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Lundi 21 novembre 2011 - Numéro 64 - 1,15 Euro - 92e année
L’Europe face à la piraterie maritime Marseille - 28 octobre 2011 Gérard Abitbol
VIE DU DROIT
L’Europe face à la piraterie maritime
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La lutte contre la piraterie par Gérard Abitbol .................................... La France se dote d’une fonction garde-côtes par Jean-François Tallec... La situation en Somalie par Laurence Henry et Hervé Tassy .............. L’Union Européenne face à la piraterie maritime : un acteur de premier plan par Jean-Pierre Spitzer ......................... Droit et indemnisation des victimes par Gérard Diane Pinard........
4ème édition de la journée annuelle de l'Institut Français des Administrateurs ........................16
AU JOURNAL OFFICIEL
Avocats intervenant au cours des gardes à vue en matière de terrorisme Décret n°2011-1520 du 14 novembre 2011 JORF n° 0265 du 16 novembre 2011, page 19224 texte n° 26.......
JURISPRUDENCE
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Garde à vue et audition libre Conseil Constitutionnel - 18 novembre 2011 Décision QPC n° 2011-191/194/195/196/197- Mme Elise A. et autres ...
18 ANNONCES LEGALES ...................................................22 DECORATION
Denis Lequai Chevalier de la Légion d’Honneur ........................................32
AU FIL DES PAGES...........................................................32
our célébrer son 25ème anniversaire, l’Union des Avocats Européens a organisé le 28 octobre dernier une Conférence Internationale sur le thème « L’Europe face à la piraterie maritime » au Tribunal de Commerce de Marseille présidée par Denis Viano. Gérard Abitbol, Doyen des Présidents d’Honneur de l’UAE, Avocat au Barreau de Marseille, Président de la Délégation Supranationale Méditerranée Provence Alpes Côte d’Azur Corse Liguria, Jérôme Gavaudan, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats au Barreau de Marseille et Joë Lemmer, Président de l’Union des Avocats Européens, Avocat au Barreau du Luxembourg ont accueilli les nombreux et prestigieux intervenants ayant livré leur regard sur ce sujet d’une brûlante actualité. Le Bureau Maritime International a d’ores et déjà recensé 397 actes de piraterie dans le monde pour l’année 2011, ce qui constitue le chiffre le plus élevé jamais enregistré. Une large majorité de ces faits a été commise au large de la Somalie où les pirates ont détenu 460 otages depuis janvier dernier. Ils mènent des opérations toujours plus audacieuses se caractérisant par une intensification de la violence, l'allongement de la durée moyenne de captivité (passée à 120 jours) et la sophistication du mode opératoire. On assiste en outre à une extension de la zone des attaques au Sud et à l'Est de l'Océan indien. La présence militaire internationale dans la région a néanmoins permis de faire reculer le succès de ces attaques et d'améliorer la capture des pirates. Il apparaît cependant que 90% des personnes interpellées au large de la Somalie sont relâchées sans être jugées, propageant ainsi un sentiment d’impunité « de nature à pérenniser le problème ». En effet, si l’article 105 de la Convention de Montego Bay
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de 1982 autorise chaque Etat à exercer sa compétence universelle afin de poursuivre et juger les auteurs d’actes de piraterie commis en haute mer, indépendamment de toute considération de nationalité, il faut que l’Etat du pavillon du navire qui effectue la saisie ait prévu l’infraction de piraterie. L'adoption de lois internes permettant la poursuite et la répression des pirates est donc indispensable à la répression pénale effective de la piraterie. C'est dans ce contexte qu'a été adoptée la loi du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'Etat. D’autres Etats comme la Belgique mais aussi les Maldives, les Seychelles et la Tanzanie ont introduit dans leur arsenal législatif une incrimination de piraterie. La France a donc fait évoluer sa législation en privilégiant la voie du procès sur son sol. Le 14 novembre dernier, s’est en effet ouvert à Paris le premier procès de pirates somaliens en France avec la comparution devant la Cour d'assises des mineurs de six hommes accusés d'avoir pris en otage, en septembre 2008, un couple de Français, à bord du voilier le Carré d'As. Jack Lang, ancien professeur de droit international, et auteur d’un rapport en sa qualité de conseiller spécial du Secrétaire Général de l'ONU « pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes », plaide cependant pour l’implication des pays de la région dans cette lutte. Il préconise la « somalisation des réponses » avec l’installation de tribunaux spécialisés, l'idée étant que la communauté internationale concentre ses efforts sur la Somalie, qui est à « la fois principale source et victime de la piraterie ». La prochaine conférence internationale se déroulera le 12 octobre 2012 sur le thème « Principe de précaution : risque de déclin de l’Europe ». Jean-René Tancrède
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La lutte contre la piraterie par Gérard Abitbol*
Didier Chotard Frédéric Bonaventura
Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 555 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS
2010
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’histoire de la piraterie qui, de manière romantique et sur la base d’une littérature romanesque pléthorique ressuscite à chaque enfance, pourrait prêter à des études sociologiques d’une grande valeur. Les Barbe-Noire, les Francis Drake, les Rackham-le-Rouge, le Capitaine James Crochet appartiennent définitivement au « Monde imaginaire » de Peter Pan. La piraterie a existé sur toutes les mers, dès la plus haute Antiquité, la course ne débuta qu’au Moyen Age, lors des guerres ou conflits. L’apogée de la piraterie remonte au XVIème et XVIIème siècle, c’était l’époque des frères Barberousse qui vinrent s’installer sur les Côtes de Tunisie, puis d’Algérie. Le mot de piraterie ne recouvre plus le même sens aux XVIIIème et XIXème siècles, la piraterie désigne un crime de droit des gens. D’ailleurs, la familiarité du crime de piraterie avec le crime de guerre permet de pousser loin une analogie qui n’est pas fortuite et qui a été développée dans la jurisprudence de la Cour suprême des Etats-Unis. Le brigandage en mer est alors très proche du brigandage de grand chemin. Le personnage du pirate est fortement associé à celui du mutin et au développement d’ordres sociaux anarchiques. Désormais, ce sont les gangs internationaux, avatars des mafias et triades, qui gèrent « les affaires » de la rapine en haute mer, au mépris de l’autorité territoriale des Etats et des intérêts commerciaux. La piraterie a atteint, en 2010, un niveau record. Pas moins de 445 attaques ont été recensées dans le monde, soit une augmentation de 10% en un an. Selon le Bureau maritime international, 53 navires et 1 181 marins ont été capturés par
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les pirates l’an dernier. Le nord de l’Océan indien, demeure la zone où la piraterie est la plus active. De plus, 28 navires et 654 marins étaient retenus en otage le long de la côte somalienne, à partir de laquelle opèrent les pirates. « Le monde est au risque », disait Bernanos. Pour répondre à la menace sérieuse à la sécurité de la navigation et à l’approvisionnement que fait peser la piraterie sur le commerce maritime transitant dans la zone et protéger les convois humanitaires destinés à la population somalienne, l’Union Europe a lancé, en décembre 2008, l’opération Atalante. Une question vient à l’esprit, le mode opératoire des pirates a-t-il changé ? Dans le Golfe d’Aden, les pirates attaquent avec des embarcations rapides et emploient le même mode d’action et les mêmes armements que les années passées. En revanche, dans le bassin somalien, qui est beaucoup plus vaste, ils ont besoin de faire appel à une logistique plus conséquente. Celle-ci est fournie par des bateaux, des baleinières, qu’ils possèdent en propre et qui sont également utilisés par les pêcheurs somaliens. Mais ils utilisent aussi des bâtiments qu’ils piratent, les fameux « mother ships » qui sont de plus en plus nombreux. Il s’agit de navires de pêche ou même, des bâtiments de commerce classiques. Les « mother ships » leur permettent d’opérer bien plus loin en mer. De plus, les pirates prennent soin de ne pas débarquer les équipages, dont ils se servent comme otages. Cela rend extrêmement délicate toute intervention à l’encontre de ces bâtiments. Le succès de la lutte contre la piraterie passe par un long processus qui exige à la fois la coordination et la coopération entre les Etats et tous les acteurs concernés, ainsi qu’une approche globale de ce fléau. (…) Il est en effet, à noter, que dans le cadre de l’opération Atalante de lutte contre la piraterie, ont été conclus les accords entre l’Union européenne et le Kenya ainsi que Les Seychelles, afin que ces deux Etats transfèrent sur leur
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territoire, les personnes interpellées en vue de leur jugement par les juridictions de ces deux pays. Il faut souligner l’efficacité de la force Atalante chargée de la sécurisation du trafic maritime dans l’Océan indien. On relève avec satisfaction que depuis 2008, l’Armée française est intervenue à plusieurs reprises pour libérer des marins et des plaisanciers. Tout récemment, Le Galica un navire espagnol de la force Atalante a intercepté une embarcation soupçonnée d’être impliquée dans la disparition du voilier français Tribal Kat. Il est indéniable que l’on se trouve face à une piraterie maritime en pleine croissance qui est en faît, une activité internationale constituant pour ces pirates un véritable commerce lucratif. Il y a à l’évidence plus de candidats à la piraterie. La raison est simple. Les pirates somaliens perçoivent une partie de la rançon et, même si c’est une partie infime, elle est sans comparaison avec ce que gagnent leurs compatriotes, simples pêcheurs ou gardiens de troupeaux. Cette activité est attractive car elle permet de nourrir ceux qui la pratiquent. La piraterie moderne est multiforme. En Asie du sud-est, des groupes très bien armés et liés aux organisations criminelles locales peuvent mener des opérations armées d’ampleur après une préparation minutieuse. Dans d’autres régions, et notamment au large des côtes africaines, la piraterie se fait parfois plus improvisée, parcellaire, conduisant à des situations inextricables voire surréalistes, comme lorsqu’une embarcation rapide attaque par erreur un navire ravitailleur de la marine allemande, voire le « navire amiral » de la flotte française engagée en mission de lutte antipiraterie. Cet amateurisme ne rend pas le phénomène moins dangereux, bien au contraire. La protection du trafic maritime et des voies de communication maritimes est un enjeu primordial pour la plupart des pays. L’essentiel du commerce international transitant par voie maritime, l’activité maritime commerciale a progressé plus vite que l’économie mondiale. La sécurité énergétique étant une préoccupation croissante, en particulier des puissances asiatiques, la protection des voies de communications maritimes est l’objet d’une attention particulière. Si les pays européens se soucient depuis longtemps de la protection des voies
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maritimes, les puissances asiatiques émergentes ne s’y intéressent que depuis plus récemment. La Chine, l’Inde et le Japon s’inquiètent de la sécurité des voies de navigation qui traversent les points de passage « obligés » que sont les détroits de l’Asie du sud-est. La protection des voies de communication maritimes est l’une des causes principales de l’expansion des forces navales en Asie et de la progression de leurs budgets. Cet argument peut justifier sur un plan politique l’augmentation des forces navales lorsque les motivations réelles sont la crainte de menaces militaires d’autres pays, une concurrence réelle entre les puissances émergentes et une utilisation mahanienne de forces navales pour véhiculer l’influence et la puissance nationales. La loi permet d’adapter la législation française
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est lourde de sens, à la lumière des crimes du XXème siècle, mais elle exprime le sentiment exacerbé des Etats souverains vis-à-vis de la piraterie. - Les juridictions interrégionales spécialisées en matière de criminalité organisée sont aussi compétentes. Désormais, la Résolution du Conseil de sécurité des Nations unies n°1918, adoptée à l’unanimité en avril 2010, demande à tous les Etats d’ériger la piraterie en infraction pénale dans leur droit interne. Envisager favorablement de poursuivre les personnes soupçonnées de piraterie qui ont été appréhendées au large des côtes somaliennes et de les incarcérer, est une réalité juridique en France. L’article 105 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer stipule que « tout Etat peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant
La Convention de Montego Bay crée une compétence quasi universelle au profit des Etats qui procèdent à l’interpellation des Gérard Abitbol pirates présumés.
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aux conventions internationales dont celle de Montego Bay sur le droit de la mer entrée en vigueur en 1994 et réintroduit la piraterie dans le droit pénal français. La législation qui datait de 1825 avait été abrogée en 2007. Il donne une plus grande liberté d’action aux forces navales françaises lors d’interventions en haute mer en accordant aux commandants certains pouvoirs de police. Ils pourront contrôler les navires suspects, ordonner l’ouverture du feu et le déroutement, procéder à des saisies, arrêter et déférer des pirates, détruire des embarcations. Le texte législatif reconnaît aux juridictions françaises une compétence quasi universelle pour juger des actes de piraterie commis hors de France, quelle que soit la nationalité du navire ou des victimes, lorsque les pirates sont appréhendés par des agents français. Jadis, les Etats souverains considéraient comme hosti humanis generis, la piraterie : l’expression
de la juridiction d’aucun Etat, saisir un navire ou un aéronef pirate, ou un navire ou un aéronef capturé à la suite d’un acte de piraterie et aux mains de pirates, et appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord. Les tribunaux de l’Etat qui ont opéré la saisie peuvent se prononcer sur les peines à infliger, ainsi que sur les mesures à prendre en ce qui concerne le navire, l’aéronef ou les biens, réserve faite des tiers de bonne foi ». La Convention de Montego Bay crée ainsi une compétence quasi universelle au profit des Etats qui procèdent à l’interpellation des pirates présumés. Il s’agit d’une des très rares dérogations. « Ce qui est vrai, c’est ce qui est utile », déclarait Nietzsche. Pour les justiciables la vérité est l’affirmation de ce qui existe ou la négation de ce qui n’existe pas. En portant la question sur la problématique de la vérité, cela nous renvoit à la loi du 5 janvier 2011 qui élargit encore la compétence des juridictions françaises. En effet, elle permet aux autorités françaises de juger les pirates présumés interpellés non seulement en haute mer et dans les espaces ne relevant de la juridiction d’aucun Etat ce qui est déjà prévu par la Convention Montego Bay, mais aussi dans les eaux territoriales d’un Etat étranger lorsque le droit international l’autorise. Le Conseil de sécurité de l’organisation des Nations unies avait ainsi autorisé les Etats qui coopèrent avec le gouvernement fédéral de transition en Somalie à « entrer dans les eaux territoriales de la Somalie afin de réprimer les actes de piraterie et les vols à main armée en mer ». Deux conditions toutefois doivent être réunies : en premier lieu, les auteurs présumés d’actes de pirateries doivent avoir été arrêtés par des agents français et, en second lieu, les juridictions françaises ne seront compétentes qu’à défaut d’accord avec les autorités d’un autre Etat pour l’exercice par celui-ci de sa compétence juridictionnelle.
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Vie du droit L’article 4 de la loi ajoute un article 224-6-1 au Code pénal, créant ainsi une circonstance aggravante à la prise de contrôle par violence ou menace de violence d’un aéronef, navire ou autre moyen de transport. De vingt ans de réclusion criminelle, le maximum légal est porté à trente ans lorsque l’infraction est commise en bande organisée. La loi du 5 janvier 2011 instaure donc un cadre clair pour les opérations de lutte contre la piraterie et conforme aux exigences du procès équitable telles qu’elles résultent de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et comble ainsi un vide juridique. L’application réussie de ces dispositions reposera sur une formation adéquate des équipages des bâtiments de l’Etat, et la sensibilisation des magistrats du siège aux particularismes maritimes. Elle dépendra également étroitement des conditions de mise en œuvre concrète des mesures de coercition et de leur contrôle, qu’il s’agisse par exemple des conditions matérielles de retenue à bord de pirates présumés, des modalités de recueil des preuves, et plus généralement du respect des droits de la défense au stade de la rétention des personnes soupçonnées de piraterie. Il est à noter également, qu’un régime sui generis adapté pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre des actions de l’Etat en mer, au-delà des seuls actes de piraterie, est prévu. Il est également applicable dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants par mer, d’immigration illégale par voie maritime ou toutes les autres actions de l’état en mer qui nécessiteraient une mesure de privation de liberté, ce régime est différent de celui de la garde à vue, puisqu’il s’agit d’une phase qui précède l’enquête judiciaire. Les enfants dont les parents ou le soutien de famille de nationalité française a été victime d’actes de piraterie peuvent se voir reconnaître la qualité de pupille de la nation pour les actes de piraterie commis depuis le 10 novembre 2008, chapitre IV article 7 de la loi. Face à ce contentieux, on le voit, particulièrement technique, il est intéressant de souligner que les autorités allemandes ont choisi la voie de la plus grande spécialisation possible. Ainsi, l’article 10 du Code de procédure pénale allemand dispose que les tribunaux d’Hambourg sont seuls compétents pour la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes commis en haute mer. La loi du 5 janvier 2011 constitue un progrès indéniable dans la lutte contre la piraterie aux services tant opérationnels que des juristes, tout en garantissant certains droits aux pirates présumés. Réfléchir aux interactions entre le droit européen et le droit international est une démarche qui, à certains égards, n’est pas étrangère à celle à laquelle invitait l’inscription gravée au frontispice du Temple de Delphes « Connais-toi, toi-même, et tu connaîtras l’univers et les Dieux ». La France devait aussi se conformer à l’arrêt Medvedyev de la Cour européenne des droits de l’homme, qui avait remis en cause la rétention par la marine d’un équipage cambodgien, en raison du statut du parquet français. Dans les affaires du Ponant et du Carré d’As, les conseils des pirates somaliens avaient éga-
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lement contesté le flou procédural entourant l’arrestation de leurs clients en mer. Le 25 janvier 2011, le Conseil de sécurité s’est réuni pour écouter le rapport de Monsieur Jack Lang, conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes. Le représentant permanent de la France a relevé que le rapport de Monsieur Lang soulignait l’urgence d’agir contre ce phénomène, dont la montée en puissance menaçait aussi bien le commerce international que les marins, les populations locales et l’Amisom (Mission de l’Union africaine en Somalie). Il fallait lui apporter une réponse rapide, réaliste et durable notamment, ainsi que le proposait le rapport, en complétant la législation somalienne sur la piraterie, et en établissant une cour somalienne extraterritoriale en Tanzanie et deux juridictions spécialisées en Somalie, au Puntland et au Somaliland. Il fallait enfin construire des structures pénitentiaires supplémentaires dans ces deux régions. La France encouragerait le lancement de négociations sur un projet de résolution du Conseil de sécurité qui reprendrait les recommandations les plus pertinentes du rapport de Monsieur Jack Lang et mettrait en place un mécanisme de suivi. Dans son rapport Monsieur Jack Lang fait 25 propositions pour éradiquer la piraterie. L’axe principal de ses recommandations vise à centrer les solutions sur la Somalie, à la fois principale source et victime de la piraterie. Son approche est globale et multidimensionnelle et vise à s’attaquer à chacun des maillons faibles de la lutte contre la piraterie : sur les plans opérationnel, sécuritaire, économique, juridictionnel et pénitentiaire. Monsieur Jack Lang, propose des réponses juridiques à la piraterie somalienne. Il existe, dans l’article 105 de la Convention de Montego Bay, une compétence universelle pour la saisie de navire pirate en haute mer. Cependant, elle ne peut s’exercer que si l’Etat du pavillon du navire qui effectue la saisie a prévu l’infraction de piraterie. Ce qui est loin d’être la majorité des cas. L’absence d’infraction propre induit un flou quant à la procédure applicable aux présumés pirates, notamment sur leurs conditions de détention et de jugement. Depuis le déploiement de bâtiments militaires dans la zone et l’appréhension des pirates, on a assisté à une grande confusion dans le traitement de ces derniers. Un des premiers réflexes des pays occidentaux a été de transférer les pirates devant leurs tribunaux ce qui n’a pas manqué de poser des problèmes de procédures. La compétence a ensuite été partiellement transférée aux tribunaux seychellois et kenyans, vite submergés. Désormais, les pirates sont débarqués au Puntland, dont les structures étatiques fragiles sont cependant les plus stables de la Somalie. Mais cela ne suffit pas. Pour renforcer leur efficacité Monsieur Jack Lang demande aux Etats de « vérifier la solidité de leur corpus juridique » et de « l’adapter, tant au niveau matériel que procédural ». « Des mesures nouvelles sont “indispensables pour renforcer l’efficacité de “la lutte contre la piraterie, en complément des “solutions actuelles et de leur amélioration.
“La prévention est le premier axe des mesures nouvelles proposées. “Un volet économique, “Un volet sécuritaire. “La répression est le second axe destiné “à faciliter l’aboutissement des poursuites ». Si la Justice peut être critiquée et si l’on doit comme nous y invite La Rochefoucauld « être suffisamment sage pour préférer le blâme qui est utile à la louange qui trahit, cette critique si elle se veut constructive doit s’exprimer avec mesure », il est indispensable de donner aux magistrats, les moyens de travailler pour une justice de qualité et de leur rendre un hommage particulier, étant au service de leurs concitoyens. Ils méritent toute notre considération et notre respect dans l’accomplissement de leurs missions. Ce que les justiciables attendent essentiellement, ce sont des réponses à leurs problèmes et à leurs questions, la ligne qui doit guider nos débats et nos réflexions ne doit pas s’é carter de cette constatation. La justice est notre passion et nous essayons, en ces quelques instants, de vous la faire partager, elle est aussi un sujet inépuisable. De plus, c’est l’épine dorsale de la société, sans justice, sans état de droit, la Société serait une véritable anarchie. Cependant, Cicéron avait déclaré les pirates « communis hostis omnium », ennemis communs à tous, échappant aux catégories habituelles du droit. Ces pirates des temps modernes n’ont décidément plus rien de commun avec l’imaginaire collectif, en littérature sous la plume d’auteurs tels que Robert Louis Stevenson ou Walter Scott où immortalisé au cinéma grâce aux caméras de Cecil B. DeMille ou de Michael Curtiz. Le caractère international de cette approche, les aspects européens et mondiaux soulevés justifient l’intérêt que nous portons à une telle situation qui est un véritable fléau inadmissible au XXIème siècle. Ce qui est certain, c’est que l’on n’a pas trouvé de réponse adéquate dans la lutte contre la piraterie. La question du rôle des Etats du pavillon et des propriétaires des navires pour lutter contre la piraterie mériterait d’être examinée en profondeur. Le nombre de navires inutilisés ou insuffisamment exploités et les mesures de réduction des coûts se sont multipliés, ce qui favorise la progression de la piraterie. Les Etats du pavillon devraient prendre des mesures pour protéger leurs navires contre les attaques et l’OMI devrait examiner de plus près leur vulnérabilité, face au risque d’attaque. Le « frottement des esprits » pour s’exprimer comme Montaigne, est un facteur évident d’enrichissement réciproque. Laissons donc aux éminents intervenants, le soin de nous faire partager leur savoir et, à plus forte raison, la force des droits aux citoyens européens. Prenons la mer ensemble et souhaitons nous bon vent. * Gérard Abitbol est Chevalier de la Légion d’honneur, Chevalier de l’Ordre national du mérite, avocat au Barreau de Marseille, doyen des présidents d’honneur de l’UAE, président de la Délégation supranationale Méditerranée Provence Cote d’Azue Liguria de l’Union des avocats européens.
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Jean-François Tallec
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PRIX INTERNATIONAL DES DROITS DE L’HOMME
Prix Ludovic Trarieux 2011 1er décembre 2011 Palais de Justice - Bruxelles Organisateur : 02 508 64 53 rose-lynn.jamme@barreaudebruxelles.com 2011-576
DINER
Dîner festif des femmes juristes et entrepreneures 28 novembre 2011 Sénat Organisateur : Odile Lajoix 06 79 64 80 01 2011-577
La France se dote d’une fonction garde-côtes par Jean-François Tallec* « Je souhaite que nous franchissions une nouvelle étape de renforcement de l’action de l’Etat en mer, en créant une fonction garde-côtes pour organiser la mutualisation des moyens humains et matériels de toutes les administrations de l’Etat intervenant sur la mer et le littoral, autour de priorités clairement identifiées, sous l’autorité des préfets maritimes en métropole et des préfets de zone de défense Outre-Mer », ainsi s’exprimait Nicolas Sarkozy, Président de la République, dans le discours consacré à la politique maritime de la France prononcé au Havre le 16 juillet 2009. uel est l’objectif poursuivi ? Comment y parvenir ? Simple amélioration ou véritable réforme ? Aboutissement ou étape vers un autre dispositif ?
Q
Le cadre général tout d’abord. Si la France met des moyens au service de son action en mer, c’est évidemment pour faire respecter les lois et pour sauvegarder des vies. Mais c’est aussi parce qu’elle a pour la mer des ambitions et qu’elle en a reconnu les enjeux. La « stratégie nationale pour la mer et les océans » adoptée lors du comité interministériel de la mer du 8 décembre 2009 fixe notre politique, qu’il s’agisse de préparer l’avenir, de mettre en valeur nos Outre-Mer, de promouvoir notre développement économique, de protéger l’environnement ou de soutenir notre politique étrangère.
Il s’agit bien là des intérêts fondamentaux de notre pays et, fait nouveau dans notre histoire récente, ces ambitions sont affirmées et mises en cohérence pour se conforter entre elles. La stratégie nationale le dit clairement : « La crédibilité de la politique nationale repose avant tout sur la capacité de l’Etat français à exercer ses responsabilités en mer ». L’organisation de l’action de l’Etat en mer au travers de la fonction garde-côtes doit donc avant tout être un ensemble de moyens au service d’une stratégie nationale. Qu’avons-nous voulu faire en créant la fonction garde-côtes ?
COLLOQUE
40ème anniversaire de la création du Conseil des impôts et des cinq premières années d’activité du Conseil des prélèvements obligatoires 30 novembre 2011 Cour des comptes - Paris 1er Organisateur : 01 42 60 20 19 contact@fondafip.org - www.fondafip.org
Une organisation qui a fait ses preuves mais rencontre des limites D’abord, ne pas détruire ce qui a fait ses preuves et, incidemment, est étudié avec intérêt par nombre de nos partenaires. Je cite à nouveau la stratégie nationale : « Depuis 1978, 1a France a élaboré une organisation de l’action de 1’Etat en mer qui a montré sa pertinence lors de nombreux évènements maritimes. Ce schéma, fruit d’une démarche nationale, repose sur une coordination déconcentrée inter administrations ». Quels en sont les points forts ? - Ce sont les savoir-faire diversifiés de quelques administrations qui depuis bien longtemps, chacune dans son domaine de compétence, ont appris à agir sur mer : les douanes, les affaires maritimes, la gendarmerie, la sécurité civile, la police nationale, la marine nationale. Et j’ajoute-
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CYCLE HISTOIRE JUSTICE 2011
La plume et le prétoire : les écrivains et la justice de leur temps Jean Giono et l’affaire Dominici 8 décembre 2011 Grand’Chambre - Cour de cassation Organisateur : www.courdecassation.fr
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ENTRETIENS EUROPÉENS
Les derniers développements du droit européen de la concurrence 9 décembre 2011 Bruxelles (Belgique) Organisateur : 0032 2 230 83 31 valerie.haupert@dbfbruxelles.eu www.dbfbruxelles.eu
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Vie du droit rai des acteurs qui, s’ils n’appartiennent pas aux services de 1’Etat, jouent aussi leur partition dans des domaines d’excellence comme la société nationale de sauvetage en mer. - Il y a ensuite les traditions de la marine nationale qui, outre ses capacités purement militaires, intervient en mer pour sauver des vies, lutter contre les pollutions, s’opposer aux trafics, une marine dont les commandants sont depuis longtemps pour cela habilités par la loi. Je note que cette compétence duale de nos bâtiments n’est pas, loin s’en faut, largement répandue de par le monde. Quelle perte d’efficacité si l’on désignait dans notre marine des bâtiments qui ne feraient que la guerre et d’autres qui ne participeraient qu’à l’action de l’Etat en mer alors que tous font très bien les deux dès lors qu’ils ont quitté le port ! - Sur le terrain, il y a aussi une organisation simple et efficace : c’est le choix de placer l’ensemble des moyens aéro-maritimes de l’Etat sous la responsabilité d’une autorité unique, le préfet maritime, officier général de marine, en métropole ou le délégué du gouvernement pour l’action de l’Etat en mer (DDG AEM), préfet ou haut-commissaire, outre-mer. Cette autorité unique est le gage de la coordination, par définition sans faille, de l’action de l’Etat en mer. Et si des évènements d’une importance exceptionnelle surviennent, la chaîne de direction est extrêmement simple et robuste puisqu’ elle s’exerce directement du Premier ministre au préfet maritime ou au DDG AEM. Au quotidien, l’action de ces autorités est coordonnée et animée par le secrétaire général de la mer relevant directement de l’autorité du Premier ministre. Donc nous souhaitons préserver cette organisation qui a fait ses preuves. C’est un choix délibéré et je tiens à préciser clairement que la fonction garde-côtes n’est pas une étape à laquelle nous nous serions résignés faute d’avoir osé ou pu constituer dès maintenant la force unique dédiée à l’action de 1’Etat en mer que possèdent d’autres pays. Néanmoins, notre organisation montre quelques limites qui exigent plus que des améliorations. Une nouvelle impulsion doit lui être donnée. - Les missions de l’action de l’Etat en mer sont énumérées dans un arrêté du 2 mars 2007. On en compte plus de 40. C’est dire qu’il s’agit plus d’une compilation que de la fixation d’objectifs mobilisateurs. Or, d’une part, il importe aujourd’hui de fixer des priorités et de concentrer les moyens, d’autre part, force est de constater que des missions nouvelles sont apparues ou du moins méritent d’être mieux affimées - surveillance du milieu, lutte contre certains trafics par exemple. L’expression politique de ces priorités est donc nécessaire, d’autant plus que nombre d’entre elles relèvent de la compétence de ministères qui ne disposent pas de moyens d’agir en mer mais ont pourtant des idées très précises à faire valoir pour atteindre leurs objectifs. - Deuxième insuffisance : la coordination très forte assurée sur le terrain par le préfet maritime n’existe pas nécessairement au niveau central. Chaque administration poursuit donc, suivant sa logique propre, ses programmes d’équipement et de formation. Le positionnement des navires, des aéronefs et des hommes sur le littoral se fait également
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selon les besoins de chaque administration et nous courons le risque de constater que des moyens sont redondants à certains endroits ou au contraire insuffisants à d’autres. Il faut donc pouvoir faire écho au niveau central à cette coordination bien assurée sur le terrain. - Troisième insuffisance : nous avons besoin de donner une visibilité internationale à notre dispositif car nous travaillons de plus en plus avec nos voisins européens et aussi avec d’autres pays. Déjà des relations bilatérales sont entretenues par l’une ou l’autre des administrations qui interviennent en mer avec leurs équivalents étrangers ou des agences européennes. Mais nous avons besoin d’un point d’entrée unique. Je voudrais à cet égard citer un exemple : nous sommes engagés dans le projet européen « BlueMassmed » de coopération en matière de surveillance maritime entre six pays européens sur le pourtour de la Méditerranée. Si la France a pris le leadership de ce programme, c’est parce que nous avons pu montrer que nous sommes désormais en mesure d’offrir un point d’entrée unique pour l’action de l’Etat en mer à nos partenaires. Nous constatons que c’est loin d’être le cas partout dans le monde. La stratégie nationale est claire sur ce point : « La France répond d’abord au souci de l’Europe de mettre en place une politique maritime intégrée ». Il faut aussi renforcer la surveillance maritime de l’espace européen. Dans ce domaine, la France ne pouvait pas manquer de s’interroger sur la pertinence et l’adéquation de son organisation au regard des évolutions et des constructions européennes. La floraison d’agences européennes, parmi lesquelles l’agence européenne de sécurité maritime (EMSA), l’agence de surveillance des frontières extérieures (FRONTEX) ou encore 1’agence européenne de contrôle des pêches (EFCA) et l’agence euro-
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des services agissant en mer (marine nationale dont gendarmerie maritime, affaires maritimes, gendarmerie nationale, douanes, sécurité civile, police nationale dont police aux frontières notamment). Le mandat du comité directeur est ainsi fixé : . faire progresser la capacité des administrations à travailler ensemble, en améliorant les procédures communes et les réseaux d’information et de communication ; . rechercher et favoriser toutes les mutualisations pertinentes susceptibles d’améliorer le maintien en condition des moyens navals et aériens relevant de ministères différents. A terme, ces mutualisations devront aller jusqu’à la mise en œuvre et le soutien en service communs ; . rechercher toutes les synergies possibles au sein du réseau des centres opérationnels dans le respect des prérogatives et des exigences de conduite de l’action de chacun ; . en s’appuyant sur le réseau existant des écoles et centres de formation des différentes administrations, rechercher l’accroissement de la capacité du personnel à opérer dans des cadres communs, de façon coordonnée ou intégrée. Favoriser la possibilité de constituer des équipes d’agents spécialisés de différentes administrations, chaque fois qu’une plus-value résultant de cette mixité aura été identifiée au regard de la nature de la mission considérée ; . donner son avis sur le schéma directeur des moyens qui sera présenté au ministre chargé de la mer et validé par le Gouvernement. - Une liste des priorités pour l’action de l’Etat en mer est établie. Au nombre de 5 ou 6, donc en nombre limité, ces priorités exprimeront les ambitions de l’Etat autour desquelles se concentreront les moyens et les modalités d’action. Leur expression relève donc d’un acte
Nous avons besoin de donner une visibilité internationale à notre dispositif car nous travaillons de plus en plus avec nos voisins Jean-François Tallec européens et aussi avec d’autres pays.
péenne de défense (EDA), a rendu indispensable l’identification et l’affirmation d’une véritable autorité transverse capable d’agir en fonction de priorités clairement établies. Voilà les points sur lesquels notre système appelle des solutions nouvelles.
Des politiques prioritaires, une réponse unique : la fonction garde-côtes En réponse, les décisions adoptées par le Comité interministériel de la mer du 8 décembre dernier constituent un ensemble cohérent : - Est mis en place un comité directeur de la fonction garde-côtes, placé sous 1’autorité du Premier ministre, présidé par le secrétaire général de la mer et constitué des responsables
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politique du gouvernement. Je précise immédiatement que des missions essentielles telles que la sauvegarde de la vie humaine en mer relèvent de priorités permanentes qui ne sauraient être remises en cause. - A partir de ces priorités parfois assorties d’un véritable cahier des charges quantifié, définissant l’effet à atteindre, sera dessiné le format global de la fonction garde-côtes. La stratégie nationale définit la tâche à accomplir : « en fonction de priorités définies par le gouvernement après consultation du ministre chargé de la mer, le format souhaitable des moyens destinés à intervenir en mer sera traduit dans un schéma directeur(1). Ce schéma directeur élaboré et entretenu par le secrétariat général de la mer devra reposer sur une appréciation réaliste des besoins, et tout particulièrement des besoins nouveaux nés de la prise en compte de réglementations nouvelles, notamment les directives européennes destinées à
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Vie du droit dera à son analyse et en évaluera les évolutions sur le moyen ou long terme. Il permettra ainsi d’anticiper les redéploiements nécessaires de notre dispositif. La troisième mission sera d’être le point d’entrée de notre coopération avec d’autres Etats. Cette visibilité est très importante comme cela a déjà été dit. Les préfets maritimes et les divers centres opérationnels continueront à commander et diriger sur le terrain. C’est une limite très ferme à laquelle nous tenons. Tel est le dispositif de la fonction garde-côtes décidé le 8 décembre dernier.
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Jean-Loup Velut
Où en est-on ?
mieux protéger le milieu marin. Il se traduira par l’établissement d’un format cible défini en moyens génériques(2), assortis d’une disponibilité opérationnelle(3) allouée pour les tâches communes ne relevant pas de la mission de l’administration d’appartenance, et d’une répartition géographique idéale ». - Le degré d’importance des priorités varie en fonction de la zone considérée. Il n’est pas le même en Méditerranée, en Manche, aux Antilles ou dans le Pacifique. Le Premier ministre, après un travail de coordination interministérielle, signera et adressera à chaque préfet maritime et à chaque DDG AEM une lettre de mission lui fixant ses priorités et ses objectifs pour le théâtre dont il a la charge. Ces lettres de mission n’auront d’intérêt que si elles leur sont adaptées. Le préfet maritime sera ainsi responsable devant l’ensemble du Gouvernement de l’exécution des priorités qui lui auront été données. Pour être responsable, il faut qu’il ait autorité pour rediriger en fonction des circonstances l’action des moyens de sa région, qui devront donc être plus polyvalents qu’aujourd’hui et qui auront été positionnés de manière pertinente. Le dernier point concerne la visibilité internationale de notre organisation que nous entendons renforcer par l’action du centre opérationnel de la fonction garde-côtes dont la création a été décidée par le comité interministériel de la mer. Ce centre tiendra à jour en permanence une situation maritime de référence. Placé sous l’autorité du Premier ministre et du secrétaire général de la mer par délégation, et donc interministériel, il sera constitué d’officiers des douanes, des affaires maritimes, de la police aux frontières, de la marine nationale, de la gendarmerie et de la sécurité civile. II aura trois missions. La première sera d’assurer en permanence l’information du Gouvernement. Face à un évènement majeur, il devra également alimenter les centres de gestion de crises gouvernementaux en informations maritimes. Ensuite, deuxième mission, ce centre opérationnel observera le trafic maritime coopératif ou non coopératif, procé-
Où en sommes-nous aujourd’hui ? -Le Comité directeur s’est déjà à réuni deux fois, en février et en juin. -La définition des priorités nationales sera bientôt achevée. Une quinzaine de ministères concernés d’une manière ou d’une autre par l’action de l’Etat en mer, et donc bien au-delà de ceux qui fournissent des moyens, ont été interrogés et ont répondu. La liste des priorités va pouvoir être proposée au Premier ministre et le travail technique d’élaboration du format global de la fonction garde-côtes entamé. -Sans attendre, et parce qu’il faut aller vite, l’élaboration des lettres de mission des préfets maritimes et des DDG AEM a été entreprise. Ces lettres sont prêtes pour la métropole, après un important travail de consultation interministérielle, car elles n’ont d’intérêt que si tous les ministères concernés ont donné leur accord sur les priorités. -Les lettres de missions pour l’Outre-Mer sont en cours d’élaboration. -Là aussi, sans attendre l’élaboration du format global, profitant de l’arrivée de nouveaux matériels, l’implantation des hélicoptères de la marine nationale, des douanes, de la sécurité civile, de la gendarmerie sur les côtes métropolitaines a pour la première fois, fait l’objet d’un examen et d’une décision globale pour éviter les redondances ou les trous dans le dispositif. -Le centre opérationnel de la fonction gardecôtes ouvrira ses portes en septembre rue Royale, à proximité du centre des opérations de la marine. Son chef et les officiers des administrations participantes sont désignés. -Le recensement des formations dispensées par chaque administration a été entamé pour déterminer ce qui peut être mutualisé et donc accroître la polyvalence dans l’action. Les premières formations communes à toutes les administrations, destinées aux cadres de la fonction garde-côtes dans un premier temps, débuteront en octobre. -Un logo et un pavillon commun de la fonction garde-côtes ont été adoptés. - Des dossiers particuliers ont avancé, tels que la création en Polynésie d’un centre unique de l’action de l’Etat en mer. Ce centre doit mettre à profit le fait que le centre des opérations des armées quitte une implantation hors de Papeete pour s’installer au sein de la base navale où se situe déjà l’organisme qui assure le sauvetage en mer. L’idée est de colocaliser sur un même plateau ces deux organismes, qui garderont leurs
responsabilités propres mais auront une cellule de veille et de tenue de la situation maritime commune. Outre-Mer encore, on peut signaler un enjeu très fort de mutualisation du soutien des moyens aériens des armées, de l’intérieur et des douanes aux Antilles. -Dans le domaine international, la France prendra en septembre 2010, la présidence du Forum des Garde-côtes de l’Atlantique Nord. Ce sont vingt pays de la Russie à l’Amérique qui mettent en commun leurs expériences dans le domaine de l’action de l’Etat en mer. La présidence est aujourd’hui assurée par l’amiral norvégien Arild-Inge Skram qui a été notre invité au comité directeur de la fonction gardecôtes de juin. Pendant un an, la France parlera donc au nom de ce Forum dans diverses instances. Par ailleurs, la France est membre du groupe de travail récemment installé dans le cadre de l’initiative prise par l’Argentine en vue de créer un forum mondial des fonctions garde-côtes. Nous sommes également partenaire-leader du projet de surveillance maritime partagée en Méditerranée, déjà évoqué plus haut et membre du projet identique pour la Baltique et la mer du Nord. Nous appelons de nos vœux un troisième programme en Atlantique. Pour tous ces sujets, l’existence de notre stratégie nationale et l’organisation de la fonction gardecôtes ont été des appuis décisifs à nos positions internationales. L’organisation de l’administration de la mer en France a été inspirée par Richelieu, établie par Colbert avant d’être structurée par Bonaparte. Adaptée en 1978 afin de tenir compte des transformations rapides et radicales des activités et des droits maritimes puis confinée en 2004, elle vient de connaître une évolution majeure, dans un nouveau contexte marqué notamment par l’émergence de l’Union européenne sur la scène maritime. Confrontée d’une part à l’augmentation des menaces sécuritaires, à la nécessité de protéger l’environnement marin, à l’impératif de sauvegarder la richesse halieutique, à l’urgence de mieux utiliser les énergies marines renouvelables, et d’autre part, au souci constant de maîtriser la dépense publique, l’action de l’Etat en mer doit gagner en efficience. La fonction « gardecôtes » est le fruit de cette quête d’efficience et d’excellence, une quête qui unit les équipages des navires et aéronefs de toutes les administrations au service de nos concitoyens en mer et sur le littoral. La logique de la fonction garde-côte, voulue par le Président de la République, relevant de l’autorité interministérielle du Premier ministre, au service des ambitions maritimes de la France, se dessine ainsi clairement.
Notes : 1 - Centres de coordination ou opérationnels, réseaux de surveillance, moyens aériens et navals, personnel, localisation et limites de responsabilité... 2- Par exemple : patrouilleur de haute mer, aéronef de surveillance à moyen rayon d’action ou sémaphore,… 3 - En potentiel (heures ou jours de mer).
* Jean-François Tallec est secrétaire général de la mer.
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Vie du droit 3. Le cas de la piraterie au large de la Somalie
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Laurence Henry
La situation en Somalie par Laurence Henry et Hervé Tassy* utre l'actualité à laquelle ce sujet est rattaché, la question de la piraterie en Somalie est intéressante car, à bien des égards, elle a montré l'urgence à faire avancer le droit applicable.
O
1. En premier lieu, d'un point de vue géopolitique, il ne faut pas amalgamer le problème de la piraterie en Somalie, celui de la guerre civile liée aux Shebabs (rebelles islamistes) et celui de la famine qui sévit actuellement. En effet, ces deux derniers fléaux se déroulent principalement dans le Sud du Pays, alors que la plupart des pirates sont originaires du Nord, c'est-à-dire du Somaliland, province sécessionniste depuis des années et surtout du Putland, province plus ou moins autonome du pouvoir central. 2. Origines de la piraterie en Somalie
D'abord, dans les années 1990, la piraterie est liée à la lutte de la population locale afin de protéger ses eaux territoriales et ses ressources halieutiques contre la pêche illégale, le dégazage sauvage et le déversement de déchets toxiques(1). De plus, si la situation politique et humanitaire en Somalie n'est pas directement liée aux causes de la piraterie, elle a cependant une influence indirecte : - Parce que l'absence d'Etat favorise l'impunité. - Parce que la piraterie favorise le contournement de l'embargo sur les armes imposé à la Somalie et met en danger l'acheminement de l'aide humanitaire et aux activités de l'ONU et de l'A MISOM (African Union Mission in Somalia : opération de maintien de la paix en Somalie autorisée par le Conseil de sécurité en janvier 2007)(2). - Développement d'une économie de la piraterie : nombre croissant de pirates, intensification de la violence des attaques, sophistication du mode opératoire, développement d'intennédiaires en tout genre, trafic d'armes, blanchiment d'argent...
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concentre 56% des cas de piraterie recensés entre janvier et septembre 2011 soit 352 attaques selon le BIM(3). Ce chiffre est néanmoins en baisse par rapport aux périodes précédentes et ont constate davantage d'échecs que de succès, mais les actions de piraterie sont de plus en plus violentes, plus audacieuses et au champ d'opération élargi au large du Kenya et de la Tanzanie en particulier. Ensuite, la lutte contre la piraterie au large de la Somalie a abouti à une coopération internationale accrue, que ce soit dans le cadre des Nations unies (liée à l'opération humanitaire en cours), mais aussi en matière de coordination d'opérations navales, notamment dans le cadre de l'opération Atalante de l'DE, ou des opérations « Protecteur allié » et « Bouclier océanique » de l'OTAN, ou de la Force multinationale 151 des Forces maritimes combinées (CTFI51, sous la direction des EtatsUnis) et des autres Etats agissant individuellement... , ou enfin au niveau régional (Code de Djibouti ou ship riders sur lesquels nous reviendrons). Ainsi, cette coopération et la présence militaire internationale ont non seulement permis un recul du nombre d'attaques pirates et un recul de leur chance de succès, mais d'un autre côté il est apparu que 90% des pirates interpellés au large de la Somalie étaient relâchés sans être jugés (« catch and release »). Or cette impunité est de nature à pérenniser le problème. C'est dans ce contexte que le secrétaire général a nommé Jack Lang (ancien professeur de droit international) conseiller spécial pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes, chargé de rédiger un rapport sur ces questions (rendu en janvier 2011). Enfin, le cas somalien a eu un impact déterminant sur les réflexions relatives à la poursuite, la répression et la détention des pirates et sur les voies de droit de nature à créer, améliorer ou mettre en œuvre les outils juridiques existants et de nature à organiser cette répression(4). En l'occurrence, nous nous concentrerons sur les problèmes que soulève cette répression et sur les solutions adoptées ou proposées, notamment par le Rapport Lang.
I. Un cadre juridique international preexistant mais insuffisant sans mise en œuvre nationale La présence navale accrue dans la région a permis d'améliorer la capture des pirates somaliens. Néanmoins, ces derniers sont le plus souvent relâchés car une fois appréhendés se pose la question de savoir quel Etat va les juger, selon quelles règles procédurales et de fond et qui va les incarcérer, incarcération qui sera a priori longue étant donnée la nature des faits ? 1. Au niveau local et régional
Nous avons vu que l'état politique de la Somalie rend une solution exclusivement somalienne impossible, a priori pour un certain nombre d'années encore.
De même, les Etats de la région subissent l'impact de la croissance de la piraterie somalienne. S'ils se sont investis au départ dans cette répression, ils demandent que la communauté internationale, tout entière concernée par ce problème du fait de l'insécurité des routes du commerce maritime, s'implique, notamment au niveau financier. Création d'un groupe de contact au sein des Nations unies afin d'aider la Somalie, le Kenya, Les Seychelles et le Yémen(5). 2. Au niveau international
Il existe bien deux outils juridiques internationaux de nature à permettre la répression pénale de la piraterie maritime, mais il s'avère insuffisant en l'absence de mise en œuvre nationale et de coopération internationale pour coordonner les règles de ce point de vue : - Articles 100 à 107 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM) qui concernent la répression de la piraterie en haute mer : l'article 100 définit le crime de piraterie alors que l'article 105 habilite tous les Etats à intervenir contre les pirates, dérogeant ainsi au principe de l'exclusivité de l'Etat du pavillon. - La Convention de Rome, 10 mars 1988 pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (adoptée en France par le décret du 25 février 1992), SUA : principe de poursuivre ou extrader. En principe, les Etats parties à ces conventions sont tenus d'ériger en infraction le fait de s'emparer d'un navire ou d'en exercer le contrôle par violence ou menace de violence ou toute autre forme de violation, d'établir leur compétence à l'égard de ces infractions, et d'accepter la remise de personnes responsables ou soupçonnées de tels actes. De plus, en ce qui concerne plus spécialement la répression de la piraterie en Somalie, le Conseil de sécurité est saisi de la question depuis 2008 et agi dans le cadre du Chapitre VII(6). En accord avec le Gouvernement de transition somalien, deux types de mesures sont préconisés pour aider à la répression de la piraterie : D'une part et de manière exceptionnelle et limitée afin de garantir le principe de souveraineté territoriale, la Somalie accepte que certaines marines étrangères puissent pénétrer ses eaux territoriales et même son territoire national afin de poursuivre les pirates. D'autre part, le cas somalien est l'occasion pour les Nations unies de rappeler aux Etats leurs obligations en matière de répression de la piraterie et l'adoption de mesures nationales pour ce faire respectueuses des droits de l'homme : cf S/RES/1816, 2 juin 2008, 6 novembre 2008, notamment son § Il : « Demande à tous les Etats, en particulier aux Etats du pavillon, aux Etats du port et aux Etats côtiers, ainsi qu'aux Etats de nationalité des victimes ou des auteurs d'actes de piraterie ou de vols à main armée et au Etats tirant juridiction du droit international ou. de leur droit interne, de coopérer en vue de déterminer lequel aura compétence et de prendre les mesures voulues d'enquête et de poursuite à l'encontre des auteurs d'actes de piraterie et de vols à main armée commis au large des côtes somaliennes, conformément au droit international applicable, y compris le droit international des droits de
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Vie du droit Sur le plan carcéral : Le rapport Lang note qu'il est avant tout nécessaire de donner une réponse régionale à ce problème en renforçant les capacités pénitentiaires des Etats de la région et notamment celles de la Somalie et en signant des accords de transfèrement entre l'Etat de jugement et l'Etat d'incarcération. . Soutien de l'ONUDC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime), notamment financier 2) Au plan régional
II. Les solutions pour améliorer la répression des pirates somaliens 1. Propositions du Rapport Lang
D'abord, l'idée de la création d'un tribunal pénal pour la piraterie a été avancée mais elle semble exclue car de nombreux Etats sont par principe opposés à de telles juridictions, qui sont qui plus est coûteuses et longues à mettre en place et à juger. De plus, on peut douter de son adaptation à juger des crimes de droit commun qui constitue la piraterie. Ensuite, outre le constat que la lutte contre la piraterie en Somalie nécessite des évolutions politiques et économiques en Somalie pour être éliminée efficacement, en matière de répression pénale du crime de piraterie le Rapport Lang s'articule autour de 3 axes : Sur le plan matériel : Le rapport constate qu'il faut encourager les Etats à se doter d'instruments juridiques incriminant les actes de piraterie, notamment la poursuite de l'intention de commettre un acte de piraterie. De plus, pour plus d'efficacité, il préconise la création de chambres spécialisées. Ainsi, plusieurs Etats ont réformé leur Code pénal afin d'introduire le crime de piraterie ou mettre sa définition en conformité avec la CNUDM (notamment la France ou la Belgique, mais aussi dans la région Maldives, Seychelles et Tanzanie). Sur le plan policier et procédural : La coopération internationale est absolument nécessaire sous peine de voir les procédures engagées déclarées irrecevables : - Favoriser la collecte des preuves dont le régime juridique est souvent différent d'un système juridique à l'autre : renforcer les capacités d'enquête de la police scientifique des Etats de la région et faciliter la recevabilité des preuves. Exemple : autoriser le témoignage par visioconférence, en particulier dans les systèmes de Common law où le témoignage in personam est exigé. - Créer un cadre légal de la rétention en mer équilibré entre les exigences du respect des droits de l'homme et les contraintes opérationnelles. L'exigence de ce cadre a d'ailleurs été rappelée dans le fameux arrêt de la CEDH Medvedyev du 29 mars 2010, en application de l'article 5 CEDH. - Signature d'accords d'extradition : cela permet aux Etats de capture de faire juger « localement », ce qui a un impact régional plus fort, notamment en matière de prévention.
Les Etats de la région de l'Ouest de l'Océan indien se sont activés pour lutter contre la piraterie, au large de la Somalie mais aussi audelà puisqu'il y a une extension géographique de ces attaques, comme le· montre le cas récent de Marie Dedieu, enlevée au Kenya et morte en Somalie(7). Deux initiatives régionales sont à signaler ici : - D'une part, l'adoption le 29 janvier 2009 d'un instrument non contraignant mais qui tend à le devenir, du Code de conduite de Djibouti concernant la répression des actes de piraterie et des vols à main armée commis contre des navires dans la partie ouest de l'Océan indien et dans le Golfe d'Aden. Ce code porte sur l'arrestation des pirates présumés, l'enquête à
minalité (shipriders). L'idée, appliquée avec succès dans la lutte contre le trafic de drogue dans Les Caraïbes, est de permettre à des « OPJ » (« enforcement officers ») de monter à bord de navires militaires afin de permettre l'arrestation des pirates et leur poursuite devant les juridictions de son pays. Le Kenya, particulièrement intéressé par le fléau est très actif dans la lutte contre la piraterie et dans sa répression : - adaptation de sa loi pénale : en effet, la cour de première instance de Monbassa a jugé des pirates somaliens arrêtés par un navire de guerre américain après avoir attaqué en haute mer un cargo indien en octobre 2006 sur le fondement d'une définition de droit des gens de la piraterie auquel se référait son Code pénal, mais qui ne précisait pas les éléments constitutifs de l'infraction. Depuis, le Kenya a adopté le Merchant Shipping Act fin 2009 qui donne un nouveau fondement juridique à la compétence universelle kenyane. - Accord entre l'UE et le Kenya qui mentionne l'obligation du consentement de l'UE avant tout transfèrement ultérieur. 3) Au niveau somalien
Une réponse somalienne à la répression de la piraterie semble nécessaire. Outre les problèmes
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Il est nécessaire que la Somalie entreprenne une réforme de son système pénal qui prendrait en compte l'infraction de piraterie actuellement absente de son Code pénal et permettrait également de pouvoir juger les mineurs, son système excluant tout jugement Laurence Henry et Hervé Tassy des enfants de moins de 15 ans.
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leur sujet, leur traduction en justice et la saisie de leur équipement, l'organisation d'opérations communes, le partage de renseignements par l'intermédiaire des points de contacts nationaux. Les signataires s'engagent également à passer en revue leur législation sur la piraterie(8). - D'autre part, la signature d'accords ou arrangements spéciaux entre Etats et organisations régionales qui luttent contre la piraterie au large des côtes somaliennes pour embarquer des agents des services de luttes contre la cri-
politiques et humanitaires actuelles, cela impliquerait de nombreuses réformes juridiques et judiciaire. Le Rapport Lang préconise d'abord la création de Cours spécialisées dans le Somaliland et le Putland. Il est vrai que ces deux provinces sont les seules à être dotées d'un semblant d'organisation régalienne et la plupart des pirates somaliens en sont originaires. Avant cela, le rapport recommande la mise en place pendant une période de transition « d'une
Commando de la Marine nationale
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l’homme, et de seconder ces efforts, notamment en fournissant une assistance en matière de logistique et d'exercice des voies de droit vis-à-vis des personnes relevant de leur juridiction et de leur contrôle, telles que les victimes, témoins et personnes détenues dans le cadre d'opérations menées en vertu de la présente résolution ». - Préconise le principe de la compétence universelle. - Garanties procédurales et respect des droits de l'homme dans la poursuite, la répression et la détention des pirates.
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Vie du droit juridiction extraterritoriale », qui pourrait être basée à Arusha, en Tanzanie, afin de bénéficier des installations du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Ensuite et surtout, il est nécessaire que la Somalie entreprenne une réforme de son système pénal qui prendrait en compte l'infraction de piraterie actuellement absente de son Code pénal et permettrait également de pouvoir juger les mineurs, son système excluant tout jugement des enfants de moins de 15 ans. Enfin, si le principe de la détention des pirates somaliens en Somalie semble logique, encore faudrait-il qu'interviennent des accords organisant le transfèrement vers la Somalie des personnes condamnées à l'étranger et une réforme de la loi pénitentiaire. En effet, quel Etat européen par exemple permettrait un
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Jean-Pierre Spitzer
L’Union Européenne face à la piraterie maritime : un acteur de premier plan par Jean-Pierre Spitzer* ’Union Européenne est d’abord une unité économique et monétaire dotée notamment d’une politique commune en matière commerciale. Elle doit protéger et défendre les intérêts économiques et commerciaux de l’Union, y compris la sécurité de ses membres. C’est en vertu de ce but qu’elle a aussi pour mission de lutter contre la piraterie maritime. Surtout que conformément à l’article 21 du Traité de l’Union européenne, l’un des objectifs de l’Union est de « préserver la paix, prévenir les conflits et renforcer la sécurité nationale ». C’est sur le fondement de cet objectif qu’il y a lieu d’analyser le rôle de l’UE dans la lutte contre la piraterie maritime en Somalie. Le Traité de Lisbonne, dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, prévoit les moyens permettant la réalisation dudit objectif.
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transfèrement vers une prison où les conditions d'existence sont loin de satisfaire l'interdiction des traitements humains ou dégradants ? Et, pour des raisons de proximité avec les cours spécialisées et des familles des pirates, le rapport Lang préconise la construction de deux prisons, une au Putland, l'autre au Somaliland, dans lequel le respect des droits des détenus serait garanti par une contrôle international. Nota bene : Résolution 2015 (2011) du 24 octobre 2011 : Le Conseil de sécurité juge urgent la mise en place de juridictions spécialisées en Somalie ou ailleurs (il reprend notamment l'idée d'une juridiction spécialisée extraterritoriale) afin de juger les pirates euxmêmes mais aussi tout ceux qui planifient, financent ou facilitent ces attaques et prie le Secrétaire général de lui donner des réponses pratiques sur ce point d'ici 90 jours.
Notes : 1 - Rapport de J. Lang, conseiller spécial du secrétaire général sur les questions juridiques liés à la piraterie au large des côtes somaliennes, 26 janvier 2011, S/2011/30, p. 9. 2 - Cf § 7 et Il S/RES/1814, 15 mai 2008. 3 - ICC International Maritime Bureau, « Piracy and Anned Robery Against Ships 01/01 - 30/09 2011 », October 2011 , disponible sur www.icc-ccs.org. 4 - En effet, l'adoption de la Résolution A.922 (22) en 2001 par l'Assemblée générale de l'OMI sur le Recueil de règles pratiques pour la conduite des enquêtes sur les délits de piraterie et de vols à main armée à l'encontre des navires avait été peu suivie d'effet. 5 - S/RES/1896, 30 novembre 2009 6 - Dans sa Résolution S/RES/1976 du 11 avril 2011, suite au Rapport Lang, le Conseil de sécurité note expressément que : « Constatant que le actes de pirateries et de vols à main armée au large des côtes somaliennes enveniment la situation dans le pays, laquelle continue de menacer la paix et la sécurité internationale ». 7 - « L’otage française enlevée au Kenya a été emmenée en Somalie », Le Monde, édition électronique, 3 octobre 2011. 8 - Signé par Djibouti, l'Ethiopie, le Kenya, Madagascar, les Maldives, les Seychelles, la Somalie, la République de Tanzanie et le Yémen.
C’est ainsi que dorénavant l’Union européenne peut se doter de capacités militaires grâce à la « coopération structurée permanente » (CSP) qui lie les Etats membres. Sur la base de cet objectif, l’Union européenne est en mesure d’aider les Etats de la région de la Corne d’Afrique (et en particulier la Somalie) à lutter contre la piraterie. Son intervention s’est déroulée et continue à s’effectuer sur 3 niveaux : - sur le plan opérationnel, en décidant de lancer le 8 décembre 2008 la mission Atalanta, prolongée et même renforcée le 15 juin 2009 ; - sur le plan diplomatique en soutenant une implication accrue des pays de la région dans la lutte contre la piraterie ainsi qu’en instaurant un dialogue et une coopération avec les autres Etats tiers présents dans la région ; - sur le plan politique en développant une stratégie globale pour traiter les causes de la piraterie.
C’est la première fois que l’UE déploie des moyens militaires maritimes ; de plus, sans aucun soutien extérieur (notamment le soutien américain) ; c’est la première opération de police internationale de l’UE. On se rapproche de la clause de défense mutuelle inspirée du Traité instituant l’OTAN qui se trouve dans le Traité de Lisbonne. Celui-ci, grâce à la PSDC (politique de sécurité et de défense commune) permet à l’UE d’utiliser des moyens militaires pour prévenir des conflits et gérer des crises internationales telles que celle qui existe en Somalie. L’UE a déployé des forces dans le sud de la Mer Rouge, le golfe d’Aden et dans une partie de l’océan Indien (aux Seychelles et dans les zones éloignées de la côte de l’Afrique de l’Est). La plupart des pays de l’UE participe à l’opération, en particulier tous les Etats disposant d’une marine à l’exception du Portugal et du Danemark bien que ce dernier Etat est présent dans la coalition CTF, c’est-à-dire la Combined task force, une force opérationnelle navale créée en novembre 2000 et ayant son quartier général au sein du complexe naval américain à Bahreïn. La Corne d’Afrique n’a pas de moyens propres suffisants pour lutter contre la piraterie (donc la situation est différente par rapport à celle du Détroit de Malacca), dès lors l’aide européenne est essentielle. La présence sur zone des forces déployées est permanente, ce qui augmente l’effet dissuasif et préventif de l’opération, qui ne se limite pas à une opération simplement répressive. Ces forces contrôlent des ports somaliens dans le but de neutraliser les navires de ravitaillement des pirates. Atalanta a pour but de rendre l’activité des pirates encore plus risquée, voire dangereuse. C’est d’ores et déjà un succès puisque dès le début de l’opération, le nombre d’attaques réussies de la part des pirates a considérablement diminué, bien que le nombre d’attaques ait augmenté. En outre il est nécessaire de constater que la plupart des attaques réussies a eu lieu dans des circonstances où les bonnes pratiques recommandées aux navires qui doivent passer dans ces zones n’ont pas été respectées, notamment celle de naviguer en convoi. Le 11 mars 2010 la Commission européenne a adopté une recommandation relative aux mesures d’autoprotection et de prévention des
I. Sur le plan opérationnel : renforcement de l’efficacité opérationnelle d’Atalanta La menace grandissante que la piraterie fait peser sur les intérêts économiques et stratégiques de l’UE a convaincu les Etats membres de lancer l’opération navale Atalanta, malgré les réticences initiales de certains Etats, notamment du Royaume-Uni et de l’Italie. Parmi les éléments déterminants du choix du Conseil il y avait la protection de la marine marchande et de la grande voie d’approvisionnement énergétique que constitue cette route le long de l’Afrique vers le Canal de Suez, outre bien évidemment la nécessité prioritaire de garantir la paix dans la région. Atalanta est d’abord une opération militaire dont l’objectif est l’interception des pirates par des navires de guerre. Mais c’est aussi une opération politique, civile, juridique et humanitaire. Celle-ci vise notamment à : - la coopération avec les autorités somaliennes, - l’escorte de la marine marchande et des convois humanitaires du Programme alimentaire mondial, - l’arrestation des pirates afin qu’ils puissent être jugés.
* Laurence Henry et Hervé Tassy sont avocats au Barreau de Marseille (Cabinet RBM2L).
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Vie du droit actes de piraterie et des attaques à main armée contre les navires qui s’inspire largement des mesures prévues par des circulaires de l’Organisation maritime internationale (OMI). Cette recommandation vient en complément d’Atalanta, afin de promouvoir davantage ces « bonnes pratiques ». Malgré le succès de l’opération, dont la durée a été prolongée, certaines mesures sont encore nécessaires, puisque la piraterie n’a pas cessé : - d’abord il serait souhaitable d’augmenter les capacités militaires, mais le contexte de forte baisse des budgets de défense des Etats membres rend cette mesure difficile à remettre en pratique ; - ensuite se posent les questions de l’action à terre et de l’accroissement des moyens de reprise des otages par la force, mais les difficultés tant opérationnelles que politiques sont telles que cette piste semble devoir être écartée ; -enfin, il resterait la possibilité d’attaquer les pirates dans leurs retranchements, par exemple dans les installations de matériels à terre, mais les difficultés mentionnées précédemment
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pas ni pour les garder en prison, ni pour les juger. Donc une opération qui se limite aux aspects militaires n’est pas suffisante. L’UE doit tout mettre en œuvre pour convaincre et aider les Etats riverains à s’occuper des prisonniers et à les juger, d’où la nécessité d’une action diplomatique et d’aide forte.
II. Sur le plan diplomatique : soutien de l’Union européenne pour susciter une implication accrue des pays de la région Au-delà d’Atalanta il est donc nécessaire de mobiliser de façon accrue les Etats de la région, ainsi que de renforcer la coordination des moyens internationaux déployés dans la région. A ce propos Atalanta a développé des liens d’étroite coordination avec des Etats tiers présents dans la région :
Face à cette situation de contrainte budgétaire, la priorité consiste à prévoir un effort accru des pays de la région avec l’appui de l’UE pour aider ces pays à développer leurs capacités maritimes Jean-Pierre Spitzer et prendre cette lutte indispensable à leur compte.
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- le Japon qui fournit en permanence un détachement d’Avions de Patrouille Maritime basé à Djibouti, - la Russie qui participe aux côtés d’Atalanta à l’escorte des bateaux du Programme Alimentaire Mondial à destination de la Somalie et met en œuvre son propre système de convois, - la Chine qui compte trois unités en permanence sur la mer,
Parallèlement il faut trouver des solutions pour faire juger les pirates et les détenir en prison. C’était d’ailleurs le point central du rapport de M. Jack Lang pour l’ONU. En effet, comme il le soutient, la lutte contre l’impunité devrait permettre de persuader une partie de la population de ne pas se livrer à cette activité.
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s’opposent également à une telle politique, sauf à convaincre les Etats riverains à la conduire éventuellement avec l’aide de l’UE. En tout état de cause les experts s’accordent pour soutenir Atalanta et même le développer afin de lutter contre l’impunité des pirates arrêtés. En effet actuellement la plupart des pirates arrêtés grâce à cette opération sont remis en liberté, le cadre juridique nécessaire n’existant
- l’Inde qui fournit un soutien direct aux Mauriciens et aux Seychellois. En outre un dialogue a été instauré aussi avec d’autres pays asiatiques (Corée du Sud, Singapour, Indonésie), et certains pays de la Péninsule arabe (Emirats Arabes Unis, Yémen). Depuis 2009 même des Etats tiers à l’Union européenne participent à l’opération Atalanta (notamment la Norvège, la Croatie, le Monténégro et l’Ukraine). Cet effort de coopération avec les autres forces navales opérant dans la zone et partageant les informations constitue un objectif diplomatique de l’UE, qui est bien décidée à le poursuivre et à l’intensifier, d’autant plus que l’opération Atalanta joue un rôle de premier plan dans le cadre du mécanisme SHADE (Shared Awareness and Deconfliction) qui coordonne toutes les missions anti-piraterie présentes dans la région. Le succès certain bien que relatif d’Atalanta ne peut faire oublier son coût. En effet le budget global de l’opération est d’environ 300 millions d’euros par an, dont seulement 8, 3 millions sont pris en charge par le mécanisme de solidarité « Athena » qui permet à l’UE de financier certaines opérations militaires et de réaction rapide. Dans une période où les budgets que les Etats membres destinent à la défense diminuent, il n’est pas envisageable de continuer à soutenir ces coûts, ce qui constitue une menace grave sur la pérennité de cette opération. Face à cette situation de contrainte budgétaire, la priorité consiste à prévoir un effort accru des pays de la région avec l’appui de l’UE pour aider ces pays à développer leurs capacités maritimes et prendre cette lutte indispensable à leur compte.
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Vie du droit Comme exposé dans le rapport de Jack Lang, pour lutter efficacement contre cette impunité, l’implication des pays de la région est indispensable. Dans cette optique, l’Union européenne est intervenue tant à travers une sensibilisation et une responsabilisation des pays de la région qu’à travers la fourniture d’un soutien ciblé au renforcement des capacités des pays de la région, qui acceptent de prendre en charge les poursuites, pour s’assurer que les jugements et détentions soient justes, humaines et efficaces. Quant à la sensibilisation et à la responsabilisation des pays de la région il faut rappeler également et surtout en premier lieu que c’est leur problème. Le tourisme et la pêche ont chuté de 20% aux Seychelles ! L’UE a soutenu l’organisation de deux conférences mondiales en 2010 dans ce domaine : aux Seychelles et à Maurice. La conférence à Maurice du 7 novembre 2010 a prévu l’adoption d’une stratégie régionale de lutte contre la piraterie par les Etats de la région (Etats de l’Océan Indien et de l’Afrique de l’Est et du Sud). C’est un plan ambitieux qui tente de créer une dynamique régionale et un soutien à des solutions de court et long terme focalisées sur la Somalie (y compris le Puntland et le Somaliland). En ce qui concerne le renforcement des capacités des pays de la région qui acceptent de prendre en charge les poursuites, pour s’assurer que les jugements et détentions soient justes, humaines et efficaces, l’UE soutient l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), organisation qui s’occupe de plusieurs missions : - assistance juridique, - soutien aux forces de police, - fourniture d’une aide logistique et de technologies de l’information, - soutien aux témoins, - réparation des établissements pénitentiaires, - action de formation pour les autorités judiciaires, policières et maritimes, - action de formation pour les gestionnaires des prisons, - développement et partage de l’expertise régionale. L’intervention des pays de la région est indispensable surtout qu’aucun cadre juridique communautaire n’existe et que, en dehors des règles de droit international classiques, seuls les droits nationaux peuvent être appliqués et que les prisonniers ne peuvent être transférés en Europe ! En effet, la piraterie ne figure pas au nombre des infractions susceptibles de faire l’objet d’un mandat d’arrêt européen et seulement cinq Etats (Allemagne, Suède, Finlande, Pays-Bas et Espagne) ont une compétence universelle pour juger les pirates. Plusieurs autres Etats, dont la France, ont la compétence pour juger les pirates dès lors qu’il existe un intérêt national, notamment en ce qui concerne le pavillon du bateau attaqué ou la nationalité de la victime. Mais même s’il existe des cadres juridiques nationaux dans ce domaine, la possibilité de juger les pirates au niveau communautaire n’existe pas. L’Union européenne a donc logiquement choisi de soutenir les Etats de la région afin qu’ils puissent juger eux-mêmes les pirates arrêtés. Normalement les pirates appréhendés sont transférés aux autorités de l’Etat membre dont
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le navire qui a réalisé la capture bat pavillon. Cependant parfois l’Etat membre concerné ne peut pas ou ne souhaite pas exercer sa juridiction. Dans ces cas il est possible de transférer les pirates appréhendés à un autre Etat membre ou à un Etat tiers. En cas de transfert vers un Etat tiers, l’Union européenne s’assure que les pirates soient jugés dans le respect des droits de l’homme. Parmi les plus importants figurent expressément : - la présomption d’innocence, - le droit d’être traité humainement et de ne subir aucune torture, - le droit d’être traduit devant un juge et d’être jugé dans un temps raisonnable, - le droit à une audience publique et équitable, - l’interdiction absolue de la peine de mort. Le respect de ces droits est donc une condition posée au transfert des pirates vers des Etats tiers riverains. Cependant l’effet pervers de cette condition, pourtant indispensable, est que le transfert des pirates à la plupart des Etats de la région est exclu, à l’exception du Kenya. Par conséquent la plupart des pirates arrêtés par l’opération Atalanta est transférée au Kenya. Ainsi, pour l’heure l’UE donne son soutien surtout à cet Etat. Actuellement 100 suspects sont détenus et en instance de jugement et 10 condamnés purgent leur peine au Kenya. Un budget a été dégagé au niveau communautaire afin d’aider le Kenya à supporter le coût des jugements et des détentions. Un accord a été signé avec ce pays pour permettre de traduire les pirates devant les juges kenyans, cet accord équivaut à un accord d’extradition. Afin de réduire le fardeau qui pèse sur le Kenya, l’UE cherche à renforcer les capacités des autres pays de la région qui souhaitent prendre en charge la poursuite judiciaire. A ce propos l’UE, ainsi que l’ONUDC, donne son soutien direct aux premières poursuites judiciaires aux Seychelles. Une approche similaire est à l’étude pour l’Ile Maurice dès la signature d’un accord de transfert qui devrait rapidement se concrétiser. Enfin l’UE appuie l’ONUDC pour fournir un soutien technique à la Somalie afin d’améliorer les conditions d’emprisonnement au Puntland et au Somaliland, seule à même de permettre le transfert des accusés en Somalie ; elle agit de même pour renforcer les capacités des structures d’enquête, de poursuite et de détention des suspects dans le respect des standards internationaux. Atalanta n’est donc pas une opération militaire isolée, mais fait partie d’une action diplomatique vaste menée par l’UE et s’inscrit dans une action politique globale.
III. Sur le plan politique : les efforts de l’UE s’inscrivent dans une approche globale de lutte contre la piraterie L’UE finance déjà plusieurs actions de coopération pour donner toutes les chances possibles à la Somalie de progresser vers la constitution de véritables structures étatiques. Plusieurs interventions méritent d’être mentionnées :
- Une assistance financière à la mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM) à travers le Fonds Européen de Développement (FED) : 142 millions d’euros ont été octroyés depuis 2007 à cette fin. Précisons que le mandat d’A MISOM est d’assurer la protection des institutions de transition somaliennes dans leurs efforts de stabilisation du pays et de poursuite du dialogue politique et de la réconciliation. AMISOM a également pour mandat de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et de créer les conditions nécessaires à la réconciliation et au développement durable en Somalie. L’UE soutient cette opération non seulement à travers le FED mais aussi à travers les contributions bilatérales de ses Etats membres. - L’UE donne un appui au renforcement des forces de sécurité somaliennes à travers la mission européenne d’assistance à la formation des forces de sécurité somalienne (EUTM) et le paiement des salaires de la police somalienne en collaboration avec le programme des Nations unies pour le développement (PNUD). L’EUTM Somalie est une illustration importante de l’engagement de l’UE en Somalie. Lancée par le Conseil à partir d’une décision du 25 janvier 2010, cette opération de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) contribue à la formation des forces de sécurité nationales du Gouvernement fédéral de transition. Cette idée est née à partir d’un engagement pris par la France en 2009 lors d’une conférence de la communauté internationale. Ensuite le Conseil européen a décidé de transformer cet accord bilatéral en engagement européen ayant pour but la formation d’une armée moderne, efficace et démocratique en Somalie. - La mission EUTM Somalia compte 320 militaires de 15 nationalités communautaires différentes répartis entre deux centres de formation : Bihanga et Kampala. Les équipes de formateurs sont au nombre de 9 : 3 espagnoles, 2 françaises, 1 belge, 1 suédoise et finlandaise, 1 allemande et hongroise et 1 maltaise et Irlandaise. En vertu de la décision de 2010, la mission aurait dû se terminer en août 2010 après la formation de 2 000 soldats en Ouganda et leur retour à Mogadiscio pour poursuivre un entraînement avec AMISOM. Cependant, vu le succès de la mission, la question du renouvellement se pose. Les ambassadeurs des 27 du comité politique et de sécurité (COPS) ainsi que les Ougandais qui accueillent cette mission semblent souhaiter ce prolongement. Il serait même envisagé un engagement européen permanent dans ce domaine car la formation d’une structure de commandement et de contrôle, c’est-à-dire d’une « force robuste » ou d’un Etat-major somalien, apparaît indispensable. En outre est également à l’étude la formation d’un bataillon supplémentaire ou d’un groupe de spécialistes (par exemple dans le domaine paramédical, des communications, etc). A l’heure actuelle la mission EUTM se trouve menacé du fait que l’Espagne, qui jouait le rôle de nation-cadre, a manifesté son souhait d’y mettre fin pour d’évidentes raisons budgétaires. Il faudra donc trouver un autre Etat disponible pour ce rôle (probablement la France ou l’Allemagne). Parallèlement à Atalanta, l’UE a prévu de mettre en place un centre de sécurité maritime pour la Corne d’Afrique (MSC-HOA) qui aura pour
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Vie du droit
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militaire limite la piraterie mais elle ne supprime pas le phénomène. Au soutien de cette politique d’aide au développement, la Commission de l’UE a prévu un soutien financier en faveur de la Somalie à hauteur de 48 millions d’euros pour l’aide humanitaire. Cette somme est financée par le mécanisme ECHO qui a été mis en place exclusivement pour les aides humanitaires. Outre cette somme, il faut ajouter les 18 millions d’euros prévus pour soutenir l’instauration d’un Etat de droit dans le pays. Au total, le document de la Stratégie pour la Somalie de l’UE concernant la période 20082013 prévoit l’allocation de 215,8 millions d’euros au titre du 10ème plan FED. Ce document prévoit trois secteurs de coopération clés : gouvernance, éducation et développement rural. Enfin l’UE appuie le processus de Djibouti pour la paix et la réconciliation en Somalie et le gouvernement provisoire qui doit commencer à donner un peu de sécurité au pays.
but d’assister les navires présents dans le Golfe d’Aden en leur donnant des informations quant aux risques encourus et des conseils pour éviter les attaques. Donc l’opération militaire de l’UE a également permis de mettre en place un service de renseignements profitant aux acteurs économiques qui se trouvent dans cette zone. Mais l’UE souhaite amplifier son concours en vue de mettre en place une vraie politique régionale. Des organisations regroupant plusieurs Etats de la région, dont les plus importantes sont : - la Eastern African Community (EAC), - le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA), -l’Intergovernmental Authority on Development in Eastern Africa (IGAD), sont sur le point de déposer une requête de financement au titre du FED régional pour un programme de 25 millions d’euros en appui à la mise en œuvre de la stratégie régionale de
lutte contre la piraterie et de rétablissement de la sécurité maritime. En particulier les cinq pays membres de l’EAC (Kenya, Ouganda, Tanzanie, Rwanda et Burundi), largement engagés dans l’AMISOM, ont soutenu la prolongation d’une année du mandat du gouvernement de transition somalien. La politique de l’UE vise à donner les moyens à ces organisations locales de poursuivre leur mission en faveur de la paix en Somalie. Sur le plan politique, pour lutter de façon efficace contre la piraterie, il convient également de prendre en considération les causes profondes du phénomène. L’absence d’un Etat de droit en Somalie, ainsi que la pauvreté, sont à la base de la piraterie ; c’est pourquoi l’UE veut aider la Somalie à instaurer un Etat de droit et à assurer son développement économique. C’est cette approche globale qui seule permettra de trouver une solution à long terme afin d’éradiquer ce phénomène, car l’intervention
Droit et indemnisation des victimes
elles se tourner pour obtenir la réparation de leur préjudice corporel, matériel ou financier ? quelles sont leurs chances de succès ? Il apparaît que la situation des victimes est relativement inégale en fonction de trois paramètres : - le droit applicable, - l'existence ou non de poursuites pénales, - leur qualité de membre d'équipage, d'armateur, ou de victime isolée.
par Diane Pinard* es actes de piraterie sont le plus souvent commis à l'étranger, par des auteurs présentant une solvabilité limitée voire le plus souvent inexistante. Dans son rapport du rendu en 2009, le député Christian Ménard indiquait que sur 1526 personnes appréhendées par l'ensemble des pays impliqués dans la lutte contre la piraterie dans les eaux est africaines, seules 412 ont été poursuivies. Le Conseil de sécurité de l'ONU soulignait quant à lui dans sa résolution no1918 : « le défaut de traduction en justice des personnes responsables “d'actes de piraterie et de vols à main armée commis'au large des côtes somaliennes nuit à l'action menée par la communauté internationale contre la piraterie. » Dans un tel contexte, la rareté et la difficulté des poursuites pénales posent la question. de l'indemnisation des victimes : vers qui peuvent-
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I. L'inégalité de traitement des victimes en fonction du droit applicable Le Code pénal français s'applique aux : - infractions commises sur le territoire de la République (article L. 113-2), - infractions commises par un français hors du territoire (article L. 113-6), - aux crimes ou délits punis d'emprisonnement lorsque la victime est de nationalité française
Conclusion En conclusion, il est indéniable que l’UE développe une action directe et efficace de lutte contre la piraterie, mais elle l’a toujours inscrite dans une politique diplomatique visant à la coopération des Etats riverains et dans une politique d’aide et de soutien surtout au Kenya et à la Somalie. C’est cette approche globale qui, seule, pourra permettre de trouver une solution à ce fléau que représente la piraterie, tant pour le commerce mondial que pour le fragile équilibre des économies locales. Car aucune solution n’est possible sans prise en charge par les Etats riverains et ceux-ci ne pourraient assurer une telle mission sans l’aide de l’UE ! Donc, nonobstant les problèmes budgétaires, la politique d’aide de l’UE ne peut qu’être poursuivie. *Avec le concours de Mlle Francesca Paggi
au momentde l'infraction (article L. 113-7), - infractions commises sur un navire battant pavillon française à l'encontre de tels navires ou des personnes se trouvant à bord, en quelque lieu qu'ils se trouvent (article L. 113-3). - au-delà de la mer territoriale, dès lors que les conventions internationales et la loi le prévoient (article L. 113-12 du Code pénal). Le droit français trouve donc largement à s'appliquer, soit lorsque la victime est française, soit lorsque le bateau sur lequel est commis l'acte de· piraterie bat pavillon français. En dehors de ces cas, le droit applicable sera déterminé par les règles de droit international privé propres à chaque Etat. Or le sort de la victime est étroitement lié au droit applicable, puisque celui-ci décidera des conditions et modalités de l'indemnisation. A titre d'exemple, la piraterie n'est pas érigée en infraction par le Code pénal somalien. Ainsi, pour un acte de piraterie commis dans les eaux territoriales somaliennes et non poursuivi par un autre Etat, la victime peut être privée d'indemnisation si elle n'est pas en mesure d'invoquer l'applicabilité du droit d'un autre Etat.
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Vie du droit Toutefois, il ne faut pas occulter les limites du système. Certes, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions est susceptible de jouer à l'égard des victimes d'actes de piraterie. Certes, la saisine de la CIVI (Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions) n'est pas conditionnée par l'existence d'une procédure pénale. Néanmoins, l'indemnisation n'est intégrale que pour les infractions ayant entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail d'un mois au minimum. Elle est plafonnée à 4 179 € et soumise à certaines conditions pour une incapacité totale de travail inférieure à un mois. Enfin, seules les personnes de nationalité française peuvent être indemnisées. En dehors des cas où le fonds de garantie est susceptible de jouer, l'indemnisation de la victime sera étroitement liée· à l'existence de poursuites pénales engagées par le ministère public. Concrètement, la voie de la citation directe ou de la plainte avec constitution de partie civile paraissent en effet totalement illusoires et inefficaces pour des actes de piraterie commis à l'étranger, si les pirates n'ont pas été appréhendés lors de la commission de l'infraction. Par ailleurs, même à supposer que les pirates soient condamnés en France, se posera le problème de l'exécution de la décision. Les victimes se voient ainsi confrontées à un véritable parcours du combattant pour voir leur préjudice indemnisé. A titre plus anecdotique, il faut tout de même signaler que la loi du 5 janvier 2011 prévoit que les enfants des victimes d'actes de piraterie maritime peuvent se voir reconnaître la qualité de pupille de la Nation, pour les actes qui ont été commis postérieurement au 10 novembre 2008.
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Joe Lemmer
III. L'inégalité de traitement des victimes en fonction de leur qualité
II. L'inégalité de traitement des victimes en fonction de l'existence de poursuites pénales La convention de Montego Bay de 1982 permet à tout Etat d'intervenir pour les actes commis en haute mer ou dans un lieu ne relevant de la juridiction d'aucun Etat. Cependant, ces dispositions ne dispensent pas les Etats d'adopter les lois internes les habilitant poursuivre les actes de piraterie. L'adoption de lois internes permettant la poursuite et la répression des pirates est indispensable à la répression pénale effective de la piraterie. C'est dans ce cadre qu'a été adoptée la loi française du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'Etat en mer.
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Cette loi devrait faciliter et encourager la poursuite pénale en France des actes de piraterie commis à l'étranger. En effet, les actes de piraterie au sens de la convention de Montego Bay(1) peuvent être poursuivis et réprimés en France, s'agissant : - des actes commis en haute mer (c'est-à-dire audelà des 12 milles marins, soit environ 20 km), - des actes commis dans les espaces maritimes ne relevant de la juridiction d'aucun Etat, - lorsque le droit international l’autorise, des actes commis dans les eaux territoriales d'un Etat. Sont compétents pour connaître des infractions : - le TGI du siège de la préfecture maritime ou le TGI dans le ressort duquel se trouve le port vers lequel le navire a été dérouté, - toutes les juridictions compétentes en application du Code de procédure pénale ou d'une loi spéciale. La loi du 5 janvier 2011 devrait donc faciliter les poursuites pénales et donc la possibilité pour les victimes d'obtenir une indemnisation' en se constituant parties civiles.
Les chances pour la victime d'obtenir une indemnisation dépendent largement de sa qualité, à savoir si elle est membre d'un équipage, si elle est armateur ou si elle est un plaisancier isolé. a) La victime membre d'un équipage :
La responsabilité de l'armateur peut être recherchée en sa qualité d'employeur. Au plan civil, l'armateur peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de son obligation en matière de sûreté. Cette obligation est érigée par les articles L.·4121-1 et suivants du Code du travail. Il s'agit d'une obligation de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (voir l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 24 octobre 2007 rendu à propos des victimes de l'attentat de Karachi en 2002). Au plan pénal, la responsabilité de l'armateur peut également être engagée sur le fondement de l'article 121-3 du Code pénal relatif aux délits non intentionnels(2).
Les Annonces de la Seine - lundi 21 novembre 2011 - numéro 64
Vie du droit
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Pour s'exonérer, il doit démontrer qu'il a pris toutes les dispositions pour éviter la survenance de l'évènement. La responsabilité du fréteur peut également être recherchée lorsqu'il conserve la gestion nautique du navire, car dans ce cas il conserve ses devoirs d'armateur employeur à l'égard de l'équipage. Ainsi, la victime membre d'un équipage pourra obtenir une indemnisation de façon relativement aisée, en agissant contre des personnes solvables plutôt que contre les pirates auteurs du dommage.
c) La victime isolée :
Le plaisancier isolé, quant à lui, n'a pas d'autre choix que de se retourner contre les pirates euxmêmes, à condition qu'ils soient poursuivis au pénal. Il risque donc de ne pas être indemnisé s'il ne remplit pas les conditions pour obtenir réparation auprès du fonds de garantie.
Conclusion En résumé, l'indemnisation des victimes d'actes de piraterie dépend largement des circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise. Seul un renforcement des poursuites pénales en France permettra d'améliorer la situation des victimes. Compte tenu de l'objectif affiché par la loi du 5 janvier 2011 et de la prise de conscience récente du phénomène de la piraterie, on peut espérer que les victimes auront à l'avenir de meilleures chances d'obtenir la réparation de leur préjudice.
Notes : 1 - Voir l'article 101 de la Convention de Montego Bay. 2 - « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui. Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature dè ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du poùvoir et des moyens dont il disposait. Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'onf pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement" ; soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer. Il n'y a point de contravention en cas de force majeure. »
* Diane Pinard est avocate au Barreau de Marseille.
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Denis Viano Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
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Les chances pour la victime d'obtenir une indemnisation dépendent largement de sa qualité, à savoir si elle est membre d'un équipage, si elle est armateur ou si elle est un plaisancier Diane Pinard isolé.
b) L'armateur :
L'indemnisation de l'armateur renvoie à la question des assurances. Est généralement souscrite la couverture dite « kidnapping et extorsion », qui couvre la rançon, l’intervention de spécialiste de la gestion de crise, les coûts de communication, les frais d'assistance psychologique et le manque à gagner dû à l'immobilisation de la cargaison. Néanmoins en dehors de ces préjudices, l'armateur se trouvera généralement sans recours après avoir indemnisé les membres de l'équipage. Il assumera in fine la charge de l'indemnisation de ces derniers.
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Direct
4ème édition de la journée annuelle de l'Institut Français des Administrateurs Chambre de commerce et d'industrie de Paris - 18 octobre 2011
Pour la quatrième année consécutive, l'Institut Français des Administrateurs a organisé le 18 octobre 2011 sa journée de réflexions et d’échanges qui a réuni dans les locaux de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris quelques 300 membres et invités de l’Institut. L’IFA a dressé la liste des sujets qui vont occuper l’actualité de la gouvernance dans les mois à venir, après avoir débattu des évolutions récentes en la matière, dans le cadre de quatre tables rondes. Cette journée a également été l’occasion de présenter, en avant-première, les résultats du panorama de la gouvernance des big et midcaps d’Ernst & Young.
Les sujets d’actualité de la gouvernance dans les prochains mois (…) résentant l’Institut comme une « tête chercheuse », un lieu où l’on innove et où l’on anticipe, Daniel Lebègue, le président de l’IFA a évoqué les thèmes qui feront l’actualité de la gouvernance dans les prochains mois : - La composition des Conseils et le renouvellement des administrateurs dans une optique de diversification des profils. « Une diversité qui ne se réduit pas au genre féminin / masculin, mais qui s’élargit aux expertises, aux profils, aux nationalités ou encore aux tranches d’âge… ». - La dissociation des fonctions de Président du Conseil d’administration et de Directeur général. « En France, il y a une prédilection pour le chef unique et il est parfois difficile de partager et de rendre collégial l’e xercice du pouvoir… La répartition des pouvoirs entre le Conseil d’administration et la direction exécutive représente pourtant le meilleur équilibre ! ». - La montée en puissance de l’extra-financier
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REPÈRES
L’IFA en chiffres 8 salariés 200 sociétés adhérentes 3 000 adhérents individuels 7 commissions permanentes 7 délégations régionales 6 à 8 groupes de travail / an Plus de 50 évènements par an (J2A, Matinale, Rencontres grandes écoles, Conférences débat et forum du Club Recherche…) à Paris comme en région 6 à 7 rapports publiés / an (le 27ème a été publié) 31 administrateurs certifiés, 64 administrateurs en cours de certification et une 5ème promotion qui débutera le 7 novembre le parcours de formation certification 7 clubs pour une approche spécifique des problématiques : - Club Comités de nomination, Club Recherche, Club des administrateurs salariés, Club des administrateurs certifiés, Club des secrétaires de conseil. - 2 nouveaux Clubs en projet : « Secteur mutualiste et coopératif » et « nouvelles générations ».
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REPÈRES
A propos de l’Institut Français des Administrateurs - IFA ’Institut Français des Administrateurs est l’association professionnelle de référence des administrateurs en France. Administrateurs indépendants, administrateurs exerçant des fonctions exécutives, administrateurs représentant l’Etat, le personnel ou les actionnaires salariés... de la diversité des profils et des parcours de ses membres
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naissent la richesse des échanges et l’amélioration des pratiques professionnelles. L’IFA apporte aux administrateurs toute l’information, la formation et l’expertise nécessaires pour l’exercice de leur fonction et associe à ses activités tous ceux qui souhaitent contribuer à l’évolution des normes professionnelles et des meilleures pratiques de
dans la gouvernance d’entreprise. « Les problématiques environnementales et sociétales doivent être prises en compte et les entreprises seront de plus en plus incitées à s’intéresser à ces questions. Le décret concernant le reporting societal qui pourrait s’étendre aux entreprises non cotées est attendu pour cet automne… ». - La question de l’application en France du comply or explain (se soumettre ou s’expliquer). (…)
Etat des lieux et perspectives Dans le cadre de la 1ère table ronde « Conseil d’administration : Quelles évolutions récentes de la gouvernance d’entreprise en France ? » il était demandé à un panel de dirigeants et d’administrateurs de grandes ou moyennes entreprises, cotées ou non, de réagir aux derniers résultats du Panorama Ernst & Young de la gouvernance des sociétés cotées. Régulation des pouvoirs, composition et fonctionnement des Conseils, rémunération des administrateurs, moyens consacrés au gouvernement d’entreprise, thèmes de travail des comités spécialisés, conformité et contrôle ou encore communication aux actionnaires et aux partenaires, autant de points abordés dans cette étude. La table ronde de fin de journée était consacrée au thème « Administrateurs et actionnaires : état du débat en France et en Europe ». (…)
gouvernance. Les entreprises sont largement associées aux activités et réflexions de l’IFA et peuvent bénéficier ainsi d’un accompagnement personnalisé pour la mise en place des meilleures pratiques de gouvernance : adhésion groupée des membres de leurs conseils, recherche d’administrateur, formations « sur mesure »... www.ifa-asso.com
Restitution des travaux des groupes de travail et commissions de l’IFA La journée annuelle des administrateurs est aussi le moment où les commissions et les groupes de travail de l’IFA rendent compte de leurs travaux au cours de tables rondes favorisant les débats et les échanges d’expériences entre administrateurs. Cette année deux nouveaux rapports étaient présentés : « Direction financière, comité d’audit et conseil d’administration » : Un groupe de travail de l’IFA a travaillé pendant plusieurs mois de concert avec l’Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG). Coup de projecteur sur la relation essentielle entre ces parties : comment travaillent-ils ? Comment dialoguent-ils ? Comment optimiser cette relation ? « Rôle du Conseil dans la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise » : Le groupe de travail présidé par Mme Hélène Ploix ainsi que la Commission PME ETI de l’IFA présidée par Pierre Simon ont présenté leurs réflexions sur la manière dont le conseil d’administration est associé et assure le suivi des opérations stratégiques de l’entreprise (acquisitions, fusions, grands investissements, cessions)..
Les Annonces de la Seine - lundi 21 novembre 2011 - numéro 64
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Au Journal Officiel
Avocats intervenant au cours des gardes à vue en matière de terrorisme Décret n°2011-1520 du 14 novembre 2011 relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours des gardes à vue en matière de terrorisme JORF n° 0265 du 16 novembre 2011, page 19224 texte n° 26
Ce décret détermine les modalités d'application de l'article 706-88-2 du Code de procédure pénale prévoyant que le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction peuvent, si une personne est gardée à vue pour des faits de terrorisme, décider que cette personne sera assistée par un avocat désigné par le bâtonnier sur une liste d'avocats habilités établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur proposition des conseils de l'ordre de chaque barreau. Pourront figurer sur la liste les avocats inscrits au tableau depuis plus de cinq ans. Chaque conseil de l'ordre devra transmettre au Conseil national des barreaux les noms des avocats proposés au moins deux mois avant la fin de l'année civile. Le bureau du Conseil national des barreaux arrêtera la liste des avocats habilités pour une durée de trois ans, et il la communiquera avant le début de l'année civile à l'ensemble des bâtonniers et des chefs de juridiction. Il est précisé que le procureur de la République ou le juge d'instruction informeront le bâtonnier dans le ressort duquel se déroule la garde à vue des décisions prises en application de l'article 706-88-2, le bâtonnier devant ensuite communiquer à ce magistrat le nom de l'avocat qu'il a désigné. Article 1 Après le titre XXIII du livre IV de la deuxième partie (décrets en Conseil d'Etat) du Code de procédure pénale est inséré le titre XXV ainsi rédigé : « Titre XXV « De la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisée « Art. R. 53-40. - En vue de l'établissement de la liste prévue à l'article 70688-2, le conseil de l'ordre de chaque barreau propose au bureau du Conseil national des barreaux des avocats inscrits au tableau depuis plus de cinq ans. « Art. R. 53-40-1. - Le nombre des avocats proposés par chaque barreau
ne peut ni excéder 10% du nombre des avocats inscrits au tableau ni être inférieur à trois. « Par dérogation accordée sur demande du conseil de l'ordre, au regard des spécificités du contentieux pénal local, un seuil maximal supérieur peut être fixé par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice. « Art. R. 53-40-2. - Des suppléants sont proposés par le conseil de l'ordre de chaque barreau dans les mêmes conditions. « Art. R. 53-40-3. - Le bâtonnier de chaque barreau transmet au Conseil national des barreaux les noms des avocats proposés au moins deux mois
NOTE
Garde à vue en matière de terrorisme : le décret du 14 novembre 2011, véritable déclaration de guerre aux avocats E n dépit des très vives protestations exprimées par le Barreau par la voix notamment de ses instances représentatives, le gouvernement est resté inflexible : le décret n°20111520 du 14 novembre relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme est paru au Journal officiel du 15 novembre. N'ayons pas peur des mots : ce texte est une honte et une véritable déclaration de guerre faite aux avocats, notamment dans le contexte plus général de la place de l'avocat en garde à vue. On croyait avoir tout vu en matière de suspicion à l'égard de notre profession avec le décret antiblanchiment du 26 juin 2006, d'ailleurs partiellement annulé
par le Conseil d'Etat… Pourtant une telle défiance à l'égard des avocats, matérialisée dans un texte réglementaire, est sans précédent. Rappelons que ce texte - d'ores et déjà mort-né et qui prendra rapidement place au Panthéon des « décrets scélérats » - a été adopté sur le fondement de l'article 706-88-2 du CPP issu de la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue, qui prévoit que le JLD ou le juge d'instruction peuvent, si une personne est gardée à vue pour des faits de terrorisme, décider que cette personne sera assistée par « un avocat désigné par le bâtonnier sur une liste d'avocats habilités établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils
de l'Ordre de chaque barreau ». Le décret du 14 novembre précise les modalités d'établissement de la liste des avocats pouvant être désignés pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme. Ne pourront figurer sur la liste que les avocats inscrits au tableau depuis plus de cinq ans, ce qui en soi est une mesure de défiance et une discrimination à l'égard des jeunes avocats. Chaque conseil de l'Ordre est supposé transmettre au Conseil national des barreaux les noms des avocats proposés au moins deux mois avant la fin de l'année civile. Le nombre des avocats proposés par chaque barreau ne peut ni excéder 10% du nombre des
avocats inscrits au tableau ni être inférieur à trois. Un conseil de l'Ordre pourra demander au ministre de la Justice une dérogation, pour obtenir un seuil maximal supérieur, fondée sur les « spécificités du contentieux pénal local ». A partir des éléments qui lui seront parvenus, il appartiendrait au bureau du Conseil national des barreaux d'arrêter la liste nationale des avocats habilités pour une durée de trois ans et de la communiquer avant le début de l'année civile à l'ensemble des bâtonniers et des chefs de juridiction. L'article 2 du décret du 14 novembre 2011 prévoit, au titre de la période transitoire, que la première habilitation des avocats inscrits sur la liste prend effet du 1er avril 2012 au 31 décembre 2014. Chaque
conseil de l'Ordre est supposé transmettre au Conseil national les noms des avocats proposés avant le 31 janvier 2012. Il appartiendrait ensuite au Conseil national de diffuser la liste nationale avant le 31 mars 2012. La FNUJA appelle la profession, le CNB et l'ensemble des Conseils de l'Ordre à la résistance face à de telles dispositions qui contreviennent au principe du libre choix de l'avocat et posent en germe un exercice discriminatoire de la profession d'avocat. Les Jeunes avocats mèneront tous recours contre la totalité des dispositions critiquées. Source : communiqué de la Fédération nationale des jeunes avocats du 17 novembre 2011.
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Au Journal Officiel avant la fin de l'année civile précédant celle au cours de laquelle prend effet l'habilitation. « Art. R. 53-40-4. - Au vu de ces propositions, le bureau du Conseil national des barreaux arrête la liste des avocats qu'il habilite à intervenir dans les cas prévus à l'article 706-88-2 pour une durée de trois ans. « Art. R. 53-40-5. - L'habilitation des avocats prend effet au 1er janvier de l'année suivant la décision d'inscription sur la liste prévue à l'article 70688-2. « Le bureau du Conseil national des barreaux communique cette liste avant le début de l'année civile à laquelle prend effet l'habilitation à l'ensemble des bâtonniers, des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux, des présidents de tribunal de grande instance et des procureurs de la République. « Art. R. 53-40-6. - Lorsque, pour quelque cause que ce soit, un avocat inscrit sur la liste cesse ses fonctions, le bâtonnier du barreau auquel appartient cet avocat en informe immédiatement le bureau du Conseil national des barreaux. « Le bureau du Conseil national des barreaux procède à l'inscription sur la liste d'un avocat pris parmi les suppléants proposés par le conseil de l'ordre du barreau pour la durée d'habilitation de l'avocat qu'il remplace restant à courir.
« Il procède à une nouvelle diffusion de la liste. « Art. R. 53-40-7. - Le bâtonnier du barreau dans le ressort duquel se déroule la garde à vue est immédiatement informé des décisions prises sur le fondement de l'article 706-88-2 par le juge d'instruction ou, si cette décision émane du juge des libertés et de la détention, par le procureur de la République. « Le bâtonnier désigne un avocat figurant sur la liste dont il communique le nom au juge d'instruction ou au procureur de la République. » Article 2 I. Par dérogation aux dispositions de l'article R.53-40-3 du Code de procédure pénale, la première habilitation des avocats inscrits sur la liste prend effet du 1er avril 2012 au 31 décembre 2014. Chaque conseil de l'ordre transmet au Conseil national des barreaux les noms des avocats proposés avant le 31 janvier 2012. II. Par dérogation aux dispositions de l'article R.53-40-5 du Code de procédure pénale, le bureau du Conseil national des barreaux communique cette liste avant le 31 mars 2012 à l'ensemble des bâtonniers, des premiers présidents de cour d'appel, des procureurs généraux, des présidents de tribunal de grande instance et des procureurs de la République. 2011-583
Jurisprudence
Garde à vue et audition libre Conseil Constitutionnel - 18 novembre 2011 Décision QPC n° 2011-191/194/195/196/197- Mme Elise A. et autres [Garde à vue II]
Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les articles 63-3-1, 63-4, 63-4-1 à 63-4-5 du Code de procédure pénale relatifs à la garde à vue. Il a en revanche émis une réserve sur l'article 62 relative à l'audition libre pour en assurer la conformité à la Constitution. En effet, le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie. Le Conseil Constitutionnel, 1. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces questions prioritaires de constitutionnalité pour statuer par une seule décision ; 2. Considérant qu'aux termes de l'article 62 du Code de procédure pénale : « Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures. « S'il apparaît, au cours de l'audition de la personne, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue. Son placement en garde à vue lui est alors notifié dans les conditions prévues à l'article 63 » ; 3. Considérant que l'article 63-3-1 du même code est relatif au droit d'une personne gardée à vue d'être assistée par un avocat ; qu'aux termes du troisième alinéa de cet article : « L'avocat peut également être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa de l'article 63-2. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne » ;
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4. Considérant que l'article 63-4 du même code est relatif à l'entretien de la personne gardée à vue avec son avocat ; qu'aux termes du deuxième alinéa de cet article : « La durée de l'entretien ne peut excéder trente minutes » ; 5. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-1 : « A sa demande, l'avocat peut consulter le procès-verbal établi en application du dernier alinéa de l'article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l'article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. Il ne peut en demander ou en réaliser une copie. Il peut toutefois prendre des notes » ; 6. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-2 : « La personne gardée à vue peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations. Dans ce cas, la première audition, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d'identité, ne peut débuter sans la présence de l'avocat choisi ou commis d'office avant l'e xpiration d'un délai de deux heures suivant l'avis adressé dans les conditions prévues à l'article 63-3-1 de la demande formulée par la personne gardée à vue d'être assistée par un avocat. Au cours des auditions ou confrontations, l'avocat peut prendre des notes. « Si l'avocat se présente après l'expiration du délai prévu au premier
Les Annonces de la Seine - lundi 21 novembre 2011 - numéro 64
Jurisprudence alinéa alors qu'une audition ou une confrontation est en cours, celle-ci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s'entretenir avec son avocat dans les conditions prévues à l'article 63-4 et que celui-ci prenne connaissance des documents prévus à l'article 63-4-1. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s'entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l'audition en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire ou à la confrontation. « Lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la personne, le procureur de la République peut autoriser, par décision écrite et motivée, sur demande de l'officier de police judiciaire, que l'audition débute sans attendre l'e xpiration du délai prévu au premier alinéa. « A titre exceptionnel, sur demande de l'officier de police judiciaire, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention, selon les distinctions prévues par l'alinéa suivant, peut autoriser, par décision écrite et motivée, le report de présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. « Le procureur de la République ne peut différer la présence de l'avocat que pendant une durée maximale de douze heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l'avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu'à la vingt-quatrième heure. Les autorisations du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention sont écrites et motivées par référence aux conditions prévues à l'alinéa précédent au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l'espèce. « Lorsque, conformément aux dispositions des deux alinéas qui précèdent, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention a autorisé à différer la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations, il peut également, dans les conditions et selon les modalités prévues par ces mêmes alinéas, décider que l'avocat ne peut, pour une durée identique, consulter les procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue » ;
7. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-3 : « L'audition ou la confrontation est menée sous la direction de l'officier ou de l'agent de police judiciaire qui peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe, s'il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre avocat. « À l'issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, l'avocat peut poser des questions. L'officier ou l'agent de police judiciaire ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête. Mention de ce refus est portée au procès-verbal. « A l'issue de chaque entretien avec la personne gardée à vue et de chaque audition ou confrontation à laquelle il a assisté, l'avocat peut présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées en application du deuxième alinéa. Celles-ci sont jointes à la procédure. L'avocat peut adresser ses observations, ou copie de celles-ci, au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue » ; 8. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-4 : « Sans préjudice de l'exercice des droits de la défense, l'avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue ni des entretiens avec la personne qu'il assiste, ni des informations qu'il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations » ; 9. Considérant qu'aux termes de son article 63-4-5 : « Si la victime est confrontée avec une personne gardée à vue, elle peut demander à être également assistée par un avocat choisi par elle ou par son représentant légal si elle est mineure ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier. « La victime est informée de ce droit avant qu'il soit procédé à la confrontation. « A sa demande, l'avocat peut consulter les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste. « L'article 63-4-3 est applicable » ; 10. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent les droits de la défense, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe de rigueur nécessaire des mesures de contrainte mises en œuvre au cours de la procédure pénale, ainsi que la compétence de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle ; qu'ils critiquent, d'une part, les dispositions de l'article 62 du Code de procédure pénale en tant qu'elles permettent l'audition sans avocat d'une personne suspectée qui n'a pas
NOTE e Conseil constitutionnel a été saisi les 23 août et 9 septembre 2011 par le Conseil d'Etat et la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, de questions prioritaires de constitutionnalité. Ces questions étaient relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 62, 63 3-1, alinéa 3, 63-4, alinéa 2, 63-4-1 à 63-4-5 du Code de procédure pénale (CPP). Ces dispositions ont un double objet. D'une part, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, censurant plusieurs articles du CPP relatifs à la garde à vue, la loi du 14 avril 2011 a eu pour objet de remédier à cette inconstitutionnalité. A cette fin, ont notamment été insérés dans le Code de procédure pénale les articles 63-3-1, 63-4, 63-4-1 à 63-4-5. D'autre part, il résulte de l'article 62 du CPP qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut être entendue par les enquêteurs en dehors
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du régime de la garde à vue dès lors qu'elle n'est pas maintenue à leur disposition sous la contrainte. Cette disposition permet ce qui est parfois dénommé « l'audition libre ». Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les articles relatifs à la garde à vue et émis une réserve sur l'article 62 relative à l'audition libre pour en assurer la conformité à la Constitution. I. Les dispositions contestées du CPP relatives à la garde à vue sont conformes à la Constitution Les requérants faisaient valoir que ces dispositions du CPP restreignaient l'assistance par un avocat de la personne gardée à vue. Ils dénonçaient notamment le fait que l'avocat de la personne gardée à vue ne peut consulter que certaines pièces, dont le procès-verbal de placement en garde à vue, et non l'ensemble du dossier. Le Conseil constitutionnel a rappelé la nature de la garde à vue qui est une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judicaire. Comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa
décision du 30 juillet 2010, les évolutions de la procédure pénale qui ont renforcé l'importance de la phase d'enquête policière dans la constitution des éléments sur le fondement desquels une personne mise en cause est jugée doivent être accompagnées des garanties appropriées encadrant le recours à la garde à vue ainsi que son déroulement et assurant la protection des droits de la défense. Mais les dispositions contestées du CPP n'ont pas pour objet de permettre la discussion de la légalité des actes d'enquête ou du bien-fondé des éléments de preuve rassemblés par les enquêteurs. Ces actes ou ces éléments ont vocation, le cas échéant, à être ultérieurement discutés devant les juridictions d'instruction ou de jugement. Elles n'ont pas davantage pour objet de permettre la discussion du bien-fondé de la mesure de garde à vue enfermée par la loi dans un délai de vingt-quatre heures renouvelable une fois. En conséquence, les griefs des requérants tirés de ce que les dispositions contestées relatives à la garde à vue n'assureraient pas l'équilibre
des droits des parties et le caractère contradictoire de cette phase de la procédure pénale ont été rejetés comme inopérants. Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, jugé que les dispositions contestées du CPP relatives à l'entretien de la personne gardée à vue avec son avocat assurent, entre le droit de cette personne à bénéficier de l'assistance d'un avocat et l'objectif de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée. Il en va de même des dispositions relatives à l'éventuel report de l'entretien entre cette personne et son avocat. II. L'article 62 du CPP relatif à « l'audition libre » a fait l'objet d'une réserve pour en assurer la conformité à la Constitution Le second alinéa de l'article 62 permet « l'audition libre » d'une personne en dehors du régime de la garde à vue, c'est-à-dire sans son maintien à la disposition des enquêteurs sous le régime de la contrainte. Dès lors que la personne consent librement à être entendue, aucune
exigence constitutionnelle n'impose qu'elle bénéficie de l'assistance effective d'un avocat. Toutefois, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il résulte du respect des droits de la défense qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celleci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne saurait être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie. Sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la présente décision, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions du second alinéa de l'article 62 du Code de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense.
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Jurisprudence été placée en garde à vue et, d'autre part, les dispositions relatives aux conditions dans lesquelles une personne gardée à vue est assistée par un avocat ; - Sur les normes de Constitutionnalité applicables : 11. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance » ; qu'aux termes de son article 9 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; 12. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale ; qu'aux termes de son article 66 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; 13. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale ; que, s'agissant de la procédure pénale, cette exigence s'impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions ; 14. Considérant, en outre, qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'au nombre de ceux-ci figurent le respect des droits de la défense, qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789, et la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire ; - Sur l’article 62 du Code de procédure pénale : 15. Considérant que les requérants font valoir qu'en faisant dépendre le droit à l'assistance d'un avocat de l'existence d'une mesure de contrainte et non de la suspicion qui pèse sur la personne interrogée, l'article 62 du code de procédure pénale permet qu'une personne suspectée soit interrogée sans bénéficier de l'assistance d'un avocat ; que, par suite, il méconnaîtrait le respect des droits de la défense ; 16. Considérant que le premier alinéa de l'article 62 limite à une durée maximale de quatre heures la possibilité de retenir, pour qu'elles soient entendues, les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ; qu'il est applicable aux seuls témoins et, par suite, ne méconnaît pas les droits de la défense ; 17. Considérant que le second alinéa de cet article prévoit que s'il apparaît, au cours de l'audition de la personne, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs pour être entendue que sous le régime de la garde à vue ; 18. Considérant qu'il résulte nécessairement de ces dispositions qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut être entendue par les enquêteurs en dehors du régime de la garde à vue dès lors qu'elle n'est pas maintenue à leur disposition sous la contrainte ; 19. Considérant que, si le respect des droits de la défense impose, en principe, qu'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction ne peut être entendue, alors qu'elle est retenue contre sa volonté, sans bénéficier de l'assistance effective d'un avocat, cette exigence constitutionnelle n'impose pas une telle assistance dès lors que la personne soupçonnée ne fait l'objet d'aucune mesure de contrainte et consent à être entendue librement ; 20. Considérant que, toutefois, le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avant son audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner
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qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie ; que, sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la présente décision, les dispositions du second alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense ; 21. Considérant que les dispositions de l'article 62 du Code de procédure pénale ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; - Sur les dispositions relatives à la garde à vue : 22. Considérant que les requérants font valoir que les restrictions apportées à l'assistance par un avocat de la personne gardée à vue ou de la victime méconnaissent le respect des droits de la défense, le droit à une procédure juste et équitable et le principe du contradictoire ; qu'ils dénoncent, en particulier, l'absence de droit pour l'avocat de consulter les pièces de la procédure avant l'audition ou la confrontation et d'en obtenir la copie, la possibilité laissée aux enquêteurs de commencer l'audition de la personne gardée à vue sans que l'avocat ait eu le temps de se rendre dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, la limitation à trente minutes de l'entretien de la personne gardée à vue avec l'avocat, la restriction de l'assistance de l'avocat pour les seuls actes d'audition et de confrontation, ainsi que l'exclusion de cette assistance au cours des autres actes d'investigation, telles les perquisitions ; 23. Considérant que les requérants mettent également en cause le pouvoir reconnu à l'officier de police judiciaire, d'une part, de s'opposer aux questions posées par l'avocat au cours de l'audition de la personne gardée à vue et, d'autre part, de décider de mettre fin à une audition ou une confrontation, en cas de difficulté, pour demander au procureur de la République de saisir le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre avocat ; 24. Considérant que l'association intervenante fait valoir, en outre, que la faculté donnée au procureur de la République ou au juge des libertés et de la détention de reporter la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations porte atteinte aux droits de la défense ; 25. Considérant qu'à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010, la loi du 14 avril 2011 susvisée a eu pour objet de remédier à l'inconstitutionnalité des dispositions du code de procédure pénale relatives à la garde à vue ; qu'à cette fin, notamment, l'article préliminaire du Code de procédure pénale a été complété par un alinéa aux termes duquel : « En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui » ; que l'article 63-1 dispose que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée de son droit « lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire » ; que l'article 63 4-2 prévoit que la personne gardée à vue peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations et organise les conditions de cette assistance ; 26. Considérant, en premier lieu, que le troisième alinéa de l'article 633-1 prévoit que, lorsque l'avocat de la personne gardée à vue est désigné par la personne prévenue en application de l'article 63-2, la personne gardée à vue doit confirmer cette désignation ; que cette disposition, qui tend à garantir la liberté de la personne gardée à vue de choisir son avocat, ne méconnaît aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; 27. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article 63-4-1 prévoient que l'avocat de la personne gardée à vue ne peut consulter que le procès-verbal de placement en garde à vue et de notification des droits établi en application de l'article 63-1, le certificat médical établi en application de l'article 63-3 et les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste ; 28. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 14 du Code de procédure pénale, la police judiciaire est chargée « de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs » ; que la garde à vue est une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire ; que, comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision du 30 juillet 2010 susvisée, les évolutions de la procédure pénale qui ont renforcé l'importance de la phase d'enquête policière dans la constitution des éléments sur le fondement desquels une personne mise en cause est jugée doivent être
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Jurisprudence accompagnées des garanties appropriées encadrant le recours à la garde à vue ainsi que son déroulement et assurant la protection des droits de la défense ; que les dispositions contestées n'ont pas pour objet de permettre la discussion de la légalité des actes d'enquête ou du bien-fondé des éléments de preuve rassemblés par les enquêteurs, qui n'ont pas donné lieu à une décision de poursuite de l'autorité judiciaire et qui ont vocation, le cas échéant, à être discutés devant les juridictions d'instruction ou de jugement ; qu'elles n'ont pas davantage pour objet de permettre la discussion du bien-fondé de la mesure de garde à vue enfermée par la loi dans un délai de vingt-quatre heures renouvelable une fois ; que, par suite, les griefs tirés de ce que les dispositions contestées relatives à la garde à vue n'assureraient pas l'équilibre des droits des parties et le caractère contradictoire de cette phase de la procédure pénale sont inopérants ; 29. Considérant, d'autre part, que le 2° de l'article 63-1 dispose que la personne gardée à vue est immédiatement informée de la nature et de la date présumée de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ; que, compte tenu des délais dans lesquels la garde à vue est encadrée, les dispositions de l'article 63-4-1 qui limitent l'accès de l'avocat aux seules pièces relatives à la procédure de garde à vue et aux auditions antérieures de la personne gardée à vue assurent, entre le respect des droits de la défense et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; que, par suite, l'article 63-4-1 n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; 30. Considérant, en troisième lieu, qu'en prévoyant que la personne gardée à vue peut s'entretenir avec son avocat pendant trente minutes, qu'elle peut demander que l'avocat assiste à ses auditions et confrontations et que la première audition de la personne gardée à vue ne peut avoir lieu moins de deux heures après que l'avocat a été avisé, le deuxième alinéa de l'article 63-4 et l'article 63-4-2 instituent des garanties de nature à assurer que la personne gardée à vue bénéficie de l'assistance effective d'un avocat ; qu'il appartient en tout état de cause à l'autorité judiciaire de veiller au respect du principe de loyauté dans l'administration de la preuve et d'apprécier la valeur probante des déclarations faites, le cas échéant, par une personne gardée à vue hors la présence de son avocat ; que, par suite, en n'imposant pas un délai avant chacune des éventuelles auditions suivantes de la personne gardée à vue et en permettant que, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, l'audition puisse commencer avant l'expiration du délai de deux heures lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la personne, le législateur a assuré, entre le droit de la personne gardée à vue à bénéficier de l'assistance d'un avocat et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; 31. Considérant, en quatrième lieu, que les trois derniers alinéas de l'article 63-4-2 permettent le report de la présence de l'avocat lors des auditions ou confrontations ainsi que celui de la consultation des procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue ; que ces dispositions n'ont pas pour effet de permettre le report de l'entretien de trente minutes de l'avocat avec la personne gardée à vue ; qu'un tel report n'est possible que sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, pour une durée de douze heures ; que cette durée peut être portée à vingtquatre heures sur autorisation du juge des libertés et de la détention, lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans ; que la possibilité d'un tel report n'est prévue qu'à titre exceptionnel, lorsque cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes ; que la restriction ainsi apportée au principe selon lequel la personne gardée à vue ne peut être entendue sans avoir pu bénéficier de l'assistance effective d'un avocat est placée sous le contrôle des juridictions pénales saisies des poursuites ; que, par suite, eu égard aux cas et aux conditions dans lesquels elle peut être mise en œuvre, la faculté d'un tel report assure, entre le respect des droits de la défense et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ; 32. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 63-4 et celles de l'article 63-4-2 ne méconnaissent ni le respect des droits de la défense ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; 33. Considérant, en cinquième lieu, que le premier alinéa de l'article 63-
4-3 dispose que l'audition ou la confrontation est menée sous la direction de l'officier ou de l'agent de police judiciaire et prévoit que ce dernier peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser le procureur de la République qui informe, s'il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d'un autre avocat ; 34. Considérant, que le deuxième alinéa de cet article prévoit que l'avocat peut poser des questions à l'issue de chaque audition ou confrontation et que l'officier ou l'agent de police judiciaire ne peut s'opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête ; que son dernier alinéa permet à l'avocat de présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées ; que l'avocat peut également adresser ses observations écrites directement au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue ; 35. Considérant que ces dispositions ne méconnaissent ni les droits de la défense ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; 36. Considérant, en sixième lieu, que l'article 63-4-4 soumet l'avocat au secret de l'enquête en lui interdisant de faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue des entretiens avec la personne qu'il assiste et des informations qu'il a recueillies en consultant les procèsverbaux et en assistant aux auditions et aux confrontations ; qu'il ressort des termes mêmes de cet article que cette interdiction s'applique « sans préjudice de l'exercice des droits de la défense » ; qu'elle ne saurait, par suite, porter atteinte à ces droits ; que cet article n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ; 37. Considérant, en septième lieu, que l'article 63-4-5 reconnaît également à la victime confrontée avec une personne gardée à vue le droit de demander à être assistée par un avocat ; qu'il n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; 38. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le second alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale doit être déclaré conforme à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 20 ; que les autres dispositions contestées doivent être déclarées conformes à la Constitution, Décide : Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 20, le second alinéa de l'article 62 du Code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Article 2.- Le premier alinéa de l'article 62 du Code de procédure pénale, le troisième alinéa de son article 63-3-1, le deuxième alinéa de son article 63 4 et ses articles 63-4-1 à 63-4-5 sont conformes à la Constitution. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 novembre 2011, où siégeaient : le Président Jean-Louis Debré, Jacques Barrot, Claire Bazy Malaurie, Guy Canivet, Michel Charasse, Renaud Denoix de Saint Marc, Jacqueline de Guillenchmidt, Hubert Haenel et Pierre Steinmetz.
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Décoration
Denis Lequai, Chevalier de la Légion d’Honneur Il a également cité Joachim du Bellay : O beaux discours humains ! Je suis venu si loin, Pour m'enrichir d'ennui, de vieillesse et de soin, Et perdre en voyageant le meilleur de mon âge. Ainsi le marinier souvent pour tout trésor Rapporte des harengs en lieu de lingots d’or, Ayant fait, comme moi, un malheureux voyage. C¹était une façon originale de décrire l¹attachante personnalité de Denis Lequai, apprécié pour son humanisme et sa force de
conviction dans ses plaidoiries, ce juriste clairvoyant est un grand orateur. Grand parmi les meilleurs, la carrière de cet homme est exemplaire au plan syndical et ordinal tant il s’est intéressé à l’avenir en développant une vision prospective de sa profession. Nous adressons nos chaleureuses félicitations à celui qui, par son talent et son pragmatisme, a mené de nombreux combats en faveur de l¹intérêt général. Jean-René Tancrède 2011-585
Denis Lequai et Thierry Wickers Denis Lequai Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Paris - 17 novembre 2011
hierry Wickers, président du Conseil National des Barreaux, a remis à son confrère Denis Lequai, ancien Bâtonnier du Barreau de Lille, les insignes de Chevalier de la Légion d¹honneur ce jeudi 17 novembre. L’Officiant, particulièrement poétique, s’est notamment exprimé en quatrains :
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Je me ferai savant en la philosophie En la mathématique et médecine aussi: Je me ferai légiste, et d'un plus haut souci Apprendrai les secrets de la théologie : Du luth et du pinceau j'ébatterai ma vie, De l'escrime et du bal. Je discourais ainsi, Et me vantais en moi d'apprendre tout ceci, Quand je changeai la France au séjour d'Italie.
Au fil des pages
Jamais sans ma robe Les ténors du barreau montent au créneau par Daniel Richard - Préface de Christian Millau « Tous égaux sous la robe » : la formule est belle, mais… sous la robe... combien d’histoires et de destins différents ! a robe, fil rouge ou noir de cet ouvrage, est ici prétexte à rencontrer les meilleurs acteurs de l’arène judiciaire. Les grands avocats Metzner, Le Borgne, Pelletier, Lemaire, et des magistrats tels que Bilger ou Coujard témoignent de la symbolique de ce vêtement singulier, et reviennent sur les grands procès qui les ont marqués.
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Bénéficiant d’un observatoire privilégié grâce à Valérie Bosc des Moutis, qui maintient la tradition de la prestigieuse Maison Bosc, réputée pour habiller les plus illustres hommes de loi depuis plusieurs générations, maître Daniel Richard a voulu, au gré de ses rencontres et de ses amitiés, partager quelques morceaux choisis des vies de ces ténors, loin du barreau. 141 pages - 15 € Editions du Rocher www.editionsdurocher.fr 2011-581
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