LES ANNONCES DE LA SEINE Lundi 17 décembre 2012 - Numéro 77 - 1,15 Euro - 93e année
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Jacques Cholet, Jean-Michel Hayat et Robert Gelli
INSTALLATION Tribunal de Grande Instance de Nanterre Fédérer au service du bien commun par Jacques Cholet............................................................................... Réussir le redressement d’une juridiction dynamique par Jean-Michel Hayat ......................................................................... Exercer l’action publique par Robert Gelli ....................................................................................
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7 AGENDA ......................................................................................5 ANNONCES LEGALES .......................................................9 ADJUDICATIONS ................................................13 et 17 AVIS D’ENQUÊTE..............................................................15 JURISPRUDENCE
La Cour Européenne des Droits de l’Homme donne aux Bâtonniers de France le pouvoir de dire non ? Michaud c. France 6 décembre 2012 par Rebecca Grolman.......................................................................
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VIE DU DROIT Chambre Nationale des Huissiers de justice Les 28èmes Journées de Paris : les huissiers de justice s’engagent dans la médiation Moderniser le service public de justice par Jean-Daniel Lachkar....
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Tribunal de Grande Instance de Nanterre Audience Solennelle d’Installation 10 décembre 2012 undi dernier, de nombreuses personnalités des mondes juridique, judiciaire, économique et politique ont témoigné par leur présence de l’audience de Robert Gelli installé Procureur de la République au Tribunal de Grande Instance de Nanterre, c’est le Procureur par intérim, Jacques Cholet, Avocat Général près la Cour d’Appel de Versailles, qui a prononcé le discours d’usage en sa qualité de Représentant du Parquet. La carrière professionnelle de Robert Gelli reflète une expérience exceptionnelle dans l’exercice de l’action publique en qualité de Magistrat du Parquet. Le Président JeanMichel Hayat a présenté la juridiction
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alto-séquanaise et le ressort au sein duquel le nouveau Procureur de la République, qui succède à Philippe Courroye installé le 25 avril 2007, est appelé à exercer ses prérogatives. Il lui a également souhaité la bienvenue et l’a invité à relever le défi du traitement des affaires traitées par la juridiction, tant en matière civile que pénale, dont la complexité et le nombre caractérisent le Tribunal de Grande Instance de Nanterre. Les deux Chefs de cette juridiction moderne et dynamique ont conclu leurs discours en soulignant leur attachement au bon fonctionnement de la justice pour une lutte juste et égale contre la délinquance, qu’elles qu’en soient les formes. Jean-René Tancrède
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Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet Bernards François-Henri Briard, Avocat au Conseil d’Etat Antoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Marie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droit André Damien, Membre de l’Institut Philippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne Bertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de Bordeaux Dominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Brigitte Gizardin, Substitut général à la Cour d’appel Régis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Serge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Françoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassation Maurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - Entrepreneurs Jean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas Christian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de Paris Dominique Lencou, Président du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice Noëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne Ministre Philippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-Assas Jean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptes Gérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassation Jacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPL Yves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris René Ricol, Ancien Président de l’IFAC Francis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de Paris Carol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International Publicité : Légale et judiciaire : Commerciale :
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Jacques Cholet
Fédérer au service du bien commun par Jacques Cholet (…)
Commission paritaire : n° 0713 I 83461 I.S.S.N. : 0994-3587 Tirage : 12 584 exemplaires Périodicité : bi-hebdomadaire Impression : M.I.P. 3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS
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Copyright 2012 Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal. Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2011 ; des Yvelines, du 20 décembre 2011 ; des Hauts-deSeine, du 28 décembre 2011 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 décembre 2011 ; du Val-de-Marne, du 20 décembre 2011 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la SeineSaint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine. N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.
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Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm. Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanc compris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif. L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’un alinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
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ous installons aujourd’hui un parquetier chevronné , un parquetier d’expérience et un chef de parquet de la première heure. Je m’explique : Monsieur Gelli, Nommé Substitut du Procureur à Gap à votre sortie de l’Ecole Nationale de la Magistrature et alors que vous êtes le seul Substitut de la juridiction, votre Procureur Monsieur Exertier, est muté quelques semaines plus tard, son poste restant vacant ; de sorte que vous commencez quasiment d’emblée votre carrière en assumant seul des responsabilités de Procureur. Cette circonstance exceptionnelle vous marquera profondément et vous donnera immédiatement le goût de la direction d’un Parquet. Vous me disiez récemment combien cette expérience vous avait passionné et combien elle restait présente en votre mémoire. Deux ans plus tard vous êtes nommé au Parquet de Marseille où, là encore, votre affectation sera riche d’enseignements puisque votre Procureur d’alors n’est autre que Pierre Truche, parquetier éminent dont la carrière s’achèvera à la Cour de Cassation comme Procureur Général puis comme Premier Président. C’est à Marseille que vous traiterez de contentieux pénaux que les Magistrats de notre génération conservent en mémoire, l’affaire dite des grâces médicales qui devait secouer le monde pénitentiaire et, ensuite, le démantèlement de ce que l’on a appelé la « french connection » avec ces derniers laboratoires français de fabrication de stupéfiants. Je n’oublierai pas non plus de rappeler ces affaires propres au contexte méditerranéen impliquant la mafia qui vous ont amené à
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œuvrer de concert avec des Magistrats Italiens dont le Juge Falcone. Nommé Premier Substitut à Marseille vous mettrez en place la première maison de Justice et la première association d’aide aux victimes près ce tribunal. Ce bref rappel nous montre que d’emblée vous avez été un homme d’action, d’innovation , un homme œuvrant pour l’efficacité et la modernisation de la justice. Vous serez ensuite nommé Procureur Adjoint à Aix en Provence. Et puis ce seront des fonctions de particulière confiance auprès du Premier Ministre de l’époque qui vous gardera auprès de lui pendant cinq années, signe de mérites particulièrement appréciés. Ensuite de cela vous dirigerez le Parquet de Nîmes, votre précédent poste où l’actualité dramatique de ces dernier jours, je veux parler de cette jeune Chloé enlevée puis retrouvée en Allemagne, montre à quel point cette juridiction, pour ensoleillée qu’elle puisse paraître, n’est pas de tout repos. Vous abordez aujourd’hui un poste exigeant et exposé auprès de l’une des premières juridictions de France, importante à tous égards tant par la masse du contentieux, que par la qualité de celui-ci. N’ayons garde d’oublier que vous devenez aussi le Procureur du deuxième Tribunal de Commerce de France. Le département des Hauts-de-Seine, en superficie l’avant dernier avant Paris, est pourtant l’un des plus considérables de France : - 1 561 000 habitants, un taux d’urbanisation largement supérieur à la moyenne nationale, une population dont le tiers a moins de 25 ans En 2011, le ressort judiciaire de Nanterre ce sont : - 94 915 faits de délinquance générale, - 39 442 faits de délinquance de proximité, - 16 121 infractions en matière de stupéfiant, selon les chiffres de la Préfecture de Police. Nanterre juridiction pénale c’est en réponse pénale 534 informations judiciaires ouvertes l’an passé, 1 394 comparutions immédiates pour les majeurs, 1 368 saisines du Juge des enfants pour les mineurs soit un taux de réponse pénale de 87,4 % pour ceux-là et 93,5 % pour ceux-ci. Pour les infractions les moins graves rappelons 14 606 mesures alternatives aux poursuites et 3967 procédures de troisième voie, ordonnances pénales, compositions pénales sans oublier les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité qui demeurent toutefois quelque peu anecdotiques et pourraient sans doute connaître un meilleur sort. Pour servir l’action de Justice pénale vous bénéficierez des plus prestigieux services de police de France, service départemental de police judiciaire, brigades spécialisées de la Préfecture de Police et offices centraux qui ont leur siège dans une immédiate proximité. Sans oublier bien sûr les 27 Commissariats de Police du ressort. Nanterre c’est également, un autre monde celui des affaires, celui de la Défense : - 6 000 sièges sociaux, - cinq des six plus importants cabinets de commissariats aux comptes de France. Qu’il me soit permis à cet instant de souligner l’excellence des relations entretenues avec la juridiction commerciale auprès de laquelle plusieurs fois par semaine le Ministère public
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intervient à l’occasion notamment des audiences de procédures collectives. Vous apprécierez j’en suis sûr ces relations tissées de longue date, de bonne intelligence et de grande confiance. Nanterre c’est aussi un Barreau considérable: 1 885 Avocats inscrits, troisième Barreau de France dont les big five, Barreau de qualité avec lequel cette juridiction entretient les meilleures relations avec comme première préoccupation celle du justiciable.
Et pour assurer votre nouvelle mission de chef de ce grand Parquet vous pouvez compter sur la collaboration de 33 Magistrats et de 71 greffiers et fonctionnaires. Sur ces 33 Magistrats : douze d’entre eux viennent de prendre leur fonction à Nanterre en septembre ; c’est dire si à coté de Procureurs adjoints et Vices-Procureurs particulièrement chevronnés vous disposerez aussi d’une magistrature jeune, dynamique, soucieuse de
servir le bien commun et son expression démocratique, la loi. J’ai pu, brièvement certes, mais sans risque de me tromper, apprécier : - l’engagement de chacun de vos nouveaux collaborateurs, - leur détermination à œuvrer dans l’esprit du Ministère Public à la française, - c’est à dire en cohérence, en transparence dans le respect de l’autorité hiérarchique et au service de la règle de droit. Tous vous attendent avec confiance et impatience animés du souci de participer à une Justice crédible dans un nécessaire dialogue avec nos collègues du siège. Ce dialogue constructif, il existe déjà notamment avec vous Monsieur le Président Hayat ; j’ai pu en apprécier la réalité ces dernières semaines. Il ne pourra que s’approfondir et s’enrichir Monsieur le Procureur, votre dernier Procureur Général me disait quelle estime il avait pour vous : Magistrat droit, loyal, de dialogue, d’é coute, s’inscrivant parfaitement dans la hiérarchie du ministère public. Très apprécié de vos substituts vous êtes réputé pour votre esprit d’apaisement, si nécessaire aujourd’hui. En un mot il m’était rapporté que vous pouviez être ferme mais avec délicatesse. Il vous appartiendra donc avec ces qualités de fédérer et rassembler les énergies de ce Parquet qui sont grandes et d’œuvrer comme vous savez si bien le faire au service du bien commun, tourné vers l’avenir et uniquement vers l’avenir. (…)
Réussir le redressement d’une juridiction dynamique
Jean-Michel Hayat
par Jean-Michel Hayat (…) l est des moments, dans une carrière, plus heureux que d’autres. C’est indiscutablement, avec une vive satisfaction qu’il me revient de souhaiter la bienvenue à un Magistrat qui est aussi un ami, un vrai. Nous nous connaissons depuis de nombreuses années et tous ceux qui s’intéressent à la vie judiciaire du grand Sud-Est, savent à quel point, votre action déterminée, vos initiatives fortes, votre engagement professionnel au sein des parquets de Gap, de Marseille et d’Aix-enProvence ont marqué ces juridictions de votre empreinte aussi talentueuse qu’efficace. Nous nous sommes retrouvés alors que je venais de rejoindre la Présidence du Tribunal de Grande Instance de Nice et que vous étiez Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Nîmes, au sein des conférences thématiques organisées conjointement par les Bâtonniers et par les Chefs des Cours d’Appel d’Aix-en-Provence, de Nîmes et de Bastia pour des journées entières d’échanges et de débats. Et c’est ainsi que, par votre autorité et par votre compétence unanimement reconnue, vous avez naturellement accédé à la Présidence de la Conférence des Procureurs, dont la parole forte, ces dernières années, aussi bien sur le statut des
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Magistrats du parquet que sur l’activité au quotidien, ont marqué les esprits, bien au-delà des frontières de la Magistrature. Vos analyses courageuses sont écoutées attentivement et c’est ainsi que depuis plusieurs années, vous
intervenez dans un nombre incalculable de sessions destinées aux nouveaux Chefs de juridiction, aux chefs de Cour, à l’Ecole Nationale de la Magistrature et à chaque fois, votre auditoire souligne votre hauteur de vue,
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votre pensée structurée sur notre métier et sur votre fonction. Chacun souligne aussi votre simplicité, votre humanité, votre approche fédératrice et consensuelle. Notre prestigieux auditoire l’aura compris, votre nomination à la tête d’un des plus importants Parquets de France, n’est que la reconnaissance de vos éminents mérites professionnels et la présence, à notre audience de si nombreuses hautes personnalités, en est l’é clatante illustration. Monsieur le Procureur, chacun sait ici que la juridiction a traversé des moments difficiles marqués par des tensions sur lesquelles personne ne souhaite revenir, tant votre installation traduit, pour chacun d’entre nous, croyez le bien, une nouvelle étape marquée par la volonté unanime de travailler, tous ensemble dans un climat de confiance et d’estime mutuelle, dans le respect des prérogatives de chacun et de l’indépendance absolue dans l’acte de juger. Je souhaiterais de manière synthétique, vous présenter les caractéristiques essentielles de cette juridiction marquée par l’esprit novateur, le dynamisme et l’efficacité, en épargnant à notre prestigieux auditoire, des données statistiques qui trouvent mieux leur place aux audiences de rentrée. Je ne peux néanmoins aborder cette présentation, sans préalablement saluer la mémoire de notre collègue, substitut, Lionel Beauvais, dont le suicide, le 7 mars 2012, a glacé d’effroi toute la juridiction. Je suis fier de présider un comité d’hygiène et de sécurité qui a uniquement voulu débattre et réfléchir, à trois reprises, au cours de l’année 2012, avec dignité et dans le respect des personnes, pour prévenir pareil drame et c’est ainsi que de manière particulièrement novatrice, le CHSCT a adopté un questionnaire, validé par notre médecin de prévention, relatif à l’incidence des conditions de travail sur la santé. Depuis lors, l’ensemble des personnels des services judiciaires, de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la
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jeunesse exerçant leurs fonctions dans les Hauts de Seine, répond à ce questionnaire entièrement anonyme, dont le dépouillement aura lieu la semaine prochaine. Monsieur le Procureur, Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre est une juridiction dont la démarche partenariale est au cœur de son action. Quelques exemples vous en convaincront aisément : 1 - Relation constante de travail et de concertation avec le Président du Tribunal de Commerce, mise au point d’un protocole de bonnes pratiques entre le pôle famille et la chambre départementale des notaires dont la rédaction est bien avancée, 2 - réflexion en cours pour déléguer, selon une procédure en cours d’élaboration, les comptes de gestion en matière de tutelles, aux huissiers de justice, 3 - mise en place et développement spectaculaire, par le Tribunal pour enfants, du dossier unique de personnalité concernant les mineurs délinquants, en lien étroit avec le parquet et la PJJ, la juridiction des mineurs de Nanterre ayant été retenue, pour l’efficience de son action dans ce domaine, site pilote, par la chancellerie, 4 - signature le 12 avril 2012 d’une convention relative au départage prudhommal liant notre juridiction aux conseils de prudhommes de Nanterre et de Boulogne, de nature à jeter les bases d’une mise en état des affaires soumises au départage, 5 - conception finalisée, sous l’autorité de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de Versailles, de trames communes en matière d’expertises civiles sur l’ensemble des quatre juridictions du ressort de la Cour, avec le concours de la compagnie des experts, 6 - partenariat vivant avec le Barreau sur l’ensemble des sujets transversaux, de la communication électronique civile à la garde à vue, 7 - un partenariat qui a d’ailleurs dépassé les seules frontières des Hauts de Seine, puisque
sur l’initiative de Madame la Présidente Chantal Arens, les quatre présidents des TGI de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil ainsi que les quatre Bâtonniers de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ont décidé de conjuguer leurs efforts pour qu’au sein de cette zone élégamment dite « de multipostulation », l’essor des nouvelles technologies soit développé de manière coordonnée et harmonieuse. C’est ainsi qu’au 7 janvier 2013, les quatre juridictions autoriseront en même temps, le placement des assignations civiles par la voie électronique. Monsieur le Procureur, le TGI de Nanterre est une juridiction dont la performance civile a connu une forte progression en 2011, comme j’ai cru devoir le restituer à des collègues médusés de constater que leur travail acharné à traiter avec célérité les procédures, à conduire une mise en état dynamique et désormais entièrement dématérialisée, à instituer des calendriers de procédure, à hâter le traitement des litiges les plus anciens, se retrouvent dans toute une série d’indicateurs globalement favorables, issus du logiciel de la chancellerie, au doux nom de Pharos. Mais pour autant, Monsieur le Procureur, pourquoi ne pas l’évoquer, par les temps qui courent, les collègues se demandent fort légitimement si nos indicateurs de performance globalement favorables, en matière civile, ne risquent pas de conduire à une réduction des moyens en effectifs de la juridiction. J’y reviendrai un peu plus tard car ce point est essentiel. Deux initiatives fortes ont été prises, ces derniers mois. A. A Nanterre, la médiation n’est plus qu’un sujet de colloque. C’est, face à la hausse inexorable du contentieux, une approche résolument ancrée dans les pratiques professionnelles dont les premiers résultats sont particulièrement encourageants. - la chambre de la construction présidée par notre Magistrat référent en matière de
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Installation médiation pour l’ensemble du Pôle civil, a pu obtenir, rien qu’en novembre 2012, dans 32 affaires opposant des particuliers au même important groupe du bâtiment, une résolution amiable de ces litiges qui s’est conclue, par 32 désistements d’instance. Dans un domaine qui intéressera au plus haut point les nombreux élus de ce département qui nous font l’ l’honneur et l’amitié d’assister à la présente audience, dans cette matière douloureuse dite des « emprunts toxiques » contractés par des collectivités territoriales auprès de groupes bancaires, une mesure de médiation a été confiée par le Juge des référés à une très haute personnalité du monde judiciaire dont l’autorité morale est incontestée. Il est clair que si la mesure de médiation en cours aboutit, la juridiction aura, par son volontarisme et sa force de conviction, démontré qu’elle est en mesure de parvenir à la résolution amiable des conflits les plus aigus aux enjeux financiers les plus lourds. B. Mais il fallait aller encore plus loin. Vous l’avez déjà compris, Monsieur le Procureur, la complexité des affaires traitées par cette juridiction, tant en matière pénale qu’en matière civile, est une de ses caractéristiques majeures. De fait, 24 entreprises du CAC 40 ont implanté leur siège social dans ce département, parmi lesquelles 10 des sociétés les plus riches au monde : Total et Saint-Gobain à Courbevoie, Carrefour et Alstom à Levallois, Renault à Boulogne, Vinci et Schneider-Electric à RueilMalmaison, L’Oréal à Clichy, Sodexo à Issy-les-Moulineaux, Eiffage à Asnières et Thalès à Neuilly sur Seine. En outre, on peut citer des groupes bancaires, des sociétés d’assurances, des constructeurs de matériels à vocation militaire ou de défense, des laboratoires pharmaceutiques mais encore de nombreuses entreprises de presse ou de communication qui ont implanté leur siège dans notre département : TF1 à Boulogne, M6 et W9 à Neuilly, Prisma Presse à Gennevilliers, Hachette-Filipacchi à Levallois-Perret, Havas à Suresnes, Mondadori à Montrouge et Canal + à Issy les Moulineaux. C’est pourquoi, face à la perception de collègues, qui ne masquent pas, lors de leurs entretiens d’é valuation notamment, la préoccupation croissante qui est la leur, face à la difficulté du
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Vincent Vigneau
contentieux à traiter dans l’ensemble des services, j’ai souhaité confier, le 19 janvier dernier à Monsieur Vincent Vigneau, 1er VicePrésident chargé du Pôle des urgences civiles et de l’exécution, une mission visant à élaborer des indicateurs de complexité de nature à s’affranchir d’une approche strictement quantitative traduisant insuffisamment la charge de travail. Au terme de plusieurs mois de travail associant Magistrats et fonctionnaires du Pôle civil mais aussi un Avocat délégué par Madame la Bâtonnière du Barreau des Hauts de Seine, Monsieur Vigneau a déposé son rapport, dont vous avez eu la primeur, Monsieur le Premier Président, lors du long entretien que vous avez bien voulu nous accorder, le 22 octobre dernier. Après avoir pris un certain nombre de précautions sur le plan méthodologique, le rapport s’est référé à la durée annuelle du temps de travail telle que décomptée dans le décret du 25 août 2000 applicable à la Fonction publique puis extrait du logiciel Pharos le nombre de Magistrats affectés aux Chambres Civiles en le divisant par le nombre d’affaires traitées. On arrive ainsi à un temps théorique de 2 heures pour un jugement de Grande Instance et une heure pour une décision d’instance, temps d’audience compris. C’est assurément, la première révélation de ce rapport qui ne manquera pas de susciter l’intérêt de nos collègues. A partir de là, des contentieux civils spécialisés ont été listés et affectés d’un indicateur de complexité : - droit de la presse : 4 - conflits collectifs du travail : 6 - saisie immobilière : 8 - Droit de la propriété, construction : 10 - Concurrence déloyale : 14 - Droit de la propriété intellectuelle : 15 Le rapport a retenu, parallèlement, un coefficient de simplicité pour certains types de contentieux (demande de délais de paiement : 0,75) ou encore lorsque le défendeur ne comparait pas ou enfin si le dossier s’achève par une caducité, un désistement ou une radiation (0,10). Toutes les données statistiques de notre juridiction ont été reprises en intégrant ces indicateurs de complexité ou de simplicité pour aboutir à l’activité ainsi pondérée des services civils et ensuite appliquée de manière globale aux juridictions voisines de la nôtre, dans la grande région parisienne. Le résultat est sans appel : les effectifs nécessaires pour traiter le contentieux civil devraient être supérieurs d’un tiers dans une juridiction comme le TGI de Nanterre. Même s’il faudra probablement approfondir l’approche statistique avec des indicateurs plus fins et plus nombreux, cette étude, assurément novatrice, pour reprendre vos propos, Monsieur le Premier Président, nous conduira à assurer une large diffusion à ce rapport pour que chacun s’approprie cette nouvelle démarche visant à apprécier, de manière plus qualitative, notre charge de travail. Certains pourraient penser qu’il s’agit là d’une digression. Cette complexité au civil se retrouve absolument de la même manière, au pénal, quand on se penche sur les dossiers d’information traités par nos Juges d’instruction
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spécialisés et par la difficulté des affaires jugées dans plusieurs Chambres correctionnelles. Face à ce premier défi lié à la complexité, Monsieur le Procureur, nous en aurons un autre à relever ensemble puisque nous aurons à réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour traiter les quelque 26 000 procédures en attente de traitement dans vos services , selon une comptabilisation opérée à l’été 2012 et qu’il nous faudra juger, quel que soit le mode de poursuite que vous entendrez retenir. Nous en avons déjà débattu ces dernières semaines et je tiens précisément à souligner, en ce moment précis, la qualité des échanges qui ont été les nôtres, Monsieur l’Avocat Général, d’autant que j’ai eu la chance et le plaisir de travailler avec vous, à de maintes occasions et dans différentes fonctions depuis tant d’années. J’aimerais associer à ces remerciements publics, les trois Procureurs adjoints de ce parquet avec lesquels la relation de travail a été, en cette période qui pouvait apparaître délicate à bien des égards, d’une parfaite limpidité. Ce défi sera d’autant plus rude qu’à la stupéfaction générale, la circulaire de localisation des emplois 2012 diffusée par la chancellerie a retiré deux postes au Siège et un poste au Parquet, de telle sorte que notre effectif de référence de Magistrats du siège est passé de 109 Magistrats en 2010 à 108 en 2011 et enfin 106 en 2012, alors que la localisation des emplois concernant les fonctionnaires de notre juridiction est passé de 266 à 272, avec 31 postes vacants, soit plus de 9 % des effectifs de fonctionnaires. Chacun doit bien comprendre ici que le défi sera impossible à relever si le TGI de Nanterre devait encore perdre des moyens en 2013. Nous sommes tous conscients des contraintes budgétaires et nous savons bien qu’il faudra attendre avant d’escompter rattraper le niveau des années précédentes. Mais je l’affirme avec solennité : la performance globale ne pourra être stabilisée, les efforts considérables à fournir dans la sphère pénale seront déployés en vain, si des moyens devaient encore nous être retirés.
la simplification des procédures, tant en matière pénale qu’en matière civile mais aussi, à la dépénalisation, voire à la déjudiciarisation de certains contentieux. Il s’agit là d’un débat qui dépasse largement les frontières de notre Tribunal mais qui gagnerait à être ouvert, au plus vite, dans l’ensemble des juridictions, tant notre pratique professionnelle au quotidien, mesure des évolutions qu’il conviendrait de promouvoir pour éviter l’enlisement. Le dernier défi que j’entends évoquer ce soir, concerne la réussite de la réforme visant à confier à compter du 7 janvier 2013, les extractions des personnes détenues, non plus à la Police Nationale mais à l’Administration pénitentiaire. Reforme emblématique au cœur de la révision générale des politiques publiques, le TGI de Nanterre se trouve la première des juridictions d’ile de France – et si j’ai bien compris la dernière - des juridictions dotées d’un dépôt de Police à la mettre en œuvre puisque la réforme vient d’être suspendue par le Ministère de l’intérieur et que nos collègues et amis, Chefs de juridiction de Paris, Bobigny et Créteil se voient épargnés du travail bien délicat de mise en place d’une réforme qui suscite une réelle perplexité et de vives inquiétudes.
Monsieur le Préfet, transmettez en notre nom, à Monsieur le Préfet de Police, retenu aujourd’hui par un engagement incontournable, nos remerciements pour sa disponibilité et son écoute. Un grand merci également à Monsieur le Directeur territorial de la sécurité de proximité des Hauts de Seine et à son adjoint, ainsi qu’aux fonctionnaires de l’Administration pénitentiaire qui s’engagent dans ce dispositif avec la volonté de relever le défi, alors qu’ils savent que leurs effectifs, durant les premiers mois, seront modestes, et c’est bien cela, le point central qui a suscité nos réserves initiales L’accord est conclu, il nous reste à le mettre en place et il nous faudra, Monsieur le Procureur, être vigilants pour surmonter l’agacement, l’irritation, les frictions, voire le découragement, lors des pics d’activité et prévenir ce que d’aucuns appelleraient immédiatement et médiatiquement, « une bavure judiciaire ». Il faudra garantir à tous, le bon fonctionnement de la justice pénale, d’autant que le recours à la visio-conférence – qui connait une progression spectaculaire devant le Juge des Libertés et auquel auront recours, à compter de janvier prochain, nos présidents de Cour d’Assises pour leurs interrogatoires préalables d’identité - ne peut se substituer au débat judiciaire, en salle d’audience. Voilà, Monsieur le Procureur, ce qu’il m’apparaissait indispensable de vous exposer. Vous savez - et je m’en porte garant - que vous pourrez compter sur tous les Magistrats et les Fonctionnaires de cette juridiction, pour déployer ensemble, dans la sérénité, les efforts nécessaires pour réussir le redressement, dans une juridiction moderne, dynamique et soucieuse d’efficacité. (…)
Peut-être faudra-t-il s’engager plus avant dans une réflexion globale visant, pour faire court, à
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Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35
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Mais, précisément, grâce à un travail acharné, au terme de multiples réunions de travail d’une impressionnante densité, de l’étude d’impact précisément calculée par le Secrétaire Général de la présidence dont je tiens à saluer ici, publiquement, le dévouement exceptionnel, grâce à la volonté d’aboutir exprimée par Monsieur le Préfet de Police, la Gendarmerie Nationale, l’administration pénitentiaire, nous sommes arrivés, jeudi dernier, à un accord complet.
Installation ce Parquet, régulièrement m'entretenir avec les Procureurs adjoints et la secrétaire générale dont je me félicite de l'écoute et de l'accueil qu'ils m'ont réservé et ce matin même je tenais une réunion avec les chefs de division du Parquet. J'ai pu avec et grâce à vous, Monsieur le Président échanger avec les Magistrats du Siège en charge du pénal, la semaine dernière avec les Juges d'instruction et les Présidents de Chambres correctionnelles, cette semaine sont prévues des rencontres avec les Juges des enfants, les juges de l'application des peines et les Juges de la liberté et de la détention. J'entends poursuivre ces rencontres régulières et vous faire part de la politique pénale de ce parquet. Je vous remercie, Monsieur le Directeur de greffe et Madame la Greffière en chef chargée d'une part importante de l'activité de ce Parquet, pour l'éclairage précieux que vous m'avez apporté sur le fonctionnement de cette juridiction, ses forces et ses difficultés. Je suis pleinement conscient du travail essentiel fourni par le greffe dans des conditions souvent d'insuffisance d'effectifs et je souhaite rendre hommage à tous les fonctionnaires de la juridiction dont j'ai pu sentir lors de ma première visite des lieux le dévouement au service public et la volonté de répondre au mieux aux attentes des justiciables.
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Robert Gelli
Exercer l’action publique par Robert Gelli (…) e me présente à vous, chers collègues du Tribunal de Grande Instance de Nanterre, avec humilité et modestie, avec le souci de tirer profit de vos expériences, de vos connaissances et de vos réflexions et de vous faire partager les miennes. J'ai la volonté d'agir à la tête de ce grand Parquet avec professionnalisme et impartialité au service de l'œuvre de Justice. Je mesure, en voyant l'importance des Magistrats qui composent cette juridiction et la qualité des personnalités qui assistent à cette audience, l'immense honneur qui m'a été fait de me nommer en qualité de procureur de la République. Je ne peux m'empêcher à cet instant de me rappeler avec émotion et reconnaissance les grands Magistrats qui ont marqué mon parcours professionnel et auxquels je dois en grande partie ma présence ici même. J'ai eu la chance d'en croiser de nombreux tant du Siège que du Parquet tout au long de mon parcours professionnel mais je voudrais en citer quelques uns. Raymond Exertier, d'abord, mon premier Procureur, qui au cours des neuf premiers mois de mes fonctions, en qualité de substitut à Gap, a su me donner l'exemple d'un grand professionnel sachant affirmer en toutes occasions le rôle éminent d'un Procureur dans la direction de la police judiciaire et la place du Ministère public dans les institutions de la République. Pierre Truche, mon Procureur à Marseille, qui a marqué l'histoire de la magistrature et dont les profondes réflexions sur le Parquet inspirent encore aujourd'hui les débats sur l'indépendance de la Justice.
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Jacques Beaume, mon Procureur à Aix-enProvence, aujourd'hui Procureur Général à Lyon et Président de la Conférence des Procureurs Généraux, passionné par son métier, enthousiaste et constamment soucieux d'adapter l'organisation de son parquet pour répondre aux besoins et attentes. Jean-Louis Nadal, mon Procureur Général à Aix-en-Provence, qui fut aussi sous-directeur de l'Ecole Nationale de la magistrature lorsque j'étais Auditeur de Justice, au verbe puissant et truculent, toujours inventif et défenseur inlassable d'un statut garantissant pour le Ministère public son impartialité et sa distance à l'égard du pouvoir exécutif. En quelques jours, j'ai rapidement perçu l'intensité, l'importance et la diversité de l'activité pénale du Tribunal de Nanterre. J'ai ressenti l'immensité de la tâche qui m'attend. Je suis déterminé à mettre au profit de cette juridiction mon expérience de trente années de Magistrat du Ministère public, ma pratique de l'inter ministérialité acquise dans mes fonctions de conseiller du Premier Ministre et les onze années que j'ai passées à la tête du Parquet de Nîmes, une juridiction passionnante, à l'activité pénale intense et d'un niveau élevé, dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle est difficile mais où j'ai beaucoup appris. Permettez-moi de saluer celui avec lequel j'ai beaucoup partagé à Nîmes et qui est devenu un ami, Jean-François Kriegk qui a conforté chez moi l'idée de la nécessité d'une entente parfaite entre un Président et un Procureur. Je débute ma mission sans le moindre a priori, sans le moindre jugement sur ce qui a été fait jusqu'alors et sans aucun programme préétabli. Je veux me donner le temps de connaître cette juridiction et les réalités locales, d'en mesurer les enjeux afin de pouvoir au mieux définir les priorités de politique pénale. J'ai déjà pu organiser des réunions avec les Magistrats de
Aujourd'hui, je souhaite vous faire part de l'état d'esprit dans lequel je suis au moment de la prise de mes fonctions et la conception que j'ai de la Justice et du rôle du Parquet. Rendre la Justice est une mission exigeante et passionnante, contraignante mais essentielle dans une société. Il faut toujours et dans tous les cas accomplir cette tâche avec toutes ses valeurs: la recherche constante de la vérité, le respect du débat contradictoire, de la présomption d'innocence et des droits de la défense, l'écoute de toutes les parties, le souci de l'équilibre entre l'individualisation de la peine et la réparation de la victime. Chaque affaire soumise à un Magistrat est unique, chaque dossier contient sa propre complexité. L'homme reste au cœur de la Justice. Et je n'oublie jamais ce que se plaisait à dire, une grande figue de la Magistrature, André Braunschweig, « il faut avoir un certain amour des hommes pour être un bon magistrat ». Hanna Arendt invitait à distinguer l'origine du pouvoir, l'élection d'où les représentants du peuple tirent leur légitimité, de la source de la loi qui fonde une communauté politique. « Sans doute, écrivait-elle dans son Essai sur la Révolution, les lois devaient leur existence effective au pouvoir du peuple et de ses représentants, mais en même temps les hommes doivent se représenter la source supérieure d'où les lois tiraient leur origine pour faire autorité et être validées par tous, majorité et minorité, générations présentes et futures. » La source de la loi, c'est-à-dire les principes constitutionnels et les libertés fondamentales, est ce qui inspire la Justice. Chaque fois que la communication prime sur la réflexion, chaque fois qu'un slogan est martelé dans les esprits, la source de la loi se tarit. Il nous appartient à tous de veiller à ce qu'elle ne s'assèche pas.
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Installation Profondément attaché à l'unité du corps judiciaire, je considère que les membres du Ministère public sont d'abord des Magistrats. Ce statut, qui suppose une formation, une éthique, une déontologie, ne leur est pas accordé pour leur confort personnel mais comme une garantie d'impartialité pour les justiciables. Parce que le déclenchement des poursuites et le choix de sa modalité constituent des enjeux de vie pour les hommes et les femmes qui en sont l'objet, parce que les pressions, les suggestions ne doivent pas pouvoir être déterminants dans la prise de décision, parce que l'autorité chargée de diriger et de conduire l'enquête pénale doit être inspirée par le seul souci de la recherche de la vérité, de la défense de l'intérêt général et du respect des droits et libertés individuels, celui qui a la charge de ces missions ne peut être réduit à une simple partie, un accusateur ou à un porte-parole d'une thèse. Parce que l'action du Procureur de la République doit être à l'abri de toute pression, de toute influence et qu'elle doit revêtir une démarche impartiale au sens de la Recommandation du comité des ministres du Conseil de l'Europe du 6 octobre 2000, la soumission de sa nomination à l'avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature et la suppression des instructions du Garde des Sceaux dans les dossiers individuels sont, dans un État moderne et démocratique, indispensables. Dans mon exercice professionnel, comme dans le cadre de mon mandat de Président de la Conférence Nationale des Procureurs de la République que mes pairs m'ont fait l'honneur de me confier, j'ai toujours défendu l'indispensable liberté dont doit jouir le Procureur dans l'exercice de l'action publique. La liberté d'action est la condition de la responsabilité. Mais cette liberté d'action n'est pas incompatible avec la mise en œuvre des orientations générales de politique pénale définies par le Garde des Sceaux dans le cadre des lois de la République. Il est parfaitement légitime que le pouvoir issu d'élections démocratiques définisse les termes d'une politique pénale et que le Procureur de la République, sous l'animation et la coordination des Procureurs généraux, exerce l'action publique dans ce cadre général. Cet exercice est aussi soumis au contrôle prévu par la loi et au premier chef celui des Juges. Je n'ignore pas que le procureur de la République est, au sens de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, une autorité de poursuite. En cette qualité et en l'état actuel de notre procédure pénale, il est du devoir du Procureur de saisir le Juge, non seulement pour obtenir des mesures restrictives de liberté ou attentatoires à la vie privée, mais aussi pour garantir le respect du contradictoire que l'enquête préliminaire n'assure pas et pour renforcer l'impartialité des investigations en les confiant à des Magistrats du Siège. A cet égard, je me félicite, Monsieur le Président, de votre décision de généraliser la co-saisine, voire la collégialité, des Juges d'instruction, de nature à éviter le danger de la solitude et le risque de la personnalisation. La dimension collective du Parquet est une autre de ses caractéristiques essentielles. Elle lui donne toute sa force et son efficacité. L'exercice solitaire de la fonction de Procureur de la République est incompatible avec l'essence même du Parquet. Je suis partisan de la théorie de Lord Beveridge, économiste et homme
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politique britannique selon laquelle l'efficacité d'une organisation est obtenue en « faisant accomplir par des hommes ordinaires des choses hors de l'ordinaire » plutôt que des théories managériales élitistes mettant en avant ceux minoritaires jugés les plus performants au risque de creuser un fossé irréductible et dangereux pour l'équilibre de chacun, entre les premiers et la majorité des autres membres de l'organisation. Le Parquet fait pleinement partie d'une juridiction. Le Procureur de la République est investi par la loi d'un rôle de communication ainsi que d'un rôle d'animation et de coordination de la politique de prévention de la délinquance dans sa composante judiciaire. Il ne s'exprime jamais en son nom personnel mais représente toujours l'institution judiciaire. Il se doit donc de ne jamais critiquer une décision de Justice par d'autres voies que celle de l'appel et de préserver la juridiction de toute attaque. Le Procureur de la République est aussi un chef de juridiction aux côtés du Président. Cette dyarchie souvent incomprise, voire critiquée, est, à mes yeux, une richesse, un atout au service du justiciable et pour le bien de la juridiction. Je sais, cher Président, que notre action à la tête de cette juridiction sera toujours guidée, avec le concours du Directeur du greffe, par ce souci d'un meilleur fonctionnement dans l'intérêt de nos concitoyens et d'une amélioration des conditions d'exercice par les Magistrats et fonctionnaires de leurs missions. En tout cas, je me réjouis de pouvoir mettre en commun avec vous nos approches respectives. L'une des préoccupations que doit avoir un Procureur de la République dans la conduite de son action est de prendre en compte dans la réponse judiciaire les situations et réalités locales. Les contacts réguliers avec le préfet du département y contribuent largement. J'ai toujours été partisan d'un rapprochement entre les Procureurs et les Préfets, dont le sens commun de l'intérêt général est une nécessité et une garantie dans une société où les repères peuvent être défaillants. La mobilisation avec le Préfet de tous les services de l'État pour mieux lutter contre la délinquance et la prévenir est un atout pour un Procureur de la République. J'ai entretenu avec les quatre préfets que j'ai connus dans le Gard les meilleures relations et nous avons pu, dans le respect des prérogatives de chacun mener de nombreuses actions communes et co-présider des dispositifs partenariaux dans plusieurs domaines. J'ai pu constater dès nos premiers échanges, Monsieur le Préfet, que vous partagiez cette préoccupation. Je me réjouis par avance de notre très prochaine collaboration pour la mise en place de la zone de sécurité prioritaire qui regroupe des territoires situés sur trois communes du département, Gennevilliers, Asnières et Colombes. La prise en compte des réalités locales et des attentes des populations se concrétise aussi dans la participation active et systématique du Parquet aux contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Je poursuivrai le travail important déjà accompli par ce Parquet dans ce cadre. Je m'engagerai avec détermination dans ce dialogue et ce travail avec les maires. Cet échange nécessaire et fructueux se fera, bien sur, dans le respect des attributions
et des compétences de chacun et dans les limites que la loi impose en termes de secret de l'enquête, de protection des données personnelles et des prérogatives de l'autorité judiciaire sur le prononcé des sanctions et le suivi de leur mise en œuvre. Mon action à la tête de ce parquet sera guidée par quelques axes qui me paraissent prioritaires en matière de politique pénale : 1. Apporter une réponse systématique à tous les actes de délinquance en usant de toutes les modalités de réponse possibles, du simple rappel à la loi à la comparution immédiate, et en l'adaptant à chaque situation individuelle. Il ne s'agit pas là de faire du chiffre ni d'accroître à tout prix la performance, mais dès lors que les éléments constitutifs d'une infraction sont réunis et que les charges sont suffisantes pour retenir la responsabilité d'un individu, nous devons une réponse tant à l'auteur qu'à la victime. Mais cette réponse se doit d'être de qualité, être mise en œuvre le plus rapidement possible et avoir quel que soit son niveau pour objectif, non seulement de rappeler la loi, mais aussi d'éviter la réitération et de prévenir la récidive. Cette exigence est encore plus forte pour les mineurs délinquants. La politique en matière des mineurs doit aussi prendre en compte la protection des mineurs en danger ou victimes, tant il est évident que protéger les mineurs en difficulté c'est aussi contribuer à la prévention de la délinquance. Je vous assure, Monsieur le Président du Conseil général des Hauts de Seine, de mon total engagement pour mener une action coordonnée en matière de protection des mineurs qui relève de vos attributions. Je sais aussi combien est essentiel le travail de la protection judiciaire de la jeunesse et combien est exigeante la mission des personnels de cette administration. Je vous remercie, Mesdames et messieurs les responsables de la PJJ de faire part à vos personnels de mon soutien. 2. Lutter sans concession contre les violences aux personnes et apporter aux victimes le soutien, l'aide et l'information qui leur est nécessaire. Je serai particulièrement attentif à la politique en faveur des victimes, domaine dans lequel je me suis investi depuis fort longtemps puisque j'ai été, au début des années 1980, Secrétaire Général de l'une des toutes premières associations d'aide aux victimes, l'AVAD de Marseille où ont été organisées en 1986 les premières assises de l'INAVEM. Les violences faites aux femmes, les discriminations, le racisme et l'antisémitisme, qui sont aussi des enjeux pour les valeurs de notre République constitueront une priorité particulière de la politique pénale, Le renforcement de l'action de la police judiciaire pour mieux agir contre la délinquance organisée et les trafics qui déstabilisent la vie de certains quartiers doit être une de nos priorités. Tout comme le sera une action déterminée de lutte contre la délinquance économique et financière qui porte atteinte à l'ordre public économique et qui mine la confiance des citoyens dans leurs institutions. - L'exécution effective et diligente des peines prononcées est un axe prioritaire de toute politique pénale. Il y va du crédit de la justice
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Installation et de la prévention de la récidive. Il s'agit d'un sujet sensible, donnant lieu à des polémiques. Je souhaite que nous puissions dans la sérénité traiter cette question de la façon la plus efficace et constructive avec les Juges de l'application des peines en premier lieu. Je sais aussi combien est exigeant techniquement et humainement le métier des fonctionnaires de l'administration pénitentiaire et je les assure de mon intérêt et de mon soutien.
3. Enfin, je veillerai à la qualité de l'action civile et commerciale du Parquet. Le Tribunal de commerce de Nanterre est le plus important de France. Le rôle du Parquet y est d'autant plus important. Monsieur le Président du Tribunal de Commerce, vous trouverez en moi un interlocuteur attentif. Je me réjouis de la perspective de vous rencontrer très prochainement en début de semaine prochaine.
Soyez, en tout cas, tous, assuré de ma détermination et de mon engagement total au service des citoyens de ce département dans une lutte juste et égale contre la délinquance, quelles qu'en soient les formes. Je concluerai en citant Albert Camus dans l'Homme révolté : « La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent » 2012-886
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Jurisprudence
La Cour Européenne des Droits de l’Homme donne aux Bâtonniers de France le pouvoir de dire non ? Michaud c. France 6 décembre 2012 par Rebecca Grolman
’affaire était grave, en effet. Elle a abouti à un arrêt du 6 décembre 2012. Arrêt de principe ou petit arrêt ? Les commentateurs s’interrogeaient à l’avance. La rapidité et le de décorum choisis par la Cour de Strasbourg, pour une affaire qui aurait pu être jugée selon la procédure normale, sans audience et avec un prononcé sur site internet, n’a pas manqué d’interpeller
L
L’arrêt de principe est un « petit arrêt ». En ce sens que la Cour ne dit rien de nouveau et, indépendamment de développements intéressants sur la portée ou l’application de l’arrêt Bosphorus (Bosphorus Hava Yollari Turism vc Ticaret Anonim Sirketi c. Irlande, GC, arrêt du 30 juin 2005, n°45036/98, Recueil des arrêts et décisions 2005-VI) que la doctrine ne manquera pas de commenter, la solution ultime peut paraître prima facie décevante. « Circulez, il n’y a rien à voir », le système français de dénonciation des clients par les avocats est conforme à la convention, Cela n’est pas si simple, à dire vrai….
Erreur manifeste d’appréciation ? A priori, la chute décevante semble relever de l’erreur manifeste d’appréciation. A priori… Après un début d’une qualité de style évidente qu’il convient de souligner, les dernières pages s’appauvrissent tant en substance qu’en style. Des critiques austères y verront une révérence obséquieuse faite à la Cour de Justice de l’Union Européenne de Luxembourg, qui a été déjà amenée à statuer sur une question identique, concernant les Barreaux belges. Révérence obligée en ces temps de fin d’année, ou va commencer le cycle rituel des audiences intercour, chargées de politesse et de congratulations réciproques ? En ce sens, que la Cour de Strasbourg a statué -à propos de l’article 8-, comme l’avait fait la Cour de Luxembourg, de façon irréprochable au demeurant, s’agissant d’une question relevant strictement de la notion
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de procès équitable et de l’article 6-1 de la convention. Mais là il ne s’agissait pas de l’article 6 et bis repetita non placent. Il s’agissait bien de l’article 8 applicable au secret professionnel de l’avocat. Certes la Cour rappelle très exactement que l’article 8 est garanti par l’article 8 de la CEDH et que le secret professionnel de l’avocat doit être garanti dans l’intérêt du client et non pas dans un intérêt corporatiste de la profession d’avocat. Le litige était clair. L’avocat du requérant, Maître Bernard Favreau, avait d’ailleurs clairement indiqué qu’il ne s’agissait pas d’ériger le cabinet d’avocats en sanctuaire ou de faire échapper l’avocat délinquant à la sanction exemplaire qu’il pouvait mériter. Car, là, il ne s’agissait aucunement de savoir si un avocat doit ou non -question qui a occupé la doctrine et les dîner en ville depuis la fin du 19ème siècle !- dénoncer un crime ou un délit qui lui est révélé dans le cadre du secret de son cabinet. Il s’agissait de tout autre chose. Le requérant avait bien ciblé la difficulté : il s’agissait de l’obligation faite à un avocat de transmettre à un service de renseignements des indications recueillies dans le cadre de sa relation professionnelle avec un client, alors même qu’il n’y avait pas de commission, d’un crime ou d’un délit, mais qu’il pouvait concevoir un « soupçon ». Une telle question méritait une question affinée. La Cour a choisi de s’aligner grosso modo sur le raisonnement qu’elle a bâti -au demeurant de façon assez remarquable- en matière du secret professionnel de l’avocat depuis l’arrêt Niemietz (Niemietz c. Allemagne, arrêt du 16 décembre 1992, n° 13710/88, série A no 251-B, § 30). Le secret professionnel n’est pas absolu, il peut être battu en brèche, dès lors que des garanties sont apportées, notamment par la présence, sinon l’intervention d’un représentant de la profession, sous couvert de la garantie accordée par un juge des libertés quelconque. C’est le système français actuel.
On rappellera que dans le cadre de la perquisition, une information judiciaire est en cours, confiée à un juge d’instruction, et que la perquisition a pour objet de rechercher le corps du délit qui peut se trouver dans le dossier d’un avocat, qui est lui-même le plus souvent mis en cause. On comprend que dans ces cas-là, le secret professionnel ne saurait servir de paravent à la commission d’un crime ou d’un délit. Mais, même en cette hypothèse, la protection est triple : au départ, l’ouverture d’une enquête ou d’une information le plus souvent décidée par un magistrat du Parquet, un mandat de recherche d’éléments avec des termes précis, encadrant la mission des enquêteurs, la présence ou contrôle d’un représentant habilité des avocats. A cela s’ajoute, en cas de litige sur le caractère protégé d’une pièce, l’intervention du juge de la détention et des libertés, qui, le représentant de la profession entendue, statue après un débat contradictoire, sur les pièces qui seront finalement ou non versées au dossier d’instruction, comme caractéristiques de la commission d’un délit. Trois magistrats, un représentant du Bâtonnier donc… Au contraire, dans le cadre de la déclaration de soupçons, acte spontané – bien que contraint - émanant d’un avocat qui décide de dévoiler les informations reçues sous couvert de son secret professionnel, tout est différent. A titre liminaire, force serait de constater qu’il n’y a pas, dans ce cas, d’indices concordants de commission d’un délit. En effet, si l’on en croit la plaidoirie de l’avocat du requérant (et sous réserve de fiabilité des enregistrements rendus publics sur le site de la Cour de Strasbourg), il apparaît constant et non contesté selon les statistiques de Tracfin, que au regard de près d’une décennie d’expérience, les déclarations de soupçons par les professionnels ne révèlent qu’une proportion infinitésimale, voire inexistante, de délits. Autre disparité : lors de la recherche de pièces établissant un délit, que l’avocat en soit complice ou non, la Cour n’a jamais manqué de demander que la mission des enquêteurs
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Jurisprudence soit précise et limité. Mais curieusement cette exigence de clarté ne parait pas requise dès lors qu’il ne s’agit que de « soupçons ». En effet, là, point de triple contrôle ou de protection renforcée. Celui qui s’expose aux soupçons mériterait-t-il en vérité un sort plus dur que celui qui a potentiellement commis un crime ou un délit ? Lors des perquisitions, c’est souvent – malheureusement – un avocat délinquant présumé qui est visé, dans la déclaration de soupçon c’est un citoyen qui a poussé la porte d’une profession réglementée. Non, décidément, une déclaration de soupçon par nature impalpables exige un statut de garanties du secret professionnel au moins égal à celui accordé à la délinquance. Ici, les baux esprit auront beau gloser dans tous les sens, le reflux est manifeste, en 2012. Reflux par par rapport à l’affaire Kopp c. Suisse, sur la possibilité de différenciation entre les différentes activités exercées par l’avocat (Kopp c. Suisse, Arrêt du 25 mars 1998, n° 23224/94, Recueil 1998-II). Recul aussi par rapport, à la protection accordée au secret professionnel dans le cas de visite domiciliaire ( même en présence du bâtonnier), qui a « pour but la découverte chez les requérants, en leur seule qualité d’avocats de la société soupçonnée de fraude, de documents susceptibles d’établir la fraude présumée de celle-ci, comme dans l’affaire André et autre c. France, qui avait été jugée enfreindre l’article 8. (André et autre c. France, no 18603/03 24 juillet 2008 précité § 46). Deux ans après, on est loin de la vaste protection accordée à un avocat portugais dont il n’a jamais été établi qu’il avait un dossier ou l’adresse d’un de ses clients dans sa résidence secondaire en France, dans l’affaire Xavier Da Silveira c. France. (Xavier Da Silveira c. France, arrêt du 21 janvier 2010, no 43757/05). Ainsi, la construction jurisprudentielle d’une protection européenne du secret professionnel de l’avocat peut-elle apparaître d’autant plus large qu’elle est purement théorique et s’estompe-t-elle dès lors que la violation se fait plus prégnante ou évidente, sans doute au nom du motif – peu sérieusement reprochable il est vrai – de la lutte contre le blanchiment. Néanmoins, la CEDH a déclaré la procédure française totalement satisfactoire. Ce faisant, la Cour de Strasbourg a aligné le contrôle européen sur le niveau de contrôle exercé par le Conseil d’Etat français. Ce qui pourrait conduire à considérer comme purement théorique ou doctrinale – mais très important pour le rapport de force entre les deux cours européennes - la discussion sur la notion de protection équivalente et le reproche larvé fait à la Haute juridiction française de ne pas avoir posé de question préjudicielle à la Cour de Luxembourg. Mais en réalité sous couvert d’alignement a minima, la Cour de Strasbourg va plus loin : elle a considéré que même en l’absence de toute commission de crime ou de délit, un avocat pouvait transférer à toutes fins, les éléments qu’il a reçus de son client, à la condition de les faire réaliser un filtrage par le Bâtonnier de son Ordre, (ou le Président des avocats à la Cour de Cassation). « Filtre », le mot est lâché. Car le rôle de transmission prévu par les textes est qualifié par l’arrêt de la Cour du 6 décembre 2012, de
pouvoir de « filtrage ». Et ce n’est que dès lors que le Bâtonnier a « filtré », qu’il n’y a pas de violation de l’article 8 de la convention.
Pouvoir de filtrage du Bâtonnier Mais, qu’en est-il de ce pouvoir de filtrage du Bâtonnier ? Les textes français sont relativement peu précis et c’est à cette aune qu’il faut envisager l’interprétation des conséquences de cet arrêt ambigu. Dans l’application française, l’article L. 561-26 II du Code Monétaire et Financier dispose seulement que l’avocat communique les pièces demandées ( ?) à son Bâtonnier qui les transmet [à son tour] à Tracfin, sauf dans l’hypothèse où il estime que cette procédure n’est pas respectée ». Et c’est là que la première impression se dissipe. La Cour ne s’y est pas trompée. Au contraire, elle s’est livrée à une subtile et fine analyse pour conclure que la loi française n’a pas érigé le bâtonnier en « petit télégraphiste » qui transmet ce qu’il doit distribuer. Elle a « mis en place un filtre protecteur du secret professionnel : les avocats ne communiquent pas directement les déclarations à Tracfin mais, selon le cas, au président de l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ou au bâtonnier de l’ordre auprès duquel ils sont inscrits… », qui, eux-mêmes, ne transmettent la déclaration de soupçon à Tracfin qu’après avoir rempli leur rôle de « filtre protecteur du secret professionnel ». Ainsi plutôt que d’annuler la Cour a choisi d’ajouter de façon prétorienne une condition de « filtrage » du secret professionnel par les chefs des Ordres avant transmission à la cellule de renseignement, condition qui si elle est respectée, rend compatible le dispositif français avec la Convention. Filtrer, dans l’ancienne physiologie, se disait des organes qui séparent une humeur de la masse du sang. C’est donc après avoir séparé tout ce qui relève du secret professionnel - que le Bâtonnier doit écarter, ou cancelliser, - que la déclaration pourra, le cas échéant, être transmise à la cellule de renseignement. Des questions demeurent : comment le bâtonnier va-t-il filtrer les soupçons qu’a pu concevoir son confrère de façon intuitive et objective ? Le Bâtonnier pourra-t-il procéder à une telle transmission sans une enquête approfondie, afin de ne pas engager sa responsabilité, pour avoir trop présumé des « soupçons » de son ou de ses confrères et notamment la vérification effective des indications fournies par lesdits confrères ?
D’aucuns le déploreront de l’efficacité de la méthode au regard du but recherché. D’autres, au contraire, verront dans le pouvoir de filtrage du Bâtonnier, un véritable droit de véto renforçant le droit pour le bâtonnier, de s’opposer à une transmission au service de renseignements, en ce qu’elle viole le secret professionnel. En ce sens, l’arrêt de la Cour de Strasbourg est important dans ses conséquences indirectes : il consacre bien un rôle de filtrage et un droit d’opposition du bâtonnier à la transmission de tout ou partie des données, qu’un avocat n’a en aucun cas le droit de réaliser par lui-même. C’est bien là, ce qu’avait toujours soutenu le Bâtonnier Charrière-Bournazel, actuel président du Conseil National des Barreaux, contre l’organisme Tracfin ! La profession d’avocat s’en réjouira peut être. Le service Tracfin, qui exhorte périodiquement les avocats à accomplir directement leur dénonciation auprès de lui, a donc sur ce point, perdu la bataille. Il ne peut y avoir de transmission qu’après le filtre du secret professionnel par le bâtonnier. Reste à savoir ce qu’il adviendra dans la pratique. Comment les Bâtonniers vont-ils user de leur droit de filtrage ? Il semble qu’ils n’aient pas accepté jusqu’à présent de se faire les auxiliaires d’un service de renseignements. Ils savent que l’enjeu est grave puisque les données qu’ils sont invités à transmettre, ont pour vocation à demeurer pendant de longues années inscrites dans les mémoires des divers services de renseignements auxquels elles sont transmises ou redistribuées par la cellule financière, ainsi que le démontrent les rapports annuels du service Tracfin. Beaucoup de Bâtonniers, dès lors qu’ils seront convaincus de la réalité et de la gravité des faits, préfèreront au demeurant, transmettre les informations les plus crédibles à leur interlocuteur naturel, le procureur de la république, qui dispose d’un service habile à les traiter dans le cadre des lois de la République, plutôt qu’à un service de renseignements agissant comme tête de pont et centre de redistribution au profit d’autres fichiers. Par ailleurs, il n’est pas interdit de penser que la profession d’avocat ne va pas manquer d’organiser des règles précises, codifiant et déterminant ce que doit être l’effectivité du pouvoir de filtrage du Bâtonnier. En ce sens, l’arrêt Michaud -dont nul n’ignore qu’il n’est pas encore définitif- n’a pas fini de faire parler de lui…
De surcroît, il est clair que le bâtonnier ayant un pouvoir de filtrage, ne devra en aucun cas, à peine d’engager sa responsabilité personnelle, révéler des éléments qui relèvent du secret professionnel, ou des données à caractère personnel : comme l’identité du client, nom du client, numéro de téléphone etc – qui sont cancellisées même dans les procédures fiscales concernant l’avocat -
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Chambre Nationale des Huissiers de justice Les 28èmes Journées de Paris : les huissiers de justice s’engagent dans la médiation Paris - 14 décembre 2012 C’est à nouveau à l’Hôtel Westin de Paris que le Président Jean-Daniel Lachkar recevait ses invités pour les 28èmes Journées de Paris, qui se sont déroulées les 13 et 14 décembre 2012, au premier rang desquels Christiane Taubira Garde des Sceaux. Ce fut l’occasion pour le Président de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice d’annoncer la création, début 2013, du Centre de Médiation des Huissiers de Justice, conformément aux dispositions du décret 2011.1173 du 23 septembre 2011 qui accorde la possibilité aux huissiers de justice d’e xercer, à titre accessoire, une activité de médiation conventionnelle et judiciaire. Il a également évoqué l’engagement de sa profession dans la modernisation de la justice, plus particulièrement dans la voie de l’e-justice : en effet depuis la loi du 22 décembre 2010 qui a posé les bases de la signification par voie électronique, Jean-Daniel Lachkar estime que la sécurité juridique et la sécurité des échanges ont considérablement progressé ; il ajoute, pour conclure, que la communication électronique, loin d’être un instrument de concurrence entre les professions juridiques, est bien davantage un facteur d’amélioration de l’efficacité de la justice et de l’accès au droit au profit des citoyens. Jean-René Tancrède
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Jean-Daniel Lachkar
Moderniser le service public de justice par Jean-Daniel Lachkar adame la Ministre, vous intervenez aujourd’hui devant une profession qui s’engage.
M
I. Une profession qui s’engage pour le bon fonctionnement du service public de la Justice.
Les officiers publics et ministériels que nous sommes font partie de ce Service public. Par les missions que l’Etat nous confie, notamment en matière de signification des actes judiciaires et d’exécution des titres exécutoires, nous ne bénéficions pas seulement d’une délégation d’autorité publique, nous participons pleinement à la bonne marche de la Justice. C’est donc naturellement que nous sommes engagés dans les efforts menés pour améliorer son fonctionnement. Cet engagement est déjà ancien, mais il est amplifié aujourd’hui par l’urgence du combat qui doit être mené. A - Ce combat est avant tout celui de l’amélioration de l’accès au droit. Nous considérons que la fracture juridique, ce décalage croissant entre nos concitoyens les plus faibles et le monde du droit, exige un investissement de la part de tous les acteurs publics. Cette démarche volontariste et éthique exige avant tout la réforme du mécanisme de l’aide juridique. Vous savez, Madame la Ministre, que les Huissiers de Justice ont été depuis son introduction, opposés pour des raisons de Justice sociale à la contribution particulière de
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35 € destinée à financer la présence accrue des Avocats lors de la garde à vue. Nous sommes heureux que d’autres professions nous aient rejoints dans cette opposition. Nous comprenons parfaitement ce qui a conduit à la création de cette contribution ; nous appelons toutefois à sa réforme, la réflexion sur de tels sujets devant être générale et non pas spéciale. Le Haut Conseil des professions du droit, à notre demande, a organisé une concertation entre les professions qui le composent, dans le but de vous aider à trouver une solution globale à une telle question. Nous considérons qu’elle ne peut être détachée de celle plus vaste de l’accès à la justice. Elle pourrait passer par la création d’un fond de solidarité pour l’aide juridique alimenté par des sources diversifiées. Un rapport vous sera remis prochainement. Nous savons que votre Ministère s’est déjà saisi rapidement de cette question essentielle. Nous souhaitons que la profession puisse participer pleinement à ces travaux. Mais l’accès au droit ne se résume pas uniquement à l’aide juridique. Les suites de la réforme de la carte judiciaire restent au cœur de nos préoccupations, au moment où nous craignons le développement en France de véritables « déserts judiciaires » comme nous connaissons aujourd’hui des « déserts médicaux ». Nous souhaitons assurer la pérennité et le développement de la présence de l’Huissier de Justice sur tout le territoire. Ce « maillage territorial » auquel nous sommes particulièrement attachés, mérite que des mesures spécifiques soient prises pour son maintien. Nous avons avancé nos premières propositions relatives à un soutien à l’installation de jeunes Huissiers de Justice dans des secteurs préalablement identifiés. Nous avons fait état de la disponibilité de la profession pour participer à cette réflexion, en y impliquant tous les services de la Chambre Nationale et plus particulièrement notre Caisse de Restructuration et notre Caisse des Prêts. Nous souhaitons toutefois que l’Etat nous accompagne dans ce combat essentiel pour nous, y compris en nous associant aux réflexions en cours sur la réforme de l’articulation des juridictions de première instance. Nous souhaitons la création d’un groupe de travail pour étudier la possibilité de mettre en place un dispositif d’accès au droit qui passerait par un renforcement de la présence des professions juridiques en milieu rural.
Mais nous ne saurions oublier qu’en période de crise, ce sont toujours les plus faibles qui se retrouvent les plus exposés. C’est pourquoi nous avons consacré notre dernier Congrès, qui s’est tenu à Nice, à lutte contre la fracture juridique. A l’issue de ses travaux, nous avons attiré l’attention du Gouvernement sur la nécessité de renforcer les instruments permettant de lutter contre les discriminations, y compris en matière civile et de protéger le droit des consommateurs notamment dans le cadre du recouvrement amiable, contre des pratiques agressives que l’on peut parfois y rencontrer. Nous sommes engagés dans une démarche éthique concernant ce recouvrement. Elle se traduira bientôt dans notre prochain règlement national des Huissiers de Justice relatif à nos usages et à notre déontologie. Nous comptons sur le soutien de votre Ministère, dans notre effort de moralisation de cette forme de recouvrement, bien au-delà de notre profession. Toujours pour favoriser l’accès des citoyens à la Justice, nous souhaitons que les professions juridiques soient étroitement associées aux travaux, annoncés, sur l’introduction d’une action de groupe en droit français. Il ne faudra pas en effet négliger les aspects relatifs à l’exécution forcée des décisions qui en seront issues. Nous sommes prêts à participer à la réflexion sur ce sujet. B- Le bon fonctionnement du service public de la Justice passe, bien évidemment, en ce qui concerne notre profession, par la solution de problèmes spécifiques qui fragilisent aujourd’hui les Huissiers de Justice. Je pense avant tout, vous le savez, Madame la Ministre, à la question de nos interventions dans le cadre du service pénal. Les Huissiers de Justice interviennent dans cette matière par les actes qu’ils signifient, à la demande de l’Etat, et par leur présence lors des audiences. Depuis de très nombreuses années, ces deux missions sont sources de graves difficultés et de déséquilibres économiques qui font qu’en grande partie le coût de ces services est supporté par notre profession alors qu’il devrait l’être par l’Etat. En ce qui concerne la présence des Huissiers de Justice aux audiences pénales, une convention cadre a été signée l’année dernière entre le Ministère de la Justice et la Chambre Nationale. Elle vise à limiter, dans le respect des dispositions légales, la présence des Huissiers de Justice aux audiences. Une revalorisation, permettant de compenser le déficit enregistré,
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et calculée en fonction d’une diminution de la présence aux audiences, nous avait été accordée. Un an après, force est de constater que les principes fixés dans cette convention cadre n’ont pas toujours été repris dans toutes les conventions signées localement. L’é quilibre espéré n’a donc pas pu être atteint totalement. A cette situation s’ajoute encore un retard de paiement très important. La question de la tarification pénale est tout aussi urgente. Il n’est pas nécessaire de rappeler le caractère indigent de cette tarification (inférieure à celle de l’Aide juridictionnelle). Elle fragilise considérablement aujourd’hui les études qui assurent ce service qui est pourtant essentiel pour le bon fonctionnement de la justice pénale. Pourtant, l’é volution des nouvelles technologies pourrait ouvrir des voies de communication plus rapides, efficaces et moins coûteuses. Sans une revalorisation de ce tarif, et sans une redéfinition plus globale du rôle de l’Huissier de Justice en matière pénale, nous ne pourrons plus assurer un tel service. Ce serait pour nous un aveu d’échec, car nous croyons fermement que notre présence est un gage de sécurité juridique pour les justiciables et un élément très important pour l’avenir de notre profession. Je sais que vous avez conscience de cette situation. Deux facteurs complémentaires viennent l’aggraver : d’un côté, les impayés et les retards de paiement dans le traitement de nos mémoires, qui atteignent des sommes très importantes ; de l’autre l’introduction, depuis deux ans, de ce que je qualifierais de « tracasseries administratives » liées à la transmission directe des dossiers depuis tous les parquets vers les huissiers de justice territorialement compétents. Alors que dans une situation antérieure seul le Procureur du ressort dans lequel exerce l’Huissier de Justice centralisait les demandes de tous les Parquets. Mes consœurs et confrères n’avaient donc qu’un seul interlocuteur tant pour la réception des dossiers que pour les retours et les mémoires. Nous connaissons les difficultés que rencontre aujourd’hui l’Etat dans la gestion de la crise économique. Nous sommes prêts à participer à cette réflexion globale nécessaire sur un sujet de cette importance. Cependant, des mesures immédiates nous semblent devoir être prises. La première : que les Huissiers de Justice soient réglés pour les diligences qu’ils accomplissement sans attendre des mois voire des années. La seconde : que l’on mette fin à ces tracasseries administratives, par le retour à la situation antérieure au décret n°2010-1634 du 23 décembre 2010. Vous l’avez compris, Madame la Ministre, nous demandons au Gouvernement de nous donner les moyens de continuer à assurer cette mission de service public, sans supporter comme nous le faisons les conséquences financières de cette situation. J’attire également votre attention sur les deux derniers décrets, toujours en attente, qui doivent être pris en application des nouvelles dispositions introduites par la loi du 22 décembre 2010, dite loi « Béteille ». Le premier est le décret relatif à l’accès des Huissiers de Justice aux parties communes des immeubles pour l’exercice de nos missions de signification et d’exécution.
Astrid Desagneaux, Christiane Taubira, Patrick Sannino, Jean-Daniel Lachkar et Patrick Safar Le second est celui relatif à l’accès aux informations détenues par des administrations, accès qui devrait être aujourd’hui simplifié en vertu des nouveaux textes législatifs. Dans les deux cas, l’absence de décret d’application rend ses dispositions, pourtant adoptées il y a deux ans par le législateur, d’application très difficile voire impossible. L’insécurité juridique qui en découle est un frein objectif à notre capacité de mener à bien des missions qui pourtant nous ont été confiées par la loi en matière de signification et d’exécution. Nous souhaitons que ces textes puissent voir rapidement le jour. Depuis quelques mois, dans certains projets de décrets, notamment ceux relatif à la réforme de la procédure de saisie des rémunérations et de la procédure d’injonction de payer, la signification prévue dans les textes antérieurs pour l’envoi de certains documents par le greffe est remplacée par une simple notification. Sur ce point également, nous voulons attirer votre attention notamment sur les conséquences pour la sécurité juridique nécessaire à ces transmissions qui impactent également notre périmètre d’activité.
II. Les huissiers de justice sont également une profession qui s’engage dans la modernisation de la Justice, et notamment dans la voie de l’e-justice. Depuis deux ans, en particulier, depuis l’adoption de la loi du 22 décembre 2010, qui a posé les bases de la signification par voie électronique, nous avons décidé de faire de l’Ejustice l’une de nos priorités. Vous connaissez les efforts importants que la Chambre Nationale a dû fournir en peu de temps : - la création d’un réseau privé sécurisé (RPSH) destiné à dialoguer avec les autres réseaux (comme le RPVJ - celui des juridictions - et le RPVA - celui des avocats) et à garantir un périmètre sécurisé dans nos échanges électroniques ; ce réseau est aujourd’hui déployé dans toutes les études ; - la création d’un plateforme « E-huissier » à laquelle peut se connecter, selon les exigences de sécurité, le personnel des études ou, uniquement les Huissiers de Justice ; - le lancement, grâce à une convention signée l’année dernière avec le Ministère de la Justice, d’une expérimentation au sein de deux
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Tribunaux de Grande Instance pilote (Valence, qui vient de terminer la phase d’expérimentation et Paris, qui vient de la commencer) notamment pour vérifier les modalités d’é changes avec les Tribunaux d’Instance et les Juges de l’exécution ; - enfin, une nouvelle plateforme destinées à la signification des actes du Palais (Epalais). Toutes ces avancées, je tiens à le souligner, n’auraient pas été possibles sans le soutien constant de tous les services du Ministère de la Justice. Vous avez vous-même signé, le 28 août dernier, l’arrêté technique qui a permis la mise en oeuvre de la signification par voie électronique. Cet acte concret et symbolique à la fois témoigne de la volonté permanente de vos services, que nous avons ressentis tout au long de ce dossier complexe, de déployer les meilleures solutions techniques pour faire progresser la sécurité juridique en même temps que la sécurité technique des échanges. Nous espérons que vous pourrez signer bientôt l’arrêté technique qui permettra aux Huissiers de Justice de communiquer exclusivement par voie électronique aux greffes des juridictions d’instance les requêtes en injonction de payer. Ce processus permettra de libérer les greffes des tâches matérielles concernant ces procédures. Ainsi la dématérialisation que vous avez voulue prendra une forme concrète, au bénéfice de la Justice et du justiciable. Je tiens à vous remercier pour votre soutien et vous confirmer que les Huissiers de Justice ne voient pas la communication électronique comme un instrument de concurrence entre les professions juridiques. C’est tout le contraire, c’est un défi que nous devons collectivement relever, pour que l’E-justice soit à la fois un facteur d’amélioration de l’efficacité de la Justice et d’accès au droit au profit du citoyen : - un facteur facilitateur de l’accès au droit, par la possibilité de multiplier les moyens de communication entre les justiciables et les acteurs du droit ; - un facteur de sécurité, si l’-E-justice est fondée sur l’intervention de professionnels du droit et leur contrôle et non pas sur une confiance aveugle dans la technologie ; - un facteur d’amélioration de l’efficacité de la justice ; - enfin, et surtout, un facteur de transformation des concepts procéduraux, qui doivent trouver une nouvelle définition dans la justice en ligne. J’irais même plus loin, les réflexions sur la justice en ligne préfigurent la Justice de demain.
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Christiane Taubira, Jean-Daniel Lachkar et Patrick Sannino (au premier plan) Madame la Ministre, je dois faire un aveu dont je suis fier. Les Huissiers de Justice sont sans doute la profession pour laquelle le défi de la dématérialisation a été le plus spectaculaire. Le passage de la culture papier à celle électronique est pour nous une révolution à la fois culturelle et pratique. Nous avons décidé de relever ce défi puisque nous sommes conscients que la justice en ligne aura besoin, encore plus que dans le passé, de professionnels du droit garants de la sécurité des actes, dignes de confiance juridique. Notre force réside dans notre grande faculté d’adaptation, dans la souplesse, la rapidité et la simplicité des systèmes techniques que nous avons mis en place et qui répondent à la nécessité actuelle de la justice et au fonctionnement des juridictions. Mais nous en avons fait et nous en faisons tous les jours la démonstration. Vous pouvez donc compter sur tous les efforts que notre profession fera pour accompagner le processus de dématérialisation engagée par la Justice en France, et dans l’Europe des 27 où nous sommes des initiateurs et ce sur le plan civil, commercial et pénal. Nous sommes prêts, nous vous l’avons dit, à aider le passage à la dématérialisation de la procédure d’appel, prévue à partir du 1er janvier 2013. Nous sommes également prêts à toute réflexion sur la dématérialisation de la chaîne pénale, incluant les huissiers de justice, qui permettrait d’aider à la solution de certaines des difficultés que je viens d’évoquer concernant le service pénal. Nous demandons que la communication électronique la plus large possible soit accessible aux Huissiers de Justice au même titre qu’aux autres professions du droit, selon les principes prévus par le code de procédure civile.
III. Les Huissiers de Justice sont encore, et ces Journées le montrent, une profession qui s’engage dans les modes alternatifs, et amiables, de résolution des différends Nous avons choisi de placer ces 28èmes journées de Paris sous le signe de la Médiation. Nous pensons en effet que les professions juridiques et les officiers publics et ministériels en
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particulier ont un rôle à jouer dans le développement de cette « justice alternative » qui n’est en rien contraire à la Justice rendue quotidiennement dans les Tribunaux, mais qui peut permettre de parvenir, dans certains cas, à des solutions partagées par les parties. A mon sens, il s’agit d’une Justice alternative à laquelle il est souhaitable de donner son autonomie. Le décret de septembre 2011 a confié aux Huissiers de Justice la possibilité d’exercer l’activité accessoire de médiation judiciaire et volontaire. Nous pensons que forts de leur présence sur tout le territoire et de leur expérience quotidienne de dialogue avec les parties, ils présentent des atouts importants dans le développement de ce mode de règlement alternatif des conflits. Nous avons donc décidé de nous engager dans ce nouveau défi. Pour accompagner cet engagement, nous avons présenté hier notre projet de Centre de médiation des Huissiers de Justice, qui ouvrira ses portes dans quelques mois, et qui accueillera les Huissiers de Justice médiateurs. Nous souhaitons que ce Centre puisse promouvoir la médiation par les Huissiers de Justice dans les nombreux conflits du quotidien dans lesquels nous intervenons régulièrement et accompagner le développement de notre expérience dans ce nouveau secteur. Nous souhaitons que ce Centre permette de véhiculer deux aspects à nos yeux essentiels pour la médiation : la compétence des médiateurs et la promotion des meilleures pratiques déontologiques. Nous aurons besoin du soutien de vos services et de tous les partenaires du Ministère de la Justice pour atteindre ce double objectif.
IV. Enfin, notre profession s’engage pour la promotion de nos principes en matière de sécurité dans l’exécution des décisions de Justice tant sur le plan européen qu’international. Cet engagement passe par la promotion de ses principes de Justice au-delà de nos frontières. Nous avons donc décidé depuis trois ans, de développer une démarche résolument européenne. Nous avons multiplié nos projets
en réponses à des appels à proposition de la Commission européenne (trois ont été financés, en matière d’accès au droit, d’e-justice et de formation). Nous avons également décidé de participer à la création de la Chambre Européenne des Huissiers de Justice. Cette nouvelle institution représentative de la profession rejoint ses homologues créés depuis plusieurs dizaines d’années par les Avocats et les Notaires. Elle souhaite accompagner la consolidation de l’espace européen de justice par une action concrète aux côtés de toutes les institutions de l’Union Européenne. Nous vous remercions du soutien que votre Conseiller diplomatique a exprimé, en votre nom, lors de notre conférence de lancement, qui s’est déroulée le 25 septembre dernier, au Parlement, à Bruxelles. Permettez-moi également de vous remercier pour le soutien apporté par le gouvernement français, aux côtés des autres Gouvernements nationaux, à la Chambre Européenne des Huissiers de Justice tant au cours des travaux menés au sein du groupe de travail E-justice du Conseil que lors du dernier Conseil Justice et Affaires Intérieures, des 6 et 7 décembre dernier, où ont été adoptés l’ensemble du document « e-justice » et son complément relatif à la Chambre Européenne des Huissiers de justice. De ce fait, cette dernière réunion a acté le principe de l’intégration future de l’annuaire européen des Huissiers de Justice, porté par la Chambre Européenne, dans le portail E-justice de la Commission. Soulignons enfin que le document adopté a également invité tous les pays européens à prendre part à ce projet d’annuaire. Si l’objectif européen est une priorité, la défense de nos principes se poursuit bien au-delà des frontières européennes. Nous sommes conscients que l’implication des professions est un atout indispensable de la promotion de notre système juridique en même temps qu’un outil diplomatique, au moment où les systèmes juridiques deviennent eux-mêmes instruments d’influence économique. Pour cette raison, la Chambre Nationale est présente dans toutes les actions menées par les différents acteurs chargés de la promotion de nos principes juridiques ou de la gestion de projets présentés par la France dans le cadre de la diplomatie économique. Dans la période de crise que nous traversons, les principes juridiques sur lesquels se fonde notre système (le droit écrit, la prévisibilité de la norme, un système probatoire efficace, des professions juridiques complémentaires chargées de le faire vivre) nous semblent autant d’arguments importants dans le défi mondial qui nous attend, et que nous devons relever avec pragmatisme et efficacité. Là encore, nous comptons sur votre soutien et nous vous apportons le nôtre. Vous le voyez, Madame la Ministre, la profession d’Huissier de Justice est une profession qui s’engage, aux côtés de l’Etat, dans la période de crise que nous traversons. Elle le fait avec la conscience que cette crise exige de tous les acteurs publics des efforts pour que notre économie et notre société en sortent renforcés. Elle le fait au service du justiciable et du citoyen, parce que telle est sa mission, et parce qu’elle sait que vous faites confiance à vos Officiers Publics et Ministériels. 2012-888
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