LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 23 décembre 2013 - Numéro 73 - 1,15 Euro - 94e année
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Anne Krummel , Armand Marx et Alice Enderlé
RENTRÉE SOLENNELLE Barreau de Strasbourg - Construire la justice de demain par Armand Marx ......................................................... 2 - Faut-il se battre pour un siège ? «Thèse» par Anne Krummel et «Antithèse» par Alice Enderlé ............................... 4/6 VIE DU DROIT
Commission franco-allemande du Barreau de Paris et Association des Avocats Allemands établis en France (AAF) - Accès à la justice dans le domaine économique par Christian Roth ...................... 10 - Aperçu des nouvelles réglementations communautaires en matière de justice par Christian Schwörer .............................................................................................................. 11 - Le justiciable étranger devant le juge consulaire français par Jack Mas ............. 13 - L’application du droit étranger par le juge national Winfried-Thomas Schneider .......... 13 l Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE) - Promouvoir le métier de juriste d’entreprise par Hervé Delannoy ......................... 16 l 33ème Séminaire du Touquet «Automobile et Droit» par A. Coriolis ....................... 18 l La Justice du 21ème siècle - Remise des rapports Delmas-Goyon et Marshall à Christiane Taubira .......................... 21 l Droit et Procédure : Jurisprudence «Césaréo» ................................................................. 22 l Conseil supérieur de la magistrature - La séparation des pouvoirs, le droit de l’UE et le comité 255 par Jean-Marc Sauvé ........... 23 l
PASSATION DE POUVOIR
Syndicat de la Presse Economique, Juridique et Politique - Laurent Bérard-Quélin succède à Fabrice du Repaire .................................... 20 Cercle Culturel Henner - Charles Robinet-Duffo succède à Rémy Robinet-Duffo .................................. 20
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SOCIÉTÉ l
Autorité de la Concurrence Distribution du médicament à usage humain en ville..... 26
ANNONCES LÉGALES .............................................................................. 28 DÉCORATION l
Jean-Luc A. Chartier Commandeur dans l’Ordre National du Mérite .................. 40
Barreau de Strasbourg Scéance Solennelle de Rentrée - 29 novembre 2013
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’est au Palais de Justice de Strasbourg que la Bâtonnier Armand Marx et son Dauphin désigné Jean-François Brun ont décidé de célébrer les talents des jeunes avocats ce 29 novembre 2013. Ils ont accueilli les personnalités civiles et élues ainsi que les Bâtonniers des grands Barreaux et les Chefs de la Cour d’appel de Colmar Madame la Première Présidente Marie-Colette Brenot et le Procureur Général Jean-François Thony. Pour le Bâtonnier en exercice, qui a placé la justice au cœur de son discours, il appartient aux avocats de participer à la nécessaire réforme de l’accès au droit afin d’aboutir à des solutions concrètes constituant « une garantie fondamentale de notre démocratie ».
Le Barreau de Strasbourg a renoué avec la tradition de la Conférence du stage car il n’y avait pas eu de concours d’éloquence depuis six ans, cette année six candidats se sont retrouvés en lice pour la finale qui s’est déroulée en juin dernier. Les première et deuxième Secrétaires 2013 se sont livrées avec talent et conviction à un exercice de joute oratoire intitulé « Faut-il se battre pour un siège ? ». Anne Krummel et Alice Enderlé ont respectivement plaidé la thèse et l’antithèse. Nous félicitons chaleureusement les oratrices qui perpétuent la tradition d’excellence orale et portent haut les valeurs du serment d’avocat transmis de génération en génération. Jean-René Tancrède
J OURNAL O FFICIEL D ʼA NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
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Rentrée Solennelle Armand Marx
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Construire la justice de demain par Armand Marx
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Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas
Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de lʼannonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les lignes de titres nʼexcéderont pas lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lʼannonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. Lʼespace blanc compris entre le filet et le début de lʼannonce sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de lʼannonce et le filet séparatif. Lʼensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de lʼannonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début dʼun paragraphe où dʼun alinéa sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans lʼéventualité où lʼéditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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trasbourg est en fête. l Parce qu’il s’y déroule actuellement le Forum de la Démocratie, organisé par le Conseil de l’Europe sur le thème : « Retisser la démocratie : connecter les Institutions avec les citoyens à l’ère du numérique ». Strasbourg est en fête. l Parce que dans quelques instants, le Maire de Strasbourg inaugure le Christkindelsmarik qui fait de Strasbourg la capitale mondiale de Noël. Strasbourg est en fête. l Parce que le Barreau célèbre les talents des jeunes confrères, dans le cadre de cette Rentrée Solennelle. Oui, Strasbourg est capitale de Noël. Strasbourg est capitale Européenne. Strasbourg est capitale de la Justice Européenne. Dans cette Salle des Assistes, où la justice a rencontré l’histoire, et dont bientôt les boiseries seront arrachées, le Barreau de Strasbourg vous reçoit. Le fait d’organiser cette Rentrée dans cette salle est un hommage à tous les confrères qui ont plaidé et ont travaillé dans ces lieux. Je vous l’ai dit, la Justice Européenne, celle du Conseil de l’Europe, a une capitale, c’est Strasbourg. Si le siège du Parlement nous est parfois disputé, on en parlera peut-être après, personne n’osera toucher à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, tant son rayonnement et son influence sont devenus incontournables dans le cadre de la construction de la démocratie et de la reconnaissance des droits fondamentaux de chaque individu.
Tout citoyen de la grande Europe, des 47 pays membres du Conseil de l’Europe, se tourne inexorablement vers Strasbourg pour obtenir le respect de ses droits, s’il estime que dans son pays, il n’a pas été entendu. L’Union Européenne elle-même est en train de travailler à la reconnaissance de la Charte Fondamentale des Droits de l’Homme, qui fait de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la juridiction centrale de l’ensemble de ce continent. Cela me fait dire que Strasbourg est capitale de la justice européenne. Pendant ce temps, à Paris, la Chancellerie, à l’initiative peut-être de quelques têtes trop bien pensantes, vide le Tribunal de Grande Instance de sa substance. C’est ainsi qu’ont été transférés vers la capitale du Duché de Lorraine : l la juridiction interrégionale spécialisée en matière pénale, l le Pôle Interrégional des Commissions de Conciliation et d’indemnisation des Accidents Médicaux, l le Pôle de compétence en matière de propriété intellectuelle, l le Pôle de compétence en matière de pratiques restrictives de concurrence l le Pôle de compétence pour les contestations concernant les obligations de publicité et de mise en concurrence des contrats, l le Centre de Protection Judiciaire de la Jeunesse du Grand Est, l la Juridiction Interrégionale spécialisée en matière d’infractions économiques et financières, l la Juridiction spécialisée dans les procédures concernant les accidents collectifs. A Strasbourg, ne restent que nos yeux pour pleurer ! Tous ces transferts sont opérés au détriment de Strasbourg, mais aussi de la justice à Strasbourg, et il faut bien le dire, des avocats du Barreau de Strasbourg et même des avocats alsaciens.
Les Annonces de la Seine - lundi 23 décembre 2013 - numéro 73
Rentrée Solennelle citoyens de l’Europe, de nos concitoyens alsaciens, si Strasbourg devenait une juridiction de proximité de Nancy. Strasbourg, capitale de la Justice Européenne, doit également être une place forte de la justice nationale. La récente création au sein du Barreau de Strasbourg, d’une section française du Deutsche Anwaltverein a été faite pour renforcer la coopération franco-allemande en matière de justice. Elle se fait à Strasbourg, elle ne se fait nulle part ailleurs. Faudra-t-il que nous expliquions à nos confrères que les procédures importantes transfrontalières et qui intéressent les citoyens allemands, devront être jugées à Nancy ? Il faut qu’ensemble, nous soyons vigilants et j’invite particulièrement les parlementaires à se préoccuper de cette problématique au moment de la rédaction et du vote des textes. Mesdames et Messieurs, mes chers Confrères, Souvent, on entend dire : « notre justice va mal, et comme la justice va mal, les avocats ne vont pas bien ». Mais ce n’est pas la justice qui est malade, mais c’est notre société qui est malade. Et le malaise de la justice n’est que le reflet du malaise de notre société. Je n’ai aucune qualité pour analyser ou expliquer les sources et les causes de ce malaise. Je constate cependant qu’on arrive à des situations extrêmes où des organes de presse, des candidats qui prétendent aspirer à représenter leurs concitoyens se vautrent dans l’ignominie à l’endroit de Madame Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. C’est à sa personne même que l’on s’en prend. Quelle bassesse. Nous ne pouvons pas rester silencieux. Je tiens, au nom du Barreau de Strasbourg, au nom des avocats du Barreau de Strasbourg, qui se sont toujours reconnus dans les valeurs républicaines, d’égalité, de fraternité, et de justice, à apporter mon soutien, le soutien du Conseil de l’Ordre du Barreau de Strasbourg, notre soutien, à Madame le Garde des Sceaux, comme Monsieur le Président du Conseil National des Barreau et Monsieur le Président de la Conférence des Bâtonniers l’ont fait au nom de tous les avocats français.
Je vous demande, Monsieur le Préfet, Madame la Première Présidente, Monsieur le Procureur Général, de transmettre à Madame Taubira ce message de soutien, et pourquoi pas, un message d’amitié de l’ensemble du Barreau de Strasbourg. La justice va mal. L’évolution de notre société fait que toute décision émanant d’une autorité quelconque est discutée, si elle n’a pas été au préalable soumise à la négociation. Les modes alternatifs de règlement des conflits sont une chance pour la justice et non pas une alternative ou un succédané à l’engorgement et à l’encombrement de nos Tribunaux. Il est exact qu’à l’heure des mails, avec réponse exigée par retour, il est difficile d’admettre que les avocats travaillent, étudient et plaident leurs dossiers, et que les magistrats ont parfois besoin de temps pour réfléchir, laisser mûrir et en arriver à une décision juridiquement bien fondée, et moralement acceptable parce qu’elle est juste. Les technologies modernes ont envahi nos prétoires et certains y ont vu des solutions pour régler les problèmes de délais, trop longs, et sans doute pour améliorer les statistiques. Désormais, tout est écrit, transmis au Greffe par un clic ; plus besoin de mises en état, elles sont devenues silencieuses ; plus besoin de plaidoiries, elles sont elles aussi devenues silencieuses. Cela améliore peut-être les délais, mais est-ce que cela améliore l’efficacité, et surtout le besoin de justice exprimé par nos concitoyens. Mesdames et Messieurs les magistrats, ne nous y trompons pas. La tentation de la facilité nous guette. Si l’on va encore un peu plus loin, la demande en justice consistera à remplir des cases. Mais avec l’évolution de l’intelligence « numérique », il n’y aura bientôt plus besoin de magistrats puisqu’il suffira de transmettre cette demande formatée, pré-renseignée, à un ordinateur qui rendra sa décision. Je n’ose pas imaginer que certains penseurs à la Chancellerie ou peut-être à Bercy, n’ont pas déjà intégré cette notion, lorsque l’on voit le nombre de postes de magistrats qui ne sont pas affectés. Si les avocats sont réduits au silence, le justiciable n’aura plus accès au juge, et à force de déléguer à d’autres professionnels la mission de juger, c’est le
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Ce n’est pas fini. La réflexion sur la Spécialisation de la Justice Economique propose également de faire échapper au Tribunal de Grande Instance, les liquidations de sociétés comprenant plus de 20 salariés. On s’est tout de même interrogé de savoir si Strasbourg n’avait pas un rayonnement économique plus irnportant que Nancy, mais ce qui compte, ce sont les économies budgétaires à réaliser. Il est également proposé d’instaurer l’échevinage dans les tribunaux de commerce. Cela ne sera pas aisé. A Strasbourg, et dans les trois départements de l’Est, la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance est présidée par un juge professionnel, assisté de deux juges consulaires. L’échevinage existe chez nous dans les trois départements. Cela fonctionne, à la satisfaction de tout le monde, y compris à celle de la compagnie des juges consulaires et des chambres de commerce. Madame le Garde des Sceaux, ne vous méfiez pas de Strasbourg ! Ne vous méfiez pas de l’Alsace Prenez exemple sur ce qui fonctionne bien chez nous. Il en va en même pour les actions de groupe actuellement en discussion au Parlement. Les avocats en sont exclus, et ces actions doivent être soumises à des juges spécialisés, et une fois de plus, on regarde vers Nancy. Ici à Strasbourg, a été créée la Chambre européenne de consommation qui a symboliquement son siège à Kehl, de l’autre côté du Rhin, et dont la Présidente est ici dans la salle, il faudra donc, pour toutes ces actions, aller à Nancy plutôt qu’à Strasbourg. Comment expliquer cela à nos voisins et amis allemands ? Oserais-je dire que l’histoire se répète ?La France ne faitelle pas confiance aux magistrats de Strasbourg, de Colmar et de Metz ? Faut-il se méfier des Alsaciens et des Mosellans ? Ce glissement permanent, volontaire ou insidieux, ou volontairement insidieux, n’est plus acceptable pour Strasbourg, pour les avocats du Barreau de Strasbourg. Soyons vigilants ! Quel sérieux aurons-nous encore à l’égard des
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Rentrée Solennelle rôle même du Juge qui sera remis en cause. Sionréduitlesavocatsausilenceetquelesmagistrats deviennent de simples exécutants travaillant sur un ordinateur,l’efficacitéserapeut-êtreaméliorée,mais je ne suis pas sûr que la Justice y gagnera. Restons donc vigilants ensemble. Depuis quelque temps, nous constatons que la profession est la cible d’attaques à peine voilées. Les instances nationales ont réagi. Grâce au Conseil National des Barreaux et à la Conférence des Bâtonniers, on a pu régler un certain nombre de ces problèmes et écarter des projets qui étaient inacceptables : l l’interdiction devant être faite aux avocats de devenir parlementaires, a été écartée, l la taxation du chiffre d’affaires des avocats pour abonder la caisse de l’aide juridictionnelle, est pour l’instant écartée. On voudrait faire payer aux avocats une taxe sur le chiffre d’affaires pour que l’on puisse indemniser des confrères qui se lèvent la nuit, ou qui interviennent pour les personnes les plus
fragiles. Peut-on imaginer un tel système pour les médecins qui peuvent tirer des chèques sur le compte de la Sécurité Sociale, sans que cela ne dérange quiconque. Faire payer les avocats pour abonder la caisse de l’aide juridictionnelle est inadmissible. Une nécessaire réforme de l’accès au droit doit enfin aboutir à des solutions concrètes. L’indemnisation de l’avocat intervenant en aide juridictionnelle est un sujet sensible. C’est un enjeu pour notre société puisqu’il y va de l’accès au droit. La cession de parts de SCI, rédigée par un avocat, comme cela se faisait depuis toujours, devrait-elle revenir à des professions voisines ? Le contrôle accru des formalités de déclaration des dépôts à la CARPA crée une suspicion générale à l’égard de la profession. Mais quel mal avons-nous f ait à nos dirigeants pour qu’ils s’en prennent aux avocats ? Je constate que les régimes qui ont essayé de réduire la parole de l’avocat, qui ont réduit son office, ne sont pas ceux qui ont été les plus respectueux de
la démocratie. Je reste cependant optimiste : ces mêmes dirigeants, lorsqu’ils quittent leur profession, ne se tournent-ils pas vers le Barreau ? Je ne sais pas s’il faut souhaiter que pour être parlementaire, il faut avoir été avocat, ou si pour être avocat, il faut avoir été parlementaire. On ne peut pas continuer ainsi ; la profession doit être respectée. La profession d’avocat participe incontestablement à l’œuvre de justice. La liberté de parole de l’avocat, son indépendance, mais aussi son indépendance financière, constituent une garantie fondamentale de notre démocratie. Or il n’y a pas de démocratie, sans justice indépendante ; il n’y a pas de justice indépendante sans défense indépendante, sans avocat. Ces constats pessimistes laissent cependant place à l’espoir, et le Bâtonnier que je fus, même s’il n’a pas toujours été très sage, en appelle au meilleur d’entre nous, je veux dire le Père Noël, pour qu’il n’oublie pas nos petits souliers. Qui sait, l’avenir dure longtemps.
Debout que l’avocat exerce sa fonction ! Debout qu’il plaide, qu’il s’insurge, qu’il défend, qu’il accuse. C’est debout que l’avocat interpelle la justice, Et enfin c’est debout qu’il entend le verdict. Alors, se battre pour un siège... Et pour quel siège ? Le siège européen ? Nous l’avons! Strasbourg, capitale européenne, abrite en son sein, le siège du Conseil de l’Europe, celui de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, de la Pharmacopée européenne et du Parlement européen. Quoique, pour ce dernier, qui tend inexorablement vers des horizons bruxellois, il serait opportun, voire même pécuniairement judicieux, de lancer une offensive pour le siège… Mais, les causes bassement financières n’intéressent pas les avocats, c’est bien connu. Sièges strasbourgeois que personne ne défend, allez où
les mouches vont, et laissez-nous orphelins, orphelins de Robert Schuman, orphelins de cette Europequedes sirènes futiles entraînent hors de nos murs… Le siège d’appel ? Ah ! Voilà un sujet susceptible de déclencher les passions, d’allumer les feux de la discorde alsacienne, de diviser les Barreaux de notre belle province ! Un néophyte ignorant du régime d’Alsace Moselle, de notre bien-aimé droit local, constatera avec curiosité, voire incompréhension, qu’une Cour d’appel est établie à Metz, à Colmar, mais au grand dam de notre Bâtonnier, point à Strasbourg. Livrer bataille pour un tel siège pourrait bien exciter des appétits, aiguiser des plaidoiries enfiévrées, attiser des rancœurs régionales, et… conduire à une guerre des tranchées, peu compatible avec le principe de confraternité. La confraternité ! Principe si cher à notre profession, surtout lorsqu’il s’agit de l’exiger du confrère, alors qu’on la foule aux pieds lorsqu’elle nous entrave… Et surtout, les causes gagnées d’avance n’intéressent pas les avocats, c’est bien connu. Cour d’appel, cerne donc Strasbourg par le sud et par l’ouest, je n’en ai cure, je sais te trouver sur une carte, lorsqu’il le faut. Le siège de cassation ? N’ayons pas la folie des grandeurs Que les Parisiens se rassurent, la Cour est bien gardée. Elle siégera encore dans le palais de justice de Paris, au moins jusqu’au prochain mandat de notre Bâtonnier, s’il venait à récidiver un jour… Et, les causes politiques n’intéressent pas les avocats, c’est bien connu. Cour Suprême, baigne tes pieds dans la Seine, je me fous de te savoir à deux pas de mon cabinet, il est Strasbourgeois, et mon cœur aussi. Le siège du Bâtonnier ? Non, Monsieur le Bâtonnier, ce siège à occupation temporaire n’est pas votre symbole, c’est le Bâton qui vous fait Roi, et pour lui seul je me battrais, si, un jour, l’envie de vous succéder me venait… Mais les causes inéluctables n’intéressent pas les avocats, c’est bien connu. Bâtonniers actuel et futur, gouvernez tranquilles, je n’ai pas encore faim ! Le Saint-Siège ? Habemus Papam !
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Anne Krummel
Faut-il se battre pour un siège ? Thèse par Anne Krummel
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aut-il se battre pour un siège ? Un siège ? Je n’ai ni l’âge, ni l’envie d’être assise ! C’est debout que l’homme voit plus loin, C’est debout que sa voix porte, Debout qu’il honore ou se recueille, Debout qu’il va à la rencontre de l’autre, Debout qu’il résiste, Debout qu’il affronte le danger, Debout qu’il se bat, Debout qu’il marche, donc avance. C’est debout que l’homme est vraiment homme !
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Les Annonces de la Seine - lundi 23 décembre 2013 - numéro 73
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Rentrée Solennelle
Ces deux mots, prononcés par le cardinal protodiacre, doyen de l’ordre des cardinaux, à l’issue du conclave, depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre, annoncent au monde que l’Église s’est dotée d’un nouveau chef. On pourrait imaginer qu’après l’élection du Bâtonnier par notre ordre réuni en conclave, le doyen du tableau, annonce, depuis le balcon de la villa Sainte-Odile, l’identité du nouvel élu, après qu’une fumée noire, couleur de notre robe, ait été aperçue par les confrères massés devant la bâtisse en attente la révélation du secret des urnes... Mais, les causes ordinales n’intéressent pas les avocats, c’est bien connu. Bâtonnier, tu peux fumer noir ou blanc, peu m’importe, l’essentiel est que tu ne nous enfumes pas ! Le bain de siège ? Non point de gaudrioles ni d’histoire de fesses, J’en vois, ici et là, dont l’œil s’est allumé un instant d’un éclat lubrique ... qu’ils se rassurent je tairais leurs noms. Mais ils seront déçus, les causes grivoises n’intéressent pas les avocats, c’est bien connu. Postérieur callipyge, tu peux tremper à loisir, je ne t’évoquerai point céans... J’ai beau parcourir les sièges les plus illustres, ceux qui accueillent les fondements les plus respectables, je n’en trouve pas un seul que moi, avocate, devrais défendre. Pas un pour lequel je me battrais. Pas un qui me donnerait envie de revêtir ma cotte de maille, par dessus, mon armure, de choisir une épée, chevaucher mon fidèle destrier, et telle Jeanne d’Arc jadis, de finir au bucher pour lui. Pas un à défendre, mais il en est bien un contre lequel je me battrais. L’image s’est imposée d’elle-même, alors que mon esprit courait de siège en siège à la recherche désespérée d’un tabouret, d’un fauteuil ou d’une chaise qui mériterait mon sacrifice. Un siège que je vois presque tous les jours, familier et évident. Si familier et évident que la question de son existence, de sa place, de sa légitimité ne se pose plus... C’est celui dans lequel nous n’avons pas vocation à siéger. C’est celui auquel nous nous sommes habitués au point que l’inanité de sa position ne nous apparaît même plus. C’est celui dont l’existence même est contradictoire
avec le qualifiant de celui qui l’occupe. Vous m’avez suivie, maintenant vous me précédez. L’évidence vous saute aux yeux, vous fouette le visage, déchire le voile devant votre regard : Pourquoi ? Oui, pourquoi ce magistrat que l’on qualifie de « debout », ou de parquetier, aurait droit à un siège, situé, suprême insulte, au même niveau que celui de ce juge qui relève de la magistrature assise ? Pourquoi ? Une explication classique est entrée dans les mœurs judiciaires depuis que Maître Moro Giafferi s’est exprimé en ces termes, je cite : « Monsieur l’Avocat général, je vous prie de ne point oublier que si, dans cette enceinte vous, vous trouvez assis à votre siège de Ministère Public, à même hauteur que Monsieur le Président en son fauteuil, vous ne le devez qu’à une erreur de menuisier. » Fin de citation Voilà un artisan particulièrement médiocre, et pourtant particulièrement sollicité puisqu’il a reproduit son erreur dans tous les palais de justice de France et de Navarre. Le pauvre bougre a en réalité parfaitement exécuté son œuvre. Il ne s’agit pas même d’une erreur en ce sens qu’elle est délibérée. Oui, Mesdames et Messieurs...parfaitement délibérée, puisque le fruit d’une commande précise et respectée au centimètre... Il est intéressant de relever qu’autrefois, les représentants du Ministère public se tenaient, comme les avocats, sur le plancher même de la salle d’audience au pied de l’estrade sur laquelle siégeaient les juges, et que c’est de cette position originelle qu’ils tiraient leur dénomination de parquetier, d’ailleurs ! Qu’est-ce qui a donc bien pu justifier l’érection du ministère public ? L’histoire n’est pas belle... C’est lorsqu’il fut pressenti pour assurer une fonction politique de surveillance des juges, en marge de son rôle judiciaire, que la place du parquet à l’audience fut surélevée. Surveillance des juges ! Et aujourd’hui, ce symbole inique demeure, et jouit de l’indifférence de chacun ! Oui, juges du siège, avocats, justiciables, vous acceptez tous que les « parquetiers » ou ceux que l’on devrait nommer plus justement les « estradiers » continuent à se prévaloir de ce privilège scénographique d’un autre temps !
Confrères, vous levez la tête, tendez le cou : même lorsqu’il est assis, le regard du parquet effleure le sommet de votre tête, et lorsqu’il requiert, c’est sa voix qui domine la vôtre... Où sont les grands principes que nous prétendons défendre ? Où sont les valeurs dont nous nous proclamons les gardiens ? Dans le combat judiciaire que se livrent les parties, l’égalité des armes implique pour chacun de disposer d’une possibilité raisonnable de plaider sa cause dans des conditions qui ne le placent pas en situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Celui qui accuse et celui qui défend doivent être dans la même position, face à celui qui dira le droit au nom du peuple français, et dont il est totalement légitime, et indispensable que le siège soit au-dessus de l’assemblée ! Au-dessus de l’avocat qui défend la cause de son client. Au-dessus du Ministère Public dont la seule place légitime est sur ce parquet où je suis debout pour exercer mon ministère. L’offense faite aux principes élémentaires de l’équilibre entre les contradicteurs ne se limite pas à une question d’altitude... Le Parquet est à la droite du Juge, cette place de choix que l’on réserve à ceux qui comptent et que l’on honore... La droite de Dieu le père, la droite du maître de maison, la droite du podium olympique... Le Parquet est ainsi privilégié, en proximité du Juge, et à son niveau. L’indépendance constitutionnelle du Siège est ainsi visuellement compromise. En effet, l’accusé ne peut-il pas légitimement s’inquiéter de ce que la partie adverse qui le pourfend soit de manière aussi apparente dans une situation d’autorité que son propre avocat n’a pas ? Entendra-t-on les arguments avec la même attention, voire avec la même déférence ? Si l’avocat n’a pas peur de forcer son talent pour compenser ce désavantage, il ne peut admettre plus longtemps qu’un symbole hérité de l’ancien régime donne au justiciable le sentiment que le Juge et le Parquet sont sur un pied d’égalité, voire que le premier seraitauxordresdusecond,lorsquecelui-ci,selevantpour ses réquisitions, domine tout le monde, y compris le Juge ! À supposer même que l’égalité des armes ne soit pas concrètement mise en cause par cette situation, elle le sera, aux yeux du justiciable.
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Rentrée Solennelle On sait que l’audience est faite de symboles. On sait le poids de l’apparat, et son rôle. On sait notre attachement à notre robe. On sait ainsi que la place de chacun dans cette pièce de théâtre qu’est l’audience est déterminante pour celui qui remet ses droits entre les mains de la justice... Un récent sondage révèle d’ailleurs que 85 %, 85 % des Français ne font pas la différence entre, un juge et un magistrat du Ministère public ... Des études de spécialistes de psychologie posturale ont confirmé que deux personnes discutant d’un sujet contradictoire ne sont pas sur un pied d’égalité dans le débat, lorsque l’une « domine » physiquement l’autre. Les mêmes études ont démontré qu’il suffit de replacerlescontradicteursaumêmeniveaupourque lesattitudess’équilibrent,etl’issuedudébatchange... Le magistrat du siège lui-même échapperait-il à ces effets pervers ? Bien qu’il soit impartial et indépendant, il est pourtant physiquement plus proche de l’accusation que de la défense, et il doit lever la tête pour écouter les réquisitions du Parquet, alors qu’il baisse les yeux quand il m’écoute ! Celui qui est attaché au droit de la défense ne peut se satisfaire d’une telle situation. Il ne faut pas seulement que la justice soit rendue de manière impartiale, il faut aussi que les symboles confirment cette impartialité ! Pour rétablir l’égalité, je ne vois que deux solutions : Prendre la place du greffier ou replacer l’estradier sur le parquet qu’il n’aurait jamais dû quitter ! Prendre la place du greffier ? Cette solution aurait le seul mérite de me hisser à hauteur de l’accusation. Il est fort à parier que, dans une telle position, le justiciable ne fasse plus la différence entre le magistrat du siège, le parquet et l’avocat.
Et surtout, il est évident que ma place d’avocat est à côté de celui que je représente. Ne reste qu’une solution : raboter le parquet. Je ne suis évidemment pas la première à plaider en faveur de la mise au parquet du Ministère public. Un amendement a même été déposé en ce sens, en 1997. Monsieur Jacques Toubon, Garde de Sceaux d’alors, répondait en ces termes, je cite : « Je pourrais parfaitement opposer à l’amendement proposé l’article 40 de la Constitution compte tenu des travaux, et donc des dépenses que son adoption induirait. Mais je préfère de beaucoup utiliser des arguments de fonds, lesquels sont simplement les suivants ; D’abord l’accusé lui-même est placé à la même hauteur que le parquet. C’est son avocat qui est placé plus bas que le parquet. Ensuite, permettez-moi de dire que, le client de l’avocat général, c’est la république, et que celleci mérite d’être au-dessus de tous et de tout. C’est essentiellement pour cette raison que je souhaite que l’amendement ne soit pas adopté ». Quels arguments de fond en effet ! Que mon client soit gueux ou prince, justiciable ou république, il est soumis de la même manière à cette Justice, rendue au nom du Peuple français, censeur suprême, par la voix du Siège ! La république n’existe que parce que le peuple la veut bien, le pouvoir absolu, c’est celui du peuple, ce peuple qui défait les monarques, et soutien ou pas la république. Et la formule consacrée au nom du peuple français n’est que la confirmation de cette suprématie du peuple, y compris même sur le droit qui est élaboré par les représentants du peuple. Le législateur n’est ainsi que l’interprète du peuple et ceux qui feindraient de ne pas s’en souvenir ont
parfois vu leur tête se balancer au bout d’une pique. Alors, Jacques Toubon lorsque tu proclames que la république, étant le seul client du Ministère public, doit être placée au-dessus de tout par cette seule vertu, tu piétines le droit du peuple, au nom duquel tous les jugements sont rendus. Monsieur le Président... Vous me voyez venir, je n’avance pas masquée. Mais je ne peux résister à l’envie de vous saisir personnellement de la question. Quel moment plus opportun, Monsieur le Président, que ces temps de rénovation de notre beau palais, pourrais je choisir pour vous convaincre d’épouser ma cause. Quand vous regardez les plans de notre futur Palais de Justice, du haut de votre siège, vous ne voyez pas de différence de niveau, entre le parquet et les avocats. Les vues aériennes rendent difficile la perception des différences de niveau... Mais venez là, ...en bas, à côté de moi et mon justiciable, et partagez l’évident constat ! Je rappellerai les paroles que vous avez prononcées, lors de votre audience solennelle « les trois grandes valeurs de la justice sont avant tout son humanité, sa justesse et sa crédibilité ». Je vous prends aux mots, rendait à notre justice sa crédibilité Alors, Monsieur le Président, je m’en remets à votre sagesse, pour rectifier – enfin - cette erreur de menuisier, au nom du Peuple français qui parle par votre bouche. De notre belle devise nationale, retenons ce soir l’égalité. Me battant pour la prééminence de votre siège et contre l’estrade du sien, c’est pour elle, l’égalité, que je suis debout ! Monsieur le Président, j’attends votre jugement.
Alice Enderlé
Faut-il se battre pour un siège ? Antithèse par Alice Enderlé
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esdames et Messieurs les députés « anti-Strasbourg », Rappelez-vous, le Général de Gaulle, « La France ne peut être la France sans la grandeur 1 ». (Dégoût) La France ne peut être la France avec la grosseur. On nous bat les oreilles : manger, bouger, travaillez plus, bouger plus ! Ne restez pas assis dans cette salle d’assises ! Les Français sont sveltes. Mythe ou réalité ? Près de 15 % des adultes sont obèses. Haro sur le surpoids, mesures incitatives, mesures coercitives. Enjeux de santé, enjeux financiers. La pratique venue des Etats-Unis consistant à faire payer aux personnes particulièrement corpulentes deux sièges pour voyager en avion se répand en Europe, non sans difficultés. Ryanair prend le contre-pied de cette tendance et envisage de supprimer les places assises pour gagner en rentabilité.
Le siège n’est pas garanti. Faut-il donc se battre pour lui ? Cette société irlandaise n’en est pas à son premier combat. Concentrant artificiellement ses activités à Dublin, elle tente de faire coïncider siège statutaire et siège réel. Le Tribunal de Grande Instance d’Aix en Provence
a statué : le Code du travail français doit s’appliquer au personnel navigant rattaché à la base de Marseille Marignane. Les organismes sociaux français ont gagné. Dissimulation, absence de cotisation, sanction : 10 millions ! Chers députés anti-Strasbourg, comme Ryanair, aux
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lois et réglementations vous devrez vous conformer. (Menaçant gentiment) Si je prends aujourd’hui la parole devant vous, c’est pour vous prévenir que tous vos arguments pour un transfert du siège du Parlement seront battus en brèche. Vous ne pouvez raisonnablement espérer obtenir l’unanimité pour modifier les Traités. Nous veillerons à ce que les procédures soient respectées. Et puis, laissez-moi vous expliquer contre qui vous vous mesurez. Les Français sont de redoutables adversaires, l’Histoire en a maintes fois apporté la preuve. Nous nous retrouvons aux avant-postes car nous sommes les mieux armés pour défendre notre siège. Je ne citerai pas la résistance héroïque d’un petit village d’Armorique peuplé d’irréductibles Gaulois luttant contre le siège imposé par les camps de Babaorum, Aquarium, Petitbonum et bien sûr Argentoratum. Laissez-moi vous conter d’autres anecdotes à ce sujet. Quatre brillantes illustrations de victoire pour un siège. 1309. Le Saint-Siège est français. Avignon est résidence papale. Au commencement étaient le pouvoir du Roi de France et l’impôt. La décime créée par Philippe le Bel sème la discorde au sein du clergé. Le Pape Boniface VIII s’exonère de ce tribut et, oh, crime de lèse-majesté, affirme sa supériorité sur le Roi. Rome défie les Français. Le siège entre deux chaises, les évêques se réunissent en concile : le Pape est condamné et remplacé par un Français, Clément V. Le Saint-Siège est transféré à Avignon. Le Grand Schisme d’Occident assoit l’influence française dans le gouvernement de l’Eglise catholique. Complots, tractations, négociations, les luttes ne sont jamais éternelles. Les Français, la mainmise sur le Pape, souhaitent l’isoler puis s’en séparer. Le Palais des Papes est assiégé, le blocus est décidé. Benoît XIII, devenu persona non grata en France, rejoint discrètement l’Italie. 1ère victoire des Français. (Menaçant) Chers députés anti-Strasbourg, comme vous pouvez déjà le relever, à nous défier, vous perdrez ! Nous agissons conformément à nos intérêts et faisons fi des dissidents. Au besoin, par la force nous nous imposons. Nous n’avons pas hésité à déposséder Rome. Souvenez-vous-en ! Nous ne sommes pas tous des gentilshommes. Octobre 1428, branle-bas de combat. Les Anglais prennent le fort des Tourelles d’Orléans. Le siège commence. Épisode majeur de la guerre de Cent Ans. C’est la confrontation entre les troupes du futur roi Charles VII, stationnées au sud de la Loire, et les envahisseurs du Royaume de France venus d’outremanche. Les Orléanais organisent leur défense. Ils détruisent les faubourgs et édifices non protégés par l’enceinte de la ville et se replient au centre. Privés d’abri, les anglais construisent plusieurs bastilles et des fortifications encerclant ainsi la ville. Les attaques menées par les Français tournent court, l’hiver apporte son lot de désolations. La capitulation n’est pas loin. C’est sans compter sur Jeanne d’Arc qui obtient le commandement d’une armée de 4 000 hommes et décide d’attaquer successivement les positions
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ennemies obligeant les anglais à s’enfermer dans chacune des bastilles érigées. Déjà à l’époque, (Chanter) « Il fallait voir les cavaliers charger...2» Les assiégeants deviennent assiégés. Des combats, des assauts, tacticité et pugnacité. Saint Loup, le fort des Augustins, Saint Jean le Blanc sont libérés. Les anglais battent en retraite. Le siège est levé. Nous avons lutté contre un siège pour en obtenir un. Le Roi Charles VII est sacré. Sacrés Français ! 2ème victoire ! Chers députés anti-Strasbourg, pour défendre notre honneur et préserver les symboles de la France, c’est au bûcher que nous sommes prêts à aller ! Alors certains esprits chagrins diront que ce n’est pas vrai, nous n’avons pas toujours gagné. A Roncevaux, à Waterloo, à Trafalgar, ... (Mauvaise foi) Mais à Roncevaux, l’arrière garde commandée par Roland passait un col lorsqu’elle a été décimée. A Waterloo, nous étions au milieu des champs et à Trafalgar, nous étions en pleine mer. Pas l’ombre d’un siège à l’horizon. Aucun siège n’a été perdu, jamais ! Septembre 1627. Non bis in idem. Cette fois c’est la Rochelle. Les Huguenots, soutenus par les anglais, tiennent la cité. « Le pouvoir n’est pas une invention, c’est un état de fait et un état de siège 3». Louis XIII veut affirmer le pouvoir royal catholique. Il ordonne de réduire à néant l’influence des protestants. Richelieu fait déployer 20.000 hommes autour de la ville. Toutes les voies de communication terrestres sont coupées. La construction d’une digue de 1500 mètres de long et de 20 mètres de haut, barrant l’accès au port, achève d’enclaver la cité. Le Grand Siège, véritable guerre de position, commence. La flotte anglaise, malgré trois expéditions, ne parvient pas à ravitailler les Rochelais. La famine est effrayante. La paix devient une nécessité. La ville se rend le 28 octobre 1628. Le génie militaire français, le génie français, a triomphé. 3ème victoire ! (Menaçant avec grand sourire) Chers députés anti-Strasbourg, les grands moyens nous savons déployer. Battus à plates coutures, nos ennemis n’imaginaient sans doute pas jusqu’où nous pouvions aller.
Point d’intention belliqueuse, ne vous méprenez pas sur le sens de ces propos, mais méfiez-vous de nous. Le non-respect des engagements pris a tendance à provoquer chez nous des réactions disproportionnées. Après les Italiens et les Anglais, les Espagnols vont faire les frais des sièges, notre spécialité. Amour et trahison. Amour et argent. Feux de l’amour. Par le Traité des Pyrénées, l’infante Marie Thérèse, mariée à Louis XIV, renonce à plusieurs provinces de la Monarchie espagnole en contrepartie du versement d’une dot. Les 500 000 écus ne sont jamais payés. Alibi en or pour le jeune Louis. La France, encerclée par les possessions espagnoles, s’emploie à démanteler cet état de fait. C’est la campagne de Flandres. Le Maréchal de Turenne et Vauban enchaînent les combats, à feu et à sang, ils assiègent tour à tour Charleroi, Tournai, Douai, Courtrai... Un traité de paix est signé à Lille en 1667. Victoire française, à n’en pas douter. 4ème victoire des Français ! Chers députés anti-Strasbourg, il n’y a pas qu’en amour que notre susceptibilité peut être heurtée. Au-delà des campagnes militaires de Louis XIV, qui amèneront Strasbourg à se soumettre à son autorité, sans siège, qu’à cela ne tienne, l’Histoire en décidera autrement ultérieurement, le Roi Soleil est également illustre pour ses fauteuils. (Description avec emphase, folie douce, intellectuelle allumée) Reconnaissable à son dossier haut, légèrement incliné vers l’arrière, séparé de l’assise, entièrement recouvert d’étoffe, brocart d’or ou d’argent, brocart lamé, velours ciselé, velours façonné, damas ou satin blanc, taffetas ou soie, broderie au point de croix ... Piétement sculpté, pied droit en balustre carré ou pied galbé en console, entretoise et accotoir plus ondulé. Pour le bois ?Ebène, chêne, noyer ou châtaignier, peint, vernis, patiné ou laqué. Merveilleux ! Mobilier d’apparat, style ostentatoire. (Sérieux) Suprême consécration que de pouvoir s’asseoir sur un fauteuil au temps de Louis XIV. Privilège réservé aux hôtes de marque. La Noblesse s’assoit à la Cour selon son rang, l’ancienneté de sa lignée, sa fidélité au Roi. Ne confondez pas la caquetoire, la banquette, le placet, le ployant, le pliant le carreau, sous peine de vous attirer les foudres des dames du Palais, des dames
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Rentrée Solennelle d’honneur, des dames de compagnies, des princesses, des duchesses, des comtesses. Défense de la préséance. Prétexte à des luttes d’influence, origine de nombre de jalousies, le siège est essentiel. Attribut de la puissance, n’imaginez pas, chers députés anti-Strasbourg, pouvoir nous retirer notre siège. Un soupçon de prétention, une attitude légèrement suffisante, traits de caractère des Français dont je souhaiterais maintenant vous dire quelques mots. Laissons la Monarchie de côté. Le temps passe, les temps changent. Mais l’attachement au siège demeure. La France s’accroche et défend, envers et parfois contre tous, son statut de Grande Puissance. Illustrations au sein des institutions. Pied de nez face aux autres Nations. Alors que l’Arabie Saoudite vient de refuser d’occuper le siège proposé, la France tient à son fauteuil de membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU. L’Organisation des Nations Unies affiche depuis 1945 des intentions louables : le maintien de la paix, la sécurité et la coopération internationales. Et son immobilisme en termes d’organisation interne. Cercle très fermé des détenteurs du droit de veto. Un élargissement souvent évoqué, jamais décidé. Nous n’y sommes bien entendu pas opposés tant que vous nous laissez notre siège new-yorkais. Chers députés anti-Strasbourg, à ces fauteuils américains nous ne sommes pas près non plus de renoncer. Anyone makes his mind depending on his position’s kind. Ce qui en français signifie: « Chacun pense selon la nature du siège sur lequel il est assis 4». A Washington nous avons également pris nos quartiers. Forte de notre représentant permanent et des règles tacites de désignation du Directeur Général, nous sommes parvenus au sommet du FMI pendant plus de 26 ans. Prouesse de longévité malgré une récente démission forcée. Onde de choc planétaire qui en a fait tomber plus d’un de son siège à la veille des élections présidentielles. Nous aurions pu faire mieux... ou pire car n’est pas chef du gouvernement italien qui veut ; et oui, tout le monde ne peut pas être aussi cavalier qu’il Cavaliere ! Mais nous n’avons pas perdu de vue le siège : Christine remplace Dominique à la tête du fonds monétaire international et endigue les crises bancaires. Il faut croire que l’on s’y connaît en matière de stabilités financière et économique. Stabilité, mot privilégié des Français ! Chers députés anti-Strasbourg, pour la continuité vous pouvez compter sur nous ! Pour préserver nos sièges, nous n’envisageons ni adaptation des règles de représentativité ni vote pour une réduction du temps des sessions. En France, c’est bien connu, le changement, ce n’est pas pour maintenant ! Nous nous distinguons également lors des élections. Poste convoité, train de vie inespéré, conditions de travail idéalisées : luttes parfois acharnées pour obtenir un siège d’élu. Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Est électeur selon la Constitution, tous les nationaux français majeurs jouissant de leurs droits civils et politiques. Mais en France il y a lieu de distinguer les vrais électeurs des faux électeurs, et ce n’est pas toujours aisé. Le nombre d’habitants du Vème arrondissement de
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Paris a fortement fluctué ces vingt dernières années, de plusieurs milliers... Des fantômes sont venus grossir les rangs des partisans de Xavière et Jean Tibéri. Fausses domiciliations, radiations douteuses, adresses prétextes, numéros inconnus, manœuvres frauduleuses... En contrepartie, l’obtention de logements sociaux, de places en crèche ou d’emplois, c’est au choix ! S’ensuit un véritable feuilleton judiciaire. D’un côté, les époux Tibéri dénoncent des « opérations de déstabilisation », « une intrusion judiciaire dans la campagne électorale ». De l’autre, Madame Cohen-Solal, se voyant bien dans un siège avec vue sur le Panthéon, dépose plainte. Une information judiciaire est ouverte. Les rapports sont accablants. Mise en examen. Les juges d’instruction renvoient devant le Tribunal correctionnel en 2008. La décision ?10 mois de prison, 10.000 € d’amende, 3 ans d’inéligibilité. (Désinvolte) Qu’à cela ne tienne, il y a l’appel. Le Conseil constitutionnel, saisi de la légalité de l’élection, avait estimé en 2000 que les manœuvres avérées n’avaient pas été en mesure d’avoir modifié le résultat. Alors on y croit. Stupeur, la Cour d’appel de Paris confirme en mars 2013 le jugement. Il faut réagir. Utilisons les moyens de droit...pour une fois... Le dépôt d’un pourvoi permet de suspendre la peine. L’honneur de la famille est sauf, Monsieur Tibéri, ou son fils, va pouvoir se présenter aux prochaines élections municipales ! Chers députés anti-Strasbourg, pour conserver un siège nous savons utiliser les arcanes judiciaires. Pour invalider vos initiatives insensées visant le Parlement, nous n’hésitons pas à saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne. Cette Cour, non strasbourgeoise, ne peut être partisane. Nous y aurons recours autant de fois que nécessaire pour vous contrer. Mot d’ordre des Français : un siège, pardi ! D’autres fraudes électorales ont déjà été présumées confortant l’attrait des Français pour se battre pour un siège, quel qu’il soit. En 1989 dans la capitale Jacques Chirac est réélu haut la main : 20/20, 20 arrondissements sur 20. Alors que les Parisiens ne semblent pas en avoir plein les bottes, d’autres en ont plein les chaussettes. Élections municipales de Perpignan en 2008. Bureau de vote n°4.
Le Président du bureau de vote, en élégant Français, porte de hautes chaussettes foncées. Vous n’y auriez peut être pas pensé mais c’est un endroit idéal pour cacher des bulletins. Surpris en flagrant délit, des centaines de manifestants réclament alors la démission de Jean-Paul Alduy. Recours en annulation. Le Tribunal administratif de Montpellier invalide les élections. Le Conseil d’Etat confirme. Il est vrai que le stratagème pour le moins osé, manquait de subtilité. Chers députés anti-Strasbourg, sans être plus royalistes que le Roi, plus intègres que nous vous devrez être. Avec un peu de volonté nous pouvons faire dans la dentelle. N’oubliez pas que les Français sont des gens raffinés. La mode... La mode est aux primaires. Combat en deux temps : il s’agit de se battre pour pouvoir se battre pour un siège. François Fillon versus Jean-François Copé. Mister Nobody versus mister Everybody5. Duel fratricide pour le siège suprême de l’UMP : la Présidence du parti. L’élection de Monsieur Copé est vivement contestée. Les partisans, militants, sympathisants se mobilisent. Les coups bas l’emportent sur les débats. Mise en cause des conditions d’organisation de l’élection, procurations truquées, commission de contrôle partisane. Le pugilat a lieu dans les médias, « les petites phrases s’entrechoquent avec fracas6 », par voix interposées. Langage châtié. La...Conare... La Commission nationale de recours examine le différend. L’armistice est signé le 7 décembre dernier. Le pouvoir est partagé. Un fauteuil pour deux, ce n’est pas qu’au ciné. Chers députés anti-Strasbourg, nous n’avons pas peur d’afficher nos ambitions et de les défendre avec (ironique) abnégation. Nous sommes prêts au grand déballage en public pour régler nos comptes et à nous donner en spectacle. Les primaires PS sont aussi l’occasion de se divertir. Tendance plus écologique on évoque le covoiturage. Aide intergénérationnelle, il s’agit d’aider les Marseillais âgés à se déplacer. Des minibus sont spécialement affrétés dans la cité phocéenne par l’équipe de Samia Ghali. Le clientélisme est-il répréhensible ? Preuve difficile à apporter que celle de l’exercice d’une pression sur les électeurs. D’autant plus qu’il a déjà été jugé, au sujet d’élections à la
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Rentrée Solennelle Réunion, que la démarche d’un candidat ayant consisté à transporter une centaine d’électeurs par hélicoptère n’avait pas pu avoir une influence sur les résultats. Pour ceux qui en douteraient : arrêt du Conseil d’État du 30 avril 1990, n°109790, inédit au recueil Lebon. Chers députés anti-Strasbourg, nous savons que parfois nous marchons sur le fil. Mais vous n’arriverez pas à nous faire tomber. Nous sortons volontiers des sentiers battus. Dans quelques semaines, les candidats vont battre la campagne à la rencontre des électeurs. Les municipales en mars 2014 seront, si besoin était, chers députés, l’occasion de vous démontrer, une fois encore, qu’il ne faut pas sous-estimer les Français. Et surtout pas les Françaises. La Mairie de Paris sera féminine ou ne sera pas. Anne Hidalgo face à NKM, toutes deux descendues dans l’arène parisienne, pour succéder à Bertrand Delanoë. Chacune fourbit ses armes en vue du duel final. La campagne bat déjà son plein. Elles n’hésitent pas à aborder les sujets qui fâchent : les transports en commun, le logement, la sécurité,… et les rythmes scolaires. NKM a les dents longues mais n’aime pas les carottes. Préférerait-elle le bâton pour se faire battre? Chers députés anti-Strasbourg, vous aussi tôt ou tard vous succomberez au charme français, et surtout au charme des Françaises. (Se désigner, se mettre de profil d’un côté puis de l’autre) Vous ne saurez résister à cette allure, petite robe noire bien coupée, (lever les bras avec robe d’avocat) ongles faits, maquillage parfait, cheveux détachés, talons aiguisés... Le mythe de la femme française est éternel. Elle est féminine, sensuelle, féline, fougueuse, voluptueuse, Elle est à la fois réfléchie et spontanée, douce et volcanique, sensible et intouchable. Personne ne peut lui résister. (Se retourner doucement vers le Bâtonnier) N’est-ce pas Armand ? La femme française est un modèle. Coco Chanel, Catherine Deneuve, Sophie Marceau, Zahia, Nabilla, Rachida. Nous n’avons pas pour habitude de laisser de côté les candidats défaits. Un autre siège peut leur être trouvé. Véritable jeu de chaises musicales. Jugez-en par vous-même. Suite à un remaniement ministériel qui l’éloigne de la place Vendôme, Rachida Dati est élue députée européenne. Elle tente de faire mentir ceux qui pensent qu’elle est là en attendant mieux. Assidue en séance, multipliant les interventions, maîtrisant le fonctionnement du Parlement, elle confie quand même à une amie, quelques semaines après son arrivée : « je n’en peux plus, je n’en peux plus ! Je pense qu’il va y avoir un drame avant je (ne) finisse mon mandat. » S’ennuierait-elle dans la capitale européenne ? Ne profite-t-elle pas des infrastructures strasbourgeoises ? Une visite guidée de la cathédrale, une photo sur le barrage Vauban, un tour au marché de Noël, une baignade au Wacken... Et des atouts de la Région ?Une randonnée dans les Vosges, des dégustations de Gewurztraminer, de foie gras, de baeckeoffe, d’une choucroute ? Je m’arrêterai là. Le plaidoyer pour Strasbourg a déjà été fait. Chers députés, quelle serait l’alternative à Strasbourg pour le siège du Parlement européen ?
Bruxelles ? Quelle bonne blague belge ! Troquer les Mannele contre le Manneken Pis ? Troquer un presskopf contre un potjevleesch ? Troquer un hop là contre un une fois... Mais vous n’y pensez même pas ! Englués dans une crise politique depuis 2007, incapables de pourvoir aux sièges tant ministériels que parlementaires, les Belges se débattent tant bien que mal. Ils ont battu le record de la crise politique la plus longue au monde : 540 jours de blocage. Situation ô combien complexe : Wallons contre Flamands, parti socialiste contre parti nationaliste, condamnés à s’entendre pour former un gouvernement. Se succèdent des gouvernements intérimaires, la démission d’Yves Leterme puis celles d’Elio Di Rupo, des propositions de réformes institutionnelles, des transferts de compétence, des nominations par le Roi... S’y ajoutent les problèmes socio-économiques, la menace des marchés financiers, l’envol du taux d’intérêts. C’est un pays au bord de la scission. Et vous, oui vous, vous souhaiteriez y délocaliser le Parlement européen? Ineptie ! Trêve de plaisanteries ! Même le Roi a capitulé l’été dernier. Abdication d’Albert II le 21 juillet, jour de la fête nationale. Le symbolisme est à son paroxysme. Le Trône n’est pas pour autant laissé vacant. Le Trône, ...le Trône de tout un chacun... La Commission européenne a déjà annoncé vouloir le réglementer. Elle songe à uniformiser la taille des chasses d’eau afin de rendre cet équipement indispensable du quotidien plus écologique. Notes, projets, avis, rapports, les experts ont conclu. Le volume moyen du réservoir doit donc être égal à la moyenne arithmétique entre un réservoir plein et trois volumes réduits, soit un maximum de ?De ? Cinq litres d’eau pour les toilettes classiques ! Est-ce donc là le seul siège qui mérite l’attention de Bruxelles ? Il ne serait pas convenable de confier celui du Parlement à ces bureaucrates. On ne sait quelle sera leur prochaine marotte. Chers députés anti-Strasbourg, je crois vous avoir convaincus avec ces rappels de l’Histoire et de nos qualités d’ardents défenseurs de nos idées, que votre projet bat déjà de l’aile. Nous livrerons bataille pour conserver le siège du Parlement à Strasbourg parce ce que la France ne peut être la France sans les institutions européennes. Nous serons dignes de notre passé. Nous rendrons coup pour coup. Nous déploierons tout notre savoir-faire en la matière. Il est donc encore temps pour vous de battre la chamade, de vous incliner devant une autorité plus forte, en d’autres termes de baisser votre pantalon. A ce titre, j’aimerais conclure avec quelques mots inspirés de Charlie Chaplin, quelques mots à méditer: « Quand vous donnez un coup de pied au derrière à un gentleman imposant, vous lui ôtez toute dignité. Même le caractère impressionnant d’un député siégeant au Parlement s’effondrerait si vous vous glissiez derrière lui pour lui botter les fesses. Il n’y a pas de doute, le derrière, c’est là qu’est le siège de la dignité 7.» 2013-894 1. Général de Gaulle, L’appel. 2.La Bataille de Reichshoffen, paroles de’Henri Nazet et Gaston Villemer. 3. Jean-Jules Renard, extrait de Centre Ville 4. Alain. 5. Olivier Cimelière, le Nouvel Observateur, 8 septembre 2012. 6. Olivier Cimelière, le Nouvel Observateur, 8 septembre 2012. 7. Charlie Chaplin, Histoire de ma vie.
Agenda
UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS CEDOCA « Le droit des Etrangers » Conférence le 16 janvier 2014 IPAG de Paris - Salle Odent 122, rue de Vaugirard 75006 PARIS Renseignements : 01 53 63 86 39 alexis.deprau@u-paris2.fr
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ASSOCIATION FRANÇAISE DES JURISTES D’ENTREPRISE CABINET FRANCO-ALLEMAND GGV Mise en place d’un programme de compliance au sein de l’entreprise Atelier le 23 janvier 2014 222, rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 PARIS Renseignements : 01 42 61 53 59 association@afje.org
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CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX 10èmes Etats Généraux du droit de la famille Les 30 et 31 janvier 2014 Maison de la Chimie 28 bis, rue Saint-Dominique 75007 PARIS Renseignements : 01 53 30 85 65 pressecom@cnb.avocat.fr
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REVUE BANQUE Sécurité des systèmes d’information Quels impacts réglementaires et opérationnels pour les banques ? Atelier le 30 janvier 2014 Auditorium de la FBF 18, rue La Fayette 75009 PARIS Renseignements : 01 48 00 54 04 marchal@revue-banque.fr
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AVOCATS CONSEILS D’ENTREPRISES La protection des actifs de l’investisseur Colloque le 13 février 2014 Bibliothèque de l’Ordre 4, boulevard du Palais 75001 PARIS Renseignements : 01 47 66 30 07 ace@avocats-conseils.org
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Vie du droit
Commission franco-allemande du Barreau de Paris et Association des Avocats Allemands établis en France (AAF)
Journée franco-allemande « Accès à la justice dans le domaine économique »
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Paris, 26 novembre 2013
par Christian Roth
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a Commission Franco-Allemande du Barreau de Paris, ensemble avec l’Association des Avocats Allemands établis en France, ont organisé le 26 novembre dernier un colloque FrancoAllemand ayant pour thème « l’accès à la justice dans le domaine économique » à l’occasion de la visite officielle du Dr. Ewer au Barreau de Paris qui préside l’Association Allemande des Avocats regroupant 70 000 des 140 000 avocats allemands qui sont organisés professionnellement en Barreaux régionaux, eux-mêmes regroupés au sein du Barreau Fédéral Allemand. Ce colloque fut également organisé pour célébrer le 50ème anniversaire de la signature du Traité de l’Elysée, le « traité Adenauer - De Gaulle » qui n’est pas resté lettre mortedanslasphèredel’exerciceprofessionnelduBarreau de Paris comme le démontrent les éléments suivants : l 4 conventions de coopération signées avec les Barreaux Allemands depuis 1985 jusqu’en 2011 (Berlin), l 164 avocats allemands exercent au Barreau de Paris, 105avocatsduBarreaudeParissontinscritsàunBarreau Allemand, 46 avocats parisiens exercent à titre principal en Allemagne, l la Commission Franco-Allemande qui existe depuis 2008, est forte de 140 membres, elle organise
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six conférences par an sur des sujets scientifiques relatifs aux pratiques juridiques et professionnelles comparées entre la France et l’Allemagne. Son Bureau est composé des Vice-Présidents Karl-Heinz Beltz, Christian Klein, Catherine Stary, et du Secrétaire Thierry Hiblot. Tous ont une double formation franco-allemande et /ou une double qualification Avocat /Rechtsanwalt. l la Commission Franco-Allemande est le portail d’accueil des stages de 3 mois effectués par les jeunes
Rechtsreferendare allemands dans leur période d’étude entre leur premier et deuxième examen d’Etat, l la Commission Franco-Allemande sélectionne les lauréats du Prix des Avocats Allemands que le Barreau de Paris décerne tous les deux ans – ensemble avec le DAV et la BRAK, à l’occasion des cérémonies de la Rentrée de la Conférence. A travers leurs interventions, les prestigieux orateurs, Wolfgang Ewer, Rechtsanwalt à Kiel, Président du
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Christian Roth
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Accès à la justice dans le domaine économique
Vie du droit Deutscher AnwaltVerein, Christian Schwörer, Rechtsanwalt à Bruxelles, Directeur adjoint du Bureau du Deutscher Anwaltverein à Bruxelles, Jack Mas, Juge au Tribunal de Commerce de Paris, Président de la 3ème Chambre, dite Chambre internationale, Winfried-Thomas Schneider, Magistrat au Landgericht de Saarbrücken et Jens Bredow, Rechtsanwalt et Secrétaire Général de la Deutsche Institution für Schiedsgerichtsbarkeit
(DIS) à Cologne ont proposé un regard croisé de la pratique vécue par le justiciable, particulier ou entreprise, à l’occasion des relations transfrontalières franco-allemandes. Tout le monde parle de globalisation de nos économies, de fluidité des échanges des personnes et des biens, d’internationalisation. Le droit se caractérise par son ancrage fortement national. Nous vous proposons d’explorer comment la pratique de la
défense des droits dans l’internationalisation des échanges trouve des expressions adaptées à la fluidité : l Adaptées à l’écoute des expériences des décisions de Tribunaux étrangers. l Adaptées à l’expression dans sa langue d’origine. l Adaptées à l’énoncé d’une loi étrangère devant le juge national. l Adaptées dans le respect par le juge national de la liberté contractuelle des parties étrangères.
par Christian Schwörer
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a politique de l’Union Européenne en matière de justice a été profondément modifiée au cours de ces dernières années. Ce n’est qu’en 2010, au début de la Commission européenne actuelle (2010-2014), qu’un portefeuille exclusivement dédié à la justice a été créé. Depuis lors, la Commission a présenté plus de cinquante initiatives dans ce domaine, et a ainsi créée les bases d’un espace européen de liberté, de justice et de sécurité. Ceci était un des objectifs essentiels de l’Union, mentionnés dans le traité de Lisbonne. En quelques années des étapes majeures ont été franchies. A présent, la Commission s’apprête à faire le bilan des progrès accomplis et à définir les principaux défis à venir. A cet effet, un forum européen sur l’avenir de la politique de l’UE en matière de justice, s’est tenu la semainedernière.OrganiséparlaCommissionetintitulé les « Assises de la justice », il s’agissait d’une conférence de deux jours réunissant des juges, des avocats et des universitaires, ainsi que des décideurs politiques. Chers confrères, je suis content de pouvoir vous donner aujourd’hui un petit aperçu des progrès accomplis et des défis pour les prochaines années en matière de justice civile. Revenant d’abord sur le traité de Lisbonne et sur les changements principaux qu’il a apportés. Premièrement, le Parlement européen dispose maintenant d’un rôle accru en tant que co-législateur dans la plupart des procédures législatives. Ce rôle accru renforce la légitimité démocratique de l’Union. Deuxièmement, l’instauration du vote à la majorité qualifiée au Conseil dans la plupart des domaines d’action permet de rationaliser le processus décisionnel. Pour pouvoir réaliser des ambitions formulées dans le traité de Lisbonne, la Commission a - comme je l’ai déjà dit au début -scindé le portefeuille de la justice et des affaires intérieures. Viviane Reding, vice-présidente de la Commission, préside désormais cette nouvelle direction générale de la « Justice », ce qui a accéléré le rythme de manière considérable. Le « Deutscher Anwaltverein » a également réclamé cette séparation afin de mieux réconcilier les libertés individuelles des citoyens et l’intérêt de la sécurité publique. Déjà en 2009, la Commission européenne avait établi le programme de Stockholm pour la période 2010-2014, afin d’établir les priorités de l’Union européenne dans le domaine de la justice. Un plan d’action prévoyant une feuille de route pour la mise en œuvre des priorités politiques fixées dans ce programme de Stockholm a également été publiée. Quelles étaient alors les priorités formulées dans ce programme ?
Christian Schwörer La coopération entre les autorités judiciaires et la reconnaissance mutuelle des décisions de justice au sein de l’UE devaient être renforcées, dans les affaires civiles et pénales. À cette fin, les pays de l’UE devaient utiliser les technologies de l’information et de la communication, soit l’ « e-justice », adopter des règles minimales communes visant à rapprocher le droit pénal et civil, et renforcer la confiance mutuelle. En effet, la Commission européenne a réalisé qu’aucun progrès réel ne pourrait être réalisé sans confiance mutuelle. Aujourd’hui, quatre ans après l’adoption du programme de Stockholm, faisons le bilan : Quelles sont les mesures du Plan d’action qui ont été réalisées? Et quelles sont les domaines où l’Union Européenne n’a pas encore accompli son travail ? Commençons par les avancées : Tout d’abord, je voudrais évoquer avec vous la refonte du règlement Bruxelles I concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. A la fin de l’année 2012, deux ans après la diffusion de la proposition de la Commission, le Parlement et le Conseil ont adopté ce règlement. La refonte met fin à la procédure d’exequatur. Ainsi, les décisions exécutoires rendues dans un Etat membre sont reconnues sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. De plus, elles jouissent de la force exécutoire dans les autres Etats membres sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire. D’après la Commission, la suppression de cette procédure devrait faire économiser jusqu’à 48 millions d’Euros par an. Cependant, l’arbitrage reste exclu du champ matériel du règlement. L’internationalisation souhaitée par la Commission n’offre qu’une timide traduction en un ou deux endroits du règlement. La refonte du règlement Bruxelles-I
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Aperçu des nouvelles réglementations communautaires en matière de justice
entrera en application à partir du 10 janvier 2015. En matière de propriété intellectuelle, la création du brevet unitaire européen marque un progrès considérable après de longues années de négociations entre les Etats Membres. Pour la réalisation du brevet unitaire, les Etats Membres ont eu recours à la coopération renforcée. Cette procédure de coopération renforcée a été introduite par le traité de Lisbonne. La coopération renforcée permet à un groupe d’au moins neuf États membres de mettre en œuvre des mesures, faute d’accord entre les 27 pays. Les autres États membres conservent le droit de s’y associer lorsqu’ils le souhaitent. Qu’est-ce qui change en pratique ? Lorsqu’un brevet européen sera délivré par l’Office européen des brevets, le demandeur aura bientôt une option supplémentaire : la possibilité de demander que ce brevet ait un effet unitaire dans 25 Etats membres. Les brevets seront disponibles en anglais, en français et en allemand. Si les demandes devront être faites en anglais, en allemand ou en français. Si elles sont introduites dans une autre langue, elles devront être accompagnées d’une traduction dans l’une de ces trois langues. En plus, le brevet unitaire sera protégé dans les 25 Etats membres, par une juridiction unique et spécialisée, qui s’appellera la Cour Unifiée des brevets. En droit de la consommation, une nouvelle directive européenne doit être transposée en droit national au plus tard à la fin de l’année. Le but initial de la proposition de 2008 était d’harmoniser de manière complète le droit communautaire des contrats à la consommation. Finalement, le résultat, le texte qui a été adopté en 2011, est assez décevant par rapport à nos attentes. La refonte se limite aux volets de la vente hors établissement et de la vente à distance. Le consommateur en Europe bénéficie d’un délai de rétractation de 14 jours ainsi que des droits
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Vie du droit
Wolfgang Ewer
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le créditeur à compenser pleinement tout dommage causé au destinataire de l’ordonnance, si celle-ci s’avérait injustifiée. Le débiteur pourrait contester immédiatement la mesure et pourrait obliger le créditeur à consacrer suffisamment de fonds pour garantir la compensation. Des négociations avec les États membres sur un accord sur ce sujet sont actuellement en cours. La simplification de la reconnaissance des effets des actes d’état civil est un autre domaine nécessitant des actions rapides. Des documents publics devraient faire l’objet d’une acceptation mutuelle des États membres sans que ceux-ci puissent imposer des obligations de certification supplémentaires. La Commission a adopté une proposition qui est actuellement à l’agenda de la commission des affaires juridiques du Parlement. Grâce à ces mesures, les entreprises ne seraient plus tenues de se procurer et fournir d’onéreuses versions légalisées ou des traductions « certifiées conformes » de documents officiels lorsqu’ils font immatriculer une société ou enregistrer un bien immobilier. Les négociations entamées sur la création du droit commun européen de la vente devront continuer. La proposition a été adoptée par la commission des affaires juridiques du Parlement au mois de septembre. Le droit commun européen de la vente s’appliquerait uniquement si les deux parties du contrat, à savoir le vendeur et l’acheteur, optent de manière volontaire pour son application. Si elles ne choisissent pas le droit commun, les règles nationales existantes s’appliqueront. Il s’agit donc d’un instrument optionnel qui s’applique sur une base volontaire et qui ne remplace pas les lois nationales existantes. Le choix de cet instrument par la Commission est également une réaction aux négociations de la directive pour la protection des consommateurs et constitue l’alternative par rapport à une harmonisation de manière complète. La commission parlementaire a décidé de limiter le champ d’application de la nouvelle législation aux ventes à distance. Les négociations au Conseil montrent encore beaucoup de réticences des Etats-Membres. Il est également souhaitable de continuer la révision du règlement de l’Union Européenne sur l’insolvabilité. Cette réforme vise à moderniser les dispositions existantes, de façon à ce qu’elles favorisent la restructuration des entreprises en difficulté. En plus, elle renforcera la sécurité juridique en fixant des règles précises pour déterminer la compétence judiciaire. Lorsqu’un
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au remboursement plus étendus. Cette procédure législative a démontré qu’il était très difficile d’harmoniser entièrement un domaine de droit. Aussi, les institutions européennes devraient recourir à des moyens alternatifs, comme, par exemple, l’instrument optionnel. Nous allons voir cela plus en détail dans le contexte du droit de la vente. Est-ce que ces mesures, ces progrès de l’Union Européenne constituent une mise en œuvre satisfaisante du programme de Stockholm en matière civile? Le Parlement Européen a émis des réserves. Dans son projet de rapport sur l’examen à mi-parcours du programme de Stockholm, le Parlement constate que, jusqu’à présent, les initiatives législatives en matière civile étaient principalement axées sur le droit matériel. Le Parlement recommande plutôt d’insister davantage sur le droit de la procédure. Luigi Berlinguer, un député du Parlement Européen, note dans un amendement, qu’en matière civile, plusieurs propositions importantes sont encore attendues, y compris la reconnaissance mutuelle des effets attachés aux actes d’état civil et la 14ème directive sur le droit des sociétés concernant le transfert transfrontalier du siège statutaire des sociétés de capitaux. Mais est-ce que cette appréciation du Parlement Européen est justifiée pour le domaine du droit civil - droit des affaires? Et bien pas tout à fait puisque l’Union européenne a déjà adopté un grand nombre de directives et de règlements qui doivent encore être transposés en droit national. C’est maintenant au tour des Etats Membres de les transposer au niveau national. De plus, il y a déjà une multitude de règlements et d’instruments permettant aux consommateurs et aux entreprises d‘exercer leurs droits. Cependant, ce système d’instruments est souvent incompréhensible pour le consommateur et l’entrepreneur, et même parfois, pour les avocats. Il serait plus souhaitable de se limiter à des domaines qui n’ont pas encore été réglés, et pour lesquels, un véritable besoin de règlementation est nécessaire, comme les quatre exemples suivant : La proposition d’une nouvelle ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires répondrait à un véritable besoin. Selon la proposition, les entreprises et citoyens de l’Union Européenne pourraient passer un ordre à une banque afin qu’elle bloque le compte bancaire du débiteur dans un autre État membre. Pour éviter d’éventuels abus, une règle de responsabilité obligerait
débiteur fait l’objet de procédures d’insolvabilité dans plusieurs États membres, les juridictions saisies des différentes actions devront collaborer étroitement. Les créanciers seront mieux informés grâce à l’obligation imposée aux États membres de publier les principales décisions, par exemple, celles ouvrant la procédure d’insolvabilité. Normalement, la réforme devrait être accomplie avant la fin du mandat du Parlement Européen. Mais quel est le sort de ces procédures législatives, si elles sont entamées à la fin du mandat du Parlement Européen ? Au début de chaque législature, la Conférence des présidents statue sur les demandes motivées des commissions parlementaires et des autres institutions concernant la reprise ou la poursuite des procédures législatives. En pratique, le principe de discontinuité n’est donc pas appliqué et les dossiers qui ont été adopté déjà en session plénière sont poursuivis dans la quasi-totalité des cas. Avant d’ouvrir sur la future politique de la justice, j’aimerais parler du « Justice Scoreboard », une initiative de la Commission, permettant une évaluation systématique du fonctionnement des systèmes de justice nationaux des vingt-huit États membres. Des systèmes de justice transparents, indépendants et efficaces sont indispensables pour la croissance économique. Lorsque les opérateurs économiques ont la conviction que règne l’État de droit dans un état membre, ils ne vont pas hésiter à investir dans ce pays. Ce tableau de bord rassemblerait entre autres : l des données sur les délais de jugement des affaires, l le taux d’affaires jugées, l le nombre d’affaires pendantes, l l’utilisation d’outils électroniques, l le recours à des modes de règlement extrajudiciaire des litiges ou l la formation des juges. L’objectif n’était pas de présenter un classement global unique, ni de promouvoir un type de système de justice, en particulier, mais de contribuer à rendre les systèmes de justice plus effectifs. Ces résultats seront ensuite pris en considération lors de la définition de la politique de justice des années à venir. Regardons finalement dans la boule de cristal : à quoi ressemblera la politique de l’Union Européenne en matière de justice en 2020? Parmi les idées présentées au forum « Assises de la Justice » figurent les suivantes : - des droits procéduraux renforcés en matière de signification et de notification des actes, - un recours plus large aux régimes européens facultatifs de droit matériel. Les intervenants ont surtout abordé l’idée d’un instrument optionnel pour un droit commun des contrats d’assurance. - un cadre juridique spécifique pour l’informatique en nuage, qui désigne l’utilisation de serveurs distants accessibles par Internet, basé sur un ensemble uniforme de règles. Ce cadre devrait supprimer les incertitudes existantes dans ces contrats. La Commission avait annoncé qu’elle présenterait une communication sur les futures initiatives dans le domaine de la justice au printemps 2014. Elle sera ensuite examinée lors du Conseil européen de juin 2014. Je voudrais terminer par une phrase de Viviane Reding, déclarée au forum sur les Assises de la Justice, qui me semble bien résumer la situation : «Nous avons considérablement progressé dans la mise en place d’un espace européen de justice, et ce, dans un laps de temps assez court. Mais il nous faut encore poursuivre nos efforts. La base de tout est la confiance mutuelle qui doit encore plus évoluer.»
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Vie du droit Le justiciable étranger devant le juge consulaire français par Jack Mas
L’application du droit étranger par le juge national par Winfried-Thomas Schneider
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es pays de l’Europe, et notamment la France et l’Allemagne, ne cessent de se rapprocher. Les échanges économiques et personnels s’intensifient, et ce notamment grâce aux moyens modernes de déplacement. Il convient de rappeler que depuis la Gare de l’Est, en TGV ou en ICE, Sarrebruck et l’Allemagne sont à moins de deux heures de Paris. Ce rapprochement matériel de nos deux pays
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rois précautions oratoires en préambule : l Ce que je vais être amené à vous dire est, par nature, destiné en priorité à nos visiteurs allemands, les participants français étant, de part l’exercice de leur fonction, familiers avec notre Institution judiciaire. l Je n’ai pas mandat pour m’exprimer au nom de l’ensemble des 130 tribunaux de commerce de France ; Je m’appuie sur mon expérience de 14 années au sein du plus important d’entre eux le TC de Paris qui compte 172 juges parmi les quelques 3 000 que compte la France. (Notons d’ores et déjà que ce qui suit ne s’applique pas aux tribunaux de Moselle et d’Alsace qui sont soumis à un autre régime inspiré du droit judiciaire allemand). l Je n’évoque ici que la partie contentieuse de notre tribunal, les 5 chambres dédiées aux défaillances d’entreprises n’étant pas amenées, en règle générale, à traiter de justiciables, étrangers. D’abord quelques indications sur notre identité : Nous sommes issus du monde économique généralement cadres dirigeants d’entreprise en activité ou en retraite récente, ayant, en préférence exercé des responsabilités juridiques. Nous sommes élus par nos organisations professionnelles à l’issue d’un processus de recrutement fixé par la loi ce qui nous distingue fondamentalement des juges professionnels issus de l’Ecole Nationale de la Magistrature. Avec eux nous avons en commun le même serment du magistrat recueilli solennellement par le Premier Président de la Cour d’appel au début de notre judicature. Nos expériences professionnelles nous permettent d’appréhender de façon factuelle les litiges qui nous sont soumis, tous les domaines d’activité étant représentés (banque, assurance, transports, nouvelles technologies, droit international – le droit maritime étant rattaché aux transports). Nous dispensons ainsi, plus qu’une justice « commerciale » stricto sensu, une justice économique au sein des 14 chambres de contentieux étant noté que des justiciables allemands seront dirigés vers la 7° Chambre – droit de l’UE. A Paris, nous avons rendu 68.000 décisions en 2012, de natures diverses (fond, référé sous diverse formes, injonctions…dont 18 000 au fond). Le taux d’appel
Jack Mas
Comment procéder lorsque l’on est justiciable non français devant notre juridiction ? l La nationalité des justiciables qui viennent devant nous est totalement indifférente. Seuls importent les faits et le droit applicable. l Nous attachons la plus grande importance au caractère contradictoire du débat avec l’appui du greffe (dont je salue au passage les 230 personnes qui y officient). l La procédure est orale (art. 871 du CPC). Il en résulte que les parties doivent comparaître en personne ou se faire représenter pour formuler valablement leurs prétentions. (Amodiations relatives aux conclusions surtout reconventionnelles). l Nous privilégions, avant tout débat prolongé, autant que possible les modes alternatifs de résolution des litiges : conciliation ou médiation. Nous privilégions la première solution qui est rapide et sans frais. Nous disposons de six conciliateurs au sein du tribunal, agrées par la Cour. Fin octobre nos conciliateurs avaient « soustrait » aux rigueurs d’un jugement un total de demandes formulées de 4.4 milliards d’euros.
l Si le litige le requiert, nous jugeons en raison de la loi étrangère applicable qui gouverne ce litige (avec production éventuelle d’un certificat de coutume). l Nous jugeons en droit et non en équité l Les deux chambres concernées par le droit international et/ou le droit communautaire, les 3° et 7° chambres peuvent faire application des dispositions de l’article 23 du CPC selon lequel le juge n’est pas tenu de recourir à un interprète lorsqu’il connaît la langue dans laquelle s’expriment les parties. En pratique, cela concerne essentiellement les pièces produites, en particulier contractuelles, d’où une nette résidence des juges concernés pour recevoir les demandes de traduction jurée de documents qu’ils peuvent lire dans la version d’origine. l A Paris et dans les grands tribunaux, on ne plaide pas, sauf exception, devant une formation de jugement, mais aux termes de l’article 861 du CPC, à l’audience d’un juge chargé d’instruire l’affaire qui fera rapport sous forme de projet soumis à un délibéré. l Nous entretenons un dialogue permanent et fructueux avec le Barreau, dans le but d’accélérer et de simplifier la mise en état. l Pour les petits litiges résultant d’une créance laissée en souffrance par un débiteur négligent, ayez recours à une procédure très simple, suivi d’effet dans 9 cas sur 10 qu’est l’injonction de payer (la faire rédiger de préférence par un juriste pour éviter un vice de forme). Je terminerai avec une citation de Doris Lessing, prix Nobel de littérature qui vient de nous quitter : « Je ne suis d’aucun camp. J’aime trop la vérité ».
engendre une augmentation des rapports juridiques et, par conséquent, des litiges qui peuvent en naître. Pensons d’abord au grand nombre de contrats du commerce international, mais aussi aux contrats entre commerçants et consommateurs. Imaginons par exemple le cas du client de Sarrebruck allant commander ses nouvelles portes et fenêtres auprès d’un artisan lorrain. La plupart du temps, l’exécution de ces contrats ne pose pas de problèmes. Si en revanche les portes et fenêtres ne correspondent pas aux attentes du client, les choses peuvent rapidement se compliquer. A ces relations naissant d’actes juridiques volontaires s’ajoutent les nombreux rapports extracontractuels, résultant par exemple des accidents de circulation transfrontaliers,
dont les conséquences peuvent aujourd’hui être largement portées devant les juridictions du pays de la victime, en vertu de la jurisprudence de la CJUE, dès lors que la demande se dirige contre l’assureur du conducteur automobile1. N’oublions pas enfin les multiples litiges possibles en droit de la famille ou en droit des successions. Pour les juridictions nationales, ces litiges transfrontaliers constituent un nouveau domaine de travail, entraînant un certain nombre de questions jusqu’à présent peu développées dans les détails. Le juge national n’a en principe pas l’habitude de connaître le droit étranger. Il doit donc s’en procurer les éléments nécessaires pour pouvoir juger du litige qui lui est soumis, ce qui ne sera pas toujours sans problèmes. L’avocat qui se
est de 15 % suivi de plus de 80 % de confirmations par la Cour. L’importance de certaines affaires étant expliquée par le fait que nombre de grandes entreprises françaises et filiales de groupes internationaux ont leur siège dans notre ressort. Nous sommes astreints à une formation permanente obligatoire (ENM – Délibérés de la Cour d’appel et de cassation, 1700 heures à la fin d’octobre).
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I. LE CADRE LÉGAL La mise en œuvre du droit étranger par le juge allemand se trouve régie par le § 293 du Code de Procédure Civile (ZPO) : Das in einem anderen Staat geltende Recht, die Gewohnheitsrechte und Statuten bedürfen des Beweises nur insofern, als sie dem Gericht unbekannt sind. Bei Ermittlung dieser Rechtsnormen ist das Gericht auf die von den Parteien beigebrachten Nachweise nicht beschränkt; es ist befugt, auch andere Erkenntnisquellen zu benutzen und zum Zwecke einer solchen Benutzung das Erforderliche anzuordnen »2. Comme la plupart des règles de procédure, ce texte semble à première vue laisser au juge une grande liberté de manœuvre. Or, ceci n’est vrai qu’au niveau des moyens dont le juge peut se servir pour établir les règles de droit étranger et dont nous parlerons plus tard. Auparavant, il convient de faire un certain nombre d’observations par rapport à la qualification du droit étranger dans la procédure civile allemande et aux conséquences qui résultent de cette qualification. A. La qualification du droit étranger Dans la procédure civile allemande, le droit étranger n’est pas traité comme un simple fait, mais comme une véritable règle de droit que le juge doit respecter et dont il doit au besoin se procurer les connaissances nécessaires. Dans cette qualification, la procédure civile allemande se distinguait pendant longtemps de la jurisprudence française qui considérait traditionnellement que l’existence et l’interprétation des lois étrangères étaient des simples questions de fait3. Que signifie cela pour le juge qui doit mettre en œuvre ce principe ?Selon le fameux proverbe « iura novit curia », il devrait connaître le droit et savoir l’appliquer à l’espèce en cause. Mais un seul et même juge ne peut pas connaître tous les droits du monde. C’est pourquoi la loi apporte une limite importante à ce principe : le juge allemand doit connaître son propre droit, indépendamment de la source dont il provient, y compris le droit international public transcrit en règle de droit national et le droit communautaire. En revanche, l’on n’attend pas du juge qu’il connaisse aussi le droit étranger dont il doit éventuellement faire application, mais seulement qu’il puisse, le cas échéant, s’en procurer les connaissances nécessaires. Dans cette mesure, la loi place le droit étranger au même niveau que la coutume ou les statuts. L’obligation de rechercher les principes du droit étranger est nettement marquée par la fameuse « Gründlichkeit » allemande4. Selon l’interprétation de la Cour fédérale de justice, le juge du fond est tenu de s’informer sur le droit étranger dans sa totalité : il ne doit pas se contenter de connaître les textes mais aussi prendre en compte la mise en œuvre concrète de ce droit dans la pratique et plus particulièrement
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Winfried-Thomas Schneider
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trouve devant le choix de porter son affaire devant les juridictions de l’un ou de l’autre pays doit être conscient du fait que les avantages qu’il conserve en restant dans son propre for sont parfois largement compensés par les inconvénients résultant de l’application d’un droit étranger par sa juridiction nationale. C’est dans cette perspective que nous présenterons la situation du juge allemand qui se voit en face d’un litige international soumis au droit d’un pays étranger. Nous développerons ainsi dans un premier temps le cadre légal de la réglementation allemande avant de parler de sa mise en œuvre dans la pratique des tribunaux d’outre-Rhin.
dans la jurisprudence du pays en question5. Ici encore se traduit la même conception qui voit dans le droit étranger une véritable règle de droit qu’il convient d’appliquer conformément aux principes du système juridique dont elle émane. Ce qui vaut pour le juge peut aussi valoir pour l’avocat qui se fait donner mandat dans une affaire de droit international. La jurisprudence allemande est traditionnellement sévère lorsqu’il s’agit de la responsabilité contractuelle de l’avocat : ce dernier doit conseiller son client de manière exhaustive et doit toujours suivre le chemin « le plus sûr » afin d’obtenir le meilleur résultat possible6. Il doit donc à son tour se procurer les connaissances nécessaires sur les lois applicables et s’informer de l’état actuel de la jurisprudence. En cas d’erreur commise, il doit en répondre vis à vis de son client. Au vu de cette responsabilité très large, on a pu dire que l’avocat doit même en savoir plus que le juge devant lequel il compare7. S’agissant du droit étranger, ce risque est d’autant plus élevé que les assurancesresponsabilité des avocats excluent en principe les cas de responsabilité ayant trait au droit international. De la recherche du contenu du droit étranger il convient de distinguer la question de son application aux faits de l’espèce. Cette question se résout par rapport aux règles du droit international privé (articles 3 et s. EGBGB) que le juge allemand, à la différence de son homologue français, doit observer d’office à tous les stades du procès8. B. Les conséquences de cette qualification Cette qualification du droit étranger entraîne un certain nombre de conséquences pratiques pour la mise en œuvre procédurale. En premier lieu, il convient de remarquer que les parties ne peuvent pas lier le juge dans leur interprétation du droit étranger : la fameuse « Dispositionsmaxime »9 ne s’applique pas. Le juge peut toutefois suivre les parties dans leur interprétation du droit étranger si leurs conclusions lui paraissent convaincantes. Mais il n’y est pas obligé et en cas de doutes il est, au contraire, obligé de procéder à des recherches complémentaires afin d’établir le droit étranger conformément aux exigences que lui impose la jurisprudence du Bundesgerichtshof. Autre conséquence de cette qualification : même en cas d’absence du défendeur, le juge reste tenu à rechercher le contenu du droit étranger. La fiction légale selon laquelle les faits présentés par la partie comparante sont reconnues par la partie absente
ne s’étend pas à l’application du droit étranger10. Le plaideur qui s’adresse à la juridiction allemande sur le fondement d’un droit étranger a donc intérêt à exposer de manière convaincante dès ses premières conclusions les règles de droit étrangères régissant sa demande. C’est la seule chance pour lui d’obtenir éventuellement une condamnation imminente de son adversaire en cas de défaut de comparution. Si en revanche les conclusions s’avèrent être insuffisantes, le juge devra procéder à des recherches complémentaires. Cela contrevient au but de la procédure de non comparution qui se veut en principe être un moyen rapide et peu onéreux pour terminer l’instance. Troisième conséquence de cette qualification : si le contenu du droit étranger ne peut pas être établi, le demandeur n’est pas déchu de sa demande pour faute de preuve11. La Cour fédérale de justice a alors tendance à appliquer le droit allemand, et ceci notamment lorsque les faits de l’espèce montrent des points de rattachement au territoire allemand et que les parties ne s’y opposent pas12. On parle alors du « Ersatzrecht »13. C’est d’ailleurs en gros la solution de la Cour de cassation française. Une autre possibilité serait de rechercher la solution dans les principes d’un droit voisin au droit applicable, par exemple, dans une affaire soumise au droit luxembourgeois de combler les lacunes par une application des principes du droit belge ou français. C’est la méthode préférée par la doctrine dominante, que la jurisprudence rejette en principe, sauf si l’application du « Ersatzrecht » conduit à des résultats inacceptables14. Notons enfin que la nature mitigée des règles de droit étrangères a aussi de l’influence sur l’étendue du contrôle de droit exercé par la Cour fédérale de justice. Celui-ci portera pleinement sur le respect des règles de procédure que le juge doit observer dans la recherche du droit étranger. En revanche il ne s’étendra en aucun cas sur l’interprétation du droit étranger par les instances ni sur les conséquences qu’ils ont pu en tirer pour l’affaire en question15. II. LA MISE EN ŒUVRE Si les principes que le juge d’instance doit observer dans la recherche du droit étranger sont stricts, la loi lui réserve en revanche une certaine liberté de manœuvre dans la mise en œuvre de ces principes. Les textes exigent seulement de lui que les moyens qu’il choisit et les mesures qu’il emploie soient « appropriés » et « utiles ». Le juge dispose donc d’un pouvoir d’appréciation qu’il doit cependant exercer conformément à son obligation procédurale de
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Vie du droit rechercher le contenu du droit étranger. La mise en œuvre conforme de ce pouvoir d’appréciation est contrôlée par la Cour fédérale de justice qui peut, en cas de défaut, procéder à des recherches complémentaires sur le droit étranger16. Cela nous amène à distinguer deux types de procédure qui s’offrent aux juridictions d’instance, à savoir d’une part, la procédure « formelle » qui consiste à établir le droit étranger en appliquant les moyens de preuves classiques et plus particulièrement la consultation d’experts, et d’autre part la procédure « simplifiée », plus souple mais aussi beaucoup moins courante dans la pratique quotidienne. A. La procédure formelle La voie classiquement déployée pour rechercher le contenu du droit étranger est celle de la preuve formelle par voie d’expertise judiciaire. Le Code de procédure civile allemand connaît cinq moyens de preuve formels, à savoir la preuve visuelle (Augenschein, § 371 et s.), le témoignage (Zeugenbeweis, § 373 et s.), la preuve par écrit (Urkundenbeweis, § 415 et s.) l’audition des parties (Parteivernehmung, § 445 et s.) et la preuve par expertise (Sachverständigenbeweis, § 402 et s.). Ce dernier moyen de preuve permet au juge de se procurer les connaissances spécifiques nécessaires à la solution du litige, le plus souvent dans le domaine technique ou médical. Il s’agit aussi d’un moyen approprié pour obtenir les connaissances nécessaires d’un droit étranger dont le juge ne dispose pas17. En optant pour cette voie, le juge s’engage dans une procédure formalisée et par conséquent relativement lourde, conformément aux § 402 et s. ZPO18. Le juge doit d’abord formuler les questions qu’il entend poser à l’expert, sachant que ce dernier n’est pas appelé à résoudre l’affaire à la place du juge mais seulement à établir le droit étranger applicable à l’espèce. Le juge doit ensuite trouver et nommer un expert compétent auquel il transmettra le dossier en attendant que celui-ci lui fournisse sa consultation dans un délai de temps raisonnable. Après réception de la consultation écrite, il doit soumettre à l’expert les objections éventuelles des parties et le convoquer à l’audience si l’une au l’autre partie le réclame. Le juge qui ne respecte pas ces règles commet une faute de procédure et verra son jugement infirmé par l’instance supérieure même s’il a répondu aux questions de droit19. Malgré cette lourdeur apparente, la procédure formelle est fréquemment choisie dans la pratique. Deux raisons peuvent être avancées pour justifier cela. D’une part, cette voie est relativement sûre car elle permet au juge de se procurer les éléments nécessaires pour rendre son jugement conformément aux exigences de la procédure. D’autre part, cette voie est aussi celle de la facilité puisque les recherches pour lesquelles le juge disposerait de peu de temps et de moyens de bord restreints sont effectuées par l’expert. Le juge peut alors se concentrer sur ses obligations essentielles, à savoir rassembler les faits et appliquer la loi dont le contenu lui a été auparavant établi par l’expert. B. La procédure simplifiée Pour rechercher le contenu du droit étranger, le juge n’est pas tenu de choisir la procédure formelle de preuve. Cette procédure formelle a aussi bien des inconvénients : mise à part la procédure relativement lourde, la nomination d’un expert entraîne des frais qui devront être supportés par les parties. C’est pourquoi, selon les difficultés de l’espèce, le juge se contentera éventuellement d’autres moyens plus
simples pour aboutir à la solution de l’affaire qui lui est soumise. Rappelons toutefois que son choix est sujet au contrôle de la Cour fédérale de justice qui sanctionnera le jugement rendu sur la base d’une recherche inappropriée du droit étranger. C’est pourquoi, en pratique, les juges du fond hésitent à choisir la voie simplifiée et optent le plus souvent pour la procédure formelle. Quels sont les moyens de recherche alternatifs ? Le juge peut d’abord appeler les parties à lui présenter les règles de droit applicables s’il estime que cela leur est possible20. Car si le juge est tenu de rechercher d’office le contenu du droit étranger, les parties sont à leur tour obligées d’y participer activement. Les parties peuvent aussi produire elles-mêmes des pièces au dossier, et notamment des consultations privées d’experts. Le juge doit prendre en considération ces pièces et peut s’en contenter s’il les estime convaincantes. Dans la mesure où les parties sont d’accord sur l’application d’un texte étranger et sur sa mise en œuvre concrète, le juge peut éventuellement procéder à cette mise en œuvre, si elle lui paraît être juste, sans devoir examiner de façon plus détaillée la situation en cause21. Dans une certaine mesure, le droit étranger, même s’il a qualité de règle de droit, est parfois quand-même soumis à la disposition des parties. Le juge peut aussi avoir recours à la recherche personnelle. Si le juge dispose de suffisamment de connaissances juridiques, de documentation et de temps libre, il peut rechercher lui-même la solution au litige à l’aide des textes de loi, de la doctrine et de la jurisprudence du pays en question. Il devra alors exposer dans son jugement qu’il dispose des compétences nécessaires et fonder sa solution sur le résultat de sa recherche selon les critères développés par la Cour fédérale de justice. Cette méthode aboutit lorsque le litige se réduit à des questions de droit classiques. Elle trouve en revanche ses limites dès lors que l’on sort des sentiers battus, et notamment lorsqu’il s’agit de rechercher quelle solution le droit étranger apporte à des problèmes spécifiques du droit national. Enfin, le juge peut, sans passer par la procédure de preuve formalisée, demander des renseignements juridiques à toute personne compétente, et notamment aux institutions nationales ou étrangères spécialisées dans ce domaine. Il convient de nommer ici la Convention de Londres du 7 juin 1968 dans le domaine de l’information sur le droit étranger, qui permet au juge d’adresser par la voie diplomatique des questions de droit aux autorités du pays en question. Ce dernier moyen a le charme de ne pas générer trop de frais ; en revanche, il réunit de nombreux inconvénients connus des autres moyens de preuve. La procédure est relativement lourde et très lente. Elle suppose que le juge formule sa demande sous la forme de questions de droit abstraites qui devront être traduites dans la langue du pays en question et transmises ensuite par la voie diplomatique. Les réponses, une fois données, devront être retraduites en langue allemande. Elles auront aussi le même caractère abstrait que les questions, sans rapport avec les faits de l’espèce. Souvent, elles ne permettront pas au juge de décider de l’affaire en cause22. Notons à cet effet qu’il existe maintenant en Europe un nouveau moyen d’obtenir, en tant que professionnel du droit, des renseignements sur les règles de droit privé et commercial d’un autre pays membre de la Communauté Européenne : c’est le Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, fondé en vertu du Traité d’Amsterdam par une décision du Conseil européen
du 28 mai 200123. Ce réseau dont l’activité a été élargi le 1er janvier 2011 s’est donné pour mission de faciliter d’une part la coopération judiciaire entre les États membres en matière civile et commerciale en mettant en place un système d’information pour les membres du réseau et d’autre part d’améliorer l’accès à la justice, pour les professionnels comme pour les citoyens, en fournissant des informations sur les instruments de coopération judiciaire internationaux et ceux de l’Union. Ses services s’adressent notamment aux juridictions et aux administrations, mais aussi aux autres professions du droit - avocats, notaires, huissiers de justice - qui peuvent y obtenir des renseignements sur le droit ou le système juridique d’un autre pays membre. Conclusion L’application du droit étranger par le juge national reste un domaine très vaste qui offre de nombreuses difficultés en théorie comme en pratique. Même si les moyens dont le juge dispose pour établir le contenu d’un droit étranger sont variés et lui laissent un certain choix, leur mise en œuvre reste délicate et suppose que le juge s’investisse avec soin dans le dossier en cause. Cette tâche lui réussira d’autant mieux s’il dispose déjà de connaissances de base du système juridique en question ou, au moins, d’expérience générale en matière de droit comparé. Néanmoins, l’avocat qui s’adresse à sa juridiction nationale avec un problème de droit étranger doit toujours prendre en considération que le litige risque de durer et même parfois d’être une grande aventure vers l’inconnu. Les droits européens se rapprochent de plus en plus, mais leur application réciproque par les juridictions des autres pays continue à poser des problèmes. C’est ce à quoi nous devrons nous attaquer dans les années à venir et c’est pourquoi des colloques tels que celuici conserveront toujours un grand intérêt pratique. 2013-900 1. CJCE, arrêt du 13 décembre 2007 - C-463/06, Rec. 2007 I, 11321 = NJW 2008, 819. 2. Les droits étrangers, coutumiers et autres statuts doivent être prouvés, mais seulement dans la mesure où le juge ne les connaît pas. Pour déterminer ces règles, le juge n’est pas limité aux preuves apportés par les parties. Il peut également utiliser d’autres sources appropriées et ordonner les mesures qu’il estime utiles à cette fin. 3. Cass. civ., arrêt du 25 mai 1948, D. 1948, p. 357, note P.L.-P.; Cass. com., arrêt du 16 novembre 1993, D. 1993, I.R., p. 258. Depuis quelques années, la Cour de cassation se rapproche de la position allemande, V. not. Cass. civ. 1, arrêt du 24 novembre 1998, D. 1999, jur., p. 337, note Menjucq; Cass. civ. 1, arrêt du 18 septembre 2002, D. 2002, IR, p. 2716. 4. V. sur ce sujet Cl. Witz, Le droit allemand, 2ème éd., Dalloz 2013, p. 175 et s. 5. BGH, arrêt du 23. juin 2003 - II ZR 305/01, NJW 2003, 2685. 6. V. récemment BGH, arrêt du 10 mai 2012 - IX ZR 125/10, BGHZ 193, 193. 7. V à ce sujet H. Zugehör, Anwaltsverschulden, Gerichtsfehler und Anwaltshaftung, NJW 2003, p. 3225 et s. 8. BGH, arrêt du 25 septembre 1997 - II ZR 113/96, NJW 1998, 1321; V. pour la position française contraire, Cass. civ. 1, arrêt du 26 mai 1999, D. 1999, IR, p. 162. 9. « Principe dispositif »; V. R. Legeais, Grands systèmes de droit contemporains, éd. Litec, p. 311. 10. Zöller/Geimer, ZPO, 29ème éd., § 293 Rn. 18 ; Baumbach/Lauterbach/ Hartmann, ZPO, 71ème éd., § 293 Rn. 13. 11. BGH, arrêt du 3 décembre 1992 - IX ZR 229/91, BGHZ 120, 334; arrêt du 25 janvier 2005 - XI ZR 78/04, NJW-RR 2005, 1071. 12. BGH, décision du 26 octobre 1977 - IV ZB 7/77, BGHZ 69, 387 ; arrêt du 23 décembre 1981 - IVb ZR 643/80, NJW 1982, 1215. 13. Baumbach/Lauterbach/Hartmann, op. cit., § 293 Rn. 9 ; Zöller/ Geimer, op. cit., § 293 Rn. 27. 14. BGH, 26 octobre 1977 et 23 décembre 1981, loc. cit.; KG Berlin, arrêt du 27 juin 2001 - 3 UF 3906/00, FamRZ 2002, 166. 15. BGH, arrêt du 10 avril 2002 - XII ZR 178/99, NJW 2002, 3335. 16. BGH, arrêt du 12 novembre 2003 - VIII ZR 268/02, NJW-RR 2004, 308 ; Zöller/Geimer, op.cit., § 293 Rn. 15. 17. BGH, arrêt du 13 mai 1997 - IX ZR 292/06, NJW-RR 1997, 1154. 18. V. pour plus de détails, Cl. Witz, L’établissement du contenu du droit étranger en Allemagne, Colloque de Sarrebruck du 28 juin 2013, Société de législation comparée, à paraître 2014. 19. BGH, arrêt du 15 juin 1994 - VIII ZR 237/93, NJW 1994, 2959. 20. BGH, arrêt du 30 avril 1992 - IX ZR 233/90, BGHZ 118, 163. 21. BAG, arrêt du 10 avril 1975 - 2 AZR 127/74, BAGE 27, 99; Musielak/Huber, ZPO, 10ème éd., § 293 Rn. 9 ; Zöller/Geimer, op.cit., § 293 Rn. 17. 22. Un exemple pratique témoignant de ces difficultés a fait l’objet d’un jugement (non publié) du Landgericht Saarbrücken du 15 mars 2005 - 14 O 419/01. 23. E 2001/470/CE.
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Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE) 44ème Assemblée Générale - Paris, 9 décembre 2013 Plus de 600 personnes ont assisté à la 44ème assemblée générale de l’Association Française des Juristes d’Entreprise qui compte plus de 4.000 adhérents. Ce fut l’occasion pour le Président Hervé Delannoy d’accueillir à la tribune ce 9 décembre 2013, après Vincent Lamanda, Premier Président de la Cour de cassation, le 17 décembre 2012 (Les Annonces de la Seine du 31 décembre 2012 pages une et suivantes), James R. Silkenat, Président de l’Américan Bar Association, et Geoffroy Roux de Bézieux Vice-Président et Trésorier du MEDEF. Face au « monde du droit et de l’entreprise », soucieux de promouvoir le métier de juriste d’entreprise, Hervé Delannoy a déclaré que le statut du juriste d’entreprise français devait évoluer : dès lors que la déontologie serait renforcée, cette profession pourrait être réglementée. Considérant les juristes d’entreprise comme « la seconde profession du droit », il estime qu’ils se doivent « d’agir, réagir et interagir ». Particulièrement préoccupé par le statut du juriste d’entreprise au sein des professions juridiques au regard de la confidentialité, il a conclu ses propos en s’engageant à mettre tout en œuvre pour obtenir « la confidentialité des avis des juristes d’entreprise ». Jean-René Tancrède
Promouvoir le métier de juriste d’entreprise par Hervé Delannoy
1. L’entreprise Nous y sommes tous les jours, et participons de l’intérieur à ses développements, ses projets, ses actions, ses difficultés, ses succès. Nous sommes la profession juridique la plus proche de l’entreprise puisque nous en faisons partie. C’est donc très naturellement que nous sommes heureux de vous recevoir parmi nous Monsieur
Hervé Delannoy Roux de Bezieux, vous qui représentez l’entreprise mais aussi les entreprises en votre qualité de Vice-Président et trésorier du Medef, organisation avec laquelle l’AFJE a toujours entretenu des contacts. La proximité avec l’entreprise signifie aussi pour l’AFJE le besoin d’avoir à son conseil d’administration des représentants de différents secteurs économiques pour élargir autant que possible son ouverture. Nous accueillons cette année 6 nouveaux administrateurs
Les chiffres clés de l’AFJE en 2013 La 1ère organisation professionnelle de juristes d’entreprise en France, l Elle regroupe les directions juridiques de plus de 1 300 entreprises, l Plus de 4 000 juristes, l Plus de 600 directeurs juridiques et près de 700 responsables juridiques, l L’AFJE est le 1er réseau de juristes d’entreprise français et européen, l
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’est un plaisir de vous retrouver lors de cette traditionnelle assemblée de l’AFJE qui réunit le monde du droit et de l’entreprise. Je vous remercie de l’intérêt et du soutien que vous manifestez à l’égard de notre association par votre présence. Si c’est avec ses membres, ses administrateurs, ses responsables de commissions et de régions que l’AFJE engage et réalise ses différentes actions c’est aussi avec ses partenaires et fidèles amis. Notre action se fonde d’une part sur la vision de notre métier que nous voulons promouvoir et d’autre part sur les évolutions que nous percevons autour de celui-ci. Ces évolutions proviennent de ce qui nous entoure au plus près, c’est à dire de l’entreprise, du contexte international dans lequel elle évolue, des besoins de formations que nous identifions et enfin des conditions dans lesquelles nous exerçons notre métier. Ces évolutions nous voulons les anticiper, les accompagner ou les provoquer. C’est un des rôles de notre association.
membre d’ECLA (European Company Lawyers Association), l Une association d’envergure nationale présente à Paris et en Ile-de-France mais aussi sur tout le territoire national, avec 14 délégations régionales et 7 antennes départementales, l 16 commissions thématiques, animées par nos adhérents qui organisent des réunions de réflexion
sur des sujets touchant au cœur de leur mission, l 15 ateliers d’information en partenariat avec les meilleurs spécialistes du monde juridique, l 1 Comité des jeunes juristes pour impulser une culture réseau chez eux, l Et plus de 30 partenariats avec des acteurs des métiers du monde juridique et de l’entreprise, des institutionnels, des écoles et universités.
parmi lesquels Alexia Scott, directrice fiscale du groupe l’Oréal, car pour nous la fiscalité est aussi une matière juridique. Avec Alexia Scott entrent au Conseil d’administration Arnaud Robert, Directeur juridique du groupe Lagardère partie édition, Eric Amar, Directeur juridique dans le groupe Bolloré (partie logistique), Jonathan Marsh, Directeur Fusion acquisition chez Total, Ian Kayanakis, Directeur juridique chez Technip, et Marc Mossé, Directeur juridique et affaires publiques de Microsoft. Je leur souhaite la bienvenue au sein de ce conseil de 25 membres. 2. Le contexte européen et international Il est essentiel aujourd’hui. Nous travaillons tous, comme vous ici, pour des entreprises internationales par leur marché ou leur présence à l’étranger. Cette grande implication internationale se manifeste à la fois dans le commerce international mais aussi par les pratiques juridiques des autres pays. C’est pour cela que nous sommes heureux de
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vous recevoir monsieur James Silkenat, vous qui représentez les lawyers américains au sein de votre association des Barreaux américains qui regroupe avocats, en cabinet et en entreprise, mais aussi juges, professeurs et fonctionnaires. Cette expérience dans un pays où le droit a une très grande place nous intéresse. Il y a aussi pour nous européens, la place du droit de l’Union européenne. Nous y sommes très sensibles. C’est la raison pour laquelle l’AFJE a intensifié sa présence au sein d’ECLA (l’association européenne des JE composée d’une vingtaine d’associations nationales) avec une présidence française exercée par Philippe Coen. Nous avons en Europe une profession juridique assez disparate, avec l’héritage de traditions propres à chaque pays, des pratiques différentes, des droits nationaux sans parler du juge luxembourgeois qui ne favorise pas directement la progression. Le fait de préparer au sein de l’ECLA une présentation de ces différentes pratiques nationales en Europe, en montre leur variété et la difficulté de les comparer. Il y a surtout les évolutions par les textes. Prenons un exemple d’une évolution. Les accords de libre-échange (comme celui signée en juillet 2013 entre le Canada et l’Union européenne), et leurs effets sur les professions juridiques. Comment les professionnels du droit de chaque pays seront-ils déterminés pour bénéficier des reconnaissances dans l’autre pays ? Allons-nous encore avoir pour le métier de juriste d’entreprise en France une pénalisation du fait de l’absence de profession réglementée créant un déséquilibre ? Philippe Coen va se saisir de ce point pour ECLA comme nous le ferons aussi. Ces évolutions européennes sont essentielles. Elles feront évoluer notre métier de l’extérieur
comme le feront en interne les nouvelles générations de juristes de tous pays venant indifféremment de cabinets ou d’entreprises, de France, d’Europe ou d’ailleurs. Ceci nous montre la nécessité que nous avons de poursuivre nos échanges et nos liens avec les Barreaux et juristes européens et non européens mais aussi avec les institutions européennes ce que nous ferons davantage. Cela passe aussi par plus d’échanges avec les autorités françaises afin que nos textes et leurs applications évoluent (à ce titre je citerai simplement en exemple la passerelle juriste d’entreprise/avocat qui pour la durée d’expérience de 8 années exclut totalement du décompte de manière anachronique les années de pratique juridique à l’étranger, à une époque où ce type d’expérience est recherchée en entreprise ou en cabinet). 3. La formation Elle concerne autant celle des juristes expérimentés que celle des jeunes juristes qui formeront les équipes futures. Métier technique exigeant aussi des compétences autres que juridiques (fameux « soft skills ») compétences en management, négociations, finances, ... Nous sommes très sensibles à ce sujet et menons avec nos partenaires universitaires et écoles mais aussi les éditeurs juridiques une réflexion sur ce que doit être la formation du juriste et nous faisons en sorte que le juriste en formation initiale ou continue puisse trouver cette formation telle que nous l’envisageons. C’est par exemple pour la réflexion notre implication dans le Conseil National du Droit présidé par le professeur Didier Truchet, le CND dont le décret de renouvellement doit être signé par le Premier Ministre et les ministres de la Justice et de l’Enseignement supérieur. C’est un lieu unique où toutes les professions du
droit sont réunies pour échanger et discuter au sujet de la formation des juristes. Je vous incite à contacter les représentants de vos professions au CND pour leur faire part de vos avis et suggestions. Pour les réalisations de formation je prendrais en exemple nos partenariats avec l’université de Paris II et son Ecole de droit et management et avec l’EDHEC et sa nouvelle filière Business and Management mêlant de manière adaptée un parcours Grande Ecole et un parcours juridique complet et international avec l’Université Libre de Lille. 4. L’exercice du métier Cet exercice du droit se fait avec vous tous, employeurs, collègues, avocats, conseils, professeurs, notaires, CAC, juges du Tribunal de commerce, magistrats, arbitres, … Nousvoulonsentretenirpourl’exercicedenotremétier les liens avec tous les professionnels que nous côtoyons afin de mieux nous connaître et nous comprendre. Nous avons ainsi eu l’honneur de recevoir l’année dernière Monsieur Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation. Sur la confidentialité quelques mots. Il est incroyable aujourd’hui que pour un Juriste d’entreprise le fait d’écrire une note ou un avis juridique puisse encore être une source de risque pour le lecteur de celle-ci. C’est une nécessité pour le droit et sa pratique en entreprise mais aussi pour notre compétitivité. Ce n’est pas comme certains le disent ou le pensent dans l’intérêt propre du Juriste d’entreprise que cette demande de confidentialité est faite, c’est dans l’intérêt de l’entreprise, même si bien entendu l’exercice du droit par le juriste et ses différents interlocuteurs s’en trouve facilité. Nous avons constaté que le sujet n’était pas bien connu de certains intervenants. Il y a selon nous un besoin d’expliquer davantage. Nous allons donc
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James R. Silkenat, Hervé Delannoy et Geoffroy Roux de Bézieux publier un numéro spécial de notre magazine sur la confidentialité du juriste d’entreprise. Je remercie les personnalités de tous horizons (ils sont plus de 40 avocats, anciens bâtonniers, professeur, juristes entreprise, notaires, CAC…) qui ont accepté de collaborer à ce travail. Le numéro est prêt et sortira début 2014 et sera l’occasion d’un évènement AFJE sur ce thème. Nous avons également constaté que pour devenir une profession réglementée nous devions renforcer notre déontologie. Un groupe de travail a été créé au sein de l’AFJE et début 2014 dans le cadre d’un
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Vie du droit
autre événement nous présenterons notre nouveau code de déontologie. Merci à toute l’équipe menée par Philippe Coen qui a travaillé sur ce thème et particulièrement à Véronique Chapuis-Thuault qui assure le suivi de la rédaction. Il doit être encore relu par des spécialistes et aussi par nos amis d’autres associations comme celle du Cercle Montesquieu en vue d’une adoption commune. La pratique de notre métier c’est aussi s’intéresser à la confection de la norme juridique dont l’inflation et l’approximation si ce n’est pas la confusion et l’instabilité, gêne notre pratique et nous défavorise au plan international.
Conclusion Le suivi des évolutions de l’entreprise, l’écoute des pratiques du commerce international, l’adaptation de la formation et l’amélioration de l’exercice de notre profession sont nos préoccupations et axes de travail pour faire évoluer notre métier. Nous sommes la seconde profession du droit. L’AFJE est de loin la 1ere association de Juristes d’entreprise et la 1ère association de directeurs juridiques. Elle se doit d’agir, de réagir et d’interagir. Je vous ai déjà cité quelques manifestations importantes de 2014. Il y en aura d’autres tout au long de cette année à venir au cours de laquelle nous continuerons nos différentes actions ce qui nous mènera vers nos 45 ans que nous espérons fêter avec vous dans un an. Nos invités d’honneur sont je pense sensibles aux sujets que nous venons d’évoquer. Nous sommes très honorés Monsieur Roux de Bezieux que vous ayez accepté de venir en votre qualité de vice-président et trésorier du Medef clore les discours de cette assemblée générale et de donner aux juristes d’entreprise et aux partenaires de l’entreprise ou professionnels du droit votre point de vue sur le droit et l’entreprise. Président Silkenat nous sommes aussi très fier de vous avoir parmi nous en votre qualité de président de l’American bar association qui représente plus de 400 000 membres (100 fois plus que l’AFJE) composée d’avocats juristes d’entreprise mais aussi exerçant en libéral, de magistrats, hauts fonctionnaires et professeurs de droit. 2013-901
33ème Séminaire du Touquet « Automobile et Droit », 27-28 septembre 2013
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ous la présidence du Président d’Ixad Bernard Meurice, ancien Bâtonnier du Barreau de Lille, le 33e séminaire du Touquet s’est tenu les 27 et 28 septembre. Le temps n’a pas altéré ni son intérêt, ni son succès. C’est à bon droit que le Bâtonnier Meurice, en ouvrant les travaux, a déclaré : La route n’est pas si longue pour rejoindre le Touquet. Nous sommes plus de 800 à nous retrouver à l’occasion de notre 33ème séminaire. Le Président Bernard Meurice a l’art de choisir des sujets d’actualité qui, par leur intérêt et la qualité des intervenants, apportent les réponses qu’attendent les praticiens du droit, magistrats et avocats, d’où le succès de ce séminaire annuel à ne pas manquer. Le thème général de cette année était « Automobile et droit ». En raison de la place qu’occupe l’automobile, c’est un bon choix. Il nous a instruits, nous a éclairés sur des questions qui se posent à monsieur tout le monde et dont les magistrats, les avocats doivent répondre. Rien n’est jamais fini, la nature ne cesse de fournir lorsque l’esprit humain cesse de concevoir. Le premier thème abordé fut : « la vente
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d’automobiles et la garantie des vices cachés », par Jean-Jacques Taisne, professeur à l’université de Lille, Directeur de l’Institut d’Études judiciaires de Lille, ancien Bâtonnier de Cambrai. Un exposé savant, exhaustif et pratique, d’un contentieux inépuisable auquel il apporte des réponses, en particulier dans le cas de la responsabilité des produits défectueux (article1386). Sa communication fut suivie du thème intitulé : « Le financement et la fiscalité du véhicule », par Pierre Giroux, expert-comptable ARA-PL de Picardie. Un intervenant de qualité, compétent pour traiter celui-ci. Si l’emprunt classique pour le financement de l’achat d’un véhicule a été et demeure usuel, en revanche, il nous a apporté ses lumières sur le financement par crédit-bail, et plus spécialement de la location à longue durée. Mais le point fort de son exposé fut le passage relatif au régime de la fiscalité du véhicule professionnel qui concerne les avocats et les professionnels. Quel régime ?En raison de son évolution toujours plus restrictive, le régime actuel, par son caractère, est
contraignant et restrictif. Quelles charges sont déductibles, frais réels ou forfaitaires ? Dans le cas d’un véhicule de société, les uns peuvent être soumis aux frais réels, les autres au forfait. Ce choix différent est-il possible ? Réponse : non, nous semble-t-il, d’après l’exposé. Quid du type de véhicule, de sa puissance qui doit être modeste, excluant les véhicules de haute gamme et leurs émissions de gaz ? Il fut un temps où ce régime de prise en compte du régime, des frais professionnels du véhicule étaient souples, équitables. Après l’exposé de Monsieur Giroux, on se pose la question : qu’en reste-t-il ? La réponse : une peau de chagrin. Le choix, nous semble-t-il, le plus approprié est celui du régime forfaitaire, plus simple et le moins aléatoire. Ce rapport fut suivi de celui de Maître Bruno Platel, avocat au Barreau de Lille, intitulé : « Utiliser un véhicule pour travailler, voiture de fonction, de service, de société, voiture personnelle, aspects sociaux ». En un exposé que nous n’hésitons pas à qualifier de magistral, de ses effets en droit du travail, de la sécurité
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Vie du droit rendre à son travail ; qui génère un nombre grandissant chaque année, avec la disparition des permis blancs, de conducteurs circulant sans permis, non pas parce qu’ils n’ont pas souscrit une police d’assurance, mais par leur perte de points, de son automaticité, sont dans l’impossibilité d’exercer, pour le grand nombre, leur activité professionnelle. L’exposé de Maître Le Dall nous a rappelé tout ce qu’il faut savoir de l’évolution de ses règles. En dépit des espérances suscitées par un projet parlementaire il y a deux ans, la sévérité s’en est aggravée. Exemple : la récupération des points dans le délai de trois ans. Si par malheur vous commettez au cours de celui-ci une infraction mineure, le délai est reporté. Il reste pour en écarter les effets : l la récupération par un stage : possible mais
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sociale, de la circulation routière, il nous le fait découvrir en apportant des réponses à des questions fondamentales que posent les interférences de ce carrefour du droit. Il faut espérer que ce rapport, exprimé avec le talent d’un orateur qui séduit, convainc, soit disponible sur le site du centre, ou mieux encore, publié. Nous ne pouvons, dans un compte-rendu d’un colloque, qu’en souligner les aspects généraux imparfaitement, en raison de la richesse de sa communication. l La mise à disposition par l’employeur d’un véhicule de fonction à un salarié, condition pour exercer ses fonctions, l Quid de ses effets si le bénéficiaire a perdu la totalité de ses points l’empêchant d’exercer celles-ci ? l Quid de la situation du salarié qui, ayant perdu la totalité des points de son permis, dont l’usage de son véhicule est le seul moyen de transport à sa disposition pour se rendre à son travail (ce qui est le cas de la majorité des travailleurs en province hors agglomération) ? l Est-elle pour l’employeur une cause de licenciement pour motif réel et sérieux ? l Quid du régime fiscal et social du salarié bénéficiant d’un véhicule de fonction pouvant être utilisé pour ses besoins personnels ? l L’employeur peut-il utiliser les nouvelles technologies lui permettant de localiser son salarié bénéficiant d’un véhicule de fonction pour le « contrôler » dans l’accomplissement de ses fonctions ? l Quid des conditions de la restitution du véhicule de fonction en cas de suspension du permis de conduire, en particulier lorsque l’usage autorisé est mixte et que son conjoint peut y suppléer ? Nous regrettons de ne pas aller au-delà d’un rapport si riche. « Le permis à points », quatrième intervention par Maître Jean-Baptiste Le Dall, docteur en droit, avocat au Barreau de Paris : l Nombre de points perdus, l Date de la perte des points, l Récupération, l Contentieux. En spécialiste, Maître Le Dall nous a rappelé la réglementation à ce jour, de son évolution depuis la loi du 10 juillet 1989 et de son contentieux à ce jour. Un sujet d’actualité qui affecte, par ses conséquences, les citoyens au quotidien en raison de l’automaticité de la sanction : l’automobiliste, un citoyen privé du recours au juge judiciaire, gardien des libertés, une législation exorbitante du droit commun. L’instauration du permis à points dès 1989, a suscité des critiques de la part des personnalités les plus éminentes. Nous citerons parmi les innombrables contestations le colloque organisé par l’Ordre des avocats à la Cour de Paris et d’autres associations en 1994, sous la présidence du Professeur Xavier Delcros intitulé : « Le citoyen privé du recours du juge de l’ordre judiciaire, gardien des libertés », à l’occasion duquel le Professeur Jacques Robert, membre de l’Institut, a traité de « la valeur constitutionnelle des principes généraux est une liberté fondamentale ». En un mot, une réglementation qui ignore l’individualisation des peines est arbitraire entraînant les conséquences sociales que nous avons rappelées à l’occasion de la communication de Bruno Platel : du salarié qui ne peut plus se
réservé à ceux qui en ont les moyens, l le contentieux par saisine du juge administratif en annulation de l’avis d’information par notification, Maître Le Dall en a expliqué le fil d’Ariane qui, au fil du temps, s’amenuise. Le contentieux qui permettait d’espérer une annulation au vu de la jurisprudence la plus récente citée et rappelée est majoritairement défavorable. L’intervention suivante est intitulée : « Spécificité des infractions routières » par Ludovic Duprey, procureur adjoint près le Tribunal de grande instance de Valenciennes, un contentieux de masse de 800 contraventions ou Code de la route. Un contentieux au contour procédural particulier, notamment par sa mise en œuvre par des autorités les plus diverses : de la gendarmerie à un agent des Eaux et forêts ; ou du contrôle d’identité ; un contentieux spécifique en raison de l’automaticité de la constatation de l’infraction, sans individualisation des peines. Exemple : défaut de port de la ceinture de sécurité sans le fait de s’exposer ou d’imposer un risque à autrui, ni un dommage. Contrairement à cet arrêt de principe de la Cour de Douai, les infractions routières (excès de vitesse, défaut de port de la ceinture de sécurité et autres) entraînent des poursuites pénales relevant de l’appréciation du juge qui prononce une peine individualisée. Mais en revanche, la
perte de points affectant le permis de conduire, qui ne présente pas le caractère d’une sanction pénale relevant désormais de la seule autorité administrative échappe à l’appréciation des juges du fond. L’exposant en présence du contentieux dans les affaires graves, leur nombre, regrette légitimement que la disponibilité du rôle ne permet pas, comme le constate légitimement à regret Ludovic Duprey, de les traiter à bref délai en apportant aux victimes la réparation morale qu’elles attendent et celle de leur dommage. Il le déplore d’autant plus que ces victimes sont laissées sans assistance. Cette déclaration, à notre surprise, n’a suscité qu’une seule réaction de la salle, un ancien Bâtonnier de Cambrai. Cette situation existe peut-être à Valenciennes. En revanche, c’est méconnaître les procédures mises en place par les juridictions, les associations et les Barreaux. La Conférence des Bâtonniers, sous la présidence de JeanLuc Forget, s’y est engagée, en témoignent les assemblées de Marseille en juillet 2012, son assemblée du 5 avril 2013, les rapports de Madame le Bâtonnier Nathalie Barbier, et la Journée des États généraux des victimes du 12 avril 2013 à Bobigny où se sont associés le CNB, la Conférence des Bâtonniers, les associations, l’INAVEM, le Ministère de la justice qui a apporté son concours à cette journée en la personne de Madame Moiron-Braud, du Président du Tribunal Monsieur Heintz, de Madame Sylvie Moisson, Procureur de la République, témoignent de la volonté d’assister les victimes. Dans le prolongement de ce rapport du droit des victimes, la cinquième intervention fut celle de Loïc Bouchet, directeur du Fonds de garantie, sur le fonctionnement et le rôle du Fonds de garantie automobile. Les juristes n’ignorent pas son importance. Il assure la réparation des préjudices causés par des conducteurs non assurés ou prenant la fuite. Ils n’ignorent pas l’extension de son rôle au fil des années toujours plus dans la réparation des préjudices, pas seulement d’accident de la circulation, mais de l’article 706-3 du Code de procédure pénale en sa dernière rédaction, ou encore de la couverture des dommages causés soit par des animaux sauvages (par exemple des sangliers), ou encore des risques causés par des rollers ou assimilés, ou par des piétons qui, par leur faute, sont à l’origine d’une collision. En raison de la connaissance de l’assemblée de l’étendue de ses compétences, il a insisté sur le principe de subsidiarité de l’intervention du Fonds. Il a cité un exemple significatif, concret, qui en illustre l’importance. La passagère d’un scooter est blessée, son conducteur est responsable mais pas assuré. Il a heurté un véhicule. Il est seul responsable de l’accident. Qui indemnise la victime ? Le Fonds ? Non. L’assureur du véhicule assuré, non responsable mais dont le véhicule est impliqué. Le dernier intervenant fut Monsieur Christophe Ledon, accidentologue, expert judiciaire près la Cour d’appel de Rouen. Il nous a fait un exposé savant sur l’accidentologie, la reconstitution des accidents et les nouvelles technologies y afférentes. Ainsi s’acheva ce 33ème Séminaire du Touquet d’un intérêt, comme les précédents, toujours aussi captivant. A l’année prochaine au Touquet pour le 34ème séminaire ! 2013-902 A. Coriolis
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Passation de pouvoir
Syndicat de la Presse Economique, Juridique et Politique Laurent Bérard-Quélin succède à Fabrice du Repaire Paris, 18 décembre 2013 Jean-Gabriel Aubert, Charles-Henry Dubail, Fabrice du Repaire, Laurent Bérard-Quélin et Jean-Guillaume d’Ornano Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
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aurent Bérard-Quélin, Directeur Général délégué de la Société Générale de Presse, a été élu président du Syndicat de la Presse Economique, Juridique et Politique (SPEJP) par son Comité directeur à l’issue de l’Assemblée générale qui s’est déroulée le 18 décembre 2013 dernier. Il succède à Fabrice du Repaire élu en 2009 et qui ne se soumettait pas au suffrage des membres de ce syndicat. Par acclamation, le Comité Directeur lui a conféré le titre de Président d’Honneur, il a été particulièrement remercié pour son action en faveur de la reconnaissance de la presse économique, juridique et politique comme faisant partie intégrante de la presse d’information politique et générale. Le comité Directeur nouvellement élu, a désigné son Bureau pour l’année 2014-2015, qui est composé de : l Laurent Bérard-Quélin, Président, l Jean-Gabriel Aubert, Vice-Président, l Charles-Henry Dubail, Vice-Président, l Jean-Guillaume d’Ornano, Secrétaire général, l Yves de La Villeguérin, Trésorier. Nous adressons nos amicales félicitations au Président d’Honneur Fabrice du Repaire qui s’est particulièrement investi pour que soit reconnu
publiquement le rôle joué par le Syndicat de la Presse Economique, Juridique et Politique dans la société civile en général. Nous souhaitons pleine réussite au Président Laurent BérardQuélin, qui prendra ses fonctions dès janvier 2014 : particulièrement soucieux d’accompagner les adhérents du SPEJP dans la révolution du
numérique, il s’attachera aussi à développer des synergies notamment au sein des commissions de la FNPS, à protéger l’exploitation des bases de données et à accompagner la transition vers le numérique des journaux habilités à publier des annonces judiciaires et légales. 2013-903 Jean-René Tancrède
Cercle Culturel Henner Charles Robinet-Duffo succède à Rémy Robinet-Duffo
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l’invitation du Président Rémy Robinet-Duffo, les membres du « Cercle Henner » se sont réunis en assemblée générale ce 9 décembre 2013 à Paris. Cette association, créée le 21 décembre 2009, a pour objet la connaissance des publications et des activités culturelles dans les domaines économiques, politiques et sociaux, la promotion des auteurs, l’information et la valorisation de toute démarche culturelle en général. Après la présentation des rapports moral et financier, Rémy Robinet-Duffo a remis son mandat de Président, c’est son fils Charles qui a été élu à l’unanimité pour lui succéder. Nous félicitons chaleureusement son prédécesseur, qui a été nommé Président d’Honneur, pour ses nombreuses actions contribuant à la valorisation
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des activités culturelles depuis la création du « Cercle Henner ». Cette Association connait un succès grandissant car les déjeunersconférences attirent chaque fois davantage de participants en raison de la qualité des personnalités, reconnues dans le monde culturel, qui les animent. Les débats avec les orateurs (professeurs, hommes politiques, philosophes, diplomates …) produisent des valeurs culturelles dans une grande convivialité. Nous le devons au fondateur qui a su constituer son réseau autour de l’intelligentsia du monde de la culture notamment avec des hommes tels que Thierry Coudert, Président du Musée National Jean-Jacques Henner, Fabrice Hergott, Directeur du Musée d’Art Moderne de la ville de Paris ou Renaud Donnedieu de Vabres, ancien Ministre de la Culture.
Rémy et Charles Robinet-Duffo Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Paris, 9 décembre 2013
Nous ne saurons jamais trop le remercier d’avoir ainsi contribué au rayonnement du monde culturel français, donc au prestige de la France. Nous souhaitons plein succès à Charles Robinet-Duffo qui saura,
sans aucun doute, continuer sur le sillon tracé par son Père car il a les compétences requises mais aussi car le Groupe Henner est un extraordinaire exemple de patrimonialité familiale. 2013-904 Jean-René Tancrède
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Vie du droit
La Justice du 21ème siècle Remise des rapports Delmas-Goyon et Marshall à Christiane Taubira Paris, les 9 et 16 décembre 2013 Face aux difficultés fonctionnelles et organisationnelles de la Justice, la Garde des Sceaux a installé plusieurs groupes de travail et commissions afin de tracer les grandes lignes d’une réforme judiciaire au service des citoyens. Deux rapports avaient déjà été remis à Christiane Taubira : le rapport de l’Institut des Hautes Etudes sur la Justice (IHEJ) relatif à l’office du juge et le rapport Nadal sur la modernisation de l’action publique (Les Annonces de la Seine du 28 novembre 2013 page 21). Le 9 décembre 2013 Pierre Delmas-Goyon, Conseiller à la Cour de cassation, a remis son rapport intitulé « Le Juge du 21ème siècle, un citoyen acteur, une équipe de justice » à Christiane Taubira alors que Didier Marshall, Premier président de la Cour d’appel de Montpellier, lui a remis le quatrième et dernier rapport intitulé « Les juridictions du 21ème siècle, une institution qui, en améliorant qualité et proximité, s’adapte à l’attente des citoyens, et aux métiers de la justice » le 16 décembre dernier. Ces quatre rapports constituent un socle de réflexion pour bâtir la Justice du 21ème siècle , ils permettront de nourrir les discussions qui auront lieu lors du débat national organisé les 10 et 11 janvier 2014 à la maison de l’UNESCO à Paris. Jean-René Tancrède LE RAPPORT DELMAS-GOYON RELATIF AU « JUGE DU 21ÈME SIÈCLE » Les trois grands axes des recommandations e rapport vise d’une part à rendre les citoyens davantage acteurs de leurs litiges. « Le citoyen ne se reconnaît plus dans la relation administration/ usager, il a besoin d’être davantage acteur de son litige » a précisé Pierre Delmas-Goyon. Il propose notamment le développement de procédures de résolution amiable des litiges (comme la médiation), le passage en cours d’instance d’une procédure écrite à une procédure orale afin de faciliter le recours à des solutions négociées et l’utilisation accrue des nouvelles technologies numériques. Il propose également d’adopter des référentiels et d’en assurer la diffusion publique afin de permettre aux citoyens de prévoir ce qui peut être attendu d’une éventuelle action en
C
Justice, et de s’en servir de référence pour régler leurs litiges entre eux. Ce rapport vise d’autre part à organiser le fonctionnement de la Justice au service des citoyens. Il propose notamment de promouvoir le travail en équipe afin notamment d’assurer une meilleure concertation et une meilleure communication entre les personnels judiciaires. « Pour être efficace, il faut raisonner et travailler de façon collective » a estimé Pierre Delmas-Goyon. Le rapport propose par ailleurs d’améliorer la qualité de la Justice de première instance en favorisant l’écoute des justiciables et la compréhension de leur litige. Pour cela, les missions de chaque professionnel seront repensées, et il est proposé la création d’un greffier juridictionnel. Ce rapport vise enfin à rationaliser le fonctionnement de la Justice notamment en aménageant certaines procédures en matière civile et pénale et en redonnant du sens à la procédure d’appel.
67 propositions en vue d’une amélioration Le groupe de travail sur ‘’le juge du 21ème siècle’’ a fait 67 propositions parmi lesquelles la création d’une plateforme de règlement en ligne des litiges et d’un acte de procédure d’avocat, le développement de la médiation familiale, l’amélioration des supports d’information des juges ou encore la possibilité pour les justiciables d’accéder par internet aux procédures qui les concernent afin de faciliter le suivi. Autre proposition : la création du greffier juridictionnel. « La création de ce statut est attendue par une majorité de collègues, cela permettrait de reconnaître le métier de greffier » a expliqué Dominique Ramos-Puig, greffière au tribunal d’instance de Perpignan. « Il est nécessaire de reconnaître le rôle déterminant des greffiers et d’ouvrir des opportunités de carrière » a ajouté la Garde des Sceaux.
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Pierre Delmas-Goyon et Didier Marshall
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Vie du droit LE RAPPORT MARSHALL VISE À REFONDER L’ORGANISATION JUDICIAIRE La nécessité de refonder l’organisation judiciaire actuelle L’organisation judiciaire actuelle, fruit de l’histoire et synthèse des valeurs républicaines et démocratiques, est aujourd’hui très critiquée. Les citoyens, les justiciables et les agents estiment notamment que l’organisation et le fonctionnement de la Justice sont trop complexes, peu accessibles, voire inefficaces. Il paraît donc nécessaire de refonder notre organisation judiciaire afin d’adapter le fonctionnement de la Justice aux attentes des citoyens. Néanmoins, contrairement à la réforme de la carte judiciaire menée avec brutalité sans concertation et sans réflexion par le précédent gouvernement, il paraît indispensable de faire preuve de méthode et de prudence.
Les plans d’une nouvelle organisation judiciaire Le rapport Marshall trace les plans d’une nouvelle organisation judiciaire visant à redonner à la Justice des perspectives au long cours. Il souligne la diversité des attentes selon les profils des justiciables, le besoin de concilier une Justice de proximité et une Justice spécialisée et la nécessité de redonner un sens au travail des magistrats et des fonctionnaires de Justice. Les propositions issues de ce rapport ont donc pour objectif de permettre au citoyen d’accéder plus facilement à la connaissance de ses droits, de construire une politique de proximité adaptée à la réalité des territoires, de moderniser l’organisation judiciaire en privilégiant la qualité du service public rendu au justiciable qui devrait être davantage acteur de la solution de son litige, de renforcer les liens entre la Justice et la société civile et d’anticiper les évolutions de la Justice. Parmi les propositions, on peut notamment citer le regroupement des contentieux par blocs de compétence au sein des six tribunaux spécialisés et d’un tribunal dédié aux
contentieux de proximité (les sept tribunaux étant regroupés au sein d’un tribunal de première instance), la généralisation des guichets universels de greffe dans les palais de Justice, la réforme procédurale des conseils de prud’hommes, le renforcement des effectifs de greffe dans les maisons de Justice et du droit, l’enrichissement des missions des greffiers, le développement de l’échevinage ou encore la mise en place d’un observatoire national de la Justice. Des propositions à mettre en œuvre de façon expérimentale Conscient qu’une refonte de l’organisation judiciaire est obligatoirement un projet au long court, le groupe de travail présidé par Didier Marshall a proposé un calendrier de mise en œuvre des recommandations, à court et à moyen terme. Le groupe de travail a estimé souhaitable qu’un certain nombre de propositions contenues dans ce rapport soient expérimentées afin de vérifier leur pertinence et leur faisabilité. 2013-905
Droit et Procédure
« Le bouleversement du procès civil et de la chose jugée par la jurisprudence Césaréo » Paris - 19 novembre 2013
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Jean-Pierre Grandjean, Julie Couturier, Soraya Amrani-Mekki et Thomas Vasseur
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L
’association Droit et Procédure a confronté les points de vue, à la Maison du Barreau, sur l’une des innovations les plus marquantes de la procédure civile ces dix dernières années : le principe de concentration des moyens. Depuis l’arrêt « Césaréo » de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 juillet 2006, toutes les chambres de la Cour de cassation imposent désormais aux plaideurs de soulever, dans l’instance, tous les moyens susceptibles d’étayer leurs prétentions. Cela vaut tant pour le demandeur que pour le défendeur qui seront irrecevables à invoquer, dans un autre procès, les moyens de fait ou de droit qu’ils auraient omis de soulever. Il sera, par exemple, impossible d’agir en responsabilité contractuelle après avoir, dans un premier procès, fondé la demande d’indemnisation sur le terrain délictuel. Le colloque a mis en lumière les incidences pratiques de cette solution rigoureuse et son double intérêt théorique : la jurisprudence Césaréo bouleverse l’autorité de la chose jugée (art. 1351 du Code civil) et s’inscrit dans une évolution qui bouleverse aussi le rôle respectif des parties et du juge dans le procès civil. Animé par Julie Couturier, Présidente de Droit et Procédure, ce colloque a permis de croiser les regards de la doctrine, du juge et des avocats sur cette jurisprudence qui, d’un côté, répond à des soucis de bonne administration de la justice, de loyauté et de « désencombrement » des Tribunaux mais qui, d’un autre côté, est une restriction d’accès à la justice et une source de responsabilité professionnelle pour les avocats. De manière plus générale, on assiste dans le procès civil à un alourdissement de la charge des parties et de leurs conseils, tandis que le rôle du juge tend à être allégé à l’heure où les crédits et les
moyens de la justice sont insuffisants. Concilier la qualité de la justice et sa célérité s’avère, dans les prétoires, très difficile à réaliser. Pour en débattre, Julie Couturier a constitué une « table ronde » : Madame Soraya Amrani-Mekki, Professeur à l’Université de Paris-Ouest Nanterre La Défense, a exprimé son avis doctrinal sur la jurisprudence Césaréo et son environnement ; Monsieur Thomas Vasseur, Conseiller référendaire à la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation s’est exprimé en tant que magistrat et dans une perspective historique sur l’autorité de la chose jugée ; deux avocats membres du Conseil
d’administration de Droit et Procédure, JeanPierre Grandjean (Cabinet Clifford Chance) et Emmanuel Jullien (ex-président de la Chambre des Avoués de Versailles) ont exprimé leurs réserves et interrogations de praticiens sur cette solution purement prétorienne, en appelant de leurs vœux une ré-écriture du code de procédure et une implication accrue des avocats et de leurs représentants dans l’élaboration des règles de procédure. Les actes de ce colloque seront prochainement publiés dans « Les cahiers de Droit et Procédure ».
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Vie du droit
Conseil supérieur de la magistrature 130ème anniversaire - Paris, 24/25 octobre 2013 Le Conseil supérieur de la magistrature a fêté ses 130 ans les 24 et 25 octobre 2013 (Les Annonces de la Seine du 31 octobre 2013 pages 1 et suivantes), nous publions ci-dessous l’allocution que le Vice-Président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé a prononcée lors de ce colloque, que nous avions fâcheusement omis d’insérer dans nos colonnes, nos lecteurs voudront bien nous en excuser. Jean-René Tancrède
La séparation des pouvoirs, le droit de l’Union européenne et le comité 255
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enser la séparation des pouvoirs au sein de l’Union européenne relève presque de la gageure. Cela suppose en effet d’abandonner certains réflexes et cadres conceptuels et d’en revenir à l’idée simple selon laquelle, dans toute société démocratique, il convient que « le pouvoir arrête le pouvoir »2. Cette idée trouve différentes traductions selon les époques et les systèmes juridiques. Si elle inspire traditionnellement le droit constitutionnel des Etats, elle fonde également le système juridique de l’Union européenne. Toutefois, la séparation des pouvoirs y est envisagée de manière si originale qu’il faut éviter, en la matière, de céder au « statomorphisme », c’est-à-dire à la tentation d’appliquer les grilles de lecture ordinairement utilisées dans les cadres constitutionnels nationaux. Car, contrairement à ce qui s’observe dans la plupart des Etats, la quête d’identification d’un pouvoir législatif et d’un pouvoir exécutif se révèle vaine. Il ne faut pas s’en étonner et l’inverse reviendrait à nier les spécificités mêmes de l’ordre juridique de l’Union européenne. Le pouvoir y est en effet diffus, au point que l’on parle d’ailleurs plus volontiers de « fonctions » législatives et exécutives, partagées entre plusieurs institutions3 qui se limitent réciproquement et s’équilibrent mutuellement : elles agissent, selon les termes des traités, dans la limite des compétences qui leur sont conférées, et pratiquent entre elles une « coopération loyale »4. Cette forme spécifique de séparation des pouvoirs « se caractérise par une dissociation marquée entre l’organe et la fonction : aucun organe n’a une fonction exclusive, aucune fonction n’est exercée par un seul organe »5. Elle est souvent qualifiée de « collaboration fonctionnelle »6 et résulte de la nécessité de permettre la représentation de plusieurs légitimités au sein de l’Union : celle des Etats membres et de leurs gouvernements au sein du Conseil de l’Union et du Conseil européen, celle des peuples au sein du Parlement européen et celle de l’intérêt général de l’Union par la Commission européenne. Mais l’originalité de cette forme de séparation des pouvoirs résulte également de la superposition d’une séparation horizontale, entre les organes de l’Union européenne, et d’une séparation verticale, entre l’Union et les Etats membres. Compte tenu de la spécificité de l’organisation institutionnelle et des processus de décision au sein
Jean-Marc Sauvé de l’Union européenne, compte tenu également du sujet du colloque de ce jour, qui nous invite à réfléchir sur la contribution des conseils de justice à la séparation des pouvoirs, mon intervention sera consacrée à la place du pouvoir judiciaire dans ce modèle singulier d’équilibre des pouvoirs dans l’Union. Place du pouvoir judiciaire dans ce système, non pas analysée aux côtés des deux autres pouvoirs, mais bien plutôt mise en lumière d’après les traits essentiels de la fonction juridictionnelle.
Dans le système original de pouvoirs mis en place au sein de l’Union européenne, le pouvoir judiciaire apparaît en effet comme le seul qui puisse être analysé à l’aune d’une vision stricte, ou plus exactement organique, de la séparation des pouvoirs. Indépendantes et impartiales, les juridictions de l’Union contrôlent la mise en œuvre de leurs compétences par les autres pouvoirs ; elles assurent le respect du principe de légalité au sein de l’ordre juridique de l’Union et elles disposent des pouvoirs appropriés à cette fin. Ces conditions sont essentielles au bon fonctionnement comme à la légitimité de la construction européenne ; elles sont aussi essentielles pour fonder tout pouvoir judiciaire. Ce « pouvoir » n’existait pas originellement et ne constitue pas un donné. Il s’est peu à peu construit, ce qui implique d’en analyser l’édification progressive aussi bien que l’effectivité de ses conditions d’existence.
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par Jean-Marc Sauvé
Plus spécifiquement, il convient de souligner que l’indépendance des juridictions européennes est en tous points assurée. Mais dans un cadre où « les juges sont nommés d’un commun accord par les gouvernements des Etats membres »7, c’est-à-dire où le « cordon ombilical »8 entre les juges et les Etats demeure, certaines questions restaient néanmoins en suspens. C’est à cellesci que tâche de répondre le comité créé par l’article 255 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne9, lui-même issu du traité de Lisbonne. Ce comité, depuis le début de ses travaux en mars 2010, veille à une prise en compte accrue, non seulement de l’indépendance des candidats aux fonctions de juge, mais aussi de leurs compétences et de leurs capacités. En d’autres termes, le traité interpose entre les Etats et le système juridictionnel de l’Union un lieu d’évaluation indépendante et impartiale des aptitudes des candidats. C’est donc progressivement qu’a émergé, au sein de l’Union européenne, un véritable « pouvoir judiciaire » (I), dont l’indépendance et la légitimité ont encore été renforcées avec la création du comité 255 (II). I. L’ÉMERGENCE PROGRESSIVE D’UN VÉRITABLE « POUVOIR JUDICIAIRE » AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE Les traités constitutifs confèrent à la Cour de justice de l’Union européenne un rôle majeur, qualifié par certains auteurs de « véritable pouvoir judiciaire », tant celui-ci contraste, en particulier, avec les solutions habituellement retenues en droit international10. 1. La Cour de justice de l’Union européenne est tout d’abord l’interprète authentique des traités et la gardienne, aux côtés de la Commission, de leur mise en œuvre, puisqu’elle assure « le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités »11. La Cour est aussi érigée par les Traités en « institution » de l’Union européenne et, à ce titre, elle concourt à la promotion des valeurs de l’Union, à la poursuite de ses objectifs et au service de ses intérêts, ainsi qu’à la cohérence, à l’efficacité et à la continuité de ses politiques et de ses actions12. La Cour de justice de l’Union européenne a pour mission d’assurer le respect des textes fondateurs et, plus généralement, l’application du droit de l’Union. Elle ne dispose certes à cette fin que d’une compétence d’attribution, le juge national ayant été institué comme juge de droit commun du droit de l’Union européenne13. Mais elle a interprété largement ses compétences14 afin de garantir l’existence d’une « communauté de droit »15, c’est-à-dire une communauté dans laquelle ni les Etats membres, ni les institutions « n’échappent
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Vie du droit au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu’est le traité »16. Sa compétence est en outre obligatoire, ce qui la distingue des autres juridictions internationales. Enfin, elle dispose des pouvoirs nécessaires pour assumer pleinement son rôle : ses arrêts sont revêtus d’un caractère exécutoire17 et aussi bien les Etats membres que les institutions de l’Union sont tenus de prendre les mesures qu’exige leur exécution18. La Cour de justice de l’Union européenne joue aussi un rôle central dans le fonctionnement des institutions de l’Union en garantissant, plus généralement, le bon équilibre entre celles-ci. Par ce biais, elle s’érige en gardienne d’une vision, non de séparation stricte, mais de collaboration fonctionnelle entre les pouvoirs. Elle veille, en particulier, à ce qu’une institution n’outrepasse pas ses compétences, en empiétant sur celles d’une autre institution ou celles des Etats membres. En estimant nécessaire, dans son arrêt Les Verts c. Parlement européen19, le contrôle des actes de cette institution afin d’éviter qu’elle n’empiète sur les pouvoirs des autres institutions, la Cour de justice se comporte ainsi « en véritable Cour constitutionnelle chargée de veiller à l’équilibre constitutionnel au sein du système communautaire »20. 2. Les traités fondateurs confient donc à la Cour de justiceunrôletrèsimportantdanslefonctionnement institutionneldel’Unioneuropéenne.Pourlemener à bien, elle a été conçue comme une institution organiquement indépendante. Certes, d’autres institutions peuvent interférer dans son organisation. Le plus significatif est sans doute que si le statut de la Cour de justice est fixé par un protocole annexé au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le Parlement européen et le Conseil peuvent le modifier. De telles modifications ne peuvent toutefois intervenir que sur demande de la Cour elle-même ou sur proposition de la Commission et après consultation de la Cour21. Certains éléments essentiels, relatifs au statut des juges et des avocats généraux, échappent en outre à toute possibilité de modification autrement que par la voie de l’amendement des traités : l’indépendance et l’impartialité de la Cour de justice et de ses membres sont ainsi pleinement garanties22. Les interférences d’autres institutions dans le fonctionnement de la Cour de justice peuvent ne pas être marginales : il suffit de penser, par exemple, à la possibilité de créer des tribunaux spécialisés23. Elles demeurent toutefois toujours en dehors de la sphère juridictionnelle, c’est-à-dire de l’activité juridictionnelle à proprement parler. La question de la nomination des juges de l’Union et du renouvellement de leur mandat constitue une autre sphère d’interférence, entre les Etats membres et les juridictions, sur laquelle je reviendrai. Ces interférences ne mettent pas en danger la Cour de justice qui demeure, dans sa fonction juridictionnelle, pleinement indépendante et dispose des moyens nécessaires pour assurer la mission centrale qui lui est confiée. Les juges européens ont de surcroît pleinement assumé les prérogatives que leur confiaient les traités. Plus encore, ils ont dessiné, par construction jurisprudentielle, les contours d’une juridiction bénéficiant non seulement d’une autonomie renforcée, mais également d’une autorité incontestée. 3. La Cour de justice s’est en effet érigée en « moteur de l’intégration européenne »24. De manière prétorienne, elle a façonné, au-delà de ce qui pouvait être initialement attendu, « l’ordre juridique propre »25 de l’Union européenne autour d’une idée-force, celle de l’approfondissement de l’intégration européenne.
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La Cour de justice a ainsi, tout d’abord, profondément redéfini la façon dont est conçue la séparation verticale des pouvoirs, c’est-à-dire celle qui prévaut entre les Etats membres et l’Union européenne, dans le sens d’une intégration européenne sans cesse plus poussée. Les deux pierres angulaires en sont, bien entendu, l’effet direct et la primauté. Avec l’effet direct, la Cour reconnaît que si le droit de l’Union crée des charges dans le chef des particuliers, il engendre surtout « des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique »26. Les particuliers, en invoquant les droits qui leur sont conférés au cours d’un litige, deviennent comme des « agents auxiliaires de la Communauté », selon l’expression de Robert Lecourt27, qui permettent de faire prévaloir le droit de l’Union, même contre la volonté des Etats. Outre l’effet direct, la Cour de justice a aussi affirmé la primauté du droit de l’Union, qu’il soit primaire ou secondaire, sur le droit interne des Etats membres. Cette création jurisprudentielle, si audacieuse qu’elle fit l’effet d’un séisme, est acceptée et assumée, même si son articulation avec les normes constitutionnelles de certains Etats membres fait parfois débat, encore en 2013. La Cour de justice, assumant un rôle de Cour suprême, s’est en outre inscrite comme la garante d’un équilibre institutionnel complexe. Elle l’a fait, tout d’abord, en affermissant les compétences de l’Union, notamment grâce à la théorie des compétences implicites : retenant une méthode téléologique d’interprétation des textes, selon laquelle les objectifs et buts fixés par les traités doivent servir d’inspiration, elle a permis d’étendre les compétences de l’Union28. Elle l’a surtout fait, dans le silence des traités, en faisant émerger les principes généraux du droit de l’Union européenne et en construisant, sur cette base, un véritable système de protection des droits fondamentaux. La valeur normative de ces droits est éminent : le principe selon lequel tous les actes de l’Union doivent respecter les droits fondamentaux figure, selon sa jurisprudence, au nombre des « principes constitutionnels » reconnus par les traités29 et la Charte des droits fondamentaux est désormais « érigée en instrument incontournable du contrôle de légalité »30. L’action de l’Union et de ses Etats dans le champ de l’Union est donc entièrement soumise au respect de ces droits, sous le contrôle de la Cour de justice.
C’est ainsi que, pour faire écho à l’intervention que vient de faire M. Vincent Berger, ancien jurisconsulte de la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour de justice de l’Union a pu censurer, pour discrimination fondée sur l’âge, l’abaissement drastique de la limite d’âge des juges de la République de Hongrie, à contre-courant complet du relèvement des limites d’âge dans ce pays31. Ce faisant, la Cour a apporté indirectement une éminente contribution à la sauvegarde de l’indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs en Hongrie. En prenant appui sur les textes existants pour s’ériger en véritable Cour suprême, en jouant le rôle de moteur de l’intégration européenne et de promoteur des droits fondamentaux, la Cour de justice de l’Union européenne s’est pas à pas construite comme un « pouvoir » à part entière dans les institutions de l’Union européenne. Dans ce cadre, demeurait un angle mort : la nomination des juges de l’Union d’un commun accord par les
gouvernements des Etats membres. Le comité de l’article 255 du TFUE a été conçu comme un moyen d’y répondre et, par conséquent, de contribuer à affermir la place d’un pouvoir judiciaire indépendant et impartial dans l’Union européenne. II. LE COMITÉ 255 RENFORCE ENCORE L’INDÉPENDANCE ET LA LÉGITIMITÉ DU POUVOIR JUDICIAIRE AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE Afin de présenter brièvement le comité 255 et ses apports dans l’affermissement du pouvoir judiciaire au sein de l’Union européenne, j’évoquerai la composition de ce comité, son fonctionnement, son rôle et les évolutions éventuelles de celui-ci. Mais tout d’abord, et pour donner un peu de perspective, il faut brièvement répondre à une première interrogation. 1. En matière de nomination des juges, d’où venait-on ? Le système qui a existé jusqu’à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne reposait exclusivement, dans son principe mais aussi sa mise en œuvre, sur la confiance mutuelle. Chaque Etat, au moment de la nomination d’un juge, était porté à faire confiance à l’Etat présentant le candidat et, dans les faits, il s’interdisait de porter une appréciation négative sur sa proposition. Si, en droit, les nominations procédaient d’un commun accord des gouvernements des Etats membres, tout se passait en définitive comme si la nomination d’un juge dépendait uniquement de la volonté d’un seul gouvernement, celui de l’Etat membre de qui émanait la proposition. De ce système, le principe de la nomination d’un commun accord par les gouvernements des Etats membres a été conservé. En revanche, a été prévue la consultation d’un comité qui donne un avis, favorable ou défavorable, sur l’adéquation du candidat proposé à l’exercice des fonctions auxquelles il postule, pour éclairer le choix des gouvernements des Etats, avant que ceux-ci ne procèdent à la nomination. 2. Comment ce comité est-il composé ? Il compte sept membres. Ceux-ci sont choisis, aux termes du Traité, parmi d’anciens membres de la Cour de justice et du Tribunal de l’Union, au nombre de deux dans le comité actuel, parmi les membres des juridictions nationales suprêmes ou les juristes possédant des compétences notoires. Les membres du comité sont nommés par le Conseil des ministres de l’Union, l’un sur proposition du Parlement européen, les six autres sur proposition du président de la Cour de justice. Tel que le comité a été institué par le TFUE et la décision du Conseil de l’Union relative à ses règles de fonctionnement du 25 février 2010, et tel qu’il a été composé lors de son premier mandat (20102014)32, avec des membres originaires de toutes les régions d’Europe, le comité a disposé d’une connaissance approfondie des systèmes juridiques des Etats membres, comme des missions, enjeux et conditions concrètes de fonctionnement des juridictions européennes et nationales. Cette diversité et cette représentativité ont constitué un atout précieux pour l’exercice de sa mission, comme l’ont été les compétences et les expériences propres de ses membres. 3. Comment fonctionne le comité 255 ? Le comité est chargé d’émettre un avis, qui est motivé, à destination des gouvernements des Etats membres, sur l’adéquation d’une candidature à des fonctions spécifiques, celles de juge ou d’avocat général à la Cour de justice, ou celles de juge au Tribunal de l’Union européenne. A cette fin, le comité met en œuvre une procédure
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qui permet un examen approfondi des candidatures. Il dispose, en particulier, de pouvoirs d’instruction lui permettant de remplir pleinement sa mission. Principalement, il demande aux gouvernements la transmission d’explications quant à la procédure nationale de sélection du candidat et quant aux motivations de sa proposition. Les dossiers de candidatures doivent en outre comporter, en plus d’un curriculum vitae, la liste des publications des candidats ou de certaines de celles-ci et une lettre de motivation. Le comité se réserve également de prendre en considération toute information publiquement disponible ou qui lui serait soumise, après avoir, le cas échéant, procédé à un débat contradictoire avec le candidat et l’Etat qui l’a présenté. Le point-clé de l’instruction menée par le comité est une audition non publique dont le comité a fixé la durée à une heure, qui fait une large place aux questions posées par ses membres. Cet exercice est indispensable pour que le comité se forge, au-delà des pièces du dossier, une conviction sur l’aptitude du candidat à exercer les fonctions auxquelles il postule. Aux termes des règles de fonctionnement du comité, une telle audition n’a toutefois lieu que pour les nouveaux candidats et non pour les juges sollicitant le renouvellement de leur mandat. Outre ses méthodes de travail et conditions pratiques de fonctionnement, le comité, se fondant sur les stipulations du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, a été conduit à préciser les critères d’évaluation des candidats. L’examen de deux critères – celui des capacités juridiques et celui de l’expérience professionnelle (niveau, durée, diversité) du candidat – permet au comité d’apprécier si celuici dispose des capacités nécessaires pour exercer de hautes ou de très hautes fonctions juridictionnelles ou si ses capacités en font un jurisconsulte présentant des compétences notoires, au sens des dispositions des articles 253 et 254 du TFUE. Le comité examine aussi l’aptitude du candidat à exercer les fonctions de juge ainsi que ses connaissances linguistiques et sa capacité à travailler dans un environnement multinational dans lequel sont représentées plusieurs traditions juridiques. Le comité porte enfin une attention particulière aux garanties d’indépendance et d’impartialité offertes par le candidat. En précisant chacun de ces critères, qui résultent directement du TFUE ou qui s’en déduisent, et en veillant à l’évaluation effective des candidatures à l’aune de ceux-ci, le comité s’est attaché, par touches discrètes, à dessiner le portrait de ce que doit être un bon juge et, en particulier, un bon juge de l’Union européenne. Il l’a fait avec une très vive conscience de la responsabilité qui lui incombait vis-à-vis du système juridique de l’Union et dans un réel consensus sur l’exercice de sa mission, qui a sans peine transcendé les différences de nationalité, de culture, de systèmes juridiques et d’expériences professionnelles de ses membres. Ce consensus, profond et non pas minimaliste, s’est manifesté aussi bien dans la définition des critères d’examen des candidatures que, sauf rare exception, dans l’évaluation concrète des candidats. 4. Comment évaluer le rôle du comité 255 ? Il faut bien saisir, en premier lieu, que le rôle du comité est limité. Celui-ci, en particulier, n’a vocation à se substituer aux Etats membres, ni dans la présentation des candidats, ni dans la nomination des juges. La première appartient à chaque Etat pris séparément. La seconde leur incombe collectivement. Le comité ne se prononce pas non plus sur le choix des Etats de ne pas renouveler le mandat d’un juge arrivant à expiration. En outre, il n’émet qu’un simple avis,
non contraignant pour les Etats. Cet avis porte, en l’état actuel des textes, sur une seule candidature par poste à pourvoir : le comité ne dispose par conséquent pas d’une quelconque possibilité de classer des candidatures multiples. Enfin, l’avis rendu n’est pas public. Cette absence de publicité résulte aussi bien des règles de fonctionnement du comité que des normes de l’Union en matière de protection des données personnelles qui, telles qu’interprétées par la Cour de justice, rendraient très problématique une plus grande transparence des travaux du comité. Il serait toutefois erroné de déduire de l’absence de publicité des avis et de leur nature simplement consultative que ceux-ci n’ont qu’une influence réduite. Ces avis sont tout d’abord revêtus d’une certaine autorité morale qui, au fil des ans, est probablement devenue une autorité morale certaine. Mais surtout, l’absence de force contraignante des avis est largement compensée par l’architecture du processus de nomination. Le principe étant celui de la nomination d’un commun accord, c’est-à-dire à l’unanimité, il faut et il suffit qu’un seul Etat s’oppose à une nomination pour qu’il y soit fait échec. Par conséquent, il faudrait, pour passer outre à un avis défavorable du comité, que la totalité des Etats s’accorde pour ce faire. Une telle unanimité ne s’est bien sûr jamais rencontrée pour prendre une direction opposée à celle proposée par le comité, en particulier chaque fois que son avis a été défavorable, ce qui a été le cas pour 23 % des nouvelles candidatures. Et l’on mesure qu’il serait extrêmement difficile qu’il en aille ainsi. Le mécanisme de nomination des juges de l’Union confère donc une force particulière aux avis du comité, qui aurait été beaucoup plus réduite si, après avis du comité, les juges avaient été nommés ou élus par le Conseil ou le Parlement européen à la majorité. En d’autres termes, la procédure suivie confère aux avis du comité une force comparable à celle d’un avis conforme.
Le comité 255, auquel le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne a reconnu un rôle en apparence limité, a donc permis d’ouvrir une brèche majeure dans le dispositif qui a prévalu jusqu’au 1er décembre 2009, selon lequel les Etats membres de l’Union étaient seuls responsables de la nomination des juges. En permettant de renforcer les garanties d’impartialité et d’indépendance dans le processus de nomination, en contrôlant l’adéquation des compétences des candidats à l’exercice des fonctions de juge de l’Union, le comité contribue à affermir l’autorité et l’indépendance des juridictions de l’Union comme leur légitimité. Il œuvre ainsi, à son échelle, en faveur du renforcement de la séparation des pouvoirs au sein de l’Union. La situation antérieure exposait en effet à un risque de critique sur les capacités ou sur les motifs réels de la présentation de certains candidats, tous appelés à devenir juges sans aucun filtrage ni aucune évaluation impartiale, du moins au niveau de l’Union européenne. Ce risque, fût-il purement virtuel, était de nature à jeter une ombre sur le système juridictionnel de l’Union. L’action du comité 255 permet de le réduire considérablement. Certes, un autre risque n’a pas totalement disparu : celui qu’un Etat membre s’oppose au renouvellement du mandat d’un juge pour de pures raisons politiques ou de convenance qui, au demeurant, n’ont pas
à être exposées. Ce problème réel ne peut être surmonté par le comité, même si, dans les faits, il a pu arriver que l’avis défavorable émis sur une nouvelle candidature, jugée sans doute plus idoine par un Etat membre que celle du juge sortant, conduise finalement cet Etat à revenir sur son projet initial de non renouvellement. Une réponse durable à cette difficulté pourrait résider dans l’allongement de la durée du mandat – qui pourrait passer de 6 à 12 ans, par exemple – assorti de son non renouvellement. 5. Le rôle du comité est-il amené à évoluer ? Deux évolutions principales pourraient, à terme plus ou moins rapproché, avoir une incidence sur le rôle du comité 255. La première est l’augmentation du nombre des juges du Tribunal de l’Union européenne. Cette évolution, évoquée depuis plusieurs années, pourrait conduire, en fonction des modalités retenues, à ce que la nomination des juges additionnels soit prononcée à l’issue d’une procédure fondée sur un appel public à candidatures et l’évaluation du mérite des candidats, car chaque Etat pourrait difficilement dans ce scénario disposer d’un juge supplémentaire. Le comité pourrait dès lors se voir confier un rôle d’évaluation et de classement de candidats en fonction de leurs compétences et de leurs capacités. La seconde évolution notable résulterait, à la suite de l’adhésion de l’Union européenne à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de la nécessité de désigner un juge de l’Union comme membre de la Cour européenne des droits de l’homme. Là aussi, le rôle du comité pourrait être de proposer, après un appel à candidatures et une évaluation de celles-ci, un classement qui se fonderait essentiellement sur le mérite et qui permettrait aux gouvernements des Etats membres de dresser la liste de trois noms qui est requise dans le cadre du processus de sélection des juges de Strasbourg. Ces deux évolutions reviendraient, en définitive, à renforcer le rôle joué par le comité 255 dans l’affermissement de l’indépendance et de la légitimité du pouvoir judiciaire au sein de l’Union européenne. Il est quelque peu paradoxal de constater, plus d’un demi-siècle après la création de la Cour de justice des Communautés européennes, qu’une « heureuse contingence historique »33 a conduit à l’émergence d’un véritable pouvoir judiciaire au sein de l’Union européenne. Il n’était en effet pas prévu, lors des prémices de la construction européenne, de doter l’organisation commune d’une quelconque organisation juridictionnelle propre : les ébauches de la déclaration Schuman du 9 mai 1950 ont d’abord envisagé le recours à la Cour internationale de justice et la déclaration elle-même se bornait à mentionner que devraient être prises des « dispositions appropriées [pour assurer] les voies de recours nécessaires contre les décisions de la Haute Autorité »34. Rapidement toutefois, le choix fut fait de confier à une juridiction propre et autonome le jugement des litiges relatifs à la CECA puis autres aux Communautés européennes. C’est ainsi qu’est née la Cour de justice de des Communautés. Cette naissance presque accidentelle ne laissait pas présager l’émergence rapide et la consolidation progressive d’un pouvoir judiciaire au sein de l’Union européenne : l’indépendance comme l’impartialité des juridictions européennes ne peuvent aujourd’hui être mises en doute ; les juridictions de l’Union remplissent des missions fondamentales au service du maintien et du perfectionnement d’une communauté de droit et elles disposent, pour ce faire, de pouvoirs les plus étendus.
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Vie du droit Le comité 255, sorte de conseil supérieur de justice light ou a minima, n’a pas révolutionné cette construction : il n’en a ni le mandat, ni les moyens, ni les pouvoirs. Il exerce toutefois pleinement la responsabilité qui lui incombe et il contribue, dans les limites de son office, à affermir l’indépendance et la légitimité des juridictions européennes dans la séparation horizontale et verticale des pouvoirs au sein de l’Union. L’action du comité porte donc bien plus loin que la modestie apparente de ses pouvoirs ne le laisserait supposer. 2013-907 1. Texte écrit en collaboration avec M. Olivier Fuchs, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat. 2. Montesquieu, De l’esprit des lois, Livre XI, chapitre IV, 1748 : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser (...) Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». 3. Aux termes de l’article 13 du Traité sur l’Union européenne, les institutions de l’Union sont : le Parlement européen, le Conseil européen, le Conseil,
la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne, la Banque centrale européenne, la Cour des comptes. 4. Article 13 al. 2 TUE : « Chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci. Les institutions pratiquent entre elles une coopération loyale ». 5. D. Simon, Le système juridique communautaire, PUF, 1998, p. 116. 6. H. Oberdorff, « La séparation des pouvoirs », in J.-B. Auby (dir.), L’influence du droit européen sur les catégories du droit public, Dalloz, 2010, p. 185. 7. Article 19§1 du Traité sur l’Union européenne. 8. T. Georgopoulos, « La doctrine de séparation des pouvoirs dans le système institutionnel de l’Union européenne », in A. Pariente (dir.), La séparation des pouvoirs ; théorie contestée et pratique renouvelée, p. 104. 9. Ce comité sera dans la suite de ce texte dénommé comité 255. 10. Ainsi, la Cour internationale de justice ne serait pour sa part qu’un simple « organe judiciaire » (G. Isaac et M. Blanquet, Droit général de l’Union européenne, Sirey, 10ème éd., 2012, p. 349. 11 Article 19 TUE. 12. Aux termes de l’article 13 du Traité sur l’Union européenne, les institutions de l’Union sont : le Parlement européen, le Conseil européen, le Conseil, la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne, la Banque centrale européenne, la Cour des comptes. 13. Ce qui découle notamment de CJUE, 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106/77. 14. Sur ces points, voir J.-P. Jacqué, Droit institutionnel de l’Union européenne, Dalloz, 2012, p. 395 ; voir également ci-dessous. 15. CJUE, 23 avril 1986, Les Verts c. Parlement européen, aff. 294/83. 16. Même arrêt. 17 Article 280 TFUE.
18. Articles 260 et 266 TFUE. 19. CJUE, 23 avril 1986, précité. 20. M. Karpenschif, C. Nourissat, Les grands arrêts de la jurisprudence de l’Union européenne, PUF, Thémis, 1ère éd., 2010, p. 123. 21. Même article. 22. Article 281 TFUE. 23. Création par le Parlement européen et le Conseil, conformément à la procédure législative ordinaire, sur proposition de la Commission et après consultation de la Cour de justice ou sur demande de la Cour de justice et après consultation de la Commission (article 257 TUE). 24. E. von Bardeleben, F. Donnat, D. Siritzky, La Cour de justice de l’Union européenne et le droit du contentieux européen, La documentation française, 2012, p. 57. 25. CJUE, 15 juillet 1964, Costa c. ENEL, aff. 6/64. 26. CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62. 27. R. Lecourt, L’Europe des juges, Bruylant, 1976. 28. Voir en particulier CJCE, 31 mars 1971, Commission c. Conseil dit AETR, aff. 22/70 ; CJCE, 13 septembre 2005, Commission c. Conseil, aff. C-176/03. 29. CJCE, 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation, C-402/05 P et C-415/05 P. 30. CJUE, 1er mars 2011, Association belge des consommateurs test-achats ASBL, aff. C-236/09 ; L. Burgorgue-Larsen, « Quand la CJUE prend au sérieux la Charte des droits fondamentaux, le droit de l’Union est déclaré invalide », AJDA, 2011, p. 969. 31. CJUE, 6 novembre 2012, Commission c. Hongrie, aff. C-286/12. 32. Décision 2010/125/UE du Conseil du 25 février 2010 portant désignation des membres du comité prévu à l’article 255 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Société
Autorité de la Concurrence Avis numéro 13-A-24 du 19 décembre 2013 relatif au fonctionnement de la concurrence dans le secteur de la distribution du médicament à usage humain en ville L’importance du secteur de la santé dans l’économie nationale, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence dans le monde, les évolutions récentes du secteur (innovation et réorientation de la recherche vers les biotechnologies, développement des médicaments génériques et bio-similaires, contraintes budgétaires de l’Assurance maladie, nouveaux enjeux pour les pharmacies d’officine, notamment) ont incité l’Autorité de la Concurrence à s’intéresser de près à la distribution des médicaments à usage humain en ville. En février 2013, l’Autorité de la Concurrence a ainsi pris l’initiative de lancer une vaste enquête sectorielle afin d’examiner les modalités de cette distribution. Après avoir interrogé les acteurs du secteur et avoir analysé en profondeur son fonctionnement, l’Autorité de la concurrence a rendu public le 19 décembre 2013 son avis (le texte intégral de 168 pages est disponible sur son site internet) sur le fonctionnement de la concurrence dans ce secteur de distribution. Elle y appelle de ses vœux une animation de la concurrence sur l’ensemble de la chaîne de distribution et soutient notamment une ouverture encadrée de la distribution au détail des médicaments non remboursables.
L
oin d’appeler à une refonte totale de la distribution du médicament en ville, qui pourrait être nuisible à la politique de santé publique, l’Autorité de la concurrence, appelle de ses vœux une adaptation progressive et limitée du secteur aux nouveaux modes de commercialisation et aux attentes des consommateurs en matière de prix et de services. Cet avis propose ainsi un cadre de réflexion global et cohérent pour les acteurs du secteur concerné et les pouvoirs publics en charge de ces questions. L’Autorité souhaite instiller un peu plus de concurrence dans la distribution du médicament à usage humain en ville afin de dynamiser l’innovation à l’amont, permettre aux échelons intermédiaires de jouer leur rôle de contre-pouvoir à l’achat, et donner l’occasion aux pharmaciens d’officine d’être des acteurs plus robustes et mieux armés face à de nouveaux concurrents sur le segment du médicament d’automédication. Cette animation de la concurrence sur l’ensemble de la chaîne de valeur devrait in fine bénéficier aux consommateurs de médicaments, qu’il s’agisse de l’Assurance-maladie ou aux patients. UNE CONSULTATION PUBLIQUE FRUCTUEUSE ETUN CONTEXTE LÉGISLATIF ET RÉGLEMENTAIRE EN ÉVOLUTION L’Autorité de la concurrence a procédé à une première phase de discussions avec l’ensemble des acteurs du secteur (laboratoires pharmaceutiques, grossistes et importateurs, syndicats professionnels, administrations, conseils de l’ordre des pharmaciens et de médecins, associations de consommateurs, représentants du secteur de la distribution en grande et moyenne surfaces).
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Celles-ci ont débouché le 10 juillet 2013 sur la publication d’un document de consultation publique (voir le communiqué de presse du 10 juillet 2013), qui a suscité un vif intérêt de la part des acteurs du secteur : au total ce sont 105 contributions écrites qui ont permis à l’Autorité de la concurrence d’enrichir sa réflexion. Par ailleurs, l’Autorité souligne que l’actualité immédiate a accompagné la gestation de cet avis puisque, dans le courant de l’année 2013, le législateur et les autorités publiques ont favorisé des évolutions allant dans le sens des propositions ou orientations du document de consultation : l’élargissement en cours du répertoire des génériques à certaines formes de paracétamol, l’encadrement des remises prenant la forme de marges arrière « déguisées » sur les médicaments génériques dans le cadre de la loi relative au financement de la sécurité sociale (ci-après « LFSS ») pour 2014, l’arrêté ministériel du 20 juin 2013 sur les bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique, ou encore l’autorisation de la vente des tests d’ovulation et de grossesse ou des produits d’entretien et d’application pour lentilles oculaires de contact en dehors des officines, envisagée par le projet de loi sur la consommation. L’Autorité de la concurrence ne peut que se féliciter de la concomitance de ces évolutions, tout à fait positives pour le jeu de la concurrence, avec la publication de son avis. SOUTENIR L’INNOVATION ET PROTEGER LA CONCURRENCE L’Autorité de la concurrence réaffirme la nécessité de mettre la politique de concurrence au service de l’innovation et de la production de valeur, en particulier en amont de la filière. L’innovation est en effet au cœur de la
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Société compétitivité de l’industrie pharmaceutique, laquelle connaît des évolutions rapides : épuisement du business model centré sur les blockbusters et réorientation de la recherche et développement vers le traitement de maladies rares, notamment, et vers les biotechnologies, externalisation de la recherche, essor de la coopération entre laboratoires. Il convient d’accompagner ce mouvement qui est un formidable accélérateur de progrès, de concurrence, de compétitivité et d’emploi. Certains craignent que l’intervention des autorités de concurrence dans ce secteur d’activité ne déstabilise les laboratoires pharmaceutiques, et notamment ceux qui produisent des médicaments princeps innovants. L’Autorité de la concurrence ne partage pas cette analyse. L’Autorité considère, au contraire, que l’animation de la concurrence est de nature à favoriser l’innovation et la compétitivité des entreprises pharmaceutiques. Plus spécifiquement, la concurrence liée à la mise sur le marché de médicaments génériques entraîne des économies de coût pour l’assurance-maladie qui permettent, dans un contexte budgétaire difficile, de dégager des ressources pour financer à leur juste valeur des médicaments réellement innovants. Les règles de la concurrence autorisent, dans certaines conditions, les laboratoires à conclure entre eux des accords de coopération en matière de recherche et développement Le droit de la concurrence prend pleinement en compte la dynamique des marchés et de l’innovation : le règlement n° 1217/2010 de la Commission européenne du 14 décembre 2010 fournit notamment un cadre juridique sécurisé aux entreprises pharmaceutiques concurrentes qui souhaitent s’engager dans la voie d’une coopération en matière d’innovation. Il est légitime que les laboratoires princeps défendent leurs droits de propriété intellectuelle ainsi que la qualité de leurs spécialités de référence mais ils doivent s’abstenir d’abuser de ce droit dans le but d’empêcher les médicaments génériques d’entrer sur le marché L’Autorité de la concurrence ne conteste en aucun cas la légitimité des laboratoires princeps à défendre devant les juridictions les droits de propriété intellectuelle qu’ils détiennent sur leurs médicaments. Il s’agit en effet d’un droit essentiel pour préserver les fruits de la recherche et garantir le maintien de l’innovation. Il y a lieu en revanche de poursuivre certaines pratiques de quelques laboratoires qui, dans des circonstances particulières, ont pu abuser d’un tel droit dans le seul but d’empêcher un médicament générique d’entrer sur le marché et de faire naître une certaine forme de concurrence. Il peut en effet s’agir d’un abus de position dominante. De même, les laboratoires princeps peuvent légitimement défendre la qualité de leurs spécialités de référence face aux génériques. Cependant, parfois, des laboratoires, peu nombreux, ont pu confondre la défense et l’attaque. L’Autorité de la concurrence a ainsi développé une pratique décisionnelle contre le dénigrement des génériques. Par dénigrement, elle n’entend pas le fait de défendre objectivement les qualités du médicament princeps, ou d’alerter les autorités de santé de problèmes réels liés au générique, elle entend uniquement le fait de véhiculer des informations erronées ou non vérifiées sur les produits concurrents dans le seul but de nuire à leur commercialisation. A cet égard, elle constate que les pratiques de dénigrement contre les génériques ont malheureusement une certaine prégnance en France, sans doute liée, comme l’a montré la décision Plavix®1, à des spécificités nationales (connaissance insuffisante de la pharmacopée par les médecins, méconnaissance de règles juridiques complexes par les acteurs de la substitution, les pharmaciens, ou encore sensibilité irraisonnée des patients). L’avis, qui dresse un bilan de la pratique décisionnelle des autorités européennes et américaines dans des affaires touchant aux pratiques des laboratoires, propose ainsi des orientations qui constituent autant de lignes directrices pour les entreprises du secteur pharmaceutique dans l’exercice de leur activité commerciale. Lutter contre le dénigrement des génériques permet non seulement de lutter contre le creusement du déficit de la sécurité sociale mais également de défendre indirectement l’incitation à innover. Les économies induites par la commercialisation des médicaments génériques (la décote appliquée au prix d’un générique est de 60% par rapport au prix du médicament princeps) n’ont pas pour unique objectif de réduire les déficits des comptes sociaux. Elles permettent également de dégager des ressources nouvelles, et rares dans un contexte budgétaire difficile, pour financer à leur juste valeur des médicaments réellement innovants. Le Comité économique des produits de santé, conscient des nécessités de conserver des entreprises innovantes, sera d’autant plus enclin à accorder des prix élevés aux médicaments innovants que le déficit de l’Assurance maladie sera contenu. Le déremboursement de médicaments de confort ou le développement des génériques sont des instruments pour y parvenir. Le dénigrement d’un générique peut ainsi servir les intérêts à très court terme d’un laboratoire princeps
mais il est, à plus long terme, un véritable obstacle à l’innovation pour l’ensemble de la filière du médicament. Lutter contre le dénigrement des génériques, c’est donc aussi défendre indirectement l’incitation à innover. Des prix trop élevés sur certaines gammes de médicaments Dans son document de consultation publique, l’Autorité, à partir du constat de l’existence de remises « déguisées » importantes, avait souligné le prix apparemment trop élevé des médicaments génériques. La LFSS pour 2014, a revu le système des remises octroyées sur ces médicaments et imposé une obligation de déclaration de leurs montants auprès du CEPS. Si ces mesures pourraient être susceptibles d’encadrer plus efficacement le prix des génériques, il conviendra toutefois d’évaluer leur impact concret à moyen terme. S’agissant des médicaments non remboursables, l’Autorité considère qu’un renforcement du contre-pouvoir d’achat des intermédiaires de la distribution du médicament en ville serait de nature à permettre l’obtention de remises plus conséquentes, notamment sur les génériques et les médicaments non remboursables, lesquelles bénéficieraient par ailleurs à l’ensemble des officines, et en tout ou partie aux consommateurs. > Pour plus de détails, se reporter aux pages 102 à 126 de l’avis RENFORCER LA PUISSANCE D’ACHAT DES INTERMEDIAIRES Le fonctionnement du stade intermédiaire, qui se caractérise par une pléiade d’acteurs très hétérogènes, a fait l’objet d’un examen attentif de la part de l’Autorité. Les grossistes-répartiteurs ainsi que les structures de groupement d’achat (SRA et CAP) doivent pouvoir pleinement exercer un rôle de contre-pouvoir face aux laboratoires pharmaceutique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il est important que le stade de gros puisse constituer le lieu d’un contre-pouvoir de marché à l’égard des fournisseurs, les laboratoires pharmaceutiques. Le rôle du grossiste-répartiteur apparaît, dans les conditions actuelles de la distribution du médicament, notamment remboursable, nécessaire à l’approvisionnement régulier et rapide du réseau officinal, dans le cadre d’obligations de service public. Dès lors, l’Autorité de la concurrence ne peut que constater ce rôle aujourd’hui décisif et souligner la relative faiblesse de sa rémunération, liée notamment aux difficultés qu’il rencontre pour distribuer à des prix compétitifs les médicaments d’automédication (les laboratoires favorisant la vente directe auprès des grosses officines Par ailleurs, l’Autorité a également mis en évidence l’incapacité à se développer des structures de regroupement à l’achat (ci-après « SRA ») et centrales d’achat pharmaceutiques (ci-après « CAP »), qui devaient favoriser les achats groupés des pharmacies de taille modeste ou isolées qui ne bénéficient pas, pour les médicaments d’automédication, des avantages commerciaux que les laboratoires accordent à des officines de grande taille dans le cadre de la vente directe. Il convient donc d’éliminer les obstacles au développement de ces structures nouvelles. Les importations parallèles peuvent être le moyen pour les officines d’obtenir de meilleurs prix, soit directement soit indirectement. Les importateurs de médicaments qui procèdent à des importations parallèles à l’intérieur de l’Union européenne, peuvent aussi contribuer à l’animation de la concurrence dans la mesure où les pharmaciens d’officine peuvent utiliser l’argument des prix moins élevés qu’ils obtiennent des importateurs pour négocier de meilleures conditions commerciales de leurs fournisseurs habituels. Les importateurs de médicaments doivent donc continuer à jouer ce rôle d’aiguillon tout en faisant en sorte que des tels mouvements de médicaments intra-européens ne remettent pas en cause la sécurité de l’approvisionnement des Etats membres, et notamment de la France. > Pour plus de détails, se reporter aux pages 126 à 134 de l’avis
ADAPTER ET CONSOLIDER LE FONCTIONNEMENT DU MARCHE A L’AVAL La vente au détail des médicaments, notamment d’automédication, connaît aujourd’hui des évolutions majeures qui bouleversent la donne concurrentielle. En premier lieu, le marché de l’automédication est en forte progression. Confrontés aux déremboursements de médicaments, les patients recourent de plus en plus fréquemment à l’automédication. Or lorsqu’un médicament fait l’objet d’un déremboursement, il passe d’un prix réglementé à un prix libre : dans ce contexte, il est légitime que les patients soient demandeurs d’une offre diversifiée et plus transparente, de prix compétitifs et de nouveaux services. En second lieu, l’autorisation de la vente en ligne du médicament ou la création des nouvelles missions du pharmacien constituent de vrais changements qui offrent aux officines des opportunités pour devenir pleinement des acteurs
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Société de la concurrence, tant du point de vue du prix que de la qualité du service rendu au patient. Dans ce contexte, l’Autorité est convaincue que le maintien du statu quo ne constitue pas une option efficace, ni pour les consommateurs, ni pour les pharmaciens d’officine. Il est nécessaire dès lors de desserrer la contrainte et d’examiner les conditions dans lesquelles une ouverture de la distribution du médicament en ville est envisageable, en France. L’Autorité de la concurrence a bien noté l’opposition des organisations représentatives des pharmaciens d’officine et du ministère des affaires sociales et de la santé à cette réforme. Elle a étudié attentivement les arguments avancés mais la plupart ne paraissent pas suffisamment convaincants pour repousser une réforme que beaucoup d’autres pays européens ont mise en place sans conséquence défavorable pour la santé publique. > Pour plus de détails, se reporter aux pages 138 à 142 de l’avis L’Autorité de la concurrence constate que l’intensité de la concurrence entre officines est relativement faible comme en témoignent les très forts écarts de prix (de 1 à 4) relevés sur les médicaments non remboursables. Cette situation est défavorable aux consommateurs, et ce d’autant plus qu’elle s’accompagne d’un manque d’information et de publicité sur les prix, qui les empêchent d’établir des comparaisons. L’Autorité de la concurrence demeure favorable, à l’issue de sa consultation publique, à la vente des médicaments d’automédication et de certains produits « frontières » (comme par exemple les tests de grossesse , produits d’entretien pour lentilles de contact) en parapharmacie ou en grandes surfaces, en plus des pharmacies, parce qu’elle est convaincue, notamment au regard d’exemples étrangers, que ces formes de commerce, qui ont des capacités de négociation très fortes avec les fournisseurs, pourront offrir des avantages aux consommateurs en termes de services ou de prix. Cependant, il convient d’encadrer la commercialisation par des règles strictes, qui garantissent la qualité et la sécurité de la vente du médicament, et notamment la présence d’un pharmacien diplômé, la création d’un espace de vente dédié et l’obligation de délivrance d’un conseil. Ces mesures permettront de garantir que les médicaments ne seront pas banalisés dans les nouveaux points de vente. Pour plus de détails, se reporter aux pages 143 à 146 de l’avis L’exemple italien Cette ouverture limitée et encadrée correspond, parmi les différents modèles existants à l’étranger, à ce que l’on peut appeler un modèle « mixte », c’est-à-dire à mi-chemin entre un modèle ultra-libéralisé à l’anglo-saxonne (Etats-Unis, Royaume Uni) et un modèle fortement réglementé (France). C’est ce modèle que l’Italie a choisi au cours des années 2000. Dans ce pays, les médicaments dont la commercialisation a été libéralisée doivent toujours être vendus par un pharmacien diplômé, qu’il se trouve dans une pharmacie, dans une parapharmacie ou dans un espace dédié d’une grande surface. Le monopole officinal a été revu, tout en maintenant le monopole pharmaceutique. L’étude de l’impact sur la concurrence de la généralisation de la distribution des
médicaments d’automédication en Italie montre qu’elle a eu des répercussions favorables sur les prix sans pour autant remettre en cause la pérennité économique des pharmacies : > En 2008, 87,6% des médicaments d’automédication dont la distribution a été libéralisée en 2006 étaient toujours vendus par les officines. > En 2008, selon l’autorité italienne de la concurrence, la diminution moyenne du prix public TTC observée dans les supermarchés italiens (comparé au prix fabricant HT maximum) était de 25% (baisses entre 20 % et 30-35 %). Mais cette ouverture doit s’inscrire dans un contexte de raffermissement du rôle du pharmacien dans le dispositif de santé et de consolidation de ses sources de revenus. Parallèlement, l’ouverture de la distribution limitée et encadrée du médicament doit être accompagnée de mesures visant à consolider le rôle et les revenus du pharmacien et lui donner par ailleurs les moyens d’être dynamique et compétitif sur le segment de l’automédication. En premier lieu, il convient d’accompagner l’essor des nouvelles missions des pharmaciens d’officine, afin que ces derniers confortent leur place d’acteurs de la santé à part entière. Outre qu’elles remplissent une fonction non négligeable dans l’organisation du système national de santé, ces nouvelles prestations offrent aux pharmaciens d’officine de nouvelles rémunérations qui leur permettent d’alléger leur dépendance à l’égard de la vente du médicament. En deuxième lieu, l’Autorité de la concurrence soutient la vente en ligne de médicaments d’automédication dans le cadre sécurisé offert par la loi. Cette nouvelle forme de commercialisation, qui constitue un vecteur de concurrence dans le secteur, est en effet de nature à améliorer le service de distribution et de générer des baisses de prix. Dans la mesure où la loi prévoit que seuls les pharmaciens d’officine peuvent recourir au commerce en ligne de médicaments, ces derniers doivent se saisir de cet instrument nouveau pour dynamiser leur activité professionnelle. Il demeure toutefois nécessaire de limiter autant que faire se peut les restrictions réglementaires au développement du commerce en ligne. En troisième lieu, les pharmaciens d’officine doivent pouvoir accéder sans entrave aux avantages commerciaux liés aux achats groupés afin d’en répercuter tout ou partie à leur clientèle et d’être en mesure de faire face à la concurrence de nouveaux acteurs. A cet égard, il est nécessaire de soutenir les formes légales de regroupement comme les groupements de pharmaciens mais aussi les SRA et CAP qui ont des difficultés à prendre leur essor au point qu’il conviendrait, dans l’hypothèse d’un échec de ces dernières structures, de favoriser la légalisation de la rétrocession entre officines qui permet à certaines d’entre elles de bénéficier d’avantages commerciaux auprès des laboratoires. Enfin, un assouplissement de certaines dispositions sur la publicité tarifaire qui s’imposent aux pharmaciens paraît nécessaire afin de promouvoir des méthodes de vente plus transparentes pour le consommateur. 2013-908 Source : communiqué du 19 décembre 2013
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Décoration
Jean-Luc A. Chartier Commandeur dans l’Ordre National du Mérite Paris - Hôtel de Salm, 19 décembre 2013
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Photos © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
’éminents représentants des mondes diplomatique (Messieurs les Ambassadeurs de Belgique, de Pologne, du Mexique et du Pakistan), religieux, universitaire, politique, culturel, économique et judiciaire, ont répondu à l’invitation de Jean-Luc A. Chartier pour la remise de sa cravate de Commandeur dans l’Ordre National du Mérite. La cérémonie s’est déroulée jeudi dernier 19 décembre 2013 à l’Hôtel de Salm, construit en 1781 par S.A.S. le Prince Frédéric III de Salm Kibourg (colonel allemand), notamment en présence du Général d’Armée Jean-Louis Georgelin, ancien Chef d’Etat Major général des armées, Grand Chancelier de la Légion d’Honneur et Chancelier de l’Ordre National du Mérite, du Secrétaire Général de la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur Luc Fons, de la Conservatrice du Musée de la Légion d’Honneur Anne de Chefdebien ainsi que d’Yves Minjollet Administrateur du Palais, du Musée et des Maisons d’éducation. L’Officiant, Vincent Hollard, Président du Musée National de la Légion d’honneur et des Ordres de Chevalerie, a remarquablement retracé la carrière du récipiendaire qui est à la fois « grand avocat, écrivain, historien, biographe et philosophe ». Jean-Luc A. Chartier, juriste cultivé et élégant, est également Secrétaire Général de l’Académie Catholique de France où il enseigne le droit et sa pédagogie ; au Conseil de l’Ordre du Saint Sépulcre, il se consacre aux activités religieuses, aux écoles et aux dispensaires installés au Moyen Orient. Nous adressons nos amicales et chaleureuses félicitations à l’homme de cœur et d’esprit dont l’intelligence rivalise avec la connaissance. Passionné d’éthique et de rigueur morale, valeurs avec lesquelles il n’a jamais transigé, Jean-Luc A. Chartier, avec humilité, reconnaissance et panache, a souhaité dédié « son nouvel insigne » à ses confrères avocats car « ils sont les praticiens du droit et que le droit est
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Vincent Hollard et Jean-Luc A. Chartier
Jean-Louis Georgelin Jean-Luc A. Chartier et Vincent Hollard
l’acte fondateur de la reconnaissance de l’homme par l’homme. C’est la règle de droit qui apprend à l’homme à reconnaître son semblable. Sans cette reconnaissance, les sociétés seraient livrées à la férocité naturelle des hommes entre eux. Le droit délimite un espace de relation où chacun peut recevoir ce qui lui est dû. Le droit garantit la coexistence des libertés naturelles et réfléchies. Le droit civilise les rapports entre les hommes. C’est par le droit que la liberté individuelle mord sur le réel. C’est par le droit qu’une société s’ouvre au lieu de se bloquer. C’est à l’avocat de plus en plus que l’on pose les questions existentielles, c’est celui qui apprend chez Aristote le bon usage de la rhétorique, ce rempart contre l’irrationalisme et la démagogie et que méditent les philosophes du Droit pour réfléchir avec eux sur ce qui est notre devoir quotidien : le juste, le vrai, le doute, la prudence. » Il était légitime que soient à nouveau mises en lumière les qualités intrinsèques de Jean-Luc A. Chartier qui reflètent une grande générosité ainsi qu’un sens profond de l’amitié à l’image de l’amour qu’il porte à sa famille. 2013-909 Jean-René Tancrède
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