreux textes internationaux ou adoptés dans le cadre du Conseil de l’Europe insistent sur la nécessité, en cas d’expulsions forcées de Roms ou de gens du voyage, de leur fournir un relogement. Les autorités nationales doivent tenir compte de l’appartenance des requérants à une minorité vulnérable, ce qui implique d’accorder une attention spéciale à leurs besoins et à leur mode de vie propre lorsqu’il s’agit d’envisager des solutions à une occupation illégale des lieux ou de décider d’offres de relogement. La Cour constate que cela n’a été que partiellement le cas en l’espèce. La Cour reconnait que les autorités ont porté une attention suffisante aux besoins des familles qui avaient opté pour un logement social et qui ont été relogées quatre ans après le jugement d’expulsion. La Cour arrive à la conclusion inverse en ce qui concerne les requérants qui avaient demandé un relogement sur les terrains familiaux, car, à l’exception de quatre familles relogées en habitat social et de deux familles parties s’installer dans d’autres régions, les requérants se trouvent tous dans une situation de grande précarité. La Cour estime donc que les autorités n’ont pas porté une attention suffisante aux besoins des familles qui avaient demandé un relogement sur des terrains familiaux. La Cour conclut qu’il y a eu, pour l’ensemble des requérants, violation de l’article 8 dans la mesure où ils n’ont pas bénéficié dans le cadre de la procédure d’expulsion d’un examen convenable de la proportionnalité de l’ingérence dans leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile conforme aux exigences de cet article. Il y a eu également violation de l’article 8 pour ceux des requérants qui avaient demandé un relogement sur des terrains familiaux, leurs besoins n’ayant pas été suffisamment pris en compte. Satisfaction équitable (Article 41) La Cour considère que la question de l’application de l’article 41 ne se trouve pas en état et décide de la réserver en tenant compte de l’éventualité d’un accord entre l’Etat défendeur et les requérants. Source : Cour Européenne des Droits de l’Homme 2013-735
Cependant, la Cour relève que ces aspects n’ont pas été pris en compte dans la procédure au fond.
(1) Conformément aux dispositions des articles 43 et 44 de la Convention, cet arrêt de chambre n’est pas définitif. Dans un délai de trois mois à compter de la date de son prononcé, toute partie peut demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la Cour. En pareil cas, un collège de cinq juges détermine si l’affaire mérite plus ample examen. Si tel est le cas, la Grande Chambre se saisira de l’affaire et rendra un arrêt définitif. Si la demande de renvoi est rejetée, l’arrêt de chambre deviendra définitif à la date de ce rejet. Dès qu’un arrêt devient définitif, il est transmis au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui en surveille l’exécution. Des renseignements supplémentaires sur le processus d’exécution sont consultables à l’adresse suivante : http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution.
La Cour rappelle que la perte d’un logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile. Toute personne qui
La Cour européenne des droits de l’homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950.
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Direct
Signature de la convention « Télérecours » Cour administrative d’appel et Tribunal administratif de Versailles Barreaux des Yvelines et de l’Essonne - Versailles, 7 octobre 2013 Le 7 octobre dernier à Versailles, dans le cadre de la modernisation de l’Etat et du passage à l’administration numérique, a été signée entre la Cour administrative d’appel de Versailles, représentée par sa Présidente Martine de Boisdeffre, et le Tribunal administratif de Versailles, représenté par son Président Guy Roth, d’une part, et d’autre part, les Barreaux des Yvelines et de l’Essonne, représentés par Olivier Fontibus et Zohra Primard, la convention, déclinant localement celle du 5 juin 2013 conclue entre le Conseil d’Etat et le Conseil national des barreaux (Les Annonces de la Seine du 10 juin 2013 page 14) d’engagement de développer l’usage et l’application de Télérecours.
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Zohra Primard, Guy Roth, Martine de Boisdeffre et Olivier Fontibus
A
u terme d’une phase pilote qui a concerné le Conseil d’Etat depuis le 2 avril 2013 et les cours administratives d’appel de Nantes et de Nancy ainsi que des tribunaux de leur ressort depuis le 3 juin 2013, l’utilisation de l’applicationTélérecours va être généralisée à l’ensemble des contentieux et à toutes les juridictions administratives de métropole, à compter du 2 décembre 2013. Cette application informatique est développée sur un site internet dédié à cet usage pour assurer l’échange de tous les actes de la procédure administrative contentieuse entre, d’une part, les juridictions administratives et, d’autre part, les avocats ou les personnes morales de droit public ainsi que les organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public. Après une brève introduction de Madame Martine de Boisdeffre et les interventions de Messieurs Guy Roth et Christophe Boutonnet, directeur des systèmes d’information (DSI) au Conseil d’Etat, Madame Ghaleh-Marzban, chef de bureau d’assistance à maîtrise d’ouvrage à la DSI a présenté l’application et répondu aux nombreuses questions très concrètes des futurs utilisateurs de Télérecours (avocats, administrations de l’Etat et collectivités territoriales). Enfin, Madame Martine de Boisdeffre a rappelé qu’un manuel, concernant cette application destinée aux utilisateurs, était disponible sur le site du Conseil d’Etat. Dans le but d’assurer le développement d’un usage effectif des procédures dématérialisées devant les
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juridictions administratives, ils se sont ainsi engagés à : « - développer l’usage de l’application Télérecours et à réduire, autant qu’il est possible, l’instruction sous forme de communications écrites traditionnelles des procédures dans lesquelles un avocat inscrit dans l’application est constitué, - adresser aux avocats inscrits dans l’application Télérecours leurs communications et notifications, et en particulier les avis d’audience, sous forme électronique, y compris pour les dossiers enregistrés avant la mise en œuvre de l’application ».
faisant écho à la cérémonie qui eut lieu le 30 septembre 2013 à Cergy-Pontoise au cours de laquelle les présidents de la Cour administrative d’appel de Versailles et du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, Martine de Boisdeffre et Jean-Claude Stortz, ont signé une convention avec les Ordres des avocats des Hauts-deSeine, représenté par Olivier Benoît, et celui du Val d’Oise, représenté par Patrick Redon, ayant le même objet. 2013-733 Jean-René Tancrède
Télérecours A compter du 2 décembre 2013, l’utilisation de Télérecours va être généralisée à l’ensemble des contentieux et à toutes les juridictions administratives de métropole. Le décret n°2012-1437 du 21 décembre 2012 relatif à la communication électronique devant le Conseil d’Etat, les Cours administratives d’appel et les Tribunaux administratifs marque une nouvelle étape dans la dématérialisation des procédures de contentieux administratif. Télérecours permet la transmission électronique des requêtes des avocats et des administrations aux juridictions administratives (Conseil d’État, cours administratives d’appel et tribunaux administratifs). Application basée sur les technologies web, Télérecours sera ouverte à tous les avocats
et à toutes les administrations (ainsi qu’aux organismes de droit privé chargés d’une mission de service public tels que les caisses primaires d’assurance maladie) pour l’ensemble des contentieux, quel que soit leur objet et la nature de la procédure. Elle permettra aux parties de transmettre toutes leurs productions (requêtes, mémoires et pièces) et de recevoir tous les actes de procédure émanant de la juridiction (communications, mesures d’instruction, avis d’audience, notification des décisions pour les administrations et transmission de leurs ampliations pour les avocats).
Les parties pourront signer leur production par voie électronique, conformément aux prescriptions de l’article 1316-4 du code civil, si elles disposent d’un certificat électronique. En l’absence de ce certificat, les parties devront conserver un exemplaire écrit de leur dossier. Pour bénéficier de l’application Télérecours, les parties devront préalablement s’y inscrire. Elles figureront alors dans un annuaire national valable devant toutes les juridictions administratives. Elles pourront être ainsi authentifiées à chacune de leurs utilisations de l’application.
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Chronique
Faut-il maintenir le privilège de certains avantages aux seuls Cadres ?
D
epuis un arrêt de la Cour de Cassation du 20 février 2008, on pouvait penser que le principe d’égalité allait mettre fin au maintien d’avantages particuliers accordés aux cadres, au travers d’accords d’entreprise ou de branche, voire de décisions unilatérales.
Mais dans un autre arrêt, du même jour (!) le 13 mars 2013, la Cour de Cassation a semblé vouloir abandonner le syllogisme selon lequel « une différence de catégorie professionnelle ne saurait justifier en elle-même une différence de traitement… », pour estimer que :
Jacques Brouillet
un régime de prévoyance plus favorable aux cadres qu’aux non cadres est justifié « en raison des particularités des régimes de prévoyance (…) qui reposent sur une évaluation des risques garantis en fonction des spécificités de chaque catégorie (…) prenant en compte un objectif de solidarité, et qui requièrent la mise en œuvre d’un organisme extérieur à l’entreprise ». l et que « l’égalité de traitement ne s’applique qu’entre salariés de la même catégorie ». l
Cetteremiseencauses’esteffectivementmanifestée dans un arrêt du 1er juillet 2009, dans lequel la Cour de Cassation condamnait l’attribution de congés payés plus favorables pour les Cadres. l De même dans un arrêt du 13 mars 2013 pour l’attribution d’une indemnité conventionnelle de préavis.
Cette conclusion, pour le moins paradoxale, a été saluée par certains comme étant une bouée de sauvetage lancée aux cadres et à leurs avantages (collectifs et statutaires) particuliers. Onpeut,cependant,s’interrogersurl’(im)pertinence de l’argumentaire développée par la Cour de Cassation concernant ces régimes de prévoyance favorables aux cadres, dès lors, qu’on observe que : l L’évaluation des risques permettant la tarification de l’assurance complémentaire est réalisée en fonction de critères de population collective sans rapport avec le statut cadre ou non, l La notion de solidarité, évoquée par cet arrêt, semblerait plutôt s’opposer à une différence de régime entre catégories. l Toutes les statistiques montrent que l’espérance de vie des cadres, en bonne santé, est incontestablement supérieure à celle des non-cadres ! Ainsi, la question de la justification d’avantages particuliers accordés aux cadres paraît loin d’être réglée par ces arrêts du 13 mars 2013. Et l’on peut se demander si elle résistera aux débats
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Dans cet arrêt, la Cour a, en effet, posé en principe que « une différence de catégories professionnelles ne justifie pas en soi une différence de traitement », en l’occurrence l’attribution de ticket restaurant au seul personnel… non cadre. l Le moindre des paradoxes de cette décision (en apparence favorable aux cadres pour leur accorder un même avantage que celui bénéficiant aux non-cadres) paraissait d’ouvrir, en fait, une remise en cause de ces différences de traitement… bénéficiant plutôt et plus généralement aux Cadres ! l On pouvait, dès lors, douter de la pérennité de cette pratique relevant d’une forme « d’exception culturelle française », admettant des traitements différents, selon les catégories professionnelles parmi lesquelles le « statut cadre » représente, à lui seul, une singularité méconnue par la plupart des autres pays, et notamment au sein de l’UE. Cette spécificité paraissant trouver son origine, sinon sa légitimité, dans l’usage fréquent d’une « Annexe Cadre » dans la plupart des Conventions Collectives… à une époque où cette distinction reposait sur une certaine conception de « classes sociales », sans doute devenue obsolète !
ouverts par les partenaires sociaux à partir de juillet 2013, lors des négociations prévues pour l’extension des complémentaires-santé à tous les salariés ? A suivre, donc… Mais il est sans doute temps de ne plus se contenter de rire benoîtement en citant les propos de Coluche « Nous sommes tous égaux, mais il y en a, qui le sont plus que d’autres », car dans notre devise « Liberté-Egalité-Fraternité », il convient d’admettre qu’il ne saurait y avoir de liberté, sans respect d’une véritable égalité… inspirée elle-même par une réelle fraternité. En fait, n’est-il pas temps de mettre fin à ces différences d’avantages que les salariés peuvent espérer acquérir selon qu’ils sont dans une PME ou une « grosse » entreprise et qu’ils relèvent d’une Convention Collective ou d’une autre ? 2013-734
Oui, je désire m’abonner et recevoir le journal à l’adresse suivante : Me, M. Mme, Mlle :..................................................................... Société :........................................................................................ Rue :............................................................................................. Code postal :............................ Ville :........................................ Téléphone : .............................. Télécopie :................................ E-mail :......................................................................................... Formule à 95 Euros Formule à 35 Euros Formule à 15 Euros
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Les Annonces de la Seine - jeudi 17 octobre 2013 - numĂŠro 59
Annonces judiciaires et légales
- Rectificatif à l’article 2013/706 du 14 octobre 2013 page 1, lire : Pascal Eydoux et non Michel Eydoux.
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- Rectificatif à l’article 2013/721 du 14 octobre 2013 page 32, lire : Ordre du Mérite Civil et non Odre...
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Direct
Les avocats français s’associent aux appels et aux actions de l’abolition de la peine de mort
L
’abolition de la peine de mort est un objectif de justice et une des priorités de l’action diplomatique de la France. Le 10 octobre, à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort, le Conseil national des barreaux rappelle que les avocats, défenseurs des droits et des libertés, jouent un rôle fondamental dans la lutte pour l’abolition de la peine de mort et l’instauration d’un moratoire dans les Etats qui y recourent encore. Il est essentiel de veiller au respect des standards internationaux du procès équitable et des droits de la défense pour les personnes passibles de la peine de mort. A cet égard, les avocats qui défendent des personnes passibles de la peine de mort ne doivent connaître aucune entrave dans leur exercice professionnel ni subir de pressions ou d’intimidations. Le Conseil national des barreaux soutient les avocats qui œuvrent contre la peine de mort. Il encourage le développement de réseaux de lutte contre la peine de mort et appelle les avocats des pays qui la connaissent encore, en fait ou en droit, à identifier et à mobiliser les personnalités et les autorités abolitionnistes. Si chaque année la cause abolitionniste gagne du terrain, la forte mobilisation doit continuer car des Etats (Indonésie, Koweït, Nigéria, Afghanistan et Gambie) qui avaient décidé un moratoire sur les exécutions capitales ont procédé à des exécutions en 2012 et en 2013. Les avocats français encouragent l’adoption d’un moratoire sur les exécutions en tant que première étape vers l’abolition de la peine de mort. Communiqué du Conseil national des Barreaux du 10 octobre 2013
Les Annonces de la Seine - jeudi 17 octobre 2013 - numéro 59
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Décoration
Denis Vilarrubla Chevalier de la Légion d’honneur
C
’est dans la Grand’ Chambre du Tribunal de Commerce de Paris que le Président Frank Gentin accueillait hier les nombreux invités de Denis Vilarrubla afin qu’ils participent à la cérémonie au cours de laquelle son prédécesseur, Christian de Baecque, lui a remis les insignes de Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’honneur. Pour cette heureuse et émouvante manifestation, l’Officiant s’est notamment exprimé en ces termes : (...) « En octobre 1999, Denis Vilarrubla a été élu juge au Tribunal de commerce de Paris. Ce grand travailleur doté de remarquables qualités humaines et intellectuelles, fut très vite apprécié par tous, d’autant que discret, il ne demande jamais rien pour lui ; il accepte toutes les tâches, même les plus ingrates ; il répond toujours présent quand l’un de ses collègues lui demande de l’aide ou de le remplacer ; « servir » pourrait être sa devise. Pour ma part grâce au choix inspiré du Vice Président en charge du roulement 2002, j’ai eu le bonheur de l’avoir dans mon délibéré dans la quinzième chambre, spécialisée en concurrence déloyale et, encore à l’époque, en contrefaçon. Nous avons tout de suite créé de forts liens d’amitié ce qui ne surprendra personne car comment peut-on ne pas être l’ami de Denis ? Je n’ai jamais entendu quelqu’un le critiquer ! Juge de contentieux puis juge
commissaire, il a été en outre volontaire pour occuper de multiples fonctions au Tribunal : juge délégué aux référés, juge délégué aux requêtes, juge délégué à la prévention des difficultés des entreprises et juge délégué au suivi des mesures d’instruction, formateur de ses collègues et également de futurs avocats à l’Ecole de formation du Barreau, trésorier ou secrétaire général de différentes associations proches du Tribunal, le Cercle et l’Affic. (...) Elu Président de ce Tribunal notamment grâce à son soutien indéfectible, je lui ai demandé en outre d’être le Délégué général au contentieux, d’assurer la tâche ingrate du bon fonctionnement quotidien du Tribunal en le nommant « Conseiller du Président chargé de l’optimisation des moyens généraux ». (...) Son affabilité, son humanité, et ses qualités intellectuelles font qu’il a toujours travaillé en bonne entente avec tous les membres du Secrétariat Général comme du Greffe. Vous connaissez la suite : en 2010, Président de la 5 ème chambre, spécialisée dans les tierces oppositions ou les recours contre les ordonnances de juge commissaire, puis en 2011, tout naturellement, Vice-Président de ce Tribunal. Sa disponibilité, sa parfaite connaissance du Tribunal, des juges comme des procédures, et cette grande et rare qualité qu’est l’intelligence du coeur, ont conduit Frank Gentin à le maintenir dans cette lourde responsabilité à la satisfaction
Denis Vilarrubla générale ; Denis est ainsi le premier à être durant trois années, VicePrésident du Tribunal de commerce de Paris. Mon cher Denis, pendant ces quatre merveilleuses années au cours desquelles j’ai eu le grand bonheur de t’avoir tous les jours à mes côtés, j’ai souvent pensé que tu devais intérieurement penser à ces autres vers de Cyrano : « Pendant que je restais en bas dans l’ombre noire, D’autres montaient cueillir le
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Christian de Baecque et Denis Vilarrubla
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Paris - 16 octobre 2013
baiser de la gloire ! Ma vie, Ce fut d’être celui qui souffle et qu’on oublie ! » Mais, mon cher Denis, aujourd’hui tu n’es plus « en bas », au pied de l’estrade mais dessus, tu n’es oublié ni par nous, ni par la République qui vient de te distinguer, non pour tes fonctions actuelles de Vice-Président du Tribunal, mais pour toi, pour l’exemplarité de ta vie, pour tes mérites personnels, pour l’homme d’exception que tu es, travailleur infatigable, altruiste et modeste ; quant à nous, qui sommes tous ici ce soir pour fêter cette reconnaissance justifiée, nous sommes simplement heureux de m’entendre prononcer, pour toi, la formule sacramentelle.(...) Nous adressons nos chaleureuses félicitations à ce magistrat consulaire consciencieux dont la puissance de travail, d’une rare ampleur, lui permet d’être inlassablement engagé au service de l’intérêt général. Apprécié par ses pairs pour son efficacité hors du commun, Denis Vilarrubla est un homme intègre, discret et loyal dont les qualités intrinsèques reflètent un sens profond de l’amitié qui rivalise avec l’amour qu’il porte à sa famille. 2013-739 Jean-René Tancrède
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