Edition du jeudi 21 novembre 2013

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LES ANNONCES DE LA SEINE Jeudi 21 novembre 2013 - Numéro 65 - 1,15 Euro - 94e année

Barreau de Mulhouse

Séance solennelle de Rentrée - 7 novembre 2013 VIE DU DROIT

Rentrée Solennelle - La culture de l’espérance par Anne-Sophie Willm ............................ 2 - Le silence : cet autre de la parole ! par Lynda Bélarbi ...................... 6 - Notre avenir se décline-t-il au féminin ? par Nathalie Haas ........... 7 l Compagnie des Avocats Conseils de Paris - Ile-de-France - L’avocat au cœur de la société civile par Philippe Rochmann ..... 12 - L’avocat face à la solidarité citoyenne par Christiane Féral-Schuhl .... 13 l Cour Administrative d’appel de Bordeaux Signature de la convention « Télérecours » ..................................... 15 l Salon du livre du Barreau de Paris, .................................... 16 l French American Bar Association ........................................ 19 l Conférence des Bâtonniers 1ers Etats Généraux des Ordres ...................................................... 30 l

VIE DU CHIFFRE l l

4èmes Etats Généraux de l’Autorité des Normes Comptables ..... 9 Louis Gallois, invité du cabinet ARC .................................................... 11

JURISPRUDENCE l

Paris-La Défense : un projet au cœur de l’actualité législative Cour de cassation - 1ère chambre civile, Pourvoi 12-21152 ...... 17

ANNONCES LÉGALES ................................................... 20 DÉCORATION l

Anne-Sophie Willm Chevalier de la Légion d’honneur ............. 31

C

’est au Kinépolis que la Bâtonnière Anne-Sophie Willm a ouvert l’Audience Solennelle de Rentrée du Barreau de Mulhouse, elle y a accueilli ses prestigieux invités au premier rang desquels Madame le Premier Président de la Cour d’appel de Colmar Colette Brenot ainsi que son Procureur Général Jacques Dorémieux. C’est la première fois que les lauréats du concours d’éloquence oratoire ont eu le privilège de discourir devant d’éminents représentants des juridictions locales mais aussi face à de hautes personnalités issues des mondes judiciaire, juridique, politique, économique et universitaire. On a notamment pu relever la présence de Christian Charrière-Bournazel, Jean-Luc Forget et Marc Bollet. La Conférence du Jeune Barreau de Mulhouse est donc née en 2013 grâce aux actions conjuguées d’Anne-Sophie Willm et du Bâtonnier désigné Sophie Pujol-Bainier ; en revanche il s’agit de la deuxième Rentrée de l’histoire du Barreau de Mulhouse, la précédente ayant eu lieu en 2009. Lynda Bélarbi et Nathalie Haas, respectivement première et deuxième Secrétaire de la Conférence du Jeune Barreau de Mulhouse, ont prononcé les

discours d’usage sur « Le silence : cet autre de la parole » et « Notre avenir se décline-t-il au féminin ? », nous leur adressons nos vives félicitations car elles se sont livrées, avec talent et humour, à une brillante joute oratoire avant de recevoir la médaille du Barreau de Mulhouse des mains de l’ancien Président du Conseil National des Barreaux (Christian CharrièreBournazel) et du Président de la Conférence des Bâtonniers (Jean-Luc Forget). Préalablement aux interventions du Jeune Barreau de Mulhouse, Anne-Sophie Willm a remercié les membres du Conseil de l’Ordre pour leur efficacité, leur dévouement, leur motivation et leur détermination ; puis elle a dressé le bilan de sa « gouvernance » riche en évènements et évoqué les sujets d’actualité intéressant sa profession notamment l’action de groupe. Rendant hommage au Bâtonnier Steinel en exercice après la libération de l’Alsace en 1945, elle a exhorté ses confrères à se respecter dans l’unité et la paix afin qu’elle éprouve « le sentiment du devoir accompli avant de fermer le livre de sa mandature ». Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ʼA NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE

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Marc Bollet, Jean-Luc Forget, Lynda Bélarbi, Christian Charrière-Bournazel, Nathalie Haas, Anne-Sophie Willm et Sophie Pujol-Bainier


LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr

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Rentrée solennelle Anne-Sophie Willm

Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05

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Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de lʼannonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les lignes de titres nʼexcéderont pas lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lʼannonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. Lʼespace blanc compris entre le filet et le début de lʼannonce sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de lʼannonce et le filet séparatif. Lʼensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de lʼannonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début dʼun paragraphe où dʼun alinéa sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans lʼéventualité où lʼéditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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La culture de l’espérance par Anne-Sophie Willm

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ous célébrons la Rentrée Solennelle du Barreau de Mulhouse. Notre histoire débute en août 1859, au moment de la disparition du Tribunal de Première Instance d’Altkirch. Six avocats, parmi lesquels un Bâtonnier, tous issus du défunt Barreau d’Altkirch, formaient alors ensemble le premier Tableau de l’Ordre du Barreau de Mulhouse. 6 avocats en 1859 ; 232 à l’heure où je vous parle. Que de chemin parcouru. Un chemin marqué par l’annexion de l’Alsace à l’empire allemand, où le Barreau a été dissous en 1878 et où les rares avocats qui ont continué d’exercer jusqu’en 1913 en portant alors le titre d’avocat-avoué, étaient au nombre de 24. Un chemin qui, après cette période sombre, verra le 20 mai 1922 renaître le Barreau à l’occasion de la première assemblée générale des avocats se tenant au Tribunal Régional de Mulhouse, où 15 confrères étaient alors présents, dont Léon Nordmann qui plaida durant l’annexion pour de nombreux alsaciens devant les Conseils de guerre allemands. Un chemin une nouvelle fois marqué par la douleur avec la Seconde Guerre mondiale : l où, lors de la dernière réunion du Conseil de l’Ordre, le 5 juin 1940, le Bâtonnier Gustave Steinel indiquait à ses confrères avoir mis les dossiers personnels des membres du Barreau en sûreté, l où le Barreau cessa d’exister par suite de l’introduction de la législation allemande, l où deux avocats sont morts en déportation : Léon Braun et Philippe Hausswirth et un troisième, Paul Dreyfus, a été tué le 4 août 1944 dans le Vercors. Cinquante ans plus tard, en 1992, lors de la fusion des professions d’Avocats et de Conseils juridiques, le Barreau voit ses effectifs passer de 86 à 126 au Grand Tableau, et comptabilise 7 inscrits au Tableau du Stage. Aujourd’hui, l’on peut dire que le Barreau compte un député, Madame Arlette Grosskost, que je remercie de sa fidélité et de ses actions au service de la profession, et un sénateur, qui a été maire de notre ville, député, secrétaire d’Etat et Ministre, Monsieur

Jean-Marie Bockel, qui nous assure toujours de son soutien. Voilà l’identité du Barreau de Mulhouse. Monsieur Jean-François Beynel, Directeur des Services Judiciaires, aurait dû être des nôtres. Des discussions à l’Assemblée Nationale sur le budget l’obligent à rester à Paris, tout comme d’ailleurs Madame le Député Arlette Grosskost. Monsieur Beynel regrette ce contretemps. Aussi, à son propos, je vous confie que l’estime que je lui porte est à la hauteur de la considération qu’il m’a témoignée en me proposant à la distinction qui pare ma robe. Je sais que par ce geste il a non seulement voulu honorer ma personne, mais également entendu rendre hommage aux Bâtonniers qui tous les jours oeuvrent afin que « L’avocat, cet homme de l’autre, témoigne toujours et partout d’une culture de l’espérance ». Monsieur le Bâtonnier Christian CharrièreBournazel se reconnaîtra dans ces mots qui sont les siens. En mon nom et au nom de tous les avocats de mon Barreau, je l’en remercie. Monsieur le Bâtonnier Christian CharrièreBournazel, Monsieur le Président, Quelle fierté pour mes confrères de vous savoir des nôtres. Quelle fierté pour moi d’avoir reçu de vos mains les insignes que je porte. Quel privilège encore de pouvoir vous rendre hommage. Monsieur le Président, vous avez été une voix. La voix des 58 000 avocats de France. Votre voix que l’on a entendue : l quand, s’agissant de nos confrères turcs arrêtés et emprisonnés en novembre 2011 puis en juin 2013, vous avez témoigné à Istanbul du soutien de tous les avocats en appelant courageusement l’Etat turc à agir pour le respect de la défense, de la personne et du secret professionnel, l lorsque suite à la décision du Conseil constitutionnel déclarant conformes à la constitution les dispositions instituant la taxe de 150 € pour chaque procédure d’appel et celle de 35 € destinée à abonder l’aide juridictionnelle, vous avez livré bataille jusqu’à ce que Madame la Garde

Les Annonces de la Seine - jeudi 21 novembre 2013 - numéro 65


Rentrée solennelle je fais le vœu que nous parvenions définitivement à mettre un terme à tout ce qui divise. Nous en sommes capables, mais à la condition de ne jamais oublier que le Conseil national des barreaux est l’unique lieu où notre profession doit toujours avoir la certitude de pouvoir se rassembler. Monsieur le Président, tout à l’heure vous remettrez le prix du Barreau de Mulhouse à Maître Lynda Belarbi, Première Secrétaire de la Conférence. Vous avez été Premier Secrétaire de la Conférence des Avocats du Barreau de Paris. Un de vos secrétaires se trouve d’ailleurs dans cette salle : Monsieur le Bâtonnier Jean-Michel Paulus que je salue. Vous pouvez donc sans peine imaginer l’émotion qui habite en ce moment notre confrère. Pour la voix des avocats de France que vous avez été, pour votre présence chez nous, pour l’intention que vous avez exprimé à mon égard, pour les mots que vous prononcerez tout à l’heure en honorant la Première Secrétaire de la Conférence, je vous dis Merci. Mulhouse accueille ce soir un autre homme d’exception. Monsieur le Président de la Conférence des Bâtonniers. Cher Jean-Luc Forget, quel privilège pour les 160 Bâtonniers des régions de France d’avoir pu exercer leurs fonctions sous votre présidence. Vos réalisations, celles de la Conférence et de ses membres ici présents pour certains, Monsieur le Premier Vice-Président Marc Bollet, Madame le Bâtonnier Christine Laissue-Saint Avopodis, Monsieur le Bâtonnier Yves Mahiu, sont considérables. La dernière en date, la mise en place d’un processus sécurisé et d’un site de conservation de l’acte d’avocat constitue une avancée extraordinaire pour le développement de cet acte.

Les travaux de la Conférence sur l’avocat et l’économie, sur les conséquences de la dématérialisation sur les activités de l’avocat, sur les Ordres et l’Europe, sur la valorisation de la prestation d’avocat, sont des outils formidables pour les avocats du 21ème siècle que nous sommes. Vous aussi vous êtes une voix. La voix des Ordres, que vous aimez. Vos engagements : l inscrire l’action de la Conférence au bénéfice des 161 Ordres, l renforcer la place des Ordres dans tous les lieux où la réflexion doit être menée et les propositions imaginées, l assurer aux Ordres ce qu’ils ont de plus noble : la représentation de la défense, faire respecter les droits et libertés des défenseurs et ceux des justiciables, sont vos combats, les convictions d’un homme pétrit de valeurs, d’un homme profondément investit pour la profession. Qu’il s’agisse du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, permettant notamment aux expertscomptables d’intervenir comme conseils juridiques auprès des organisations syndicales, ou du projet de loi ALUR, où il est question d’écarter la profession au bénéfice des notaires de la rédaction des actes de cession de parts des Société Civiles Immobilières ou à prépondérance immobilière, vous avez, avec le Conseil national des barreaux, exprimé notre agacement. Une colère non pas dirigée contre nos amis experts-comptables et notaires avec lesquels nous collaborons depuis toujours dans l’intérêt de nos clients, mais une exaspération à l’égard de la défiance que l’Etat semble marquer envers la profession. Ferions-nous peur ? L’avocat est pourtant loin d’être une menace.

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des Sceaux annonce, en janvier 2013, devant les 161 Bâtonniers de France et d’Outre Mer, la suppression de la taxe de 35 €, l le jour où, aux termes d’une lettre ouverte au Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de Grenoble, vous avez rappelé haut et fort que lorsqu’un avocat fait état d’une difficulté médicale, il doit être cru sur parole, l lorsqu’en pleine affaire Cahuzac, vous vous êtes insurgé contre l’idée qu’un avocat, parce qu’il entre en politique, ne puisse plus continuer à exercer son métier en même temps que sa mission d’élu, l lorsqu’au sujet du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, vous avez condamné les atteintes posées par ce texte au regard des libertés publiques, l lorsque vous avez dit haut et fort que les avocats n’accepteraient jamais l’idée de taxation de leur chiffre d’affaires comme solution de financement de l’aide juridictionnelle, l lorsqu’enfin, le 6 juillet 2013, l’Assemblée Générale du Conseil national des barreaux a rappelé que l’accès du citoyen au droit et à la justice doit être garanti par l’Etat. Vous avez été un grand Président. Un Président dans lequel nous nous sommes retrouvés. Un Président de terrain, proche de ses confrères. Et du Conseil national des barreaux, je soulignerai le travail réalisé par celles et ceux qui siègent au sein de l’institution. Je pense en particulier à Madame le Bâtonnier Christine Ruetsch, ancien Bâtonnier de Strasbourg, à Monsieur le Bâtonnier élu de Strasbourg, JeanFrançois Brun et à vous, Monsieur le Président de la Conférence des Bâtonniers, qui tous nous faites l’honneur de votre présence. A propos enfin du Conseil national des barreaux,

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Rentrée solennelle

Monsieur le Président de la Conférence Interrégionale des Bâtonniers du Grand Est, Monsieur le Bâtonnier Jean-Michel Arcay, Ce soir, je n’utiliserai pas le vouvoiement en m’adressant à toi. Je ne connaissais pas la Conférence Interrégionale avant le 1er janvier 2012. Tu la présides depuis cette date et ton mandat s’achèvera avec le mien. Durant ces presque deux années, tu as réussi à développer entre les 24 Bâtonniers du Grand Est

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Lynda Bélarbi, Sophie Pujol-Bainier, Anne-Sophie Willm et Nathalie Haas

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Et la valeur de liberté qu’il endosse ne doit jamais faire craindre. Sur la question de l’aide juridictionnelle, les Bâtonniers savent que la Conférence participe avec détermination à la concertation ouverte sur la réforme de l’accès au droit. Le Barreau de Mulhouse a d’ailleurs été source de propositions dans cette grande réflexion. C’était même un devoir pour l’Ordre, parce que tous les jours nous pouvons compter sur celles et ceux qui sont la voix des plus démunis. Il me semble enfin important de revenir sur un sujet notamment évoqué par la Garde des Sceaux lors de l’Assemblée Générale Extraordinaire du Conseil national des barreaux du 4 octobre dernier. En rappelant à la profession que le texte de loi sur l’action de groupe était issu d’un compromis, Christiane Taubira a annoncé qu’elle allait personnellement veiller, compte tenu de la technicité procédurale nécessaire, à ce que cette action relève du Tribunal de Grande Instance, garantissant ainsi la représentation obligatoire par avocat. Si la nouvelle est bonne, elle n’est peut-être pas satisfaisante et nous ne souhaiterions pas qu’elle devienne inquiétante. Parce qu’en effet, la Garde des Sceaux a fait mention de juridictions spécialisées pour le traitement de ces procédures, comme il en existe déjà sur les pratiques restrictives de concurrence, sur les brevets et la propriété intellectuelle. Nous ne voudrions pas, en Alsace, une nouvelle fois nous trouver dépouillés au profit de quelquesuns qui seraient désignés comme étant seuls compétents pour statuer et pour postuler. Le souci de spécialiser les magistrats et les tribunaux est légitime. Notre profession a bien des spécialistes. Mais dans chaque Tribunal de Grande Instance nous trouvons déjà des professionnels de référence capables de donner une réponse judiciaire de qualité. Ces propos pour que l’on entende bien que si l’idée de transférer une nouvelle fois les compétences d’une juridiction au bénéfice d’une autre devait se concrétiser, elle ne serait alors pas comprise. Elle aurait, à tout le moins, le goût de l’injustice. « Une injustice où qu’elle soit est une menace pour la justice partout », écrivait Martin Luther King. Nous n’accepteront pas que nos juridictions deviennent des coquilles vides. Je compte sur vous pour porter ce message. Monsieur le Président, votre successeur ici présent, Marc Bollet, que j’apprécie déjà pour sa disponibilité, mais aussi parce qu’il s’inscrit dans la continuité de ce que vous avez construit et enfin parce qu’il fourmille d’idées au service des Ordres, va donc porter une Conférence dynamique, structurée, travailleuse, courageuse et respectée. Qu’il soit assuré du soutien du Barreau de Mulhouse. Monsieur le Président, vous êtes un modèle et je suis heureuse et fière que la deuxième Secrétaire de la Conférence, Maître Nathalie Haas, reçoive de vos mains le prix du Barreau de Mulhouse.

un sentiment d’unité, je devrais dire d’amitié. Pour ton implication forte au sein de la Conférence, je te remercie. Mes Chers Confrères du Grand Est, c’est un honneur et un plaisir de vous recevoir à Mulhouse. Demain, nous nous retrouverons à Colmar, au sein de la Cour d’appel, pour un colloque sur la place de l’avocat dans la justice du 21ème siècle et pour tenir notre Conférence. Je m’en réjouis déjà. La Cour d’appel de Colmar. Rassurez-vous, je ne vais pas revenir sur des rivalités de clocher d’un autre temps. Les quatre Bâtonniers d’Alsace ont mieux à faire et c’est une même dynamique qui nous anime avec nos confrères de Moselle. La réforme des Cours d’appel est en effet lancée, comme celle de la justice de première instance. L’on nous dit qu’elle est nécessaire. Mais que nos gouvernants l’entendent : nous défendrons de manière inconditionnelle le maintien de nos Cours d’appel à Colmar et à Metz. Notre socle : l’histoire de nos départements et le droit local que le Conseil constitutionnel a d’ailleurs érigé en valeur constitutionnelle. Nos raisons : nos Cours répondent aux exigences d’équilibre géographique, de proximité, d’accessibilité ainsi qu’aux attentes des justiciables. Elles sont aussi et surtout les seules à garantir les spécificités juridiques exclusivement applicables dans leur ressort. Nous ne nous rallierons donc pas à cette réforme comme un destin si elle devait nous porter préjudice. l Madame la Première Présidente, Cela fait un peu plus d’un an que nous nous connaissons. Avec vous, les Bâtonniers du ressort ont formalisé la convention relative à la communication électronique civile et commerciale qui s’applique depuis le 1er janvier 2013 entre la Cour et les Barreaux. Lors des discussions, vous aviez assuré aux Bâtonniers de toujours préserver l’accès au juge, bien consciente que « dans notre système de droit, l’avocat a le devoir sacré de porter la parole de l’individu devant les juridictions qui émanent du corps social et le représentent ».

Vous êtes profondément respectueuse de l’avocat. Votre prédécesseur, Monsieur Jacques Marion, nous avait déjà habitués à cette qualité, qui est l’apanage des grands magistrats. C’est donc en confiance que les représentants des Ordres travaillent avec vous et il faut souligner que notre Bâtonnier référent à la Cour d’appel, Maître Pierre-Jean Dechriste, est un fin interlocuteur. Récemment, vous m’avez fait part de votre intérêt marqué pour les modes alternatifs de règlement des conflits. Vous aurez toute votre place, et j’y compte, dans le grand Centre de médiation et d’arbitrage que nous sommes entrain de construire ensemble, les Bâtonniers de Colmar, Saverne, Strasbourg et Mulhouse, avec, et je rends hommage à ces partenaires des Ordres, la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Alsace et les Juges consulaires. Ce Centre sera le point de synergie de toutes nos compétences au service de nos concitoyens. l Monsieur l’Avocat Général, Cher Monsieur Doremieux, Nous nous sommes peu rencontrés, mais nous avons souvent échangé. Votre disponibilité et votre écoute de l’autre sont les signes forts que le Parquet Général a témoignés au Barreau. Je vous en remercie ainsi que Monsieur le Procureur Général que vous représentez ce soir. Madame le Président du Tribunal de Grande Instance, à votre arrivée, je vous ai de suite assuré de l’entier soutien du Barreau dans vos engagements. Vous vous êtes attachée à favoriser les conditions d’une parfaite entente dans nos rapports et vous avez veillé à renforcer le lien de confiance tissé par votre prédécesseur, notamment au travers de nos rencontres et en me donnant, vous aussi, la parole à votre audience de rentrée. Notre volonté commune à œuvrer à la réalisation de nouveaux projets a été réelle. D’ailleurs, votre participation prochaine au colloque sur la médiation, votre intérêt marqué pour la Journée Prison du 27 novembre, sont des exemples parmi d’autres de ce partenariat constructif. Nous nous sommes également attachées à veiller à ce que les avocats et les magistrats entretiennent des relations de qualité ; le Barreau poursuivra toujours dans cette voie, soyez en assurée.

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Rentrée solennelle Monsieur le Procureur de la République, Le Barreau ne peut que se féliciter de ses relations avec le Parquet. Disponible et généreux, vous veillez à encourager les conditions d’une écoute réciproque de respect. Votre considération pour les avocats est sincère et je vous en remercie chaleureusement. Je salue également l’ensemble des fonctionnaires du greffe. Je sais qu’ils travaillent dans des conditions souvent difficiles. Les avocats les respecteront toujours pour le service de justice qu’ils rendent et auquel nous sommes sensibles. 2012 et 2013 ont été marquées par la volonté des Juges consulaires et des avocats de mettre l’accent sur les modes alternatifs de règlement des conflits. Ce projet, engagé dans l’intérêt évident du justiciable, se concrétisera pleinement avec la mise en oeuvre du grand Centre de Médiation et d’Arbitrage. Travailler avec les Juges consulaires a été un réel enrichissement. L’excellence des échanges partagés avec le Conseil de Prud’hommes de Mulhouse doit également être soulignée. Elle a été l’essence d’une exigence réciproque que nous avons su cultiver. Monsieur le Président, je vous remercie pour ce partenariat constructif et respectueux, guidé par le souci de mettre fin à des antagonismes que nous savons ne pas être un progrès pour l’œuvre de justice. D’autres partenaires ne seront pas oubliés : l les experts-judiciaires, qui sont précieux au juge et à l’avocat dans la recherche et la compréhension de la vérité technique, l les huissiers de justice, l la Maison d’arrêt de Mulhouse, très impliquée, aux côtés des avocats notamment à la mise en œuvre d’une manifestation autour de la « Journée Prison » du 27 novembre, l les forces de police et de gendarmerie, que nous avons associées à la convention d’aide aux victimes

d’infractions pénales signée cet été, l et vous, Monsieur le Maire. Parce que les avocats sont des acteurs de la société civile, ils participent aujourd’hui pleinement aux côté des élus, de l’Etat, du Parquet, des Forces de Police et de Gendarmerie, de la population, aux réflexions et actions de prévention de la délinquance engagées par vous dans notre Ville. Monsieur le Maire, la place que vous nous confiez pour mener à bien cette mission difficile exprime l’égard accordé à la profession. Je vous en remercie. Un Bâtonnier ne peut pas tout faire. En revanche, il peut œuvrer sereinement quand il a la chance d’être épaulé par un Conseil de l’Ordre déterminé, responsable, efficace, dévoué, motivant. Et il peut faire encore plus lorsqu’il a le bonheur d’être accompagné d’une équipe de jeunes confrères dynamiques et volontaires dans l’engagement. Cette belle équipe, la voila : la Conférence des Avocats du Barreau de Mulhouse. Les 14 avocats inscrits au concours d’éloquence ont donné naissance cette année à la Conférence. Dans quelques instants, deux jeunes confrères vont discourir devant nous. Il s’agit de Maître Lynda Belarbi, Première Secrétaire, et Maître Nathalie Haas, Deuxième Secrétaire, toutes deux vainqueurs de la compétition qui a également opposé Maîtres Marie-Odile Hubschwerlin, Aude Pierrevelcin, Aurore Gabriel, Laurence Koerper, Virginie Herrgott et Adeline Kempf. Je les félicite encore toutes pour leur participation à cette rude épreuve. L’expérience professionnelle et humaine vécue par l’ensemble de ces jeunes confrères durant la préparation au concours n’a pas d’équivalent dans la vie d’un avocat. Les acquis sont et resteront à jamais ancrés en eux.

Ils possèdent désormais un plus, ce plus qui les fait rentrer dans la cour des grands orateurs et de ceux qui s’appliquent à élever les valeurs et traditions de la profession. Je remercie : Monsieur le Bâtonnier Pierre See, Monsieur le Bâtonnier Alfred Vonarb, Monsieur le Bâtonnier Philippe Bergeron, Monsieur le Bâtonnier Jean-Michel Arcay, Maître François Roth, et Maître Emmanuelle Rallet, Première Secrétaire en 2009, pour l’enseignement et les valeurs transmises, pour leur investissement fort au service du Barreau. Madame le Bâtonnier désigné, Chère Sophie, ce soir tu as installé la Conférence qui prendra place demain à tes côtés. Dans quelques semaines tu présideras le Conseil de l’Ordre et tu représenteras le Barreau. Les actions que tu inscriras dans le registre de notre histoire naîtront du lien fort qui t’unit à tes confrères. Tu seras un bon Bâtonnier. Conclusion Le livre de ma mandature va bientôt se fermer. Ce soir, je dédierai la dernière page de mon discours à mes 231 confrères. Le 29 septembre 1945, lors de la première assemblée générale des avocats après la libération de l’Alsace, le Bâtonnier Steinel a dit à son Barreau : « Au moment de rentrer dans l’anonymat, j’exprime un seul désir, celui qui a dicté mon attitude et mes décisions durant ces longues années, de voir maintenir dans notre Barreau l’unité et la paix, la paix entre les générations…basée sur le respect de la personnalité du confrère, même et surtout lorsqu’il n’est pas modelé sur la même forme que soi même. » Je fais miennes les paroles du Bâtonnier Steinel. Et quand je vous vois rassemblés et heureux comme ce soir, j’ai alors le sentiment du devoir accompli.

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Rentrée solennelle Le silence : cet autre de la parole !

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e vous demande de vous taire » xxxxxxxxxx apostrophe rendue célèbre à l’occasion d’une échéance présidentielle, souvent reprise par les magistrats qui au cœur des palais invectivent l’avocat volubile qui cherche à attirer l’attention que le juge ne lui accorde pas. Jean de La Bruyère déjà, alors qu’il s’intéressait à l’éloquence des avocats, dénonce le silence imposé par les juges en disant : « La fonction de l’avocat est pénible, laborieuse et suppose dans celui qui l’exerce un riche fond et de grandes ressources. Il n’est pas seulement chargé, comme le prédicateur, d’un certain nombre d’oraisons composées avec loisir, récitées de mémoire, avec autorité, sans contradicteurs, et qui avec de médiocres changements lui font honneur plus d’une fois : il prononce de graves plaidoyers devant des juges qui peuvent lui imposer silence, et contre des adversaires qui l’interrompent ; il doit être prêt sur la réplique, il parle en un même jour dans divers tribunaux de différentes affaires. [...] ». L’avocat réduit au silence, inhibé dans sa pulsion de parole, comme quand à l’école son instituteur lui vociférait « taisez-vous ». Depuis l’enfance, ce silence est synonyme de punition, d’interdit, voire de soumission : on baillonne, on réduit au silence, on impose le silence. De cette frustration serait peut être né le désir ardent de discourir et d’entrer dans la lice judiciaire. Muselé, le futur avocat en proie à sa première injustice et en quête de résilience, aurait promis de s’exprimer avec intensité et liberté, affranchi de toute autorité et de tout pouvoir, ne faisant allégeance qu’à son seul serment, au cœur duquel l’indépendance refuse toute forme de subordination. Qui songe en effet à l’avocat, pense à son art oratoire? L’éloquence, ennemi de la grandiloquence emprunte de présomption, serait donc le Graal de l’homme en robe dont la quête de justice, ancrée dans une vocation souvent précoce, commande à celui qui aspire à la défense de persuader et de convaincre avec aisance. Le port majestueux de la robe se conjugue à la virtuosité de l’avocat, qui se distingue au sein de son

Lynda Bélarbi barreau par sa verve et sa persuasion. L’éloquence, caractère du grand orateur, se reconnait par cette aptitude subtile et naturelle de manier habillement le verbe pour emporter la conviction de ceux qui jugent. La parole serait donc le ressort indispensable pour ébranler l’âme de nos auditeurs, tous nos auditeurs même ceux de justice, qui ne doivent pas s’abstenir d’entendre quand ils exigent le silence. Le locuteur fort de ses mots, baumes puissants des maux des justiciables, doit chercher à plaire. Robert Badinter nous a prévenus « si vous n’avez pas su plaire et émouvoir, vous ne saurez convaincre ». Mais séduire ne peut suffire. Par son talent, l’orateur doit atteindre les ressorts des passions. Accusation et défense s’appuient sur la parole. Maisalors,seullelangagearticuléseraitapteàl’éloquence de l’avocat, habile manipulateur de la langue d’Esope ? Tant elle peut adoucir la douleur et servir la cause, mais aussi maudire ou semer la discorde. Et cet autre de la parole ? (Silence) Celui que vous venez d’entendre ! Le silence ! Ne serait-il pas la quintessence de la parole ? Silence et éloquence ? Doux oxymore pour l’homme dont la parole est libre, qu’on a coutume d’appeler le bavard, pour ne pas dire argotiquement le baveux.

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Remise du prix du Barreau de Mulhouse par Christian Charrière-Bournazel à Lynda Bélarbi

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Etrange expression au demeurant probablement due à l’excès de salive produit à l’occasion de joutes oratoires, qui telle la bave du crapaud atteint parfois la blanche colombe que je ne suis plus, quoi que.. Mais le bavard n’est pas avocat. Il abuse du bavardage pour lutter obstinément contre le silence en oubliant la pause dans le discours, il s’accapare l’échange. Peu importe l’indigence de son propos, son bavardage rime avec ennui et impatience. Il assaille de tant de détails, que le juge s’astreint à la contrainte polie de l’écoute. Seule l’apparence de l’attention subsiste. Alors face au bavard, le silence devient une valeur inespérée. Parce que même le fou s’il se tait passe pour sage ! Message à ceux qui soliloquent. L’économie de la parole serait finalement utile au commerce des mots. Ces mots du palais qui appellent la réplique ont alors pour écho le silence du bavard. A ce stade de mon bavardage, chacun se rappelle l’adage bien connu « Qui ne dit mot consent ». Mais alors, le silence ne serait-il que la prérogative de celui qui n’a rien à dire ? Ne pourrait-il pas y avoir de matière signifiante dans le silence ? Le silence a pourtant son mot à dire : cela va sans dire !!! Le silence de mes confrères ne saurait être qu’un fait physique. Cette absence de sons articulés peut, doit être entendue ! Sa mesure lui donne le poids que la parole ne saurait lui conférer. Pascal ne disait-il déjà pas : « Il y a une éloquence du silence qui pénètre plus que la langue ne saurait faire ». D’aucuns sauront en tirer quelque leçon, à qui peut s’en servir, on offre son silence ! Magistrats, saurez-vous entendre ce silence ? Quand au comble de l’argumentation, la parole finalement berce et que le juge s’endort… Le silence serait- il d’or ? Le silence alors en dit long et devient assourdissant, la pause imposée devient alors le pouvoir de l’orateur. Le silence se fait autorité. Il surprend, étonne, voire même réveille, oblige l’autre à s’y soumettre, écartant toute tentative de le rompre. Quand le langage se perd car les mots ont déjà été trop dits, trop entendus, et que la pulsation du discours s’accélère, son architecte en freine le

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par Lynda Bélarbi


Rentrée solennelle flux avec des silences qui sectionnent comme des bornes. Le silence devient le lien nécessaire et invite l’autre à tendre l’oreille. Comme une riposte quand ce que nous avons à dire n’est pas prêt à être entendu. Lorsqu’on a tout dit et que rien n’a été entendu, le silence prend sa place. Sa forme sonore s’oppose au refus de l’écoute, surpris par le mutisme soudain, le juge assoupi sursaute, le silence devient suspension pour transformer le prétoire en lieu de débat contradictoire, lieu où somme toute, nous avons tous un silence en commun : le secret professionnel. Il y aurait donc effectivement, même pour l’avocat, un temps pour se taire et un temps pour parler. En effet, le contradicteur bavard, appelle le discrédit en condamnant la parole à l’inanité, alors, face à l’inflation des mots du bavard, le silence est la riposte à sa parole étouffante. Sous la robe, il faut alors l’inviter à enfiler ses bas de contention, contention des mots conte l’hémorragie verbale. Etre avocat n’est pas dire n’importe quoi, n’importe quand haranguant le prétoire et se bornant à des poncifs transformant le discours en longue logorrhée. Non, nous ne sommes pas que des baveux bavards ! Notre silence n’est pas qu’une pause ! Il n’est même pas un crime de lèse- éloquence !!! Il est polysémique, silence complice, silence acquiescement, silence défense, silence résistance, voire silence mépris. Garder le silence n’est de loin pas synonyme de « se taire ». Il est l’autorité de celui qui ne dit pas un mot en trop, celui dont les mots n’ont pas vocation au seul état ornemental de celui qui résiste et reste digne quand l’injonction vient d’un interlocuteur zélé, protestation et refus se font alors entendre. Maître Moro Giafferi à un Président de Cour

d’Assises interrompant la parole à Albert Naud ripostait « Il est très grave que la parole soit retirée à un défenseur. Si nous tolérions que la nécessaire autorité de la justice pût nous museler, nous sentirions nos épitoges s’alourdir comme des chaines. » Le pénaliste dont le client est nourri de séries a fait sien le droit au silence. Ne parler que sous l’empire de la nécessité devient vertu ou garantie. Le silence n’encourt jamais le reproche quand la parole peut trahir. La Convention européenne des Droits de l’homme lui confère d’ailleurs valeur de liberté fondamentale. Il est le Droit de ceux qui plébiscitent le silence comme un moment de résistance et qui nous apprennent que garder le silence, sert à faire entendre la voix de celui qu on ne veut pas écouter sans toutefois que ce silence ne devienne la caisse de résonnance de ceux qui l’exigent. Le symbole orné de silence devient message ou révolte à l’instar de Tommie Smith et John Carlos. Poing levé, tête baissée, symboles pour l’histoire. Alors que vous êtes de permanence, vous êtes souvent en charge de la défense de quelqu’un que vous venez à peine de rencontrer dans le bureau du juge d’instruction. Le seul droit que vous pouvez exercer pleinement ne serait-il pas alors le droit au soupir ? Car rappelons le, le premier droit de la défense est le droit au silence et souvent le seul efficace en cette circonstance pourvu que celui qu’on défend ne subisse pas la loi du silence. Le poids du silence, comme des mots qui cognent, rien à dire ? pas si sûr ! Le silence entre quatre murs devient bruit dont le fracas assourdissant ébranle l’avocat qui tenu au secret peut seul entendre. Nombreux, j’en suis certaine, me diront qu’ils regrettent leur discours mais jamais leur silence.

A condition que ce silence ne soit pas un ordre du magistrat ! Qui de plus en plus fréquemment nous ordonne de conclure quand il estime en avoir assez entendu ! Faut-il rappeler que nous sommes auxiliaires de justice ! Ce silence intimé reflète parfois la défiance entre deux cultures qui s’ignorent encore. Aux magistrats que la loi constitue, gardiens des intérêts de la société, notre silence rappelle notre serment d’indépendance et notre insoumission. L’avocat fut-il le plus talentueux, s’évertue vainement s’il s’adresse à un juge qui ne veut pas entendre. Pour qui la vie du palais serait plus douce si les impénitents défenseurs prenaient à cœur de se taire à jamais. Faut-il rappeler que chacun à droit à ce que sa cause soit écoutée sinon entendue ? L’avocat novice que je suis aurait pu choisir cinq minutes de silence. Un long moment de silence pour démontrer que l’Avocat, à qui on reproche fréquemment son peu d’humilité, sait observer et entendre. Mais vous, ici, auditeurs qui m’avaient déjà trop écoutée et qui êtes accoutumés à juger du mérite d’un discours, dans cet univers de verbalisation où le silence est exception, auriez pensé : « Elle n’a rien à dire ». Il fallait donc bien que je vous parle. Il est toutefois temps de conclure car le silence est aussi la fin du discours. Une chose est sûre : « Si on est maître de ses mots avant de les dire, on est leur esclave après ». En conclusion Mesdames et Messieurs : permettez moi le tutoiement :Tais-toi ou dis quelque chose de meilleur que le silence car de « tous ceux qui n’ont rien à dire, les plus agréables sont ceux qui se taisent » Coluche.

Notre avenir se décline-t-il au féminin ?

Nathalie Haas

par Nathalie Haas

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i je vous demandais le point commun entre : Yahoo, l’Allemagne, le Brésil, le FMI, le Ministère de la Justice, les Barreaux de ParisMulhouse... Que me répondriez-vous ? A leur tête... une femme. Et la liste pourrait encore être longue, car enfin, les femmes accèdent à de grandes fonctions. Alors aujourd’hui je vous le demande : « Notre avenir se décline-t-il au féminin ? ». Messieurs rassurez-vous l’heure de la domination féminine n’a pas encore sonnée. Nous n’allons pas devenir des Mosuo ! Vous savez, cette ethnie au fin fond de la Chine où les hommes n’ont droit à rien et je dis bien « à rien »... Pas de propriété, pas d’héritage, pas d’autorité parentale... rien du tout ! Si ça en laisse beaucoup rêveuses, ce n’est pas pour tout de suite ! Alors, Messieurs ...n’ayez pas peur ! Nous sommes encore loin d’instaurer une « Journée de l’homme » ! Bien qu’entre la journée de l’eau, la journée de l’Europe, la journée de tout et de n’importe quoi il ne serait pas aisé de trouver une date pour vous. Le moment venu, je suggèrerais, le 8 mars !

Nous n’en aurons plus besoin, puisque l’avenir se décline au féminin. Vous en doutez et exigez des preuves ? Alors regardez autour de vous, tout se féminise, Même vous, Messieurs !!! J’entre-aperçois quelques regards interloqués : « Comment ? Nous ? Nous nous féminisons ? »

Evidemment ! Messieurs , osez avouer combien de temps vous est nécessaire pour assortir votre chemise avec votre montre et vos chaussures ? Combien de temps passez-vous dans votre salle de bains ? Car oui l’homme d’aujourd’hui prend soin de lui :

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Vie du droit et je ne parle pas uniquement de tenues vestimentaires ... Non. Une femme doit ainsi être compétente, productive, bonne mère, bonne épouse... et si elle rentre dans un 36 c’est pas trop mal ! Porter la robe permet d’ailleurs de régler ce petit problème puisque celle-ci cache les rondeurs à merveille. Notre robe devient ainsi notre meilleure amie. Ah la robe ! Ce vêtement féminin par excellence, symbole pour notre métier d’égalité et d’homogénéité. A croire que l’avocature était prédisposée à faire la part belle aux femmes. D’ailleurs être avocat n’est ce pas convaincre ? Séduire ? La séduction est au cœur de notre profession. Et qui mieux qu’une femme pour cela ? Pensez Messieurs à ces centaines d’euros de budget initial transformés, sans même que vous ne vous en soyez rendus compte, en milliers d’euros pour le dernier sac à mains à la mode ! Souvenez-vous qui a su jouer de sa persuasion pour convaincre ce cher et faible Adam de croquer la pomme ? Voilà le pouvoir des femmes : des siècles de savoirfaire, des secrets remontant à l’origine du monde ! Tout cela au profit de notre profession ... Les points forts des femmes sont enfin connus et reconnus alors que par le passé personne ne s’y intéressait. Alors certes,du chemin reste à parcourir, mais ne luttons plus contre les hommes. Ils doivent être nos alliés pour que notre place soit plus grande encore dans cet avenir qui nous tend les bras, laissons derrière nous les clivages d’un autre temps. Les aigris qui s’émeuvent encore de voir une femme bâtonnier d’un grand Barreau ou Président d’une juridiction. Regardons autour de nous : les femmes sont là au même titre que les hommes, elles ont conquis la place qui leur revenait. Alors, notre présence à nous toutes n’est-elle pas la preuve que les combats, d’Olympe de Gouges, Benoîte Groult, Simone de Beauvoir sont achevés ? Nous ne pouvons que les remercier et les honorer non pas en multipliant les lois, les colloques, les déclarations de bonnes intentions et autres « Think tank », associations... Non. Car rien n’y fera tant que la volonté d’y arriver, ensemble, homme et femme, n’y sera pas ! La clé, elle, est en vous, en nous, car je vous le rappelle : « Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et il dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu’à inventer. » 2013-797

Il s’épile, se fait des gommages et se met de la crème... Non pas celle de sa compagne... non aujourd’hui l’homme les collectionne. Crème anti-rides mais aussi contour des yeux, masques décongestionnant, hydratant, purifiant. Vous riez ? Mais quiconque osera soutenir le contraire devrait faire un tour dans les salles de bain de tous ces métro-sexuels que nous côtoyons quotidiennement... Enfin, à bien y réfléchir plus tant que cela, car il faut bien se rendre à l’évidence, l’homme est une espèce en voie de disparition dans les couloirs du Palais. Qui en est responsable ? La Féminisation, encore ! Et les chiffres ne mentent pas : L’effectif des femmes avocats en France s’est accru de 51 % de 1997 à 2007 et en 2009 pour la première fois, la proportion de femmes a dépassé celles des hommes... Je n’ose d’ailleurs évoquer les magistrats qui étaient bien en avance sur le sujet. Le phénomène devrait d’ailleurs s’amplifier. Bientôt, les femmes représenteront plus de 75 % des membres des professions juridiques ! Ce jour-là, des lois instaurant des quotas d’hommes seront votées, des associations de protection du genre masculin verront le jour et les Femen cèderont la place aux « Men-men »... Alors doutez-vous encore ? N’êtes-vous toujours pas convaincu que l’avenir c’est au féminin qu’il se décline... Vous aurez bien compris que dans mes propos « déclinaison » relève de la présence de la femme dans toutes les sphères sociales. Il va de soi que je ne parle pas de « décliner » au sens de « s’affaiblir » ou « perdre ses forces ». Loin de moi l’idée de soutenir cette croyance saugrenue selon laquelle féminisation rimerait avec paupérisation. Il est regrettablement vrai, pourtant, qu’1/3 des femmes quittent la profession dans les dix premières années... Toutefois, 1/5ème des hommes font de même mais ce chiffre apparemment n’intéresse personne. Des leçons sont à en tirer, c’est incontestable. Mais peut être d’autres que le prétendu handicap lié à la grossesse dans cette première décennie d’activité. Car contrairement à ce que certains continuent de penser : non en accouchant nous n’expulsons pas notre cerveau !

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Les femmes sont parfaitement capables de sortir du triptyque : dodo, bobo, petits pots. Alors certes, toutes ne font pas du « Dati » mais les chiffres vont à l’encontre de cette ineptie puisqu’1/4 des jeunes mamans n’ont pas pris de congé maternité ou l’ont réduit au minimum... Comble de l’ironie lorsque l’on pense aux récentes revendications des hommes de se voir octroyer le droit à un congé paternité, alors qu’ils n’accouchent même pas ! Encore heureux, vous allez me dire dans la mesure où ils appellent leur petite maman chérie pour un mal de ventre et qu’ils meurent d’une migraine. Il va de soi que jamais, ô non jamais, ils ne supporteraient d’accoucher ! Vous l’aurez bien compris, cette fameuse grossesse est un faux problème, mais certainement, une vraie excuse. D’ailleurs, en parlant d’excuse, une autre a la vie dure pour justifier qu’en se féminisant notre profession se paupérise : Les femmes seraient reléguées aux domaines moins rémunérateurs : AJ, commissions d’office et autres ADCP. Réducteur comme raisonnement ! Et tout aussi passéiste que nos livres de lecture dans lesquels nous apprenions que : « Papa fume la pipe et Maman fait la vaisselle ». Cela voudrait dire que seraient réservés aux hommes les domaines les plus lucratifs : droit des affaires en tête ! Que nenni, discours d’un autre âge ! l Examinez les bancs de certaines filières telles le DJCE... l Souvenez vous Baker & McKenzie, l’un des plus grands cabinets d’avocats d’affaires au monde, était dirigé il n’y a pas si longtemps encore, par une femme ! l Ou pensez à Madame le Bâtonnier de Paris qui a fait de l’informatique son domaine de prédilection alors que l’informatique, c’est bien connu, les femmes n’y comprennent rien ! Alors, pourquoi encore douter des compétences féminines ? D’aucuns vous diront que les femmes sont trop douces. Et il est vrai qu’une femme quand elle est douce on ne la croit pas compétente et quand elle est compétente on ne la croit pas douce... Bref un vrai casse-tête. Que dis-je ? Un dilemme. Et voilà tout le problème... Les femmes doivent toujours s’adapter - changer en fonction des heures de la journée...

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

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Remise du prix du Barreau de Mulhouse par Jean-Luc Forget à Nathalie Haas

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Vie du chiffre

Autorité des Normes Comptables 4èmes Etats Généraux - Paris, 14 et 15 novembre 2013 C’est à la Maison de la Chimie que Jérôme Haas, président de l’Autorité des Normes Comptables (ANC), a reçu chercheurs, universitaires, entreprises, analystes, investisseurs, professionnels du chiffre et du droit les 14 et 15 novembre 2013, pour faire le point sur la normalisation comptable nationale et internationale mais aussi débattre du sujet majeur de l’information non financière. Jean-René Tancrède

En sens inverse, lorsque subsistent des divergences, l’ANC s’exprime, en parfaite harmonie avec les entreprises et les professionnels français : sur la révision du cadre conceptuel qui ne restaure pas le principe de prudence et surtout porte atteinte au principe de fiabilité ; sur la complexité de normes reconnues inapplicables, à l’échelle mondiale (IFRS 11 relative aux consolidations ; IFRIC 21,

Jérôme Haas

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a 4ème édition des Etats Généraux de l’Autorité des Normes Comptable a été ouverte par Jérôme Haas sur deux messages forts : l d’une part, les normes françaises connaissent un déploiement quantitatif et qualitatif impressionnant : nombreux travaux d’accompagnement des nouveaux textes de régulation financière, création de cadres comptables dans des domaines nouveaux (monnaie électronique, financement de prêts aux entreprises par les assureurs...), production de textes comptables innovants pour trouver l’équilibre entre les meilleures pratiques françaises et internationales, adaptation de ces textes selon les besoins des entreprises, dans l’esprit qui domine désormais dans tous les pays du monde qui n’adoptent les normes internationales que pour les sociétés cotées en Bourse. Dans une optique de service public moderne, les normes françaises, utilisées par une vaste majorité d’entreprises en France, permettent donc de répondre à leurs besoins, qui sont très différenciés. l d’autre par, les contributions, propositions et autrestravauxdel’ANC,ontpermisdecréerledébat et d’initier un mouvement en matière de normes comptables internationales. C’est ainsi que de nombreux projets évoluent dans le sens souhaité par l’ANC, à commencer par l’allègement des annexes aux comptes, que plus personne ne lit : en ce domaine, le normalisateur international (IASB) a rejoint toutes les propositions de l’ANC (articulées, en bonne part, conjointement avec son homologue britannique). La notion de « modèle économique », mise en avant pour mieux ancrer les normes dans la réalité plutôt que les concepts, avance aussi considérablement, avec la publication d’un document (conjoint avec le Royaume-Uni) sur ce sujet ainsi qu’une modification radicale, sous la pression de pays d’Asie, de la norme sur les activités agricoles, à rebours de l’approche actuelle reposant uniquement sur une approche de marché (« en fair value »). L’ANC soutient également le modèle de l’IASB pour la définition des provisions bancaires, sujet sur lequel le G20 n’a pas encore reçu de réponse complète faute d’accord mondial.

sur les impôts, par exemple) ou encore sur le projet concernant les assurances, qui ne permet toujours pas, malgré quelques progrès, de lire dans le résultat net des compagnies la réalité de leur performance. Au total, l’ANC réalise son objectif stratégique : déplacer le centre de gravité de la normalisation internationale pour élaborer une norme mondiale moins fondée sur des concepts a priori et reflétant donc au mieux les réalités économiques. L’ANC a ensuite fait le bilan de trois ans de soutien à la recherche comptable et a présenté les travaux réalisés ou soutenus cette dernière année. Une discussion s’est instaurée sur le sujet. En matière de recherche « fondamentale », une piste très prometteuse pour l’ANC et la recherche française consiste à développer une approche non comptable de la comptabilité, à travers des angles différents, et notamment l’économie, qui s’est jusqu’ici peu intéressée au sujet. C’est ainsi

que Jean Tirole, Président de l’Ecole d’Economie de Toulouse, a présenté ses travaux en cours, dans le cadre du partenariat conclu entre l’ANC, la Caisse des Dépôts et Consignations et l’Institut d’Economie Industrielle de Toulouse. L’après-midi du 14 novembre a été l’occasion de débattre de la place de l’Europe dans la normalisation internationale et de son rôle dans la gouvernance comptable mondiale. Michel Pébéreau, Président d’honneur de BNP Paribas, a ouvert ce débat, à partir du Rapport Médef-AFEP (juillet 2013) pour rappeler que si les IFRS constituent un acquis européen à partir duquel il faut travailler, elles ne répondent pas totalement aux besoins de l’économie européenne. Philippe Maystadt, Ancien ministre belge des finances, Conseiller spécial du Commissaire Michel Barnier sur les questions d’informations financières et de comptabilité, a pris le relais via une longue intervention

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Vie du chiffre Jacques Attali

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financier, membre du directoire d’Eurazéo, vice-président de la DFCG, Pascal Imbert, Président du Directoire de Solucom, président de Middlenext, et Marie-Pierre Peillon, Directrice de la recherche de Groupama Asset Management, présidente de la Société Française des Analystes Financiers (SFAF) - qui se sont exprimés sur leurs demandes en matière d’information non financière et leurs craintes : contrainte supplémentaire, pertinence de l’information produite, bilan plus long, gestion lourde, manque de benchmark… Jérôme Haas a conclu cette table ronde en soulignant « que ce dont nous parlons est plus qu’une mode, c’est un mouvement qui est là pour durer. Naturellement il comporte des risques d’excès. Il faut donc tirer les enseignements de notre expérience en matière de comptabilité : que le mode d’élaboration des règles en ce domaine soit démocratique et permette le consensus ; que les chiffres produits soient fiables, robustes, comme en matière comptable. Les acteurs français doivent être plus présents dans ces débats cruciaux pour l’avenir. »

général de la Chaire responsabilité globale et capital immatériel de l’IAE de Paris. Le débat a ensuite laissé la parole aux acteurs économiques - Philippe Audouin, Directeur administratif et

René Ricol

La matinée du 15 novembre a été dédiée à l’information non financière. Depuis quelques années émergent en ce domaine des initiatives internationales de plus en plus nombreuses et multiformes : projets de société, produits de « reporting », textes légaux français et européens, et droit souple. L’ANC a présenté un panorama très complet de ces initiatives avec un certain nombre de chercheurs dont Cécile Renouard, Directrice du programme de recherche CODEV « Entreprises et Développement » de l’Institut ESSEC Iréné, et Jean-Claude Dupuis, Délégué

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filmée, pour présenter son rapport (discuté le lendemain, le 15/11 au Conseil Ecofin) établi dans le cadre de ses réflexions pour renforcer la contribution de l’Union européenne aux IFRS et améliorer la gouvernance des institutions qui les élaborent. Philippe Maystadt a proposé d’agir sur trois leviers : maintenir une procédure d’adoption « norme par norme », incluant la possibilité d’accepter ou de refuser une norme produite par l’IASB ; réorganiser la gouvernance de l’EFRAG en accroissant sa légitimité et sa représentativité (comme souhaité depuis deux ans par l’ANC et ses homologues allemands, italiens et britanniques) et renforcer le dialogue en Europe (entre l’ARC et l’EFRAG) afin d’influencer plus efficacement les activités de l’EFRAG et de l’IASB. Anne-Françoise Melot, Chef adjoint, Unité « Comptabilité et Information financière » à la DG MARKT de la Commission européenne, était par ailleurs présente en tribune et a ainsi pu échanger avec la salle et souligner à nouveau que Michel Barnier avait entendu la nécessité pour l’Europe de s’appuyer sur des normes fiables qui répondent aux besoins de ses entreprises.

René Ricol a fait valoir qu’il s’agissait en effet d’une « revanche de l’humain sur l’argent-roi » et il a appelé à la « prolongation de ce débat, qui doit avoir lieu à l’ANC ». Jacques Attali a exposé que la situation actuelle, en matière de normes comptables, reflétait le besoin de renforcer les fonctions d’Etat face au marché, à l’échelle globale. Il a exprimé la nécessité de construire des indicateurs précis, rendant mieux compte de l’ensemble des performances des entreprises, dans la droite ligne des deux propositions qu’il avait consacrées à ce sujet dans son tout récent rapport « Pour une économie positive ».


Vie du chiffre

Louis Gallois, invité du cabinet ARC

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Comment retrouver de la compétitivité ? - Paris, 19 novembre 2013

Denis Le Bossé, Louis Gallois, Kérine Tran et Jean-Marc Sylvestre

L

ouis Gallois, Commissaire général à l’investissement, était, le 19 novembre dernier, l’invité de Denis Le Bossé, Président du Cabinet ARC, pour un petit-déjeuner débat animé par Jean-Marc Sylvestre. Ce rendez-vous fut l’occasion de commenter les résultats du Baromètre annuel ARC/IFOP sur la situation économique générale des entreprises et la perception de leur évolution mais aussi d’imaginer des solutions pour retrouver de la compétitivité. Ce petit-déjeuner s’inscrit dans la continuité de ceux organisés par le Cabinet ARC depuis trois ans et auxquels ont participé des experts tels que Messieurs Ricol, Arthuis, Novelli, Lorenzi, Sapin ou encore Baroin et Drouin. Louis Gallois leur a succédé notamment pour commenter les résultats du Baromètre annuel Cabinet ARC/IFOP dévoilé lors de ce petitdéjeuner. Un an après la publication de son rapport et la mise en place des mesures du pacte de compétitivité, il était l’interlocuteur idéal pour contribuer au débat « Comment retrouver de la compétitivité ? ». Denis Le Bossé a ouvert la discussion sur un constat : « Les entreprises sont moins pessimistes aujourd’hui qu’il y a six mois sur la situation économique française. Mais pour autant, elles ne pressentent pas encore d’amélioration de leur activité ou de leur trésorerie. » Un constat partagé par Louis Gallois qui considère que « l’industrie française se trouve à un palier après une baisse régulière entre 2008 et 2011 ». Denis Le Bossé et Louis Gallois expliquent le repli de l’inquiétude des entreprises par les diverses mesures prises par le Gouvernement. D’une part,

le CICE avec ses 720 millions d’euros accordés au titre du préfinancement en octobre 2013 qui ont apporté « une réelle bouffée d’oxygène, surtout pour les PME » note Denis Le Bossé. D’autre part, la Loi Consommation, dite Loi Hamon, qui devrait permettre de « rééquilibrer les pouvoirs parmi les acteurs économiques du marché » : précision sur les délais de paiement prévus par la LME, amendes administratives, renforcement des contrôles de la DGCCRF, rôle des commissaires aux comptes… Louis Gallois a complété cette explication par deux éléments : l’abondement de 300 millions d’euros du Fonds de développement économique et social (FDES) annoncé récemment par Arnaud Montebourg mais aussi le rôle de l’Europe et plus particulièrement de la BCE qui conserve une capacité d’emprunt intacte. « La relance va venir de l’Europe » a souligné Louis Gallois. Dans le prolongement de cette introduction, Kérine Tran, juriste du Cabinet ARC, a présenté les résultats du Baromètre et de nombreux thèmes ont ainsi été abordés : activité, trésorerie, recouvrement de créances, délais de paiement, gestion du poste clients, utilisation du CICE, mesures annoncées dans la Loi de Consommation… Il en ressort que les entreprises restent en difficulté face aux délais de paiement avec une hausse du nombre de retards : 59 % des PME et 69 % des grandes entreprises paient avec un retard allant de 1 à 10 jours. Et une tendance se dégage : les « retardataires » paient plus vite mais sont plus nombreux. Louis Gallois a d’ailleurs souligné l’importance de ce problème en France et prône la

nécessité d’une « modification de fond des comportements » notamment pour amener les acteurs économiques à respecter la LME. En effet, le nombre d’entreprises qui notent une hausse des litiges non fondés visant à déroger à la LME a doublé sur deux ans (46 % en 2013 contre 21 % en 2011). Louis Gallois remarque toutefois qu’une évolution des comportements concernant les délais de paiement est d’ores et déjà enclenchée dans le domaine industriel où les grands groupes se préoccupent de plus en plus de leur chaîne fournisseur, à l’instar d’Airbus ou de Safran. Malgré ces efforts, le crédit fournisseur (24 %) reste aussi stratégique que le crédit bancaire (27 %). Enfin, il a insisté sur l’importance de la communication autour des dispositifs d’accompagnement mis en place par les pouvoirs publics qui restent trop méconnus : 51 % des entreprises interrogées ne connaissent ni le médiateur du crédit, ni les commissaires au redressement productif, ni le médiateur inter-entreprises. Pour conclure et à la lumière de ces résultats, la séance de questions a notamment été marquée par le témoignage d’un Directeur administratif et financier soulevant le bon fonctionnement du préfinancement du CICE mais aussi l’important désengagement des assureurs crédit. L’occasion pour Denis Le Bossé d’aborder ce désengagement ainsi que celui des banques et pour Louis Gallois d’appeler à faciliter l’accès des PME aux marchés financiers : « L’économie devra moins compter sur les banques et il faut que les marchés financiers prennent le relais ».

Les Annonces de la Seine - jeudi 21 novembre 2013 - numéro 65

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Vie du droit

Compagnie des Avocats Conseils de Paris - Ile-de-France Dîner annuel - Paris, 18 novembre 2013 C’est à nouveau au Pavillon Le Doyen que s’est déroulé le traditionnel dîner de la Compagnie des Avocats Conseils de Paris Ile-de-France, le Président Philippe Rochmann a accueilli le 18 novembre 2013 les nombreux représentants des syndicats et ordres professionnels. Il a abordé cinq sujets d’actualité intéressant particulièrement les avocats, notamment la réforme de la gouvernance et la refonte de l’aide juridictionnelle, avant de remercier Madame le Bâtonnier Christiane Féral-Schuhl pour son action menée au Barreau de Paris qui a contribué à positionner différemment la profession au sein de la société civile. Christiane Féral-Schuhl s’est exprimée sur les cinq thèmes évoqués par Philippe Rochmann puis a remercié à son tour la Compagnie des Avocats Conseils de Paris - Ile-de-France pour son implication et son soutien dans toutes les instances de la profession. Jean-René Tancrède

L’avocat au cœur de la société civile

Philippe Rochmann

par Philippe Rochmann

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1. L’AVOCAT ET LES AUTRES PROFESSIONS REGLEMENTEES Madame le Bâtonnier, vous avez eu le courage de vous attaquer aux braconniers et autres flibustiers du droit. Vous menez les actions contentieuses que nous attendions tous, visà-vis des sites internet et autres organismes qui vendent du droit comme d’autres de la lessive. Vous avez aussi noué un partenariat avec l’Ordre des experts-comptables qui n’a pas toujours été compris par nos confrères qui sont confrontés en permanence à des « professionnels réglementés » qui exercent, disent-ils, ces matières à titre accessoire, mais qui salarient des juristes pour vendre des prestations juridiques complètes, alors que nous, les avocats, ne sommes pas habilités à tenir des comptabilités même à titre accessoire. Il existe là une distorsion de concurrence que nous ne pouvons faire semblant de méconnaître ni de minimiser. Nous pensons, à la Compagnie, qu’au délà des indispensables contentieux, le dialogue peut permettre d’avancer et souhaitons que ce partenariat institutionnel que vous avez initié, permette à Monsieur le Bâtonnier désigné d’aller plus loin dans la défense de nos compétences. 2. L’AVOCAT ET LA POLITIQUE Nous exerçons une merveilleuse profession que beaucoup nous envient, notamment les femmes et les hommes qui exercent une carrière politique. Vous le savez, beaucoup nous rejoignent lors des alternances démocratiques. Alors, comment expliquer qu’une fois de nouveau élu au parlement ou nommé au gouvernement, ces confrères nous oublient

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e souhaite vous adresser quelques mots et en particulier aborder cinq thématiques, avant que Madame le Bâtonnier ne prenne aussi la parole : l L’avocat et les autres professions reglementées ; l L’avocat et la politique ; l L’avocat et le lobbying ; l L’avocat, le Barreau de Paris et le CNB ; l L’avocat et l’aide juridictionnelle.

et pire encore, parfois attaquent la profession qui les a accueillis ? Que fait un notaire ou un expert-comptable quand il est appelé à des « fonctions supérieures » ? Le plus souvent, il défend ses confrères qui resteront toujours ses confrères. Que fait un avocat dans les mêmes circonstances ? De façon certaine, il nous oublie ! Pouvons-nous citer plus de cinq confrères de renom qui ont entendu et aidé la profession après leur accession à une responsabilité politique importante ? De façon plus inattendue et récente, des confrères ont pu même attaquer la profession qu’ils ont exercée. L’été dernier et cet automne, dans le cadre de la discussion sur le projet de loi relatif à la fraude fiscale, nous avons entendu plusieurs députés, anciens et/ou futurs confrères pourfendre notre profession parce qu’elle n’effectuerait aucune déclaration de soupçon et attaquer nos CARPAs parce qu’elles pourraient être des institutions facilitant les mouvements de fonds d’origine incertaine. Voilà un phénomène intéressant, une forme de « haine de soi ». Mais pourquoi nous ne nous

aimons pas ? Voilà, à n’en pas douter, de quoi organiser un colloque sur ce qui fait que nous sommes moins bons que les autres professions réglementées pour faire valoir nos points de vue. 3. L’AVOCAT ET LE LOBBYING Je ne vise pas ici les nouvelles activités de l’avocat mais bien le rôle que doivent avoir nos institutions vis-à-vis des pouvoirs publics pour expliquer nos positions et défendre nos analyses. Madame le Bâtonnier, j’ai été à vos côtés avec d’autres confrères quand il a fallu se battre pour expliquer le rôle de nos CARPAs et défendre les avocats fiscalistes soupçonnés d’être les principaux instigateurs de la fraude fiscale dans notre pays. Vous l’avez écrit « Cela suffit ! » Oui, cela suffit que notre profession soit stigmatisée ; c’est une hypocrisie, une diversion trop facile pour ne pas s’occuper des vraies difficultés que de faire croire que la lutte contre la fraude fiscale, c’est cela. Mais cela ne nous suffit pas. Nous devons nous interroger : Comment un esprit intellectuellement honnête peut considérer que les CARPAs peuvent faciliter la fraude alors que c’est justement

Les Annonces de la Seine - jeudi 21 novembre 2013 - numéro 65


Vie du droit l’inverse ! Vous le savez, les CARPAs, notamment celle de Paris, aident tous les jours nos confrères à éviter des pièges que pourraient tenter de nous tendre quelques clients espérant nous manipuler. Combien d’avocats ont finalement été condamnés après d’humiliantes perquisitions et gardes à vue ? Une infime minorité, à ma connaissance, qui ne permet pas de généraliser et de vilipender toute une profession ! Il est indispensable que nos institutions se dotent de services « Affaires Publiques » dignes de ce nom, d’abord pour expliquer et ensuite pour convaincre. Monsieur le Bâtonnier désigné, ce sujet a été un de vos thèmes de campagne et je sais que vous voulez aller très vite sur ce sujet. Au nom de la Compagnie, soyez en remercié car le temps presse ! 4. L’AVOCAT, LE BARREAU DE PARIS ET LE CNB Nous sommes toujours sur le sujet de porter un discours homogène et construit auprès des pouvoirs publics. Madame le Bâtonnier vous avez souhaité l’été dernier que l’Ordre que vous dirigez et qui représente l’une des composantes importantes du CNB puisse se faire entendre et que, tout au moins, ses propositions soient analysées. Vous aviez convaincu le président du CNB de ce dialogue nécessaire. Le président du CNB n’a pas été suivi par son bureau. Nous connaissons la suite. Cet épisode fut particulièrement violent. Je tiens ce soir à rendre un hommage particulier au Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel qui a navigué pendant 18 mois par gros temps, au milieu d’intérêts contradictoires, souvent déconnectés des vrais soucis des avocats. Il a souhaité s’effacer sans pour autant avoir démérité. Le bateau semblait alors ingouvernable. Madame le Bâtonnier, vous avez lancé un pavé dans la mare. Il fallait le faire car le système est à bout de souffle. Mais tout cela n’aura de sens que si cette institution se réforme à bref délai. Monsieur le Président du CNB, cher Jean-Marie Burguburu, vous êtes aux commandes. C’est à vous qu’il revient de faire évoluer notre CNB pour

une profession unie et donc plus forte. Nous comptons sur vous pour trouver la meilleure voie. Le temps presse d’autant plus qu’une nouvelle mandature sans réforme de la gouvernance continuerait d’avantager nos concurrents, qui se frottent les mains de nos discordes de villages gaulois, n’espérant qu’empiéter sur nos domaines d’activité et pour qui la sécurité juridique que l’on doit au citoyen n’est pas une priorité. 5. L’AVOCAT ET L’AIDE JURIDICTIONNELLE Il existe là un vrai paradoxe. Personne ne conteste que l’accès au droit est un pilier de la démocratie et que l’aide juridictionnelle est essentielle pour aider les plus démunis à faire valoir leurs droits. La France, on le sait, est un des mauvais élèves de l’accès au droit. Au Royaume-Uni, en 2011, un milliard de livres a été consacré à l’aide civile et un milliard de livres à l’aide pénale ! Cela n’empêche pas l’Etat de rester sourd aux propositions de la profession. Pire, il envisageait, dans le projet de loi de finances pour 2014, une démodulation de l’unité de valeur alors que la rémunération des avocats est déjà largement inférieure à un SMIC horaire. Cet épisode s’est heuresement soldé par le retrait de cette mesure particulièrement injuste pour nos confrères les plus en difficulté. Mais il illustre encore notre difficulté à expliquer et à faire entendre nos points de vue. Nos instances ont découvert le projet quelques semaines avant sa présentation publique. Notre objectif devrait être de proposer en amont les solutions idoines afin d’éviter tout simplement qu’un tel projet puisse être imaginé. J’ajoute que cette démodulation de l’unité de valeur aurait permis à l’Etat d’économiser 15 millions d’euros : une goutte d’eau pour nos finances publiques, tout au plus une toute petite niche fiscale, mais on sait à quel point il est difficile de toucher intelligemment à un système fiscal compliqué et souvent injuste. Permettez-moi encore deux mots. Madame le Bâtonnier, vous allez achever votre mandat

dans 42 jours. Vous avez su nous positionner différemment au sein de la société civile : je pense à la création du fonds de dotation et à votre action « avocat dans la cité », grâce à laquelle 3 000 consultations gratuites ont été données en 5 jours sur le parvis de la Mairie de Paris. Vous avez aussi voulu rapprocher l’Ordre des confrères en ajoutant au caractère régalien de l’institution des services indispensables à notre activité, je pense à l’assurance perte de collaboration, à la mise en place du barreau entrepreneurial, indispensable outil pour s’installer, s’associer ou se séparer et aussi à la centrale de référencement Praeferentia que vous avez voulu nationale en associant notre barreau à la Conférence des Bâtonniers. Je sais que votre successeur compte poursuivre ces actions. C’est la force de notre Ordre et des femmes et hommes qui se succèdent pour le diriger, que de poursuivre les réalisations de leurs prédécesseurs utiles et nécessaires à la profession et de savoir porter sur des fonds baptismaux de nouveaux projets. Madame le Bâtonnier, votre mandat ne fut pas un long fleuve tranquille et tant mieux pour nous : merci de votre implication constante, jusqu’au bout pour notre profession. Je souhaite le meilleur à votre successeur et à son Vice-Bâtonnier. Ils le savent, et j’ai eu l’occasion de le leur dire, que la Compagnie a toujours été fidèle aux Bâtonniers successifs, par sa participation active aux travaux de divers organes techniques et concernant le droit des affaires et la fiscalité. Pierre-Olivier et Laurent, permettez- moi de vous l’assurer, vous pouvez compter sur la Compagnie ! Je ne saurais terminer mes propos, en cette période troublée, sans assurer à Madame la Garde des Sceaux notre soutien. Nous sommes, nous, avocats, républicains et démocrates, attachés au respect de l’autre, déniant toute légitimité à ceux qui détruisent notre société en utilisant le racisme comme mode abject d’expression de leurs incompréhensions de l’évolution de leur environnement. (...)

L’avocat face à la solidarité citoyenne

L

e dîner de la Compagnie, votre dîner, est devenu au fil des ans un des évènements importants de la vie de notre Barreau. Il est devenu le rendez-vous auquel vos invités ont plaisir à se rendre. Au-delà d’un rendez-vous gastronomique que personne ne veut manquer, nous sommes tous heureux de nous retrouver avec vous. Votre Compagnie est le plus ancien syndicat de conseils juridiques devenu par l’effet de la réforme le plus ancien syndicat d’avocats parisiens et, grâce au travail de vos membres, vous avez toujours su allier tradition, prospective et modernité. Votre analyse des textes en préparation nous est précieuse. Nous nous félicitons aussi de la présence et de l’implication de vos membres dans toutes les instances de la profession : à la Caisse des Règlements Pécuniaires des Avocats (CARPA), à l’Union Nationale des Carpa (UNCA), à l’Ecole de

Christiane Féral-Schuhl

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par Christiane Féral-Schuhl

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Vie du droit Formation au Barreau (EFB) et, depuis sa création, à Praeferentia. Vous et les vôtres êtes toujours présents au service et à la cause de votre Bâtonnier, quel qu’il soit, quand il vous l’a demandé. Soyez-en remerciés au nom de notre Barreau ! Je m’arrête un instant ici, cher Philippe, pour vous remercier d’avoir participé depuis l’origine à l’aventure Praeferentia, d’en avoir été la cheville ouvrière, en quelque sorte celui sans qui rien n’aurait été possible. Merci, Monsieur le Président, d’avoir retenu cinq sujets. Nous nous sommes attaqués aux braconniers du droit. Notre action, vous le savez, n’était pas protectionniste, elle allait dans le sens d’une action citoyenne et permettait d’éviter les consultations juridiques données par de non-professionnels. Il en va ainsi dans toutes les professions réglementées. Le but n’était pas de défendre un monopole. Nous souhaitions simplement éviter que n’importe qui fasse n’importe quoi. C’est notre expérience, notre obligation permanente de formation continue et notre déontologie protectrice du client, qui nous permettent d’accomplir une prestation de qualité, une prestation qui protège le citoyen consommateur quand il a besoin de nous. Concernant les autres professions réglementées, dont le métier est de faire du droit à titre principal ou accessoire, je laisserai à mon successeur le soin de continuer le dialogue avec leurs représentants afin que les compétences des avocats soient reconnues dans tous les domaines qui le justifient. Pour ce qui est de l’avocat homme politique ou l’avocat lobbyiste, vous avez raison. Les derniers exemples le prouvent. Le Barreau de Paris et l’ensemble de la profession se sont mobilisés contre le projet de loi obligeant les CARPA à dénoncer les confrères sans passer par le « filtre » du Bâtonnier.

Heureusement, sachez que nous avons trouvé auprès des avocats parlementaires une aide précieuse, même si elle était inattendue, pour présenter les amendements préparés par l’UNCA et les représentants de la profession, et éviter ainsi que les confrères ne se détournent des CARPA, tandis que les avocats étrangers eux-mêmes reconnaissent aujourd’hui leur intérêt au point d’adopter notre système de règlement pécuniaire et de créer une association internationale pour promouvoir cet outil qui apporte la sécurité. Vous avez parlé ensuite des syndicats, des Ordres et du Conseil National des Barreaux (CNB). Nous abordons ici le sujet délicat de la gouvernance qu’il appartiendra à mes successeurs de gérer comme j’ai tenté moi-même de le faire. Le Barreau de Paris a débattu sur le sujet depuis trois ans déjà. J’ai invité la Conférence des Bâtonniers en la personne de ses Présidents, actuel et futur, à débattre de la gouvernance devant le Conseil de l’Ordre, laissant ainsi à mon successeur et avec son accord, une feuille de route. Nous savons tous qu’il est urgent d’agir et je ne doute pas que notre profession soit assez responsable pour privilégier l’intérêt collectif avant tout intérêt particulier. Quant à l’aide juridictionnelle, nous avons évité de justesse une démodulation de l’unité de valeur. Et nous y sommes parvenus grâce à la mobilisation de la profession. Notre ministre nous a compris et entendus. Nous savons tous la nécessité de permettre aux plus démunis d’accéder au droit et à la justice et nous savons que cet accès ne passe pas par de pareils procédés dont seuls les avocats supporteraient la charge sans cesse croissante. Puisque l’écotaxe est devenue un acte citoyen qui fait son chemin, le timbre « écotaxe » — ou quels que soient son nom et sa forme — qu’il faudrait apposer sur tous les actes juridiques de la vie

civile ou commerciale, ne peut-il voir le jour afin d’apporter la manne nécessaire à cet accès au droit que l’on veut plus juste ? Bien sûr, les autres professions du droit ou les professionnels qui rédigent ou accomplissent des actes juridiques, quels qu’ils soient, contribueront à l’aide juridictionnelle. Puisqu’il est de notre devoir de défendre et de conseiller les plus démunis, ne soyons pas les seuls à en assumer la charge financière puisque nous en acceptons déjà la charge professionnelle. Ce que j’énonce est bien plus qu’une piste de réflexion puisque le Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel en a développé l’idée pendant son mandat, tandis que mon prédécesseur a travaillé sur ce sujet. D’autres professionnels du droit ont alors accompli un fort lobbying afin que cette proposition reste en l’état larvé et de ne pas participer à cette solidarité qui doit être citoyenne. Mais est-ce bien normal de ne pas être solidaires d’une charge source de progrès social dans une société qui se veut plus égale et toujours plus juste ? Deux années, c’est long et très court à la fois. Je ne doute pas, Monsieur le Président, cher Philippe, que les idées que nous partageons ensemble permettent aujourd’hui et permettront demain de progresser pour que notre profession soit plus forte et davantage heureuse et qu’elle réponde toujours à l’attente de celles et ceux qui nous font confiance puisque notre devoir est avant tout de servir. Tel est et restera le sens de l’engagement de notre serment. Je n’en dirais pas plus. Cependant, je ne résiste pas au plaisir de vous dire celui que j’ai eu en lisant le Journal Officiel du 15 novembre et à l’occasion qui m’est donnée de vous féliciter publiquement pour ce superbe ruban bleu qui récompense un grand serviteur de la profession. 2013-800

Au fil des pages

Code de procédure pénale 2014

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C Gilbert Azibert

omme chaque année, nous ne pouvons pas manquer d’admirer le travail de Monsieur le Procureur général Gilbert Azibert dans l’actualisation du Code de Procédure Pénale. Depuis des décennies, l’espérance d’une pause législative et réglementaire n’est pas au rendez-vous. Celui de 2014 progresse par référence à 2013, non pas de 200 pages mais de 74 pages. Le plan de l’ouvrage demeure : l première partie : législative, l deuxième partie : décrets en Conseil d’Etat, l troisième partie : exercice de l’action publique et de l’instruction, l onze annexes : les Droits de l’Homme, les juridictions des mineurs, la législation militaire, un code de l’organisation judiciaire, soit 925 pages. Elles sont suivies de la table des textes modificatifs

D.R.

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26ème édition - LexisNexis

(74 pages) et d’un index alphabétique (26 pages) complétant une table des matières (40 pages). Un travail de bénédiction qui permet aux praticiens de trouver le fil d’Ariane de leur recherche. Sans cet ouvrage, il est impossible de maîtriser cette matière en perpétuelle évolution, dont le verso rapelle les nouveautés intervenues depuis le 26 juillet 2013. 2013-801 Source : Lexis Nexis

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Vie du droit

Signature de la convention « Télérecours » Cour administrative d’appel et Tribunal administratif de Bordeaux - Barreau de Bordeaux Bordeaux, 20 novembre 2013

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u même titre que les juridictions judiciaires (civiles et pénales), la juridiction administrative s’engage résolument dans la voie de la dématérialisation. Le décret n°2012-1437 du 21 décembre 2012 relatif à la communication électronique devant le Conseil d’Etat, les Cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs consacre dans le Code de Justice Administrative, dont il modifie un certain nombre de dispositions, la possibilité de la dématérialisation des échanges entre les parties par l’intermédiaire d’une nouvelle plateforme électronique de communication dénommée Télérecours. Les spécificités techniques de cette plateforme ont été fixées par l’arrêté du 12 mars 2013. C’est dans ce cadre que le 20 novembre à Bordeaux a été signée entre la Cour administrative d’appel de Bordeaux, représentée par sa Présidente Anne Guérin, et le Tribunal administratif de Bordeaux, représenté par son Président Jean-François Desramé, d’une part, et d’autre part, l’Ordre des avocats de Bordeaux, représenté par Bernard Quesnel, la convention, déclinant localement celle du 5 juin 2013 conclue entre le Conseil d’Etat et le Conseil national des barreaux (Les Annonces de la Seine du 10 juin 2013 page 14) d’engagement de développer l’usage et l’application de Télérecours. Au terme d’une phase pilote qui a concerné le Conseil d’Etat depuis le 2 avril 2013 et les Cours administratives d’appel de Nantes et de Nancy ainsi que des tribunaux de leur ressort depuis le 3 juin 2013, l’utilisation de l’applicationTélérecours va être généralisée à l’ensemble des contentieux et à toutes les juridictions administratives de métropole, à compter du 2 décembre 2013 (Les Annonces de la Seine du 17 octobre 2013, page 20). Cette application informatique est développée sur un site internet dédié à cet usage pour

assurer l’échange de tous les actes de la procédure administrative contentieuse entre, d’une part, les juridictions administratives et, d’autre part, les avocats ou les personnes morales de droit public ainsi que les organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public. Ainsi dans le but d’assurer le développement d’un usage effectif des procédures dématérialisées devant les juridictions administratives, l’Ordre des Avocats de Bordeaux s’engage « à inciter les avocats qui interviennent auprès des juridictions administratives à s’inscrire dans l’application Télérecours et à en faire un usage effectif. Il s’engage à relayer, à cet effet, la diffusion des documents de sensibilisation et d’information édités par le Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel de Bordeaux ou le Tribunal administratif de Bordeaux, ainsi que des modes d’emploi et des guides explicitant les modalités d’inscription dans l’application Télérecours et son usage.

Il s’engage également par les moyens qu’il estimera les plus appropriés, à assurer lui-même la promotion de l’application Télérecours en son sein ». La Cour administrative d’appel de Bordeaux et le Tribunal administratif de Bordeaux s’engagent quant à eux «à développer l’usage de l’application Télérecours et à réduire, autant qu’il est possible, l’instruction sous forme de communications écrites traditionnelles des procédures dans lesquelles un avocat inscrit dans l’application est constitué». La Cour administrative d’appel de Bordeaux et le Tribunal administratif de Bordeaux s’engagent également « à adresser aux avocats inscrits dans l’application Télérecours les communications et notifications qui émanent de la seule juridiction, et en particulier les avis d’audience, sous forme électronique, y compris pour les dossiers enregistrés avant la mise en oeuvre de l’application». 2013-802 Jean-René Tancrède

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Alexis Gaucher-Piola, Jean-François Desramé, Anne Guérin, Bernard Quesnel et Ludovic Valay

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Vie du droit

Barreau de Paris 1ère édition du Salon du livre - Hôtel de Harlay, 20 novembre 2013

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e barreau de Paris organisait hier la première édition du Salon du Livre, à la Maison du Barreau. Au carrefour du droit et de la littérature, cet évènement inédit, orchestré et organisé par Emmanuel Pierrat et la Commission Culture du Conseil de l’Ordre, a mis à l’honneur des auteurs, avocats ou non, ayant contribué, de l’essai à la fiction, à la promotion et à la découverte du monde juridique. Cet évènement, suivi par le dîner des Bibliophiles du Palais, fut l’occasion de conférences et de séances de dédicaces. Plus de 20 auteurs étaient présents, avec notamment François Sureau, Olivier Akerman, Lionel

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Paul Lignières, Jean-Claude Beaujour, Thierry Lévêque et Mathieu Delahousse Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

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Christian Huglo, Jean-Robert Bouyeure, Sabine Forestier, Olivier Akerman et Xavier Chiloux

Jung Allegret, Claude Ducouloux Favard, Kamel Yahmi, Christian Gury, Jean-François Niort, JeanClaude Beaujour, Dominique Inchauspe, Patrice Haffner, Jacques Salès, Claude Klein, David Forest et Gautier Kaufman, Thibault Verbiest, Hervé Temime, Sabine Forestier, Christian Huglo, Mathieu Delahousse et Paul Lignères. 2013-803 Jean-rené Tancrède

Au premier plan et à gauche : Jacques Salès, Lionel Jung-Allégret Les Annonces de la Seine - jeudi 21 novembre 2013 - numéro 65


Jurisprudence

Paris-La Défense : un projet au cœur de l’actualité législative

« Des tours jumelles au détournement de la procédure » Cour de cassation - 1ère chambre civile- 2 octobre 2013 - Pourvoi 12-21152 Une association peut, même hors habilitation législative et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l’emprunt des voies judiciaires, agir en défense d’intérêts collectifs. Son action n’est cependant recevable qu’autant que ceux-ci entrent dans son objet social. L’association qui fait obstacle à l’édification des Tours jumelles du quartier de La Défense, n’établit pas que les actes litigieux portent atteinte aux intérêts collectifs qu’elle représente, elle ne dispose donc pas d’un intérêt légitime à agir.

La Cour de cassation, première Chambre civile, a rendu l’arrêt suivant : Sur le moyen unique : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 mai 2012), que l’association Vivre à La Défense (l’association) a assigné la société Axa France collectives, la société d’HLM Logis transports et la SNC Les Locataires en annulation de l’acte authentique du 2 juillet 2001 par lequel la première a vendu des immeubles à la deuxième et de la promesse de vente en date du 13 décembre 2007 que celle-ci a consentie à la troisième, portant sur les mêmes immeubles ; Attendu que l’association fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable son action, alors, selon le moyen : 1. Que, même hors habilitation législative, et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l’emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu’en déclarant irrecevable l’action de l’association Vivre à La Défense aux motifs que l’exercice d’une action en justice n’était pas expressément prévue par les statuts et ne figurait pas au nombre des moyens dont disposait l’association, la cour d’appel a violé l’article 31 du code de procédure civile, ainsi que les articles 1er et 6 de la loi du 1er juillet 1901, ensemble le principe du droit à un recours effectif consacrés par les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 2. que, même hors habilitation législative, et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l’emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social, peu important que les intérêts individuels de tous les membres ne soient pas lésés ; qu’en déclarant irrecevable l’action de l’association Vivre à La Défense aux motifs que les personnes dont les intérêts seraient lésés et pour la défense desquels l’association a intenté l’action ne regroupent pas tous ses membres puisqu’il s’agit uniquement des occupants des trois immeubles concernés par la cession de 2001, la cour d’appel a violé l’article 31 du code de procédure civile, ainsi que l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901, ensemble le principe du droit à un recours effectif consacrés par les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 3. que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu’en adoptant expressément les motifs des premiers juges qui avaient retenu que l’association Vivre à La Défense ne pouvait agir pour assurer la protection des habitants du quartier de La Défense face à la destruction urbanistique de leur quartier et à la mise en péril consécutive de leur cadre de vie puisque cela ne ressortait pas de son objet social, tout en constatant, par motifs propres, que l’action diligentée par l’association était conforme au but énoncé à l’article 2-1 de ses statuts consistant à s’intéresser à l’amélioration des conditions de vie des riverains, de séjour des actifs ou des visiteurs du quartier de La Défense, de les réunir et de défendre leurs intérêts, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4. que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à l’absence d’autres voies de recours ; qu’en déclarant irrecevable l’action de l’association Vivre à La Défense aux motifs que le projet d’urbanisme contesté nécessitait l’obtention d’un permis de démolir et de construire qui pourraient être ultérieurement déférés devant le tribunal administratif, la cour d’appel a violé l’article 31 du code de procédure civile, ainsi que les articles 6 § 1, 11 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 5. que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à ce que le but poursuivi par l’action soit définitivement atteint ; qu’en déclarant irrecevable l’action de l’association Vivre à La Défense aux motifs que l’annulation des actes de vente ne serait pas de nature, à terme, à faire obstacle à la modification du paysage urbain de la défense, la cour d’appel a violé l’article 31 du code de procédure civile, ainsi que les articles 6 § 1, 11 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Mais, attendu que, si une association peut, même hors habilitation législative et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l’emprunt des voies judiciaires, agir en défense d’intérêts collectifs, son action n’est cependant recevable qu’autant que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu’indépendamment du motif erroné mais surabondant selon lequel l’exercice de l’action de l’association devait être prévue par ses statuts, c’est par une appréciation souveraine qu’après avoir relevé que l’association tendait à faire obstacle au projet d’édification de deux tours, la cour d’appel a retenu, eu égard à l’objet social qui était la représentation et la défense des locataires et occupants des immeubles du quartier de La Défense à l’égard, d’une part, des propriétaires et/ou copropriétaires réunis en syndicat ou non ou des tiers, personne physique ou morale de droit privé, d’autre part, de toute administration, collectivités territoriales ou des tiers, personne de droit public ou para-publique, que l’association n’établissait pas que les actes litigieux portaient atteinte aux intérêts collectifs qu’elle représentait et, partant, ne disposait pas d’un intérêt légitime à agir ; qu’elle a, ainsi, par ce seul motif, excluant tout motif contraire des premiers juges, légalement justifié sa décision ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne l’association Vivre à La Défense aux dépens ; Note par A. Coriolis 1. Une jurisprudence bien établie Par acte introductif d’instance du 23 août 2010, l’association Vivre à la Défense a assigné la société Axa France Collectives, la société d’HLM Logis Transports et la SNC Les Locataires en annulation de l’acte authentique du 2 juillet 2001 par lequel la première a vendu des immeubles à la deuxième et de la promesse de vente en date du 13 décembre 2007 que celle-ci a consentie à la troisième, portant sur les mêmes immeubles. Par arrêt en date du 3 mai 2012, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement qui avait déclaré irrecevable l’action intentée par l’association. Le pourvoi pose la question des conditions de recevabilité d’une action engagée par une association régie par la loi de 1901, au regard des exigences de l’article 31 du code de procédure civile[1].

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Jurisprudence La jurisprudence de la Cour de cassation est à cet égard constante. Elle considère que les juges du fond doivent s’attacher avant tout à se référer à l’objet social de l’association, afin d’apprécier le droit d’agir. Ils doivent rechercher si la demande en justice entre dans le cadre de l’objet social donnant mission à ladite association de prendre toute initiative judiciaire nécessaire à la défense des intérêts collectifs de ses membres. Si la violation alléguée cause à l’association un préjudice collectif, direct et personnel, dès lors que cette violation contrevient aux intérêts collectifs et individuels de ses membres qu’elle était chargée de défendre dans le cadre de son objet, la recevabilité de l’action est admise. La Cour de cassation juge que même hors habilitation législative, et en l’absence de prévision statutaire expresse quant à l’emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social sans qu’il soit, en outre, nécessaire que, pour ce faire, les statuts prévoient l’exercice d’une action en justice. Les juges du fond apprécient souverainement le défaut d’intérêt à agir d’une association [2]. Cependant, il lui incombe d’établir que l’acte qu’elle critique porte atteinte aux intérêts collectifs qu’elle représente. En l’espèce, il était constant, d’une part, que, selon ses statuts, l’association Vivre à la Défense avait pour objet : “la fédération, la gestion et la défense des intérêts des locataires et occupants des immeubles du quartier de la Défense, - la représentation et la défense des intérêts des locataires et occupants des immeubles du quartier à l’égard d’une part des propriétaires et/ou copropriétaires réunis en syndicat ou non ou des tiers, personne physique ou morale de droit privé, d’autre part, de toute administration, collectivités territoriales ou des tiers, personne de droit public ou para public ; - l’assistance et l’information aux locataires et en priorité pour ses membres, l’organisation de réunions ou de toute manifestation d’intérêt collectif pour eux”, et, d’autre part, que, au soutien de son action, cette association faisait valoir que les deux actes litigieux étaient contraires à l’objet social de la SNC Les Locataires et avaient été conclus en violation des règles relatives au bail d’habitation et aux logements sociaux et que son action avait pour but, à la fois, “de faire reconnaître l’illégalité des deux actes notariés au regard des dispositions d’ordre public régissant, d’une part, le statut des sociétés anonymes d’HLM et, d’autre part, le droit du logement et de l’habitat et de défendre ainsi l’intérêt collectif des membres de l’association relevant du champ de la citoyenneté”, et, face à la destruction urbanistique de leur quartier, “d’empêcher l’éviction des habitants de ce quartier, éviction motivée par un projet de promotion immobilière”. Le pourvoi est à l’évidence écarté en ce que le but recherché n’est, en ce type de litige, que de nuire aux intérêts des parties engagées dans ce projet. Les procédures abusives et dilatoires en retardent, de façon préjudiciable, le bon déroulement. Ce à quoi le législateur tente de remédier. 2. Une législation en devenir La multiplication des normes législatives et réglementaires, aggravée par les modifications successives dont elles font l’objet, fragilise les projets en les rendant vulnérables aux actions contentieuses. La procédure actuelle favorise le dépôt de recours en raison de sa souplesse, de son caractère plutôt favorable aux requérants et d’un calendrier judiciaire excessivement long (entre deux et quatre ans). Le sujet des recours contre les permis de construire est toujours d’actualité et revient régulièrement sur le devant de la scène législative. Il a pris ces dernières années une tournure inquiétante en raison de leur augmentation et de leur caractère « mafieux » pour certains. Ne faut-il pas encadrer plus strictement l’exercice de recours en matière de permis de construire afin de lutter contre l’acharnement procédural qui s’exerce depuis de nombreuses années dans ces domaines ? Les communes sont de plus en plus victimes de recours abusifs qui ralentissent les chantiers de plusieurs années et freinent le développement économique, social et urbanistique. Les recours abusifs nuisent à la bonne administration de la justice. En encombrant inutilement nos tribunaux, ils mettent à mal le droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Afin de limiter ces recours, des règles spécifiques ont été introduites, mais il s’avère que ces dispositions sont insuffisantes pour prévenir les procédures abusives, notamment du fait que l’amende est rarement prononcée par le juge à l’encontre de l’auteur d’une requête abusive. Il est du devoir du législateur de renforcer la procédure afin de responsabiliser les requérants dans la présentation de leurs recours. Le Gouvernement, particulièrement sensible aux enjeux de l’urbanisme, a demandé à un groupe de travail constitué autour du président Daniel Labetoulle, de formuler des propositions pour lutter contre les recours abusifs tout en veillant à la préservation du droit au recours des requérants. Le rapport de ce groupe de travail a été remis le 25 avril 2013. Parmi les propositions faites, certaines sont de nature à accélérer le traitement contentieux des autorisations d’urbanisme, comme la possibilité, pour le détenteur de l’autorisation de demander au juge de fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne pourront plus être invoqués, ou l’attribution d’une compétence de premier ressort aux cours administratives d’appel pour les projets importants. D’autres visent à lutter contre les recours frauduleux. Dans le prolongement de ces travaux, et sur la base de la loi d’habilitation n° 2013-569 du 1er juillet 2013, le Conseil des ministres du 17 juillet 2013 a adopté une ordonnance relative au contentieux de l’urbanisme. Le Gouvernement doit prendre une série de sept ordonnances pour faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement et accélérer la construction de logements. Pour lutter efficacement contre les recours malveillants, l’ordonnance encadre l’intérêt à agir du requérant dans le temps et dans l’espace. Ainsi, un recours ne sera recevable qu’à partir de la date d’affichage du permis de construire en mairie et que si la construction est de nature à affecter les conditions d’occupation des biens du requérant. De plus, l’ordonnance permet au juge de condamner le requérant de mauvaise foi à verser des dommages et intérêts au bénéficiaire d’un permis de construire, s’il estime que celui-ci a subi un préjudice excessif. Autres aspects : - Si en principe rien ne s’oppose à l’engagement des travaux en cas de recours contentieux contre un permis de construire, en réalité les travaux sont souvent gelés dans l’attente de la purge des recours. Cela tient en partie dans le risque de démolition qui pèse sur le projet en cas d’annulation du permis. Or, il n’est pas logique de faire peser ce risque sur le pétitionnaire qui a régulièrement obtenu un permis de construire, alors que l’illégalité du permis relève de la responsabilité de la ville qui l’a délivré. Il est donc proposé que l’action contre une construction édifiée conformément à un permis de construire soit restreinte à une action en dommages-intérêts. L’action en démolition continuerait en revanche à se justifier dans le cas des constructions sans autorisation. - Pour des projets importants de construction de logements, compte tenu de l’intérêt public qui s’attache à leur réalisation rapide, le délai de traitement des contentieux serait réduit en confiant la procédure, en premier et dernier ressort, aux cours administratives d’appel.

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Cette mesure serait réservée aux opérations de plus de 1 500 m et aux communes de plus de 50 000 habitants. La liste des communes concernées serait fixée par décret. Outre ces pistes de réforme, il serait également intéressant de permettre un contrôle systématique de la recevabilité des requêtes. La mesure que prévoit le gouvernement de limiter l’intérêt à agir des tiers est la bienvenue, mais si la recevabilité est examinée au moment du jugement, cette mesure ne permettra pas de rapprocher le temps judiciaire du temps économique qui est au cœur de la préoccupation des professionnels de l’immobilier. C’est par voie d’ordonnance que le nouveau cadre des recours abusifs sera fixé. Elle devrait être adoptée d’ici à fin 2013. L’idée est de reprendre, pour les requérants individuels, ce qui a déjà été fait pour les associations en fixant des délais pour l’appréciation de l’intérêt pour agir. La proposition tend également à insister sur la notion d’intérêt lésé pour éviter que le seul voisinage entraine une présomption de recevabilité du recours. Il est ainsi proposé d’insérer dans le Code de l’urbanisme un article L. 600-1-2 ainsi rédigé : « Une personne physique ou morale autre qu’une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation délivrée en application du présent code que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente ou de bail. Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, cet intérêt s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ». Les requérants qui souhaitent faire durer la procédure diluent leurs moyens dans des jeux d’écriture successifs. Le groupe de travail préconise l’institution d’une procédure – souple – de cristallisation des moyens. Il est donc proposé d’intégrer dans le Code de l’urbanisme un article R. 600-4, aux termes duquel : « Saisi d’une demande en ce sens, le juge devant lequel a été formé un recours contre un permis de construire ou d’aménager peut, pour tenir compte des effets d’une prolongation de l’instance sur la situation du bénéficiaire de l’autorisation, fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués. Le groupe de travail préconise également l’introduction de deux dispositions : Remplacer l’actuel article L. 600-5 du Code de l’urbanisme par les dispositions suivantes : Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. Après l’article L. 600-5, créer un article L. 600-5-1 ainsi rédigé : Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif, peut surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif intervient dans ce délai, il est notifié au juge qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ». Après avoir rappelé que, dans le cadre du recours pour excès de pouvoir, des conclusions reconventionnelles ne peuvent être présentées pour obtenir la condamnation du requérant à des dommages et intérêts pour procédure abusive, le rapport préconise l’introduction d’une telle possibilité en matière de contentieux de l’urbanisme. Il est donc proposé d’insérer dans le Code de l’urbanisme un article L. 600-7 ainsi rédigé : « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice anormal au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. » Gageons que dans sa grande sagesse le législateur s’empresse d’assainir un contexte procédural délétère et nuisible aux intérêts économiques d’un secteur gravement touché par la crise actuelle. [1] “L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé”. [2] Cass. civ. 1ère, 14 Novembre 2000 : Bull. civ. 2000, I, no 289 : “Vu l’article 31 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que la société Editions Albin Michel a annoncé la publication, le 1er octobre 1998, d’un livre ayant pour coauteurs Mme Rheims et M. Bramly, intitulé “INRI“, sur la couverture duquel figurait l’image d’une femme nue crucifiée, surmontée de l’inscription “INRI“ ; que, faisant valoir que l’exposition publique de cette couverture était de nature à heurter les sentiments religieux d’un certain nombre de croyants, l’association Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l’identité française et chrétienne (AGRIF) a demandé l’interdiction, sous astreinte, de la mise en vente, à défaut de l’exposition publique, du livre en ce qu’il comportait une telle couverture ; Attendu que, pour déclarer l’AGRIF irrecevable en son action, l’arrêt attaqué retient que l’exposition publique de la couverture du livre litigieux ne porte atteinte à aucun des intérêts collectifs que cette association a statutairement vocation à défendre ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il résulte des statuts de l’association qu’elle avait un intérêt légitime à agir contre une publication qui, selon elle, porte atteinte aux sentiments religieux de ses membres qu’elle s’est donné pour objet de protéger, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». Cass. civ. 2ème, 21 Juillet 1986 : Bull. civ. 1986, II, no 119 « Mais attendu que si une association déclarée peut réclamer en justice la réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi, ce n’est qu’à charge d’établir que l’acte qu’elle critique porte atteinte aux intérêts collectifs qu’elle représente ; Et attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel retient que l’UCIA et l’UDCIA, regroupant non seulement des commerçants mais encore des industriels et des artisans, n’établissaient pas que l’ouverture d’un magasin de meubles le dimanche portât atteinte aux intérêts collectifs qu’elles représentaient et, par suite, devaient être déclarées irrecevables en leur action ». Cass. civ. 2ème, 25 Mars 2010 : pourvoi no 09-12.781 : « Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 2009), que soutenant que la campagne publicitaire télévisée effectuée par la société Monsanto agriculture France pour la promotion du désherbant dénommé “Roundup“ comportait des allégations, indications ou présentations fausses et de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles et les conditions d’utilisation de ce produit, l’association des utilisateurs et distributeurs de l’agrochimie européenne (l’association ) l’a fait assigner devant un tribunal de grande instance afin que soit ordonnée la modification du message publicitaire et la diffusion d’un rectificatif ; Attendu que l’association fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable son action ; Mais attendu que sous le couvert du grief de manque de base légale au regard de l’article 31 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation l’appréciation souveraine de la cour d’appel qui, par une décision motivée, a retenu qu’eu égard au contenu et à la destination du message publicitaire incriminé, ainsi qu’à l’objet de l’association, celle-ci ne disposait pas d’un intérêt légitime à agir... ». 2013-804

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Vie du droit

French American Bar Association

Agenda

Cabinet Hogan Lovells - Paris, 12 novembre 2013 Le mardi 12 novembre 2013, la French American Bar Association (FABA) organisait une nouvelle conférence à Paris, dans les salons de réception du cabinet Hogan Lovells, sur le thème « Données personnelles, enjeux et pratiques ». Benjamin André, Isabelle Falque-Pierrotin, Céline Bondard et Winston Maxwell SYNDICAT NATIONAL DES MAISONS DE VENTES VOLONTAIRES « Commissaires-priseurs et Experts au cœur du marché de l’art » Le 25 novembre 2013 Automobile Club de France 6, place de la Concorde 75008 PARIS

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Renseignements : 01 45 72 67 39 contact@symev.org

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ASSOCIATION PALAIS SUD-OUEST Dîner d’automne Le 25 novembre 2013 – 20 heures Aux Produits du Sud-Ouest 21, rue d’Odessa 75014 PARIS 01 46 34 84 84 veronique@vincentcanu.com

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COMMISSION FRANCO-ALLEMANDE DU BARREAU DE PARIS - ASSOCIATION DES AVOCATS ALLEMANDS ETABLIS EN FRANCE (AAF) Journée Franco-Allemande

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rès active depuis sa création à New York en 2007, grâce à cinq avocats aux Barreaux de Paris et New York, la FABA a étendu ses activités en s’installant également à Paris en 2011. Depuis, la FABA a organisé et continue d’organiser de nombreux évènements, conférences, évènements de networking, formations continues, dîners, wine tasting… La vocation de cette association est de favoriser les relations entre professionnels du droit français et américains, qu’ils soient juristes, avocats, professeurs, magistrats… A la fois un forum d’expression cross-border, un endroit où discuter du marché et du droit américain, et où faire du networking à l’américaine, de façon chaleureuse, cartes de visites à la main. L’événement du mardi 12 novembre abordait un thème particulièrement fédérateur, qui touchait spécialistes de la question et non spécialistes, car tout avocat travaillant pour des entreprises est concerné, par l’intermédiaire de ses clients, par la question de la gestion (voire la commercialisation) des données personnelles qu’elle récupère. Près de 70 avocats sont venus assister à cette discussion, où sont intervenus : Isabelle Falque-Pierrotin, Présidente de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), Hélène Legras, Correspondante Informatique et Libertés chez Aréva, Maître Winston Maxwell, associé chez Hogan Lovells,

et Benjamin André, fondateur de la start-up CozyCloud. Cet évènement fut animé par Céline Bondard, avocat pratiquant le droit de la propriété intellectuelle et des affaires, et Présidente de la FABA en France. Chaque intervenant a donné sa perspective sur des questions aussi différentes que : « Qui est propriétaire de données personnelles ? », « Comment gérer les données personnelles dans un grand groupe ? », « Comment se préparer à la nouvelle réglementation européenne alors que nous ne savons pas si celle ci va ou pas être adoptée » ? 2013-805 Jean-René Tancrède

A propos de la FABA Les membres sont : Maître Céline Bondard (Co-fondatrice et Présidente en France), Carole Sabbah (VicePrésidente et Trésorière), Maître Jessica Dillon (Secrétaire Générale), Maître Esther Hagège (Directrice des Relations publiques), Maître Brendan Berne (Directeur Comité de Publication), et Maître Raïssa Bambara (Directrice Comité des Evénements). Pour rejoindre l’association et assister aux évènements écrivez à infoparis@faba-law.com Le prochain dîner de Thanksgiving est prévu le jeudi 28 novembre 2013.

Le 26 novembre 2013 Maison du Barreau 2, rue de Harlay 75001 PARIS Renseignements : 01 44 32 48 08 commissions.ouvertes@avocatparis.org 2013-808

LEGITEAM - VILLAGE DE LA JUSTICE - LAW IN FRANCE 11ème Journée de la propriété intellectuelle & numérique Le 26 novembre 2013 UICP - Espace Congrès 16, rue Jean Rey 75015 PARIS Renseignements : 01 70 71 53 80 salonjuridique@legiteam.fr

2013-809

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS « Comment redonner du sens à la finance ? » Entretien le 28 novembre 2013 Palais Brongniart 28, place de la Bourse 75002 PARIS Renseignements : 01 53 45 60 34 f.gaubert@amf-france.org

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LEADERS LEAGUE 13e Edition des Trophées du Droit Le 28 novembre 2013 Pavillon d’Armenonville Allée de Lonchamp 75016 PARIS Renseignements : 01 70 22 50 90 vkiener@leadersleague.com

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Annonces légales

Conférence des Bâtonniers 1ers Etats Généraux des Ordres Maison de la Chimie - Paris , 3 octobre 2013

(1) En septembre 2013, la Cour de justice de l’Union européenne le 15 et 19 septembre a rendu une quarantaine d’arrêt dont 80 % relatifs au droit de l’entreprise (droit de la concurrence, des marchés publiés, des marques, des aides de l’état, de la politique agricole)... Un arrêt du 4 juillet concerne la législation fiscale, et le régime de l’impôt sur les sociétés, même observation concernant les arrêts rendus le 26 septembre (droit de l’entreprise, Marque, TVA, droit des Sociétés). (2) A Douai dans les années d’avant guerre et d’après guerre, le Bâtonnier Meigné était le maître reconnu de ce savoir faire. Au magistrat de dire le droit, à l’avocat de dire le fait, de son exposé magistral découlait la solution de droit.

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d’entreprises, de celles des Maires et de la société civile. Il répond à leurs préoccupations, pourquoi ? Dans notre société d’aujourd’hui où tout est droit, le juriste doit, tout connaître, du droit national (une diarrhée législative) des normes de cette inflation dénoncée par le Conseil d’Etat, et les plus hautes autorités à laquelle s’ajoute la connaissance des directives communautaires, de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, de la Cour européenne des droits de l’homme, des autorités administratives indépendantes comme l’AMF, en un mot des règles posées par la mondialisation, en particulier dans celui de l’entreprise. S’imaginer comme certains que par « le net » on sait tout est une dangereuse illusion. Dans le domaine de l’entreprise même sur le plan national, le chef d’entreprise ne peut ignorer le Conseil de la concurrence, la jurisprudence de la chambre spécialisée de la Cour de Paris, celle de la Cour de justice(1). A cette question de l’application de la règle de droit au cas d’espèce, à la situation de fait, Anne Lauvergeon a répondu : nos juristes doivent faire appel à des avocats. Au CNB le 4 octobre, même réponse dans un autre domaine de la part des maires de Grenoble et de

Montpellier. Les collectivités locales en dépit de leurs services juridiques internes, doivent faire de même, en raison de l’insécurité de la loi notamment en matière d’urbanisme et du droit de l’environnement. Il en est ainsi dans toutes les disciplines du droit. Franz-Olivier Giesbert, le 4 octobre l’a dit pour celui de la presse, dont la liberté d’expression ne peut ignorer la jurisprudence de la Cour européenne. Aucune discipline n’y échappe même en droit de la famille (déclaration le 4 octobre de Monsieur François Fondard, Président de l’Union nationale des associations familiales), et en droit de la consommation et du dommage corporel. La difficulté en présence d’une législation nationale et européenne est d’appliquer au vu de la jurisprudence la règle de droit(2). Seul l’avocat y répond, telle est la conclusion que nous faisons de ces journées. Les organisateurs Jean-Luc Forget, et Jean-Marie Burguburu peuvent être fiers de cette réussite. La conclusion répond à la question que se pose la profession d’avocat relative à sa place dans la société civile d’aujourd’hui. 2013-812

Marc Bollet et Jean-Luc Forget

Les Annonces de la Seine - jeudi 21 novembre 2013 - numéro 65

A. Coriolis

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L

es Annonces de la Seine ont publié le 7 octobre dernier, le discours du Président du Conseil National des Barreaux, Jean-Marie Burguburu et le 14 octobre 2013, celui du Bâtonnier Jean-Luc Forget Président de la Conférence des Bâtonniers et deux sur quatre des rapports à savoir : l La valorisation de la prestation de l’avocat par Pascal Eydoux et Manuel Ducasse. l Les Ordres et l’Europe par Roland Gras et Michel Bénichou. Un de nos collaborateurs qui a assisté aux travaux des 3 et 4 octobre, des Etats Généraux des Ordres et des tables rondes du CNB nous a fait part, des rapprochements entre d’une part le rapport du 3 octobre aux Etats Généraux de Monsieur le Bâtonnier Marc Bollet, 1er Vice Président de la Conférence des Bâtonniers et de Bernard Chambel, ancien Président, intitulé : « L’Avocat et l’économie » d’autre part. En écoutant Marc Bollet et Bernard Chambel, ainsi que les grands témoins en particulier Anne Lauvergeon, il a acquis la conviction que ces communications répondent « à l’interrogation de la place de l’avocat dans la société d’aujourd’hui ». L’Avocat est le seul à apporter la réponse aux préoccupations des chefs


Décoration

Anne-Sophie Willm Chevalier de la Légion d’honneur Mulhouse, 7 novembre 2013

Vous avez été élue par votre Barreau le 6 décembre 2011. Je ne crois pas aux coïncidences. Elles sont un signe du destin : c’est, en effet, un 6 décembre que Corneille créa le Cid, que Thomas Edison effectua le premier enregistrement d’une voix humaine et que les femmes obtinrent le droit de vote en Turquie. Vous incarnez, en effet, le magistère de la parole, vous partagez avec Chimène le sens de l’absolu et vous avez assumé le rôle éminent de la femme au Barreau en devenant, non pas la première femme Bâtonnier à Mulhouse, mais, étant femme, le premier Bâtonnier de Mulhouse issu des conseils juridiques. Avec l’humilité des êtres rares, vous dites que votre parcours n’a rien d’exceptionnel et vous en dédiez le succès à la chance. Quelle chance ? Celle, dites-vous, « d’être bien entourée et d’avoir rencontré des personnes qui ont suscité en moi des centres d’intérêt ». Vous n’échapperez pas à l’évocation, dont l’honneur me revient, de vos multiples mérites. Mais commençons par rendre à ceux qui vous sont chers, l’hommage qui leur est dû. Vous avez été élevée par Anne-Marie Dreyfus, votre mère, et par votre beau-père, Roger Lévy, qu’elle avait épousé en 1983. Ils vous ont enseigné à ne jamais baisser les bras, à regarder l’avenir sans crainte et à ne retenir du passé que les leçons utiles. « En avant, calme et droit !» comme disent les cavaliers. Telle pourrait être votre devise. Vous devez à vos parents l’ouverture de votre esprit à la musique, à l’opéra, aux arts, en même temps qu’ils vous ont permis de voyager et de découvrir des pays tels que la Grèce, le Sénégal, l’Inde et le Maroc. Vous dites de votre beau-père qu’il était exigeant dans le travail et généreux dans la vie. Il vous a profondément imprégnée des valeurs qu’il servait, mais non pas d’une manière rhétorique et abstraite. Il vous a initiée à la vie professionnelle active puisque vous avez commencé à travailler dans son cabinet d’expertise-comptable après que vous ayez obtenu votre maîtrise en droit privé à Besançon. Il aimait parler avec vous de droit, de la profession d’avocat et de la sienne. Votre élection au bâtonnat lui a procuré une joie profonde. Nul doute qu’il aurait ressenti aujourd’hui une émotion intense à l’heure où la République vous

Anne-Sophie Willm

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’est au Kinépolis de Mulhouse que le Bâtonnier Christian CharrièreBournazel a remis à sa consoeur Anne-Sophie Willm les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur ; l’Officiant s’est exprimé, face à de nombreuses personnalités, en ces termes :

distingue. Hélas ! Il vous a quittée dans le mois précédant celui de votre nomination. Charles Péguy faisait dire à Jehanne, parlant à la Meuse de son enfance : « Quand nous reverronsnous ? Et nous reverrons-nous ? ». Je demeure persuadé que nous ne sommes pas pour toujours séparés de ceux qui nous ont le plus aimés et de qui nous avons tant reçu. Cette ouverture au droit et au métier d’avocat, vous la tenez aussi de votre grand-mère maternelle qui a veillé sur votre éducation comme sur celle de votre frère Pierre. Elle aurait voulu être avocat. Elle a été couturière, dites-vous. Ce n’est pas rien que d’accomplir, dans la ligne de ceux qui nous ont élevé, le rêve qu’ils avaient conçu pour eux-mêmes. Il s’incarne dans des signes forts : vous portez aujourd’hui encore la robe qu’elle vous avait offerte. Votre vie professionnelle a commencé en 1990 en qualité de conseil juridique. Trois ans plus tard, vous avez intégré le Cabinet du Bâtonnier René-Jean Zimmermann. En 1993, la fusion entre les professions d’avocat et de conseil juridique date de deux ans. Le Bâtonnier Zimmermann fut de ces esprits ouverts qui comprirent tout de suite que cette réforme devait offrir à nos contemporains une palette élargie de compétences et mettre un terme à la division entre le judiciaire et le juridique. Vous lui êtes redevable de la confiance qu’il fit aux jeunes conseils juridiques d’il y a vingt ans en les intégrant dans son cabinet pour les former au métier d’avocat. C’est ainsi qu’il vous

conduisit à la prestation de serment le 9 mai 1995 devant les magistrats de la Cour d’appel de Colmar. Pendant neuf années, vous avez été avocate au sein de la SCP Zimmermann, Samuel Weis & Bialek où vous avez appris votre métier. En septembre 2002, vous avez intégré le cabinet Fidal dans lequel vous exercez toujours. Vous êtes l’exemple même de ce désir d’unité sans lequel la nouvelle profession ne se serait pas épanouie. Elle doit beaucoup à des confrères aînés comme votre ancien Directeur, Maître Adrien Eber, fondateur du Barreau Mulhousien et avocat spécialisé en droit fiscal, qui vous a intéressée à la vie de votre Barreau. C’est lui qui vous a poussée à vous présenter au Conseil de l’Ordre en 2005 et vous avez bien fait. Vous avez souhaité que soit rendu hommage à Maître Adrien Eber dont la largeur de vue mérite d’être saluée. Il vous a incitée à intégrer le Centre de médiation et d’arbitrage de Mulhouse, vous a ouvert d’autres horizons du droit et de la pratique professionnelle en vous initiant notamment aux modes alternatifs de règlement des conflits. Et comme toujours, les grands maîtres sont ceux qui manifestent une confiance forte en leurs collaborateurs. Il est vrai aussi que pour ce qui vous concerne, ils ne se trompaient pas. C’est en 2010 que votre prédécesseur, Madame le Bâtonnier Marie-Thérèse Stah, vous a poussée à vous présenter à la fonction de Bâtonnier.

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Parce que vous êtes très naturellement davantage préoccupée de rendre service que de jouir d’une gloire, vous avez longuement réfléchi. Vous avez, à ce sujet, une formule particulièrement heureuse : « Ma réflexion a été longue et mon acte de candidature assez douloureux, jusqu’au jour où je me suis sentie pleinement investie ». La Chimène de notre confrère Corneille s’exclamait : « Maudite ambition, détestable manie, Dont les plus généreux souffrent la tyrannie ! Honneur impitoyable à mes plus chers désirs, Que tu vas me coûter de pleurs et de soupirs ! ». (Le 6 décembre de votre accession au bâtonnat, comme je le disais tout à l’heure, est aussi celui de la création de Chimène !). Mais le sacre transforme et vous faites partie de celles et ceux qui, tous les matins, investis de cette charge exceptionnelle, songent à la façon d’être, tout au long du jour, à la hauteur de l’honneur que l’on leur a confié. Vous avez donc commencé votre travail en mettant en œuvre des réformes dans le cadre de l’audience civile et en travaillant au rétablissement de bonnes relations entre magistrats et avocats. Vous l’avez fait dans un partenariat marqué du souci de l’écoute, empreint de confiance et de respect mutuel avec les Présidents du Tribunal de grande instance, Monsieur Jean-François Beynel puis Madame Françoise Bardoux, et le Procureur de la République, Monsieur Hervé Robin. Je les salue avec toute la considération qu’ils méritent comme vous tenez à le faire vousmême en cette solennelle occasion. Vous évoquez comme une chance d’être « merveilleusement entourée » - ce sont vos propres mots - par un conseil de l’Ordre dynamique et responsable, des prédécesseurs toujours disponibles, généreux et précieux dans leurs conseils, des homologues avec lesquels vous partagez des moments de pure amitié, des collègues qui vous sont chers et un Barreau qui vous motive tous les jours. Je ne fais que paraphraser ce que vous m’en avez dit.

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Christian Charrière-Bournazel et Anne-Sophie Willm Enfin, vous êtes connue pour votre délicatesse, votre modération et votre désintéressement qui vont de pair avec une intense implication dans votre rôle en faveur des deux-cent cinq avocats mulhousiens, comme pour la profession toute entière au sein de la Conférence des Bâtonniers. Votre présence au Conseil National des Barreaux a confirmé les éminentes qualités que je suis heureux, à mon tour, de saluer. Vous y joignez le sens de la modernité. Aucun sujet ne vous rebute : ni celui de l’avocat salarié, ni celui de l’avocat en entreprise, ni la présence de l’avocat partout où le droit est en question puisque le respect de sa déontologie et de son éthique le rendent préférable à tout autre. Je n’ai parlé que de l’avocat et du Bâtonnier. J’ai peu parlé d’Anne-Sophie Willm et de sa relation avec la vie. Elle est pourtant intense et belle.

Mais, toujours modeste et pudique, vous ne parlez pas de vos mérites. Vous êtes toujours davantage préoccupée de célébrer les autres. Je dois à Madame le Bâtonnier Marie-Laure Schott-Riesemann d’en avoir appris un peu plus sur vous. Elle souligne avec une très grande force les qualités dont vous faites preuve : la dignité de la femme avocate, la pleine mesure de votre responsabilité et votre conscience professionnelle ; votre indépendance à l’égard de tous, - magistrats, représentants de la profession, pouvoirs publics -, de sorte que vous êtes, par excellence, le défenseur du Barreau de Mulhouse, de ses valeurs universelles et de ses particularismes propres ; l’humanité que vous manifestez dans l’écoute attentive de tous vos confrères, sans ménager ni votre temps, ni votre peine.

Vous êtes habitée par l’amour de l’art, la passion des autres et la recherche spirituelle. Plus jeune, vous avez suivi des cours de flûte traversière et de violon. À votre amie Marie-Laure qui vous demandait si vous rentriez chez vous après une longue journée de travail, vous avez répondu que vous vous rendiez à des cours de guitare. Vous aimez le piano, le violoncelle et les voix. Vous citez parmi vos compositeurs de prédilection : Bach, Mahler, Tchaïkovski, Rachmaninov, Debussy, Ravel, Stravinsky et Verdi, dont vous émeut particulièrement le Requiem. Mais vous êtes aussi sensible au sport sous des formes multiples : la danse classique, la gymnastique, la natation, le handball et la course à pieds lorsque vous avez un peu de temps. Tout cela s’épanouit dans la lumière discrète d’une quête spirituelle jamais achevée.

Vous ne concevez pas le bâtonnat comme une récompense mais comme un service, une vocation. Vous avez forcé le respect de tous ceux et de toutes celles qui vous connaissent dans votre Barreau et dans le ressort de la Cour. Mon ami le Bâtonnier Jean-Michel Paulus me l’a lui-même confirmé.

Élevée dans une famille juive non pratiquante, née d’un père protestant, vous êtes catholique. Une de vos tantes est religieuse missionnaire en Afrique. Vous êtes allée faire un séjour en mission au Sénégal et vous avez accompli plusieurs tronçons du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle.

Votre recherche mystique doublée d’une soif de vivre dans le souci des autres et le culte de la beauté fait irrésistiblement penser à Péguy : « Que le spirituel couche toujours dans le lit de camp du temporel ! Que le spirituel ne manque point du charnel ! Que Dieu ne manque point de sa création ! ». Ce Dieu auquel nous aspirons et qui nous semble trop souvent distant et silencieux a des motifs d’être content de vous. Les autres, bien réels et bien vivants, vous dédient leur reconnaissance et leur fierté. Ce sont ces hommes et ces femmes qui, tous les jours, croisent votre route et à qui vous faites don du meilleur de vous-même. Il était donc naturel que la République vous marque sa haute estime et sa reconnaissance. Qu’ajouter aux éloquents propos de l’ancien Président du Conseil National des Barreaux ? La récipiendaire est une femme réfléchie et moderne dont les nombreux mérites ont été légitimement mis en lumière par la République. Anne-Sophie Willm a prêté serment le 9 mai 1995 et a commencé sa brillante carrière en qualité de conseil juridique dès 1990, elle a ensuite mené de nombreux combats, avec clairvoyance et détermination, pour défendre les intérêts de ses confrères et de leurs clients, notamment depuis son élection le 6 décembre 2011 en qualité de Bâtonnier de Mulhouse. Cette brillante avocate sait écouter et conseiller, elle inspire confiance et ses compétences reflètent son ouverture d’esprit et forcent le respect de ceux qui ont la chance de la connaître. Sa passion pour les autres n’a pour égale que sa permanente quête d’excellence. Nous adressons nos amicales et chaleureuses félicitations à celle qui exerce avec passion, authenticité, loyauté et courage son métier. Conjuguant avec talent compétence et simplicité, elle honore ainsi sa profession. 2013-813

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Jean-René Tancrède


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