Edition du lundi 2 décembre 2013

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LES ANNONCES DE LA SEINE Jean-Bertrand Drummen

VIE DU DROIT

Conférence Générale des Juges Consulaires de France - Le statut du juge consulaire par Jean-Bertrand Drummen ............................................... 2 - Économie et Droit : la justice économique incarnée par les tribunaux de commerce par Xavier Aubry ............ 5 l Conseil National des Greffiers des Tribunaux de commerce ............................................... 8 - L’authenticité, clé de voûte d’une justice commerciale efficace par Frédéric Barbin ......................... 8 l Forum juridique international de Saint-Pétersbourg à Paris - Renforcer le dialogue entre les cultures juridiques par Vincent Lamanda ........................................................ 24 l

ENTRETIEN l

Avocat et médiateur : deux postures antinomiques ? par Michèle Jaudel ....................................................... 12

JURISPRUDENCE l

Crèche Baby Loup - Cour d’Appel de Paris - Arrêt du 27 novembre 2013 ....... 13

ANNONCES LÉGALES ............................................ 15 SOCIÉTÉ l

Haute autorité pour la transparence de la vie publique ................................................................ 23

SUPPLÉMENT l

XIVème Session des Journées Juridiques du Patrimoine

Conférence Générale des Juges Consulaires de France

C

Paris, 29 novembre 2013

hristiane Taubira a honoré de sa présence la séance solennelle du Congrès National des Tribunaux de Commerce qui s’est déroulée vendredi dernier à la Maison de la Chimie à Paris, l’occasion pour le Président Jean-Bertrand Drummen de saluer la qualité des débats et des échanges avec la Chancellerie sur les sujets d’actualité qui intéressent les magistrats de l’économie tels que l’échevinage, la présence du Ministère Public aux côtés du Tribunal de Commerce, la formation initiale et continue, l’office du juge, la carte judiciaire, les procédures collectives… et de rappeler que les tribunaux de commerce apportent une contribution efficace à l’économie française. Cette année, c’est Xavier Aubry, Président de Chambre au Tribunal de Commerce de Versailles, qui a présenté le rapport général ayant pour objet :

« Economie et droit : la justice économique incarnée par les tribunaux de commerce ». Acteurs majeurs de la réforme des tribunaux de commerce, les principes et recommandations dégagés dans ce remarquable rapport prouvent que « le juge consulaire reste, sans conteste, le praticien expérimenté et reconnu de la justice économique ». Arrivant au terme de son mandat dans quelques jours, Jean-Bertrand Drummen, convaincu de la nécessité de pérenniser et de promouvoir la justice commerciale à la française, a tenu à livrer un message pour l’avenir : « Soyez des juges en mouvement, ouverts sur l’avenir, en phase avec les mutations de la société, l’internationalisation et l’économie numérique car le besoin de justice et d’apaisement est grand ». Jean-René Tancrède

J OURNAL O FFICIEL D ʼA NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE

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Lundi 2 décembre 2013 - Numéro 68 - 1,15 Euro - 94e année


LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr

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Le statut du juge consulaire

Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05

par Jean-Bertrand Drummen

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Didier Chotard Frédéric Bonaventura

Commission paritaire : n° 0718 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 13 061 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de lʼAtlas - 75019 PARIS

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Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de lʼannonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les lignes de titres nʼexcéderont pas lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lʼannonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. Lʼespace blanc compris entre le filet et le début de lʼannonce sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de lʼannonce et le filet séparatif. Lʼensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de lʼannonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début dʼun paragraphe où dʼun alinéa sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans lʼéventualité où lʼéditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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l y a un an dans cette même salle Christian Vigouroux, Directeur de Cabinet de Christiane Taubira à l’époque, saluait les juges consulaires, soulignait que le pays avait besoin d’eux, que les juridictions consulaires étaient au carrefour d’enjeux essentiels pour l’avenir du pays. Il indiquait encore et je le cite « nous rechercherons ensemble les adaptations nécessaires à apporter au fonctionnement des juridictions commerciales et aux procédures collectives ». Je soulignais pour ma part que notre détermination à préserver une belle exception française admirée par nos amis européens et notre culture séculaire n’interdisait nullement l’évolution. J’ajoutais que l’esprit d’ouverture et le sens du devoir nous animaient et que nous étions prêts dans la confiance partagée à rechercher les voies du progrès. Précisément, un travail considérable est intervenu depuis lors. Nous l’avons mené dans cet esprit. L’installation du groupe de travail sur la justice commerciale le 5 mars 2013 a été le moment fort de l’année qui s’écoule. En effet, Madame la Garde des Sceaux, d’emblée vous avez dit puis rappelé que cette démarche ne s’inscrivait pas dans un acte de défiance vis-à-vis de la justice commerciale contrairement à ce qui avait pu être dans le passé. Vous nous avez invités, selon vos propres paroles, à réfléchir ensemble, à construire ensemble une justice commerciale qui sera modernisée là où elle a besoin de l’être, qui sera consolidée là où c’est nécessaire. Vous avez souhaité qu’un climat de « confiance et de respect » mais également de « franchise » préside à la réflexion à laquelle vous nous invitiez. Vous avez été entendue. Un travail approfondi a été mené, tous les acteurs concernés ont pu s’exprimer lors des nombreuses réunions qui se sont tenues, des contributions écrites ont été versées aux débats. L’approfondissement des thèmes soumis aux groupes de concertation a permis d’aboutir sur de nombreux points. Le nouveau déploiement de la formation initiale et continue est déjà engagé grâce à l’Ecole nationale de la magistrature et à la relation particulièrement constructive que nous entretenons avec elle. Le livret de formation remis à chaque juge concrétise ces avancées. Il m’est agréable de saluer le Directeur de l’Ecole qui nous fait l’amitié d’être parmi nous et lui dire combien nous serons heureux de poursuivre notre collaboration lorsque demain la formation sera obligatoire, l’un des points majeurs de la réforme. L’éthique : la morale, et la déontologie : les règles qui la servent, sont un sujet inépuisable. Il est au cœur des exigences que le justiciable est en droit d’attendre de tout juge. Les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 doivent être respectées scrupuleusement. Si l’impartialité du juge est un point clef, la perception de son impartialité par l’opinion l’est tout autant. Le recueil des règles de déontologie publié par la Conférence en 2008, l’engagement solennel déclinant le serment adopté par la Conférence l’année passée et comportant une déclaration d’intérêt, les travaux du Conseil national des tribunaux de commerce seront une base solide

Jean-Bertrand Drummen pour établir le document complet et actualisé que vous avez demandé. D’autres mesures seront les bienvenues et parmi elles, la présence d’un juge déontologue au sein de chaque juridiction ou même parfois d’un comité d’éthique, un pouvoir disciplinaire donné au chef de juridiction, au président du tribunal de commerce, à la Conférence, la révision de la procédure de saisine de la commission de discipline. La présence du ministère public aux côtés du tribunal de commerce est souhaitée. Nous le réaffirmons. Le ministère public, gardien de la loi, gardien de l’ordre public économique est gage de sécurité. L’expérience montre combien est fructueuse la relation confiante entre le Parquet et le Tribunal. Le problème des moyens ne nous échappe pas et à cet égard nous ne pouvons que nous réjouir de savoir que la création de 8 postes de parquetiers est inscrite au budget 2014 de la Chancellerie. L’ancrage de la justice consulaire dans la grande famille judiciaire à laquelle nous sommes fiers d’appartenir devrait être abordé par la réforme. Aujourd’hui, les présidents des tribunaux de commerce entretiennent des relations suivies avec les chefs de juridiction, les juges du commerce suivent parfois des formations avec des magistrats professionnels et dispensent toujours avec eux en duo la formation. Demain pourra être généralisée l’assistance de juges consulaires aux délibérés des cours d’appel comme c’est le cas à la Chambre commerciale de la Cour de Cassation et instauré le dialogue annuel sur la performance renforçant ainsi la relation avec la hiérarchie judiciaire. Enfin, le statut du juge consulaire qui fait défaut pour l’instant énoncera les droits et devoirs du juge et présentera et regroupera les textes du Code de procédure civile concernant son office, du Code de commerce et du Code de l’organisation judiciaire et peut être puisera dans l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature des éléments à reprendre pour le juge consulaire. Ce sera l’occasion de traiter enfin de questions lancinantes que sont la garantie fonctionnelle et le remboursement des frais de fonction exposés par le juge bénévole notamment ceux qui sont liés à la formation. Ainsi nombreux sont les points de consensus qui ont été développés et parfois même sont prêts. Ils constitueront le fond de la réforme. Bien sûr, il y avait des points de divergence. Ils se nommaient échevinage ou mixité. Je me suis

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Vie du Droit


Vie du Droit commerciale sans idée préconçue faisant sienne la devise « réformer sans stigmatiser », le climat ainsi créé doit permettre une mutuelle compréhension. C’est dans ce sens que nous avons répondu à chacune des propositions formulées dans le rapport de la mission. Nous savons également que la Cour des comptes ayant visité plusieurs tribunaux et rencontré la Conférence a remis ses conclusions. La Cour pose la question de la carte judiciaire – point qui n’est pas à l’ordre du jour, aujourd’hui, m’avez-vous dit – et met l’accent sur l’obligation de la formation des juges consulaires et le renforcement des règles déontologiques pour améliorer le fonctionnement des juridictions commerciales. Ce sont là des recommandations approuvées par tous tant par la Chancellerie que les juges consulaires. La Cour, par ailleurs, ne voit pas l’intérêt de l’échevinage mais relève son coût.

C’est avec satisfaction que nous avons pris connaissance du rapport d’information au nom de la commission des lois du Sénat du 9 octobre 2013 intitulé « pour une réforme pragmatique de la justice de première instance » qui dans sa recommandation n°15 propose d’étudier l’extension des compétences des tribunaux de commerce pour en faire des tribunaux économiques aux compétences élargies à l’ensemble des entreprises. Cette recommandation a notre plein soutien. Elle rejoint nos propres propositions. Par ailleurs, ce même rapport cite la suggestion allant dans le même sens de la Conférence nationale des présidents de tribunaux de grande instance d’étendre la compétence du tribunal de commerce à l’ensemble des entreprises quel que soit leur statut. Et c’est encore la compétence des tribunaux de commerce qui a été retenue dans la proposition de loi intitulée « redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel ». Le rapport de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale énumère les différentes options envisageables quant au choix du juge dans

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déjà exprimé sur ce sujet à plusieurs reprises et notamment lors du congrès annuel de 2012. Je n’y reviendrai pas sauf et c’est capital pour saluer la qualité des travaux et des échanges intervenus depuis un an sur ce sujet sensible. La qualité des échanges que j’ai eu l’honneur d’avoir avec vous Madame la Garde des Sceaux lors des audiences que vous m’avez accordées, avec Madame Isabelle Goanvic, Conseillère en charge de la réforme, qui a toujours fait preuve d’une écoute attentive et d’une grande disponibilité, la qualité des débats menés au sein des groupes de réflexion mis en place le 5 mars 2013 doit être rappelée. Grâce à cette concertation les faits et l’objectivité ont trouvé leur place. Les multiples témoignages de satisfaction venus d’horizons divers adressés à la justice consulaire portant sur sa connaissance de l’entreprise et du milieu au sein duquel elle évolue, la qualité et la célérité de ses décisions, sa jurisprudence innovante mais jamais contra legem ont été et sont autant d’encouragements à accroitre encore une efficacité reconnue ; et à laisser de côté des idées de réforme inutiles, perçues comme une marque de défiance et de déresponsabilisation, qui auraient été à l’encontre de l’objectif poursuivi. L’efficacité n’aurait pas été accrue. C’est une autre juridiction commerciale qui aurait pris la place de l’actuelle. La concertation et le débat loyal que vous avez voulus, Madame la Garde des Sceaux, et la réflexion franche et directe menée par les différents acteurs ont permis de s’en convaincre. A cet égard, s’agissant du rapport de la mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale qui nous a auditionnés, si même des passages ont heurté les juges consulaires, nous retenons que la mission affirme mesurer pleinement les services rendus par les juridictions commerciales au cours des cinq derniers siècles, constate qu’elle est apte à concevoir des solutions pragmatiques et à élaborer une jurisprudence créative et innovante et remplit sa fonction d’une façon satisfaisante. La mission souligne encore « qu’elle a pleinement conscience de la nécessité de pérenniser et de promouvoir la justice commerciale à la française ». Elle ajoute qu’il est toujours possible d’améliorer son fonctionnement et l’efficacité que le justiciable est en droit d’attendre. Mais nous l’avons dit, nous faisons nôtres ces objectifs. Et comme la mission a abordé les enjeux liés à la définition de la justice en matière

la phase juridictionnelle. Les parlementaires auteurs de la proposition de loi ont retenu la compétence des tribunaux de commerce. Nous y voyons une marque de reconnaissance. Enfin, l’audition des juges consulaires par le groupe de travail conduit par Didier Marschall, Premier président de la Cour d’appel de Montpellier sur « les juridictions du XXIème siècle » leur a donné l’occasion de constater l’attitude positive des membres du groupe à l’égard de la justice consulaire. C’est par ailleurs avec le plus vif intérêt que nous avons assisté le 29 octobre dernier à la présentation par vos soins du processus de préparation des réformes judiciaires devant répondre à la difficile situation des juridictions, entamer des réformes profondes de l’institution judiciaire, de ses modes de fonctionnement et de son organisation afin de répondre à l’objectif de garantir une justice de qualité, disponible pour tous selon ses besoins. A sa place, l’institution consulaire apportera sa contribution. Elle vous est acquise. Ainsi les différents travaux auxquels la Conférence a participé au sein de plusieurs instances ont mis en lumière l’action reconnue de la juridiction consulaire au service de l’intérêt général. Les témoignages recueillis l’ont conforté dans sa volonté de préserver la spécificité des tribunaux de commerce et son ambition de progresser. J’aimerais maintenant aborder deux points dont l’examen se poursuit : la spécialisation et le réforme du droit des entreprises en difficulté. La spécialisation a fait l’objet d’échanges approfondis. Qui aujourd’hui pourrait en nier les avantages, ne pas admettre qu’elle est présente dans toutes les disciplines, et que le droit n’y échappe pas. Gardons-nous de livrer les mauvais combats. Ceci étant, s’agissant des juridictions commerciales, nous observons que la spécialisation des juridictions est en place depuis les décrets de 2005 et 2009 pour ce qui est des pratiques anti-concurrentielles et des pratiques restrictives de concurrence. Que pour ces dernières en particulier, il serait certainement utile d’augmenter le nombre de tribunaux compétents pour en connaître. Huit tribunaux, c’est trop peu quand on sait que les pratiques restrictives recouvrent notamment les ruptures abusives des relations contractuelles et le non-respect des règles régissant les conditions de paiement, domaines pour lesquels les tribunaux de commerce au fond ou en référé se doivent d’être mobilisés. Et subtil distinguo, les tribunaux de commerce restent compétents pour sanctionner le non-respect des conditions de paiement mais seuls certains, huit d’entre eux, le sont pour sanctionner les règles contractuelles les régissant non conformes à la loi ou manifestement abusives. Quant aux procédures collectives, la spécialisation de fait existe. Nous l’avons dit et écrit. Les dossiers les plus lourds concernant les entreprises ou groupes d’entreprises ayant un effectif de 300 salariés et plus sont traités par les tribunaux les plus importants qui disposent de chambres spécialisées ; les statistiques de l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) pour les années 2010, 2011 et 2012 en apportent la preuve – 25 procédures concernant des entreprises de 300 salariés ou plus ! - et quand un dossier lourd est affecté à un tribunal de moindre importance dans un secteur géographique ouvrant grandes les portes de la passion et des débordements médiatiques, la procédure de renvoi est toujours possible, notre Code de commerce le prévoit pour autant que « les intérêts en présence », y compris l’efficacité économique, le justifient.

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Vie du Droit Les tribunaux de renvoi composés de juges consulaires existent. Encore faut-il que ces dispositions soient appliquées. Aussi à partir d’un seuil à fixer la saisine du premier président pourraitelle être obligatoire. La situation où ni le président du tribunal ni le ministère public n’agissent serait évitée. Les intérêts en présence seraient nécessairement examinés. Qui pourrait contester qu’ils le soient ? L’examen de la situation dicterait la décision et non une règle abstraite ignorant les faits. La réforme du droit des entreprises en difficulté est un autre point de consensus et non des moindres. Les juges consulaires y sont très attachés, la prévention est en effet une création de la jurisprudence des tribunaux de commerce, son développement est le fruit de l’engagement des juges et ses résultats bénéfiques ne sont plus à démontrer, en ce moment, tout particulièrement. Inculquer la culture de l’anticipation a été et demeure la mission du juge du commerce ; la prévention est un bouleversement culturel quand on sait que dans un passé qui n’est pas lointain, le dirigeant d’une entreprise en difficulté avait comme premier réflexe de fuir le tribunal. Femme ou homme d’entreprise, le juge consulaire est apte à comprendre un dirigeant fragilisé. Parler le même langage permet la compréhension. Aussi la Conférence a-t-elle porté le plus grand intérêt au programme de simplification du mois de juillet 2013 qui annonçait une réforme du droit des entreprises en difficulté et au projet de loi d’habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. L’institution consulaire soutient notamment les mesures favorisant le recours aux mesures ou procédures de prévention réputant non écrites les clauses dissuasives, renforçant la conciliation et ses effets. Elle marque son intérêt pour les mesures audacieuses concernant la reconstitution des fonds propres et la procédure de réduction et d’augmentation du capital permettant à un tiers s’engageant à respecter le plan de redressement d’y entrer. La possibilité pour les créanciers de soumettre des propositions aux comités des créanciers est positive comme l’est l’institution d’une procédure de sauvegarde anticipée consacrant la jurisprudence des tribunaux de commerce. L’instauration d’une procédure de rétablissement personnel sans liquidation mais après enquête sous l’autorité du juge et avis du ministère public évitera les dérives et sera bienvenue. Il s’y ajoute certaines mesures déjà prises comme la suppression depuis le 9 septembre dernier du code 040 entravant le rebond du chef d’entreprise ayant subi un revers. La Conférence à l’instar d’autres instances militait en ce sens. C’est un sujet de satisfaction. Sans doute faudrat-il songer maintenant à réviser les cotations 050 et 060 frappant ceux qui courageusement préparent ou exécutent un plan de sauvegarde ou de redressement. Le projet de réforme de la juridiction commerciale a inquiété, il inquiète encore les juges du commerce. Mais un travail considérable a été fourni et ils l’ont abordé avec l’ouverture d’esprit et la hauteur de vue dignes d’un juge. Dans le même temps, leur détermination à préserver la spécificité des tribunaux de commerce, leur raison d’être, a été exprimée comme l’a été leur volonté de progrès. Le travail approfondi mené a permis de constater une nouvelle fois que la justice commerciale est œuvre commune – thème de notre congrès

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national de 2010. L’union est sans nul doute un gage de succès. Qu’il me soit permis ici de saluer le barreau, il n’y a pas de bonne justice sans bons avocats, les greffiers qui font partie du tribunal de commerce, sont à nos côtés et remplissent une mission de service public, les administrateurs et mandataires judiciaires dont la tâche toujours complexe est souvent délicate sinon ingrate et encore les commissaires aux comptes et les experts comptables dont le rôle est irremplaçable en matière de prévention, en raison de la confiance dont ils jouissent auprès des dirigeants d’entreprises, les experts de justice, les commissaires-priseurs, les huissiers de justice, les universitaires qui nous font partager leur savoir. De même et au-delà des frontières, les échanges que nous avons avec les juges du commerce étrangers sont d’un grand apport. Notre adhésion cette année à l’Association européenne des juges du commerce consacre les relations amicales que nous entretenions avec elle et son président, Rainer Sedelmayer, qui nous fait l’amitié d’être présent aujourd’hui parmi nous. Madame la Garde des Sceaux, le vaste chantier de réflexion commune, de concertation, que vous avez ouvert a permis l’expression libre et approfondie sur tous les sujets y compris les plus délicats. La franchise que vous appeliez de vos vœux a été présente.

Je vous remercie des tribunes que vous nous avez offertes et des paroles que vous avez prononcées lors de leur installation. Nous avons pu nous concerter et si je me réfère à la définition du tome III du nouveau Larousse illustré dictionnaire universel encyclopédique - se concerter signifie « délibérer sur un projet qu’on veut exécuter de concert ». Que cette définition soit une réalité, que tous les acteurs rassemblés sous votre égide puissent participer avec un enthousiasme renouvelé, le seul moteur des juges consulaires, à l’exécution d’un projet abouti au service de l’intérêt général. Alors, les conditions du succès de la réforme seront réunies. L’intérêt porté à l’entreprise par le juge du commerce traduit celui qu’il porte à l’économie. La justice économique incarnée par les tribunaux de commerce est un fait. Il conduit à l’élargissement de la compétence d’attribution de la justice commerciale que certains, nous l’avons vu, appellent de leurs vœux. Tel est le thème de notre congrès. Ce beau sujet traité par les rapporteurs régionaux et qui sera présenté par le rapporteur national illustre le rôle des tribunaux de commerce en phase avec une réalité qui s’impose, celle de l’économie, ce que soulignait, il y a peu, un membre éminent du Conseil constitutionnel lors d’un colloque consacré au droit de la distribution en France. C’est une réflexion d’importance, elle rejoint l’évolution de notre société ; elle met en lumière le rôle de nos tribunaux. Que nos rapporteurs soient remerciés. Maintenant, je vais m’adresser à vous, mes chers collègues, pour la dernière fois car vous le savez, mon second et dernier mandat prendra fin dans quelques jours.

Lors des congrès régionaux dont j’ai eu maintes fois l’occasion d’apprécier la qualité et l’intérêt pour les participants mais également pour notre environnement, les autorités qui nous entourent, j’ai été vers vous, je vous ai rencontrés, entendus, j’ai pu m’exprimer et cette année sur le sujet de la réforme qui nous tient tant à cœur. Chaque fois j’ai mesuré l’intensité de votre engagement bénévole, le ressort qui l’anime, celui de servir. Peu de femmes et d’hommes sont aujourd’hui prêts comme vous à donner de leur temps, de leur énergie sans autre retour que celui d’accomplir un devoir qu’ils ont choisi de remplir. Si les chiffres traduisent très imparfaitement votre action, les 966.528 décisions non comprises, les mesures conventionnelles que vous avez rendues en 2012, dernières statistiques connues, méritent d’être citées. Soyez en remerciés. Comme vous avez su le montrer, soyez des juges en mouvement, ouverts sur l’avenir, en phase avec les mutations de la société, l’internationalisation, l’économie numérique ; le besoin de justice et d’apaisement de notre société est grand. Vous savez, vous saurez y répondre. A cet effet, vous développerez les modes de résolution amiable des différends. L’isolement du juge est une menace. Vous y échappez car vos expériences professionnelles multiples, vos fonctions, vos responsabilités assumées dans le monde économique et social font que vous êtes ouverts aux autres, vous êtes en prise directe avec les choses de la vie, condition première de la pertinence des décisions rendues. Vous savez ce que juger signifie. Vous avez appris que la connaissance du droit, celle de la procédure sont incontournables. Le principe de la contradiction, de l’égalité des armes, la transparence, les garanties de la défense, la publicité sont des sujets qui requièrent une connaissance acquise et pas seulement intuitive. La justice est rendue au nom du peuple français. Quel honneur, quelle responsabilité. Vous en avez pleinement conscience. Par votre intégrité et votre connaissance sans cesse renouvelée des textes et principes applicables vous vous en montrez dignes. Et le serment que vous avez prêté, texte lapidaire qui dit tout vous invite en permanence à la réflexion et à l’introspection. Il requiert votre discernement. La source du progrès réside dans la confiance, la confiance partagée. Condition première de la réforme. Vous donnerez alors votre pleine mesure. L’objectif du pacte national sera atteint. L’efficacité des juridictions commerciales sera encore accrue. Vous en serez les artisans. Et une nouvelle fois il sera démontré que ce sont les femmes et les hommes qui donnent un sens à toute réforme. Cette dernière a naturellement été au cœur de l’activité de la Conférence lors de mon second mandat. Pour ma part avec le Conseil d’administration, avec le Bureau, avec vous, j’ai eu l’ambition de donner de la justice consulaire, l’image qu’elle mérite. Notre esprit d’ouverture n’avait et n’a d’égal que notre détermination. Votre soutien m’était indispensable, vous me l’avez accordé. Je vous en remercie. Chaque étape à son futur, mes chers collègues. Que votre engagement au service de l’intérêt général puisse être la marque de celui qui s’annonce. C’est un vœu que je suis heureux de formuler devant vous, Madame la Garde des Sceaux.

Les Annonces de la Seine - lundi 2 décembre 2013 - numéro 68


Vie du Droit

Rapport au Congrès national des tribunaux de commerce Nous publions ci-après le rapport de Xavier Aubry, Président de Chambre au Tribunal de Commerce de Versailles, intitulé « Économie et droit : la justice économique incarnée par les tribunaux de commerce » présenté par son auteur vendredi dernier au Congrès annuel de la Conférence Générale des Juges Consulaires de France. Face à un sujet aussi vaste, il a relevé le défi en répondant aux questions suivantes : - Dans un environnement économique en évolution permanente comment se positionnent les tribunaux de commerce ? - Comment leur périmètre d’intervention a-t-il évolué ? - Font-ils preuve d’adaptation, voire d’anticipation, au regard des grands mouvements que l’activité économique des hommes et des entreprises connaît depuis plusieurs décennies ? - Les tribunaux de commerce administrent-ils encore seulement la justice entre les commerçants ou ne sont-ils pas devenus les garants d’un bon fonctionnement de l’économie dans le respect des lois ? Jean-René Tancrède

Économie et droit : la justice économique incarnée par les tribunaux de commerce par Xavier Aubry

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’exigence de justice a-t-elle sa place dans les rapports économiques ou bien l’économie serait-elle seulement affaire de rationalité ou d’intérêt ? Selon les premiers auteurs de la pensée économique, l’aiguillon de l’intérêt suffit à rendre une société à la fois performante et juste : par la fameuse «main invisible», le marché attribue à chacun ce qui lui est dû. Le marché n’est ni juste ni injuste et ne s’embarrasse pas de sentiments. La justice serait implicitement incluse dans l’échange. Adam Smith, l’un des fondateurs de l’analyse économique moderne, disait : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. »

Pourtant, si le marché avait les vertus que les penseurs théoriciens du libéralisme économique lui attribuent, les disparités de richesses et les inégalités sociales ne seraient pas aussi considérables. L’harmonie sociale attendue par Adam Smith du bon fonctionnement du marché ressort de l’utopie car une autre considération est à prendre en compte : l’économie met en relation des hommes entre eux et pas seulement des biens. L’échange ne peut se nouer et durer que s’il est perçu comme équilibré et s’exécute dans la confiance. L’exigence de justice dans l’économie découle de cette considération : elle participe à un meilleur équilibre de fonctionnement de la société. L’emprise de l’économie n’a cessé de croître dans notre société. Il n’est pas exagéré de dire que, presque quotidiennement, les sujets économiques dominent l’information : croissance, chômage, déficits publics, difficultés d’entreprises font la une de l’actualité et sont des thèmes qui, bien souvent, supplantent les débats politiques ou sociétaux. Depuis les années 1960, des phénomènes

nouveaux prennent une ampleur considérable et influencent en permanence les décisions des acteurs économiques, que ce soient les individus, les entreprises ou les Etats : la libéralisation des marchés succédant au dirigisme économique d’après-guerre, l’internationalisation des échanges, l’émergence rapide des nouvelles puissances économiques, l’existence d’entreprises mondiales dont le chiffre d’affaires consolidé est supérieur au PIB d’un très grand nombre de pays, le développement de l’économie numérique bouleversant la communication entre les hommes, conduisent à une mondialisation de l’économie redoutée par les uns, encouragée par les autres. Un seul exemple chiffré illustre cette évolution majeure : le commerce mondial a été multiplié par plus de 70 depuis la fin de la deuxième guerre mondiale ; selon les statistiques de l’Organisation mondiale du commerce(1), les échanges internationaux de marchandises ont atteint 17 816 milliards de dollars en 2012 et 4 170 milliards de dollars pour les services commerciaux, en progression respective

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Xavier Aubry

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Vie du Droit où rien n’est figé et aucune position n’est acquise. Les affaires soumises au juge consulaire sont plus complexes, font appel à des montages financiers souvent ardus : la location financière qui connaît un grand développement comme mode de financement des investissements des entreprises ou les LBO (leverage buy out) sont des exemples, parmi d’autres, de la complexification des relations contractuelles à laquelle est confronté le juge. De même, les défaillances, plus fréquentes en raison de la crise économique, d’entreprises multinationales le conduisent à traiter des situations dépassant l’application du droit interne.

Bien souvent, la loi qui fixe le droit, évolue par réaction à des évènements qui la précèdent et est, de ce fait, rarement anticipatrice. Elle vient, a posteriori, corriger des excès ou confirmer des pratiques. Dans l’intervalle, la jurisprudence fait son œuvre d’interprétation et d’adaptation dans le respect des textes légaux et réglementaires en vigueur. Le tribunal de commerce n’échappe pas à cette nécessité, ce d’autant plus qu’il est le premier à connaître les situations ou opérations nouvelles initiées par les acteurs économiques et le juge consulaire, praticien issu de l’entreprise, est sans doute le mieux à même pour mesurer les évolutions et en appréhender les conséquences dans l’application du droit. Pour autant, la juridiction consulaire embrasset-elle toute la sphère des activités économiques ? La première partie de ce rapport tentera de répondre à cette question en examinant les domainesdecompétencedutribunaldecommerce et leur évolution. L’on s’apercevra que cette institution, tout en restant l’acteur principal de la justice économique, doit maintenir sa place face à

d’autres intervenants ou modes de règlements des conflits. Il peut en résulter une dispersion des rôles peu lisible pour le justiciable. La seconde partie sera consacrée à démontrer, à partir des fonctions majeures du tribunal de commerce que sont le contentieux, le traitement des difficultés des entreprises et la résolution amiable des différends, la valeur ajoutée des juridictions consulaires résultant de leurs capacités d’innovation et d’anticipation. Quelques exemples d’initiatives prétoriennes viendront illustrer cette conviction. Mais en même temps, l’environnement dans lequel évolue le tribunal de commerce étant en perpétuel mouvement, l’institution doit s’attacher à rechercher toujours plus d’efficacité dans l’exercice des missions qui lui sont dévolues et des axes d’amélioration seront proposés. En conclusion, seront dégagés quelques principes et recommandations à l’usage du juge consulaire pour qu’il demeure sans conteste le praticien expérimenté et reconnu de la justice économique qu’il a toujours été. Conclusion Générale A l’approche d’une réforme de l’institution consulaire, il n’est pas superflu d’insister sur les atouts des tribunaux de commerce. Leur longévité témoigne de leur insertion dans le système judiciaire français. S’ils n’avaient pas eu leur utilité propre, ils auraient été réformés ou supprimés depuis longtemps. La connaissance par les juges consulaires des problématiques du monde de l’entreprise favorise la reddition rapide de décisions pragmatiques dans le respect de la légalité. La juridiction consulaire n’est pas figée dans un immobilisme séculaire ; tout au contraire, elle fait preuve d’une vitalité et d’une capacité d’adaptation dans ses pratiques et construit par ses initiatives une jurisprudence innovante qui précède bien souvent le droit. Rendue par des hommes et des femmes issus de l’entreprise, la justice consulaire se distingue sur un point fondamental des autres juridictions: elle est ouverte à la recherche de solutions négociées

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de 5 % et de 11 % par rapport à 2011. Entre 2005 et 2011, le commerce mondial a augmenté de 3,7 % en moyenne contre 2,3 % pour le PIB mondial. A titre indicatif, le PIB de la France, cinquième puissance économique mondiale, s’est élevé à 2 609 milliards de dollars (2 032 milliards d’euros) en 2012. L’une des conséquences des mouvements puissants de libéralisation et de globalisation qui traversent le monde économique, est l’apparition de risques nouveaux, notamment financiers, liés à une spéculation débridée et au développement d’une économie virtuelle hypertrophiée et déconnectée des fondamentaux de l’économie réelle sous-jacente. Les crises financières récentes, à commencer par celle des « subprimes » aux Etats-Unis en 2008 et la faillite de la banque Lehmann Brothers puis la crise de la monnaie européenne, ont démontré l’incapacité évidente des marchés à s’autoréguler sans engendrer des corrections violentes. Pour endiguer ces risques financiers déstabilisateurs, les Etats tentent de mettre en place, de manière plus ou moins bien coordonnée, des mécanismes de régulation. De même, l’ouverture des marchés, avec pour corollaire une large concurrence censée être plus favorable au consommateur, nécessite un encadrement qui fixe les règles du jeu sur ces marchés et généralement prévoit la création d’organismes indépendants chargés de vérifier la bonne application de ces règles. Ce besoin de régulation qui doit aller de pair avec une sécurité juridique renforcée est la contrepartie indispensable à un fonctionnement équilibré de marchés libéralisés. Ce « nouveau monde économique » aux frontières ouvertes n’est pas sans répercussion sur le droit et la justice. Notre droit n’est plus seulement national ; il s’imprègne de la règlementation européenne qui vise à instaurer une harmonisation des règles et pratiques des pays de l’Union et doit également intégrer les dispositions de conventions internationales. Les mécanismes économiques et financiers s’imposent de plus en plus au juge et les différentes juridictions, tout particulièrement la juridiction consulaire, doivent répondre aux enjeux d’une économie mondialisée, en mutation permanente

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entre les parties qui doivent être privilégiées par rapport à celles imposées par le juge lorsqu’il tranche le litige. Les solutions négociées sont plus efficaces : elles correspondent à la culture de l’entreprise qui, tous les jours, négocie avec ses clients, ses fournisseurs, ses salariés. En cas de succès, les deux parties sont gagnantes et peuvent continuer à travailler ensemble. Elles sont applicables aussi bien en matière contentieuse que dans le domaine du traitement des difficultés des entreprises. Les outils adaptés à la recherche de solutions négociées existent déjà dans les textes et sont à la disposition du juge : il s’agit de la médiation, de la conciliation, du mandat ad hoc. Les procédures de sauvegarde et de sauvegarde financière accélérée sont aussi le fruit de négociations entre le débiteur et ses créanciers. Il appartient au juge de saisir toutes les opportunités, au cours du déroulement d’une instance, d’orienter les parties et leurs conseils vers un mode de résolution amiable de leurs différends et d’user de son pouvoir de conviction pour les décider à s’y engager. Comme toute institution, la justice commerciale n’est certainement pas exempte de critiques. Celles-ci sont véhiculées depuis longtemps, souvent sans fondement : une trop grande proximité avec les justiciables, une compétence juridique insuffisante, une tendance à juger en équité. Les juges consulaires ne méconnaissent pas certaines de ces faiblesses et sont bien évidemment disposés à y remédier pour garder à leurs décisions le haut degré de qualité attendu par les entreprises. Dans cette perspective, il est important de mettre en exergue quelques préceptes fondamentaux qui, si collectivement et chacun dans son rôle de juge s’en empreignent et les respectent, assureront l’avenir des tribunaux de commerce et justifieront le maintien de leurs spécificités. Pour contrer la critique de compétences prétendument insuffisantes en matière juridique, il n’y a qu’une seule réponse connue et acceptée de tous : c’est la formation. L’expérience professionnelle aussi pointue soit-elle et l’acquisition de connaissances par sa pratique au sein du tribunal ne peuvent permettre au juge consulaire de combler des lacunes juridiques. Le droit est mouvant, complexe ; la jurisprudence évolue. Formation initiale et formation continue sont donc deux ardentes obligations auxquelles le juge doit

se plier pour accroître sa compétence technique et asseoir sa crédibilité vis-à-vis des entreprises et de l’environnement judiciaire. La tenue d’un livret individuel de formation proposé par la Conférence générale, la participation volontaire à des actions de formation et l’orientation vers un quota minimum de formation obligatoire sont autant de mesures qui sont dans l’intérêt du juge et qui ne peuvent que susciter son adhésion. Par ailleurs, le juge consulaire se doit d’avoir un comportement irréprochable dans l’exercice de sa fonction, respecter les règles d’incompatibilités prévues par le Code de procédure civile et le code de commerce et appliquer des règles d’éthique strictes(2). Pour répondre à la critique d’une trop grande proximité du juge consulaire avec les justiciables, la première règle que doit respecter le juge est l’indépendance. Mais comme nous l’avons noté, le respect de critères factuels d’indépendance(3) compte autant que l’indépendance d’esprit. Dans l’affaire du redressement judiciaire de l’entreprise Doux, les décisions prises par le tribunal de commerce de Quimper n’ont pas été juridiquement contestées mais l’existence de liens réels ou présumés entre certains juges et cette entreprise a pu créer des doutes sur la transparence de la procédure et les solutions retenues. L’impartialité du juge est également une règle de comportement essentielle. Gardons à l’esprit ces phrases de Thomas More, humaniste du 16ème siècle, juge au parlement de Londres sous le règne du roi Henri VIII d’Angleterre, écrivant à son ami Erasme : « Je dois dire cependant qu’à mon retour le roi m’a alloué une pension annuelle dont l’importance (...) n’est pas du tout négligeable. Pourtant je l’ai refusée jusqu’à maintenant, et j’ai l’impression que je vais continuer de la refuser ; si je l’accepte, elle met en jeu le poste que j’occupe actuellement à Londres car il me faudrait alors, ou bien le résigner, ou bien ce que je ne voudrais à aucun prix, le conserver quand mes concitoyens peuvent en prendre ombrage ; s’il surgissait quelque difficulté avec le prince au sujet des privilèges, ce qui arrive parfois, ils m’estimeraient moins impartial, moins loyal envers eux, parce que lié au prince par des appointements annuels. » Prévenir les conflits d’intérêt doit donc, pour le juge consulaire, relever du réflexe : c’est une garantie à titre personnel et dans l’intérêt de l’institution consulaire. Il n’hésitera donc pas, le cas échéant, à se déporter(4) si son indépendance peut être mise en doute. De même, le président du tribunal, ou le ministère public, peuvent, en application des dispositions des articles L. 662-2 et R. 662-7 du Code de commerce, demander le renvoi d’une procédure collective devant une autre juridiction si les intérêts en présence le justifient. Une telle délocalisation devrait s’imposer lorsque l’affaire peut avoir des retombées médiatiques importantes. Les textes en vigueur permettent déjà de pallier certains dysfonctionnements réels ou supposés qui seraient reprochés à l’institution consulaire. Il est du devoir du juge de les mettre en œuvre lorsque les circonstances particulières d’une affaire l’exigent. Si la réforme en préparation permet d’améliorer encore l’efficacité des tribunaux de commerce sans bouleverser l’équilibre actuel de l’institution consulaire, le justiciable et l’institution, que chacun d’entre nous sert, ne pourront que s’en louer. 2013-826 (1) Rapport annuel 2012 de l’Organisation mondiale du commerce. (2) Cf. Guide de la Conférence générale : Juges consulaires-Règles de déontologie. (3) Autrement dit, l’apparence d’indépendance. (4) Article 339 du code de procédure civile.

Agenda

CONFEDERATION NATIONALE DES AVOCATS 39ème Salon européen de l’avocat et du droit

Les 6 et 7 décembre 2013 Centre de conférence Etoile Saint-Honoré 21/25, rue Balzac 75008 PARIS 01 43 54 65 48 cna-anased@wanadoo.fr

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BARREAU DE PARIS Elections Ordinales 1er Tour le 10 décembre 2013 8 heures 30 – 19 heures 2ème Tour le 11 décembre 2013 8 heures 30 – 19 heures Renseignements : www.avocatparis.org 2013-828

COLLOQUE ANNUEL AVOSIAL Loi de sécurisation de l’emploi : Premiers enseignements et perspectives Le 12 décembre 2013 Maison du Barreau 2, rue de Harlay 75001 PARIS 01 56 62 30 00 www.avosial.fr

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DELEGATION DES BARREAUX DE FRANCE Les derniers développements du droit européen de la concurrence

Entretiens européens le 13 décembre 2013 1, avenue de la Joyeuse Entrée 1040 BRUXELLES +32 (0)2 230 83 31 valerie.haupert@dbfbruxelles.eu

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ASSOCIATION FRANCAISE D’ARBITRAGE Formation approfondie : Le cas pratique de l’AFA 2013 Les 19 et 20 décembre 2013 Maison du Barreau 2, rue de Harlay 75001 PARIS 01 53 77 24 31 contact@afa-arbitrage.com

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KUCKENBURG BURETH & ASSOCIES CLK AVOCATS ABIDJAN « Comment résoudre efficacement vos litiges internationaux grâce à l’arbitrage ? » Séminaire le 13 décembre 2013 Hôtel Pullman rue Abdoulaye Fadiga ABIDJAN - CÔTE D’IVOIRE 01 48 88 80 80 info@avokab.com

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Vie du droit

Conseil National des Greffiers des Tribunaux de commerce 125ème Congrès - Nîmes - 9/11 octobre 2013

Le thème de l’authenticité et de son influence dans l’efficacité de la justice commerciale au service de la croissance et de la compétitivité des entreprises a été le fil conducteur du 125ème Congrès national des Greffiers des Tribunaux de Commerce qui s’est tenu à Nîmes du 9 au 11 octobre 2013. Pour les justiciables et, de manière générale, pour les acteurs économiques l’authenticité revêt une importance particulière. Le greffier, officier public et ministériel, membre à part entière de la juridiction, est un acteur incontournable de l’authentification. La dématérialisation des procédures apporte aujourd’hui une nouvelle dimension au contrôle juridique effectué sous la seule responsabilité du greffier. La profession est résolument engagée dans la simplification de l’acte d’entreprendre tout en assurant une sécurité juridique indispensable au développement des entreprises et au renforcement de la confiance économique : hier, l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) et le dépôt des comptes en ligne ; aujourd’hui, la suppression du dépôt du double exemplaire des documents et comptes déposés au RCS et la mission du centre de formalités des entreprises (CFE) pour le compte de l’administration fiscale ; demain le fichier national des interdits de gérer et la mise en place du futur registre des saisies pénales mobilières… Le Congrès de Nîmes a été l’occasion de revenir sur les décisions annoncées par le gouvernement lors du Comité interministériel de modernisation de l’action publique de juillet dernier (baisse de moitié des émoluments des greffiers pour l’immatriculation au RCS, diminution des frais de transmission pour le Kbis électronique) ainsi que les réformes prévues dans le cadre du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances dans le domaine de la simplification et de la sécurisation de la vie des entreprises (dépôts des comptes, procédure de liquidation judiciaire ultra simplifiée). La conjonction de ces différentes mesures avec les réflexions actuelles sur l’avenir de la justice commerciale et une nouvelle étape annoncée de la carte judiciaire inquiètent aujourd’hui une profession soucieuse de maintenir la qualité reconnue d’un service public adapté aux besoins des entreprises.Frédéric Barbin, Président du Conseil national des greffiers est revenu lors du Congrès sur ces différents points devant Madame Carole Champalaune, Directrice des affaires civiles et du sceau qui a représenté Madame Christiane Taubira, Garde des sceaux, Ministre de la justice.

L’authenticité, clé de voûte d’une justice commerciale efficace

Frédéric Barbin

par Frédéric Barbin

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ans toute relation juridique, il est un facteur essentiel, qui a traversé les âges, survécu aux révolutions technologiques, qui a pu être modifié dans sa forme, mais jamais sur le fond, c’est celui de l’authenticité. Sans elle, il n’y a pas de débat loyal, de rapports francs. L’authenticité, c’est le « parler vrai ». Elle doit être le socle de toute négociation, de toute collaboration, et permettre d’atteindre les objectifs fixés en commun, pour le bien des entreprises et du justiciable.(...) Compte-tenu de l’actualité sur la réforme de la justice commerciale, que ce soit l’organisation des juridictions consulaires, la réforme de la procédure collective, les projets de carte judiciaire, j’ai longtemps espéré que Madame la Ministre serait des nôtres. Ses nombreuses obligations ne lui ont pas permis d’être présente, et je le regrette très sincèrement. Je reste persuadé que cette absence ne peut pas être interprétée comme une remise en cause de son attachement à notre profession et aux professions réglementées en général. Madame la Garde des Sceaux vous a demandé, Madame la Directrice de la représenter et je tiens à vous remercier de votre présence. Il s’agit de votre première participation au congrès national des greffiers et, au nom de mes consoeurs et confrères, je vous souhaite très sincèrement,

ainsi qu’à tous les collaborateurs qui vous ont accompagnée, la bienvenue parmi nous. C’est le Président d’une profession minée par le doute qui vous accueille aujourd’hui. J’avais conscience de la lourdeur de la tâche lorsque j’ai accepté de présider aux destinées de notre profession. Les Présidents qui m’ont précédé, que je salue, peuvent tous témoigner des difficultés, mais aussi de la richesse de ce mandat. Mais je ne pensais pas avoir à affronter une telle tempête, le Conseil National devant faire face depuis près d’un an à des attaques ou procès d’intention fusant de toutes parts. Je me suis bien sûr interrogé sur les raisons de ce déferlement de critiques à l’encontre d’une

profession dont l’efficacité est reconnue par la grande majorité des acteurs juridiques et économiques. En période de crise, il est normal qu’un gouvernement recherche des solutions et propose des réformes permettant à terme de retrouver croissance et compétitivité. Mais en tout, il faut savoir être mesuré, ne pas tomber dans l’excès, et rester concentré sur l’objectif à atteindre. Pourquoi vouloir faire passer le greffier du Tribunal de Commerce pour un acteur privé ayant comme seul but de servir ses propres intérêts ? Pourquoi accorder tant de crédit aux affirmations, propos et contre-vérités proférés par des auteurs dont on

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Vie du droit peut parfois douter de la connaissance de la justice commerciale et de son fonctionnement ? Le Président de la profession que je suis considère que les limites de l’acceptable ont été franchies. Il faut revenir aux fondamentaux et oser poser les vraies questions. La première d’entre elle est la remise en cause du statut d’officier public ministériel. Ainsi que je l’ai écrit à Madame La Garde des Sceaux, il faut se demander si nous ne sommes pas entrés dans l’ère de l’idéologie de la déréglementation. Ce statut d’officier public ministériel, loin d’être un frein à la concurrence, est une garantie de la sécurité juridique. Le régime de cette délégation de service public a constamment été renforcé et modernisé. Le Greffier, délégataire de Service Public, confère au nom de l’Etat, l’authenticité aux actes de sa compétence. Nommé par le Garde des Sceaux, après avoir suivi une sérieuse formation juridique et obtenu un diplôme spécifique sous l’égide de l’Etat, il exerce sa mission sous la tutelle du ministre de la justice, dans le cadre fixé par les textes législatifs et règlementaires et dans le respect des règles professionnelles approuvées par le Garde des Sceaux. Les greffes des Tribunaux de Commerce sont soumis à des inspections quadriennales, voire occasionnelles si nécessaire. Ils ont d’ailleurs établi en collaboration avec les Procureurs et la DACS, un référentiel d’inspection. C’est en outre, la seule profession juridique soumise au contrôle de l’IGSJ. Soucieux de toujours améliorer leurs connaissances, les greffiers ont mis en place la formation continue : 90 % ont déclaré en 2012 des heures de formation éligibles à cette obligation et les greffiers ont en moyenne suivi l’année dernière plus de 20 heures de formation. Le greffier n’est rien sans l’assistance de collaboratrices et collaborateurs qualifiés. C’est pourquoi le Conseil national leur dispense une formation diplômante. Nous sommes aujourd’hui la deuxième profession juridique et judiciaire à envoyer ses personnels en formation. Cette recherche de la qualité a été concrétisée par la signature d’une convention avec l’ENM. Je ne désespère pas de pouvoir signer le même type d’accord avec l’Ecole Nationale des Greffes. Enfin, nous avons démontré notre volonté de faciliter l’accès à notre profession en obtenant le statut de greffier salarié, en permettant d’exercer notre activité sous de nouvelles formes de sociétés, la société de participation financière de profession libérale étant sans doute la plus novatrice dans notre domaine, et en élargissant les passerelles à d’autres professions juridiques. Certains dénoncent parfois le caractère endogène qui existe par ailleurs dans d’autres professions libérales ou non. Je vois pour ma part, comme un symbole fort, le fait que les actuels Président et vice-Président du Conseil national soient devenus greffier de Tribunal de Commerce sans avoir pourtant d’antécédents familiaux en la matière. Loin d’être un statut obsolète, ce statut spécifique qui est le nôtre est parfaitement adapté au monde économique : il confère une capacité d’innovation, d’investissement, d’organisation. Chaque greffier assume les charges économiques, sociales et structurelles liées à son activité. Ces évidences étant rappelées, je voudrais insister sur trois aspects essentiels : l’efficacité dans la tenue du RCS, le tarif règlementaire et les actions menées par les greffes des tribunaux de commerce sans contrepartie financière.

1. L’efficacité de la profession. Celle-ci est reconnue au niveau national. Les greffiers ont eu, il y a maintenant plus de 30 ans, l’intuition et la volonté de mettre en commun et de mutualiser leurs moyens au service des entreprises, c’est la raison de la création du GIE Infogreffe. Ceci a permis d’obtenir des résultats remarquables : Une récente étude réalisée par le Cabinet Ernst and Young a révélé que contrairement à certaines idées reçues, la création d’une entreprise en France était plus simple que dans toutes les autres grandes économies mondiales. Délais plus courts et coût d’immatriculation 10 fois moindre. Les inscriptions au RCS sont traitées dans un délai de 24 heures alors qu’il faut plusieurs semaines, parfois plusieurs mois dans les greffes des juridictions échevinées ; la Cour des comptes, aux termes de son référé public sur l’organisation et le fonctionnement de la justice commerciale, rendu le 13 mai 2013, a d’ailleurs souligné les dysfonctionnements patents des greffes de ces juridictions. La réponse adressée par Madame La Garde des Sceaux à Monsieur le Président de la Cour des Comptes est très claire : je cite « comme le relève la Cour, Infogreffe assure un service fiable, immédiat et transparent ». En cette période où notre profession est sévèrement attaquée, ce type de compliment a une saveur particulière. Depuis 2007 la dématérialisation d’un nombre important de procédures a été engagée par les greffiers de commerce facilitant ainsi la vie des entreprises : il s’agit notamment des IMR, des injonctions de payer mais aussi du dépôt des comptes. Ces avancées significatives font aujourd’hui partie de l’environnement direct des acteurs économiques. Certains semblent oublier que ces avancées ont été rendues possibles par les investissements massifs des greffiers. Je n’ose imaginer qu’elles auraient été les réactions des entreprises mais aussi de l’Etat si les greffiers n’avaient pas, ces dernières années, fait preuve d’anticipation et s’étaient contentés de gérer en bon père de famille et sans vision prospective un service public qui serait aujourd’hui complètement dépassé. Pour la simple anecdote, je voudrais rapidement évoquer le récent rapport de la mission parlementaire intitulé « Mieux simplifier : la simplification collaborative » présenté en juin dernier par Monsieur le député Mandon. Le Conseil national a fait part officiellement de son regret de ne pas avoir été consulté comme l’ont été d’autres réseaux nationaux alors qu’une partie des propositions contenues dans ce rapport est pourtant consacrée aux relations avec le greffe du Tribunal de commerce. Ce rapport qui se veut prospectif à moyen et long terme fait d’intéressantes préconisations, notamment, sur le dépôt des comptes en ligne et la suppression du double original. Si Monsieur le député nous avait interrogés au préalable, nous aurions pu lui indiquer que certaines de ses propositions avaient déjà été mises en place avec le concours actif des greffiers, deux ans et demi avant le calendrier fixé par la mission parlementaire. Cette réactivité des greffiers a conduit Madame la Garde des Sceaux à déclarer lors de son audition par la mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale, que l’on ne pouvait pas faire de procès d’incompétence aux greffiers.

Et pourtant, il ne nous a pas été possible de mettre nos compétences au service des juridictions d’outre-mer. Nous avons pris bonne note de la décision de notre Ministre, de ne pas recourir à cette faculté mais de créer de nouveaux postes de fonctionnaires dans ces Tribunaux. Soulignons, au passage, que ces personnels d’Etat affectés dans les DOM ont suivi préalablement une formation dans nos greffes pour essayer de mieux maitriser les règles complexes du Registre du Commerce et des Sociétés. Nous demeurons prêts, si notre Ministre le juge utile à exercer nos fonctions auprès de ces juridictions, conformément aux dispositions législatives et règlementaires en vigueur. Il ne s’agit en aucun cas d’une privatisation de la justice mais bien d’un mode original de gestion d’un service public délégué et contrôlé par l’Etat sans alourdissement de la dépense publique. Si ce sujet des DOM a marqué le début d’une période d’interrogations de notre part, les critiques formulées à l’encontre des professions règlementées, notamment par l’Inspection générale des Finances ont renforcé le malaise ambiant. Les Présidents des Officiers Publics et Ministériels ont, d’ailleurs, eu l’occasion de faire part à la Chancellerie de leur étonnement sur la façon dont leurs professions étaient perçues. Depuis plusieurs mois nous avons multiplié avec le Vice-Président Philippe Bobet les rendez-vous auprès des membres des Cabinets ministériels, des hauts-fonctionnaires mais aussi des parlementaires de toutes sensibilités politiques. Outre la reconnaissance par nos interlocuteurs de l’efficacité et du sérieux du service rendu, nous avons souvent été amenés à rappeler l’étendue et l’exigence du contrôle juridique des actes liés à la vie de l’entreprise. Le greffier est un acteur engagé au service de sa juridiction, des justiciables et de la vie économique au sens large. Notre coeur de métier n’est pas limité comme certains voudraient le faire croire à la simple gestion d’une base de données sur l’information des entreprises ou à la tenue d’un fichier. Cela va bien au-delà ! Le greffier, dépositaire de l’autorité publique, effectue un contrôle au sens large du terme. Il ne s’agit pas uniquement d’une simple vérification de forme mais d’un véritable contrôle juridique de fond qui confère la personnalité juridique aux sociétés et leur donne la capacité d’exercer pleinement leur activité. Cette mission essentielle engage pleinement sa responsabilité. Tous les professionnels du Droit savent qu’une erreur ou un défaut d’inscription peuvent avoir des conséquences dramatiques pour une entreprise ou ses partenaires. Les informations inscrites aux registres qui font l’objet d’un contrôle de permanence sont opposables aux tiers et participent pleinement à la transparence de la vie des affaires et à la sécurisation des échanges économiques. Les différentes interventions que nous avons eues tout au long de cette journée rappellent que nous sommes bien dans le cadre d’actes juridiques, authentiques de surcroît, et pas dans la seule gestion matérielle de données « lambda » dont la fiabilité resterait aléatoire. Au total pour le seul registre du commerce et des sociétés c’est plus d’un million de formalités qui sont traitées chaque année dans des délais courts. Quatre millions de sièges sociaux immatriculés, 80 000 mises à jour quotidiennes.

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Vie du droit Vous le savez, je ne cesse de défendre inlassablement avec coeur, conviction et énergie la profession que j’ai l’honneur de présider dans tous les colloques, conférences, débats dans lesquels le CNG intervient ; j’essaye de mieux la faire connaître et de susciter des vocations. J’ai moi-même choisi d’exercer ce métier en raison de ses liens forts avec la vie économique, sa technicité juridique, sa dimension judicaire et son approche résolument tournée vers l’avenir. Ainsi que je l’ai déjà dit, nous avons entendu les messages délivrés par notre autorité de tutelle pour moderniser et ouvrir plus largement la profession. Je crains sincèrement que tous les instruments d’ouverture et de modernisation mis en oeuvre n’aient finalement pas l’effet escompté pour attirer de nouveaux talents venus d’autres horizons. Suite aux récentes annonces gouvernementales, quelles perspectives offre-t-on à celles et ceux qui sont entrés récemment dans la profession ou qui voudraient rejoindre nos rangs ? Je ne vous cache pas que les mesures annoncées le 17 juillet dernier dans le cadre du Comité interministériel de la modernisation de l’action publique (CIMAP) présidé par Monsieur le Premier Ministre ont suscité chez nous de vives réactions. Il s’agit, notamment, de la baisse des coûts d’immatriculation, de la réduction des frais techniques ainsi que de la réforme du dépôt et de la publication des comptes annuels. Rappelons que l’objectif de ce choc de simplification est « de s’attaquer aux principaux noeuds de complexité administrative qui bloquent les projets publics ou privés et freine le développement de l’économie. » Les greffiers des tribunaux de commerce souscrivent pleinement à cette volonté politique. Pour preuve notre livre blanc publié en 2011 intitulé « contribuer au développement des entreprises en renforçant la confiance économique », présentait trente propositions notamment pour simplifier la vie du chef d’entreprise. Je voudrais un instant revenir sur ces mesures annoncées par Monsieur le Premier Ministre et précisées ensuite par Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances. l D’abord, sur la forme : convoqués le 9 juillet Place Vendôme, pour commenter les mesures préconisées dans le « rapport Mandon », nous nous retrouvons à notre grande surprise, en présence des représentants des ministres des finances et du redressement productif. Le débat n’a porté que sur le tarif des prestations des greffiers. Puis, entretien téléphonique avec le conseiller du Premier Ministre la veille du 14 juillet, pour arrêter dans les 72 heures, la nature des mesures devant être annoncées par le Gouvernement. l Ensuite, sur le fond: honnêtement, la baisse de moitié des émoluments du greffier pour l’immatriculation des sociétés commerciales et des commerçants (c’est-à-dire de 52 à 26 euros pour les personnes physiques et de 70,20 à 35,10 euros pour les personnes morales) et la réduction des frais de transmission constituent-elles une réelle incitation à la création d’entreprise ? L’objectif premier de ces mesures me parait justifié par d’autres préoccupations que la seule simplification de la vie du chef d’entreprise. Qui peut croire qu’une somme de 70,20 hors taxe était une entrave à la volonté entrepreneuriale ? Un autre sujet intéresse la profession, c’est celui du dépôt et de la publication des comptes annuels. A une époque où l’on parle d’open data, voilà

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que l’on nous objecte la publication de ce type d’information qu’il faudrait couvrir d’un voile pudique. Une économie dynamique, une saine concurrence ne peuvent-elles se concevoir que dans l’opacité ? N’est-il pas normal que tout acteur économique puisse bénéficier d’informations objectives et fiables sur la santé financière de ses fournisseurs ou de ses clients ? Ces mesures ne risquent-elle pas d’aller à l’encontre du but recherché, en constituant un réel obstacle au financement des entreprises ? Les récentes annonces sur les TPE et les petites entreprises risquent d’avoir des effets néfastes sur la transparence de la vie des affaires. N’oublions pas que le dépôt des comptes est un élément important de la prévention des difficultés des entreprises. Juste un simple rappel : 60 % des sociétés ayant procédé à une déclaration de cessation de paiement n’avaient pas déposé leurs comptes au cours des deux années précédentes.

2. Le tarif réglementé des greffiers. Permettez-moi quelques rappels : Le tarif des Greffes des Tribunaux de Commerce n’a fait l’objet d’aucune valorisation entre 1980 et 2007 ; et depuis, il n’a pas évolué. Il permet d’équilibrer l’activité du professionnel en harmonisant les tarifs des différentes prestations. La baisse de 50 % des émoluments des immatriculations au RCS entraîne une rupture de cet équilibre. Les greffiers pourront-ils, dans de telles conditions, continuer à faire l’avance des frais des procédures collectives et à financer les grands projets nationaux dont je parlerai ultérieurement ? Comment expliquer à nos collaboratrices et collaborateurs, que leur travail de contrôle et d’examen de fond des dossiers qu’ils effectuent avec un professionnalisme incontestable est aujourd’hui dévalorisé de moitié. Quelle autre profession aurait été capable, malgré le gel de ce tarif, de maintenir, et même d’améliorer, la qualité du service rendu ? Quelle autre profession, dans un souci de

participation à l’effort national, a consenti à une telle baisse ? La diminution des émoluments n’entraîne pas la baisse du volume de travail. Pourrons-nous maintenir le nombre d’emplois et donc continuer à être aussi efficace ? Les mesures annoncées vont avoir des conséquences importantes. l Pour l’Etat, d’abord, qui se prive de rentrées fiscales non négligeables, notamment, avec la TVA et d’autres impôts. l Pour la profession ensuite : ce sont principalement nos plus jeunes confrères ayant acquis ces dernières années tout ou partie d’un greffe qui risquent de se retrouver en raison d’un lourd endettement face à de sérieuses difficultés ; et que dire de l’avenir du personnel de nos greffes ? Cette vive inquiétude est partagée dans les greffes de petite taille qui vont également en subir les conséquences de plein fouet. Je n’oublie pas non plus les greffiers qui ont récemment rattaché une chambre commerciale de TGI ou qui ont été nommés dans des juridictions nouvellement créées. Dans ces deux cas, il faut rappeler que l’Etat a encaissé une indemnité de près de 12 millions d’Euros en application d’une méthode de valorisation supérieure à celle utilisée lors des cessions classiques. Quelle réaction peut-on avoir lorsque quelques mois plus tard, le Gouvernement décide unilatéralement de mesures qui impacteront ces greffes dont les résultats prévisibles ayant servi à arrêter le montant de l’indemnité à verser à l’Etat, ne seront jamais atteints ? Je sais que des confrères auront du mal à faire face à certaines échéances. Nous nous sommes rapprochés de nos partenaires de la Caisse des dépôts pour essayer de trouver des solutions transitoires ; je salue ici la présence des représentants de Madame la Directrice des services bancaires. Je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés. La profession que je représente ne se complait pas dans une attitude passive refusant toute évolution. Bien au contraire, depuis plus de trente ans la profession a été proactive et nous avons largement démontré notre capacité d’innovation au service de la justice commerciale. Les greffiers des Tribunaux de Commerce ont été et demeurent des acteurs essentiels de la transparence

A propos des greffiers des tribunaux de commerce Professionnels libéraux nommés par arrêté du Garde des Sceaux, ils sont délégataires de la puissance publique de l’Etat. Les 235 greffiers et leurs 2. 000 collaborateurs traitent chaque année plus de 5 millions d’actes majeurs pour les entreprises françaises : l 1 million de décisions de justice, l 3 millions de formalités, l 1 million d’inscriptions de nantissements et privilèges. Plus de 80.000 mises à jour quotidiennes sont réalisées dans les greffes. Le greffier est membre du Tribunal de commerce dont il fait partie intégrante. Il assiste aux audiences, assure la mise en forme des décisions, ainsi que sous

l’autorité du Président, la conduite des procédures commerciales et l’administration générale du tribunal dont il assure le secrétariat et l’organisation. Les greffiers des tribunaux de commerce remplissent des attributions juridictionnelles de plusieurs ordres : Au profit des justiciables et du Tribunal : assistance du Tribunal, conservation des minutes et des archives, authentification et délivrance des copies des décisions. Au profit des entreprises : tenue et contrôle des formalités au Registre du commerce et des sociétés, conservation et publicité des sûretés mobilières et diffusion de l’information juridique et financière sur les entreprises.

Ils constituent ainsi un véritable observatoire du monde économique. Les greffiers des Tribunaux de commerce ont toujours su anticiper, s’adapter aux besoins des entreprises et aux exigences de la vie économique. Ils représentent un pivot incontournable de l’information légale. Résolument tournés vers l’avenir et l’ère numérique, les greffiers à travers leur GIE infogreffe, sont pleinement entrés dans la dématérialisation : l immatriculation en ligne, l acte authentique électronique, l signature électronique, l injonction de payer dématérialisée, l communication électronique avec les avocats, l dépôt électronique des comptes...

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Vie du droit dans la vie des affaires, en étant les premiers en Europe à organiser une diffusion systématique de l’information légale. La dématérialisation, aujourd’hui si en vogue, est entrée très tôt dans nos juridictions et les informations fiables et sécurisées sur les entreprises sont aujourd’hui disponibles en temps réel auprès d’un large public. Notre pays traverse aujourd’hui une grave crise économique. L’Etat recherche des moyens de financement et se tourne naturellement vers les interlocuteurs qu’il considère comme pouvant apporter une contribution supplémentaire à l’effort national de redressement. Le citoyen que je suis n’est pas choqué par cette approche. Le greffier que je suis, est par contre, plus dubitatif sur la nature de la contribution qui lui est demandée et sur son efficacité. En se privant de recettes fiscales, notamment la TVA, l’Etat fait-il dans le cas présent le bon choix qui permettra de retrouver un environnement propice à la croissance et à la compétitivité des entreprises ? Les vrais enjeux ne sont-ils par ailleurs ?

3. Les actions menées par les greffiers des tribunaux de commerce à titre gracieux. A l’indécence que certains nous opposent, il faut rappeler ce que les greffiers apportent déjà et imaginer ce qu’ils pourraient, pour le compte et sous le contrôle de l’Etat, faire en plus dans l’intérêt des entreprises sans contrepartie financière. N’ontils pas anticipé le voeu de Madame La Garde des Sceaux de les voir utiliser leurs ressources pour faire aboutir des projets d’intérêt général. Il faut savoir que la profession est présente dans d’autres secteurs que la tenue du registre du commerce et des sociétés et la diffusion de l’information légale. Le plus souvent à la demande de l’Etat et sur ses propres fonds, notre profession s’est investie dans des projets nationaux ou dans des programmes de simplification pour les entreprises : l Le Conseil national tient depuis 2007 à titre gratuit et sans frais pour le public le fichier national du gage sans dépossession. l Il y a maintenant plus de quatre ans, l’Etat s’est tourné vers les réseaux CFE pour mettre en place une plate-forme permettant d’effectuer en ligne des formalités pour des activités nécessitant des autorisations préalables. Nous avons mis dans le Groupement d’Intérêt Public « Guichetentreprises » des moyens humains, techniques et financiers considérables. On s’aperçoit aujourd’hui que les partenaires n’ont pas tous la même maîtrise des technologies de dématérialisation. Cette difficulté constitue sans doute un frein au développement de cet outil dont le ratio couts/efficacité mériterait d’être analysé. La profession s’interroge sérieusement sur l’ampleur de sa participation dans le cadre de la structure devant succéder au GIP dont le terme arrive à échéance en avril 2014. er l Depuis le 1 janvier 2013 la profession assure à titre gratuit la mission de Centre de Formalités des Entreprises pour l’administration fiscale. Infogreffe a développé un portail dédié à une compétence que l’Etat n’avait plus les moyens d’assurer lui-même.

Ce transfert génère pour les greffes des contraintes importantes. l Que dire de la suppression du dépôt du double exemplaire prévu par la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives ? Pour soulager le chef d’entreprise, chaque document est maintenant visé par le greffier, ce visa prenant la forme d’une signature électronique dont les développements ont été pris en charge par la profession. Nous sommes véritablement ici dans la sphère de la simplification administrative. Ce n’est plus un vague projet identifié dans le récent rapport de Monsieur Mandon mais bien une réalité ! Je pourrais également évoquer d’autres sujets pour lesquels l’Etat est venu demander à la profession de mettre en place des dispositifs spécifiques : l Le Fichier national des interdits de gérer créé par cette même loi du 22 mars 2012 suite aux échanges avec la Délégation nationale de lutte contre la fraude et aux travaux réalisés depuis en commun, l La Plateforme de publicité légale avec la DILA et les Journaux d’annonces légales, l Le Registre autonome des saisies pénales mobilières pour lequel l‘Agrasc s’est rapproché du Conseil national et qui, je l’espère, verra prochainement le jour. l Le développement de l’Injonction de payer européenne dématérialisée en collaboration avec le Secrétariat général de la chancellerie. Je peux également citer au titre des travaux déjà réalisés ou en cours d’exécution : le traitement des sociétés éphémères, le portail des avocats, la dématérialisation des échanges avec le parquet, le répertoire national des juges consulaires, et les tableaux de bord de nos juridictions... Je préfère arrêter là cet inventaire à la Prévert. Enfin comment ne pas reconnaître notre apport au bon fonctionnement des juridictions commerciales : mise à disposition d’un secrétariat pour les Présidents des Tribunaux de Commerce, développement de logiciels experts performants pour une prévention des difficultés des entreprises efficace, mise en place du portail des juges. Avec les annonces faites en juillet, la profession pourra-t-elle mener ces projets à terme, j’en doute. Pourtant, il reste tant de choses à faire pour donner aux entreprises et aux acteurs économiques les outils nécessaires à la croissance et à la compétitivité. Quid de l’identité numérique des entreprises, de l’interconnexion des registres en Europe, des coffres forts électroniques ? Vous le savez, Madame la Directrice, nous sommes prêts à relever ces défis. Notre statut de professionnel libéral, officier public et ministériel, allié à notre savoir-faire technologique et notre connaissance des entreprises est un atout. Encore faut-il ne pas l’affaiblir ou le fragiliser pour le rendre à terme inopérant. Je vous le dis très solennellement je crains, que l’addition des décisions annoncées en juin avec les projets qui pourraient aboutir dans les semaines et les mois qui viennent, remettent gravement en cause le modèle économique d’un service public efficace pour les usagers et exigeant pour celui qui en a la responsabilité. Je ne peux terminer mon intervention sans aborder la réforme de la justice commerciale et de la carte judiciaire. l Les contours de la réforme commerciale ne sont pas encore définis. Nous avons participé aux différents groupes de travail que notre ministère de tutelle a organisé dans le cadre de cette vaste réflexion. Vous avez eu connaissance Madame La Directrice

des nombreuses propositions que nous avons formulées, notamment, en ce qui concerne la spécialisation. Nous travaillons actuellement sur le projet d’une nouvelle procédure simplifiée pour les TPE en difficulté. Là encore, nous vous avons transmis, ainsi qu’à Madame Goanvic, Conseillère de Madame la Garde des Sceaux, notre avis sur la mise en oeuvre d’une telle procédure qui devra dans tous les cas rester sous le contrôle du Tribunal. l La carte judiciaire est un sujet très sensible pour notre profession. Après les réformes de 1999 et 2008, le nombre de Tribunaux de commerce a été réduit de 227 à 134. Nous avons réussi à absorber ce traumatisme aussi bien sur le plan social et économique tant pour les greffiers que pour le personnel des greffes. Malgré des situations qui ont parfois été douloureuses, un équilibre a été trouvé. C’est l’ensemble des membres de la juridiction, à savoir les juges et le greffier, qui est ici concerné. Certains se rappelleront que lors des discussions préalables à la précédente réforme les avis n’étaient pas unanimes sur le nombre de tribunaux qui devaient être supprimés. Je profite de l’occasion pour remercier le Président Drummen, Président de la Conférence générale des juges consulaires, de sa fidèle présence à nos Congrès. Nous subissons, Monsieur le Président, depuis plusieurs mois une actualité lourde et je connais votre engagement pour l’avenir de la justice commerciale qui traverse aujourd’hui des périodes d’incertitudes. C’est justement dans ces moments difficiles que nos juridictions doivent afficher une unité sans faille. J’ai eu l’occasion de répondre dans une revue juridique à ceux qui prônaient la suppression des greffiers des Tribunaux de Commerce, et je ne veux pas insister sur ce point. Plus que jamais et pour reprendre vos propos, l’unité et la solidarité s’imposent entre les acteurs de l’oeuvre de justice. Cette nécessité est d’autant plus d’actualité que dans son récent rapport sur l’organisation et le fonctionnement de la justice commerciale, la Cour des comptes considère que de nouveaux regroupements de tribunaux est souhaitable. Je ne vous cache pas que cette recommandation conjuguée aux difficultés évoquées précédemment assombrit les perspectives de la profession. Il n’y a pas de volonté d’immobilisme de notre part mais prenons garde aux mesures trop hâtives dont on mesure ensuite amèrement l’effet négatif. Là encore soyons pragmatiques ! Le seuil minimal et fatidique de 400 nouvelles procédures contentieuses ne me parait pas pertinent pour en faire le seul critère strict du maintien ou non d’une juridiction commerciale. D’autres éléments tels que le nombre de formalités au RCS, d’inscriptions sur les registres de sûretés mobilières, le volume de la prévention des difficultés des entreprises doivent être pris en compte et des regroupements éventuels sur la base du volontariat doivent être privilégiés plutôt que d’imposer des décisions unilatérales ou purement politiques. Il faut aussi tenir compte de la nécessité de maintenir une justice de proximité. Voilà, le tour d’horizon d’une actualité chargée. Eu égard aux récents événements, de nombreuses questions restent aujourd’hui en suspens. J’ai essayé, au nom de l’ensemble de mes confrères,

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Vie du droit de vous retranscrire les inquiétudes de notre profession sur son avenir et sur la pérennité du Service Public. Quelle est aujourd’hui la vision de notre Ministère de tutelle, et plus généralement de l’Etat, sur la place des juridictions consulaires dans l’organisation judiciaire ? Notre profession doit-elle continuer à investir dans l’avenir en poursuivant son ouverture et sa mobilisation au service des entreprises et de la justice commerciale ? Les signaux récemment envoyés ne vont pas dans ce sens. Faut-il craindre que les mesures annoncées qui auront des conséquences économiques pour les

greffes soient le prélude à d’autres réformes ? Celles-ci ne sont-elles pas une première étape vers une fonctionnarisation qui ne veut pas dire son nom et que l’Etat n’a pas aujourd’hui les moyens financiers d’imposer ? Soyez assurée que les professionnels que nous sommes apporteront leur savoir et leurs compétences au service d’une justice commerciale accessible, fiable et efficace et mettront tout en oeuvre pour faciliter la compétitivité et la croissance. Mais il faut veiller à respecter l’équilibre économique de ces professionnels qui seul autorisera le maintien de la qualité reconnue du Service Public qu’ils

rendent aujourd’hui et qui est la principale source de leur motivation. André Gide écrivait « Il vaut mieux se faire détester pour ce que l’on est que de se faire aimer pour ce que l’on n’est pas ». Je forme le voeu que notre profession soit enfin appréciée pour ce qu’elle est et je fais mienne cette règle de vie : « Reste toi-même, car c’est dans l’authenticité que l’on puise ses forces ». Je suis sûr, Madame la Directrice, que nous pourrons compter sur votre soutien qui nous permettra de faire aboutir les grands chantiers d’évolution de notre justice à la satisfaction de tous. 2013-833

Entretien

Avocat et médiateur : deux postures antinomiques ?

J

’ai prêté serment en 1978, et depuis j’ai la chance de cheminer sur mon parcours d’avocat en accédant avec la même humilité et la même passion aux dossiers de contentieux et de conseil dans le domaine de l’entreprise, dossiers que des clients fidèles veulent bien me confier. La relation de confiance ainsi établie m’a toujours guidée, quel que soit mon mode d’exercice, en moyenne ou plus petite structure. J’ai été formée par un maître de stage attentif et exigeant, dont les méthodes qui m’ont été inculquées sont encore aujourd’hui la colonne vertébrale de mes interventions et sont transmises à mes collaborateurs. Ce sur-mesure que j’affectionne m’a donné l’occasion de rencontrer les modes de règlement amiable des différends, que j’ai utilisés, tout en gardant le contact avec les juridictions, sans savoir que je faisais déjà de la médiation. Alors, la médiation, j’ai voulu en connaître tous les tenants et aboutissants et je me suis formée pour découvrir les trésors cachés du processus. La formation de l’avocat à la médiation est une chance inestimable, il est primordial de la saisir et de ne pas laisser les jeunes s’en dispenser, il est primordial de les former ainsi que leurs aînés afin qu’ils se familiarisent avec cet outil complémentaire dont nous disposons pour exercer notre art de la manière la plus appropriée aux besoins et intérêts de nos clients. C’est dans le cadre de l’accès à la justice que cet outil complémentaire peut être utilisé avec succè : mais, et je m’y engage, la médiation ne doit pas devenir obligatoire, c’est le rôle déterminant de l’avocat, aux côtés de son client, qui guidera le justiciable sur la voie de la médiation lorsque cet outil est adapté et librement choisi.

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Michèle Jaudel Il faut que nous nous mobilisions pour préserver notre place et défendre notre profession en nous ouvrant à cette justice moderne, apaisée, adaptée. Le barreau m’a fait confiance en me demandant de promouvoir la médiation, d’organiser des colloques, d’animer la commission ouverte médiation, commission transversale intéressant tous les domaines du droit : je crois avoir rempli la mission, avoir fait le job… Ce travail a été rendu possible par la concertation entre les médiateurs, les avocats, les professionnels du droit, les entreprises, les acteurs de la société civile, les Pouvoirs publics et les magistrats notamment ; une communication constructive avec ces-derniers est un des maillons incontournables pour préserver la place de la médiation dans la justice, la médiation ne devant en aucun cas être considérée comme une

Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

Un colloque sera organisé à l’Assemblée nationale le 16 décembre 2013 par le Barreau de Paris. Il donnera l’occasion aux magistrats, avocats et parlementaires de débattre du projet de loi concernant la médiation (Madame le Bâtonnier Christiane FéralSchuhl avait déclaré l’année 2013 année de la médiation). Alors que Monsieur le Président de la République François Hollande a appelé de ses vœux le développement de la médiation lors de l’audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation (Les Annonces de la Seine du 21 janvier 2013 page 9) et que la directive européenne du 21 mai 2008 a été transposée a minima, nul doute que ce colloque donnera un nouvel envol à la médiation. Dans ce contexte, comment un avocat en contentieux et conseil dans le domaine du droit des affaires devient-il médiateur et s’intéresse-t-il aux modes amiables de règlement des différends ? Michèle Jaudel, Déléguée du Bâtonnier à la médiation au Barreau de Paris, responsable de la commission ouverte au Barreau de Paris sur la médiation et médiateur agréé auprès du Centre de Médiation et d’arbitrage de Paris (CMAP), nous apporte une réponse qui donne un éclairage pertinent sur son engagement au sein de la profession. Jean-René Tancrède justice au rabais, une justice dont la seule fin serait de répondre à des préoccupations d’ordre budgétaire. Je salue en particulier le rôle moteur dans ces actions de Fabrice Vert, conseiller coordinateur de l’activité des conciliateurs de justice et des médiateurs à la Cour d’appel de Paris. Et je suis fière d’avoir mis en place cet été l’Ecole de la Médiation du barreau de Paris, pour familiariser les avocats avec la pratique de la médiation comme prescripteurs ou accompagnateurs, et comme médiateurs. J’ai voulu ce challenge pour permettre au Barreau de Paris de contribuer à la formation de la prochaine génération de spécialistes en matière de résolution amiable des différends : notre Barreau sera garant des meilleures pratiques en matière de médiations nationales et internationales. Je suis convaincue qu’il convient d’assimiler, dans le cadre de la formation initiale des élèves avocats mais aussi dans celui de la formation continue obligatoire, le réflexe médiation et plus généralement des modes de règlement amiable des différends. Paris, place de l’arbitrage international, deviendra la place de la médiation internationale, si je suis élue je m’y engage. J’ai voulu le démarrage de l’Ecole, sous forme d’université d’été de 3 jours entièrement consacrés à la médiation et à la négociation interculturelles. C’est s’inscrire dans l’ouverture à l’international dont notre Barreau a besoin.Je veillerai à ce que les critères d’excellence et à ce que l’éthique et l’esprit d’imagination, autant de qualités essentielles à la réussite d’une médiation, modèlent les comportements. Telle est mon idee de la justice du XXIème siècle, d’une justice rénovée. » 2013-834 Michèle Jaudel

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Jurisprudence

Du principe de la laïcité au principe de neutralité, la Cour d’appel de Paris donne raison à la crèche Baby Loup sur le fondement du droit international Cour d’Appel de Paris - Arrêt du 27 novembre 2013, numéro 13/02981 L’arrêt de la Cour d’appel de Paris était très attendu, après la décision de la Cour de cassation du 19 mars 2013 qui avait cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 27 octobre 2011. La Cour de Versailles avait considéré le licenciement pour faute grave de la salariée - éducatrice de jeunes enfants - de la crèche Baby Loup, comme justifié pour avoir contrevenu aux dispositions du règlement intérieur interdisant le port d’un foulard islamique. Décision déférée à la cour :arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2013 statuant sur le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt rendu le 27 octobre 2011 par la l lème chambre de la Cour d’appel de Versailles suite au jugement rendu le 13 décembre 2010 par le Conseil de prud’hommes de Mantes la Jolie.

Pour un exposé exhaustif des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère expressément à leurs conclusions visées par le Greffier et développées oralement lors de l’audience des débats le 17 octobre 2013.

Arrêt : Suivant contrat à durée indéterminée du 1er janvier 1997, lequel faisait suite à un emploi solidarité du 6 décembre 1991 au 6 juin 1992 et à un contrat de qualification du 1er décembre 1993 au 30 novembre 1995, Madame Afif a été engagée en qualité d’éducatrice de jeunes enfants exerçant les fonctions de directrice adjointe de la crèche et de la halte­garderie Baby Loup. En mai 2003, elle a bénéficié d’un congé maternité suivi d’un congé parental jusqu’au 8 décembre 2008. Par lettre du 9 décembre 2008, elle a été convoquée à un entretien préalable, fixé le 18 décembre suivant, en vue de son éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire. Elle a été licenciée le 19 décembre 2008 pour faute grave, pour avoir refusé de retirer son foulard islamique pendant les heures de travail et avoir eu un comportement inapproprié après sa mise à pied. S’estimant victime d’une discrimination au regard de ses convictions religieuses, elle a saisi le Conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie le 9 février 2009 pour réclamer, tout en revendiquant le statut de cadre, les indemnités attachées à un licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse. L’ensemble de ses prétentions comme les demandes reconventionnelles de l’association Baby Loup ont été rejetées par le conseil de prud’hommes de Mantesla-Jolie le 13 décembre 2010, puis par la Cour d’appel de Versailles le 27 octobre 2011. Par arrêt du 19 mars 2013, la Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt du 27 octobre 2011 et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d’appel de Paris en l’état où elles se trouvaient avant cette décision. Selon déclaration enregistrée au greffe le 25 mars 2013, Madame Afif a saisi la présente Cour à qui elle demande à nouveau, au terme de ses dernières conclusions, la réformation du jugement du Conseil de prud’hommes de Mantesla-Jolie, l’annulation du licenciement sur le fondement des articles L.1121-1, L.1132-1, L.1133-1, L.1132-4 et L.1321-3 du Code du travail et la condamnation de l’intimée à lui payer 63 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, discriminatoire et attentatoire aux libertés fondamentales, 9 695,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis sur la base de la reconnaissance de sa qualité de cadre, 969,53 euros à titre de congés payés sur préavis, 700,17 euros à titre de rappel de salaire de mise à pied, 70 euros au titre des congés payés afférents, 26662,13 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement. Subsidiairement, si le statut de cadre ne lui était pas reconnu, elle entend obtenir 4 847,66 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 484,77 euros au titre des congés payés afférents, 13 331,07 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement. En toutes hypothèses, elle entend obtenir 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. L’association Baby Loup sollicite quant à elle la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et donc le rejet de l’intégralité des demandes de l’appelante. A titre subsidiaire, elle entend que les indemnités réclamées soient ramenées à 644,66 euros de salaire correspondant à la mise à pied à titre conservatoire, plus les congés payés afférents, 10 878,62 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement, 4 834,94 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et le rejet de toutes autres prétentions. Elle sollicite par ailleurs 5 000 euros pour frais non remboursables. Le Ministère public conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes.

Motifs de la décision - Considérant qu’une personne morale de droit privé, qui assure une mission d’intérêt général, peut dans certaines circonstances constituer une entreprise de conviction au sens de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Hommeetsedoterdestatutsetd’unrèglementintérieurprévoyantuneobligation de neutralité du personnel dans l’exercice de ses tâches ; qu’une telle obligation emporte notamment interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion ; - Considérant qu’aux termes de ses statuts, l’association Baby Loup a pour objectif « de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d’oeuvrer pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes » ... « sans distinction d’opinion politique et confessionnelle »; - Considérant que de telles missions sont d’intérêt général, au point d’être fréquemment assurées par des services publics et d’être en l’occurrence financées, sans que cela soit discuté, par des subventions versées notamment par l’Etat, la région Ile-de-France, le département des Yvelines, la commune de Chanteloup-les-Vignes et la Caisse d’allocations familiales ; - Considérant qu’au regard tant de la nécessité, imposée par l’article 14 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, de protéger la liberté de pensée, de conscience et de religion à construire pour chaque enfant, que de celle de respecter la pluralité des options religieuses des femmes au profit desquelles est mise en ceuvre une insertion sociale et professionnelle aux métiers de la petite enfance, dans un environnement multiconfessionnel, ces missions peuvent être accomplies par une entreprise soucieuse d’imposer à son personnel un principe de neutralité pour transcender le multiculturalisme des personnes auxquelles elle s’adresse ; - Considérant qu’en ce sens, l’association Baby Loup peut être qualifiée d’entreprise de conviction en mesure d’exiger la neutralité de ses employés ; que sa volonté de l’obtenir résulte suffisamment en l’occurrence des dispositions tant de ses statuts que de son règlement intérieur, que ce soit celui adopté lors de sa création en 1990, selon lequel le personnel doit dans l’exercice de son travail respecter et garder la neutralité d’opinion politique et confessionnelle en regard du public accueilli, ou celui modifié, entré en vigueur le 15 juillet 2003, aux termes duquel le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche ; - Considérant que la formulation de cette obligation de neutralité dans le règlement intérieur, en particulier celle qui résulte de la modification de 2003, est suffisamment précise pour qu’elle soit entendue comme étant d’application limitée aux activités d’éveil et d’accompagnement des enfants à l’intérieur et à l’extérieur des locaux professionnels ; qu’elle n’a donc pas la portée d’une interdiction générale puisqu’elle exclut les activités sans contact avec les enfants, notamment celles destinées à l’insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier qui se déroulent hors la présence des enfants confiés à la crèche ; - Considérant que les restrictions ainsi prévues sont, pour les raisons ci-dessus exposées, justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché au sens des articles L.1121-1 et L.1321-3 du code du travail ; qu’au vu de l’ensemble des considérations développées, elles ne portent pas atteinte aux libertés fondamentales, dont la liberté religieuse, et ne présentent

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Jurisprudence pas un caractère discriminatoire au sens de l ‘article L.1132-1 du code du travail ; qu’elles répondent aussi dans le cas particulier à l’exigence professionnelle essentielle et déterminante de respecter et protéger la conscience en éveil des enfants, même si cette exigence ne résulte pas de la loi ; - Considérant que le comportement de Madame Afif, qui a consisté à se maintenir sur les lieux de travail après notification de la mise à pied conservatoire consécutive au refus d’ôter son voile islamique et à faire preuve d’agressivité envers les membres de la direction et de ses collègues de la crèche dans les conditions et selon les circonstances relatées par la lettre de licenciement, au contenu de laquelle il est expressément fait référence, résulte suffisamment des déclarations concordantes de Mesdames Baleata, directrice de la crèche, Gomis, directrice adjointe, Grolleau, éducatrice, Zar épouse Almendra, animatrice, El Khattabi, éducatrice, Soumare, employée de ménage ; - Considérant que les rétractations de Mesdames El Khattabi et Soumare, qui sont revenues sur leurs premiers témoignages en faveur de l’association, ont été expliquées ensuite par les intéressées par le fait que Madame Afif avait fait valoir la solidarité entre musulmanes et leur avait dicté de nouveaux témoignages, tandis que les attestations dont se prévaut l’appelante doivent être appréciées à la lumière des précisions de Madame Bendahmane épouse Boutllis, ancienne salariée de l’association, qui a reconnu avoir rédigé en faveur de Madame Afif sous sa dictée, ou encore de parents d’enfants inscrits à la crèche qui, ayant témoigné en faveur de l’association ou refusé de le faire au profit de la salariée licenciée, ont déposé des mains courantes pour signaler les insultes, menaces et pressions de la part de celle-ci ; - Considérant que ce comportement, alors que la mise à pied reposait, pour les raisons ci­dessus exposées, sur un ordre licite de l’employeur au regard de l’obligation spécifique de neutralité imposée à la salariée par le règlement intérieur de l’entreprise, caractérise une faute grave nécessitant le départ immédiat de celle-ci ; - Considérant que cette faute grave justifie le licenciement ainsi qu’en a décidé le conseil de prud’hommes dont la décision sera en conséquence confirmée, sauf à relever que Madame Atif ne revendique pas le statut de cadre autrement que pour chiffrer ses demandes consécutives à la rupture du contrat de travail ; - Considérant que l’équité ne commande pas d’appliquer les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ; - Considérant que l’appelante, qui succombe, doit supporter les dépens. Par ces motifs - Confirme le jugement du Conseil de prud’hommes de Mantes-la-Jolie du 13 décembre 2010 ; - Rejette toutes autres demandes ; - Condamne Madame Laaouej épouse Afif aux dépens de première instance et d’appel, y compris ceux exposés devant la Cour d’appel de Versailles. Note L’arrêt de la Cour de cassation avait été largement commenté, et avait été suivi d’un avis sur la laïcité de la Commission nationale consultative des droits de l’homme le 26 septembre 2013, puis d’un avis de l’Observatoire de la laïcité du 15 octobre 2013. Rappelons que la Cour de cassation avait jugé que le principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution n’est pas applicable aux salariés des employeurs de droit privé qui ne gèrent pas un service public. En conséquence, ce principe ne peut être invoqué pour priver ces salariés de la protection de leurs libertés individuelles et collectives, assurée par les articles L. 1121-1 et 1132-1 du Code du travail. Le principe de laïcité n’étant pas applicable, la Cour de cassation avait estimé que la clause du règlement intérieur de la crèche disposant que «le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par Baby loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes, qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche», instaurait une restriction générale et imprécise à la liberté de religion et ne répondait pas aux exigences posées par l’article L. 1321-3 du Code du travail relatif au contenu du règlement intérieur. Le règlement intérieur ne peut en effet contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché. L’affaire avait donc été renvoyée devant la Cour d’appel de Paris. La Cour, dans son arrêt du 27 novembre 2013, ne contredit pas la décision de la Haute juridiction en ce qui concerne l’inapplicabilité du principe de laïcité à la crèche Baby Loup. En revanche, la Cour estime que l’obligation de neutralité (et non plus le principe de laïcité) «est suffisamment précise pour qu’elle soit entendue comme étant d’application limitée aux activités d’éveil et d’accompagnement des enfants à l’intérieur et à l’extérieur des locaux professionnels». Ainsi, pour la Cour d’Appel, les restrictions posées par le règlement intérieur sont justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché conformément aux dispositions du Code du travail. La Cour observe également «qu’elles répondent aussi dans le cas particulier à l’exigence professionnelle essentielle et déterminante de respecter et protéger la conscience en éveil des enfants, même si cette exigence ne résulte pas de la loi». La Cour en tire pour conséquence que le licenciement pour faute grave de l’éducatrice de jeunes enfants, pour avoir refusé de retirer son foulard islamique, était justifié. Il est certain que la Cour d’appel de Paris contredit l’interprétation donnée par la Cour de cassation aux dispositions du règlement intérieur. Toutefois, cette nouvelle interprétation de la restriction posée par le règlement intérieur repose sur des fondements juridiques différents. La Cour d’appel ne se place pas sur le terrain de la laïcité, mais sur le terrain de l’entreprise de conviction au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle estime qu’une personne morale de droit privé qui assure une mission d’intérêt général peut, dans certaines circonstances,

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se doter de statuts et d’un règlement intérieur prévoyant une obligation de neutralité du personnel, incluant une obligation d’interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion. La Cour d’appel considère que l’association Baby Loup entre dans cette nouvelle catégorie issue implicitement du droit international. La Cour européenne des droits de l’homme a pu rappeler dans sa jurisprudence que la liberté religieuse relève avant tout de la pensée et de la conscience de chacun, mais que le principe comprend aussi la liberté de manifester sa croyance seul, en privé, ou encore de la pratiquer en société avec autrui et en public. «La manifestation par une personne de ses convictions religieuses pouvant avoir des conséquences pour autrui, les rédacteurs de la Convention ont assorti ce volet de la liberté de religion des réserves émises au second paragraphe de l’article 9. Ce dernier dispose que toute restriction à la liberté de manifester sa religion ou sa conviction doit être prévue par la loi est nécessaire, dans une société démocratique, à la poursuite de l’un ou de plusieurs des buts légitimes qui y sont énoncés » . Dans cet arrêt, qui concernait notamment l’obligation faite au personnel navigant de British Airways de dissimuler une croix chrétienne, la Cour européenne a estimé que le but poursuivi par British Airways de protéger son image commerciale était légitime, mais en l’espèce, elle a considéré que la juridiction nationale lui avait donné un rôle trop important et la Cour a conclu à une violation de l’article 9 de la Convention. Dans ce même arrêt, la Cour a considéré que l’interdiction faite à une infirmière de porter une croix pour des raisons de protection de la santé et de la sécurité dans un service hospitalier était justifiée au regard de l’article 9. La Cour européenne examine les situations au cas par cas, sans apporter une automaticité à la protection de la liberté religieuse, bien qu’évidemment elle soit très vigilante sur la protection qui doit y être apportée. Dans une affaire Siebenhaar c/ Allemagne, la Cour avait considéré que le fait pour une employée d’une église protestante, éducatrice dans une garderie d’enfants, d’être membre, en dehors de son temps de travail, d’une communauté appelée «l’église universelle/fraternité de l’humanité», dont les objectifs étaient contraires à la mission de l’église protestante, pouvait justifier son licenciement au regard de la liberté de religion garantie par l’article 9. La Cour observe que l’intéressée devait être consciente, lors de la signature de son contrat de travail, que son appartenance à l’église universelle était incompatible avec son engagement avec l’église protestante . Ce dernier arrêt rejoint plus la jurisprudence française sur les entreprises dites «de tendance». Ainsi, la jurisprudence montre qu’aux yeux de la Cour européenne des droits de l’homme, et conformément au paragraphe 2 de l’article 9 de la Convention, des restrictions peuvent être apportées à la liberté de religion sous réserve qu’elles soient prévues par la loi, poursuivent un but légitime et qu’elles soient proportionnées. La Cour d’appel de Paris dans l’affaire Baby Loup fonde également sa décision sur l’article 14 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 qui garantit le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Elle donne ainsi un effet direct à la Convention des Nations Unies, ce qui avait déjà été retenu par la Cour de Cassation. La Cour de cassation, dans l’arrêt du 19 mars 2013, n’avait pas mis en balance le principe de l’interdiction de l’atteinte aux libertés individuelles et le principe de la liberté de religion garanti par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les dispositions de l’article 14 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. C’est donc, après la recherche d’un juste équilibre entre les droits garantis à l’enfant, le souci pour l’association Baby Loup d’exiger la neutralité de ses employés au regard du public accueilli, et le principe de la liberté religieuse, que la Cour d’appel de Paris considère, in concreto, que les dispositions du règlement intérieur étaient suffisamment précises. Elles n’emportaient pas une interdiction générale, et que les buts poursuivis par la crèche justifiaient l’atteinte portée à la liberté de la salariée. Pour justifier le caractère limité de l’atteinte, la Cour observe que ce principe de neutralité est exclu pour les activités sans contact avec les enfants, notamment celles destinées à l’insertion sociale et professionnelle des femmes du quartier. La décision de la Cour d’appel n’est pas en contradiction avec l’arrêt de la Cour de cassation, dès lors que la Cour ne se fonde pas sur le principe de laïcité. La CNCDH rappelle à cet égard qu’en dehors même de l’hypothèse de l’applicabilité du principe de laïcité, notamment lorsqu’une entreprise privée ne gère pas un service public, des restrictions peuvent toutefois être apportées à la liberté religieuse, mais seulement dans le respect des dispositions prévues par la Code du travail. L’interdiction ne peut être ni générale, ni absolue. L’appréciation de la situation doit être faite in concreto, rappelle la CNCDH. C’est ce que fait la Cour d’appel de Paris, dans une décision bien motivée et qui n’entre pas en contradiction avec les principes internationaux. La nouveauté issue de l’arrêt de la Cour de Paris est la prise en considération, dans le conflit de normes, de l’intérêt légitime des enfants protégé par l’article 14 de la Convention relative aux droits de l’enfant. La Convention des droits de l’enfant est prise en considération par la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence , et le juge européen attache depuis longtemps une importance particulière à la protection des droits des enfants, notamment au travers de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour d’appel de Paris, confirmant implicitement la jurisprudence de la Cour de cassation sur la non applicabilité du principe de laïcité à la crèche Baby Loup, ne heurte nullement un quelconque principe général de la jurisprudence de la Cour de cassation. C’est une appréciation in concreto des faits de l’espèce qui conduit le juge d’appel à considérer le licenciement comme justifié, et c’est le travail habituel du juge du fond d’apprécier les motifs du licenciement, les dispositions du règlement intérieur, la proportionnalité d’une restriction apportée par le règlement à une liberté individuelle. Ces considérations pourraient amener la Cour de cassation, si elle était saisie d’un pourvoi, à se retrancher derrière l’appréciation des juges du fond. A cet égard, la CNCDH rappelait dans son avis, et ce de la même manière que la Cour européenne des droits de l’homme peut le faire, que c’est au juge d’apprécier au cas par cas, l’atteinte portée à une liberté fondamentale et la justification invoquée, et de résoudre chaque difficulté particulière. On peut suivre l’avis de la CNCDH et celui de l’Observatoire de la laïcité sur l’absence de nécessité d’une nouvelle loi sur la laïcité, dès lors, comme l’a fait la Cour d’appel de Paris, qu’un équilibre est trouvé entre les intérêts en présence, cet équilibre devant en toutes hypothèses être soumis, en cas de difficulté, à l’appréciation du juge. La Cour européenne a souligné que, si au regard de la Convention, un employeur dont l’éthique est fondée sur la religion ou sur une croyance philosophique peut imposer à ses employés des obligations de loyauté spécifiques, une décision de licenciement doit faire l’objet d’un contrôle plein et entier du juge qui doit prendre en considération la nature du poste de l’intéressé et mettre en balance effective les intérêts en jeu à l’aune du principe de proportionnalité. On peut compléter ce panorama en évoquant le fait que la Cour européenne des droits de l’homme est actuellement saisie d’une affaire française importante concernant une requérante française de confession musulmane qui se plaint de ne pouvoir porter publiquement le voile intégral, du fait de la loi du 11 octobre 2010 relative à l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public. Elle invoque une violation des articles 9, 10, 11 et 14 de la Convention. L’affaire a été entendue par la Cour européenne le 27 novembre 2013. L’arrêt permettra d’avoir un nouvel éclairage sur la portée du principe de la liberté de manifester sa religion. 2013-835 Christophe Pettiti

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Société

Annonces judiciaires et légales

Haute autorité pour la transparence de la vie publique

Jean-Louis Nadal

Proposition du Président de la République

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e président de la République propose la nomination de JeanLouis Nadal pour la présidence de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat sont saisis de ce projet de nomination, afin que la commission intéressée de chacune des assemblées se prononce dans les conditions prévues par le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Communiqué du 2 décembre 2013

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique est une future autorité administrative indépendante française dont la création a été prévue par la loi numéro 2013-907 relative à la transparence de la vie publique du 11 octobre 2013. Elle sera chargée de recevoir, de vérifier et de publier les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d’intérêts des membres du Gouvernement, des députés, des sénateurs, des collaborateurs d’élus ainsi que des dirigeants d’organisme public. Elle pourra également être consultée par les élus sur des questions de déontologie relatives à l’exercice de leur fonction. 2013-836

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Au fil des pages

Par Bernard Lagarde - Édition 2014. Nouvelle édition actualisée au 1er septembre 2013. 45 euros

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D.R.

e traité insère les dispositions du projet de loi pour l’amélioration du droit des entreprises en difficulté prévue pour le dernier trimestre 2013 et il reprend, sous l’aspect économique et fiscal, l’ensemble des textes législatifs, réglementaires, instructions et circulaires administratives et règles spécifiques relatives au traitement des difficultés de l’entreprise qu’elle soit en nom personnel, en EIRL ou en sociétés de capitaux et il traite de la prévention et de la protection de l’entrepreneur et/ou du dirigeant social. 2013-837

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Vie du droit

Forum juridique international de Saint-Pétersbourg à Paris Son Excellence l’Ambassadeur Plénipotentiaire de Russie Alexander Orlov recevait, en sa résidence de la rue de Grenelle à Paris ce 14 novembre 2013, le Ministre de la Justice de la Fédération de Russie Yuri Lubimov ainsi que d’éminents représentants de la famille judiciaire française ; il a annoncé l’organisation du 4ème Forum Juridique International de Saint-Pétersbourg qui se déroulera du 18 au 21 juin 2014 sur le thème de la réglementation des transactions civiles et des investissements franco-russes. Le lendemain, au Conseil Supérieur du Notariat, Jean Tarrade a notamment accueilli Vincent Lamanda Premier Président de la Cour de cassaion, Yuri Lubimov, Igor Artemyev Directeur du service fédéral anti-monopole de la Fédération de Russie, Talia Khabrieva Directeur de l’Institut de législation et de droit comparé auprès du gouvernement de la Fédération de Russie et Frédéric Baab, Conseiller diplomatique auprès du ministre français de la justice. Dans son allocution de bienvenue, il s’est déclaré satisfait que le Forum Juridique International de Saint-Pétersbourg donne aussi aux notaires, acteurs clés de la sécurité juridique, l’occasion de renforcer le dialogue entre les cultures juridiques et de resserrer les liens internationaux. Jean-René Tancrède

Renforcer le dialogue entre les cultures juridiques

Alexander Orlov et Yuri Lubimov

par Vincent Lamanda

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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35

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ive est en effet ma joie de me trouver à vos côtés pour inaugurer, en présence de tant de visages amis, cette première édition à Paris du Forum juridique international. Forte du succès de ses trois premières manifestations à Saint-Pétersbourg, l’institution a rapidement conquis ses lettres de noblesse. Elle est devenue un lieu de référence sur la scène mondiale, où peuvent se retrouver pour des échanges fructueux les tenants et représentants des différents systèmes de droit. J’avais eu grand plaisir, vous le savez, à participer, à votre invitation, au deuxième Forum juridique international, et à retrouver, en cette majestueuse cité de Saint-Pétersbourg, une ville qui a tant enchanté mon regard, ce creuset de cultures extraordinaire, où se marient harmonieusement, jusqu’à de discrètes influences chinoises, architectures de toutes origines, slaves, allemandes, anglaises, hollandaises, italiennes et françaises. Il était logique qu’après Londres, La Haye et Rome, Paris accueille une version itinérante, délocalisée, bilatérale, du Forum juridique international de Saint-Pétersbourg, « Venise du Nord » qui se prépare d’ores et déjà à accueillir en juin 2014 une prometteuse quatrième édition de celui-ci. Le plaisir est aujourd’hui renouvelé de pouvoir encore resserrer les liens que les hasards d’une vie professionnelle m’ont offert de tisser avec ce pays qui, s’il est le plus grand voisin de l’Europe, est aussi l’un des plus anciens amis de la France. Et il nous faut ici rendre hommage au symbole, très fort : celui de cette capitale « fenêtre sur l’Occident » qui, fidèle à sa vocation de partage et d’ouverture, a choisi aujourd’hui de venir à nous. Le projet semblait à peine esquissé voilà encore quelques semaines, des membres de la Cour en furent témoin ; et le voici devenu réalité, vibrant témoignage de cette attachante force de conviction d’un peuple ami pour lequel,

décidément, rien ne paraît impossible. Je vois là un trait supplémentaire commun à nos deux nations. Ayant en partage cette tradition d’ouverture aux échanges internationaux, la Cour de cassation ne pouvait que saluer pareille initiative, destinée à renforcer le dialogue entre les cultures juridiques. La Cour s’y associe même, et y prendra toute sa part, comme le prouve ce partenariat déjà très avancé pour la rédaction d’un ouvrage francorusse sur les questions relatives à la transparence de la justice et à la protection de la vie privée : regard croisé de deux institutions judiciaires suprêmes sur l’incidence des technologies de l’information et de la communication sur leur travail, enrichi du point de vue de personnalités extérieures et de grands témoins étrangers. Les questions que vous aborderez dans un instant participent d’un même édifice.

Elles offrent, par la confrontation de nos analyses et de nos expériences dans le domaine du droit civil des obligations et du droit commercial, d’accroître la confiance mutuelle entre les systèmes, et de dégager peu à peu des standards communs, respectueux des différences et de l’identité propre à chacun. Et, si pareil projet est d’importance, c’est que, sans respect du droit et sans justice, il ne peut y avoir de développement solide ; et que, sans une justice respectueuse des femmes et des hommes et garante de leurs droits et libertés, il ne peut exister de prospérité durable. Pour donner sens à une telle rencontre, il nous appartient ensemble de faire vivre ces principes, fermants d’un patrimoine commun qu’il nous faut chérir afin qu’il continue à rayonner, en dépit des évolutions parfois défavorables dont notre monde est porteur. 2013-838

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