LES ANNONCES DE LA SEINE Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Lundi 10 décembre 2012 - Numéro 75 - 1,15 Euro - 93e année
Barreau de Paris Séance Solennelle de Rentrée - 7 décembre 2012 Quentin Lancian, Christiane Féral-Schuhl et Benjamin Mathieu-Deher
RENTRÉE SOLENNELLE Barreau de Paris Agir dans un monde qui bouge par Christiane Féral-Schuhl..................................................................
2
Joë Nordmann par Quentin Lancian.............................................................................
7
Le Procès de la mort d’Oussama Ben Laden par Benjamin Mathieu-Deher ..........................................................
12 AGENDA ......................................................................................5 ANNONCES LEGALES ...................................................15 ADJUDICATIONS................................................................23 DIRECT
Prix des Droits de l'Homme de la République Française ....................................................24
R. TANCRÈDE S.A. Toutes formalités légales et démarches administratives
01 42 60 36 35 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS
omme en 2009, la Rentrée du Barreau de Paris et de la Conférence, s’est déroulée au Théâtre du Châtelet ; Madame le Bâtonnier Christiane Féral-Schuhl, qui a souhaité placer la Rentrée 2012 sous le signe du rassemblement, de la solidarité et du droit à la dignité, accueillait ses prestigieux invités « dans le superbe écrin de ce théâtre parisien » au premier rang desquels Christiane Taubira, Jean-Louis Debré ainsi que les plus hautes autorités judiciaires et civiles. Comme chaque année, les lauréats du concours d’éloquence oratoire ont eu le privilège de discourir après que les « Prix 2012 » aient été remis aux douze Secrétaires de la Conférence du Stage : Quentin Lancian, Premier Secrétaire a choisi d’é voquer Joë Nordmann, grand résistant communiste et avocat militant, puis Benjamin Mathieu-Deher, 2ème Secrétaire a consacré sa « plaidoirie » au procès de la mort d’Oussama Ben Laden. Après les interventions du Jeune Barreau, Madame le Bâtonnier de Paris a dressé le premier bilan annuel de ses actions au sein de son Barreau dans un « monde qui bouge ». S’agissant du secret professionnel : il doit être « conforté, renforcé et protégé » ; quant aux jeunes, il faut « répondre à leurs attentes car ils sont la richesse de notre profession ». A propos du Développement Durable, son Barreau s’y est totalement investi sous la
C
conduite de son Vice-Bâtonnier Yvon Martinet, elle a rappelé que l’Ordre et la Carpa avaient adhéré au Pacte Mondial des Nations Unies, qualifié selon le Secrétaire Général des Nations Unies de « l’initiative la plus importante et la plus ambitieuse du genre puisqu’elle réunit les Nations Unies, les dirigeants syndicaux et la société civile autour de dix principes dans les domaines des droits de l’Homme, du droit du travail, de l’environnement et de la lutte contre la corruption ». Pour sa première Rentrée de la Conférence du Barreau de Paris, la Ministre de la Justice Christiane Taubira a notamment répondu aux questions de Christiane Féral-Schuhl relatives à la réforme de la procédure pénale et à la politique pénale en général (prisons, garde à vue, décret passerelle, secret professionnel, présomption d’innocence, durée des instructions, nouveau Palais de Justice...) et a indiqué qu’elle porterait la plus grande attention aux « doléances » des avocats de France ainsi qu’aux orientations issues des consultations gouvernementales. Pour conclure sur une note d’espoir, Christiane FéralSchuhl souhaite poursuivre « ses combats partout où les droits de l’homme sont menacés, c’e st une marche inexorable vers la liberté, cette liberté qui est due sans distinction à chaque homme ». Cette liberté, c’est la fierté du Barreau de Paris. Jean-René Tancrède
J OURNAL O FFICIEL D ’A NNONCES L ÉGALES - I NFORMATIONS G ÉNÉRALES , J UDICIAIRES ET T ECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne
12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : as@annoncesdelaseine.fr FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE
LES ANNONCES DE LA SEINE Siège social : 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS R.C.S. PARIS B 339 349 888 Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr e-mail : as@annoncesdelaseine.fr
l
l
l
l
Agir dans un monde qui bouge par Christiane Féral-Schuhl
Etablissements secondaires : 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05
Comité de rédaction : Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International
Didier Chotard Frédéric Bonaventura
Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 614 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS
2011
Prisons françaises : une situation lamentable, indigne de notre pays
Copyright 2012 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2011 ; des Yvelines, du 20 décembre 2011 ; des Hauts-deSeine, du 28 décembre 2011 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 décembre 2011 ; du Val-de-Marne, du 20 décembre 2011 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.
- Tarifs hors taxes des publicités à la ligne A) Légales : Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,43 € Yvelines : 5,22 € Hauts-de-Seine : 5,48 € Val-de-Marne : 5,41 € B) Avis divers : 9,75 € C) Avis financiers : 10,85 € D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 € Seine-Saint Denis : 3,80 € Yvelines : 5,22 € Val-de-Marne : 3,83 € - Vente au numéro : 1,15 € - Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALES NORMES TYPOGRAPHIQUES Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéas
Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
2
adame la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Nous sommes tous ici réunis, très honorés de votre présence, qui témoigne de l’intérêt que vous portez aux 24 000 avocats de notre Barreau. Je remercie également les représentants des Barreaux de France, les délégations de tous les Barreaux du monde, toutes les hautes personnalités, tous mes confrères, tous nos amis. Vous tous nous faites l’honneur et l’amitié d’assister à la Rentrée du Barreau et de la Conférence. Je vous en remercie d’autant plus que je sais que vous avez tous bousculé vos agendas pour être présents cet après-midi. En ce théâtre du Châtelet, édifié Place du Châtelet, l’endroit qui, autrefois, rassemblait les seize anciennes Justices féodales et les six anciennes Justices ecclésiastiques. En ce lieu qui fut aussi une prison pour François Villon, Clément Marot, Michel d’Amboise. Et aujourd’hui, dans ce même lieu, mais sans les grilles aux fenêtres qui en faisaient une prison, nous pouvons admirer le même panorama. Madame la Garde des Sceaux, vous êtes Ministre de la Justice, des Libertés et par-dessus tout de la liberté. Alors, à ce titre, il m’apparaît indispensable d’évoquer d’abord, avec vous, nos prisons françaises.
M
Directeur de la publication et de la rédaction : Jean-René Tancrède
Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :
Rentrée solennelle
C’est pour cette raison que nous avons fait le choix d’ouvrir ce matin les travaux de notre Rentrée par un colloque intitulé : « Prison Française, Prison « modèle » ? ». Vous avez là un des chantiers les plus importants de votre Ministère. Il nous faut des réponses qui permettent à notre pays d’enlever ce masque de la honte, d’arrêter de chercher à se donner bonne conscience, en instituant un contrôleur des prisons dont les moyens d’action sont insuffisants et dont la mission n’a de sens que si la volonté politique les accompagne. Les suppliques de François Villon doivent encore nous inspirer à agir et réformer. Vous devez entendre, Madame la Garde des Sceaux, que du fond de nos cœurs d’Avocats, nous partenaires de Justice, nous à l’écoute des justiciables, nous interlocuteurs des Magistrats, nous qui dialoguons quotidiennement avec l’administration pénitentiaire, nous devons trouver toute notre place dans les réunions du consensus que vous avez mises en œuvre. Mais si la prison et les conditions de l’enfermement constituent un problème majeur de notre société, ce ne sont malheureusement pas les seuls en ces temps de crise. Il nous faut agir en ce monde qui bouge, confrontés dans son mouvement à des situations de crise sans précédent - crise institutionnelle - crise financière - crise économique - crise sociale - crise sociétale.
Répondre à la crise, c’est d’abord unir nos forces pour protéger à la fois le droit et nos concitoyens Nous avons lancé une opération « coup de poing contre les braconniers du droit ». Ce coup de poing est celui d’un Barreau et d’un Ordre. Il doit être assené par chacun des 24 000 membres d’une profession unie dans la défense de ses valeurs. Cette opération donne de bons résultats : des sites pirates ont fermé à réception de nos mises en demeure, des enquêtes sont en cours, le Parquet est saisi d’une série de signalements… Notre message est fort : être Avocat ne s’improvise pas. Il faut du savoir, du savoir-faire, du savoir-être, le tout empreint de déontologie ! C’est cela, être Avocat.
Répondre à la crise, c’est également offrir aux concitoyens les meilleures garanties Madame la Garde des Sceaux, sachez que nous portons haut l’exigence des avocats qui ont cette responsabilité noble et immense : celle de servir les justiciables. Notre mission ne s’improvise pas. Elle impose l’excellence. Avocat est plus qu’un métier, plus qu’une profession, c’est une passion guidée par le souci de l’excellence au seul bénéfice de ceux qui nous ont donné leur confiance. Et l’excellence ne se décrète pas, elle ne s’atteint que par l’exigence absolue de la qualité. Sommes-nous si différents des autres qui sont animés par la même passion ? Imagine-t-on pouvoir devenir médecin parce qu’on a siégé à la Commission de la santé publique ? Ou professeur parce qu’on a été membre de la Commission de l’éducation nationale ? Ce qui n’est pas imposé aux autres, doit-il l’être aux avocats ? Madame la Garde des Sceaux, comme vous le savez, notre Barreau a opposé un refus ferme et déterminé au Décret Passerelle, qu’il s’agisse de sa version initiale du 3 avril 2012 ou de sa version nouvelle - plus permissive que la précédente - qui permettrait à des femmes et hommes politiques d’intégrer notre profession sans justifier d’une pratique antérieure du droit, sur la seule justification d’un mandat parlementaire ou ministériel pendant 8 ans. Le Barreau de Paris a exprimé à l’égard de chacun de ces textes son opposition, sans compromis, non par défiance envers la classe politique, non par posture politicienne, mais par conviction, parce qu’il n’est pas possible de conseiller un client sans une exigence d’expertise juridique, sans la maîtrise de notre déontologie. Que faut-il ajouter encore Madame la Garde des Sceaux pour vous convaincre que ce texte est inutile, inopportun, illégitime ? Ce que je veux, c’est engager avec vous, engager l’ambitieux débat de l’accès à la profession, - et la réflexion du Conseil National des Barreaux nous sera d’une grande utilité - car il nous faut revisiter ensemble tous les textes : accès initial, accès dérogatoire, formation, accès à la profession. Comment ne pas s’interroger sur la capacité pour notre profession d’accueillir, d’accompagner et d’offrir un épanouissement à
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
Rentrée solennelle
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Christiane Féral-Schuhl
nos jeunes confrères qui seront, au rythme actuel, 15 000 de plus dans moins de 10 ans ? Ces enjeux sont beaucoup plus urgents que de faire emprunter une passerelle à ceux qui souhaitent nous rejoindre. Ils auront alors la voie royale de la Concorde, parce qu’avec vous, nous aurons donné cohérence aux conditions d’entrée dans la profession.
Agir dans un monde qui bouge, c’est encore permettre aux avocats de résister à la crise Pour permettre aux Avocats de notre Barreau de résister, il était de mon devoir de Bâtonnier, conformément à nos engagements, de pérenniser les valeurs de notre profession et de défendre notre avenir. Nous avons entrepris de rassembler moyens, énergie et intelligence, pour mettre en œuvre des solutions inédites et créatives. Il nous fallait d’abord inciter à la mutualisation des efforts pour rester compétitifs. Il était urgent de créer une centrale de référencement qui permette aux Avocats du Barreau de Paris d’accéder à des milliers de produits et services pour le fonctionnement au quotidien de leur cabinet. Les Avocats parisiens ont reconnu bien sûr Praeferentia dont nous pouvons saluer aujourd’hui la 8 000ème adhésion. Un succès que je n’espérais pas aussi rapide et impressionnant. Nous continuons bien sûr à l’améliorer. Nous pouvons faire encore mieux ensemble, Monsieur le Président du Conseil National des Barreaux, Monsieur le Président de la Conférence des Bâtonniers. Portons ensemble ce projet au bénéfice des 55 000 avocats de France !
Agir dans un monde qui bouge, c’est donner envie aux jeunes d’entreprendre Pour qu’ils aient cette envie, il nous faut : - les aider, - les accompagner, - les encourager, - afin qu’ils puissent accéder à l’avenir qu’ils méritent. Et l’avenir pour le plus grand nombre d’entre eux (ils sont près de 10 000 collaborateurs au Barreau de Paris) est de franchir le pas de l’Association, le pas de l’installation. Alors, pour anticiper la crise, nous avons mis en place une assurance inédite : l’assurance perte de collaboration. Vous êtes déjà 1 000 collaborateurs à y avoir souscrit. Vous êtes 134 à en avoir bénéficié. Cela veut dire qu’il y a un besoin, une attente. J’invite chaque collaborateur à adhérer à cette assurance. Elle est faite pour vous ! Elle n’a qu’un seul but : vous accompagner. Et je me tourne à nouveau vers vous, Monsieur le Président du Conseil National des Barreaux, vers vous, Monsieur le Président de la Conférence des Bâtonniers, pour vous dire que dans ce domaine, nous pourrions faire beaucoup mieux : répondre ensemble aux attentes de nos jeunes confrères qui sont la richesse de notre profession. Il nous appartient de ne pas les décevoir.
Pour la majorité de nos jeunes confrères, la collaboration ne doit être qu’une étape Cette étape essentielle permet de parfaire la formation, d’acquérir l’expertise nécessaire qui sert tout au long de la vie professionnelle.
C’est une véritable chance qu’il faut savoir saisir. C’est pour cette raison que nous avons mis en place à Paris la Charte des bonnes pratiques de la collaboration signée en quelques jours par 65 cabinets. J’appelle tous les cabinets à la signer, à démontrer ainsi que notre démarche entrepreneuriale est fondée sur le développement des compétences. J’espère, là encore, que le Conseil National des Barreaux sera à nos côtés et acceptera de l’introduire dans ses règles et usages.
Après la collaboration vient le temps de l’Association ou de l’Installation Pour vous accompagner dans cette phase d’Installation, nous avons créé un nouveau service à l’Ordre : le Pôle Barreau entrepreneurial, avec sa propre école, qui vous propose des cycles de formation pour répondre aux questions qu’à un moment ou un autre, chacun se pose : comment s’associer ? Quelle structure d’exercice ? Comment mieux gérer le cabinet ? Etc... Il faut que nous vous donnions, jeunes Avocats, des réponses claires, des instruments performants pour vous permettre d’affronter avec sérénité la concurrence. Il faut vous donner les clés de l’entrepreneuriat, et que vous sachiez comment vous en emparer. C’est la raison de l’École du Barreau entrepreneurial : vous inciter à explorer et à conquérir de nouvelles activités, de nouveaux marchés, tels que le lobbying, la fiducie, le mandat sportif…, ou de nouvelles solutions alternatives au règlement des litiges comme la médiation, etc... Si nous voulons que vous osiez, à nous d’agir, de vous guider et de conduire la mutation.
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
3
Rentrée solennelle admettre que, nous Avocats, ne puissions pas accéder à certaines sources de droit alors même que celles-ci soient accessibles aux magistrats ? Il y a là une discrimination à laquelle il vous serait facile de remédier, dans le souci d’une Justice harmonieuse et apaisée. D’autant que les Avocats, vous le savez, sont engagés dans tous les combats citoyens.
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Christiane Taubira
Engagés dans les combats citoyens
Agir dans un monde qui bouge, c’est réussir la mutation technologique de l’Avocat La mutation, c’est aujourd’hui. Et aujourd’hui, c’est faire de l’Avocat un acteur incontournable de la société numérique, doté d’une déontologie exemplaire, détenteur du secret professionnel. Ce secret professionnel est au cœur de notre métier, il est notre ciment, notre socle, le fondement de notre serment. Madame la Garde des Sceaux, vous devez imposer le respect de cette valeur, de ce principe constitutionnel, fragilisé, malmené dans ce nouvel environnement numérique. Les attaques récentes, répétées, et de plus en plus précises, dirigées contre le secret professionnel de l’Avocat ébranlent la confiance du justiciable, fissurent la confidentialité, déstabilisent nos valeurs, bradent nos libertés. Il s’agit, et l’on ne parle de rien d’autre, des droits de la Défense. Madame la Garde des Sceaux, il faut conforter, renforcer, protéger ce secret, sans lequel il n’y a plus de société démocratique.
La protection du secret professionnel exige aussi l’utilisation d’un réseau sécurisé La Chancellerie a imposé la dématérialisation des procédures et l’utilisation du RPVA pour dialoguer en toute sécurité avec le RPVJ. Nous pouvons faire du RPVA le réseau sécurisé garant du secret professionnel. A une condition : que tous les Avocats l’utilisent. Pour qu’ils l’utilisent, il faut que vous écoutiez leurs doléances. Ils ont des demandes d’adaptations, de modifications qui sont simples à mettre en œuvre… Ils ont surtout besoin de pouvoir déléguer l’accès à leur dossier à d’autres Avocats, collaborateurs ou associés. Nous avons pris l’initiative de faire développer cette solution, simple, efficace, pragmatique, qui répond aux normes de sécurité définies par vos services. Nous l’avons appelée Avoclé et elle attend, pour pouvoir être mise en œuvre, la signature par vos soins des arrêtés techniques. Pour accompagner les Avocats dans l’ère du numérique, pour ne laisser personne au bord
4
de la route, le Barreau de Paris s’est engagé, au prix d’un effort sans précédent, à bousculer notre conservatisme, notre frilosité, et toutes nos habitudes pluriséculaires. 14 000 Avocats ont aujourd’hui leurs clés eBarreau. Oui ! e-Barreau fait désormais partie de notre vocabulaire. Il nous faut aller de l’avant, il nous faut voir plus loin, il nous faut convaincre chacun du caractère indispensable de cet outil. Il y a urgence à pouvoir travailler efficacement, sereinement, en confiance. Dans l’intérêt du justiciable, faisons ensemble en sorte que chaque avocat puisse se prévaloir du secret professionnel, parce qu’il utilise le réseau sécurisé, le RPVA.
Et parce que e-barreau est une réalité et que cela fonctionne, il doit devenir la clé unique d’accès à toutes les juridictions Madame la Garde des Sceaux, e-Barreau ouvre l’accès au Tribunal de Grande Instance, à la Cour d’Appel. Mais il y a les autres juridictions judiciaires, commerciales, sociales... Cette clé doit devenir le trait d’union entre tous les Avocats et toutes les juridictions françaises. 12. Madame la Garde des Sceaux, permettez-moi, en évoquant la modernité de notre justice de saluer Légifrance, ce service public de diffusion gratuite du droit sur internet
C’est une chance pour notre démocratie, c’est une grande chance que tout citoyen puisse accéder à tout moment nuit et jour, de n’importe quel lieu, à notre jurisprudence et à toute notre législation mise à jour quotidiennement. C’est tout le rayonnement de notre droit à travers le monde. La modernité, c’est aussi cet accès au droit, un accès au droit libre et généreux, égalitaire et fraternel, comme s’honore de l’être notre démocratie. J’en appelle à vous, Madame la Garde des Sceaux, en présence de Monsieur le Secrétaire Général du Gouvernement, pour qu’on ne remette pas en cause cet accès gratuit à Légifrance, comme certains pourraient en avoir la tentation. Et, Madame la Garde des Sceaux, dans le même souci d’une Justice éclairée, pouvez-vous
Ce sont d’abord des actions de terrain : consultations gratuites, Bus de la solidarité, Initiadroit, pour n’en citer que quelques-unes. Ce sont aussi des actions temporaires, comme l’Avocat dans la Cité qui, en octobre dernier, a mobilisé des centaines d’Avocats pendant une semaine sur le parvis de l’Hôtel de Ville, dans les Mairies et dans les Ecoles. 2 500 consultations données par les Avocats du Barreau de Paris. Les parisiens ont été nombreux à nous remercier, nous les Avocats, d’avoir pris le temps d’aller à leur rencontre, de les écouter, de les conseiller, de les orienter… Et nous vous remercions, chers confrères, d’avoir pris le temps de partager votre expérience et votre humanité. Ce succès est également dû à l’accueil que nous a réservé la Mairie de Paris et nous tenons à exprimer à Monsieur Bertrand Delanoë, notre Maire, dont l’enthousiasme pour ce projet a été immédiat, nos plus vifs et chaleureux remerciements et lui confirmons le rendez-vous qu’il a accepté pour le mois d’octobre 2013 avec une nouvelle édition de l’Avocat dans la Cité. Vous l’avez compris, cette manifestation a révélé l’osmose profonde qui existe entre les Parisiens et leur Barreau et cela est très important pour le lien social, à l’heure où nous savons que les Avocats peuvent être très exposés à la violence comme l’actualité vient de nous le démontrer.
En évoquant les combats citoyens, je voudrais rappeler que l’Ordre de Paris, sous la conduite de monsieur le Vice-Bâtonnier, s’est totalement investi dans le développement durable Avec le concours sans restriction de l’ensemble de notre personnel et que déjà les premiers résultats sont visibles. L’Ordre de Paris va ainsi présenter le premier rapport RSE de son histoire institutionnelle, élaboré sous l’égide de la Commission Ordinale Développement durable. L’Ordre et la Carpa ont adhéré au Pacte mondial des Nations Unies, qualifié selon le Secrétaire Général des Nations Unies de « l’initiative la plus importante et la plus ambitieuse du genre puisqu’elle réunit les Nations Unies, les dirigeants syndicaux et la société civile autour de dix principes dans les domaines des Droits de l’Homme, du Droit du travail de l’environnement et de la lutte contre la corruption ». En 2013, grâce au partenariat signé entre l’Ordre des Avocats et l’organisme AFNOR, les cabinets d’Avocats qui le souhaiteront pourront suivre cet exemple en matière de démarche RSE, pour que les Avocats soient et continuent d’être les acteurs du changement économique et social en marche.
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
Rentrée solennelle C’est pour notre Ordre, la volonté d’être porteurs d’expérience, partenaires responsables et durables, enracinés dans les valeurs classiques et propulsés dans la modernité par les nouveaux champs d’intervention et de compétences.
Agir dans un monde qui bouge, c’est faire du Droit au droit un engagement sans concession Madame la Garde des Sceaux, savez-vous tout ce que fait la profession d’Avocat pour l’accès au droit, pour que le Droit au droit soit respecté ? Et laissez-moi vous le dire ainsi, Madame la Garde des Sceaux, mais elle le fait sans reconnaissance aucune, puisque l’Avocat est le seul professionnel dont l’indemnisation est réduite dès lors qu’il s’agit d’une affaire traitée au titre de l’aide juridictionnelle. Pourriez-vous proposer la minoration des traitements des fonctionnaires qui dépendent de votre Ministère, dès lors qu’ils traiteraient des dossiers d’aide juridictionnelle ? Imaginez leurs réactions ! C’est pourtant le sort quotidien réservé aux Avocats. Parfois leur rémunération ne couvre même pas les frais qu’ils exposent. Parfois, cette rémunération va même jusqu’à être inexistante. Il en est ainsi pour notre présence dans les prétoires des prisons. Vous savez ce que chacun des pays de l’Union consacre à la Justice et ce que notre pays y consacre ? Cela va du simple pour nous, au double pour d’autres pays. Il est temps que ce scandale en forme d’injustice cesse et je suis certaine, Madame la Garde des Sceaux, que non seulement vous m’é coutez, mais vous m’entendez. C’est la raison pour laquelle je ne citerai pas de chiffres. Je sais que vous les connaissez parfaitement. Ils sont indignes, comme un camouflet donné à une profession qui, depuis les établissements de Saint-Louis, a le sens du service public. Aujourd’hui, elle reçoit pour seule récompense ce qui n’est même pas une aumône, mais une insulte, non pas faite à nous-mêmes, mais à ceux dont nous avons la charge, et auxquels nous devons respect et considération. Je vous parle des justiciables. Il serait bien que l’État s’en souvienne et que la France regarde la réalité en face. Le Droit au droit est aussi important que le droit à l’éducation. Il faut qu’on cesse de nous dire à propos de la TVA que Bruxelles ne veut pas. Trouvez-vous juste que le salarié licencié qui saisit les Prud’hommes paye une TVA sur les honoraires de son Avocat et ne puisse pas la déduire, alors que l’employeur va non seulement, lui, récupérer la TVA, mais pouvoir passer en charges les frais de sa défense ? Madame la Garde des Sceaux, vous êtes porteur de nos espoirs pour faire passer ce message fort, et il est urgent de mettre un terme à cette iniquité. Madame la Garde des Sceaux, avant de nous répondre, comme à Bercy, que notre demande est incompatible avec la règlementation européenne, pourquoi ne pas explorer avec nous quelques pistes de réflexion : crédit d’impôt, exonération sur certaines prestations,
ou encore pourquoi ne pas appliquer un taux réduit de TVA lorsque la solution aura été trouvée par la voie de la médiation, ce mode alternatif de règlement de la justice... Cela contribuerait à une justice apaisée, équitable.
Agenda
Madame la Garde des Sceaux, vous pourriez penser que c’est une litanie sans fin que je vous impose… c’est vrai ! Tant les doléances sont nombreuses Elles sont encore trop nombreuses. Je devrais vous dire tout ce qui nous choque ou nous blesse dans la politique pénale. Comment accepter que les personnes en garde à vue n’aient toujours pas accès à leur dossier ? Comment accepter que le justiciable ne puisse toujours pas assister à toutes les opérations de perquisitions et de saisie qui le concernent ? Comment accepter que le justiciable soit encore aujourd’hui privé de l’assistance d’un Avocat dans les auditions sans garde à vue ? Et il y a également urgence sur des questions aussi brûlantes que la motivation de la mise en examen, la protection de la présomption d’innocence, la durée des instructions… Je sais qu’il existe entre vous et nous un dialogue franc et sincère et que votre porte restera ouverte… … pour répondre aussi à d’autres questions, comme celle du « nouveau Palais de Justice ». Nous comprenons votre réserve, mais nous avons maintenant besoin de savoir, nous qui aimons tant notre Palais, le sort que le Gouvernement va réserver à ce projet. … pour nous associer à vos travaux, par exemple sur les actions de groupe. Vous savez que le Barreau de Paris peut être consulté par Monsieur le Ministre de l’Economie sociale et solidaire et de la consommation. Il est indispensable qu’il soit entendu. … pour parler de l’Avocat en entreprise, un des grands chantiers de notre évolution. … pour vous dire que nous sommes farouchement opposés à l’instauration de barèmes d’honoraires qui dénaturent l’esprit de la profession. En revanche, nous sommes favorables à la plus grande transparence sur la fixation des honoraires dans l’intérêt des justiciables. J’ai simplement voulu utiliser mon droit d’alerte pour que, sous votre autorité, l’impulsion décisive soit donnée pour que les chantiers en déshérence soient repris et que les chantiers de l’avenir soient enfin ouverts, afin que la justice de ce pays retrouve la place qui doit être la sienne. Et que le droit qui est le nôtre ne se réduise pas à un concept du passé, conservé comme une relique. C’est donc de la permanence de l’avenir que je voudrais enfin vous parler.
CLUB FINANCE HEC
« Perspectives économiques 2013 » 14 décembre 2012 Salons SwissLife - Paris 1er Renseignements : Nathalie Feiguel 01 39 67 70 23 feiguel@hec.fr
2012-868
ASSOCIATION FRANÇAISE DES JURISTES D’ENTREPRISE
Assemblée Générale Annuelle 17 décembre 2012 Les Salons Hoche - Paris 8ème Renseignements : Dalila Hocianat 01 42 61 53 59 association@afje.org
2012-869
LIGUE EUROPÉENNE DE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE-PETIT DÉJUENER « SECTION JEUNES »
« Est-il possible de réformer le marché du travail en France ? » 20 décembre 2012 Représentation de la commission Européenne - Paris 7ème Renseignements : Naïma Kortas 01 45 65 98 76 2012-870 lece.france@gmail.com
COLLOQUE COMITÉ FRANÇAIS DE LA CHAMBRE DE COMMERCE INTERNATIONALE
« Le secret des affaires est-il protégé ? » 23 janvier 2013 Chambre de Commerce Internationale Paris 8ème Renseignements : 01 42 65 12 66 icc-France@icc-france.fr
2012-871
CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX
Agir dans un monde qui bouge c’est combattre les inégalités Toutes les inégalités, les préjugés et les différences. Elles sont aussi intemporelles que réelles, Tony et Maria nous invitent, depuis 50 ans, dans West Side Story à les dépasser pour mieux les combattre.
9èmes Etats Généraux du Droit de la Famille du 24 au 25 janvier 2013 Maison de la Chimie - Paris 7ème Renseignements : 01 53 30 85 65 pressecom@cnb.avocat.fr
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
2012-872
5
Photo © Jean-René Tancrède
Rentrée solennelle
Remise du prix Premier Président Pierre Drai à titre posthume à Mario Stasi (ancien Bâtonnier de Paris) à son fils Mario-Pierre Stasi (4ème Secrétaire de la Conférence 1997) par Rémi-Pierre Drai
Agir dans un monde qui bouge, c’est toujours porter le combat pour les Droits de l’Homme partout où ils sont menacés Le mouvement du monde vers la modernité n’a malheureusement pas mis un terme à cette folie des hommes qui les conduit à emprisonner, assassiner, exécuter d’autres hommes et femmes qui n’ont pour tort que celui d’être nés, d’appartenir à une tribu, à une ethnie, à une race, d’avoir une couleur de peau, une religion, une orientation sexuelle, de lutter contre l’intolérance, la dictature, le mensonge et tout cela parce qu’il faut tuer l’espoir et ainsi éliminer l’espérance. La Rochefoucauld a beau avoir érigé en maxime « que celui qui vit sans folie, n’est pas si sage qu’il croit », je ne peux malgré l’admiration que je lui porte, le rejoindre, sauf à dire que la folie des Avocats est leur sagesse. Et la sagesse des Avocats du Barreau de Paris est grande, eux qui partent affronter la folie du monde, ce monde qui n’a toujours pas compris que la peine de mort n’a aucun sens. Eux qui sont la voix de tous les sans voix de Turquie, des pays du Maghreb, de Chine, des pays de l’Est, des régions subsahariennes, de
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Notre combat est bien réel, et cette réalité du Barreau de Paris, avec la bienveillance de votre Ministère et des chefs d’établissements de notre Palais de Justice, nous l’avons affichée avec insolence sur la façade de la Conciergerie : « Et si la femme était (aussi) l’avenir du droit ? ». Au-delà de ce slogan provocateur, nous avons voulu faire entendre la voix des Avocates du Barreau de Paris à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Nous avons tout au long de cette journée du 8 mars 2012 rassemblé les témoignages qui auront « peut-être » fait prendre conscience, fait comprendre, au Barreau de Paris, qu’il était temps d’aborder quelques questions dérangeantes : la disparité des revenus, l’abandon de la profession par un tiers des femmes dans les 10 années de leur prestation de serment, les difficultés des femmes à être associées dans les structures. C’était une première journée. Elle fut un succès ; je vous en promets une autre en 2013. À cet instant, le Barreau de Paris est signataire du Pacte de l’Égalité pour faire avancer l’égalité des hommes et des femmes dans la société civile comme au sein des cabinets d’Avocats. À cet instant aussi, le Barreau de Paris devient membre du Laboratoire de l’Égalité
l’Afrique, du Moyen-Orient et de combien d’autres. Eux qui sont les inlassables Ambassadeurs de la parole qui dérange et bouscule les consciences de ceux qui ont oublié qu’ils en avaient une. À tous ceux-là qui partent souvent au péril de leur vie, et dans des conditions improbables, sans autre arme que cette parole qui depuis toujours est la nôtre, je veux en ce jour de Rentrée rendre un hommage solennel, car je sais que, grâce à eux, nous sommes le réconfort là où il y a souffrance et l’espoir là où il n’y avait plus que désespérance. Et cette voix singulière que vous portez, mes chers confrères, - qui s’élève à chaque transgression, - qui fait reculer ceux qui se croient impunément puissants, et qui réconforte les faibles, - cette voix que vous portez comme vigie des libertés, - vous pouvez la placer si haut parce que depuis toujours votre Barreau et son Ordre sont impliqués dans la vie internationale en menant le combat jamais interrompu, - pour la promotion du droit romanogermanique, - pour la Francophonie, - pour la présence de la France auprès de ceux qui construisent et bâtissent leur avenir, - en Europe Centrale, en Afrique, en Asie du Sud-Est, dans le sous-continent indien, - en Amérique du Sud, - c’est-à-dire partout où il y a émergence de nouvelles sociétés. Nous le faisons, vous le faites, notre pudeur ne s’accommode pas de publicité, on est riche de ce que l’on donne, et vous n’attendez aucun autre retour que de n’avoir de cesse de découvrir que vous êtes ces facteurs de l’humanité, les facteurs du progrès. Nous le faisons parce que nous savons que l’action n’a de sens que si elle accompagne un service qui s’apparente au don de soi-même. C’est ce qui nous anime dans notre marche inexorable vers la liberté, cette liberté qui est due sans distinction à chaque homme. Cette liberté qui est la fierté de notre Barreau.
6
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
Rentrée solennelle Joë Nordmann
Quentin Lancian
par Quentin Lancian
Madame le Ministre, Madame le Bâtonnier, Mesdames et Messieurs les Bâtonniers, Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats, Mes chers Confrères, Cet éloge ne sera pas celui d’une gloire amidonnée. Je vous épargnerai l’hagiographie sans âme, la vie enchâssée entre deux dates, cicatrices sans passion de blessures oubliées. Je le voudrais que je ne le pourrais pas, car Nordmann a vécu d’absolu jusqu’aux portes de la raison. En guise d’hommage et de réconciliation des folies d’un autre âge, je vous fais un éloge autant qu’un manifeste. Nordmann était un homme de combats et d’action ; un homme de son temps, d’un autre temps sans doute, mais transcendé par un idéal de justice qui nous traverse tous. Oui, il s’est perdu avec éclat, il s’est trompé avec splendeur. Oui, il aura défendu sa foi jusqu’aux confins de l’entendement. Mais n’a-t-on jamais vu un Avocat publier un rectificatif après une plaidoirie ? Un magistrat commettre une note après délibéré pour expliquer son jugement ?
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
P
C’est pourtant ce que fit Nordmann. Exégète de sa propre vie, au soir de celle-ci, il ne voulut pas qu’on pût se méprendre sur le sens de son engagement. Et alors qu’à 93 ans, on lui demandait si toute sa vie il avait cru à quelque chose d’impossible, il répondit : « - Oui. (Silence). Absolument. Mais je ne regrette pas d’avoir pris cette position au sein du Parti communiste parce qu’elle était juste. Elle était peut être illusoire, peut être le résultat d’une erreur de pensée, d’une illusion, mais juste »(1). Oui, l’homme est paradoxal. Oui, Nordmann admet son erreur. Mais il reste convaincu que sa cause était juste. Joe Nordmann est communiste et il l’est même resté. Il l’est depuis son voyage à Moscou en 1930. Il a 20 ans et assiste aux cérémonies du 1er mai. C’est la journée internationale des travailleurs instaurée par les bolchéviques. Imaginez la scène. Les nationaux socialistes allemands n’ont pas encore habitué le monde aux retraites aux flambeaux, au décorum wagnérien des défilés militaires.
Il n’y a encore ni télévision ni actualités cinématographiques, et c’est son premier voyage à l’étranger. Nordmann est sous le choc. Dans un état de sidération, il s’émerveille. La place rouge est le centre du monde vers lequel convergent des millions de regards, craintifs ou subjugués. L’étoile brille au sommet du Kremlin et incarne l’espoir, l’avenir radieux et l’égalité triomphante. Et lui, Joë Nordmann, est là ! Et il y participe ! Plus qu’un signe, Plus qu’une attirance, c’est un appel. Un appel religieux. Moscou est son chemin de Damas. Est-ce un état de grâce ou un état de siège de la conscience ? Nordmann n’en est pas encore sûr, mais il pressent que sa vie commence maintenant. Il a soif d’action. Et s’il est vrai que la foi vient en priant, la foi nourrira son action et l’action nourrira sa foi. Voilà, à 20 ans, Nordmann a trouvé le sens de sa vie. Le communisme sera son idéal.
Remise du prix Bâtonnier Maurice Allehaut, Albert Laval, Charles Lachaud, Jean-Louis Foy à Quentin Lancian 1er Secrétaire de la Conférence par Jean-Louis Debré
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
lace rouge. Mars 1953. Iossif Vissarionovitch Djougachvili n’est plus. Joseph Staline est mort. Des quatre coins de l’Union affluent des foules grandioses. Mineurs d’Oural et de Sibérie, Koulaks des kolkhozes Ukrainiens essuyant leur tristesse d’un revers de touloupe. Enfants emmaillotés, emmitouflant leurs larmes et portés par des mères ployant sous le chagrin. Le vent est glacial. Le serpent de souffrance s’étire sur des kilomètres ; ce sont des millions d’hommes à l’arrêt, pétrifiés de douleur. Et tout autant de bouches exhalant des vapeurs chargées de pleurs et de vodka. Volutes de malheur qui s’élèvent vers le ciel en nuages vaporeux. La nation entière est paralysée par le deuil. L’atmosphère est lourde ; la musique funèbre exalte les scènes d’hystérie collective. Des hommes marchent sur d’autres hommes, bousculent jusqu’à leur chute les corps trop impatients d’aller rendre un dernier hommage. Il y a des morts. Ceux-là ne pourront plus le voir. Ils ne frôleront pas du bout des doigts le cercueil entrouvert. Ils n’apercevront pas une dernière fois le visage cireux du petit père des peuples. A Paris, Joë Nordmann pleure en silence. Il pleure le libérateur de l’Europe, le vainqueur des hordes nationales-socialistes, le héros de la grande guerre patriotique, de la bataille du Koursk et de Stalingrad. Pour Joe Nordmann, le grand résistant communiste, l’Avocat militant, on enterre autre chose qu’un corps.
7
Rentrée solennelle
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Remise du prix Jean-Christophe Maymat à Quentin Lancian 1er Secrétaire de la Conférence par Jean-René Farthouat
De retour à Paris, il s’inscrit au Secours rouge international, et distribue des tracts et des brochures de propagande. Il fréquente la Maison pour tous de la rue Mouffetard. Il dévore Lénine, Marx et Plekhanov. Pour lui, l’homme nouveau est soviétique. En Europe, l’honnête homme a disparu, et l’humanisme s’évanouit dans le fascisme. L’Italie est déjà gagnée, comme le Portugal, et l’Espagne aussi. Les démocraties sont molles, dépassées, incapables de résister et de donner à espérer. Et lorsqu’en 1933, pure formalité, il prend sa carte du parti, son adhésion n’est ni une réaction à l’arrivée d’Hitler, ni aux premières persécutions antijuives. Non, il est communiste parce que seul ce parti conduit l’Europe au bien être et à la paix. D’ailleurs, qui voit-il en Allemagne, en 1933 persécuté en premier ? Les communistes ! C’est pour eux qu’on construit les premiers camps. C’est pour eux que sont instituées les juridictions d’exception. C’est pour eux que l’on dresse les premiers pelotons. C’est leur parti qu’on interdit. Cette même année 1933, le voilà d’ailleurs envoyé à Berlin pour assister aux premiers procès. Il y découvre le courage des militants. C’est bien la preuve que les communistes ont raison, puisqu’une dictature veut les réduire au silence ! Et pour la première fois, debout dans la salle d’audience, il lève le bras et dresse le poing. Fidèle à sa promesse. Fidèle à ses vœux. Fidèle à son idéal. Toute sa vie Joë Nordmann restera militant. Pratiquant non théologien, il a le goût de la transformation sociale. Le parti incarne pour lui la justice sociale. Il veut l’émancipation du genre humain de l’exploitation où il se trouve, et il voit un sens à une vie d’engagement. Quant à l’économie, elle ne l’a jamais vraiment intéressé.
8
Jamais il n’a voulu la révolution pour la France ni la suppression de la propriété. Son communisme est avant tout fantasmé ; aspiration baroque à un bonheur universel et solidaire. Ecoutons-le : « Avec des millions de femmes et d’hommes dans le monde, j’ai cru, je crois encore à l’utopie communiste. Elle se présente à mon esprit comme une convivialité, un « être ensemble », une certaine mise en commun, et non comme une société accomplie dans la perfection. Peu m’importent les aberrations qui se sont greffées sur cette espérance, ses falsifications théoriques et pratiques. Elles sont rigoureusement contraires à cet idéal dont elles ont usurpé le nom. Peu m’importe le flou de l’expression et du projet. La croyance en la communauté humaine a précédé mon adhésion au parti communiste. Elle a seulement trouvé, dans cette adhésion, un formidable tremplin pour l’action. »(2) Nordmann possède une incroyable puissance intellectuelle mais c’est avant tout un homme d’action. Etudiant en droit, à 20 ans, il part pour Paris. Un ami l’accompagne. Ils veulent vivre l’expérience ouvrière. Les portes se ferment les unes après les autres. Affamés, sans argent, les suzerains palefreniers se présentent chez un ami de la famille qui leur trouvera un poste. Les voilà donc ouvriers dans une usine de Boulogne-Billancourt. Pendant un mois ! Pistonnés pour clouer des caisses pendant les vacances de Pâques ! L’internationale des pieds nickelés. Le temps des cerises… mais à l’eau de vie. Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes… Mais n’y voyez là aucune posture. Joë Nordmann est généreux, il l’a toujours été et ne cessera de l’être. Il faut avoir vu son sourire, ample et prodigue, irradier son visage. Il faut avoir vu ses yeux malicieux embrasser les gens d’un regard qui enrobe et qui les réconforte. Il faut avoir entendu cette voix, grave et séduisante. Cette voix intelligente, où derrière le frappé des mots et la clarté du son de ceux qui sont bien nés, on discerne le timbre d’un incorrigible optimiste. Joë Nordmann aimait la vie et il aimait les gens. Toute sa vie, il sera tout à la fois communiste, Avocat, bourgeois et juif. Dans quel ordre d’ailleurs ? Pour ceux qui l’ont connu, d’abord communiste. Communiste et bourgeois, à chaque époque ses contradictions. A chaque homme ses paradoxes. Nordmann avait choisi de traverser les ponts. Il est vrai qu’à l’époque on le pouvait encore. Naguère on pouvait être riche sans rester dans son camp. Naguère, on pouvait être grand bourgeois alsacien et aller en costume à la fête de l’Huma. Aujourd’hui, l’argent va à l’argent, La pauvreté à la misère. Et aucun Sartre ne monte sur les barricades rassurer Billancourt. On se tait. On s’en rapporte.
C’est ce que ne voulut pas faire Nordmann, qui préféra plaider. Né en 1910 à Mulhouse, Joë Nordmann y prêta serment, en 1929, pour entrer au cabinet de son père, Avocat célèbre et ami de Robert Schumann. Il a 19 ans. Mineur, donc. Premières Assises, premiers succès. Mais Mulhouse était trop petit pour l’ambitieux Joe. Pas assez international. Il quitte sa bourgeoisie comme St François d’Assises les luxueuses draperies du foyer familial, et il retrouve Paris. Il devient collaborateur de Vincent Auriol. Pour y entrer, il avait profité des relations de son père. Son talent l’y fera rester. Oui mais voilà, pour demeurer chez Auriol, il faut que son adhésion au parti demeure secrète. Et cela lui plaît bien d’ailleurs, il est jeune encore et la clandestinité garde un relent d’interdit. Jacques Duclos et Nordmann décident qu’il sera sous-marin. Commence alors la vie conspiratrice. Il évolue dans les cellules du parti. Il y connaît le front, les ennemis de classes, la ligne idéologique, les grèves et les revendications. Le communisme devient son catéchisme. Et lui, le juriste, l’avocat formé au contradictoire, le pluraliste libéral, voilà qu’il accepte le dogme du parti unique ! Ce fil d’Ariane qui fait du communisme son principal client. Que d’affaires lui furent confiées à ce titre ! Que de procès il accepta pour nourrir son engagement ! Ce furent là ses plus belles batailles, ses plus amères défaites. Il fut l’Avocat d’une seule cause, mais elle avait tant de combats. Et pour un Avocat y a-t-il plus noble sujet, si tristement inépuisable, que la défense des opprimés ? Il y consacra tout son temps et il y sacrifia sa vie. Esthète de l’absolu, il était partagé entre la vie sacerdotale de son bureau et ses voyages, plusieurs mois par an, ce nomadisme de grand chemin qui l’a tant coupé des siens. Les siens… Depuis le 17ème siècle, les Nordmann de France sont établis dans le village de Heggenheim en Haute Alsace, sur les contreforts du Jura, aux portes de Bâle. Mais Joë Nordmann est né allemand. Comme son père. L’annexion de l’Alsace en 1871 leur avait fait perdre la nationalité française. Ils ne la recouvreront qu’en 1918. Durant la première guerre, le frère de sa mère était officier dans l’armée française ; le frère de son père, médecin dans l’armée allemande. Epoque absurde. Son paradoxe, déjà, est d’origine génétique ! Puis vient 1940. Le voilà mobilisé comme fantassin en AlsaceLorraine. Il ne s’y passe rien. Drôle de guerre. Aussi retourne-t-il à Paris pour reprendre son combat. Car il est resté communiste en dépit du pactegermano soviétique. D’autres y auraient renoncé. Certains l’ont d’ailleurs fait.
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
Rentrée solennelle
Photo © Jean-René Tancrède
Pas lui. La France entière dénonce une trahison. Pas lui. D’ailleurs, il se demande bien laquelle ? ! N’est-ce pas la France et l’Angleterre qui ont trahi la paix ? Mais comment combattre quand sa double qualité de juif et de communiste rend impossible toute action en France ? Le Maroc fera l’affaire. A 30 ans, le voilà qui franchit, à la nage, l’estuaire de la Bidassoa. A peine sec, il est fait prisonnier. 6 mois dans un camp espagnol. Quel temps perdu quand on cherche l’action ! Dès qu’il est élargi, il rentre à Paris. Nous sommes en janvier 1941. Il reprend contact avec ses confrères, mais le Barreau lui a tourné le dos. Communiste et juif c’était déjà beaucoup avant guerre. Maintenant, c’est franchement trop. D’ailleurs, le voilà radié. Clandestin à nouveau. Délaissé par ses pairs, restent les camarades… Ils sauront employer son enthousiasme et son intelligence. En 1941, Jacques Duclos lui demande d’apporter à Aragon, à Nice, les dernières lettres des internés de Châteaubriant. Ce sont les communistes fusillés au mont Valérien, parmi lesquels tomba Guy Moquet, le plus jeune d’entre eux. Accompagnant ces documents, ce mot de Duclos à Aragon : « Fais de cela un monument ». Ses mains le brûlent de transporter ces lettres de camarades disparus, morts pour rien, morts pour un officier allemand qu’ils ne connaissaient pas. Nordmann traverse la France et frappe à la porte du poète. Ils parleront poésie toute la nuit. Sous la plume d’Aragon, les fusillés deviendront les « témoins du martyr ». Ecoutez : « Par un raffinement singulier, l’exécution a eu lieu en 3 fournées. Il y avait trois rangées de neuf poteaux dans la carrière. Les exécutions ont été faites en trois salves : à 15h55, à 16h00 et à 16h10. Les 27 condamnés ont voulu aller à la mort les yeux non bandés et les mains libres. Ces hommes, en tombant, ont étonné leurs bourreaux. Ils ont chanté jusqu’à la dernière minute. Ils criaient : Vive la France ! Vive l’URSS ! Vive le parti communiste »(3). Nordmann est Avocat.
A chacun son talent, à chacun son office. Il sait comme Aragon que les mots peuvent - eux aussi- entrer en résistance. Il crée le front national des juristes pour organiser la résistance judiciaire. Radié, interdit de palais, le voilà seul à faire du porte à porte auprès de ses anciens confrères et de magistrats. Interdit de plaider, il les convainc de s’unir à lui contre l’occupant. Il écrit seul la première édition du Palais libre, un journal qu’il a voulu non partisan. Jusqu’à la libération, onze numéros paraissent. Ils dénoncent, sous l’angle du droit, les actes de Vichy et des Allemands, et l’illégalité des réquisitions du STO. Ils rappellent aux magistrats les dispositions du Code pénal qui incrimine les actes d’intelligence avec l’ennemi. Ils évoquent les récits de tortures infligées par la police et la Gestapo. L’action de Nordmann était généreuse, il ne voulait pas d’un organe seulement communiste, et à la fin de la guerre se côtoyaient au sein du Front National des hommes de toutes convictions politiques… Mais il n’en demeurait pas moins communiste, convaincu de la force de cette généreuse utopie. Et lorsqu’en juillet 1944, une fois Paris libéré, la seule place réservée aux communistes est le Ministère de la Justice, il n’est pas surprenant que Joë Nordmann soit nommé directeur de cabinet. Durant 18 mois, au Ministère, il fait ouvrir des informations judiciaires. Contre la collaboration de Renault. Contre la participation du groupe Kuhlmann à la création d’une société en commun avec IG Farben. 321 dossiers seront renvoyés devant le tribunal jusqu’en 1947. Mais peu de gens seront condamnés. L’époque est à la réconciliation, pas nécessairement à la justice… Redevenu Avocat, il est membre avec Maurice Garçon de la commission de réforme du code d’instruction criminelle. Le voilà également représentant de la Résistance au comité d’épuration de la magistrature, Un avocat qui nomme des magistrats…et les épure. Voilà qui fait rêver ! Oh glorieux temps des plaintes avec constitution de partie civile ! Ce temps où les plaintes des Avocats étaient accueillies sans réserve ; où les citations directes n’étaient pas traitées comme des affaires entre parties, c'est-à-dire méprisables. 1946, il est l’un des seuls Avocats invités par le Ministère public au procès de Nuremberg.
Assis face à Goering, ce procès marque l’homme autant que le Juriste. Après Nuremberg, Nordmann fait inscrire le crime contre l’humanité et son imprescriptibilité en droit français. Et ce fut justement lui qui, en 1973, déposa la première plainte pour crime contre l’humanité contre Touvier, ancien chef de la milice lyonnaise. Que d’efforts, que de recours pour le faire condamner ! Jugez plutôt : Sur réquisitions successives du Parquet puis du Parquet Général, les juridictions se déclarèrent d’abord incompétentes. La chambre criminelle cassa les décisions de refus d’informer. Il fallut encore régler la question de l’imprescriptibilité. Les Juges d’instruction allèrent jusqu’à solliciter l’avis du quai d’Orsay dont il fallut attendre trois ans la réponse ! Aussi, ce n’est que six ans après le dépôt de la plainte que l’instruction débuta. Deux ans furent encore nécessaires pour signer un mandat d’arrêt qui ne fut suivi d’aucune recherche… Ou presque. Huit ans après le mandat d’arrêt, Touvier fut finalement arrêté chez des bonnes sœurs, mais libéré par la Chambre de l’accusation qui, dans sa coutumière sagesse, ordonna un non lieu. La Cour de cassation cassa l’arrêt. Touvier fut finalement condamné 21 ans après la plainte. Représentant de la fédération des déportés et résistants français, il lui fallut tout autant de souffle et de détermination pour faire condamner Barbie en 1988, et Papon en 1998. Ce sera, à 89 ans, sa dernière plaidoirie… 70 ans après avoir prêté serment. Y a-t-il plus vieille robe dans la salle aujourd’hui ? Quel avocat ! Il n’a pourtant jamais couru après les honneurs et même lorsqu’il les recevait, Nordmann n’en faisait pas réclame. D’ailleurs, lorsqu’il est pressenti pour la légion d’honneur, son Bâtonnier le recommande presque à reculons. Il évoque Nordmann dans une belle lettre au Procureur Général qui lui demandait des renseignements. Mais il n’est pas question de lui. Il est donné Docteur en droit ; le voilà même promu ancien Secrétaire de la Conférence du stage en 1936-37, promotion Front populaire ! Oui, le 4 août 1983, un Bâtonnier s’est rendu coupable du délit d’usurpation de titres, puisque
Remise des prix du Barreau de Louisiane, Adolphe Lacan, Bâtonnier Francis Mollet-Viéville, Bâtonnier Claude Lussan et Bâtonnier Philippe Lafarge à David Stéfano, 12ème Secrétaire de la Conférence par Jean-Luc Forget, Jean Castelain, Grégoire Lafarge et John Musser Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
9
Rentrée solennelle
10
minutes ou de les étrangler lentement par la faim dans un délai de trois mois » (4). Margarete Buber Neuman critique le communisme. Pire, elle le compare au nazisme. C’en est trop pour Nordmann. Il se livre face à elle à un contre-interrogatoire d’une violence inouïe. L’assistance est consternée. La presse se déchaîne contre lui. Nordmann est traité de stalinien. Dans les deux camps, la propagande se déchaine. La guerre froide ne fait que commencer. Bientôt la Corée s’embrasera, puis ce sera Suez, le Vietnam, l’Indochine, la crise des missiles cubains, la guerre du Nicaragua, celle d’Afghanistan … Berlin se soulèvera, Poznan et Budapest aussi ; les chars entreront dans Prague. 1949, toujours. David Rousset lance dans Le Figaro un appel dénonçant le système concentrationnaire soviétique. Ancien déporté des camps nazis, convaincu que les communistes n’avaient rien à leur envier, Rousset s’interroge : « Je ne vous demande pas de déclarer : « l’univers concentrationnaire existe en Russie ». Vous pourriez encore malgré tout me répondre « Nos informations sont insuffisantes pour prononcer pareille sentence ». (…) Je vous demande seulement de dire « Il faut ouvrir le dossier » ». En réponse, un article fut rédigé dans les lettres françaises: « Pierre Daix, matricule 59807 à Mauthausen répond à David Rousset ». Le rédacteur y accusait David Rousset de faux et usage de faux, accusations reprises dans une brochure communiste éditée à 200 000 exemplaires. David Rousset attaqua Pierre Daix et Les Lettres Françaises, que défendra Joë Nordmann. Ainsi donc ce sera matricule contre matricule ; déporté contre déporté, Douleur contre douleur, confrontation terrible dans laquelle chacun donne ses plaies en offrande pour alerter le monde. Quelle est la plus belle, la plus luisante détresse ? Pour dénoncer les camps ou bien pour les nier. On les pressent pourtant, on les dénonce déjà, ces camps. On ne connaît pas encore leurs noms…à peine leur emplacement. Polygone de Boutovo et ses milliers de morts. Loubianka, Lefortovo, Sukhanovka, Matrosskaya Tishina, Vorkouta, Karaganda. Méfiez-vous, c’est l’Histoire qu’on va juger.
Une histoire pleine de haine, et des hommes qui la font, tout tissés de mensonges et de compromissions. Regardez-là… Une fois encore, la haine a remué le monde. Et l’homme s’est glissé dans son lit, humide de son sang et plein de sa sueur. Et les morts de Katyn côtoient les cadavres sans corps des cheminées fumantes. Archipel du goulag, suaires sans visages où des millions de mains anonymes grattaient la terre pour y trouver la force de vivre un jour, encore un jour, juste un jour, et pouvoir survivre à demain. Et partout les mêmes fosses où s’entassaient les morts. Partout les mêmes barbelés, qu’ils soient de fer ou d’horizons sans âme. J’ai marché dans les pas des concentrationnaires. J’ai vu les Ze-Ka remuer la terre ; J’ai vu la glaire noirâtre des intestins qui se vident sur la neige, Ces mictions de malheur s’é chapper de leur corps, Sous l’œil indifférent des gardes qui attendaient la relève. J’ai senti les traces de coups qui laissent les chairs à vif, des plaies suintantes de pus qui collent à la chemise… Les hématomes qui s’étendent comme de pâles auréoles, et ces mains violacées où la vie ne vient plus. Les dents noircies, qui bientôt vont tomber et laisser à leur place une béance enflammée, d’où s’écoule un sang mat, épais comme la nuit. J’ai vu les corps pendus, tordus comme une poupée triste. Les fous battre les bras, abattus comme des chiens. J’ai vu les hommes tomber. Sans autre sépulture qu’un manteau de coton et une poignée de terre. D’autres que Nordmann auraient vu ces corps. D’autres auraient entendu ces cris et renoncé à leur idole. D’autres auraient vacillé. Pas lui. Il se dresse une nouvelle fois. Et il plaide. Il invoque dans ce procès une nouvelle manœuvre de propagande anti-communiste. Parce que les Américains demandaient eux aussi, comme Rousset, une commission d’enquête. En bon Avocat, il déplace le débat pour détourner le regard …
Remise du prix Horace Heilbronner, Jean Mirat à Pierre Darkanian 4ème Secrétaire de la Conférence par Jean-Louis Georgelin et du prix du Barreau du Québec à Pierre Darkanian 4ème Secrétaire de la Conférence par Renald Beaudry
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Joë Nordmann ne fut ni thésardisé, ni secrétarisé… ni même fusillé, à la différence de son cousin Léon Maurice Nordmann, membre du réseau du musée de l’homme, avec lequel on l’avait confondu. Une si mince erreur ! Confondre un mort avec un vivant. Confondre un Nordmann avec un autre Nordmann, après tout quelle importance… Et dans ce domaine, voyez-vous, l’Ordre parfois a la mémoire oublieuse. Nordmann s’en était ému d’ailleurs, un jour qu’il consultait son dossier. Point de trace de radiation embarrassante. Point de procès-verbal écartant Nordmann du barreau du seul fait qu’il fut juif ! Et comme les archives sont bien tenues, par voie de conséquence, n’y figure aucune lettre de réintégration… Est-ce un oubli ? Les feuilles auraient-elles glissé du dossier ? Pourtant, la moindre contestation d’honoraires, la moindre lettre aussi insignifiante fût-elle, la plus inexpressive invitation à un sombre cocktail y figure. Mais non sa radiation ! Certes, il n’avait pas plaidé pendant 4 ans ! Mais en 70 ans, que d’audiences ! Avocat-militant, il avait mené tous ses combats avec la même pugnacité, la même détermination, parfois au mépris de l’évidence, quitte à nier l’histoire. Quitte à indisposer et même à indigner. Comme en 1949. Lors du procès Kravtchenko. On connaît l’affaire. Ce transfuge soviétique avait publié « j’ai choisi la liberté », livre dans lequel il dénonçait les camps soviétiques. Les communistes crachèrent leur haine contre Kravtchenko et des centaines de libelles, prospectus et pamphlets brocardent le traître à son pays. La guerre vient de s’achever et le monde entier découvre l’horreur des camps nazis, libérés par l’Armée rouge. Les communistes refusent de croire à l’horreur stalinienne. Kravtchenko porte plainte contre les Lettres Françaises qui l’avaient diffamé. Joë Nordmann les défend. Mais il plaide pour lui. Il plaide pour son parti. Pour le mythe qu’il s’est forgé et que la propagande d’après-guerre a exploité. Emporté par sa croyance, l’ancien résistant et Avocat se fait Procureur et accable les témoins. Ces témoins de l’horreur. Margarete Buber Neuman fut de ceux-là. Sortie d’un camp soviétique pour être livrée aux Allemands, tombée de Charybde en Scylla, elle raconte à la barre ce qu’elle a vécu : « Dans les camps de concentration en Sibérie, il n’y a aucune installation d’hygiène. Les détenus, hommes et femmes, et aussi les enfants qu’on n’a pas le droit d’oublier, restent là sur des planches tout à fait comme du bétail et, si on n’est pas capable d’exécuter son pensum, sa norme comme on l’appelle, on reçoit au lieu de 600 grammes seulement 400 grammes d’un pain très mauvais, et c’est à quelques centaines de grammes de pain que toute la vie tient. (…) Il est difficile de décider ce qui est le moins humanitaire, de gazer des personnes en cinq
Il dénonce tour à tour la prison grecque de Makronissos sous contrôle américain, Les prisonniers croupis des geôles de Franco, Les colonies de la France ; L’Indochine et ses camps de détention, Le massacre de 90 000 Malgaches en 1947, L’internement en France des réfugiés espagnols, Classique stratégie de défense, à l’œuvre dans les procès d’intention, lorsque les idéologies comparaissent à la barre. « Il pourrait se référer au génocide des indiens d’Amérique. Il pourrait se référer à l’esclavage des noirs légalisé en France par le Code noir qui a fait de l’esclave une marchandise, un meuble. Comparaison n’est pas raison. Voit-on un voleur, un violeur, un assassin demander l’indulgence au motif qu’il n’est pas le seul à avoir commis les mêmes forfaits ? »(5). Le procès fut perdu. Au cours de ces audiences, Nordmann se révéla excessif. C’est sûr. Mais fallait-il l’embaumer dans sa faute ? Une posture et c’est l’homme qu’on efface, l’étiquette qui se colle, la nuance qui s’étiole. Ainsi Nordmann était classé, catalogué, étiqueté, mis en boite, affecté d’un ruban et posé sur l’étagère. Pour certains, il y dormit du sommeil de l’injuste. Ceux-là l’y laissèrent durant 41 ans, plus qu’une prescription criminelle, jusqu’à ce jour de 1990, ce jour où à cette même tribune il confia son aveuglement dans une lettre lue à la rentrée solennelle : « Quant aux témoins de Kravtchenko, j’étais incapable de comprendre la vérité dont ils étaient porteurs (…). Cette dichotomie simplificatrice fut déjouée par la comparution de Margarete Buber Neumann. Je ne me pardonne pas d’avoir, dans l’ardeur de la défense, maltraité cette femme admirable. Son évidente sincérité aurait dû me convaincre. Comment expliquer ma surdité ? (…). Dans le procès Kravtchenko, je me suis lourdement trompé sur la réalité soviétique ». Le Palais lui en sut gré. Nordmann s’en étonna, tant pour lui cet aveu était devenu banal. Il y avait sûrement chez lui quelque amertume à les entendre le réduire à ce confiteor. Que pensait-il alors en serrant les mains de ses confrères infatués, pleins de la vaine satisfaction d’avoir eu raison avec l’Histoire, que dis-je ? Raison de l’histoire ! Oui, il s’est trompé sur la réalité soviétique, mais cela ne change rien à l’idéal de liberté et de fraternité qui l’a habité toute sa vie. Mais au fait, quel est le sens de cette étrange confession ? Fallait-il donc que ces aveux fussent publics pour qu’ils fussent acceptés ? N’a-t-on pas le droit de se tromper et de le taire ? Et s’il n’avait rien confessé ? Aurait-il été méprisable ? Où étaient-ils alors tous ces pisse-froid, ces épiciers sans conviction, qui ont surtout des meubles et parfois des principes, pour critiquer ceux qui ont eu le courage d’en défendre ? C’était 1949, C’est 1990 ! Une maladresse, Et un aveu. Deux mots, deux attitudes, résument-ils toute une vie ?
Remise du prix Marc Leroy-Beaulieu, Léo Levantal à Matthieu Chirez 5ème Secrétaire de la Conférence par Jacques Degrandi et du prix du Barreau de Montréal à Matthieu Chirez 5ème Secrétaire de la Conférence par Catherine Pilon Mais que pensez-vous qu’il fit pendant ces années-là ? Une vie l’avait attendu. Une vie de combats ; une vie de succès ; une vie de serments. Partie incivile dans tant de procédures. Avec l’Association Internationale des Juristes Démocrates, qu’il avait créée au lendemain de Nuremberg, il est de tous les procès du siècle. Il défend l’Albanie avec Pierre Cot dans l’affaire du détroit de Corfou. Et le pèlerin parcourt le monde pour professer sa foi en l’homme. On le voit se battre pour les partisans du FLN de l'Algérie de 1953, lutter contre les exactions de l’OAS dans l’affaire du métro Charonne. Aux côtés des opposants du Parti communiste marocain emprisonnés par le régime. Il résiste au Paraguay contre Stroessner, au Chili contre Pinochet et en Grèce contre les colonels. Lutte contre les ententes pétrolières. Attaque les compagnies aériennes, défendant les mairies communistes avoisinant Orly. Il rencontre Nasser ; il rencontre Arafat et défend l’OLP. Décoré par Ho Chi Minh, il défend les patriotes vietnamiens, se fait l’écho des cris des enfants brûlés au napalm. Il se bat pour les paysans du Nordeste brésilien, Il n’a jamais cessé de défendre les enchaînés, les exilés et les proscrits ; Il est aux côtés des pays colonisés, des victimes de dictatures et des oubliés des droits de l’homme, que croisaient parfois dans son cabinet une clientèle bourgeoise. Que puis-je encore dire à ses enfants présents aujourd’hui ? Je ne plaide pas en défense mais en partie civile pour votre père. Joë Nordmann, toute sa vie, a fait honneur et à sa robe et à son Ordre, et même à son pays. Oui, mes chers amis, Nordmann n’a jamais cessé d’être Avocat. Jamais Nordmann n’a trahi son serment. Et comme il avait choisi de plaider pour les autres autant que pour lui-même, il ne se dédoublait pas en fonction des espèces. Il n’a fait qu’un, tout au long de sa vie. Chez lui pas de litispendance : c’est une identité de cause, d’objet et de parti ! Quand un procès est perdu, c’est lui qui succombe en ses prétentions. Joë Nordmann a battu toute sa vie à l’unisson du monde dont il suivit la marche folle.
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Rentrée solennelle
Il n’était pas comme ces aveugles repus, assis au bord du monde, observateurs sans passions de la vie qui s’écoule. Il n’était pas ces voix de chœur antique, commentateurs sans âme d’une tragédie qui se déroule. Qui parmi nous peut en dire autant ? Qui parmi nous peut choisir ses combats ? Et qui à l’ombre de ses jours peut contempler ceux-là qui valaient bien une vie ? Joë Nordmann. En dépit des paradoxes, En dépit des ces arrangements avec la vérité qu’on se répète à voix basse comme pour mieux s’en convaincre, En dépit des apories qui pendaient à son âme. L’homme est ainsi fait ; de pleins et de déliés, d’opaline et de grès. Nordmann, c’est vous et c’est moi : « Oui, mon malheur irréparable, C’est de pendre aux deux éléments, C’est d’avoir en moi misérable, De la fange et des firmaments »(6) (Victor Hugo). Et lorsqu’il s’est éteint, lorsqu’il ferma les yeux pour reposer sa vie. Joë Nordmann l’a fait comme il avait vécu : en rêvant l’homme.
Notes : 1. Entretien radiophonique de Joë Nordmann et Anne Brunel, diffusé sur France Culture (décembre 2003) 2. Aux vents de l’histoire, Mémoires, Joë Nordmann et Anne Brunel, éd Actes Sud (1996), p.365 3. Le témoin des martyrs, paru dans L’Homme communiste, recueil de textes d’Aragon, édition Gallimard (1946) 4. Pour La Vérité Sur Les Camps Concentrationnaires. Un Procès Antistalinien à Paris, publié. Par David Rousset, Théo Bernard, Gérard Rosenthal. Edition Ramsay, p. 183. Il s’agit de la retranscription du procès David Rousset, évoqué ci-après. Ainsi cette déclaration de Mme Buber Neumann n’a pas été faite à l’occasion du procès Kravtchnko, mais lors du procès Rousset. p.183. 5. Cette plaidoirie a été prononcée par Joë Nordmann à l’occasion du Procès Touvier, dans lequel il reprochait à l’avocat de ce dernier d’user de la même stratégie en évoquant notamment Katyn 6. A celle qui est voilée, poème de Victor Hugo (Les Contemplations).
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
11
Rentrée solennelle Le procès de la mort d’Oussama Ben Laden par Benjamin Mathieu-Deher out est calme. On pourrait croire que tout va bien. Nous avons bien mangé. Nous avons bien bu. Nous n’avons plus soif de vengeance. Nous n’avons plus faim de Justice. Nous sommes gros, repus, gavés comme des oies. Il est temps de nous faire rendre cette Justice que nous avons ingurgitée sans un mot, sans comprendre. Comme vous, j’étais affamé de Justice. Désespérément resté sur ma faim. Alors oui, je le reconnais, je me suis résolu, moi aussi, à manger ce poisson rouge. C’est criminel de manger du thon rouge, mais j’avais faim. J’ai péché par la bouche. Dans mon estomac repose désormais la responsabilité de toute la chaîne alimentaire. Tuer pour manger et ne plus avoir faim. Mais ce thon rouge, innocent, avait été, lui aussi, un prédateur des profondeurs, un nageur de combat coupable d’avoir décimé des bancs entiers d’innocentes sardines argentées. Et ces sardines, que l’on dit innocentes, elles sont elles aussi coupables d’avoir été des charognards des abysses. Nous sommes tous plongés dans la spirale infernale de la sustentation. J’ai le mal de mer. J’ai la nausée. Je suis comme rongé de l’intérieur, La culpabilité. Je crois que je vais avouer. Je vais tout rendre. Je vais accoucher par la bouche, de la triste vérité. J’ai mangé Oussama ben Laden. J’ai mangé un thon, qui a mangé une sardine, qui a rongé tous les déchets de l’océan. Ils ont jeté sa dépouille à la mer. J’ai donc nécessairement mangé Oussama ben Laden. J’ai laissé entrer en moi un tout petit morceau d’humanité, enfoui dans une sardine, cachée à l’intérieur d’un thon. C’est étrange de manger de l’homme ; d’être cannibale en mangeant du poisson. Mais cet homme, au fond, n’a-t-il pas été tué justement pour rassasier notre faim de justice ?
T
Souvenez-vous de cet aveu du Président Obama, au soir du 1er mai 2011 : « Ce soir, je suis en mesure d’annoncer au peuple américain et au monde que les Etats-Unis ont conduit une opération au cours de laquelle Oussama ben Laden a été tué. » « Et c’est lors de nuits comme celle-ci, que nous pouvons dire à tous ceux qui ont perdu un être cher dans la terreur d’Al Qaïda : Justice a été rendue. » Oussama Ben Laden a été tué. « Justice has been done ». Par cette vérité venue du fond de l’océan, on m’a contraint à une eucharistie barbare, on m’a contraint à communier avec Oussama ben Laden. Cette mort est maintenant dans mon sang. Il
12
ne faut pas qu’elle coule, et attendre qu’elle sèche, pour en gratter la croûte, et découvrir trop tard une cicatrice trop lisse. Il ne faut pas attendre pour apprécier la saveur de la mort. Ne pas laisser rassir la viande, ne pas laisser vieillir le vin. Ne pas laisser pourrir la mort. Il faut plonger nos mains dans cette blessure fraîche, pour encore ressentir les soubresauts de vie, l’humanité fuyante vers l’oubli. Il est de notre devoir, aujourd’hui, d’ouvrir le procès de la mort d’Oussama ben Laden. Le procès du non procès, le procès du néant, du déni et du vide. Le procès de l’ « Ajustice » avec un « a » majuscule autant que privatif. Le procès du silence. Alors parlons de l’innommable et surtout de sa mort. Parlons de la vertu qui se confond au vice. Parlons de nos fantasmes, défendre l’indéfendable et toujours triompher. Tout le monde sait que c’est en Afrique que l’Histoire commence ; que c’est en Afrique que la culpabilité commence. Le 7 août 1998, à 10h35, dans la chaleur sèche et déjà écrasante de Nairobi, une camionnette explose. Quatre minutes plus tard, 660 kilomètres plus loin, une bombe embrase Dar es-Salaam. Deux ambassades américaines. 224 morts. 4500 blessés. Il faut un coupable. Donc il faut un procès. Quatre mois après les attaques, en novembre, la justice est déjà en marche, une procédure est ouverte devant la Cour fédérale du district sud de New York. Ce sera : « United States of America versus Usama Bin Laden » Ce sera l’unique procédure officielle engagée contre Oussama Ben Laden. 227 chefs d’accusation. Le 16 août 2011, Nicholas J. Lewin, Assistant du Procureur, est dépité ; il doit se résigner à écrire : « (A)lors que cette procédure était en cours, l’accusé, Oussama Ben Laden, a été tué à Abbottābād au Pakistan, au cours d’une opération menée par les États-Unis. » Vous entendez toute la frustration dans la simplicité des mots. Vous percevez toute la fureur contenue dans la formule, Après 13 ans d’instruction, annihilés en un instant, l’assistant du procureur aurait voulu dire : « The plaintiff shot the defendant. » Le « plaintif » a « shooté » le « défendant ». Il n’y aura pas de deuxième confrontation. Le lendemain, l’honorable Juge Lewis A. Kaplan rend une ordonnance de nolle prosequi. Il abandonne les poursuites. Oussama Ben Laden est mort, il ne sera pas jugé. Oussama Ben Laden n’a pas été jugé, il n’est donc pas coupable. La justice dépose les armes qu’on lui rend encore fumantes. La justice se rend. La mort a triomphé. Le 1er mai 2011, la mort s’est fait la justice. Dans cette nuit sans lune, aux confins de l’orient, deux faucons noirs glissent silencieux au-dessus de la ville.
Ils charrient en leur sein des commandos de marines, serrés les uns contre les autres. Comme des sardines. Elle est déjà là. Elle les écrase. La mort d’Oussama Ben Laden est dans toutes les bouches, elle est sur toutes les lèvres, ils se la passent comme une dernière cigarette. Quand ils ferment les yeux elle persiste. Car cette fois-ci, la mort préexiste, elle est complice, elle est témoin. La mort est devenue la fin et non plus le moyen d’atteindre la justice. La mission a été parfaitement planifiée, minutieusement étudiée, méticuleusement préparée. Mais à force de glisser, l’un des faucons dérape. L’un des hélicoptères s’écrase. Ce n’est qu’un incident, rien n’arrêtera la mort, chacun recompte ses membres, ils sont tous au complet. L’assaut peut alors commencer, la mort en oriflamme. Les ombres s’élancent et s’étendent invisibles. Chacun de leur mouvement a été répété jusqu’à la perfection. Les silencieux étouffent les rafales nécessaires. Au troisième étage, toute la famille attend. Les commandos ont réduit leur humanité au strict minimum. Au rez-de-chaussée, ils éliminent, par rafales, tous les êtres vivants. A Washington, le temps est comme suspendu. Le Président, ses conseillers, comme figés dans un cliché. « Papa je vais descendre voir » annonce Khalid, 23 ans, qui veut prouver son courage. Oussama tente de le retenir, mais il est déjà dans l’escalier. Il descend dans le noir se tenant à la rampe. Il ne voit rien. Il ne voit personne. Il entend un crissement. Il s’arrête. Le bras tremblant, il braque le pistolet qu’il avait dans la poche. Il meurt sans avoir vu l’ennemi. Les soldats progressent lentement, piétinant son cadavre. Dans l’obscurité verte, pas un mot, quand soudain, un éclair ! Un coup de feu ! Oussama est touché, au front, sans s’y être battu, il s’écroule en arrière. L’histoire est terminée ! La mort prend corps et la Justice rend l’âme. La chasse est finie. Le dîner sera bientôt servi. Non, le soldat n’a pas oublié sa réplique : pas de « Mains en l’air ! », pas de « Rendez-vous !». Exécution sans sommation. La mort consciencieuse lui chuchote ses droits : « Monsieur Ben Laden, vous n’êtes pas en état d’arrestation. » « Vous garderez toujours le silence. » « Rien de ce que vous auriez dit ne pourra ou ne sera jamais retenu contre vous devant un tribunal. » « Monsieur Ben Laden vous êtes mort. » Mort dans un couloir, son corps, dans un sac, jeté à la mer. Ils ont changé l’histoire. Geronimo est mort. Il n’était pas armé. Il ne s’est pas rendu. Le « chérif » est tombé sans dégainer un zulfikar. C’est un drôle de western, sans même un duel final. Ce ne fut qu’une exécution. L’exécution parfaite d’un ordre, d’un homme et de la justice. Revenons quatre jours avant l’assaut, le jeudi 28 avril 2011. Comme protégés du chaos extérieur, ils sont douze, enfermés, dans une salle sans fenêtre, dans un sous-sol blanchi par des lumières néon. Ils ont entre leurs mains l’avenir d’un fugitif et de la justice. Le Président
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
Rentrée solennelle petit plouf ! Comme l’écume d’un cadavre qui perce l’océan. Pas d’éclaboussure. Pas de traces. Pas de justice des hommes mais l’ordalie de l’eau froide. Les coupables flottent. Les innocents coulent. Et il sombra vers les abysses. Purifié par l’eau, dans un océan septique. Seul remonte à la surface de nos consciences le souvenir douloureux d’un nauséabond Salem, sans surprise, anagramme parfait d’Oussama ben Laden. Nous avions faim alors nous avons mangé : « Justice has been done ». C’est pourtant eschatologique. Vous avez aimé la mort, alors reprenez du poison.
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Benjamin Mathieu-Deher
a réuni le Conseil à la Sécurité Nationale des États-Unis d’Amérique. Non ce n’est pas un jury populaire. Ils sont l’élite. Ils sont ce que la démocratie a porté au pinacle : Biden, Clinton, Gates, ce que Yale et Harvard a produit de meilleur. Ils sont l’intelligence, Panetta, Morell, de l’agence. Ils sont la puissance, Mullen, Cartwright, de l’état-major des armées. Ils sont la conscience, Brennan, Leiter, de l’antiterrorisme. Ils sont la confiance, Donilon et Clapper, de la sécurité nationale. Parmi ces douze apôtres de l’Amérique, six Avocats. Ils partagent nos valeurs, ils épousent nos principes. La mort de Ben Laden s’est présentée à eux, sans apparat, sans artifice, comme une croix, au feutre rouge sur un planisphère. Elle les a séduits comme elle séduira le monde. Au lendemain de l’opération, en France, l’Élysée déclare que pour « les victimes du 11 septembre 2001, justice est faite ». Pour le Royaume Uni, c’est « un grand soulagement ». Pour l’Espagne, c’est « un pas décisif ». Pour l’Italie, c’est « une victoire du bien contre le mal ». Pour le Pakistan, c’est « un succès ». Personne ne s’est plaint. Nous étions tous d’accord. Partout le même constat. Il ne pouvait pas y avoir de procès. La Justice était empêchée car, sans impartialité, il n’y a pas de justice. « Juré n°3 vous avez déclaré que votre cousine a perdu son mari dans la tour nord du World Trade Center, ne pensez-vous pas que cela puisse vous influencer ? » « Juré n°7, vous avez reconnu être de nationalité américaine, n’est-ce pas un aveu de vos préjugés à l’encontre de l’accusé ? » « Juré n°8, vous avez confessé être de la race humaine, pensez-vous réellement pouvoir juger un crime contre l’humanité ? » Pour juger il faut pouvoir douter. Depuis le 11 septembre, l’Amérique ne doute plus. L’Amérique ne peut plus juger. Il faut accepter que parfois la Justice s’incline devant la raison d’état. Qu’on l’écarte pour mieux la protéger. Il faut accepter que « ce qui produit le bien général est toujours terrible ». Sacrifier Ben Laden, c’est gagner une bataille pour confirmer la règle. C’est une exception pour ne pas perdre la guerre. Durant cette
réunion, ils n’ont pas jugé un homme. Ils ont décidé de l’avenir de l’humanité. C’est un assassinat au nom de la Justice. Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats, mes Chers Confères, Amis de la Justice, finalement ce n’est que la mort d’un terroriste. La mort d’un homme qui était déjà mort depuis longtemps. Le 1er mai 2011, c’était une mort secondaire, la confirmation d’une disparition. Une formalité que l’on a oubliée. On ne se souvient que du grand jour. Le 11 septembre 2001. Oui, c’était un mardi. Je m’en souviens. Vous vous souvenez. Les images. Les avions. Les tours. L’incompréhension. Les images encore, les tours, les avions au ralenti pour se résigner à croire à l’incroyable. Le spectacle de la mort. Ecoutez ! Vous entendez encore ses cris. Regardez, il nous fait de grands signes, il est prêt à passer de l’autre côté, vous ressentez le vertige de la vie qui chancèle. La mort, la vie, sur le rebord. On voudrait pouvoir l’aider. Un accouchement dans la douleur. On sait qu’il a peur. On se reconnait en lui. C’est incroyable comme il nous ressemble. Oui, le 11 septembre 2001, un enfant nous est né : Oussama Ben Laden. Sur nos écrans, il est apparu ce jour-là, il est né à 44 ans avec une barbe et un turban. Le fruit du péché tombé d’une tour, la pomme maudite de Manhattan qui perd son innocence le jour de sa naissance. La violence a pris chair du 11 septembre et s’est fait homme. Oussama Ben Laden n’est pas coupable du 11 septembre. Il est le 11 septembre. Il est la culpabilité. Et pourtant il n’est pas là, il est nulle part, il est caché, en fuite. Qu’importe, on le condamne par défaut. On condamne sur photos satellites, sur extraits vidéo, entre les lignes des interviews. On condamne une icône. On la condamne à mort. On l’exécute, par contumace, pour ne plus avoir peur, on l’exécute, par effigie, pour avorter du mal. Le 1er mai 2011, on a tué un présumé coupable qui était déjà mort. Alors quelle importance ? Le 1er mai 2011, la nouvelle que « justice a été rendue » ne fit pas l’effet d’une bombe. Elle fit un
On perd la raison. Les dissemblances s’estompent entre la mort et la justice. Quelle différence entre un assassinat ? Une balle dans la tête ou la chaise électrique ? Une balle dans la tête ou la guillotine ? La chaise électrique ou la guillotine ? Une balle dans la tête ? Dans tous les cas il meurt. Il est coupable. Il méritait la mort. Oui mes chers confrères, oui Monsieur le Bâtonnier Castelain, oui Madame le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de Paris. Si nous sommes restés silencieux, le 1er mai 2011, pas un mot, pas un communiqué, c’est parce que nous n’étions pas dupes. Non ce n’était pas la justice. Non ce n’était pas une condamnation à la peine capitale. Nous pouvions approuver cette exécution. La mort sans procès ne nous concerne pas. Nous, les Avocats au Barreau de Paris, nous luttons contre la barbarie de la peine capitale, contre le massacre au nom de la justice. Mais la mort sans justice ne nous regarde pas. Cette exécution sans procès n’est pas de notre ressort. Ce silence le 1er mai 2011. Nous n’avons pas à en rougir. La mort oui. La peine de mort non. Si vous ne voyez pas la différence c’est que vous ne savez pas ce qu’est la justice. Qu’est devenue la justice ? Le 1er mai 2011 était un dimanche, un jour férié inutile. On cueillait du muguet, on manifestait notre dégoût pour le travail. Nous, les abolitionnistes, nous étions en congé, les yeux lourdement fermés. La justice était en vacance, sans surveillance. Et ils en ont abusé. Ils l’ont violée dans l’indifférence générale, ils ont souillé sa robe de vieille aveugle sans défense. Elle était si fragile. Ils se sont fait la justice. Et ils s’en sont vanté, ils nous ont tout raconté, le soir même, dans le moindre détail. C’était de mauvais ton. Mais non, on ne témoignera pas. Pas le moindre égard. On restera silencieux, aussi muet que des carpes devant une poissonnerie. Nous n’avons rien dit pour ne pas dénoncer la mort. Peur des représailles, peut-être. Ne pas être une balance. Nous avons sacrifié la Justice pour ne pas juger un homme, un seul tout petit homme qui mesurait deux mètres, qui aurait été minuscule devant la justice. Mais de quoi avions-nous peur ? Mesdames et Messieurs du Ministère public, aviez-vous peur de prouver sa culpabilité ? Aviez-vous peur de poser les questions embarrassantes ? « Monsieur Ben Laden pourriez-vous nous expliquer votre déclaration du 23 février 1998, où vous indiquiez, je vous cite :
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
13
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Rentrée solennelle Madame le Garde des Sceaux, je vous prie d’accepter mes plus sincères condoléances, mais vous ne servez plus à rien. Mesdames Messieurs les Hauts Magistrats, avec tout mon respect, bonne retraite. Mes Chers confrères, il est encore temps de devenir Experts-Comptables. Ce n’est pas par hasard si nous sommes réunis aujourd’hui dans un théâtre. Nous sommes des guignols dans un Châtelet. Nous continuons à jouer la même pièce, on se bat, on se tape, pour faire rire les enfants, ce n’est qu’une parodie, un hommage posthume à une tragédie. La Justice est morte car nous l’avons trahie. Mes Chers Confères, nous avons perdu la foi en la Justice. Nous nous sommes reniés. Pauvre Justice qui croyait en ses auxiliaires. Nous servions tous la même religion, la juste religion, mais nous l’avons repoussée. La tentation fut trop grande et nous avons cédé.
Remise du prix Fernand Labori, Francis Foy, Ernest Cartier à Benjamin Mathieu 2ème Secrétaire de la Conférence par Vincent Lamanda « C’est un devoir pour tous les musulmans de tuer les Américains et leurs alliés - civils et militaires - où qu’ils soient dans le monde. » Ou cette autre déclaration du 21 octobre 2001, je vous cite à nouveau : « Les occidentaux vont endurer une vie étouffante dans un insupportable enfer du fait de leur attachement au lobby sioniste à la solde d’Israël, l’assassin de nos fils et de nos enfants. » Le Ministère public a peur de discuter de la mécanique de l’horreur ? « Monsieur Ben Laden, lors des réunions préparatoires aux attentats du 11 septembre, avezvous fait usage de vos connaissances en ingénierie civile ainsi que de votre expérience dans l’entreprise de construction de votre père afin de déterminer l’emplacement idéal pour l’impact des deux avions afin de vous assurer que les tours prendraient feu immédiatement, que la fumée asphyxierait une grande partie des occupants et que la chaleur insoutenable du brasier ferait fondre les structures métalliques empêchant toute évacuation avant l’effondrement final ? » Peur de la terreur ? Et vous, mes chers confrères, aviez-vous peur de défendre l’innocence ? Aviez-vous peur de parler de ce mois de septembre si important dans la vie de votre client. Parler de l’avion en flammes et de ce garçon de dix ans à qui il faut dire que son père vient d’avoir un grave accident et qu’il n’a pas survécu. Parler de cet enfant qui n’entend pas, qui n’arrive pas à s’arrêter de jouer, qui ne veut pas quitter son monde d’enfant où l’on meurt pour de faux. Peur d’expliquer que, doucement, il ne va plus penser qu’à une chose : « pourquoi ? ». Insidieusement le sentiment va enfler « pourquoi ? », se boursoufler « pourquoi ? », il ne pourra pas le dompter « pourquoi ? », il faudra se venger mais contre qui ? Vous aviez peur de raconter ce que cet enfant s’est dit : « Quand je serai grand, je ferai tomber tous les avions du ciel ! ». Oui, vous auriez pu parler de ce petit orphelin qui a les cheveux bouclés comme la laine d’un mouton ou d’un petit prince et aussi noir que l’or. Parler du 4 septembre 1967, le jour où Oussama ben Laden a perdu son père dans un accident d’avion. Un avion piloté par un Américain. Mes Xxxchers confrères aviez-vous peur de discuter
14
de ses aveux du 6 septembre 2007 ? « L’holocauste du peuple juif a été commis par vos frères au milieu de l’Europe, s’il avait eu lieu plus près de nos pays, la plupart des juifs auraient pu être sauvés en trouvant refuge avec nous, j’en ai pour preuve que quand vos frères espagnols ont mis en place leurs horribles tribunaux d’inquisition pour juger les musulmans et les juifs, c’est dans nos pays qu’ils sont venus se réfugier. » Être injuste, inconstant. Oui, quelle importance. Les explications, les raisons, les excuses. A-t-on vraiment besoin de comprendre ? On ne pourra jamais comprendre le 11 septembre. On avait préjugé. On avait déjà jugé. Non bis in idem. En refusant de juger, nous avons privé notre palais d’une saveur humaine. Durant cet incroyable procès, s’il avait eu lieu, nous aurions eu à la barre, après la cinquantaine de frères et sœurs, après les quatre femmes et les dizaines d’enfants : Ibrahim al-Qosi. Pendant de longues minutes, il aurait raconté ses onze années de détention provisoire à Guantanamo, la souffrance, l’eau qui ruisselle jusqu’au plus profond des narines, la torture, il aurait parlé et nous aurions bu ses paroles. Mais notre attention aurait été piquée au vif, lorsqu’il aurait expliqué comment mélanger la viande et la moelle, comment faire mariner les pois chiches, comment épépiner les courgettes. Oui, le cuisiner nous aurait tout dit des courgettes farcies à la moelle, la recette préférée d’Oussama ben Laden. Et vous auriez vu toute l’humanité cachée à l’intérieur de la moelle, enfouie à l’intérieur des courgettes. Vous auriez assouvi votre appétit d’humanité. Vous auriez été rassurés. Mais le Ministère public a eu peur d’accuser. Les Avocats ont eu peur de défendre. Les Juges ont eu peur de juger. Toute la justice a eu peur. Elle a eu peur de son ombre, trop noire. Elle a eu peur de ce qu’elle était vraiment : lâche. Elle s’est suicidée pour ne pas affronter. Notre justice est morte de peur. Elle n’a pas survécu, ensevelie sous le mépris. Et depuis vingt mois, la comédie continue dans le vide. On maquille son cadavre. On agite ses bras, on secoue sa robe, la marionnette prend vie. Mais elle est morte.
Dieu est mort. Notre Dieu est mort. C’est nous qui l’avons tué. Nous sommes des mécréants et nous avons perdu la guerre. C’est la mort qui a assassiné la Justice. La mort de Ben Laden. Nous sommes tous coupables du pire attentat suicide, celui qui a eu lieu le 1er mai 2011 et pour lequel nous n’avons pas versé une larme, l’attentat contre la Justice et dont Ben Laden n’est rien qu’une victime collatérale. Sommes-nous fiers de nous ? Nous, les assassins des assassins, nous nous sommes fait Justice pour tuer la Justice, nous nous sommes fait Dieu pour tuer Dieu, nous nous sommes fait terroriste pour tuer un innocent. Voilà l’heure du verdict. Il est temps de faire ce que nous aurions dû faire depuis longtemps : je condamne la mort d’Oussama ben Laden ! Je condamne sa mort à vivre jusqu’à la fin des temps, dans nos consciences et dans nos esprit, sans que nous ne puissions jamais l’oublier, pour qu’à jamais nous nous souvenions du crime que nous avons commis et que nous goûtions pour notre complicité à l’amertume du remord. Au souvenir qu’il est mort innocent. Que seul un jugement aurait pu prouver sa culpabilité. Il est mort assassiné, témoin de notre lâcheté. Nous en avons fait le martyr de notre justice. Nous ne pouvons plus le juger à moins de juger un mort. Oserons-nous ? Le 1er mai 2011, nous avons jugé un mort. Nous avons jugé l’homme qui a écrit que « si la parole ne convertit pas, c’est le sang qui convertira. » Le 1er mai 2011, le verdict était tombé, après sa mort, après son procès expéditif, le 1er mai 2011, Karol Wojtyła a été proclamé bienheureux, après sa mort. Alors, si depuis le 1er mai 2011, vous ne pouvezvous résoudre à accepter l’insupportable mort innocente d’Oussama ben Laden ; si vous tenez absolument à le juger, alors sachez que tragiquement, il ne nous reste que le procès en canonisation. Santo subito ? Serez-vous prêts, pour ce procès, à plaider contre Oussama ben Laden ? N’ayez pas peur. Vous seriez alors l’Avocat du Diable.
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
2012-866
Annonces judiciaires et lĂŠgales
Les Annonces de la Seine - lundi 10 dĂŠcembre 2012 - numĂŠro 75
15
Annonces judiciaires et lĂŠgales
16
Les Annonces de la Seine - lundi 10 dĂŠcembre 2012 - numĂŠro 75
Annonces judiciaires et lĂŠgales
Les Annonces de la Seine - lundi 10 dĂŠcembre 2012 - numĂŠro 75
17
Annonces judiciaires et lĂŠgales
18
Les Annonces de la Seine - lundi 10 dĂŠcembre 2012 - numĂŠro 75
Annonces judiciaires et lĂŠgales
Les Annonces de la Seine - lundi 10 dĂŠcembre 2012 - numĂŠro 75
19
Annonces judiciaires et lĂŠgales
20
Les Annonces de la Seine - lundi 10 dĂŠcembre 2012 - numĂŠro 75
Annonces judiciaires et lĂŠgales
Les Annonces de la Seine - lundi 10 dĂŠcembre 2012 - numĂŠro 75
21
Annonces judiciaires et lĂŠgales
22
Les Annonces de la Seine - lundi 10 dĂŠcembre 2012 - numĂŠro 75
Annonces judiciaires et légales
JRT
SERVICES
Domiciliations commerciales
01 42 60 36 35 jr.tancrede@jrtservices.fr 12, rue Notre-Dame des Victoires 75002 PARIS
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75
23
Direct
Prix des Droits de l'Homme de la République Française Paris - 10 décembre 2012
la demande du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, Madame la Ministre de la Justice Christiane Taubira a remis, en ce début de soirée, le « Prix des Droits de l’Homme de la République Française » aux lauréats désignés par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) présidée par Christine Lazerges, Professeur de Droit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancienne vice-présidente de l’Assemblée Nationale, qui a succédé à Yves Repiquet au cœur de l’été dernier (Journal Officiel du 22 août 2012). La cérémonie s’est déroulée à la Chancellerie où étaient accueillies les cinq Organisations Non Gouvernementales (O.N.G.) lauréates sélectionnées parmi les 180 candidates dont les dossiers ont été examinés par un Jury composé de quinze membres et présidé par Christine Lazerges. Pour cette édition 2012, les cinq prix, chacun doté de 15.000,00 euros, ont été décernés à des associations qui luttaient contre l’impunité ou qui favorisaient les droits économiques et sociaux ainsi que le développement durable.
colons en Cis-Jordanie pour leurs actions illégales et leurs violences contre les individus et les biens palestiniens. Ont également été primées pour leurs actions en faveur des droits sociaux et économiques et du développement durable les associations : - « Centre Botswanais des Droits de l’Homme » pour avoir développé la concertation entre les populations locales et les autorités publiques afin d’assurer une meilleure gestion des ressources naturelles au Botswana, - « KMG Ethiopia » pour avoir favorisé l’autonomisation sociale et économique des
femmes, notamment des femmes rurales en Ethiopie ; - « Afghanistan Libre » pour avoir développé des moyens de subsistance et de sécurité alimentaire pour les groupes ruraux les plus vulnérables notamment dans la région de Kaboul en Afghanistan. Nous adressons nos chaleureuses félicitations aux représentants des ONG et les encourageons à poursuivre leurs actions humanitaires. Jean-René Tancrède 2012-867
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
Sur le thème de la lutte contre l’impunité, ont été primées les associations : - « Centre pour les Droits Civils et les Droits de l’Homme » (P.O.R.A.D.N.A.) pour son activité en Slovaquie dans le domaine de la lutte contre la stérilisation forcée des femmes roms - « Centre d’Informations Alternatives » qui cherche à mettre un terme à l’impunité des
Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
A
24
Les Annonces de la Seine - lundi 10 décembre 2012 - numéro 75