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Jeudi 24 novembre 2011 - Numéro 65 - 1,15 Euro - 92e année
Conférence des Présidents des Cours d’Appel de l’Union européenne Dijon - 13 / 15 octobre 2011 VIE DU DROIT
Conférence des Présidents des Cours d’Appel de l’Union Européenne
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Du constat à la réflexion par Soraya Amrani Mekki ............................ Nouvelles technologies de la communication et de l’information et procès équitable par Laure Milano.................................................. Technologies de l'information et principes fondamentaux du procès Synthèse par Mélina Douchy-Oudot .................................................... La communication judiciaire par Natalie Fricéro............................. Présents, distants ou absents ? Les justiciables et le développement de la visioconférence dans la justice française par Laurence Dumoulin ...........................
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Projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines ..........................................................16 Avocats Conseils d’Entreprises
24 AGENDA ......................................................................................5 JURISPRUDENCE
Motions adoptées lors du XIXème Congrès de Perpignan ..................
Divulgation du nom de la personne ayant consenti à la diffusion de son image
Cour de cassation - 1ère chambre civile - 4 novembre 2011 ............
PALMARÈS
19
Deloitte Technology Fast 50 National - 11ème Edition ....20 Crédit Coopératif - 31ème Rencontre Nationale .................22
ANNONCES LEGALES ...................................................26 DIRECT François Molins, Procureur de la République de Paris ..39
La Conférence des Présidents des Cours d’Appel de l’Union Européenne a organisé du 13 au 15 octobre 2011 à l’ancien Parlement de Bourgogne, siège de la Cour d’Appel de Dijon, un colloque international sur le thème des technologies de l’information et de la communication (TIC) au service de la justice du XXIème siècle. Cette conférence européenne, qui s’est réunie pour la première fois en septembre 2009 à l’initiative du président de la Cour d’Appel de Naumburg en Allemagne Winfried Schubert, fut un incontestable succès. Les Premiers Présidents de Cours d’Appel français sont venus en nombre et des délégations de vingt-trois Cours d’Appel étrangères ont fait le déplacement en Bourgogne pour participer à ces travaux. La séance d’ouverture solennelle fut honorée de la présence de prestigieuses personnalités au premier rang desquelles Michel Mercier, Garde des Sceaux mais aussi François Sauvadet, Ministre de la Fonction Publique et Président du Conseil Général de la Côted’Or, François Patriat, Sénateur et Président du Conseil régional de Bourgogne et François Rebsamen, Sénateur-Maire de Dijon. Pour le Premier Président de la Cour d’Appel de Dijon Dominique Gaschard, le recours aux nouvelles technologies constitue une « véritable révolution avec des enjeux très importants qui s’annonce pour
notre institution judiciaire ». Il a souligné que « les technologies de l’information et de la communication ne sont en effet pas neutres » tant en ce qui concerne l’organisation judiciaire et les méthodes de travail, que dans le domaine des principes fondamentaux. Dans ce contexte de profond bouleversement, Dominique Gaschard qui vient d’être élu président de la Conférence des Présidents de Cours d’Appel des pays de l’Union Européenne, Winfried Schubert Président de la Cour d’Appel de Naumburg (Allemagne) et Juan Manuel Fernandez Martinez, Président de la Cour d’Appel de Navarre (Pampelune, Espagne), ont coprésidé et organisé cet événement avec l’objectif de « dresser la liste des risques éthiques liés à l’utilisation des nouvelles technologies par le juge », puis d’élaborer un recueil des bonnes pratiques dans ce domaine. Un projet de guide des bonnes pratiques a donc été soumis à l’ensemble des participants et discuté en réunion plénière, avant d’être validé par le Bureau de la Conférence. Diffusé par tous les Chefs de Cours membres de cette organisation dans les juridictions de leurs ressorts respectifs, ce document accompagnera désormais tous les juges européens dans l’utilisation des nouvelles technologies. Jean-René Tancrède
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Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président de la Chambre des Notaires de Paris Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International
Didier Chotard Frédéric Bonaventura
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COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas
Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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par Soraya Amrani Mekki* ’ai l’honneur d’ouvrir les travaux de la conférence des Présidents des Cours d’appel de l’Union européenne consacrée aux « Technologies de l’information et de la communication au service de la justice du XXIème siècle ».
Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède
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Du constat à la réflexion
1. Je remercie chaleureusement les organisateurs pour la confiance qu’ils m’ont accordée sur un sujet d’une séduction certaine. La séduction pour les technologies de l’information et de la communication vient des espoirs qu’elles font naître pour la justice du XXIème siècle. La commission européenne considère à propos de e-justice par exemple que « l'introduction des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans l'administration de la justice apporte des possibilités de solutions en améliorant le fonctionnement de la justice et en contribuant à la rationalisation des procédures et à la diminution des coûts…(1) ». Les TIC serviraient ainsi utilement la justice du XXIème siècle. Gain de temps, d’argent, renforcement du principe du contradictoire, meilleur accès à l’information par le portail du ministère de la justice ou par les points visio publics(2), meilleur accès à la justice, autant de vertus qu’il faut saluer et qui découlent de la variété de l’offre technologique. 2. « Nébuleuse aux contours incertains(3) », les technologies renvoient à des réalités diverses. Il peut s’agir de nouveaux modes de communication. Elles renvoient alors aussi bien aux courriels, aux télécopies qu’aux visioconférences ou encore au téléphone. Leur spécificité tient non seulement à leur support et à leur mode de transmission mais également à leur contenu. En effet, courriels et télécopies qui sont matériellement des écrits ont la particularité d’être rédigés de manière moins formalisée. Sortes d’écrits « oralisés », ils participent certes de l’écrit en ce qu’ils sont fixés, figés mais peuvent être assimilés par leur rédaction spontanée et informelle à l’oral. Quant aux visioconférences, leur oralité est spécifique du fait de la perte de contact physique qu’elles impliquent. En outre, si les échanges sont enregistrés, la parole figée et pérenne se rapproche de l’écrit. Les technologies montrent ainsi des formes hybrides et il a pu être évoqué à leur égard une forme d’oralité secondaire(4). Renouvelant les vecteurs de manifestation de la volonté, elles ont pour avantage notamment d’éviter des déplacements inutiles, longs et coûteux et de favoriser une contradiction interactive. Les technologies renvoient aussi aux bases de données informatiques ou à une modélisation des jugements ou des conclusions qui sont une aide aux acteurs du service public de la justice renforçant la rapidité et la qualité de leurs jugements et conclusions. 3. Pour autant, la séduction apparente des TIC ne doit pas aveugler car elle pourrait bien être en partie dolosive. Ainsi que le soulignent les travaux de la CEPEJ, « en théorie, les TC
renforcent l’efficacité, l’accès, le respect des délais, la transparence et la responsabilité, pour aider le corps judiciaire à proposer des services de qualité. En pratique, de nombreux exemples ont montré que ce n’est pas toujours le cas(5) ». De la théorie à la pratique, la descente est parfois difficile. Il ne suffit pas de scander l’efficacité des TIC pour en faire une réalité. De nombreux dysfonctionnements ont révélé en Europe ses limites et si la commission européenne ou la CEPEJ parle d’efficacité des TIC, c’est le plus souvent en référence à leur utilisation(6) et non à leur utilité. La nuance est de taille(7). Il ne suffit pas de dire qu’un outil est précieux parce qu’il est utilisé. Il faut vérifier que cette utilisation est utile. Or, il y a au vrai peu d’études sur ce point(8) et les rares qui ont été menées font parfois, au contraire, le constat d’une relative déception(9). 4. Les charmes des TIC ne doivent pas éblouir au point d’occulter ses dangers potentiels. C’est alerté par ceux-ci que le magistrat ou l’avocat pourra mieux y succomber. Malheureusement, c’est là que le sujet se fait moins séduisant car l’on quitte le domaine des apparences pour envisager le travail au quotidien des gens de justice qui devront cohabiter au jour le jour avec les technologies auxquelles ils ont succombés de bonne grâce. « Boire, manger, (surfer) ensemble, c’est mariage ce me semble » pourraiton dire. Or, « en mariage, il trompe qui peut » selon les célèbres formules de Loysel. A l’épreuve de leurs relations quotidiennes, les TIC pourraient perdre de leur superbe. « La dématérialisation ne va pas sans soulever toute une gamme de problématiques propres, qui ne sont pas dépourvues d'effet sur le quotidien des praticiens(10) ». Il est faux de croire que l’outil informatique est neutre et il ne faut surtout pas laisser ce domaine entre les mains des seuls techniciens. Il faut se garder du risque réel et dénoncé que « la norme technologique dicte sa loi à la norme procédurale(11) ». C’est pourquoi on ne peut que se féliciter du fait que cette conférence des Présidents de Cour d’appel de l’Union européenne commence ses travaux par une session consacrée à l’utilisation des TIC dans le processus judiciaire car les technologies doivent servir la justice et ne pas l’asservir. 5. Traiter du travail au quotidien des gens de justice amène alors à des questionnements de prime abord plus sociologiques que juridiques. C’est sans doute la raison pour laquelle en France, ce sont essentiellement les sociologues qui se sont intéressés à la matière, soulevant des questions inédites derrières lesquelles pointent des garanties du procès équitable. Est-ce que la lecture sur informatique est la même que sur papier par exemple ? Rien n’est moins sûr et on a pu dénoncer « une possible impression de gêne, de désorientation ou de difficulté, mais aussi de liberté, de plaisir ou de satisfaction. Lorsqu’on sait que la compréhension et la mémorisation sont proportionnelles à la vitesse de lecture, on comprend qu’un nouveau support qui réduit l’automatisation des processus provoque un déficit de résultat(12) ». La qualité du travail sur écran pourrait alors être remise en cause. S’il faut imprimer avant d’étudier, alors, le seul effet des technologies est de transférer le coût de l’impression du cabinet à la juridiction.
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7. Enfin, pour ne prendre que ces illustrations topiques, le rituel judiciaire n’est-il pas profondément modifié lorsque l’audience débute par un bip de connexion et non plus par l’entrée des magistrats en robe devant un public qui se lève(15) ? « Le caractère peu ritualisé et symbolique des espaces de visioconférence contribue à inscrire ces sites dans une forme d’ordinarité (des lieux de bureau, des salles de réunion comme les autres)(16) ».
Dominique Gaschard
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6. De même, est ce qu’une audience à distance par visioconférence est équivalente à une audience en presentiel ? « Certes, on peut entendre - et voir - à distance ; on peut être convaincant par “courriel” … Mais l’échange direct entre la personne qui s’e xprime dans un procès, à quelque titre que ce soit, et celui qui va décider est irremplaçable (…) Priver complètement les parties de cette possibilité de s’adresser au juge sans intermédiaire humain ou technique serait peut-être dans certains cas, contraire au principe du procès équitable(13) ». Derrière cette question, il est évidemment question de la déshumanisation de la justice déjà notable à travers certaines études empiriques menées, notamment, dans les maisons d’arrêts à propos des visioconférences avec les détenus pour éviter le coût des extractions(14).
8. Du sociologique on passe alors au juridique par la grande porte, celle des principes fondamentaux de la procédure. Si les technologies de l’information et de la communication changent les méthodes de
travail des juges et des avocats, leurs rituels, est ce qu’il n’existe pas un risque pour les garanties du procès équitable ? L’indépendance du juge est-elle assurée dès lors que son « rendement » peut être chiffré,
REPÈRES
Travaux de la conférence des Présidents de Cours d’Appel de l’Union Européenne Avant-projet élaboré par le Bureau de la Conférence après discussion en réunion plénière à Dijon n projet de guide des bonnes pratiques avait été préparé, en amont du colloque, qui a été soumi à l’ensemble des participants de tous les pays représentés de l’Union. Ce document a été discuté en réunion plénière, à Dijon, le 15 octobre 2011. A cette occasion, des améliorations y ont été apportées par les participants. Quelques jours plus tard, les premiers présidents français qui avaient participé au colloque ont proposé à leur tour quelques modifications. Le texte ainsi modifié a été soumis ensuite par le Premier président Dominique Gaschard, premier président de la cour d’appel de Dijon, qui préside actuellement la Conférence des présidents de cours d’appel des pays de l’UE, aux autres membres du Bureau, à savoir : - le Président Winfried Schubert, président de la cour d’appel de Naumburg (Allemagne), - le Président Juan-Manuel Fernandez Martinez, président de la cour d’appel de Navarre (Pampelune, Espagne), - le Président Johannes Verburg, président de la cour d’appel de La Haye (Pays-Bas), - le Président Mikko Könkkölä, président de la cour d’appel d’Helsinki (Finlande). Ces chefs de cour ayant validé ce document, il va maintenant être diffusé par tous les chefs de cours membres de cette Conférence
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dans les juridictions de leurs ressorts respectifs pour être utilisé par les juges de leur pays. Le souci commun étant d’actualiser ce guide au fur et à mesure de l’évolution des technologies de l’information et de la communication, chacun pourra faire remonter ses suggestions dans le souci d’améliorer l’outil. Article préliminaire Le présent guide, qui n'a pas de valeur normative, énumère les bonnes pratiques dans l'utilisation par le juge des TIC, qui sont discutées par la Conférence des présidents des cours d'appel de l'Union européenne. Sont notamment considérés comme technologies de l’information et de la communication : - la communication électronique avec les parties, avec leurs conseils, avec les huissiers et les experts, - l’utilisation de banques de données liées aux publications jurisprudentielles et doctrinales, - la visioconférence, - le traitement automatisé des données de la procédure, - la dématérialisation de la procédure. Article 1er Indépendance du juge Le juge utilise les technologies mises à sa disposition dans le
respect du principe d’indépendance et des règles procédurales. Il veille notamment à ce que ni le déroulement des procédures ni le contenu de ses décisions ne soient dominés par les impératifs et les spécificités techniques des TIC. Article 2 Impartialité et respect des droits de la défense Le juge s’assure de l’égalité entre les plaideurs dans l’utilisation qu’ils font des technologies de l’information et de la communication. Il veille à ce que les parties n’utilisent pas la communication électronique de manière déloyale et à ce que chacune puisse accéder aux éléments de fait et de droit du litige présentés par l’adversaire dans un délai raisonnable pour pouvoir en discuter utilement. Article 3 Publicité des débats Le juge veille au respect du principe de publicité des débats, même en cas de recours à la visioconférence. Article 4 Humanisme et dialogue avec les justiciables Le juge veille à ce que la dématérialisation des procédures et le recours aux technologies d’information et de
communication ne réduisent pas les droits reconnus aux parties comme à leurs conseils, notamment en ce qui concerne l’accès des parties à l’audience et la confidentialité de l’entretien entre la personne entendue et son avocat. Le respect de la singularité de chaque procès doit être garanti. Article 5 Respect de la vie privée Le juge veille à ce que la confidentialité et les données personnelles soient respectées strictement, en prenant toutes précautions matérielles à cette fin dans l'usage des TIC, afin de sauvegarder les libertés individuelles en général ainsi que les principes de confidentialité découverts par la CEDH.
sa décision, particulièrement à l’occasion des procédures automatiquement générées et de l’utilisation des formules modélisées. Article 8 Accès effectif au juge Le président de la juridiction veille à ce que, dans l'organisation de son tribunal ou de sa cour d’appel, les TIC ne constituent pas un obstacle à l’accès au juge. Sous réserve des dispositions légales autorisant ou prescrivant la communication électronique entre la juridiction et les parties, le juge veille à ce que les justiciables ne disposant pas d’un accès aux TIC ne soient pas privés d’accès à la justice.
Article 6 Loyauté A l’occasion de la mise en place et du développement des TIC, les juridictions favorisent la concertation avec les différents acteurs du procès en vue de les faire bénéficier d’une information transparente et claire sur tout changement organisationnel susceptible d’en résulter.
Article 9 Maîtrise des TIC Le juge veille à entretenir et actualiser ses connaissances, notamment dans le cadre de la formation continue, pour maîtriser l'usage des TIC. Il s’emploie à apporter son expérience juridictionnelle à la conception, au développement et à l’amélioration des TIC en formulant toutes propositions utiles.
Article 7 Motivation des décisions de justice Le juge veille à ce que le recours aux TIC n’altère pas la qualité de
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Marie-Dominique Trapet, Wilfried Schubert, Dominique Gaschard, Michel Mercier, Dominique Bohnert et Juan Manuel Fernandez Martinez contrôlé ? Que des indicateurs de performance peuvent l’inciter à user de technologies diminuant la qualité de l’écoute des justiciables ? L’intervention d’un quatrième acteur de la procédure en la personne des sociétés informatiques ne risque-t-elle pas de troubler le processus judiciaire ? 9. L’avocat, quant à lui, n’est-il pas sevré de parole ? La qualité de la mise en état interactive diminue incontestablement la part d’oralité. Alors même que les avocats ont longtemps dénigré les heures d’attentes pour des audiences formelles, ils regrettent parfois la rencontre physique du magistrat. Le droit d’être entendu ne suppose-t-il pas un moment d’é coute physique ? Le principe de présence, qui commence à émerger en France et qui existe déjà dans de nombreux pays notamment en Espagne sous l’appellation de principio de inmedaccion, semble l’accréditer. La seconde session de la conférence est ainsi judicieusement consacrée aux TIC confrontés aux principes fondamentaux du procès. 10. Alertés par les dangers potentiels d’une utilisation aveugle des TIC, il faut naturellement passer le constat et apporter à la réflexion. C’est pourquoi cette conférence envisage d’apporter aux débats de manière pragmatique par l’élaboration de bonnes pratiques. « Qui fait l’enfant doit le nourrir » poursuivait Loysel. La cohabitation des TIC avec le service public de la justice doit nourrir une réflexion constante sur les adaptations nécessaires et ce sont les TIC qui doivent alors se soumettre aux besoins des acteurs de la justice et non l’inverse. Le juge doit rester au cœur du système. « En matière de nouvelles technologies, il convient de progresser graduellement en fonction des moyens disponibles et de privilégier les solutions pratiques aux positions de principe, ce qui exclut que la norme technologique dicte sa loi à la norme procédurale en excluant tout autant que la rationalité procédurale ne favorise pas en son sein les bonnes pratiques que peuvent lui apporter les nouvelles technologies(17) ». L’usage des technologies de l’information et de la communication doit demeurer une aide et non l’enserrer dans un carcan. Ainsi que l’a précisé
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la Cour européenne des droits de l’homme, par exemple, « si la participation de l'accusé aux débats par vidéoconférence n'est pas en soi contraire à la convention, il appartient à la Cour de s'assurer que son application dans chaque cas poursuit un but légitime(18) ». 11. Doit-on avoir peur des TIC ? Tel n’est pourtant pas mon sentiment. « L’abus n’est pas dans la technologie, mais dans l’usage inconsidéré que l’on pourrait en faire(19) ». Cela est certain pour la mission juridictionnelle du juge mais l’est aussi, dans une certaine mesure pour ses tâches administratives car l’administration de la justice ne sera jamais une administration comme les autres(20). C’est pourquoi il faut saluer l’initiative des organisateurs de cette conférence qui ont su comprendre que la solution repose sur les bonnes pratiques des professionnels. Autant vous dire qu’à l’honneur qui m’a été fait d’ouvrir ces journées succèdera celui d’assister à la dernière session consacrée au recours aux TIC et à l’adoption d’un référentiel de bonnes pratiques. L’homme doit rester maître de l’usage des TIC qui ne doivent pas devenir des TOC. Notes : 1 - Communication de la Commission au Conseil au Parlement européen et au Comité économique et social européen, Sec(2008)1947 Sec(2008)1944/COM/2008/0329 final. 2 - Communiqué de la chancellerie : « Via cet échange en temps réel fondé sur la relation humaine, les démarches administratives sont simplifiées et les déplacements inutiles et fastidieux évités. (...) Faciliter l'accessibilité des centres administratifs aux citoyens, c'est donner du sens au service public de proximité ». 3 - L. Cadiet, Le procès civil à l’épreuve des nouvelles technologies, Rapport de synthèse, Procédures avril 2010, dossier 8, spéc. n°3. 4 - S. Amrani Mekki, L’impact des nouvelles technologies, in La parole, l’écrit et l’image de la justice, Quelle procédure pour le XXIème siècle, Les entretiens d’Aguesseau, PULIM, 2011, pp.157 et s. 5 - M. Velicogna, Utilisation des technologies de l'information et de la communication dans les États européens, groupe de travail sur l'évaluation (CEPEJ) Conseil de l'Europe, (CEPEJ 2007)22Prov, p.2. V. not. L’exemple italien, F. Contini et A. Cordella, Information system and information infrastructure deploypment : the challenge of the italian e justice approach, 12ème conférence européenne sur les systèmes d’information, Institut d’économie et de gestion de Turku, Finlande, 2004. 6 - La Europäische EDV-Akademie des Rechts GmbH (Faculté européenne pour la justice en ligne) a été chargée de réaliser une étude sur le degré d'utilisation des technologies de l'information au sein de la justice (Doc 9573/07 JURINFO 17. A propos des visioconférences. Annexe, « Les projets ayant trait à la vidéoconférence pourront être évalués en fonction du nombre de vidéoconférences transfrontalières par an et du nombre de refus de vidéoconférences transfrontalières par an ». V. égal. M.
Velicogna, Utilisation des technologies de l'information et de la communication dans les États européens ", op; cit. 7 - S. Derlange, A. Errera, L'essor des téléprocédures judiciaires en France et à l'étranger : vers la justice de demain, JCP, 2008, I, 224, n° 19 : « - En Autriche, le bilan est très positif. Quelques données chiffrées permettent de mesurer le succès de la démarche : - 85% des affaires déposées devant les tribunaux civils ont été envoyées par voie électronique en 2005 ; - des économies en frais postaux estimées à 2,9 M d'euros en 2005, 3 M d'euros en 2006 ; - environ 5 000 participants, qui ont envoyé 2,2 M de documents et en ont reçu 4,3 M créés par les tribunaux ; - pour les tribunaux, un gain de productivité estimé à environ 130 équivalents temps plein (le ministère de la Justice compte 11 000 fonctionnaires). 8 - S. Derlange, A. Errera, op. cit., spéc. n°9 : « Une étude de l'université de Graz a montré que, comparé à l'envoi d'une requête par voie papier, l'usage de la procédure électronique prenait sept minutes de moins, du fait de la suppression des manipulations du support papier » (K. Starl, Eine Amortisationsrechnung für den Elektronischen Rechtsverkehr, Datagraph - Zeitschrift für EDV in Rechtsberufen, 1998, 3, 28). 9 - Les travaux la CEPEJ soulignent que leur utilisation n’amène pas les gains de productivité et les rendements auxquels on pouvait s’attendre. M. Velicogna, Utilisation des technologies de l'information et de la communication dans les États européens op. cit., spéc. p.49. – R. Susskind, The challenge of the information society : application and Advanced technologies in civil litigation and other procedures : report of England and wales, 1999, htpp://ruessmann.jura.unisb.de/Grotius/English/report/england/htm p.5. V. égal en ce sens, S. Derlange, A. Errera, op. cit., spéc. n°22. 10 - G. Canal et A. Saragoussi, Perspectives et enjeux de la signification dématérialisée au regard de l'expérience de la Cour de cassation, Gaz. Pal., 23 juillet 2011, n° 204, pp.9 et s. 11 - L. Cadiet, Le procès civil à l’épreuve des nouvelles technologies, Rapport de synthèse, op. cit. 12 - C. Belisle, Lire avec un livre électronique : un nouveau contrat de lecture ? in. Interdisciplines.org 13 - M. Legras, La justice et les technologies de l’information et de la communication, pp.197 et s., in L’administration électronique au service des citoyens, G. Chatillon et B. Du Marais (dir.), Bruylant, 2003, pp.203204. 14 - Gaz. Pal. NBP n°9 : Exemples : maisons d’arrêts de Mont-de-MarsanLyon Corbas, Saint-Aubin-Routot (en remplacement de celle du Havre programmée en avril 2010). 15 - L. Dumoulin et C. Licoppe, Justice et visioconférence : les audiences à distance. Genèse et institutionnalisation d’une innovation, Rapport final, Mission droit et justice, janvier 2009. 16 - L. Dumoulin et C. Licoppe, op. cit., spéc. p.207. 17 - L. Cadiet, Le procès civil à l’épreuve des nouvelles technologies, Rapport de synthèse, op. cit., spéc. n°32. 18 - CEDH, Marcello Viola c/ Italie, 5 octobre 2006, n°45106/04, pt.67. 19 - J. Simon Delcros, Visioconférences, moderniser sans déshumaniser, Gaz. Pal., 11 mai 2010, n°131, p.8. 20 - H. Croze, Le décret du 29 avril 2010 relatif à la communication par voie électronique en procédure civile : les significations d’un texte insignifiant, Gaz. Pal. 11 mai 2011, n°131, p.7, spéc. n°5 : « les règles de procédure civile passent sous la férule, pour ne pas écrire les fourches caudines, de l'informatique. Il est significatif que la fiche descriptive du texte mentionne dans la rubrique « Nature » : « simplification administrative ». La justice est une administration comme une autre que l'on peut simplifier et moderniser... C'est une conception choquante, mais que l'on ne peut plus aujourd'hui écarter d'un revers de main ». * Soraya Amrani Mekki est agrégée des facultés de droit et professeure à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense.
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Vie du droit Nouvelles technologies de la communication et de l’information et procès équitable par Laure Milano our véritablement appréhender quel peut être l’apport des nouvelles technologies au procès équitable, il faut tout d’abord éviter un écueil : l’utilisation des nouvelles technologies ne va pas nécessairement, inévitablement, être le gage du renforcement de l’équité du procès. A l’inverse, il ne faut pas, bien entendu, partir du préalable qu’elles seraient un obstacle au procès équitable. De quoi parle-t-on, lorsque que l’on parle de l’utilisation des nouvelles technologies en matière processuelle ? Si l’on se réfère, par exemple, à la communication de la Commission sur la stratégie européenne en matière d’e-justice, il s’agit de rationaliser les procédures, diminuer les coûts et les délais, de renforcer l’efficacité de l’action judiciaire grâce, entre autres, à la dématérialisation des procédures, aux courriels, visioconférence, base de données informatiques etc. On ne peut pas en effet nier les progrès considérables qu’apportent, et qu’apporteront encore dans l’avenir, les nouvelles technologies au service de la justice, mais il ne faut pas oublier que la procédure n’est pas une technique mécanique et formelle d’organisation du procès, les garanties procédurales sont le support nécessaire des droits des justiciables et doivent avoir pour finalité de protéger les droits du justiciable. C’est cette dimension humaine de la justice qu’il faut toujours garder à l’esprit et que l’on a parfois tendance à occulter lorsque l’on parle des nouvelles technologies comme un gage de modernisation et d’amélioration des systèmes judiciaires. Cette dimension humaine de la justice est souvent au cœur des jugements rendus par la Cour EDH. L’article 6 de la Convention qui garantit le droit à un procès équitable énonce des garanties très classiques, indépendance, impartialité, célérité, ces garanties sont reconnues et protégées dans la plupart des droits nationaux, indépendamment des exigences européennes. Pourtant, on ne peut que constater l’emprise de ces exigences sur les procédures nationales et les nombreuses évolutions et adaptations des procédures nationales qui ont été amorcées sous l’effet de la jurisprudence européenne. Cet apparent paradoxe s’explique, à mon avis, par le fait que la Cour européenne a replacé le justiciable au cœur du procès et c’est dans la relation entre les parties et le juge qu’il faut resituer les garanties procédurales de l’article 6 Selon la célèbre formule de la Cour, il ne faut pas seulement que la justice soit rendue, il faut que l’on voit qu’elle a été rendue. Ce souci des apparences, des craintes que les justiciables peuvent nourrir à l’encontre de la justice a par exemple conduit la Cour à juger que l’avocat général ou le rapporteur public n’avaient pas à participer au délibéré de la formation de jugement, ou encore que les droits de la défense
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impliquent l’assistance d’un avocat dès les premiers interrogatoires. Au-delà du bien-fondé, ou non, de ces prises de position, l’apport de la jurisprudence européenne est d’avoir remis en lumière la dimension psychologique et finalement très humaine de la justice. Nous sommes donc très loin ici des questions de rendement ou d’efficacité que sont susceptibles d’apporter les nouvelles technologies. Pourtant la dématérialisation, la visioconférence… tout ceci a un impact concret sur les droits procéduraux des justiciables. Cet impact est très positif sur grand nombre d’aspects (gain de temps, réduction des coûts, amélioration de l’accès au droit), à condition toutefois de jauger avec précision quels sont les effets négatifs et comment les neutraliser. La Cour européenne n’a rendu, à ce jour, que quelques arrêts sur ces questions, mais il est évident qu’elle va être amenée à se prononcer sur ces questions dans les années à venir. En dépit du faible nombre d’arrêts, la jurisprudence relative à l’article 6 est suffisamment riche et structurée pour que l’on puisse dégager des lignes forces et ainsi évaluer quels sont les apports des nouvelles technologies au droit à un procès équitable et ce qui, au contraire, est difficilement compatible avec lui. Pour procéder à cette analyse, j’ai suivi la démarche de la Cour en distinguant l’accès à un tribunal et l’équité du procès, je terminerai par quelques mots sur l’exécution du jugement.
I. NTCI et accès à un tribunal L’art. 6 §1 énonce « toute personne a droit à un tribunal … », la Cour dans l’arrêt Golder(1) de 1975 en a logiquement déduit que l’article 6 garantit le droit d’accès à un tribunal. Les NTCI peuvent influer positivement sur cette garantie, mais elles génèrent également un certain nombre de difficultés dont il faut tenir compte.
A - Les NTCI, garantes de l’effectivité du droit d’accès à un tribunal Ce droit d’accès à un tribunal se dédouble en réalité en deux garanties, complémentaires mais distinctes : le droit d’accès au droit, le droit d’accès au juge. 1°) L’accès au droit
Le juge européen utilise un mode de raisonnement in concreto et pragmatique, il privilégie à ce titre la règle de l’effet utile lorsqu’il interprète les dispositions conventionnelles, comme il le dit dès l’arrêt Airey(2) de 1979, il s’agit de protéger des droits, non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs. C’est la raison pour laquelle il accorde une grande attention à l’accès au droit, comme préalable nécessaire à l’accès à la justice. Les obstacles à l’accès au droit peuvent être de deux ordres : - des obstacles financiers liés aux coûts de la procédure, - des obstacles juridiques qui tiennent tout à la fois à l’accès matériel aux connaissances juridiques et à la lisibilité, à la clarté des règles juridiques.
Agenda
CONGRÈS ANNUEL
Secret des affaires Confidentialité des procédures 1er / 3 décembre 2011 Nantes Organisateur : 02 40 29 82 02 www.congrestcnantes.com
2011-587
ENTRETIENS EUROPÉENS
Les derniers développements du droit européen de la concurrence 9 décembre 2011 Bruxelles (Belgique) Organisateur : 0032 2 230 83 31 valerie.haupert@dbfbruxelles.eu www.dbfbruxelles.eu
2011-588
SALON
Salon européen du Droit, de l’Audit et du Conseil 14 / 16 décembre 2011 Palais Brongniart - Paris 2ème Organisateur : www.salonlexposia.com
2011-589
COLLOQUE DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE
Les nouveaux droits conférés par la citoyenneté européenne 15 décembre 2011 Cour de cassation - Paris 1er Organisateur : www.courdecassation.fr
2011-590
IVÈME FORUM DES RÉSEAUX AU FÉMININ
La conduite du changement 15 décembre 2011 Maison du Barreau - Paris 1er Organisateur : 01 47 66 30 07 wwww.avocats-conseils.org
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Vie du droit Les NTCI constituent sans nul doute des solutions pour remédier à ces obstacles. D’une part, elles permettent de réduire les coûts, ceux par exemple liés aux déplacements, aux envois et demandes de documents qui sont désormais transmissibles ou téléchargeables en ligne etc. D’autre part, elles facilitent l’accès aux règles juridiques, les informations juridiques en ligne, les formulaires de saisine des juridictions ou de demande d’aide juridictionnelle téléchargeables participent à la simplification dans l’accès au droit. De même, des projets tels que la création d’un portail du justiciable et la mise en place de « visio public » permettant aux justiciables dans certains cas de communiquer à distance avec les greffes améliorent l’accès au droit, même si, nous y reviendrons, ils peuvent également générer quelques difficultés. La simplification des procédures constitue, aux yeux du juge européen, un des moyens pour assurer l’effectivité du droit d‘accès à un tribunal, comme il le préconise dès 1979 dans l’arrêt Airey, dès lors l’utilisation des nouvelles technologies s’inscrit pleinement dans cet objectif. 2°) L’accès au juge
De même sous l’angle du droit d’accès au juge, qui constitue le droit d’engager une action(3), les nouvelles technologies apportent d’intéressantes améliorations en terme de facilité d’accès, de gain de temps et d’argent. Cette plusvalue qu’apporte l’utilisation des NTCI a notamment été démontrée avec l’expérimentation menée depuis 2005(4) dans certaines juridictions administratives concernant le contentieux fiscal et qui prévoit la dématérialisation des requêtes et mémoires introductifs, des mémoires et pièces justificatives ainsi que la transmission par voie électronique de la notification de la décision juridictionnelle. Face au succès de cette expérimentation, elle a non seulement été prorogée mais également étendue à d’autres contentieux(5). Des expériences similaires sont également à l’œuvre devant les juridictions civiles. Il est vrai que beaucoup de condamnations européennes n’auront plus lieu d’être dans l’avenir, si l’utilisation des nouvelles technologies se développe. Par exemple, il y a eu différentes condamnations(6) liées à l’irrecevabilité de recours en raison de fautes commises par les juridictions inférieures ou les greffes qui n’avaient pas transmis les documents pertinents dans les délais légaux. Dans ce genre d’hypothèses, la Cour considère, quoiqu’il en soit, que l’irrecevabilité du recours constitue une atteinte au droit d’accès à un tribunal dans la mesure où l’on ne peut pas tenir pour responsable le requérant du non-respect des formalités de procédure, imputable aux juridictions. La dématérialisation des actes de procédure et leur communication électronique devraient éviter ce type de désagréments aux justiciables. De même, l’irrecevabilité des recours liée aux modes de computation des délais pour introduire un recours fait souvent l’objet de condamnations européennes, l’éloignement du requérant ou des obstacles matériels pouvant entraver l’accès au juge. Par exemple, différents arrêts ont été rendus contre la France(7), concernant le délai de 5 jours pour introduire
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un pourvoi en cassation prévu par l’article 568 du Code de procédure pénale. Ici encore, la communication électronique et la signification des arrêts par cette voie permettent de remédier à cet obstacle au droit d’accès au juge. On devine très bien les avantages que sont susceptibles d’apporter l’utilisation des nouvelles technologies pour renforcer l’effectivité de l’accès au droit, de l’accès au juge. Il faut d’ailleurs, à ce titre, également noter que leur utilisation facilitera grandement les actions de groupe qui se caractérisent par une multiplicité de requérants et donc de pièces, de documents. Néanmoins, l’utilisation des nouvelles technologies peut aussi constituer un obstacle à l’accès à un tribunal et cet aspect mérite d’être relevé.
B - Les NTCI, obstacle à l’accès à un tribunal Sous l’angle de l’accès à un tribunal, deux séries de difficultés peuvent, à mon avis, survenir. Tout d’abord, se pose la question des moyens pour accéder et développer l’utilisation des NTCI. Un des éléments qui explique l’emprise de la jurisprudence européenne sur les procédures nationales est le fait que le juge européen ne se contente pas d’imposer aux Etats l’obligation négative de ne pas entraver le droit d’accès à un tribunal, ou de manière plus générale le droit à un procès équitable, il impose également aux Etats des obligations positives, l’obligation de fournir aux justiciables les moyens concrets d’accéder au juge. Par exemple, il a imposé, dans certaines hypothèses, la mise en place de système d’assistance judiciaire gratuite(8) ou une obligation de clarté et d’intelligibilité du droit(9). La méconnaissance de ces obligations entraîne un constat de violation de l’article 6. Or, il est clair que si les nouvelles technologies peuvent constituer un facteur de renforcement de l’effectivité du droit d’accès à un tribunal, c’est à la condition que les Etats mettent les moyens nécessaires pour développer ces nouvelles technologies au sein des juridictions et auprès des justiciables. La Cour rappelle d’ailleurs souvent qu’un obstacle de fait peut enfreindre la Convention à l’égal d’un obstacle juridique. C’est justement une question de ce type qu’a eu à régler la Cour, dans l’un des rares arrêts qu’elle a rendu en matière de nouvelles technologies, l’arrêt Lawyer Partner contre Slovaquie de 2009(10). En l’espèce, une société attaquait en justice un nombre important de personnes (plus de 70 000), elle avait donc rédigé les actions au moyen d’un logiciel informatique et les avait gravées sur DVD (les documents papiers représentaient plus de 40 millions de pages) et envoyées aux juridictions. Les tribunaux ont refusé d’inscrire au rôle les actions en invoquant le défaut d’équipement technique pour traiter les demandes, alors même que le droit interne prévoyait la possibilité de recourir à la voie électronique pour présenter des requêtes. La Cour va considérer que l’irrecevabilité des demandes a imposé une limitation disproportionnée au droit de la requérante de saisir un tribunal de manière effective et conclure à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention. Comme cela a été souligné, cet arrêt vient rappeler aux Etats, qu’avant d’inscrire
dans le droit interne la possibilité de recourir à la voie électronique en matière procédurale, l’Etat doit équiper les juridictions et prévoir les moyens nécessaires pour assurer concrètement le recours à ces nouvelles technologies car la Cour européenne, elle, ne manquera pas de sanctionner la violation de ses obligations positives par l’Etat. La question des moyens mis à disposition des juridictions est donc une question centrale, mais il convient également de tenir compte des moyens dont disposent les justiciables pour accéder aux nouvelles technologies. S’il n’y a pas d’arrêt de la Cour européenne en la matière, on peut se référer à sa jurisprudence relative à l’accès au droit qui impose là encore des obligations positives, pour en déduire qu’en aucun cas la voie électronique ne devra être imposée comme un moyen unique de présentation des documents aux tribunaux, ce qui pénaliserait les personnes n’ayant pas accès aux nouvelles technologies. On peut d’ailleurs mentionner, en ce sens, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, l’arrêt Alassini du 18 mars 2010 concernant l’Italie(11), puisqu’il y a un effet d’influence réciproque entre les deux juridictions européennes. La Cour de justice est très attentive, elle aussi, au respect du procès équitable, elle se réfère pour cela à la jurisprudence de la Cour européenne, mais également désormais à la Charte des droits fondamentaux de l’Union. Sans rentrer dans le détail de l’affaire, la question préjudicielle posée à la CJUE consistait à savoir si le fait d’imposer la mise en œuvre d’une procédure extrajudiciaire de conciliation comme condition de recevabilité de toute action en justice concernant les droits afférents à la directive relative au service universel en matière de communication électronique(12), était compatible avec le principe d’effectivité des recours internes. La Cour estime que la procédure prévue par le droit italien est compatible avec le droit de l’Union à condition toutefois que le juge national vérifie que la procédure de conciliation n’est pas uniquement accessible par voie électronique, ce qui pourrait rendre l’accès à la conciliation pratiquement impossible ou excessivement difficile pour les justiciables ne disposant pas d’un accès à internet. L’autre difficulté que peut générer l’utilisation des NTCI, mais qui est intimement liée à la première, a trait aux discriminations qu’elles peuvent créer. D’une part, comme l’a souligné la Cour de justice, il ne faut pas que la communication électronique soit l’unique moyen disponible pour échanger avec les juridictions, ce qui entraverait le droit à un tribunal des personnes qui n’ont pas accès aux moyens modernes de communication. D’autre part, est souvent mis en avant l’idée d’une justice à deux vitesses pour les procédures sans représentation obligatoire, entre les requérants qui auront les moyens de recourir directement à des professionnels du droit et seront ainsi mieux conseillés, et ceux qui n’ayant pas cette possibilité devront se contenter des informations mises à leur disposition grâce aux nouvelles technologies et qui auront, par exemple, recours au visio public. Pour autant, le bénéfice des nouvelles technologies ne doit
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Michel Neugnot, François Sauvadet, Michel Mercier et Dominique Gaschard
pas être cantonné aux seules procédures avec représentation obligatoire. Il me semble toutefois que cette critique relative aux risques d’une justice à deux vitesses est un faux problème. Le déséquilibre des rapports financiers entre les parties crée un déséquilibre des moyens juridiques, le coût de la justice engendre inévitablement des discriminations en matière d’accès à la justice. La Cour européenne admet pourtant les systèmes de filtrage des demandes d’aide juridictionnelle, y compris dans les procédures avec représentation obligatoire(13). La Cour est consciente qu’il existe un principe de réalité et qu’elle ne peut pas imposer aux Etats des obligations qu’ils ne seraient pas en mesure de remplir. C’est la raison pour laquelle, une requête qui alléguerait d’une discrimination dans l’accès à la justice en raison de l’utilisation des nouvelles technologies n’aurait que très peu de chance d’aboutir, sauf dans l’hypothèse où le recours à ces nouvelles technologies serait l’unique moyen d’action du justiciable.
II. NTCI et équité du procès Il faut distinguer, dans un premier temps, ce que j’appellerai les droits condition de la fonction juridictionnelle, c’est-à-dire les droits qui sont inhérents à l’office du juge, et puis dans un second temps, les droits condition de la protection juridictionnelle du justiciable.
A - Les droits condition de la fonction juridictionnelle Il s’agit donc des droits qui ont trait au statut et à la mission du juge, c’est-à-dire l’indépendance, l’impartialité, la faculté de statuer. Les NTCI peuvent soulever 2 types de question très liées : la question de l’indépendance du juge et celle de la qualité de son travail donc de sa faculté de statuer. 1°) NTCI et indépendance du juge
L’utilisation des NTCI facilite et améliore le travail du juge. Grâce à elles, le travail du juge devient également quantifiable et donc
contrôlable. Ceci peut bien sûr avoir des effets positifs mais il faut néanmoins être attentif aux risques de dérive managériale de la justice, d’ailleurs souvent dénoncés par les syndicats de magistrats. L’efficacité, la performance, le rendement, ces objectifs sont louables et l’utilisation des NTCI doit aider à les atteindre mais il ne faut pas oublier, comme je le disais en introduction, que la justice n’est pas un service public comme les autres. Le respect des droits du justiciable doit toujours primer sur les objectifs de rentabilité et si les NTCI apportent une aide précieuse aux magistrats, on ne doit pas pour autant attendre d’elles toujours plus de rapidité, plus d’efficacité, plus d’économies car c’est la qualité de la justice qui risquerait d’en pâtir. La question est donc posée de savoir si l’utilisation des NTIC et le contrôle de l’activité juridictionnelle qu’elles rendent possible, sont susceptibles de porter atteinte à l’indépendance du juge ? Le Conseil d’Etat a apporté un début de réponse à cette question en jugeant dans un arrêt de 2005(14) que la création d’une prime modulable destinée à prendre en compte la quantité et la qualité du travail fourni par un magistrat ne portait pas atteinte à l’indépendance du juge. La Cour européenne n’a quant à elle jamais été confrontée à ce type de question. Elle a cependant développé une jurisprudence très riche sur l’indépendance et l’impartialité du juge et elle considère que pour bénéficier de la qualification de « tribunal » au sens de la CEDH, l’organe doit être indépendant, impartial et apte à décider en toute liberté. 2°) NTCI et qualité de la décision de justice
Au-delà du contrôle de l’activité juridictionnelle, l’utilisation des NTCI peut également amener à une certaine modélisation, standardisation des décisions de justice qui nuit à la faculté de statuer du juge et nuit au justiciable lui-même. La motivation de la décision de justice est un élément capital dans l’acceptation et la compréhension du jugement par le justiciable et le juge européen ne s’y est d’ailleurs pas trompé, puisque c’est lui qui a mis à jour cette garantie(15), alors qu’elle n’était pas expressément garantie par l’article 6§1. La motivation est un
élément inhérent à la qualité de la décision juridictionnelle et le justiciable ne peut donc pas se satisfaire de motivation lapidaire ou de copier-coller. Ainsi le juge européen, s’il admet que la motivation n’implique pas une réponse détaillée à chaque argument, considère que les juges doivent indiquer avec une clarté suffisante les motifs sur lesquels ils se fondent(16). De même, si pour des raisons de célérité, le juge européen tolère, selon les circonstances de l’affaire, des procédés de motivation simplifiés (forme abrégée du jugement, motivation par appropriation des motifs de la décision attaquée)(17), il estime cependant que le juge a l’obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offre de preuves des parties(18). Le juge européen pratique un contrôle souple sur l’obligation de motivation mais il est très attentif à l’adéquation de la motivation et à son caractère explicite. Au regard de cette jurisprudence, l’utilisation des NTCI est un formidable outil de travail pour le juge à condition que cela ne porte pas préjudice au caractère individualisé et précis de la motivation de la décision. L’importance de la motivation tient aussi au fait qu’elle est la garante de l’effectivité du contradictoire et des droits de la défense en permettant au justiciable de vérifier si sa demande et ses moyens ont été sérieusement examinés. Elle assure donc la protection des droits du justiciable.
B - Les droits, condition de la protection juridictionnelle du justiciable On peut distinguer les droits qui ont trait à la qualité de l’instance et ceux qui ont trait à la protection des parties dans l’instance. 1°) Les droits relatifs à la qualité de l’instance
On peut ranger dans cette catégorie, la célérité et la publicité de l’instance. S’agissant de la célérité, on peut être bref dans la mesure où l’utilisation des NTCI n’offre que des avantages en facilitant la transmission des documents, en évitant des déplacements inutiles, en facilitant le travail du juge et des avocats etc. Ceci est d’autant plus important que parmi les 3 critères qu’utilise la Cour européenne pour apprécier le délai raisonnable, complexité du litige, comportement du justiciable, comportement des autorités judicaires, elle apprécie ce dernier critère de manière très stricte. Les motifs avancés par l’Etat pour justifier les lenteurs de la justice sont très rarement acceptés par la Cour et, en particulier, l’encombrement des juridictions ou les lenteurs imputables aux greffes ou aux auxiliaires de la justice ne constituent jamais des motifs légitimes aux yeux du juge européen. On sait aussi que la Cour, ces dernières années, a été confrontée à de multiples affaires répétitives en matière de violation du délai raisonnable et qu’elle a beaucoup durci sa jurisprudence, notamment en exigeant des recours internes effectifs pour se plaindre de cette violation(19). L’utilisation des nouvelles technologies, en tant que gage de rapidité, répond donc parfaitement à l’exigence européenne de célérité.
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2°) Les droits des parties dans l’instance
Luc Ferrand S’agissant de la publicité, il faut distinguer le droit à la publicité des audiences qui n’est pas un droit absolu puisque l’article 6 §1 contient une liste de motifs permettant d’y déroger, et le droit à la publicité des jugements qui ne connaît pas de dérogation possible dans le texte de l’article 6. En ce qui concerne la publicité des audiences, l’usage des NTCI ne figure pas parmi la liste des motifs permettant d’y déroger mais la Cour fait une interprétation souple de ce principe. Tout d’abord, elle exerce un contrôle global, un défaut de publicité à un stade de la procédure, pouvant, selon les circonstances, être corrigé ultérieurement. De plus, elle admet, dans des circonstances exceptionnelles, que des impératifs d’efficacité et d’économie puissent justifier l’absence d’audience publique(20) pour des affaires ne soulevant pas de difficultés juridiques. Enfin, elle reconnaît au justiciable une faculté de renonciation à la publicité des audiences. S’agissant de la visioconférence, la Cour européenne n’a pas pris position sous l’angle du principe de publicité mais on peut penser qu’en effet, cela ne soulève pas de problème de conventionnalité, à condition toutefois que le public soit informé de la date et du lieu de la retransmission(21). S’agissant de la retransmission audiovisuelle, la Cour a eu l’occasion indirectement de se prononcer sur cette question et elle considère qu’il faut laisser une large marge d’appréciation aux Etats pour déterminer si cela peut ou non nuire aux intérêts d’une bonne administration de la justice(22). La communication électronique, qui exclut le public, pose plus de difficultés mais au regard de la jurisprudence européenne, elle pourrait sans doute être admise dans des litiges ne soulevant pas de difficultés. En ce qui concerne la publicité des jugements, si elle n’est pas susceptible de dérogation dans l’article 6, la Cour en fait néanmoins une interprétation souple et laisse aux Etats une grande liberté quant aux moyens propres à assurer cette exigence. Elle admet, en lieu et place d’une lecture en audience publique, un dépôt au greffe(23), la publication de l’arrêt dans un recueil officiel(24). En définitive, le caractère absolu de ce droit est quelque peu remis en cause par l’interprétation opérée par la Cour. Dans ces conditions, la communication électronique des jugements ne devrait pas soulever de difficultés à condition, là encore, que l’accès du public à cette décision soit assuré.
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Plusieurs aspects méritent d’être relevés. Les nouvelles technologies facilitent les échanges et la communication entre les parties et leurs avocats, entre les parties elles-mêmes et entre les parties et les juges, cela doit amener à un renforcement de l’égalité des armes et du contradictoire. Il faut néanmoins être attentif à ce que l’information du justiciable soit complète et transparente, l’information transmise par voie électronique doit être a minima de même qualité que celle du support papier et l’objectif serait même que les facilités offertes par les nouvelles technologies permettent d’avoir accès à une information plus complète. La dématérialisation, la vidéoconférence soulèvent néanmoins quelques difficultés. D’une part, certains ont mis en avant un principe de présence(25), qui existe dans plusieurs systèmes étrangers, et qui implique que le juge et le justiciable soit mis en présence l’un de l’autre à un moment de la procédure. En effet, l’échange direct, l’unité de temps et de lieu sont des éléments, dans certains domaines, qui sont irremplaçables pour l’équité du procès. La Cour européenne reconnaît d’ailleurs, sous l’angle du contradictoire et des droits de la défense, que la comparution personnelle du prévenu, bien que non mentionnée en termes exprès dans l’article 6, découle de l’objet et du but de cet article(26). Il s’agit pour la Cour d’un droit de la personne poursuivie mais également d’une obligation de ce dernier, elle considère que « la comparution du prévenu revêt une importance capitale » en raison tant du droit de celui-ci d’être entendu que de la nécessité de protéger les intérêts de la victime(27). Elle admet toutefois, qu’en fonction des particularités de la procédure, l’article 6 n’implique pas toujours le droit de comparaître en personne, en particulier en appel. La Cour a eu l’occasion, dans plusieurs affaires(28), de se prononcer sur la compatibilité de la vidéo conférence avec les exigences de l’article 6. Elle estime que si la participation de l’accusé aux débats par vidéoconférence n’est pas en soi, contraire à la Convention, il lui appartient de s’assurer que ses modalités de déroulement sont compatibles avec les exigences du respect des droits de la défense. Le point déterminant pour la Cour est de savoir si le justiciable a été en mesure de suivre la procédure, d’être entendu sans obstacles techniques et de communiquer de manière effective et confidentielle avec son avocat. Elle est, en effet, particulièrement attentive à ce que l’avocat bénéficie du temps et des facilités nécessaires pour préparer la défense de son client et pour cela elle se livre à des vérifications très précises, elle vérifie par exemple que le requérant et son avocat ont pu s’entretenir de manière confidentielle, qu’ils ont eu le temps nécessaire etc. Si tel n’est pas le cas, elle conclut à la violation de l’article 6, comme l’arrêt de grande chambre, Sakhnovski contre Russie(29) rendu en 2010, dans lequel elle estimera que la vidéoconférence n’a pas offert suffisamment de confidentialité. Au sujet de la confidentialité des échanges, il faut également noter que la Cour est très attentive à la confidentialité des données à caractère personnel, qui sont protégés par le biais de l’article 8 de la Convention sous l’angle du respect de la vie privée. De manière
exceptionnelle, elle tolère même que des restrictions soient apportées au principe du contradictoire pour la protection des documents confidentiels(30), la Cour de justice de l’Union a une jurisprudence similaire. L’utilisation des NTCI doit donc garantir une parfaite inviolabilité des données transmises et un parfait respect du secret professionnel, qui est protégé par la Cour européenne sous couvert des droits de la défense et du droit au respect de la vie privée(31). Quelques mots pour terminer sur la dernière phase du procès équitable, l’exécution de la décision(32) qui concerne, selon la jurisprudence européenne, les seules décisions définitives et obligatoires(33), exécution prise en compte dans le calcul de délai raisonnable de jugement. L’utilisation des NTCI pourrait donc être bénéfique, d’autant que la responsabilité de l’Etat peut être engagée du fait d’une ingérence active, un refus d’exécuter un jugement, mais également du fait d’une ingérence passive c’està-dire qu’il est tenu par des obligations positives et doit mettre en place des procédures d’exécution suffisamment performantes, y compris dans les litiges purement privés. Notes : 1 - CEDH, 21/02/1975, Golder c/ Royaume-Uni, A.18. 2 - CEDH, 09/10/1979, Airey c/ Irlande, A.32. 3 - Cour EDH, 1/03/2002, Kutic c. Croatie, req. n°48778/99, §25. 4 - Décret n°2005-222 du 10/03/2005, Droit admin. , 2005, comm. 106 ; Arrêté du 11/05/2007, Droit admin., 2007, comm.141 ; Décret n°20091649 du 23/12/2009. 5 - Litiges relatifs aux actes pris en matière de fonction publique militaire par le ministre de la défense, arrêté du 3 février 2009. 6 - Par ex. Cour EDH, 26/10/2000, Leoni c/ Italie, req. n°43269/98 ; Cour EDH, 27/05/2004, Boulougouras c/ Grèce, req. n°66294/01. 7 - CEDH, 10/07/2001, Tricard c/ France, req. N°40472/98; CEDH, 17/01/2006, Barbier c/ France, req. n°76093/01 ; CEDH, 10/01/2006, Gruais et Bousquet c/ France, req. n°67881/01. 8 - CEDH, Airey, op. cit. 9 - CEDH, 16/12/1992, Geouffre de la Pradelle c/ France, A.253-B, §§27-35. 10 - CEDH, 16/06/2009, Lawyer Partener SA c/ Slovaquie, n°54252/07 ; Procédures, 2009, comm.358 N. Fricero. 11 - CJUE, 18/03/2010, Alassini, aff. C-317/08. 12 - Directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques. 13 - CEDH, 26/02/2002, Essaadi c/ France, req. n°49384/99 ; CEDH, 26/02/2002, Del Sol c/ France, Rec.2002-II. 14 - CE, 4/02/2005, Syndicat de la magistrature et M. X, req. n°264843 et 265111, Rec. p.33 ; Note P. Planchet, AJDA 2005, p.1519. 15 - V. CEDH, 30/11/1987, H. c/ Belgique, A.127-B, §53. 16 - CEDH, 19/04/1994, Van De Hurk c/ Pays-Bas, A.288. 17 - V. CEDH, 07/12/2000, Zoon c/ Pays-Bas, Rec.2000-XII. 18 - CEDH, 21/03/2000, Dulaurans c/ France, req. n°34553/97. 19 - CEDH, 26/10/2000, Kudla c/ Pologne, Rec.2000-XI. 20 - Décision CEDH, 25/04/2002, Varela Assalino c/ Portugal, req. n°64336/01 ; Décision CEDH, 2/02/2006, Rippe c/ Allemagne, req. n°5398/03. 21 - Voir par analogie, s’agissant d’un procès se déroulant en prison CEDH, 14/11/2000, Riepan c/ Autriche, Rec.2000-XII. 22 - Décision CEDH, 6/05/2003, P4 Radio Hele Norge c/ Norvège, req. n°76682/01. 23 - CEDH, 8/12/1983, Pretto c/ Italie, A.71. 24 - CEDH, 24/04/2001, B. et P. c/ R.Uni, Rec.2001-III. 25 - V. L. Cadiet, « Le procès civil à l’épreuve des nouvelles technologies », Procédures, avril 2010, dossier 8. 26 - CEDH, 12/02/1985, Colozza c/ Italie, A.89, §§27-29. 27 - V. CEDH, 23/11/1993, Poitrimol c/ France, A.277-A, §35 ; CEDH, GC, 01/03/2006, Sejdovic c/ Italie, req. n°56581/00, §92. 28 - V. CEDH, 5/10/2006, Marcello Viola c/ Italie, req. n°45106/04 ; déc. CEDH, 9/11/2006, Golubev c/ Russie, req. n°26260/02. 29 - CEDH, GC, 2/11/2010, Sakhnovski c/ Russie, req. n°21272/03. 30 - CEDH, 21/06/2007, Antunes et Pires c/ Portugal, req. n°7623/04. 31 - CEDH, 24/07/2008, André c/ France, req. n°18603/03. 32 - CEDH, 19/03/1997, Hornsby c/ Grèce, Rec.1997-II. 33 - CEDH, 28/06/2001, Maillard Bous c/ Portugal, req. n°41288/98 ; CEDH, 18/04/2002, Ouzounis c/ Grèce, req. n°49144/99.
* Laure Milano est professeur à l’Université de Bourgogne, (IDEDH, EA 3976 ; CREDESPO).
Les Annonces de la Seine - jeudi 24 novembre 2011 - numéro 65
Vie du droit Technologies de l'information et principes fondamentaux du procès Synthèse
REPÈRES
« Promotion Gillet » Etudiants du « Master 2 de droit processuel »
par Mélina Douchy-Oudot* e remercie vivement Monsieur le Premier président Gaschard, et tout l’équipe qui s’est occupée de ces belles journées ; je songe aux Conseillers Trapet et Bohnert, sans oublier mon amie Cécile Caseau-Roche et les étudiants du Master de droit processuel de la Faculté de droit de Dijon. Il y a de nombreux amis dans la salle, Maître Gerbay, Monsieur le Président Munier et bien d’autres, et c’est une joie d’être là avec vous. Ceci étant, la synthèse d’une journée est toujours un exercice périlleux car on risque d’une part de dire moins bien ce que d’autres ont mieux dit [...]. Mon apport, ce soir, sera donc modeste et tout ramassé dans cette question posée en ouverture par Madame le professeur Soraya Amrani-Mekki : « Faut-il avoir peur des TIC ? ». Il nous a été répondu en ouverture que non. Et en effet, pourquoi devrions-nous avoir peur de ces technologies qui permettent à de nombreuses informations nominatives d’être accessibles en ligne sur la toile via des mots de passe savants et sécurisés ? Parfois, il est vrai que ces données ne sont accessibles qu’à un public réduit - quelques milliers de magistrats tout de même ! - mais nous avons tous compris avec Monsieur le Président Lacabarats quelle était l’importance de la protection des données personnelles et Monsieur le Professeur Silguero a montré la mise en œuvre de cette protection dans le système judiciaire espagnol. Le risque du piratage demeure ainsi que le soulignait Monsieur le Professeur Hoeren et l’on a vu l’étendue parfois des informations sur les dossiers ou sur les détenus grâce à l’exposé des plateformes existant en Roumanie par Monsieur le Premier président Hincu. Faut-il avoir peur lorsque l’on voit l’économie des moyens supplanter le rapport humain et éviter par exemple l’extraction du détenu par le recours à la visio-conférence et qu’une circulaire du 5 février 2009 incite les juges à développer cette pratique ? Au cœur du succès du recours aux TIC demeure la question de l’humanité de la justice comme l’a dit hier Monsieur le garde des Sceaux Michel Mercier. Il y a bien sûr une crainte légitime envers cette « dépossession technique » réalisée par l’audience électronique selon les mots de Madame le Professeur Fricero. Ne faut-il pas s’inquiéter par exemple de ce champ de vision limité du juge qui procède aux auditions par visio, laissant le « hors champ » en dehors de son appréciation ? Il n’est pas surprenant d’avoir entendu l’idée tout au long de cette journée de la nécessité d’un principe de présence - principio de inmediacion en Espagne - repris par Madame le Professeur Laure Milano. Cette nécessité du contact physique, tout simplement de ce rapport humain qu’est le face à face présentiel, Monsieur le Premier président Ferrière nous l’a rappelé
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adame Cécile Caseau-Roche, co-directrice du « Master 2 droit processuel » à la Faculté de droit et de sciences politiques de Dijon, qui faisait partie du comité scientifique de préparation du
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colloque, avait envoyé 22 étudiants du « Master 2 droit processuel - Promotion Gillet » dont le parrain est le Président JeanLouis Gillet, président de chambre honoraire à la Cour de cassation.
d’après l’expérience qu’il en fait à l’île de la Réunion lors de certains délibérés. Tous les dossiers ne s’y prêtent manifestement pas. Pourquoi s’inquiéter de ce déversement continu des informations juridiques, de ces banques de données orientant le champ de la réflexion par des champs bloqués, par le recours à des motsclés limitant la recherche ? Le flux est tel que la priorisation des informations est devenu impossible à l’esprit humain et oblige soit à déléguer à d’autres, soit à utiliser des logiciels, pour assurer cette tâche de tri dont chacun sait pourtant qu’elle préjugera de notre choix intellectuel. L’atelier dont rapport a été fait par Monsieur le Premier président Bangratz a réfléchi sur ce danger de la substitution d’un syllogisme technique au syllogisme proprement judiciaire.
Ils furent très fiers de côtoyer d'éminents magistrats venant de toute l'Europe et de se familiariser avec une problématique judiciaire nouvelle pour eux.
D’ailleurs, nul n’a semblé plus surpris que cela tout à l’heure de cette situation décrite par Madame le Professeur Amrani-Mekki où l’écrit n’est plus que l’expression de ce qui a été spontanément et immédiatement pensé, sans réflexion, nos courriels trop tôt envoyés par exemple, et où l’oral où l’on pensait avoir une certaine liberté de ton se fige et se grave par la technique des visio enregistrées. Et l’on ne peut s’empêcher de se demander dans ces TIC où est la densité, si l’é crit qui devait porter la réflexion ne la porte plus et si l’oral où par nature elle l’est moins se substitue à l’écrit par sa fixation. Cette absence de formalisation s’accompagne de la disparition des formes au sens du rituel qui s’estompe derrière l’ordinateur, jusqu’à « l’ordinarité » a-t-on pu dire, caractère banal, ordinaire du recours à une justice facilitée. Ce
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Vie du droit
faisant, l’administration de la justice serait-elle équipollente à l’administration des postes ? Le risque dénoncé par le vice-président Van Dijk est la perte de confiance des justiciables en leur justice. Or, il faut penser à montrer que c’est la justice qui a été rendue. « On doit voir que la justice a été rendue » a bien souligné notre collègue Soraya Amrani-Mekki. La forme au demeurant ne disparaît que pour renaître mais ce n’est plus la même, il s’agit des procédures formulaires si bien développées au sein de l’Union européenne ainsi que l’a exposé Monsieur le Recteur Nourissat. Il nous a également été dit que la construction de la coopération judiciaire a intégré les TIC, « tous ces textes prévoient le recours aux TIC », car ils sont une réponse à la distance et à la frontière. Cette dématérialisation, ce développement des procédures formulaires risque a soutenu l’intervenant de réduire l’autonomie procédurale des Etats. La question sera peut-être débattue demain avec Madame le Professeur Fricero. Un autre danger ne saurait être occulté, celui de la surveillance ; une surveillance bien sûr par les systèmes de vidéo-surveillance, d’enregistrement dans nos juridictions mis en lumière par Monsieur le Président Hincu en Roumanie notamment ; une surveillance aussi de l’activité de nos juges, de leur rendement qui pourrait altérer leur indépendance ainsi qu’il a été discuté dans l’atelier sur ce thème rapporté par Madame le Professeur Amrani-Mekki, avec des indicateurs de performance. Le Premier président Grange nous a rappelé qu’il est évidemment nécessaire de vérifier que le juge travaille et qu’il le fasse de façon « normale ». Il a ensuite précisé que pour l’instant nous n’avions pas de normes de travail communiquées selon le type d’activités, mais qu’une commission travaille sur cette question sous la responsabilité de Monsieur le Premier président Degrandi. A plus long terme, le RPVA, le RPVJ et le RPSH (réseau privé sécurisé des Huissiers en cours de construction) rendent poreuse la délimitation des fonctions entre gens de justice. A un moment où la profession d’avoué disparaît, et je fais partie de ceux qui le regrettent, c’est la question des périmètres du droit qui se pose
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ainsi qu’il a été abordé par Madame le Premier président Lottin à propos des notifications et la discussion qui s’est engagée avec Maître Soulard représentant la chambre départementale des Huissiers de justice. Faut-il véritablement se réjouir de cet accès à l’information offert au justiciable de façon illimitée alors qu’il n’a pas reçu la boîte à outils nécessaire à sa compréhension ? Faut-il se réjouir de l’accès rapide prévu par des points de visio-publics sortes de bornes interactives si j’ai bien compris et est-ce là le meilleur accès pour le justiciable à sa demande de justice, même si l’on comprend que c’est aussi une façon de répondre à l’égalité entre tous les justiciables comme le rappelait Madame le professeur Fricero. La solution reste discutable et à tout le moins il faudrait ainsi que le suggérait Monsieur le Président Lacabarats des services de proximité pour les accompagner. Evidemment, la réponse est différente pour les juristes qui eux ne peuvent qu’apprécier par exemple l’iberius de informacion y documentacion judicial présenté par Monsieur le Professeur Silguero. Toujours dans une mise en perspective des TIC, doit-on rendre grâce aux TIC de pouvoir travailler de n’importe quel endroit, à n’importe quelle heure, sans relâche, sans temps mort, rappelant la semaine post-révolutionnaire de dix jours, où le travail finit par s’immiscer au plus intime des alcôves. Qui ici peut dire qu’il n’a pas travaillé jusqu’à point d’heure sur son lit avec son précieux ordinateur connecté en réseau ? Après cette belle journée de travail, devonsnous avoir peu alors qu’il apparaît de façon indéniable qu’en matière de management l’efficacité est au rendez-vous ? Les demandes sont facilitées et l’on peut former déclaration d’appel en chaussons de son salon, les déplacements dispendieux sont évités en communiquant par « son et image », la procédure peut ou pourra être suivie pas à pas, comme nos envois Chronopost ou pour ce qui me concerne mes commandes de livres anciens par AbeBooks, juste par un clic de souris. Chacun est heureux de ces dossiers rationnalisés surtout pour le contentieux de masse, de ces jugements modélisés par la technologie, de ce contradictoire renforcé par une communication accélérée, même si l’atelier sur l’indépendance et l’impartialité a montré que la discussion demeure ouverte s’agissant de la modélisation. Il a également été exposé par Monsieur le Président Lacabarats pour la Cour de cassation comme conséquence des TIC une amélioration du travail intellectuel des juges par la communication entre magistrats que les TIC permettent, a fortiori à l’international, sous réserve de se méfier des listes de discussion chronophage dénoncées par Monsieur le Premier président Ferrière. Je ne peux toutefois ne pas songer au déficit de résultat qui pourrait résulter du travail sur du « tout numérique » dénoncé par les sociologues ainsi que le soulignait en début de journée Madame le Professeur Amrani-Mekki. J’ai exclu délibérément les dangers propres à la technique qui ont pourtant été dénoncés par Monsieur le Professeur Hoeren. Il ne faut pas omettre les multiples pannes susceptibles d’enrayer la machine. Comme le disait fort justement Monsieur le professeur Cadiet cité par sa disciple, la norme
technologique n’a pas à dicter sa loi à la norme procédurale. Fort de cette évidence, on peut concevoir que la rationalité procédurale favorise les bonnes pratiques que peuvent lui apporter les nouvelles technologies poursuivait-il. Cela suppose que tous les acteurs soient associés aux travaux comme l’a parfaitement souligné Monsieur le Président Lacabarats, y compris les utilisateurs finaux ajoutait Monsieur le Professeur Hoeren. La CEDH en tout état de cause veille. Madame le Professeur Laure Marino nous a montré que la CEDH veille à ce que les TIC ne portent pas atteinte aux principes fondamentaux. Il y a ainsi que l’a rappelé Monsieur le directeur des projets de dématérialisation, Luc Ferrand, un vrai risque, même si parfois les TIC peuvent venir renforcer ces principes fondamentaux. Un ami qui m’est cher, ceux qui me connaissent le savent, commençait sa charge en disant « N’ayez pas peur ! ». Madame le Professeur Soraya Amrani-Mekki nous a dit « N’ayons pas peur ! » au sujet des TIC. Je vous dirai à l’inverse à propos de ces TIC « Ayez peur ! », restez vigilants, pour que au cœur de cette transformation du procès que l’on observe depuis un peu plus d’une décennie, la justice du XXIème siècle sorte vainqueur de cette période de croissance. La peur seule nous donnera le courage qui permet d’emporter la victoire. Cette victoire en laquelle depuis le départ, notre amie le Professeur Amrani-Mekki croit, cette victoire qui sera - je n’en doute pas - remportée par ce référentiel de bonnes pratiques soumettant les TIC aux finalités propres de la justice. Ces bonnes pratiques permettront d’éviter que ces TIC ne deviennent, ainsi qu’il a été dit à l’ouverture, des TOC, c’est-à-dire des troubles obsessionnels compulsifs, ou librement adaptés et soufflés par mon amie Madame le Professeur Natalie Fricero des technologies de l’information compulsives !
* Mélina Douchy-Oudot est Professeur à l’Université du Sud ToulonVAR, doyen honoraire de la Faculté de droit de Dijon, membre du CDPC UMR 62-01.
Dominique Greff-Bohnert
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Joël Mekhantar
Vie du droit
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Anne Boquet, Michel Neugnot, Michel Mercier, Dominique Gaschard, François Rebsamen, Jean-Marie Beney et François Sauvadet
La communication judiciaire par Natalie Fricéro
es TIC, ou Technologies de l’Information et de la Communication, recouvrent l’ensemble des ressources et outils nécessaires pour traiter l’information, la stocker, la gérer, la convertir, puis la transmettre pour communiquer l’information, et enfin, la conserver pour la retrouver ultérieurement ! Ces termes englobent, à la fois, les « techniques » de l’information et de la communication (équipement informatique, serveurs, microélectronique, composants, réseaux informatiques, multimédia, logiciels…) et la technologie, c’est-à-dire réflexion sur la technique. Le recours à Internet et au Web s’est développé au point que les TIC ont acquis une dimension sociétale considérable, aussi bien au regard de l’hyperinformation que de l’instauration de réseaux sociaux. Les TIC constituent également un facteur de croissance économique, de compétitivité des entreprises (le Forum économique mondial publie un classement des pays en fonciton de leur indice d’utilisation des TIC…). L’organisation et le fonctionnement du service public de la Justice ne pouvaient donc pas échapper à l’emprise des nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’accessibilité des chaînes de métiers à distance se réalise via le RPVJ.
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I. Les objectifs et les avantages de la communication électronique judiciaire sont multiples : - accélérer le cours des procédures et gains de temps par une communication en temps réel des procédures à l’intérieur des juridictions et avec les différents partenaires de la justice (- avocats, huissiers et experts) ; - améliorer la qualité de la justice, de l’activité
des magistrats, fonctionnaires du tribunal, avocats et auxiliaires de justice, en raison des possibilités améliorées de traitement et d’archivage des dossiers ; - meilleure connaissance du dossier, possibilité accrue d’analyse des éléments des dossiers (accès permanent à l’historique organisé du dossier), gestion dynamique des procédures, réactivité en temps réel, accessibilité du dossier sur écran, sur clef USB ; - meilleure gestion financière des procédures, avec diminution des frais (suppression des envois postaux, réduction des transfèrements des détenus par la visio-conférence, possibilités éventuelles de plaidoiries à distance…) ; - améliorer l’accès à la justice par des possibilités de saisine des juridictions par voie de communication électronique, réservées aux professionnels du droit équipés (ex. l’injonction de payer électronique devant les tribunaux d’instance, IP WEB ; la déclaration d’appel électronique par avocat, la procédure de pourvoi en cassation…) ; - réduction du volume des échanges papier (et du temps de classement par le greffe ou le professionnel), avec un impact sur l’environnement ; - modifier l’organisation du travail judiciaire : les charges de travail font l’objet d’une nouvelle répartition, les schémas procéduraux sont modifiés, l’interaction entre les différents intervenants est facilitée et accélérée ; - renforcer les mécanismes de sécurité dans l’accès à l’information (les Réseaux sont interopérables mais leur accès est contrôlé) ; - permettre une communication transversale, interprofessionnelle (avec avocats, mais aussi huissiers de justice, et bientôt experts judiciaires…). En interne, le recours aux TIC offre aussi des opportunités d’amélioration du travail judiciaire : - aide à la décision par le recours facilité aux bases de données réservées aux juges (décisions de la Cour de cassation des cours d’appel) ; - foires aux questions (FAQ) permettant l’échange des bonnes pratiques, la réponse à des
questions récurrentes lors de la mise en place de réformes… ; - outil de formation continue, avec possibilité d’accès à des dossiers thématiques, aux circulaires d’application des réformes… Les TIC dans la justice constituent un formidable instrument d’internationalisation de la procédure civile, particulièrement dans l’Union européenne. La dématérialisation de certaines procédures européennes (injonction de payer par exemple) permet de supprimer les barrières juridiques, géographiques, linguistiques ! Elle offre un accès effectif et égalitaire à la justice à tous les citoyens européens…
II. La mise en place de la communication électronique Un important travail législatif a été accompli pour mettre en place la communication électronique, aussi bien pour les procédures civiles que les procédures pénales (nombreux textes, lois, décrets et circulaires). Les articles 748-1 et suivants du CPC constituent le titre 21 intitulé « La communication par voie électronique » en matière civile. Des groupes de travail ont été mis en place au sein du ministère de la Justice, réunissant magistrats, fonctionnaires des juridictions, avocats et membres de l’administration, pour élaborer des guides méthodologiques destinés à proposer des adaptations des pratiques judiciaires (plusieurs ont été publiés)! A côté des guides méthodologiques, il faut mentionner les diverses conventions passées entre les juridictions et les organismes professionnels représentant les auxiliaires de justice, soit au niveau national, soit au niveau local : un modèle type est élaboré, et les conventions locales aménagent le processus de communication en fonction des spécificités et des contraintes particulières. Ce pragmatisme a donné lieu à des dialogues fructueux entre les partenaires locaux. Les TIC ont permis une contractualisation du fonctionnement de la justice tout à fait propice à une excellente
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Vie du droit adhésion aux nouveaux schémas procéduraux (calendrier de la procédure). D’importants moyens matériels ont été mis en œuvre pour équiper les juridictions (matériel de numérisation, de visio-conférence…), et pour former les personnels judiciaires. L’Etat doit veiller à ce que l’équipement soit suffisant pour le traitement des données et le confort de travail des personnels ! Le dispositif de communication revêt de nombreux aspects évolutifs : - visio-conférence ; - communication électronique entre juridictions et professionnels du droit (RPVJ et RPVA par ex.) ; - dématérialisation des procédures (pénales, cassation) ; - signature électronique ; - création de points visio-public, accueil administratif virtuel permettant aux citoyens d’être en relation avec le greffe de la juridiction la plus proche (borne interactive avec caméra vidéo, scanner, imprimante, combiné téléphonique et connexion ADSL (obtention de renseignements, réception de formulaires …). projet de portail d’accès internet grand public (mise à disposition de formulaires, information sur l’état des procédures avec un code d’accès, et, plus tard, possibilité d’introduire une demande en ligne). Sur un plan technique, la communication électronique suppose notamment : - un système informatique sécurisé, obéissant à des normes de certification reconnues et contrôlées (qui ne seront pas développées, des arrêtés ministériels en définissent les exigences). L’article 748-6 du CPC reprend l’essentiel des préconisations. - la rédaction de messages types qui permettent une lecture rapide et une compréhension sans faille de l’objet du message. Ces messages doivent être harmonisés au sein d’une même juridiction. Les messages-types peuvent être utilement adressés en pièce jointe au message électronique lui-même (surtout dans le cadre
Présents, distants ou absents ? Les justiciables et le développement de la visioconférence dans la justice française (1)
par Laurence Dumoulin*
n France comme dans d’autres pays, un grand nombre d’actes judiciaires peuvent maintenant être effectués par visioconférence. Il est ainsi possible de plaider, témoigner, requérir et même juger à distance. C’est non seulement possible mais effectivement pratiqué, et surtout, très fortement recommandé par le ministère de la
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de la mise en état, pour permettre aux avocats de répondre aux messages envoyés par le juge de la mise en état) La sécurité juridique, élément du procès équitable, doit être garantie, dans le processus et surtout, dans le règlement des incidents de communication - La prorogation du délai : selon l’article 748-7 du CPC, si un acte doit être accompli avant l’expiration d’un délai et ne peut être transmis par voie électronique le dernier jour du délai pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, le délai est prorogé au 1er jour ouvrable suivant ; La formulation exceptionnelle de l’acte par écrit : selon l’article 930-1 du CPC, si un acte ne peut pas être communiqué à la cour d’appel par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l’un est immédiatement restitué. - Les avis, avertissements et convocations : sont remis aux avocats (avoués jusqu’au 1er janvier 2012) des parties par voie électronique, « sauf impossibilité pour cause étrangère à l’expéditeur ». - Les règles techniques de traitement des difficultés : les messages non-conformes sont rejetés. Le professionnel doit donc être très vigilant : le message qui ne correspond pas à la trame type, l’acte qui n’est pas renseigné de manière complète, n’est pas enregistré par le greffe ; - Les règles conventionnelles de respect de certains délais d’envois des messages électroniques : les conventions locales aménagent le délai au-delà duquel le greffe ne traite plus les messages avant l’audience. Ces dispositions ont plusieurs objectifs : le respect de la loyauté procédurale entre parties, et la prise en compte des contraintes matérielles de traitement de messages ! Le délai varie entre 48 h et 24 h avant l’audience, ce qui est un délai raisonnable, mais exceptionnellement, un délai plus bref peut être
Justice français, lequel mène depuis les années 2000 une politique active de développement de la visioconférence à des fins juridictionnelles. Et ce, dans un contexte européen et international favorable au développement des technologies d’information et de communication : je pense notamment aux recommandations de l’OCDE en matière d’administration électronique ou au rôle de l’Union européenne dans la promotion de la visioconférence pour les procédures transfrontalières(2) par exemple. Des textes juridiques ad hoc ont été adoptés qui confèrent une légalité aux actes effectués à distance(3) que ce soit en matière pénale ou en matière civile, au cours de la phase d’enquête ou d’instruction, dans le cadre de l’exécution ou de l’application des peines ainsi que devant les juridictions de jugement pour l’audition de témoins, parties civiles ou experts. Jusqu’à il y a peu de temps, seule la comparution d’une personne prévenue ou accusée devant la juridiction de jugement ne pouvait être réalisée par le biais de la visioconférence. Mais des
ouvert (par ex. un message annonce que les conclusions, ou les pièces, sont en cours de signification à l’adversaire). - Le juge décide des suites à donner en cas de contestations portant sur la communication électronique : les conventions locales précisent souvent le mode de vérification de la réception des messages, en cas de contestation.
III. Les limites de la communication électronique Le maintien souhaitable d’audiences physiques : le dialogue direct entre le juge et la partie ou l’avocat peut être nécessaire à certaines phases essentielles de la procédure (pendant la mise en état, à l’audience, à la demande du juge ou des avocats). La procédure ne doit pas être entièrement informatisée, déshumanisée, la proximité physique doit être sauvegardée quand elle s’avère utile ! Il faut veiller à conserver un accès effectif au juge : le rejet des messages et actes de procédure incomplet crée un nouveau type de sanction, inconnu jusque là, indépendant de la cause étrangère. Les professionnels devront être particulièrement formés à l’usage de ces outils pour éviter ces « rejets »… Il conviendra sans doute d’é viter que l’introduction des TIC ne conduise à une modélisation trop radicale des conclusions des parties : les parties doivent pouvoir exposer les spécificités de leur litige. Les limites actuelles sont d’ordre matériel : tous les professionnels du droit ne disposent pas des outils nécessaires…Cela pose inévitablement une question d’égalité des armes ! Il ne faut pas que le procès équitable se heurte… à la fracture numérique… ! Certaines limites culturelles et psychologiques seront dissipées : l’adhésion aux TIC devient une nécessité ! * Natalie Fricero est professeure à l’Université de Nice (CERDP), directrice de l’Institut d’Etudes Judiciaires.
exceptions sont désormais permises puisque le prévenu déjà détenu peut comparaître à distance devant le Tribunal correctionnel pour y être jugé(4) Parallèlement à cet élargissement du cadre juridique, l’ensemble des juridictions et la grande majorité des établissements pénitentiaires ont été équipés en matériel (à hauteur de 7 millions d’euros entre 2003 et 2009(5) ; des incitations fortes ont été décidées afin de contraindre les Cours d’appel à augmenter le pourcentage d’audiences réalisées par visioconférence et diminuer conséquemment le taux de transfèrement des détenus(6). Les pratiques se sont elles-mêmes développées, sans toutefois devenir massives. Un peu plus de 2 000 visioconférences recensées par le secrétariat général du ministère de la Justice sur les 3 premiers trimestres 2009 sur l’ensemble du territoire (Outre-Mer compris) au civil et au pénal. Avec une forte polarisation des pratiques en fonction des Cours d’appel - l’une d’entre elle réalise à elle seule plus de 300 audiences - et de fortes disparités en fonction
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Vie du droit des secteurs. Ainsi la visioconférence est quasiment systématique dans le cas de l’application des peines pour des faits de terrorisme(7) alors qu’elle est probablement beaucoup plus occasionnelle en ce qui concerne le contentieux général de l’application des peines par exemple. En somme, on peut dire que, d’un point de vue global, la visioconférence s’est normalisée et généralisée. Elle fait désormais partie du paysage juridictionnel français. Quoique bien présente dans les juridictions, elle est toutefois restée discrète. Peu connue, elle n’a guère franchi le cercle restreint des spécialistes du droit et de la justice. Pourtant, elle concerne aussi les destinataires de la justice, les justiciables. Que pensent-ils de la visioconférence ? Quel rôle ont-ils joué dans son développement ? C’est à ces questions qu’aujourd’hui je voudrais apporter quelques éléments de réponse. Pour ce faire, je m’appuierai sur des recherches historiques et sociologiques que j’ai effectuées avec un collègue Christian Licoppe, à partir d’analyses d’archives, de corpus juridiques et de débats parlementaires ; de réalisation d’entretiens ainsi que d’observations d’audiences réalisées par visioconférence. Il n’est pas possible de décrire en détail ces méthodes ainsi que les terrains de recherche retenus mais nous pourrons y revenir dans le cadre de la discussion si vous le souhaitez. Dans cet exposé, je voudrais aborder la question qui m’était posée, à travers deux versants distincts. Premier versant d’abord : l’absence manifeste des justiciables dans les processus administratifs et décisionnels qui ont présidé au développement de la visioconférence et à l’émergence d’une véritable politique publique de promotion de cette technologie. Il ne fait pas de doute qu’en tant que justiciables et même que citoyens, ils ont été véritablement absents. Ce sera le premier temps de mon exposé. Pas concertés et peu informés du développement de la visioconférence, ils sont toutefois confrontés à son utilisation, à l’occasion de telle ou telle affaire judiciaire. Que produit alors la rupture de la co-présence physique ? C’est le second versant de la question qui porte sur les effets de la visioconférence sur les justiciables ou sur les représentations qu’ils peuvent avoir de ce qu’elle produit. Je montrerai que si la visioconférence transforme les conditions de réalisation du procès, elle ne saurait produire d’effets univoques quant à la représentation des justiciables. Tout dépend en effet de quelles catégories de justiciables il s’agit. Les situations et intérêts qui sont les leurs sont éminemment hétérogènes à l’instar des contraintes et ressources inégales qui pèsent sur eux. Ce sera le second temps de mon exposé.
I. Des justiciables absents du processus de montée en puissance de la visioconférence L’histoire de la visioconférence dans la justice française s’étale sur une quinzaine d’années. Au fil de cette histoire, il apparaît que les justiciables n’ont jamais été associés directement à la mise
en place de la visioconférence. Ils ne sont consultés à aucun moment, aucun niveau territorial, sous aucune forme. Ils sont donc tributaires soit de leurs représentants politiques, les élus, soit des associations d’opinion et des médias qui sont susceptibles de produire ou de relayer une critique soit encore des professionnels de la justice et du droit et de leur prises de positions collectives via les organisations professionnelles locales ou nationales (barreaux, conférences, syndicats…). Or, quasiment aucun de ces intermédiaires ne s’est vraiment saisi de la question de la visioconférence, pour en faire un objet de débat, de discussion, jusqu’à tout récemment en tout cas(8). Un petit retour en arrière sur cette histoire permettra de comprendre la grande absence des justiciables mais aussi plus largement l’absence de débat public sur la visioconférence. Une histoire en 3 phases : exception, expérimentation, généralisation
L’idée d’utiliser la visioconférence pour effectuer des actes juridictionnels émerge à la fin des années 1990 autour du problème spécifique posé par Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans cet archipel français situé au large du Canada, habitude avait été prise pour remédier au nombre insuffisant de magistrats en poste, de permettre le cumul de différentes fonctions (instruction et jugement ; première instance et appel). La nécessité de se mettre en conformité avec les règles du procès équitable implique toutefois de revoir ce système et c’est dans cette configuration bien particulière qu’un système à distance est envisagé, permettant de faire siéger des magistrats parisiens, sans qu’ils n’aient à se déplacer dans ce bout du monde. C’est comme solution exceptionnelle et limitée, taillée sur mesure pour répondre aux contraintes spécifiques qui pèsent sur l’organisation judiciaire de cet archipel, que la visioconférence a donc été rendue possible. Elle a été autorisée au titre de l’exception et pour être utilisée dans des conditions très précises que détaillent les textes juridiques. Pourtant au fil de glissements d’usages et de réformes successives, la visioconférence va sortir du champ limité de Saint-Pierre-et-Miquelon. A partir de 2004, le contexte change dès lors qu’un texte juridique permet un usage élargi de la visioconférence en matière pénale (art. 70671 du CPP). Celle-ci fait alors l’objet d’expérimentations locales menées par quelques juridictions volontaristes avec le soutien du ministère de la Justice. La logique n’est plus celle de l’exception mais bien plutôt celle de l’expérimentation, du test envisagé comme un préalable à une généralisation. Enfin à partir de 2006, la visioconférence change véritablement de statut et fait l’objet d’une politique publique volontariste, menée selon une logique top-down, par le ministère de la Justice, dans le cadre d’une logique interministérielle et gouvernementale plus large d’é conomies de moyens, recourant à des méthodes incitatives mais aussi à d’éventuelles sanctions pour ceux qui résisteraient à la visioconférence. Ce qui est marquant dans cette histoire, c’est le caractère très progressif, incertain et incrémental de cette innovation. Si les justiciables entendent peu parler de la visioconférence, c’est d’abord parce que les
innovateurs ne proposent pas d’emblée une utilisation massive et généralisée de cette technologie. Ils procèdent par une exploration progressive des possibles. Ils commencent par certains cas puis étendent de proche en proche à d’autres situations. Cela se vérifie tant en ce qui concerne l’élaboration des dispositifs législatifs que du déploiement des pratiques locales. En effet, jamais un grand projet de loi n’a été introduit sur la visioconférence
Cette technologie est entrée par la petite porte, de proche en proche, sans plan d’ensemble, sans modification d’autres textes, au gré d’amendements et d’opportunités, faisant l’objet de débats parlementaires cursifs, peu développés et peu intenses. Cf. l’article 706-71 du Code de procédure pénale qui a été adopté à titre provisoire dans le contexte de l’après 11 septembre 2001 et qui a été pérennisé deux ans plus tard. Passe complètement inaperçu des parlementaires mais aussi des médias et en grande partie des professionnels du droit et de la justice. Idem pour les dernières modifications de cet article : introduites par amendement dans un chapitre sur les « dispositions diverses », d’une loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Parallèlement, les usages locaux de la visioconférence dans des juridictions qui étaient équipées de matériel, ont progressivement glissé à partir de ce qui était initialement prévu vers de nouveaux cas de figure
Concrètement : à Saint-Pierre-et-Miquelon, le cas précis pour lequel le recours à la visioconférence était autorisé a fait l’objet d’interprétations larges au point que même les plaidoiries des avocats ont pu avoir lieu par visio ou bien certains actes d’instruction l’ont également été alors que ce n’était pas véritablement prévu par les textes. C’est ainsi que pendant longtemps, rares sont ceux qui ont entendu parler de la visioconférence, parmi les justiciables mais aussi parmi les professionnels du droit et de la justice. Et ce d’autant plus que les innovateurs ont appris à faire profil bas et ont compris que cette innovation serait d’autant mieux acceptée qu’elle serait rabattue sur son caractère technique, insignifiant. Elle n’est guère présentée comme étant susceptible de transformer sérieusement le fonctionnement de la justice. Son impact est au contraire minimisé tandis que les justifications se concentrent sur les enjeux économiques, financiers et pratiques. La visioconférence est défendue comme une solution évidente, incontestable parce que plus rapide, plus économique et transparente, en un mot plus simple. Tout cela permet de comprendre pourquoi le développement de la visioconférence est globalement marqué par une faible visibilité dans l’espace public, peu de débat et de controverses. Il faut encore ajouter que le chantier de la visioconférence a surtout été piloté par des professionnels du droit et de la justice. Si certains utilisateurs de la première heure ont été associés à la conception d’un mémento sur la visioconférence destiné à être diffusé nationalement, ils ont été choisis parmi des magistrats, chefs de juridictions, avocats, parfois
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Vie du droit greffiers en chef mais pas parmi des justiciables ou représentants de justiciables (associations de victimes par exemple). Même les avocats n’ont pas toujours été très associés au processus d’innovation développé autour de la visioconférence. A l’exception toutefois du cas de Saint-Pierre-et-Miquelon où ils ont joué un rôle à part entière et sur pied d’égalité avec les magistrats (mais là encore c’est lié à la spécificité de SPM). Dans les périodes suivantes d’expérimentation puis de généralisation, il semble - au moins pour les cas que nous avons étudiés - que les barreaux ont plutôt été informés de la décision de telle ou telle juridiction de développer la visioconférence que véritablement associés à la conception de ce nouveau type d’audience à distance, laquelle à vrai dire a donné lieu à peu de réflexion. En somme, personne n’a demandé aux justiciables ce qu’ils pensaient de la visioconférence et de son utilisation dans le procès. Juste retour des choses, on ne sait effectivement pas ce qu’ils en pensent. On ne sait pas ce que les citoyens lambda pensent, in abstracto, de ce procédé qui consiste à organiser une audience sans la coprésence physique des différentes parties au procès. On ne sait pas non plus ce qu’en pensent ceux qui en ont fait l’expérience dans le cadre d’une affaire donnée. Les sciences sociales ont ici un rôle à jouer pour permettre d’appréhender ce que la visioconférence inspire et fait aux justiciables. Des études sont en cours(9) A défaut de résultats aboutis, des pistes se dégagent qui permettent de mieux cerner ce qui se joue pour les différents types de publics de la justice. Ce sera l’objet de la seconde partie de mon exposé.
II. Des justiciables mis à distance dans le cadre des audiences Comment la mise à distance créée par le recours à la visioconférence recompose-t-elle les formes de la présence des justiciables pendant l’audience ? Pour commencer, on sait que de façon générale la visioconférence modifie effectivement les conditions de réalisation de l’échange, et ce, quelle que soit le type de communication (point à point ou multisites ; entre deux personnes ou davantage), le type de contexte concerné (domestique ou professionnel)... La relation par visioconférence n’est jamais un simple décalque de la relation en co-présence, le maintien d’une communication à l’identique (on se dit la même chose, on fait la même chose) à partir d’un autre support. La sociologie des usages nous enseigne que la visiophonie n’est pas un outil qui se contenterait d’augmenter, d’amplifier les capacités humaines comme peuvent le faire un marteau, une paire de lunettes ou une longue vue. C’est un « artefact interactionnel »(10) dont l’usage implique que les acteurs recomposent leur activité interactionnelle habituelle pour parvenir à l’accomplir en contexte visiophonique. Les utilisateurs s’approprient l’objet technique et ce faisant, ils le transforment et transforment également leur façon de communiquer et les activités ordi-
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naires qu’ils accomplissent en situation. En somme, la communication et les pratiques à distance sont forcément différentes, autres que celles réalisées en co-présence et ce, indépendamment des intentions, de la volonté de ceux qui ont conçu le système ou de ceux qui en font l’expérience. Qu’en est-il lorsque ce sont des interactions judiciaires, des témoignages, des plaidoiries, des interrogatoires qui sont réalisées par le biais de la visioconférence ? Il est clair que la mise à distance remet en cause de fait l’unité de lieu qui caractérise l’audience ; elle bouscule ainsi la dramaturgie classique du procès(11). Elle oblige à remodeler les audiences que ce soit sur le plan de l’organisation des tours de parole (sérier les prises de parole pour empêcher les chevauchements qui nuisent à la bonne compréhension) ou sur celui de la structure des procès (pour tenir compte des contraintes du décalage horaire par exemple…). La mise à distance ne produit toutefois pas les mêmes effets suivant les situations et configurations : - Selon la distribution des personnes dans l’espace : a-t-on son avocat près de soi ou bien est-on seul dans un local visioconférence, tous les autres acteurs du procès étant dans la salle d’audience ? - Selon le type d’activité qui est accomplie : plus ou moins complexe, impliquant un nombre plus ou moins important d’interlocuteurs, nécessitant plus ou moins d’interactions… : interrogatoire d’une personne par une autre ou bien confrontation de plusieurs personnes entre elles… Mais elle dépend aussi du statut des participants, de leur place dans le drame judiciaire : sont-ils témoins, victimes, accusés ? En ce qui concerne les victimes, nous avons eu connaissance de quelques cas dans lesquels la visioconférence a été utilisée non pour des raisons de coût, d’éloignement mais plutôt pour le « confort » des victimes, pour leur éviter de se trouver en présence des auteurs. Ce fut le cas, précisément à la demande de la victime, dans une affaire très médiatique, celle de l’incendie d’un bus dans une cité marseillaise, où une jeune femme a été grièvement blessée. Plusieurs procès ont eu lieu, auxquels elle a assisté et témoigné à distance, en l’occurrence depuis une autre salle du même Palais de justice. Ce qui est intéressant, c’est que l’utilisation de la visioconférence a été demandée par la victime, avec l’argument qui consiste à dire que le procès est une souffrance supplémentaire infligée à la victime(12). Dans une autre affaire moins médiatique où la victime se trouvait à distance et était entendue par visioconférence, elle nous faisait part de la même sensation : être là, entendre et voir ce qui se dit sans subir la même pression, celle de la salle d’audience. Comme de fait, la visioconférence met physiquement la victime à distance de la salle d’audience. Mais ce faisant, elle fait plus encore : elle la soustrait en partie à ce qui dans le procès fait rituel. En partie seulement car la symbolique des espaces, les architectures, le décorum, les costumes judiciaires n’y sont pas absents. Ils n’ont en revanche pas la même portée. Parce que le corps n’est pas là, les regards et les mots ne pèsent pas du même poids, le moment n’est pas vécu subjectivement avec la même intensité.
Certaines victimes peuvent trouver avantage à ne pas avoir à subir ce moment particulièrement éprouvant, douloureux de la mise en présence physique avec celui qui est l’auteur (présumé) des faits reprochés mais aussi avec des magistrats, des avocats de la partie adverse, ou un public et des journalistes qui peuvent impressionner, déstabiliser. Ce moment est toutefois constitutif de ce qui traditionnellement et anthropologique est un procès : la mise en scène d’un drame vécu, arbitrée par un tiers. Dans d’autres contextes que le contexte judiciaire, on sait que la visioconférence, parce qu’elle repose sur des « écologies fracturées », c’est-à-dire sur des environnements de l’action qui restent propres à chaque site et qui ne sont donc que partiellement partagés, peut produire ces effets de mise à distance et de désengagement notamment d’un site périphérique par rapport à un autre plus dominant, plus au cœur d’où se joue l’action principale. Cette différenciation et cette polarisation des sites se retrouvent donc en milieu judiciaire et peuvent profiter à certaines victimes. Il faut cependant préciser que certaines victimes insistent pour être présentes à l’audience et vivre entièrement le procès dont elles attendent beaucoup du face à face, parfois sur plusieurs jours, avec le ou les accusés. On peut penser que ces victimes ne seraient pas demandeuses de la visioconférence et seraient même réticentes à l’idée de l’utiliser. Les promoteurs de la visioconférence ont plutôt tendance à mettre l’accent sur la première catégorie de victimes que sur la seconde, insistant sur les vertus de protection des victimes que la visioconférence recèle – à l’instar d’autres moyens techniques tels que les enregistrements audiovisuels utilisés en particulier pour les mineurs victimes d’infractions à caractère sexuel. A présent, en ce qui concerne prévenus et accusés il faut d’emblée distinguer entre ceux qui sont libres et ceux qui sont détenus. A la fois parce que la politique publique de développement de la visioconférence ne les cible pas de la même façon et parce que suivant le statut qui est le leur, la visioconférence n’a pas les mêmes conséquences pratiques. On peut aussi légitimement penser qu’elle n’est pas vécue de la même façon. Je n’ai pas le temps dans le cadre de cette communication de développer chacun des cas, aussi je m’attarderai quelques minutes sur celui des personnes détenues. La question des écologies fracturées caractéristique de la visioconférence prend ici un relief tout à fait singulier. En effet, les deux lieux mis en connexion ne sont pas des lieux similaires sur un plan institutionnel et d’activité (deux salles d’audience comme dans le cas qui vient d’être évoqué de Mama Gallédou) et ne sont pas non plus deux lieux qui, bien que disparates sur le plan de leur fonction habituelle, seraient tous deux situés dans l’enceinte judiciaire (une salle d’audience et la salle de bibliothèque d’une juridiction par exemple). Il s’agit de lieux qui sont intrinsèquement hétérogènes. Ils renvoient à deux institutions sociopolitiques, la justice et la prison, qui pour être fortement liées dans le domaine pénal, n’en sont pas moins profondément différentes. Les deux espaces mis en connexion par la visioconférence n’ont pas les mêmes règles, les mêmes normes pas les
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Vie du droit autant de nouvelles alternatives qui se présentent pour les acteurs du procès et en particulier les justiciables, assistés ou non d’un avocat. De nouvelles alternatives et aussi de nouveaux espaces de contestation à l’intérieur même du procès…
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
François Sauvadet et Michel Mercier
mêmes ambiances ni les mêmes rythmes ; ils ne relèvent pas des mêmes autorités de tutelle, de la même hiérarchie (ministère de la Justice versus ministère de l’Intérieur dans le cas français) ; ils ne font pas agir les mêmes professionnels, et ils n’ont pas le même rapport à la contrainte et à la force physique. De plus, dans ces lieux disparates, la question du public de même que celle de la sécurité ne se posent pas de la même façon. Elles sont présentes mais hiérarchisées de façon différente avec d’autres impératifs. Toutes les questions que pose généralement la visioconférence acquièrent, dans cette configuration, une plus grande acuité. J’en évoquerai successivement et brièvement deux, celle de la place de l’avocat et celle des effets symboliques de la mise à distance. La visioconférence confronte toujours l’avocat à une situation proprement impossible, inextricable : comment choisir entre être physiquement aux côtés de son client ou être au cœur de l’action judiciaire, là où se trouvent le tribunal, le ministère public et les autres parties ? Dans les cas étudiés, les avocats font plutôt le choix de se trouver dans la salle d’audience, avec le tribunal. Plusieurs arguments sont évoqués en particulier celui qui consiste à dire que le client est mieux défendu, mieux représenté lorsque son avocat a accès directement à la scène de l’audience, qu’il peut bénéficier d’apartés avec les magistrats ou avec ses confrères. On peut penser en revanche que ce choix qui est renforcé par d’autres considérations pratiques (la proximité géographique généralement plus grande des cabinets d’avocats avec les palais de justice qu’avec les établissements pénitentiaires, le gain de temps qui en découle…) a des répercussions sur les clients détenus. Ils sont non seulement incarcérés, privés de la possible rupture de la routine que représente l’extraction mais aussi physiquement seuls au moment de l’audience, sans la présence humaine de leur avocat. A l’aune de ces différents éléments la mise en place d’audiences et de comparutions par
visioconférence pour des personnes détenues peut avoir d’importantes répercussions. En ce qui concerne la question symbolique, on peut se demander jusqu’à quel point une décision de justice, reçue depuis l’intérieur de la prison, est perçue comme émanant d’une institution distincte, libre et indépendante du monde carcéral. Ou bien le fait de ne pas sortir physiquement du lieu de détention contribuet-il à assimiler plus encore le monde de la justice et le monde pénitentiaire, à en brouiller les frontières ?
Conclusion Il est l’heure de conclure. Bien des questions sont ouvertes par la visioconférence dès lors que l’on tente de se mettre à la place des justiciables et de saisir comment ils peuvent affectés par cette réforme de l’organisation judiciaire - dont on a d’ailleurs vu qu’elle est bien plus que l’introduction d’un accessoire supplémentaire dans le processus judiciaire. Nous avons évoquées certaines de ces questions. Bien d’autres sont restées dans l’ombre, faute de temps, faute de connaissances parfois. Celle du statut juridique et pratique de la salle distante, celle du consentement des personnes concernées, celle de publics spécifiques comme les étrangers en situation irrégulière pour lesquels la visioconférence est systématiquement promue pour les audiences devant le juge des libertés et de la détention avec d’importants enjeux politiques et tant d’autres encore. Dans le cas de la justice, l’introduction de la visioconférence ne modifie pas simplement les interactions par une mise à distance des protagonistes. Certes, elle modifie forcément les conditions de réalisation de l’é change et partant, les formes prises par l’oralité en contexte d’audience. Mais elle introduit également un nouvel espace de jeu dans le procès. Accepter la visioconférence, la refuser quand on en a le choix, la demander quand elle est possible sont
Notes 1 - Cette intervention repose sur les résultats d’un travail collectif entrepris depuis plusieurs années avec Christian Licoppe, professeur de sociologie, Département des sciences économiques et sociales, Télécom Paristech. Ces recherches ont été réalisées avec le soutien financier du GIP Mission de recherche Droit et Justice et ont donné lieu à un rapport : Laurence Dumoulin et Christian Licoppe, Justice et visioconférence : les audiences à distance. Genèse et institutionnalisation d’une innovation, Contrat GIP Mission de recherche Droit et Justice/ISP/Télécoms Paris-Tech, Rapport final janvier 2009, 271 p. dont ont été tirées plusieurs publications. Voir par exemple Laurence Dumoulin et Christian Licoppe, « La visioconférence dans la justice pénale : retour sur la fabrique d’une politique publique à la fin des années 1990-2010 » et Christian Licoppe, dossier « La visio-conférence dans le prétoire », Les cahiers de la justice, (revue trimestrielle de l’Ecole nationale de la magistrature), 2011/2, Paris, Editions Dalloz/ENM, respectivement p.29-52 et 53-71 ; Laurence Dumoulin et Christian Licoppe, « De l’exception à la règle ? La visioconférence dans les débats judiciaires en France » in Pierre-Jérôme Delage et al. (dir.) « Les techniques ou technologies nouvelles et les droits ou principes fondamentaux », Paris, Montchrestien (Lextenso), collection « Grands colloques », p.19-34, sous presse. 2 - Voir OCDE, L’administration électronique : un impératif, Rapport du groupe de travail sur l’administration électronique, Paris, OCDE, 2004 ; Conseil de l’Union européenne, La visioconférence dans le cadre de la justice en ligne européenne, Bruxelles, Communautés européennes, 2009.Voir également Marco Fabri, « State of the art, critical issues, and trends of ICT in European Judicial Systems », in Marco Fabri and Francesco Contini (eds.), Justice and Technology in Europe: How ICT is Changing the Judicial Business ?, The Hague, Kluwer Law International, 2001, p.1-18. 3 - Parmi les nombreux textes spécifiques, deux textes à vocation plus générique sont remarquables : l’article 706-71 du CPP, applicable en matière pénale (créé en 2001) et l’article L.111-12 du Code de l’organisation judiciaire qui autorise explicitement l’utilisation de la visioconférence en matière civile (créé en 2007). 4 -Sous réserve de l'accord du procureur de la République et de l'ensemble des parties, comme le prévoit l’alinéa 2 de l’article 706-71 du Code de procédure pénale, introduit par la loi 2011-267 du 14 mars 2011. 5 - En 2009, toutes les juridictions de première instance et d’appel sont équipées d’au moins un dispositif de visioconférence et une majorité d’établissements pénitentiaires le sont également. Depuis 2003, plus de 7 millions d'euros ont été consacrés à l’équipement en matériel de visioconférence des juridictions et des établissements pénitentiaires, Rapport du Sénat sur la loi de finances 2010, Avis n°106 (2009-2010) fait au nom de la commission des lois, Thème Justice et accès au droit, déposé le 19 novembre 2009, http://www.senat.fr/rap/a09-106-4/a09106-44.html#toc25 6 - Circulaire du Secrétariat général du ministère de la Justice, SG-092005, « Recours à la visioconférence en vue d’une réduction de 5% d’une nombre des extractions judiciaires en 2009 », en date du 5 février 2009, consultée le 23 février 2009, http://www.syndicatmagistrature.org/IMG/pdf/cir_sg_visioconference_extractions_judiciaires_ 20090205.pdf Circulaire de la DAP - SD4, 18 juin 2009 relative au programme d’extension de la visioconférence dans certains établissements pénitentiaires en 2009, Bulletin officiel du Ministère de la Justice, 30 août 2009. - JUSTICE 2009/4 - Texte 31/51. 7 - Voir l’interview de Bernard Lugan, magistrat au TGI de Paris, dans Actualité juridique pénal, 2007. 8 - Exception du SAF toutefois. 9 - Dans le cadre d’une recherche intitulée « Les comparutions par visioconférence : la confrontation de plusieurs mondes. Police, prison, tribunal - France et Québec » (financée dans le cadre du GIP Mission de recherche Droit et justice) un volet concerne précisément les perceptions des justiciables face à l’utilisation de la visioconférence. 10 - Michel de Fornel, « Le cadre interactionnel de l’échange visiophonique », Réseaux, vol.12, n°64, 1994. 11 - Antoine Garapon, Bien juger. Essai sur le rituel judiciaire, Paris, Odile Jacob, 2001 ; Jean Danet, La justice entre rituel et management, Rennes, PUR, 2010 ; Linda Mulcahy, Legal architecture: justice, due process and the place of law, Abingdon, Routledge, 2010. 12 - Voir le documentaire Des deux côtés de la barre (conception : Jean Danet, réalisation : Daniel Duuez, production : Filippi & Duuez Production / Label Prod, 2009) autour de l’affaire Mama Gallédou ainsi que le chapitre 11 « Rituel d’audience et visioconférence » dans l’ouvrage de Jean Danet, La justice entre rituel et management. * Laurence Dumoulin est Chargée de recherche CNRS à l’Institut des Sciences sociales du politique, Ecole normale supérieure de CachanFrance.
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Vie du droit
Projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines Présentation en Conseil des Ministres - 23 novembre 2011 Ce projet de loi qui fixe les objectifs de la politique d'e xécution des peines pour la période 2013-2017, a été présenté en Conseil des ministres le 23 novembre 2011 par Michel Mercier, ministre de la justice et des libertés. Ce texte est organisé autour de trois thèmes principaux : la lutte contre la récidive, l’é valuation de la dangerosité des criminels et l’augmentation du nombre de places de prison. our prévenir la récidive, le projet de loi prévoit notamment la création d’ici à 2017 de trois nouveaux centres nationaux d’évaluation (CNE) en plus des deux qui existent déjà. Ces centres sont chargés d’évaluer les condamnés à de longues peines dont le "degré de dangerosité" paraît particulièrement élevé. Transitent par ces centres les condamnés à réclusion criminelle qui sollicitent une libération conditionnelle ou les détenus en fin de peine pour une expertise permettant de décider de leur éventuel maintien en "rétention de sûreté". Le nombre d’experts psychiatriques judiciaires doit être augmenté et la procédure de "diagnostic à visée criminologique" (DAVC) doit être généralisée. Cette procédure vise à évaluer personnellement chaque condamné dans le but d’établir pour lui un "régime de détention adapté". Les services de l’aménagement et de l’exécution des peines doivent être renforcés avec la création de 120 postes de magistrats et de 89 postes de greffiers. Concernant plus particulièrement les mineurs, le texte prévoit la création de 20 centres éducatifs fermés (CEF) supplémentaires et de 90 emplois d’éducateurs (dont 60 dès 2012). Le dispositif de suivi pédopsychiatrique déjà en place dans 13 CEF doit être étendu à 25 centres supplémentaires. Pour les mineurs ayant fait l’objet d’un jugement leur imposant des mesures éducatives, le texte prévoit leur prise en charge dans un délai de 5 jours et la création à cet effet de 120 emplois d’éducateur. Le projet prévoit de porter le nombre de places en prison à 80 000 en 2017, soit 24 397 places de plus qu’aujourd’hui. Le texte prévoit également l’ouverture à partir de 2014 de prisons au régime allégé pour les personnes condamnées à de courtes peines.
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Renforcer les services de l’application et de l’exécution des peines 1. Des moyens humains supplémentaires Le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour améliorer l’exécution des peines et garantir une meilleure prévention de la récidive. Les récentes réformes ont notamment favorisé l’instauration de la surveillance électronique de
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fin de peine pour les détenus n’ayant bénéficié d’aucun aménagement de peine et auxquels il est indispensable d’éviter une « sortie sèche », et le développement de mesures de sûreté susceptibles d’être prononcées en fin de peine lorsque la dangerosité de la personne incarcérée peut laisser craindre un risque de récidive. Ces évolutions ont modifié en profondeur la nature des missions confiées aux services de l’aménagement des peines. Tirant les conséquences des préconisations des groupes de travail mis en place en mars 2011, qui estimaient que le nombre de dossiers suivis par un JAP devait être compris entre 700 et 800, le projet de loi de programmation prévoit la création de 120 postes de magistrats dans les services de l’application et de l’exécution des peines (pour rappel, 375 JAP sont actuellement en activité) et de 89 emplois de greffiers.
2. Fiabiliser les systèmes d’information pour garantir la continuité dans la prise en charge des personnes condamnées Le ministère de la Justice et des Libertés a fortement investi pour améliorer l’organisation de ses services et moderniser ses outils. - Le rapport conjoint IGF-IGSJ a mis en évidence la nécessité d’améliorer l’Applicatif de suivi des personnes placées sous main de justice (APPI) afin notamment d’é viter les discontinuités dans le suivi des personnes placées sous main de justice entre le milieu fermé et le milieu ouvert (exemple d’une peine de prison partiellement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve). - De manière plus globale, l’interconnexion de l’application Cassiopée avec l’ensemble des applications utilisées par les acteurs de la chaîne pénale doit être menée à bien à horizon 2015. Ces différents interfaçages vont enrichir l’outil statistique sur l’exécution des peines et ainsi favoriser la mise en place de politiques pénales adaptées. - Le casier judiciaire sera modernisé en 2013 et 2014 pour assurer une dématérialisation complète des extraits de condamnation. 284 M€ de crédits d’investissement sont programmés au titre de ces différents projets.
3. Généraliser les bureaux d’exécution des peines Les bureaux d’exécution des peines (BEX) favorisent la mise à exécution de certaines peines dès la fin de l’audience (paiement d’une amende, retrait du permis de conduire…).
Le fonctionnement des BEX est cependant souvent limité à certaines audiences et les horaires d’ouverture au public ne sont pas toujours suffisants. L’efficacité des BEX justifient leur implantation dans toutes les juridictions, y compris aux cours d’appel et à toutes les audiences en élargissant les plages horaires d’ouverture. Des aménagements seront nécessaires dans certaines juridictions afin par exemple d’abriter les permanences des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse pour les BEX mineurs. Les besoins des juridictions sont évalués à 207 emplois de greffiers et de fonctionnaires. Des crédits d’investissement à hauteur de 15,4 M€ sont par ailleurs programmés. Focus sur les bureaux d’aide aux victimes
Les victimes sont particulièrement concernées par l’exécution des décisions rendues, qu’il s’agisse de l’indemnisation de leur préjudice ou bien encore des mesures destinées à les protéger (interdiction faite au condamné d’entrer en contact avec elle par exemple). Le plan national de prévention de la délinquance et de l’aide aux victimes 2010-2012 a prévu la création de 50 bureaux d’aide aux victimes (BAV) - 38 bureaux déjà créés - au sein des principaux tribunaux de grande instance. Assumant une mission dont l’utilité est largement reconnue, les BAV doivent être généralisés afin de garantir un égal accès de toutes les victimes à ce dispositif. Près de 140 BAV seront créés, pour un coût de fonctionnement annuel total s’élevant à 2,8 M€.
Accroître le parc carcéral et moderniser la classification des établissements pénitentiaires 1. 80 000 Places de prison en 2017 Le projet de loi prévoit de renforcer le programme pénitentiaire annoncé au mois de mai en fixant un objectif de 80 000 places disponibles en 2017. - Les projections du ministère de la Justice et des Libertés estiment en effet que la population sous écrou s’élèvera à 96 000 personnes en 2017 (dont 16 000 seront placées sous surveillance électronique). - Si l’action engagée depuis plusieurs années a permis de ramener le taux de surpopulation carcérale de 124,2 % en octobre 2008 à 113,4% en octobre 2011, la situation justifie de
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Vie du droit QUELQUES CHIFFRES
Taux de détention pour 100 000 habitants
nombre suffisant, d’établissements à sécurité allégée offrant des conditions d’exécution de peine plus adaptées à une démarche de prévention de la récidive et spécialement conçus pour accueillir des individus ne représentant pas la même dangerosité que les condamnés à des peines plus longues. A titre indicatif, 50 % des peines en attente d’exécution sont inférieures ou égales à 3 mois. Focus sur la construction d’établissement et quartiers « courtes peines »
poursuivre de manière vigoureuse les efforts entrepris. Avec un parc pénitentiaire de 57 268 places pour plus de 64 711 détenus et près de 85 000 peines en attente d’exécution, il apparaît clairement que la France ne dispose pas d’un nombre suffisant de places de prison. Une analyse comparée de la situation des différents pays membres du Conseil de l’Europe laisse d’ailleurs clairement observer que, contrairement à une idée reçue, le taux de détention et la capacité carcérale en France sont inférieurs à ceux relevés dans les autres pays.
2. Ajuster les programmes déjà engagés et construire des structures dédiées aux courtes peines Finalisation du programme dit « 13 200 » et densification du nouveau programme immobilier (NPI)
- Le programme 13 200, prévu dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation de la justice de 2002, sera achevé et permettra de disposer de près de 5 000 nouvelles places. Il sera modifié sur deux points : . la capacité d’accueil des établissements dits « nouveau concept », comprenant des unités d’hébergement pour courtes peines adossées aux établissements classiques, sera augmentée, passant de 90 places initialement prévues à 150 places. . 4 centres de semi-liberté seront adjoints au programme, soit 270 places supplémentaires. - Le nouveau programme immobilier pénitentiaire, annoncé par le garde des Sceaux en mai 2011, sera densifié. La capacité moyenne des établissements sera augmentée, passant de 532 à 650 places. Ce programme permettra ainsi de créer 9 500 places supplémentaires. Construction de structures dédiées aux courtes peines
Le parc pénitentiaire ne dispose pas suffisamment de structures spécifiques pour les personnes condamnées à de courtes peines qui sont généralement hébergées dans les maisons d’arrêt et par la même confrontées à des profils parfois bien différents. Il apparaît indispensable de faire évoluer le parc carcéral afin de disposer, rapidement et en
Ces structures pour les condamnés à de courtes peines pourront être adossées à des établissements classiques, avec une capacité de 150 places, ou prendre la forme d’établissements autonomes pouvant accueillir 190 détenus. La conception de ce programme intégrera des contraintes de sécurité allégées. Le coût d’une place dans un quartier pour courtes peines sera de 40 % inférieur à celui d’un établissement classique. Le taux d’encadrement, adapté à la faible dangerosité des personnes détenues, sera inférieur de moitié de celui d’un établissement classique.
3. Une nouvelle classification des établissements La construction rapide de places d’un nouveau type permettra de rompre avec l’uniformité de la prise en charge et de ne plus imposer à tous des contraintes de sécurité conçues pour des profils plus dangereux. Ce faisant, le risque de désocialisation et de récidive sera amoindri. En conséquence, la classification des établissements pénitentiaires sera revue. A ce jour, le Code de procédure pénale ne distingue que les maisons d’arrêt et les établissements pour peines (centres de détention et maisons centrales). Il sera substitué à cette classification une nouvelle typologie distinguant : - les établissements à sécurité renforcée, - les établissements à sécurité normale, - les établissements à sécurité adaptée, - les établissements à sécurité allégée. Cette nouvelle classification favorisera la différenciation des régimes et l’élaboration de parcours d’exécution des peines pour chaque condamné prévues par la loi pénitentiaire.
4. Synthèse Le coût d’investissement total du volet immobilier pénitentiaire est chiffré à 3,08 milliards d’euros pour la construction des places nouvelles. Ce coût d’investissement sera en partie lissé au-delà de 2017, dans la mesure où certains établissements seront construits sous forme de partenariat public-privé. Compte tenu du calendrier de construction des nouveaux établissements et de leur ouverture, l’impact budgétaire global (y compris les créations d’emplois) sera très limité sur les deux premières années de la loi de programmation (2013 et 2014), et sera concentré sur la période 2015-2017. La mise en place des moyens budgétaires nouveaux nécessaires à la réalisation des objectifs de la loi de programmation se fera donc dans le plein respect du cadre budgétaire fixé par l’actuelle loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
Prévenir la récidive La prévention de la récidive sera renforcée par la mise en place d’outils visant à mieux évaluer le profil des personnes condamnées, le développement de pratiques innovantes de prise en charge des délinquants ainsi que la réorganisation et le renforcement des services d’insertion et de probation (SPIP) afin d’améliorer le suivi des condamnés en milieu ouvert et en milieu fermé.
1. Mieux évaluer le profil des personnes condamnées Généraliser le diagnostic à visée criminologique (DAVC) et le suivi différencié dans les SPIP
Préalablement à la mise en place d’un régime de détention adapté et d’un parcours d’exécution des peines orienté vers la réinsertion, il importe de conduire une évaluation rigoureuse et systématique de chaque condamné. Construit avec les professionnels de la filière, le DAVC est la formalisation de ce travail d’évaluation. Expérimenté avec succès dans trois sites, il doit faire l’objet d’une généralisation. Les données de ce diagnostic seront utilisables par les parquets et les services d’application des peines. Créer trois nouveaux centres nationaux d’évaluation
L’évaluation approfondie des condamnés à une longue peine, qui présentent un degré de dangerosité supérieur, doit être développée en début de parcours et en cours d’exécution. Ce travail est actuellement réalisé au Centre national d’é valuation de Fresnes et, depuis septembre, à Réau. Le nombre de ces structures, qui accomplissent un travail essentiel dans la prévention de la récidive criminelle doit être augmenté. Le projet de loi prévoit 3 nouveaux CNE et la création de 50 emplois. Augmenter le nombre d’experts psychiatres judiciaires
Les lois de procédure pénale récentes ont multiplié les cas d’expertise psychiatrique obligatoire afin d’assurer une meilleure évaluation de la dangerosité des auteurs d’infractions et établir s’ils peuvent faire l’objet d’un traitement. Cependant, le nombre d’experts psychiatres n’a pas suivi l’augmentation du nombre d’expertises psychiatriques réalisées entre 2002 et 2009. Afin de réduire les délais d’accomplissement des missions, trois mesures incitatives seront prises : - une indemnité complémentaire pour perte de ressources sera versée lorsque l’expertise sera confiée à un praticien libéral, - un système de bourses pour les internes de médecine psychiatrique sera mis en place, - et une forme de tutorat sera développée.
2. Des pratiques innovantes de prises en charge des délinquants Généraliser les programmes de prévention de la récidive
Les programmes de prévention de la récidive, tels que des groupes de parole adaptés à la nature des infractions reprochées, seront
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Vie du droit généralisés. Ils seront élaborés par une équipe pluridisciplinaire. Créer un second établissement spécialisé dans la prise en charge des détenus souffrant de troubles graves du comportement
QUELQUES CHIFFRES
Evolution du parc pénitentiaire
Un deuxième établissement (95 places) spécialisé dans la prise en charge des détenus souffrant de troubles graves du comportement sera construit sur le modèle de celui de ChâteauThierry. S’assurer de l’effectivité des soins
En milieu fermé La loi du 10 mars 2010 a posé, dans le cadre de l’injonction de soins suivie en milieu ouvert, l’obligation pour le médecin du condamné d’informer par l’intermédiaire du médecin coordonnateur le JAP de l’arrêt des soins qui interviendrait contre son avis. Cette obligation sera étendue, sous une forme adaptée, aux soins qui doivent être suivis en milieu fermé, ce qui permettra au magistrat de se prononcer en pleine connaissance de cause sur le retrait ou l’octroi de réductions de peine ou le prononcé d’un aménagement de peine. En milieu ouvert La mise en œuvre effective d’une injonction de soins nécessite la désignation par le JAP d’un médecin coordonnateur. Cependant, au 1er septembre 2011, seuls 237 médecins coordonnateurs étaient répartis – inégalement sur le territoire national pour 5 398 injonctions de soins en cours. Pour garantir la mise à exécution effective de toutes ces mesures, 119 médecins coordonnateurs supplémentaires sont nécessaires. L’indemnité forfaitaire perçue par les médecins coordonnateurs désignés par le JAP actuellement fixée à 700 € bruts par an et par personne, sera revalorisée et portée à 900 € bruts. Un système de bourse sera également mis en place pour les internes en médecine.
3. Renforcer le suivi en milieu ouvert et en milieu fermé Les SPIP ont un rôle essentiel à jouer dans la politique de prévention de la récidive en assumant le suivi des personnes incarcérées ainsi que celui des 175 000 personnes placées en milieu ouvert. Ils font l’objet de mesures spécifiques dans le projet de loi de programmation. Recentrer les conseilleurs d’insertion et de probation sur le suivi des personnes condamnées
En prévoyant de confier les enquêtes présentencielles au secteur associatif habilité, le projet de loi permettra aux conseillers d’insertion et de probation de se recentrer sur le suivi des personnes condamnées. L’é quivalent de 130 emplois de conseiller d’insertion et de probation pourra ainsi être redéployé. Réorganiser les SPIP
- Pour assurer une prise en charge régulière et homogène de toutes les personnes placées sous main de justice, l’organisation et les méthodes de travail des SPIP, qui ont connu ces dernières années une forte évolution de leur activité, seront modernisées.
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Plusieurs mesures y concourront comme l’élaboration d’un référentiel d’activité afin de préciser les missions des SPIP, l’établissement d’un organigramme de référence ou bien encore la mise en place d’indicateurs fiables de mesure de la charge de travail et des résultats. - L’activité des SPIP connaît de façon structurelle des variations sensibles liées à l’activité judiciaire et aux caractéristiques de gestion des ressources humaines de la filière insertion et probation. Pour y faire face, des équipes mobiles seront constituées, conformément aux préconisations du rapport de l’IGF et de l’IGSJ, pour renforcer les services d’insertion et de probation en cas de pic d’activité et introduire plus de souplesse dans la gestion des effectifs. A ce titre, 88 emplois seront créés dès 2013. De plus, la réorganisation des SPIP sera accompagnée de la création de 103 emplois de psychologues.
Garantir une meilleure prise en charge des mineurs délinquants 1. Réduire les délais de prise en charge des mesures éducatives Pour être efficace, la mesure prononcée par le juge doit être mise à exécution rapidement. Le projet de loi de programmation impose une prise en charge du mineur par le service éducatif dans un délai de cinq jours à compter de la date du jugement. Une telle réduction des délais nécessite un renforcement ciblé des effectifs éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), notamment dans 29 départements retenus comme prioritaires. La création de 120 emplois d’é ducateurs est programmée et devra intervenir dès 2013 pour une mise en œuvre de la mesure au 1er janvier 2014.
2. Accroître la capacité d’accueil dans les centres éducatifs fermés (CEF) Depuis leur création, les CEF ont montré qu’ils étaient des outils efficaces contre la réitération et qu’ils offraient une réponse pertinente aux mineurs les plus ancrés dans la délinquance. La loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs élargit les conditions de placement en CEF et rend nécessaire la création de 20 établissements supplémentaires. Dans un souci d’optimisation des moyens existants, ils seront créés par transformation de foyers d’hébergement existants. La création de 90 emplois d’é ducateurs est programmée à ce titre, dont 60 seront ouverts par anticipation, dès le budget 2012 dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 10 août 2011.
3. Développer un suivi pédopsychiatrique dans les centres éducatifs fermés Les particularités des mineurs présentant des troubles du comportement caractéristiques (relations violentes et mise en échec de toute solution les concernant) imposent une prise en charge concertée qui repose sur une articulation soutenue entre les services de la PJJ et les dispositifs psychiatriques de proximité. A ce jour, 13 CEF ont été renforcés en moyens de suivi pédopsychiatrique entre 2008 et 2011 et les premiers résultats montrent une diminution significative des incidents. Au vu de ces résultats, ce dispositif sera étendu à 25 centres éducatifs fermés supplémentaires. La création de 37 emplois équivalent temps plein est programmée à ce titre.
Source : Dossier de presse du ministère de la Justice et des Libertés : « Projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines », mercredi 23 novembre 2011, consultable sur le site internet : www.justice.gouv.fr 2011-592
Les Annonces de la Seine - jeudi 24 novembre 2011 - numéro 65
Jurisprudence
Divulgation du nom de la personne ayant consenti à la diffusion de son image Cour de cassation - 1ère chambre civile - 4 novembre 2011 pourvoi n° 10-24761 - Cassation partielle
L’accord donné par une personne pour la diffusion de son image ne peut valoir accord pour la divulgation de ses nom et grade. En l’espèce des fonctionnaires de police avaient accepté d'être filmés, soit que leur image « floutée » dans l’e xercice de leurs missions dans le cadre d’un reportage. Qu'en statuant ainsi, alors que l'accord donné par une personne pour la diffusion de son image ne peut valoir accord pour la divulgation de ses nom et grade, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
La Cour de cassation Sur le moyen unique : Vu l'article 1134 du code civil ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que des fonctionnaires de police estimant avoir été victimes d'atteintes à leur vie privée lors d'un reportage où ils apparaissaient dans l'exercice de leurs missions au sein de la brigade anticriminalité de Nice, ont assigné la société de télévision TF1, M. X..., directeur de la programmation et de la diffusion, et la société de Productions Tony Comiti en réparation de leurs préjudices ; Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt énonce que ces policiers ont accepté d'être filmés et que leur image soit diffusée sans être « floutée » mais qu'ils dénoncent le fait que leurs noms et grades ont été divulgués alors qu'ils n'avaient donné aucune autorisation à cet égard, que dès lors qu'elle avait été autorisée à diffuser les images de ces policiers, la société de production était fondée à se croire tacitement autorisée à divulguer également leurs noms et grades, et qu'il n'y a pas eu dans ce contexte et de ce seul fait atteinte portée au respect de leur vie privée, sachant que la révélation publique de leur profession découlait nécessairement et complètement de la seule diffusion de leur image, sans que cette révélation ait été en elle-même majorée par celle de leur nom et grade, même si l'une et l'autre de ces révélations ont pu conduire à des différences de réaction du public ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ses dispositions rejetant les demandes de Mme Y... et de MM. Z..., A..., I..., J..., B..., K..., C..., D..., E..., F..., G... et H..., l'arrêt rendu le 22 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aixen-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne les sociétés TF1, TF1 production et Productions Tony Comiti aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés TF1, TF1 production et Productions Tony Comiti à payer à chacun des défendeurs la somme de 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille onze. Président : M. Charruault - Avocats : Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton
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MOYEN ANNEXÉ À L’ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2011
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour MM. Z..., A..., I..., J..., B..., K..., C..., L..., E..., F..., G... et H... et Mme Y... l est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté de leurs demandes Mlle Rachel Y... et MM. Patrick Z..., Sébastien A..., Thierry I..., Benoît J..., Olivier B..., Serge K..., Jean-Charles C..., Philippe D..., Patrick E..., Eric F..., Damien G..., Olivier H... ;
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Aux motifs que ces policiers ont accepté d'être filmés et que leur image soit diffusée sans être floutée, mais qu'ils dénoncent le fait que leurs noms et grades ont été divulgués alors qu'ils n'avaient donné aucune autorisation à cet égard ; que si la société de production ne pouvait se croire tacitement autorisée à diffuser les images des policiers qu'elle avait filmés pour les besoins
du reportage, en revanche, dès lors que cette autorisation avait été dûment donnée, elle était fondée à se croire tacitement autorisée à divulguer également les noms et les grades des policiers concernés, et qu'il n'y a pas eu dans ce contexte et de ce seul fait atteinte portée au respect de la vie privée, sachant que la révélation publique de leur profession découlait nécessairement et complètement de la seule diffusion de leur image, sans que cette révélation ait été en elle-même majorée par le fait de celle de leur nom et grade, même si l'une et l'autre de ces révélations ont pu conduire à des différences de réaction du public ;
Alors, d'une part, que la notion de « vie privée » comprend des éléments divers se rapportant à l'identité d'une personne, notamment son image et son nom, de sorte que l'autorisation donnée pour la diffusion de l'image ne vaut pas pour la diffusion du nom ; qu'en estimant que, dès lors qu'elle avait été autorisée à diffuser l'image des fonctionnaires de police dans le cadre de l'émission « Appels d'urgence », la société de diffusion était « fondée à se croire tacitement autorisée à divulguer également les noms et les grades des policiers concernés » (arrêt attaqué, p. 6 in fine), cependant que l'image et le nom de la personne constituent des éléments
distincts de la vie privée, et que l'accord exprès donné pour la diffusion de l'image ne peut valoir accord tacite pour la divulgation du nom, la cour d'appel a violé les articles 9 et 1134 du code civil ; Alors, d'autre part, que la divulgation du nom de la personne qui a consenti à la seule diffusion de son image ne peut le cas échéant être décidée que lorsque la mention de l'identité de la personne qui se trouve filmée ou photographiée constitue un élément d'information nécessaire pour le public, et sous réserve que le diffuseur ait préalablement apprécié les conséquences qu'entraîne la divulgation de l'identité de la personne dont l'image est diffusée ou
reproduite ; qu'en estimant que, dans la mesure où elle avait été autorisée à diffuser l'image des fonctionnaires de police dans le cadre de l'émission « Appels d'urgence », la société de diffusion était « fondée à se croire tacitement autorisée à divulguer également les noms et les grades des policiers concernés » (arrêt attaqué, p. 6 in fine), sans constater que la mention des noms et des grades des policiers concernés constituait un élément d'information nécessaire pour le public et sans constater que la société de diffusion avait envisagé les répercussions de cette divulgation sur les conditions de vie des intéressés, la cour d'appel a violé les articles 9 et 1134 du code civil.
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Palmarès
Deloitte Technology Fast 50 National
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
11ème édition - Palais Brongniart, Paris - 17 novembre 2011
réé en 2001, le palmarès Deloitte Technology Fast 50 récompense les entreprises technologiques les plus performantes. Lieu d’échanges des dirigeants et des entrepreneurs, il permet aux entreprises candidates d’accroître leur crédibilité et leur visibilité en France et à l’international auprès de leurs clients et prospects, mais également auprès de la communauté des investisseurs, afin de poursuivre leur développement. Ce palmarès est établi sur un critère unique : le pourcentage de croissance du chiffre d’affaires des sociétés candidates sur les quatre derniers exercices. Les 50 sociétés dont le taux de croissance est le plus élevé sont alors désignées comme les « Technology Fast 50 ». « Cette onzième édition du Fast 50 a attiré 401 candidats, 16 d’entre eux ont réalisé plus de 100 M€ de chiffre d’affaires en 2010, illustrant le dynamisme et la compétitivité des acteurs de l’innovation en France. Figurer dans le palmarès apporte aux entreprises de puissants leviers de croissance et ouvre de nouvelles opportunités en termes de financement, notoriété, de réseaux et de business » a déclaré Alain Pons, Président de la Direction Générale de Deloitte. « Miroir de l’é volution du secteur technologique, le Deloitte Technology Fast 50 démontre le dynamisme des entrepreneurs et leur impressionnante capacité à innover et anticiper les besoins de leurs marchés. Ensemble, les 401 candidats du Deloitte Technology Fast 50 représentent 9,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010, ce qui démontre le caractère stratégique de ce secteur d’activité pour le développement économique français. Les lauréats
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2011 enregistrent quant à eux une croissance de près de 1 400 % sur 5 ans pour atteindre un chiffre d’affaires d’environ 500 M€ en 2010. Réussir à attirer un nombre suffisant de clients pour atteindre de tels niveaux de croissance sur cinq ans en dit long sur la qualité des produits et du management des sociétés récompensées », souligne Ariane Bucaille, associée responsable du Technology Fast 50 chez Deloitte. Le Deloitte Technology Fast 50, qui était placé cette année sous le signe de « la croissance rentable », décerne différents prix répartis en plusieurs catégories : les prix Fast 50, le prix OSEO, le prix NYSE Euronext, les prix Fast 5 et les prix sectoriels. En plus du palmarès national, on compte par ailleurs sept palmarès régionaux : Nord, Méditerranée, Est, Ouest, Sud-ouest, Rhône-Alpes/Auvergne et Ile-deFrance. 1er Prix du Fast 50 National 2011, Premier Prix secteur « Biotech et Santé » du Fast 50 National Bioalliance Pharma (Paris, 75), 4 800% de croissance sur 5 ans
BioAlliance Pharma est une société dédiée aux produits de spécialité et aux produits orphelins dans le traitement des cancers et dans les soins de support, avec une approche ciblée sur les résistances médicamenteuses. BioAlliance Pharma conçoit et développe des médicaments innovants essentiellement à visée hospitalière et des médicaments dans des maladies rares ou orphelines. Créée en 1997 et introduite sur le marché d’Euronext Paris en 2005, la société a pour ambition de devenir un acteur de référence dans ces domaines, en faisant le
lien entre innovation et besoin des patients. Elle détient des compétences clés pour identifier, développer et enregistrer des médicaments en Europe et aux Etats-Unis, elle confie leur commercialisation à un réseau de partenaires commerciaux internationaux implantés à l’hôpital. Ses approches ciblées dans des domaines où les besoins médicaux sont insuffisamment satisfaits contribuent à lutter contre les résistances médicamenteuses et à améliorer la santé et la qualité de vie des patients. 2ème prix du Fast 50 National 2011 et Premier Prix secteur « Logiciels et Services Informatiques » du Fast 50 National Aquafadas (Montpellier, 34), 3 231% de croissance sur 5 ans
Aquafadas est un éditeur innovant de solutions pour l’édition numérique et de logiciels créatifs basés sur la photo ou la vidéo. Aquafadas est un leader sur le marché de la bande dessinée numérique avec AveComics, utilisé par les éditeurs français et internationaux pour diffuser leur BD sur les nouveaux appareils numériques. Les solutions d’Aquafadas pour l’exploitation, l’animation et la gestion des données numériques ont été adoptées par plus de 50 000 professionnels à ce jour. Aquafadas a conclu des partenariats privilégiés avec Quark Inc. ou La Fnac, et vend ses produits à l’international, notamment sur les marchés américain, japonais, allemand et anglais. Aquafadas, la société mère, et sa filiale AveComics, englobent 3 activités : - création de logiciels sous le nom d’Aquafadas, - édition numérique (création d’applications et de logiciels pour la publication numérique),
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Palmarès - vente de BD numériques en ligne par la filiale AveComics.
- 5ème prix Fast 5 : Maesa (Levallois-Perret, 92), 267 % de croissance sur 5 ans.
3ème prix du Fast 50 National 2011 Ikos (Levallois-Perret, 92), 2 267% de croissance sur 5 ans
Prix OSEO Meteodyn (Nantes, 44)
METEODYN est la première société française dédiée à la simulation numérique du vent et à l’analyse climatologique. Elle développe ainsi des logiciels utilisant une technologie de pointe : la CFD (calculs du vent basés sur la mécanique des fluides) et réalise des études sur les effets et le potentiel énergétique du vent. Prix NYSE Euronext
BioAlliance Pharma (Paris, 75), 4 800 % de croissance sur 5 ans Prix sectoriels du Fast 50 National 2011 :
Premier Prix secteur « Aéronautique » Orolia (Les Ulis, 91), 313 % de croissance sur 5 ans Premier Prix secteur « Robotique » Robopolis (Villeurbanne, 69), 2 279 % de croissance sur 5 ans Premier Prix secteur « Energie, Environnement et Greentech » Urbasolar (Perols, 34), 1 276 % de croissance sur 5 ans Premier Prix secteur « Matériel informatique, Périphériques, Semi-conducteurs, Composants
Prix du Capital Investissement 2011 A Plus Finance
Créée en 1998, A Plus Finance est une société de gestion indépendante, détenue par son management, spécialisée dans quatre domaines d’expertises : le capital investissement, la multigestion, le financement du cinéma et l’immobilier (OPCI). A ce titre, elle gère plus de 350 millions d’euros d’actifs au 30 septembre 2011. En capital investissement, A Plus Finance intervient en actions et en obligations à travers ses FCPI, FIP et FCPR dans tous les secteurs innovants, principalement dans les domaines des technologies de l’information, du e-commerce et du développement durable pour des investissements généralement de 1 à 5 millions d’euros. L’équipe regroupe des financiers et des entrepreneurs qui apportent ainsi une vision croisée de la sélection et de la gestion avec toujours comme objectif la création de performance. 2011-594
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Ikos est une société de conseil en technologies spécialisée dans le ferroviaire. Créée en 2005 par deux ingénieurs expérimentés issus de grands groupes généralistes, Ikos a développé un positionnement unique : être la société de référence du secteur ferroviaire avec une approche qualité du métier du conseil où les consultants sont au cœur de l’entreprise. Nos compétences couvrent tous les domaines du secteur : la signalisation - notre cœur de métier les courants faibles et télécoms, l’énergie et les courants forts, l’infrastructure et la voie ferrée, le matériel roulant. Fort de ce savoir-faire, Ikos intervient sur l’ensemble du cycle de vie des projets urbains, ferroviaires et tramway. Ikos a participé par exemple à l’automatisation de la ligne 1 du métro de Paris ou encore aux études de sécurité du tramway d’Angers. Grâce à sa taille humaine, son équipe exclusivement composée d’ingénieurs, et la priorité donnée au management des consultants, Ikos offre des atouts d’expertise, de proximité et de réactivité à ses clients. Ikos compte près de 200 salariés et connaît une croissance maîtrisée sur un secteur en pleine expansion. A vocation internationale, Ikos est un groupe composé de quatre filiales basées à Paris, Lyon, Madrid et Bruxelles et bénéficie d’un périmètre d’intervention mondial.
& Electronique » Bookeen (Paris, 75), 2 573% de croissance sur 5 ans Premier Prix secteur « Télécoms et Réseaux » Ekinops (Lannion, 22), 1 016% de croissance sur 5 ans
Le Prix Fast 5 du Fast 50 National 2011 récompense les 5 premières sociétés du Palmarès parmi les entreprises ayant réalisé plus de 10 M€ de CA en 2006, le palmarès 2011 annoncé est le suivant : - 1er prix Fast 5 : 1000Mercis (Paris, 75), 327 % de croissance sur 5 ans, - 2ème prix Fast 5 : Inside Secure (Aix-enProvence, 13), 318 % de croissance sur 5 ans, - 3ème prix Fast 5 et Premier Prix secteur « Aéronautique » du Fast 50 National 2011 : Orolia (Les Ulis, 91), 313 % de croissance sur 5 ans, - 4ème prix Fast 5 : Cheops Technology (Canejan, 33), 272 % de croissance sur 5 ans,
REPÈRES
1ère édition de l'étude Deloitte Technology Fast 50 eloitte et In Extenso, acteur majeur de l’exeprtise comptable, ont réalisé pour la première fois une enquête auprès des entreprises lauréates du Palmarès Deloitte Technology Fast 50 de 2006 à 2011 afin d’identifier les leviers qui ont contribué à leur développement et recueillir leurs attentes notamment vis-à-vis des pouvoirs publics :
D
- Les entreprises technologiques de croissance gardent le cap face à la crise. 92% d’entre elles n’envisagent ni licenciements ni délocalisation de leurs activités et peu d’entreelles envisagent d’arrêter ou reporter des projets (18%), de stopper les recrutements (26%)
ou décider de coupes budgétaires (26%). Réalistes, 40% des entreprises interrogées anticipent néanmoins prochainement des difficultés dans le financement de leurs projets du fait de la crise. - 98% des entreprises font appel à des financements externes et en sont globalement satisfaites. Seules 14% ont fait un appel public à l’épargne. Elles sont très majoritairement satisfaites de leurs relations avec les banques, les fonds d’investissement et les pouvoirs publics qui ont participé à leur financement, respectivement pour 40%, 33% et 25%. Un quart des entreprises entretiennent par ailleurs des
relations régulières avec les investisseurs en capital mais seules 16% des entreprises interrogées envisagent une introduction en Bourse. Leurs attentes vis-à-vis des pouvoirs publics portent pour l’essentiel sur les mesures incitant à l’investissement en capital risque et le soutien financier. - 50% des entreprises interrogées estiment avoir des difficultés à recruter les bons candidats. Attirer les compétences et les profils adaptés à leur activité reste un défi pour nombre d’entreprises. Pour 98% d’entre elles, le premier moteur de motivation des équipes est l’enthousiasme
et l’ambiance de travail. Arrivent ensuite les possibilités d’évolutions (94%) et la proposition d’avantages extrasalariaux (84%). - Les entreprises interrogées souhaitent que les pouvoirs publics renforcent la compétitivité du territoire français, notamment pour éviter les départs des têtes pensantes à l’étranger. 76% d’entre-elles demandent une plus nette implication dans les appels à projet. Le soutien des grands groupes français représentent un levier de croissance puissant pour les entreprises interrogées qui sont 90% à déplorer leur faible appui.
Certains dispositifs existants ont encore besoin de faire leur preuve. Le CIR (crédit d’impôt recherche) et le statut JEI (jeune entreprise innovante) remportent une large adhésion des entreprises technologiques françaises avec respectivement 71% et 48% d’avis très favorables. En revanche, les avis sur la création des pôles de compétitivité ainsi que les mesures en faveur de l’innovation dans le cadre du Grand Emprunt sont plus mitigés. Les dispositifs de protection des brevets ou des actifs incorporels au niveau mondial méritent en outre des améliorations pour 63% des répondants.
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Palmarès
31ème Rencontre Nationale du Crédit Coopératif S’engager et coopérer : quel rôle donner à la confiance dans un projet commun ? Paris - 20 octobre 2011 Le Crédit Coopératif a réuni le 20 octobre, dans le cadre de sa 31ème Rencontre nationale, ses clients sociétaires, ses partenaires, dirigeants et responsables de l’économie sociale autour d’un sujet commun : « S’engager et coopérer : quel rôle donner à la confiance dans un projet commun ». Après une ouverture de Michel Barnier, membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des Services et de Jean-Louis Bancel, président du Groupe Crédit Coopératif, Yann Algan, économiste, professeur d’économie à Sciences Po et Michela Marzano, professeur de philosophie à l’Université Paris Descartes, auteur de l’ouvrage « Le contrat de défiance » (Grasset, 2010) ont exposé leurs travaux sur le thème de la confiance. Plusieurs personnalités étaient invitées à débattre : Hugues Sibille, vice-président du Crédit Coopératif, Serge Papin, président de Système U, Reine-Claude Mader, présidente de la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie, Gérard de La Martinière, président du Comité de la charte du don en confiance et Florence Devouard, présidente honoraire de Wikimédia Foundation. La table ronde était suivie par la remise des Prix nationaux et du Trophée de l’initiative en économie sociale de la Fondation Crédit Coopératif. Près de 50 organismes de l'économie sociale, agissant dans des domaines variés, et ayant mis en œuvre une initiative originale et exemplaire, ont été récompensés au printemps dernier par les comités de région des sociétaires du Crédit Coopératif. Cinq d'entre eux ont été à nouveau primés lors de la phase nationale du concours. Cette année le concours a récompensé trois coopératives, anticipant l’intérêt porté à la coopération par l’ONU déclarant 2012 Année des coopératives.
Confiance et défiance par Jean-Louis Bancel (…) our ceux d’entre vous qui participez pour la première fois, j’indique que, avec cet évènement, nous souhaitons vous proposer un moment particulier : une matinée où tous ensemble nous puissions prendre le temps d’analyser et de comprendre le monde dans lequel nous vivons et que nous construisons. En effet, en tant que Banque coopérative ayant fait choix d’être une banque utile à ceux qui font bouger leur monde, notre monde, nous savons qu’il existe des valeurs encore plus importantes que l’argent : le temps d’é changer avec d’autres pour mieux agir et surtout le respect des autres.
P
Comme le dit Michela Marzano dans son ouvrage (Le contrat de défiance) : « Dans une organisation, la confiance peut s’installer si le climat général permet à chacun d’être ouvert aux idées de l’autre, sans qu’il soit obligé de renoncer systématiquement à ses propres croyances. Ce qui demande à la fois de l’humilité et du courage. Etre ouvert aux idées des autres et chercher à comprendre leur point de vue signifient se placer d’emblée dans une attitude de respect (…) ». Je souhaite que vous ressortiez ragaillardis par la qualité des échanges de nos invités, stimulés par vos questions.
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Le thème de la rencontre nationale est choisi de nombreux mois à l’avance. Je peux vous assurer qu’il s’agit d’un défi stimulant. Partant des évènements, nous recherchons un thème annonciateur des tendances de fond concernant particulièrement l’économie sociale et solidaire. Avec Nicole Alix, nous avons rapidement senti que la confiance s’imposait comme le thème de 2011. Lors de notre choix en février dernier, nous savions que nous serions au seuil d’une année électorale majeure pour notre pays. En démocratie, les élections politiques constituent un moment clé dans l’expression de la confiance. En ce début d’année, avec Claude Alphandéry, nous étions entrés en phase de préparation des états généraux de l’économie sociale et solidaire, qui se sont tenus au Palais Brongniart du 17 au 19 juin 2011. Nous avions déjà lu le petit opuscule de Stéphane Hessel, « Indignez-vous ! ». Nous étions loin d’imaginer que ce cri poussé par ce résistant qui avait contribué à faire émerger un monde nouveau au sortir de la Seconde Guerre mondiale, serait repris par des millions de personnes autour de la planète. Toutefois, nous sentions bien qu’après la brève phase de contrition des financiers avides de gains illimités, il leur était impossible de revenir à l’abstinence de spéculation. Nous constations que les impulsions voulues par les Chefs d’Etat lors du G20 se diluaient et s’enlisaient du fait de l’effet combiné d’un multilatéralisme essoufflé et du lobbying de ceux qui s’accrochent à leur vieux monde. Pouvions-nous concevoir la crise de la dette souveraine en Europe ? Pouvions-nous imaginer la dégradation de la notation des Etats-Unis ? Aurions-nous cru que les responsables politiques pouvaient aussi fortement montrer leur désarroi à s’entendre et à construire ensemble ? Comme par anti phrase, les déclarations (faussement) rassurantes ne manquent pas. J’en veux pour preuve le
communiqué des ministres des Finances du G20 réunis à Bercy les 14 et 15 octobre dernier : « Nous agissons résolument pour maintenir la stabilité financière, restaurer la confiance et soutenir la croissance ». Pas un jour sans que les journaux ne titrent sur la confiance. Le plus souvent, il s’agirait de retrouver un paradis perdu. Toutefois, que penser de ce monde lorsque, dans les Echos du 5 octobre dernier, je lis les résultats d’une enquête d’opinion sur le pouvoir d’achat ? Nous constatons que 46% des personnes interrogées ne font confiance à personne, viennent ensuite les associations de consommateurs avec 20%, le Président de la République et le Gouvernement avec 10%, les grandes surfaces à 9%, les employeurs pour 8% à égalité avec les syndicats. Faut-il que les liens sociaux soient dégradés pour que quasiment la moitié des personnes interrogées déclarent ne faire confiance à personne ? (…) Comment comprendre ce hiatus entre le désarroi colporté par les médias, par certains milieux et d’autre part la volonté de s’engager qui ne semble pas avoir disparu ? Cet écart s’explique par l’absence de limites juridiques et morales qui semble régner dans le monde de la finance. Il est heureux que la prise de conscience semble enfin atteindre les dirigeants politiques. C’est l’espoir que je forme, lorsque je lis que le président de la Commission européenne, Manuel Barroso, envisage d’instaurer « une responsabilité pénale individuelle des acteurs financiers » qui ont des comportements abusifs. Dans leur ouvrage (La société de défiance), Yann Algan et Pierre Cahuc expliquent « Le déficit de confiance au sein d’une société a pour corollaire une limitation du libre-échange par une forte régulation. Une interprétation possible est que les habitants d’un pays sont d’autant plus enclins à faire contrôler les marchés qu’ils sus-
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Palmarès REPÈRES
Prix et trophée de l’initiative en économie sociale 2011 Palmarès national du concours 1er Prix - Le Trophée Scop ECHOPAILLE (Larre - Morbihan) 10 000 € Construction d'habitats en matériaux bio et énergétiquement performants 2ème Prix Association R.E.P.I.T (Fussy - Cher) 8 000 € Séjours de repos pour proches et aidants de malades 3ème Prix Scop EDITIONS REGARDS D’ENFANTS (Caen) 6 000 € Création et diffusion de livres de loisir pour personnes ayant des difficultés d’apprentissage de la lecture Prix spécial du jury Association GENEPI (Paris) 4 000 € Enseignement aux personnes incarcérées et sensibilisation à l'univers carcéral Mention spéciale du jury Scop GREEN BURO (Toulouse) 2 000 € Recyclage des papiers d'entreprises
pectent leurs concitoyens de ne pas respecter les règles morales dans les échanges ». Une telle déclaration confortera ceux qui ont pensé que la voie de l’auto régulation profes-
sionnelle n’était qu’une version prétendument civilisée de la loi de la jungle. Faut-il pour autant s’en réjouir ? Etre conduits à de telles limites signifierait-il l’absence de pertinence de la pensée de Bernard Mandeville : « Les vices privés font la vertu publique » ? En prenant comme fondement de l’action les vices privés, ce précurseur de la pensée économique libérale, a mis à la base la part d’Homme de tout individu, par opposition à la place de la prétendue rationalité invoquée par les penseurs libéraux ultérieurs. Si les vices privés font la part de l’homme dans les relations en société, ne fautil pas craindre qu’aujourd’hui les règles du jeu collectif ne pèsent plus assez pour contraindre ou transmuter ces vices privés en vertu publique ? Du fait du hiatus entre la classe politique et la société civile, ne serions-nous pas entrés dans une phase critique ? Certes, les moments de grand désordre économique, social ou moral, peuvent être annonciateurs d’un nouveau monde, meilleur que le précédent, mais n’oublions pas qu’il peut également conduire à la régression économique et sociale. N’oublions pas que, dans l’espoir d’un retour d’une économie et d’une société d’ordre, certains seraient prêts à accepter des remises en cause de l’autonomie des individus. Nous, responsables d’associations, de mutuelles et de coopératives présents dans cette salle qui se battent tous les jours pour être entendus et reconnus pour leurs spécificités, savons que la liberté individuelle de contracter avec d’autres humains est source de progrès pour l’humanité tout entière. Ce n’est pas parce que nous contestons la suprématie d’un libéralisme financier débridé que nous ne transigerons pas sur la nécessité de laisser à chacun sa liberté d’agir au service des autres. Pour que notre vision du monde soit davantage partagée, notre voix doit se faire davantage entendre. Heureusement, les occasions se sont produites et vont se poursuivre : états généraux de l’économie sociale et solidaire, consultation de la Commission européenne, menée par le
Commissaire Barnier, pour l’entrepreneuriat social et l’é conomie sociale et solidaire, lancement de 2012 année internationale des Coopératives, sans oublier les prochaines élections présidentielles et législatives. Encore faut-il que les dirigeants des associations, des mutuelles et des coopératives de notre pays retrouvent eux-mêmes une confiance dans les valeurs qui nous régissent. Il faut que nous sachions éviter le danger de l’écart entre les discours et la pratique. Enfin et surtout, à l’époque de l’internet, des réseaux sociaux donc de la capacité d’engagement étendu, à l’époque de la transparence et de la circulation des informations autour de la Terre à la vitesse de la lumière, nous avons besoin de lancer un temps de réflexion ouvert entre les composantes de l’économie sociale et solidaire, ouvert à la société civile, ouvert au monde pour montrer comment nos valeurs fondamentales s’incarnent aujourd’hui et peuvent se traduire demain. Nous devons dépasser le temps des bons gestionnaires pour que s’ouvre le temps des bâtisseurs d’un monde meilleur. On explique que les coopératives sont nées sur la terre de notre vieille Europe dans le courant du 19ème siècle pour réparer les effets de la révolution industrielle. Les coopératives, comme les mutuelles ou les associations, ont été qualifiées de filles de la nécessité. A l’époque, il s’agissait de la nécessité économique et sociale. Dans notre époque de défiance généralisée, nous avons grand besoin que les mutuelles, les associations et les coopératives redeviennent des filles de la nécessité. D’une autre nécessité, nos actions ne peuvent plus être seulement des outils de réparation économique ou sociale mais elles doivent redonner une fonction centrale à la morale, à la parole donnée au respect de l’humain. En bref, nous devons être des outils d’émancipation et de promotion des femmes et des hommes qui aspirent à construire un monde meilleur. Nous savons que cet édifice à construire pourra s’élever et résister grâce à un ciment très particulier : la confiance. (…) 2011-595
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Vie du droit
Avocats Conseils d’Entreprises Motions adoptées lors du XIXème Congrès Perpignan - 6 et 7 octobre 2011
Motion sur la protection des entrepreneurs individuels L'ACE, Premier syndicat d’avocats en France par le nombre de ses adhérents, et seul représentatif du barreau d’affaires, Réuni en congrès à Perpignan les 6 et 7 octobre 2011, Rappelle que la protection de l’entrepreneur individuel a fait l’objet d’avancées significatives avec l’article L.526-1 du Code de commerce portant insaisissabilité de la résidence principale pour les professionnels et L.526-6 portant création de l’EIRL. Rappelle également que les avocats exercent soit à titre individuel, soit à travers des structures juridiques, principalement SCP ou société de capitaux, ou à travers des associations. Observe que les professionnels libéraux exerçant à travers des sociétés civiles et pour les avocats, la société civile professionnelle, demeurent, en cas de défaillance de l’entreprise, responsables des dettes sociales sur la totalité de leur patrimoine personnel. Paradoxalement, par rapport à l’exercice individuel, ils sont donc, à ce jour, nettement défavorisés puisque leur sont interdits tant la déclaration d’insaisissabilité que le statut de l’EIRL. L’ACE souhaite que ces deux régimes de protection soient ouverts aux professionnels libéraux qui exercent soit directement, soit par l’intermédiaire de structures dans lesquelles leur responsabilité n’est pas limitée. L’ACE propose donc une nouvelle définition de l’entrepreneur individuel au moyen d’un article L.526-1 qui pourrait être libellé ainsi : « Est entrepreneur individuel toute personne exerçant une activité commerciale, artisanale, tout agriculteur, toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, directement ou par l’intermédiaire d’une structure juridique dans laquelle la responsabilité des associés n’est pas limitée ».
Motion sur le recouvrement des honoraires L'ACE, Premier syndicat d’avocats en France par le nombre de ses adhérents, et seul représentatif du barreau d’affaires, Réuni en congrès à Perpignan les 6 et 7 octobre 2011, Estime que la procédure légale applicable aux contestations d’honoraires doit comporter un régime particulier lorsque la difficulté porte
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uniquement sur le recouvrement d’une somme qui n’est contestée ni dans son principe ni dans son montant. Et demande l’institution dans cette hypothèse, d’une procédure fondée sur l’injonction de payer et assortie de plein droit de l’exécution provisoire.
Motion sur le secret professionnel et l’avocat en entreprise L'ACE, Premier syndicat d’avocats en France par le nombre de ses adhérents, et seul représentatif du barreau d’affaires, Réuni en congrès à Perpignan les 6 et 7 octobre 2011, Connaissance prise du rapport PRADA sur la compétitivité internationale des entreprises françaises, Observe que ce rapport est favorable à la faculté pour les avocats d’exercer en entreprise ; Que toutefois les avocats concernés ne bénéficieraient plus de la plénitude de leur secret mais seulement d’un legalprivilege qui ne serait opposable aux tiers que dans la limite des exigences d’un ordre public vague et indéfini. L’ACE, à cet égard, rappelle solennellement : Que le secret traditionnel de l’avocat ne saurait sérieusement être considéré comme contraire à la compétitivité des entreprises ; Qu’il les protège autant que ses conseils et qu’il est, au-delà même, d’intérêt public ; Que toute évolution de la profession doit garantir le maintien, sous un seul titre d’avocat, d’un seul statut, qu’il en va de l’unité de la profession ; Que le secret, perpétuellement menacé, doit en conséquence demeurer absolu, en toute matière, en tout lieu et selon toute modalité d’exercice ; L’ACE ne s’associera à aucune réforme qui ne garantirait pas clairement ces principes.
Motion sur la garde à vue L'ACE, Premier syndicat d’avocats en France par le nombre de ses adhérents, et seul représentatif du barreau d’affaires, Réuni en congrès à Perpignan les 6 et 7 octobre 2011, Rappelle son exigence que l’avocat soit présent durant tous les interrogatoires de garde à vue, avec accès libre et complet au dossier. Fait part à cet égard de sa profonde déception
devant la loi du 14 avril 2011 qui persiste à ne pas tenir pleinement compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, rejointe depuis par celle de l’Assemblée plénière et de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Qu’il intervienne aux côtés du gardé à vue ou du plaignant, l’avocat ne dispose toujours pas de la possibilité d’assister effectivement la personne qu’il est chargé de défendre, faute de pouvoir s’entretenir avec elle pendant une durée raisonnable, d’être présent aux perquisitions, d’avoir accès à l’entier dossier et de pouvoir intervenir à tout moment par des observations ou des questions et des demandes d’actes. La loi instaure même insidieusement par son article 11 bis, en matière de flagrance, l’audition libre sans droits et sans avocat. La Commission européenne vient de rédiger une proposition de directive relative au droit d’accès à un avocat qui garantit aussi bien les droits de la défense que ceux des victimes. L’ACE demande que la France anticipe l’entrée en vigueur de cette directive, plutôt que de s’obstiner à retarder ce qui est un progrès naturel de l’Etat de droit. Enfin, l’ACE rappelle que l’assistance effective d’un avocat impose que l’avocat qui intervient au titre de l’aide juridictionnelle reçoive une digne contrepartie financière à son travail. L’ACE a marqué sa solidarité active avec l’ensemble de la profession en manifestant notamment le 4 mai 2011 et appelle à une mobilisation constante et unanime des avocats pour que notre profession, la valeur de son intervention, et au-delà les droits des citoyens, soient enfin respectés.
Motion sur l’extension du champ de compétence du juge de la mise en état près le tribunal de grande instance L'ACE, Premier syndicat d’avocats en France par le nombre de ses adhérents, et seul représentatif du barreau d’affaires, Réuni en congrès à Perpignan les 6 et 7 octobre 2011, Afin d'assurer une harmonie avec la nouvelle procédure devant la Cour d'appel avec représentation obligatoire, Et dans un souci de purger en amont l'intégralité des moyens de procédure, Demande que soit intégré l'examen des fins de non-recevoir dans le champ de compétence exclusive du juge de la mise en état (JME) près le tribunal de grande instance.
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Vie du droit L’ACE propose dès lors de modifier l'article 7711 du Code de procédure civile comme suit : « Lorsque la demande est présentée conjointement à la demande de désignation, ou postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 1. Statuer sur les exceptions de procédure, les fins de non-recevoir et les incidents d'instance. (…) »
Les fins de non-recevoir seraient alors ajoutées au champ des ordonnances du Juge de la mise en état susceptibles d'appel immédiat que prévoit l'article 776 du Code de procédure civile.
Motion sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) L'ACE, Premier syndicat d’avocats en France par le nombre de ses adhérents, et seul représentatif du barreau d’affaires, Réuni en congrès à Perpignan les 6 et 7 octobre 2011, L’ACE constate que : Le rapport établi au titre de la RSE n’est pas un simple rapport relatif à la vie de l’entreprise, de ses impacts sociétaux, environnementaux et économiques, mais une véritable déclaration de l’entreprise qui peut permettre de s’assurer de sa conformité au droit. Son élaboration et son contrôle répondent en conséquence à des obligations juridiques, dont le non-respect ou l’inexactitude peut avoir des conséquences préjudiciables et doit donc faire l’objet d’une attention particulière. L’avocat conseil d’entreprise, du fait de sa compétence en matière juridique, est le conseil
naturel privilégié de l’entreprise dans le reporting RSE, son implication est incontournable afin d’assurer la protection des intérêts de l’entreprise. L’ACE demande en conséquence, Que le Conseil national agisse auprès du gouvernement pour que le projet de décret en cours d’élaboration impose l’avocat conseil d’entreprise au cœur de l’élaboration des rapports RSE et de leur contrôle, seul ou en inter-professionnalité.
Que la mesure en cause n’est en réalité que la première étape d’une volonté corporatiste des notaires d’une mainmise totale sur les cessions de SCI, qu’ils revendiquent régulièrement, Que les extensions successives du monopole des notaires, dont la CJUE vient d’affirmer qu’ils n’étaient pas dépositaires de l’autorité publique quoi qu’ils affirment, ne sont aucunement justifiées par les intérêts des usagers du droit. L’ACE exige en conséquence le retrait immédiat de la mesure concernée.
Motion sur les cessions de parts de sociétés à prépondérance immobilière
Motion sur l’acte d’avocat
L'ACE, Premier syndicat d’avocats en France par le nombre de ses adhérents, et seul représentatif du barreau d’affaires, Réuni en congrès à Perpignan les 6 et 7 octobre 2011, Connaissance prise des dispositions de la loi de finances rectificative qui imposent que les cessions de parts sociales de sociétés à prépondérance immobilière soient constatées impérativement par acte authentique, quand bien même la société est immatriculée à l’étranger, dès lors que ces cessions sont réalisées à l’étranger, au motif allégué qu’il faudrait garantir que les droits d’enregistrement et les taxations de plus-values soient dûment acquittés. Observe que cet article est juridiquement sans portée et sans effet dans les situations extraterritoriales, le droit français ne pouvant s’imposer valablement aux cessions opérées à l’étranger portant sur des titres de sociétés étrangères. Observe que si réellement l’objectif était de sécuriser les cessions, l’acte contresigné par avocat, qui apporte toutes les garanties souhaitées en s’assurant que l’acte sous seing privé soit rédigé par un professionnel indépendant, soumis à une déontologie stricte, lui interdisant tout conflit d’intérêts et lui imposant la plus grande compétence, dans l’intérêt de l’ensemble des parties, serait la meilleure garantie possible.
L'ACE, Premier syndicat d’avocats en France par le nombre de ses adhérents, et seul représentatif du barreau d’affaires, Réuni en congrès à Perpignan les 6 et 7 octobre 2011, Se félicite de la réception de l'acte d'avocat dans le droit écrit par la loi du 28 mars 2011, qui est une demande constante de l’ACE depuis sa création, Constate qu'il en résulte une force probante de l'acte d'avocat équivalente à celle de l'acte authentique, Invite les avocats à conseiller et rédiger des actes d’avocat en droit de l’entreprise et dans les autres champs d’application, en respectant le cadre déontologique défini par le Conseil national des barreaux Demande au Conseil national des barreaux de finaliser les travaux menés en vue de créer la conservation nationale des actes, service que la profession doit pouvoir offrir aux clients, et de créer les instruments nécessaires à cette conservation, L’ACE Demande par ailleurs, dans l’intérêt des usagers du droit, que les dispositions légales relatives à l'acte d'avocat soient parachevées par des dispositions nouvelles : - complétant l'article 1328 du Code civil, en ajoutant l'acte d'avocat parmi les procédés d'acquisition de la date certaine, - dérogeant à l'article 1325 du Code civil sur la pluralité d'exemplaires lorsque l'acte sous seing privé est un acte d'avocat. 2011-597
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François Molins, Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de Paris Décret du 22 novembre 2011
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François Molins
ar un décret du 22 novembre 2011, publié le lendemain au Journal Officiel François Molins, 58 ans, a été nommé procureur de la République de Paris, succédant ainsi à Jean-Claude Marin. Le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) avait examiné le 8 novembre la proposition de nomination de François Molins qui avait été auditionné à huis clos ainsi qu'un autre magistrat. François Molins occupe depuis juin 2009 les prestigieuses fonctions de Directeur de Cabinet du Garde des Sceaux, d'abord de Michèle AlliotMarie (2009-2010), ensuite de Michel Mercier depuis novembre 2010.
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Les Annonces de la Seine - jeudi 24 novembre 2011 - numéro 65
Entré dans la magistrature en 1979, il a effectué l¹essentiel de sa carrière au sein ou à la tête des Parquets de Carcassonne, de Villefranche-sur Saône et d¹Angers avant d’être Procureur à Bobigny, deuxième Tribunal de Grande Instance de France. Nous adressons nos chaleureuses félicitations à ce grand professionnel, reconnu par tous comme un excellent juriste et chef d'équipe. Jean-René Tancrède
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Les Annonces de la Seine - jeudi 24 novembre 2011 - numĂŠro 65